Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arnoldus


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ARNOLDUS (Nicolas), professeur en théologie à Franeker, naquit à Lesna, ville de Pologne, le 17 de décembre 1618. Sa mère se trouvant veuve, lorsqu’il n’avait que trois ans, prit tout le soin imaginable de l’élever, et le consacra aux lettres. Il fit ses humanités dans le collége de Lesna, entre autres régens, sous Coménius, qui dictait alors à ses écoliers son Janua linguarum. Il fut créé acolythe [a] au synode d’Ostrorog, à l’âge de quinze ans : et en cette qualité, il accompagna Orminius [b] pendant deux années dans la visite des églises de Pologne ; après quoi, il fut envoyé à Dantzick, l’an 1635, et s’y appliqua à l’étude de l’éloquence et de la philosophie. Il éprouva quelquefois la mauvaise humeur de Jean Botsac, qui était fâché qu’un jeune homme de tant d’espérance fût calviniste. Il retourna en Pologne, l’an 1638, et cultiva la théologie sermonaire sous la direction d’Orminius ; et un an après, il fut envoyé en Podolie, pour y être recteur de l’école de Jablonow. Ayant exercé cette charge pendant trois mois, il fit les fonctions de ministre deux ans de suite chez un grand seigneur [c]. Comme on remarqua que ses talens pourraient être d’une grande utilité à l’Église, on jugea qu’il fallait lui donner les occasions de les cultiver dans les académies les plus fameuses. Il commença ses voyages l’an 1641. Il vint d’abord à Franeker, et y fit de grands progrès sous Maccovius son compatriote, et sous Cocceius. Il fut aux académies de Groningue, de Leyde et d’Utrecht, l’an 1643, et retourna bientôt à Franeker, et s’appliqua à l’étude du français et de l’anglais. Il fit un voyage en Angleterre l’année suivante ; et ne pouvant aller à Oxford à cause que tous les chemins étaient occupés par les troupes du roi, ou par celles du parlement, il fut à pied à Cambridge ; mais il ne put y entendre aucune leçon de théologie : tous les professeurs étaient sous la détention, dans le collége de la Trinité. Étant de retour à Franeker, il s’attacha à prêcher, même en flamand, et fit tellement goûter ses sermons, qu’afin de le retenir en Frise, on lui dissuada d’aller revoir la Pologne. Il fut jugé très-capable du ministère par la classe de Franeker, qui l’examina, et les louanges qui lui furent données déterminèrent aisément une demoiselle du pays à l’épouser (A). Il se maria avec elle l’an 1645, et peu après il fut appelé par l’église de Beetgum. Il la servit fidèlement et constamment jusqu’en l’année 1651, sans prêter l’oreille aux vocations qui lui furent adressées par d’autres églises ; mais cette année-là, il se rendit aux instances des États de Frise, qui le choisirent pour succéder à Cocceius dans la charge de professeur en théologie à Franeker [d]. Il s’acquitta de cette charge avec beaucoup de capacité jusqu’à sa mort, qui arriva le 15 d’octobre 1680, après une longue maladie, où il donna beaucoup de marques de sa piété et de sa résignation aux ordres d’en haut [e]. Je parlerai de quelques voyages qu’il fit depuis sa promotion au professorat en théologie (B) ; et je n’oublierai pas les livres qu’il a donnés au public (C).

  1. Les églises réformées de Bohême avaient retenu cette partie de l’ancienne discipline.
  2. Surintendant des églises de la Grande Pologne.
  3. Johannes de Potok-Potocki, succamerarius terræ Haliciensis.
  4. Cocceius avait été appelé par l’académie de Leyde.
  5. Tiré de son Oraison funèbre, prononcée le 22 d’octobre 1680, par M. Marck, professeur alors en théologie à Franeker, et depuis à Groningue et à Leyde.

(A) Les louanges qu’on lui donna déterminèrent aisément une demoiselle... à l’épouser. ] C’est ce que nous apprend l’auteur de son oraison funèbre. Fecit paulò post, dit-il [1], tanta omnium laus, ut nobilissima in Frisiis virgo remigia à Nitzen facilis in conjugales ejus rueret amplexus, anno 1645. Cette demoiselle fut louable de préférer aux richesses la belle réputation et le mérite. On a d’autres exemples d’un choix de cette nature, car il est certain que plusieurs ministres, soutenus du seul éclat de leur éloquence ou de leur savoir, sont parvenus à des mariages lucratifs, et d’autre côté bien avantageux par le rang de la famille où ils prenaient une épouse. À quoi pouvait aussi contribuer l’espérance très-plausible, que de tels sujets seraient élevés tôt ou tard aux chaires de distinction, aux chaires considérables par les gages annuels. Quoi qu’il en soit, l’épouse de notre Arnoldus mérite d’être louée. Elle mourut au commencement de l’année 1652, et ne laissa point d’enfans. Il se remaria l’an 1653 à la veuve d’un avocat de Leeuwarden, nommée Anne Pybinga, fille d’un bourgmestre de Franeker, laquelle lui donna neuf enfans, cinq fils [2] et quatre filles, et lui survécut. Il n’y avait en vie que trois fils et une fille lorsqu’il mourut [3].

(B) Il a fait quelques voyages depuis sa promotion au professorat en théologie. ] Il alla voir ses parens à Lesna, l’an 1652, et passa un mois agréablement chez son oncle maternel Martin Gertichius, ministre du lieu, et célèbre par divers ouvrages. Il fit un autre voyage, l’an 1656, à la suite des quatre ambassadeurs extraordinaires que les États-Généraux envoyèrent au roi de Suède et au roi de Pologne. Leurs excellences voulurent l’avoir pour prédicateur, et furent très-satisfaites des sermons qu’il prononça en flamand, ou en allemand, ou en polonais, selon les rencontres. Ce voyage dura deux ans. Arnoldus se fit beaucoup estimer pendant ce temps-là, par le chancelier de Pologne Étienne Corycinski, par le grand-maréchal de Suède Jean Oxenstiern, par le général des troupes Douglas, et par l’électeur de Brandebourg, qui lui offrit la place de prédicateur aulique. Il fut député à Heidelberg l’an 1666, pour engager M. Spanheim à accepter une profession en théologie dans l’académie de Franeker, et il revint sans avoir obtenu cela.

(C) Je n’oublierai pas les livres qu’il a donnés au public. ] Je ne dirai rien de la diligence avec laquelle il rassembla et mit en ordre les ouvrages de Maccovius, qu’il fit mettre sous la presse, ni de la version, qu’il composa et qu’il publia, d’un livre anglais de Jérémie Dykius [4] ; mais je coterai sa Réfutation du Catéchisme des sociniens, son Anti-Bidellus, son Anti-Echardus, son Livre contre Brevingius, son Apologie pour Amesius contre Erbermann défenseur de Bellarmin, ses Disputes théologiques sur des matières choisies, son Commentaire sur l’Épître aux Hébreux, son Lux in tenebris, et ce qu’il a publié contre Jean Amos Comenius. Lisez, touchant ces ouvrages-là, ce passage de son Oraison funèbre : Quis est qui non... prædicet Raccovianæ Catecheseos, in quâ religionis dicam an impietatis socinianæ plenissimum est compendium, curatissimam refutationem, quæ supra fidem impiis seductoribus molesta, doctis grata est ? Cujus non laudem meretur tum Anti. Bidellus, quo pneumatomachi furorem, et fatuam Comenii [5] lucem extinxit ; tum Anti-Echardus, cujus conquisitum et malè colligatum fasciculum ità dissolvit, ut dissolutarum scoparum hactenùs retinuerit nomen ? Imò quem non in mille detorsionum tenebris ineffabiliter delectat doctissimarum illa vindiciarum lux, quam publico toties recusam dedit, et cujus ope tuta ecclesia errorum evitat devia ? Sed ne in hoc quidem labore acquiescere potuit qui in ecclesiæ voluit consumi bonum. Brevingii ab eo tempore feliciter demolitus est tribunal, Erbermannum Bellarmino adversùs Amesium suppetias ferentem confondit, etc. [6]. Voilà quelques Anti qui ne sont point dans la liste de M. Baillet.

  1. Merckius, in Orat. funebri N. Arnoldi, pag. 28.
  2. Le 2e. et le 3e. étaient jumeaux. Voyez le Programme du recteur de l’académie. Il est imprimé au devant de l’Oraison funèbre.
  3. Tiré de ce Programme, et de l’Oraison funèbre.
  4. Dykii Translata Eucharistica. Marckius, in Orat. funeb. Arnoldi, pag. 35.
  5. Je cite un écrit d’Arnoldus contre Comenius dans les remarques (D), (I), etc. de l’article Comenius.
  6. Marckius, in Orat. funeb. Arnoldi., pag. 35.

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