Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Andlo


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ANDLO (Petrus ab), nom supposé, sous lequel un cartésien se cacha, pour écrire contre la dissertation de Abusu philosophiæ cartesianæ surrepente et vitando in rebus theologicis et fidei. M. Des Marets, professeur en théologie à Groningue, auteur de cette dissertation, l’avait publiée en 1670, pour représenter aux églises protestantes les grands maux qu’on avait à craindre, si l’on souffrait que les opinions de M. Descartes passassent des écoles de philosophie en celles de théologie. Quelques mois après, on vit paraître un écrit, intitulé Petri ab Andlo, Batavi, Specimen confutationis dissertationis de abusu philosophiæ cartesianæ, etc. Jamais réfutation ne fut écrite d’un style plus violent : M. Des Marets y fut traité de la plus désobligeante manière du monde. Il ne demeura pas en reste : son apologie parut bientôt, intitulée Vindiciæ dissertationis de abusu philosophiæ cartesianæ, où il n’y eut sorte d’injures qu’il ne déchargeât sur la tête de son ennemi. Il le traita de très-impudent socinien, de spinoziste, d’impie, de non-chrétien, d’athée. Petrus ab Andlo publia fort promptement sa réplique, intitulée Animadversiones ad vindicias dissertationis quam Samuel Maresius edidit de abusu philosophiæ cartesianæ. S’il avait été emporté dans sa première dissertation, il le fut encore plus dans la seconde ; mêlant néanmoins, comme la première fois, plusieurs goguenarderies parmi les traits de sa colère. Il nia fortement qu’il connût Spinoza, qu’il l’eût jamais vu, ni qu’il approuvât ses sentimens [a]. M. Des Marets reçut un second écrit de Petrus ab Andlo le 19 décembre 1670, et le réfuta avec tant de promptitude que sa duplique fut achevée le 3 de janvier suivant [b]. Elle est intitulée Samuelis Maresii Clypeus orthodoxiæ, sive vindiciarum suarum priorum pro suâ dissertatione de abusu philosophiæ cartesianæ.... vindiciæ posteriores, etc. L’auteur déclara qu’il n’écrirait plus contre cet homme de néant (A) ; mais qu’il serait toujours prêt d’entrer en lice pour la vérité avec un adversaire savant et honnête, qui n’aurait point honte de se nommer. Il tint sa parole ; car il laissa sans repartie le troisième écrit de Petrus ab Andlo, intitulé Specimina Bombomachiæ Samuelis Maresii se defendentis clypeo orthodoxiæ, ceu vindiciis vindiciarum dissertationis de abusu philosophiæ cartesianæ. Ainsi finit une dispute qui vérifia le proverbe, nullum violentum durabile, d’ailleurs faux assez souvent dans les guerres d’érudition (B). M. Des Marets ne put jamais déterrer le véritable nom de son adversaire (C). Il parut en 1673 un petit livre in-4o., intitulé Danielis ab Andlo, Petri filii, Κατήγορος ἀδελφῶν ἐλεγχόμενος, sive ad clarissimi theologi Samuelis Maresii Tractatum brevem de studio theologico Notæ breves.

Notez qu’il y a un vrai Andlo parmi les auteurs [c]. Il était d’Alsace, docteur en droit canonique, et chanoine de Colmar [d]. Les deux livres qu’il composa de Imperio romano, Regis et Augusti inauguratione, etc., deque Officio et Potestate electorum, etc., furent publiés à Strasbourg, avec des notes, l’an 1603, par Marquard Freher [* 1].

  1. * Cet Andlo fut, dit la Biographie universelle, recteur de l’université de Bâle en 1471. La bibliothéque de Bâle conserve quelques-uns de ses manuscrits. Son traité de Imperio, etc., a été réimprimé en 1612, in-4o.
  1. Spinozam non novit Petrus, nec vidit, nec audivit, nec absurda ejus dogmata probat. Animadvers. ad Vindicias, pag. 7.
  2. Vindic. Vindiciarum Dissertat. sub fin.
  3. Petrus de Andlo.
  4. Mich. Hertzius, Biblioth. Germ., num. 224.

(A) Des Marets déclara qu’il n’écrirait plus contre cet homme de néant. ] Le terme dont il se sert est le même que celui que l’Écriture emploie contre les dieux des Gentils, en les nommant des dieux de fiente. Animo non ulterius hanc serram cum hoc stercoreo homine reciprocandi [1]. In antecessum me protestari nihil ampliùs mihi futurum negotii cum hoc hominis sterquilinio et infami nebulone quem pudet suî ipsius [2].

(B) Le proverbe Nullum violentum durabile est faux assez souvent dans les guerres d’érudition. ] Nous n’irons pas loin sans trouver un exemple de ce que je dis. Les querelles de M. Des Marets et de M. Voëtius furent extrêmement violentes, et durèrent près de trente ans, tout autant que la guerre d’Allemagne, qui finit à la paix de Munster.

(C) Des Marets ne put jamais déterrer son vrai nom. ] Il y employa inutilement ses conjectures, et les recherches de ses amis ; de sorte que, se lassant d’une chasse si infructueuse, il prit le parti de laisser son adversaire sous le masque. Quis sit ille larvatus Petrus ab Andlo, Batavus... ut nec hactenùs conjecturâ assequi, nec amicorum diligentiâ rescire potui ; ità nolo ampliùs inquirere. Voilà comme il parle au commencement de son Clypeus orthodoxiæ. Ses amis, répandus partout, et faisant envers lui les bons valets avec plus de zèle que de discernement, comme il arrive presque toujours à ceux qui passent pour le fléau des novateurs, lui firent accroire qu’il y avait en Zélande un ministre nommé Petrus ab Andlo, marié à la fille de Coccéius. Il publia cette nouvelle à telle fin que de raison ; mais ayant su que le gendre de Coccéius s’appelait Anselaer, il lui fit faire ses excuses : Apud R. D. Anselaer curavi me honestè excusari quòd id mihi excidisset ex relatione honesti cujusdam R. viri, etiam in Cartesianismum.….. pronioris, cui non erat cur ultrò asserenti fidem detrectarem [3]. Il dit quelque part que le bruit courait que trois personnes avaient travaillé à la défense de Wittichius, et qu’ils avaient publié leur travail sous le feint nom de Petrus ab Andlo [4]. Nous verrons si M. Placcius ou M. Baillet seront plus heureux que moi à démasquer ce pseudonyme, que je crois être Regnier de Mansvelt, professeur en philosophie à Utrecht [* 1].

  1. * Dans Placcius (n°. 166, a) on rapporte les propres paroles de Bayle, sans indiquer l’auteur de l’ouvrage dont il s’agit ici.
  1. Mares. Vindic. Vindiciaram Dissertat. sub fin.
  2. Idem, in Judico de Theologiâ Pacificâ Wittichii, sub fin.
  3. Vindic. Vindiciarum, pag. 6.
  4. In Judicio de Theologiâ Pacificâ Wittichii.

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