Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Alypius 1


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ALYPIUS, d’Antioche, vivait sous l’empire de Julien l’Apostat. Il avait déjà commandé dans l’Angleterre, lorsque ce prince eut la fantaisie de faire rebâtir le temple de Jérusalem, et le préposa à ce travail. Alypius hâtait l’ouvrage avec une grande force, et se trouvait secondé par le gouverneur de la province[a]. Il fallut néanmoins qu’il abandonnât l’entreprise ; les feux qui sortaient de dessous la terre rendirent le lieu impraticable. Huit ans après il se trouva enveloppé dans l’horrible persécution qui fit périr une infinité de personnes, et qui fut excitée au commencement contre ceux qui avaient cherché par la magie quel serait le successeur de Valens. Quand ceux qui reçurent la commission d’informer contre les coupables eurent mis les choses en train, on ne vit que personnes accusées et tout aussitôt condamnées et punies. Alypius, qui s’était réduit à une vie privée pour y jouir des agrémens du repos, y fut attaqué par des délateurs. On l’accusa d’empoisonnement[b]. Il fut banni : tous ses biens furent confisqués. Son fils Hiéroclès, condamné à mort pour la même accusation, fut sauvé heureusement lorsqu’on le menait au supplice [c]. La nouvelle de cette heureuse rencontre adoucit l’affliction d’Alypius dans son exil. Il y a beaucoup d’apparence que l’auteur d’un ouvrage de géographie qui plut beaucoup à Julien l’Apostat, ne diffère point de notre Alypius (A) ; mais je ne crois point que cet ouvrage soit la Description du vieux monde que Jacques Godefroi a traduite de grec en latin (B). Je ne connais pas bien cet Alypius qui fit un Traité de Musique intitulé Εἰσαγωγὴ μουσικὴ, Introductio musica, dont Cassiodore parle. Meursius est le premier qui l’a publié en grec[d]. M. Hofman eût mieux fait d’oublier entièrement cet article (C). Voyez ses fautes dans la première édition de mon dictionnaire[e].

  1. Voyez la remarque (A).
  2. Voyez la remarque (A).
  3. Voyez comment, dans l’article d’Hiéroclès.
  4. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 94.
  5. On a cru qu’on ferait mieux de les remettre ci-dessous dans la remarque (C).

(A) L’auteur d’une Géographie, qui plut à Julien l’Apostat, ne diffère point de notre Alypius. ] Cet auteur vivait sous Julien l’Apostat. On a deux lettres que ce prince lui écrivit, qui témoignent qu’Alypius était frère de Césarius, et qu’il exerçait une charge considérable[1]. Ce dernier caractère convient admirablement à Alypius d’Antioche qui, après avoir été lieutenant de gouverneur en Angleterre, fut envoyé dans la Judée, pour y avoir l’intendance de la construction du temple. Ammien Marcellin nous apprend toutes ces choses : Ambitiosum quondàm apud Hierosolymam templum.... instaurare sumptibus cogitabat immodicis : negotiumque maturandum Alypio dederat Antiochensi, qui olìm Britannias curaverat pro præfectis. Cùm itaque rei idem fortiter instaret Alypius, juvaretque provinciæ rector, metuendi globi flammarum prope fundamenta crebris assultibus erumpentes fecêre locum exustis aliquoties operantibus inaccessum[2]. Voici comme il parle dans le XXIXe. livre : Ecce autem Alypius quoque ex vicario Britanniarum, placiditatis homo jocundæ, post otiosam et repositam vitam (quoniam huc usque injustitia tetenderat manus) in squalore maximo volutatus ut veneficii reus citatus est cum Hierocle filio [3].

(B) Je ne crois pas que cette Géographie soit la Description du vieux monde, que Jacques Godefroi a traduite de grec en latin. ] Cette Description est un ouvrage anonyme, composé sous les empereurs Constantius et Constans. On en avait une ancienne traduction latine fort barbare, que Saumaise communiqua au docte Jacques Godefroi. Celui-ci la fit sortir de dessous la presse, avec le texte grec, et avec une nouvelle version accompagnée de notes[4]. Vossius ne s’éloigne pas de croire que l’auteur de cette Description est le même Alypius qui envoya à Julien l’Apostat un ouvrage de géographie : mais, si cela est, ajoute-t-il, il faut dire, selon la remarque de Jacques Godefroi, qu’Alypius la compose avant que de commander en Angleterre ; car on n’y parle de cette île que sur la foi d’autrui : « Britannia, provincia, sicut qui fuerunt narrant, valdè maxima. » Pour moi, je conclurais volontiers de ce passage, qu’Alypius n’a point fait cette Description ; voici sur quoi je me fonde : Il avait été lieutenant en Angleterre depuis long-temps, lorsque Julien lui donna la commission de faire bâtir le temple de Jérusalem : Negotiumque maturandum Alypio dederat Antiochensi, qui olim Britannias curaverat pro præfectis[5]. Il envoya sa Géographie à cet empereur, pendant qu’il commandait sous lui dans quelque province. Il était donc en état de parler de l’Angleterre comme témoin oculaire. Il n’est donc point l’auteur de la Description du vieux monde, dans laquelle on ne parle de cette île que sur la foi de ceux qui y avaient voyagé. Qu’on ne me dise point qu’il a fait deux livres, l’un avant que d’aller en Angleterre, l’autre sous Julien l’Apostat ; et que le premier est la Description publiée par Godefroi : car il y a beaucoup d’apparence que s’il eût fait cette Description, il l’eût insérée dans l’ouvrage qu’il envoya à Julien ; et qu’ainsi, l’on ne se fût plus soucié du premier ouvrage. Il se serait donc perdu, et l’on n’aurait pas aujourd’hui le livre que Godefroi a traduit et orné de notes. Au reste, nous apprenons de Julien, qu’Alypius était poëte : Ἔχει γὰρ, dit-il[6], καὶ τὰ διαγράμματα τῶν πρόσθεν βέλτιον, καὶ κατεμοῦσωσας αὐτὸ προσθεὶς τοὺς ὶάμϐους. Sunt enim in eâ (tabulâ) tum descriptiones prioribus meliores, tum iambi quibus eam exornâsti. Il approuve ensuite la manière dont Alypius traitait les peuples, et le loue de se servir tantôt de douceur, et tantôt de fermeté. Περὶ δὲ τὴν διοίκησιν τῶν πραγμάτων, ὅτι δραςηρίως ἅμα καὶ πράως ἅπαντα περαίνειν προθυμῆ συνηδόμεθα, μίξαι γὰρ πρᾳότητα καὶ σωϕροσύνην ἀνδρεία καὶ ῥώμῃ, καὶ τῇ μὲν χρῆσθαι πρὸς τοῦς ἐπιεικες άτους, τῇ δὲ ἐπὶ τῶν πονηρῶν ἀπαραιτήτος πρὸς ἐπανόρθωσιν οὐ μικρᾶς ἐςὶ ϕύσεως, οὐδ᾽ ἀρετῆς ἔργον. De reipublicæ autem administratione quòd diligenter et humaniter transigere omnia studes gratum est. Et enim lenitatem ac moderationem cum fortitudine et robore ità temperare ut illâ erga bonos viros utare, hanc ad pravos severè corrigendos adhibeas, non mediocris ingenii ac virtutis est.

(C) M. Hofman eût mieux fait d’oublier entièrement cet article. ] 1°. En premier lieu, il écrit Alipius ; 2°. il dit qu’Alipius d’Antioche est l’auteur de la Description du vieux monde ; 3°. que cette Description fut publiée en latin, sous Constantius et Constans ; 4°. qu’il y a un autre Alipius d’Antioche, qui a composé quelque Traité de Géographie ; 5°. que c’est Ammien Marcellin qui l’assure. M. Hofman ne dit que cela : il tombe donc dans plusieurs fautes d’omission ; mais le pis est que le peu qu’il dit est tout plein de fautes de commission.

  1. Voyez la remarque (B).
  2. Amm. Marcellin., lib. XXIII, cap. I, pag. 350, ad ann. 363.
  3. Idem, lib. XXIX, cap. I, pag. 556, ad ann. 371.
  4. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 248.
  5. Amm. Marcellin., lib. XXIIII, cap. I.
  6. Juliani Epistola XXX.

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