Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Agésipolis


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AGÉSIPOLIS, premier du nom, roi de Lacédémone, succéda à Pausanias son père, qui s’était réfugié dans un temple[a] dès qu’il avait su qu’on désapprouvait la conduite qu’il avait tenue en concluant une paix avec les Thébains. On le laissa dans cet asile, et l’on éleva sur le trône Agésipolis, sous la tutelle d’Aristodémus [b]. Ce fut la 3e. année de la 96e. olympiade[c]. Il était majeur lorsque les Lacédémoniens résolurent d’attaquer tout à la fois les Athéniens et les Thébains ; mais, comme ils jugèrent qu’il ne serait pas de la prudence, pendant une telle guerre, de n’être pas assurés des Argiens, ce fut par ceux-ci qu’ils commencèrent[d]. Agésipolis, chargé de les attaquer, se fit un scrupule sur ce qu’ils lui demandèrent une trêve. Il voulut donc s’éclaircir avec Jupiter sur un tel cas de conscience, et il le consulta en personne dans le fameux temple d’Olympe. Il lui demanda si l’on pouvait rejeter les propositions de trêve que les Argiens faisaient, et si l’on ne pouvait pas prétendre qu’ils prenaient très-mal leur temps, vu qu’ils avaient attendu à parler de paix que les troupes de Lacédémone fussent à la veille de les attaquer. L’oracle répondit que les demandes des Argiens étaient injustes, et qu’on pouvait les refuser saintement[e]. Agésipolis, pour mieux prendre ses précautions, courut aussitôt à Delphes, afin de savoir si le sentiment du fils[f] serait conforme à celui du père[g] (A). La réponse d’Apollon fut toute semblable à celle de Jupiter ; et alors Agésipolis ne balança plus, et fit marcher son armée du côté d’Argos. Les Argiens lui envoyèrent deux hérauts pour lui demander la paix : il leur répondit que les dieux avaient trouvé bon qu’il n’acceptât point ces offres, et continua sa marche. Il y eut un tremblement de terre le premier jour qu’il campa dans leurs états ; et comme une partie des troupes jugea que c’était un signe qu’il fallait s’en retourner, il dissipa leur superstition par la remarque que ce prodige était arrivé après leur entrée dans le pays ennemi. Il marcha donc plus avant, s’approcha de la ville d’Argos, et la serra de bien près. Il l’eût peut-être subjuguée si la foudre, qui lui tua quelques soldats, et si quelque autre mauvais présage ne l’eût obligé à se retirer [h]. N’oublions pas son émulation : dès qu’il fut entré au pays des Argiens, il s’informa jusqu’où Agésilaüs l’avait ravagé quelque temps auparavant ; et il n’eut cette curiosité que pour renchérir sur les exploits de ce prince, qu’il tâchait de surpasser, comme s’il avait été un athlète apparié avec lui[i]. La paix générale, que les Lacédémoniens procurèrent à la Grèce[j] par les négociations d’Antalcidas, leur ambassadeur à la cour de Perse, l’an 2 de la 98e. olympiade, fut bientôt suivie de la guerre particulière qu’ils déclarèrent aux habitans de Mantinée. Agésilaüs, ayant prié qu’on le dispensât du commandement des troupes, ce fut Agésipolis qui marcha contre l’ennemi. Il ravagea le territoire de Mantinée, et il subjugua enfin cette ville. L’expédient dont il se servit est trop curieux pour n’être pas rapporté (B). Il y a quelque apparence que ce fut dans cette guerre que Pélopidas et Épaminondas furent dégagés du péril (C) à quoi leur courage et leur amitié les exposèrent. Il fut envoyé quelques années après (D), avec une bonne armée, contre les Olynthiens[k]. Amyntas, roi de Macédoine, et Derdas, prince d’Élimée[l], le secondèrent vigoureusement. Il s’approcha d’Olynthe ; et, ne voyant point paraître l’armée ennemie qu’il voulait combattre, il ravagea le pays et se rendit maître de la ville de Torone. Mais, comme les grandes chaleurs de l’été ne l’empêchaient point de fatiguer extrêmement, il fut attaqué d’une fièvre continue qui l’emporta dans sept jours[m], l’an 14 de son règne [n]. Voyez ce que je critique à M. Moréri (E). Agésilaüs ne fut point aise de cette perte, comme on l’aurait cru (F) : il en pleura, et en eut un long regret, à ce que dit Xénophon[o]. Notez qu’Agésipolis ne laissa point de postérité[p], et que Cléombrotus, son frère et son successeur, fut père d’Agésipolis II[q], qui ne régna qu’un an[r], et de qui les apophthegmes ont été plus mémorables que les actions. Personne ne parle de celles-ci, et l’on trouve dans Plutarque[s] un petit recueil de ceux-là.

  1. Dans celui de Minerve, à Tégée. Pausanias, lib. III, pag. 86.
  2. Id. ibid.
  3. Diodor. Siculus, lib. XIV, cap. XC.
  4. Xenophon, de Reb. Græc., lib. IV, pag. 312.
  5. Ὁ δὲ θεὸς ἐπεσήμαινεν αὑτῷ ὅσιον εἶναι μὴ δεχμένῳ σπονδὰς ἀδίκως ὑποϕερομένας. Cui Deus respondit fas ei esse inducias non ritè oblatas respuere. Xenoph. de Reb. Græc., lib. IV, pag. 312
  6. C’est-à-dire, d’Apollon.
  7. C’est-à-dire, de Jupiter.
  8. Xenophon, de Reb. Græc., lib. IV, pag. 312.
  9. Ὥστερ πένταθλος πάντη ἐπὶ τὸ πλέον ὑπερϐάλλειν ἐπειρᾶτο. Tanquam enim pentathlos omninò illum superare contendebat. Xenophon, ibid.
  10. Diodor. Sicul., lib. XIV, cap. CXI, pag. 650.
  11. Xenoph. de Reb. Græc., lib. V, pag. 329.
  12. Xenophon de Reb. Græc., lib. V. pag. 327, dit Ἐλεμίας ἄρχοντα ; mais apparemment c’est une faute de copiste, pour Ἐλιμείας.
  13. Id. ibid., pag. 329.
  14. Diodor. Sicul., lib. XIV, cap. CXI, pag. 650, et lib. XV, cap. XXIII, pag. 674, ad annum 1 Olymp. 100
  15. Voyez la remarque (F).
  16. Pausan., lib. II, pag. 86.
  17. Pausan., lib. II, pag. 86.
  18. Diod., lib. XV, cap. LX.
  19. Plut in Apophth. Lacon., pag. 215.

(A) Si le sentiment d’Apollon serait conforme à celui de Jupiter. ] Recueillons de ceci une vérité qui est d’ailleurs assez manifeste ; c’est que la religion des païens était fondée sur des idées de Dieu aussi fausses que l’athéisme. Je ne parle point des sentimens du commun peuple ; je ne parle point de l’abus de quelques particuliers, je parle du culte public pratiqué par les personnes les plus éminentes, et soutenu par la majesté de l’état. Voici un roi de Lacédémone qui, après les sacrifices que l’on offrait solennellement, et comme des préliminaires d’une expédition[1], et après même la réponse favorable du plus grand des dieux, va consulter une autre divinité, incertain si elle réfutera ou si elle confirmera cette réponse. Il croyait donc que les décisions de Jupiter n’étaient pas telles que l’on pût toujours les suivre en sûreté de conscience, et il supposait que les lumières d’Apollon n’étaient pas toujours conformes à celles de Jupiter. N’était-ce pas croire que tous les dieux, sans exception du plus grand, étaient bornés dans leurs connaissances, et que d’eux aux hommes il n’y avait que la différence du plus au moins ? Le tot capita tot sensus, autant de sentimens que de têtes, avait lieu, selon cela, dans le ciel à peu près comme sur la terre. On consultait Jupiter comme l’on consulte le plus fameux avocat d’un parlement lorsqu’on a dessein de s’engager à un procès. La réponse de cet avocat n’assure pas les plaideurs prudens : ils sont bien aises d’avoir l’avis de quelques autres jurisconsultes ; et il y a tel homme qui fait consulter son affaire dans toutes les cours du royaume aux plus habiles docteurs. Les païens en usaient ainsi à l’égard de leurs oracles ; ils en consultaient plusieurs sur les mêmes cas, afin de voir si les dieux se contrediraient les uns les autres, et afin de prendre mieux leurs mesures par la comparaison des réponses. Ainsi leurs dieux étaient aussi chimériques que la divinité de Spinoza ; car il est aussi impossible qu’une nature bornée soit Dieu, qu’il est impossible que le monde soit l’Être suprême qui gouverne toutes choses par une sage providence. Confirmons ce que j’avance sur la fausse idée que les païens se formaient de Dieu. Ils n’étaient point scandalisés du sort différent qu’avaient les victimes. Celles qu’on offrait à une divinité faisaient espérer, pendant que celles que l’on offrait à une autre faisaient craindre. Apollon et Diane, enfans jumeaux de Jupiter, se contredisaient quelquefois : le frère rejetait une victime ; la sœur l’admettait. Le paganisme ne trouvait rien là de scandaleux : il eût bien voulu plus de concorde dans les promesses du bien ; mais enfin il ne croyait pas que la nature divine donnât l’exclusion à l’ignorance, au caprice, à la discorde ; il acquiesçait donc à cela comme à des effets inévitables de la nature des choses. Ne croyez pas que les objections ce Cicéron aient dessillé les yeux à beaucoup de gens. Quid quùm pluribus diis immolatur, quì tandem evenit ut litetur aliis, alii non litetur ? Quæ autem inconstantia deorum est, ut primis minentur extis, benè promittant secundis ? Aut tanta unter eos dissersio, sæpè etiam inter proximos, ut Apollinis exta bona sint, Dianæ non bona[2] ?

Un auteur moderne s’est servi de cette conduite de notre Agésipolis pour faire voir que par rapport aux oracles le plus grand des dieux du paganisme ne conservait point son avantage ni sa supériorité. Les oracles de Jupiter, dit-il[3], tels qu’estaient ceux de Trophonius, de Dodone et de Hammon, n’avaient pas tant de crédit que celui de Delphes… car, ni en durée, ni en estime, ils n’ont jamais égalé ce dernier. Et cela se prouve, outre le consentement de la plus part des auteurs qui en ont parlé, par ce que rapporte Xénophon de Agésipolis[* 1], qui, après avoir consulté Jupiter olympien et reçu sa réponse, fut à Delphes trouver Apollon, lui demandant, comme à un juge de dernier ressort, s’il estoit du mesme avis que son père. Aristote attribue cette espèce de raillerie dévote à un Hegésippus, au second livre de ses Rhétoriques. Ce passage fournit la matière de deux notes. La première est que les idées de l’église gallicane touchant le concile, et sur le pape, parlant même ex cathedrâ, peuvent être comparées à celles du paganisme touchant les oracles de Jupiter et celui de Delphes. Le Jupiter olympien, répondant à une question, trouvait dans l’esprit des peuples beaucoup de respect ; on rendait bien des hommages à son autorité ; mais enfin son jugement, quand même il aurait été rendu ex cathedrâ, ou plutôt ex tripode, ne passait pas pour irréformable ; voilà le pape de l’église gallicane. L’Apollon de Delphes était le juge de dernier ressort : voilà le concile. Ma deuxième note est qu’Agésipolis y procéda tout de bon : il n’y eut point dans son fait une raillerie dévote. Pour ce qui est d’Hégésippus, je n’en réponds point. Il fut peut-être assez malin pour vouloir tendre des piéges aux oracles, afin de les insulter s’ils ne s’entre-accordaient pas. C’est une honte, aurait-il pu dire, que vous répondiez le oui et le non. Ἡγήσιππος ἐν Δελφοῖς ἐπηρώτα τὸν θεόν, κεχρημένος πρότερον Ὀλυμπιάσιν, εἰ αὐτῷ ταὐτα δοκεῖ, ἅπερ τῷ πατρί, ὡς αἰσχρὸν ὂν τἀναντία εἰπεῖν.[4]. Hegesippus Delphis interrogabat Deum, cùm accepisset priùs oraculum Olympiæ, num ipsi eadem viderentur quæ patri, quasi turpe esset contraria dicere. Si notre Agésipolis avait eu un mauvais dessein contre Apollon, à l’exemple de ce malin personnage dont Ésope a fait l’histoire [5], il y aurait été attrapé ; car la réponse de Delphes fut semblable à celle d’Olympe.

(B) L’expédient dont il se servit est trop curieux pour n’être pas rapporté. ] Il boucha le cours de la rivière qui passait par le milieu de la ville : cela causa une inondation qui affaiblit de telle sorte les fondemens des maisons et des murailles, que les habitans craignirent qu’elles ne tombassent ; et comme ils virent que, si quelque pan de muraille se renversait, leur ville serait emportée d’assaut, ils capitulèrent. Ils n’obtinrent que des conditions très-dures ; car on les força d’aller demeurer à la campagne, divisés en quatre cantons, et l’on démantela leur ville : on aurait puni de mort leurs magistrats si le père d’Agésipolis n’eût intercédé pour eux[6]. Xénophon, qui narre toutes ces choses, ne touche point une circonstance que Pausanias rapporte. Agésipolis détourna vers les murailles de la ville le cours de la rivière. Or la brique de ces murailles n’étant pas cuite se fondait dans l’eau comme la cire se fond par la chaleur du soleil. La raison pour quoi les Mantinéens avaient préféré la brique crue à la brique cuite, est qu’elle ne se brisait pas et ne se dérangeait pas lorsqu’on battait les murailles. Agésipolis n’inventa point ce stratagème ; il ne s’en servit qu’après avoir su que Cimon l’avait employé pour se rendre maître de la ville d’Éione sur le Strymon[7].

(C) Que Pélopidas et Épaminondas furent dégagés du péril. ] Plutarque raconte que les Thébains envoyèrent du secours aux Lacédémoniens dans l’expédition de Mantinée, et que l’aile où ces deux braves combattirent ayant plié, ils ne reculèrent point. Pélopidas reçut sept blessures, et tomba sur un monceau de corps morts. Épaminondas courut à lui, et s’opposa seul à plusieurs, bien résolu de mourir plutôt que d’abandonner son ami. Il fut blessé en deux endroits, et se défendait néanmoins vigoureusement, lorsque Agésipolis, menant des troupes de l’autre aile de l’armée, les dégagea l’un et l’autre[8]. Vous me direz que Xénophon ne parle d’aucune bataille quand il raconte ce qui se passa dans cette guerre de Mantinée : mais je vous répondrai que Pausanias observe qu’Agésipolis avait gagné une bataille avant que de mettre le siége devant la ville, Ὡς δὲ ἐκράτησεν ὁ Ἀγησίπολις τῇ μάχῃ, καὶ εἰς τὸ τεῖχος κατέκλεισε τοὺς Μαντινέας[9]. Cùm verò Agesipolis Mantinenses prælio superatos intra mœnia compulisset ; et j’ajouterai que Xénophon même remarque qu’il y avait des troupes auxiliaires dans l’armée de Lacédémone[10]. Notez que l’événement dont Plutarque fait mention précéda la supercherie avec laquelle Phébidas se rendit maître de la forteresse des Thébains[11]. Ce caractère chronologique convient à l’expédition d’Agésipolis contre Mantinée.

(D) Il fut envoyé quelques années après, etc. ] Je ne fais cette remarque que pour censurer Pausanias, qui conte qu’Agésipolis, abandonnant à regret la guerre d’Argos, tourna toute sa colère contre les Olynthiens. Οὕτω μὲν δὴ ἐκ τῆς Ἀργολίδος ἀνέζευξεν ἀκων, ἐπὶ δὲ Ὀλυνθίους ἐποιεῖτο αὖθις ςρατίαν.[12] Invitissimus itaque ille ex Argivorum finibus castra movit, et contra Olynthios belli impetum convertit. Qui ne croirait en lisant cela que l’expédition d’Olynthe fut une suite immédiate de celle d’Argos ! Qui ne s’imaginerait qu’Agésipolis, en sortant de l’Argolide, prit la route de la Macédoine ? Cependant cela est faux. Il se passa quelques années entre ces deux expéditions. La guerre de Mantinée, dont le même Pausanias a dit quelque chose, suivit celle d’Argos, et précéda de six ans celle d’Olynthe. Notons ici une faute de Calvisius. Il place la guerre d’Argos sous l’an 4 de la 96e. olympiade, peu après la mort de Pausanias, roi de Macédoine[13]. Or, Agésipolis monta sur le trône la même année que mourut ce Pausanias[14] ; et parce qu’il était mineur, on le mit sous la tutelle d’Aristodémus[15]. Il faudrait donc, si Calvisius était exact, que la guerre d’Argos concourût, ou à peu près, avec la première année du règne d’Agésipolis, et que cette guerre eût été conduite par Aristodémus ; car il est certain que, sous la minorité d’Agésipolis, on mit son tuteur à la tête des armées lorsqu’il échéait à ce roi d’aller en campagne[16]. Calvisius ne manque pas d’observer qu’Aristodémus y alla l’an 3 de la 96e. olympiade, à cause du bas âge d’Agésipolis [17]. Voici en quoi il se trompe : c’est qu’il met la première année de son règne à l’an 2 de la 96e. olympiade, et la guerre d’Argos trop peu après la mort de Pausanias, roi de Macédoine.

(E) Voyez ce que je critique à M. Moréri. ] « Agésipolis fut surpris d’une fièvre ardente, et revint toujours à la fraîcheur des eaux d’un certain temple de Bacchus qui était à Aphite ; il s’y fit porter, et mourut le septième jour de sa fièvre, après être sorti de ce temple, pour ne le point souiller par sa mort. » Ce sont les paroles de M. Moréri. Il y aurait de l’injustice à critiquer l’expression revint toujours à la fraîcheur ; car il est aisé de voir que les imprimeurs ont mis revint au lieu de rêvant[18]. Mais on peut dire deux choses. L’une, qu’il aurait fallu s’exprimer ainsi : Se souvenant du temple de Bacchus, qu’il avait vu à Aphite, il souhaita de jouir de l’ombre et de la fraîcheur des eaux claires de cet endroit-là. Il y fut porté en vie, mais il mourut hors du temple, le septième jour de sa fièvre[19]. En second lieu, c’est une glose chimérique que de nous venir conter que, par un respect religieux pour la sainteté du temple, il ne voulut pas y mourir. Xénophon, ou quelque autre auteur digne de foi, ont-ils dit cela ? Pour n’en faire pas à deux fois, critiquons ici la faute que M. Moréri a faite dans l’article d’Agésipolis II. Il assure que ce prince, ayant été en otage durant sa jeunesse, répondit à ceux qui lui en faisaient reproche, c’est parce que les rois portent les défauts de leur empire. Cette réponse est aussi fausse que contraire à ce bon mot,

Quicquid delirant Reges, plectuntur Achivi[20],
c’est-à-dire,
Les Princes font les folies, et leurs sujets en portent la peine.


Voici le fait. On lui dit un jour : Tout roi que vous êtes, vous avez été en otage avec les principaux de la jeunesse de Lacédémone ; vos femmes et vos enfans n’y ont point été. C’est parce qu’il était juste, répondit-il, que nous portassions nous-mêmes la peine de nos propres fautes[21].

(F) Agésilaüs ne fut point aise de cette perte, comme on l’aurait cru. ] Xénophon nous porte à croire qu’il régnait entre ces deux princes une émulation fort propre à produire l’inimitié. Mais Plutarque nous les représente comme fort unis. Il observe qu’Agésipolis, doux et modeste, et s’intrigant peu dans les affaires publiques, se laissa gagner par son collègue Agésilaüs[22], qui, le connaissant de complexion amoureuse, lui parlait toujours de beaux garçons, et le poussait de ce côté-là, et l’y servait même. Εἰδὼς ἔνοχον ὄντα τοῖς ἐρωτικοῖς τὸν Ἀγησίπολιν, ὥσπερ ἦν αὐτὸς, ἀεί τινὸς ὑπῆρχε, λόγου περὶ τῶν ἐν ὥρᾳ· καὶ προῆγε τὸν νεανίσκον εἰς τοῦτο, καὶ συνήρα καὶ συνέπραττε[23]. Qui autem teneri sciret Agesipolim, sicut se, amoribus, sermonem assiduè de formosis adolescentibus inferebat, codem illum impellebat, sociusque erat ei in amore et adjutor. Il ajoute que cette espèce d’amour n’avait rien de criminel à Lacédémone. Voici un passage grec qui nous apprend qu’Agésilaüs regretta la perte de ce collègue. Ἀγησίλαος δὲ τοῦτο ἀκούσας, οὑχ ᾗ τι ἄν ᾤετο, ἐϕήσθη ὡς ἀντιπάλῳ, ἀλλά καὶ ἐδάκρυσε καὶ ἐπόθησε τὴν συνουσίαν[24]. Agesilaüs his auditis, non, ut quidam existimassent ob adversarii casum lætatus est, sed humaniter mortem illius lachrymatus est, et consuetudinem desideravit.

  1. (*) Lib. IV Historiar.
  1. Ἔπει... τὰ διαϐατήρια θυομένῳ ἐγένετο, ἐλτὼν εἰς τὴς Ὀλυμπίας χρηςηριαζόμενος. Quùm pro felici transitu sacrificâsset, Olympiam oraculum consulturus proficiscitur. Xenoph. de Gestis Græc., lib. IV, p. 312.
  2. Cicero, de Divinat., lib. II, cap. 38.
  3. La Mothe-le-Vayer, Lettre CVI, tom. XI. pag. 449
  4. Aristotel. Rhetor., lib. II, cap. XXIII, pag. 445, F.
  5. Æsopus, Fabulâ XIV, cujus Titulus Κακοπράγμων, Maligous. C’était un homme qui avait un moineau à la main, et qui demandait à l’Oracle : Ce que je tiens vit-il, ou non ? Son dessein était d’étouffer le moineau, en cas que l’Oracle eût répondu, Il vit, etc.
  6. Xenophon, lib. V, pag. 323.
  7. Pausanias, lib. VIII, pag. 242, 243.
  8. Plutarchus in Vitâ Pelopidæ, pag. 280.
  9. Pausan., lib. VIII, pag. 242.
  10. Xenophon. lib. V, pag. 323.
  11. Plut in Pelopid., pag. 280.
  12. Pausanias, lib. II, pag. 86.
  13. Sethi Calvisii Chronol., ad ann. mundi 3557, pag. 162.
  14. Diodorus Sicul., lib. XIV, cap. XC, p. 637.
  15. Xenophon, de Reb. gestis Græcor., lib. IV, pag. 301. Pausanias, lib. II, pag. 86.
  16. Xenophon, de Reb. gestis Græcor., lib. IV, pag. 301.
  17. Calvisius, Chronol., pag. 160.
  18. On a mis rêvant dans les éditions de Hollande.
  19. Voyez Xénophon, liv. IV, p. 329, 330.
  20. Horat. Epist. II, lib. I, vs. 14.
  21. Plutarch. in Apophth. Laconic., p. 215,
  22. Plut. in Agesilao, pag. 607, A.
  23. Plut. in Agesilao, pag. 607, A.
  24. Xenophon, de Gest. Græc., lib. V, p. 330.

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