Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Accords


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ACCORDS (Étienne Tabourot, seigneur des), avocat au parlement de Dijon, et puis avocat du roi[* 1] au bailliage et à la chancellerie de la même ville, naquit l’an 1549[a]. Ce fut un homme d’esprit et d’érudition, mais qui donna trop dans les bagatelles. Cela paraît par l’ouvrage qu’il intitula Bigarrures, dont la première édition est de Paris, en 1582 (A). Je l’ai cité quelquefois [b]. Ce ne fut point son premier livre ; car il avait fait imprimer quelques sonnets[* 2][c] : ce que n’ont point su ni la Croix du Maine, ni du Verdier Vau-Privas. L’ouvrage qu’il intitula les Touches fut imprimé à Paris, l’an 1585 (B). C’est un recueil de poésies ingénieuses, à la vérité, mais la plupart sur des matières obscènes, et qu’il traitait trop librement selon la mauvaise coutume d’alors. Il règne un semblable esprit dans ses Bigarrures. On lui en fit des reproches qui l’obligèrent à se justifier (C). On lui attribue un Dictionnaire des rimes françaises[* 3] (D). Au reste, la seigneurie des Accords est un fief imaginaire qu’il ne fonda que sur la devise de ses aïeux (E). Remarquez que Guillaume Tabourot, son père, qui fut avocat au parlement de Dijon, conseiller du roi et maître extraordinaire de la chambre des comptes, est fort loué par Pierre de Saint-Julien dans le livre de l’Origine des Bourguignons[d]. Il mourut le 24 de juillet 1591[* 4], dans sa quarante-sixième année[e].

  1. * Il était procureur du roi, dit Joly.
  2. * Ces sonnets, dit Joly, furent imprimés en 1572.
  3. * Joly donne le titre de quelques autres opuscules.
  4. * Son épitaphe dit en 1590, à 43 ans.
  1. On voit autour de sa taille-douce, qu’en 1584 il avait 35 ans. [Joly remarque qu’à ce portrait de 1584 on laissa l’inscription mise à celui de 1582, Æta. 35 ; de là l’erreur de Bayle. L’épitaphe de Tabourot apprend qu’il naquit au 1547, et qu’il mourut en 1590.]
  2. Voyez la table des matières, au mot Accords.
  3. Voyez le livre IV de ses Bigarrures, édition de Paris, chez Maucroy, en 1662, in-12, pag. 477.
  4. Voyez la Croix du Maine, pag. 156
  5. Voyez son épitaphe dans les Bigarrures de son fils, pag. 325.

(A) L’ouvrage, qu’il intitula Bigarrures, dont la première édition est de Paris, en 1582] il marque cette année-là, dans l’avant-propos de la seconde édition ; et il doit être plus croyable que la Croix du Maine, et que du Verdier Vau-Privas, qui mettent la première édition des Bigarrures à l’an 1583. Le premier livre de ces Bigarrures est divisé en vingt-deux chapitres, qui traitent, entre autres choses, des Rébus de Picardie, des Équivoques, des Anti-strophes, des Vers rétrogrades, des Allusions, des Acrostiches, de l’Écho, des Vers léonins, des autres sortes de Vers folastrement et ingénieusement practiques, des Épitaphes, etc. Tout cela est rempli de facéties et joyeusetez, comme l’assure la Croix du Maine[1]. L’imprimeur ne manqua pas d’exposer qu’il publiait cet ouvrage sans la permission de l’auteur, qui déclara tout ouvertement, dit-il[2], que l’âge, le temps et sa profession, lui avoient fait changer d’humeur, et la volonté, et qu’il lui seroit mal-séant d’advouer ce qu’il avoit fait en ses premiers ans et verdeur de folastre jeunesse, avant à grand’peine accomply dix_huit ans ; et qu’après qu’il avait donné preuve de sa suffisance en quelque brave et docte subject, il adviseroit de ne point estouffer ses petits enfans naturels et illégitimes, conceus hors mariage : car ainsi nommoit-il ses trois premiers livres. De sorte que j’ay conneu apertement que c’étoit une excuse recherchée, pour nous entretenir, qui m’a occasioné de mettre en lumière ce que j’en avois de copié. L’auteur, de son côté, ne manqua pas de prétendre cause d’ignorance. « Je fus fort estonné, déclara-t-il[3], quand je vy la première impression de ce livre, duquel je pensois que la mémoire fust esteinte. Mais, le relisant quasi comme chose nouvelle, que je n’avois veu y avoit quatorze ans, je conneu incontinent, et mon genie, et mon style du temps que je l’avois basti pour me chastouiller moy-mesme, afin de me faire rire le premier, et puis après les autres : tellement que je n’avois observé autre ordre, sinon d’entasser pesle-mesle les exemples, selon qu’ils me venoient en fantaisie. N’estant ce livre que pièces rapportées, sans aucune curiosité, et fait seulement par petits papiers, à diverses fois adjoustez, desquels je reconneu toutes fois qu’une grande partie avoit esté perdue. Tellement que, comme chascun est amateur de son ouvrage, je me délibéray lors d’envoyer le surplus des adjonctions qui estoient crues depuis ce temps-là, avec celles que l’on avoit omises. » Quoi qu’il en soit, il avoue et il adopte cette seconde édition. Occasion de quoy, continue-t-il[4], j’ay releu ce folastre livre, de bout à l’autre, ce que jamais auparavant je n’avois fait ; afin de le remettre en lumière, selon ma vraye conception. Et, pour ce que depuis ce temps-là quelques petites curiositez me sont venues en mémoire, et autres m’ont esté amiablement envoyées par un des plus doctes de nostre France, sur le mesme suject, je les ay adjoustees par forme d’adjonction l’auteur.

Pasquier ne trouva pas bon que Tabourot eût augmenté ses Bigarrures. C’était trop faire voir qu’on s’arrêtait trop long-temps à des endroits par où il ne fallait que passer. Il faut les considérer comme des hôtelleries de voyageur, et non pas comme son logis. Ce doivent être des promenades, et non pas un séjour fixe. La jeunesse peut excuser ceux qui donnent quelques heures à ces badinages : mais si, quelques années après, on s’applique à les retoucher, et à y faire des additions, il semble que l’on ait dessein de blanchir sous ce harnais, et tanquam ad Sirenum scopulos consenescere. Voilà le sens que je donne à ces paroles de la lettre qui fut écrite par Pasquier au sieur Tabourot, l’an 1584. J’ay leu vos belles Bigarrures, et les ay leues de bien bon cœur, non-seulement pour l’amitié que je vous porte, mais aussi pour une gentillesse et naïveté d’esprit dont elles sont pleines : ou, pour mieux dire, pour estre bigarrées et diversifiées d’une infinité de beaux traits. J’eusse souhaité qu’à la seconde impression on n’y eust rien augmenté. S’il m’est loisible de deviner, il me semble que l’on y a ajousté plusieurs choses qui ne se ressentent en rien de vostre naïf ; et croirois aisément que c’eust esté quelque autre qui vous eust mal à propos presté ceste nouvelle charité. Il faut en tels sujets que l’on pense que ce soit un jeu, non un vœu auquel fichions toutes nos pensées. Vous cognoistrez par là que je vous aime et honore : puisque, pour la première fois, je vous parle si librement[5].

Je crois que des Accords ne profita guère de cet avis, et qu’il fit encore d’autres additions à ses Bigarrures, quand on les réimprima. J’ai l’édition de Paris, en 1614, où l’on voit, non-seulement, le IVe. livre des Bigarrures mais aussi les Contes facétieux du sieur Gaulard, gentil-homme de la Franche-Comté Bourguignote, et les Escraignes Dijonnaises, recueillies par le sieur des Accords. Ce quatrième livre n’est précédé ni du second ni du troisième. L’auteur donne plusieurs raisons pourquoi il le nomme néanmoins le quatrième[6] ; et il dit, entre autres choses, que ce volume entier ne serait pas bien bigarré, s’il suivait la façon des ordinaires escrivains. Il avoue que, pour le faire mieux vendre, il y a joint les Contes du sieur Gaulard. Ceux, dit-il[7], qui n’ont achepté que le premier livre pour gausser et rire, seront contraints d’achepter aussi cestuy-cy, alléchés par ce que j’y ay entremeslé de follastre, comme sont les apophtegmes, autrement propos niais, ou plutost considérations absurdes de M. Gaulard, sur le moule duquel on en a voulu figurer quelques autres par la France, comme j’oy esté adverty : mais ceux qui le font ont tort d’oster la gloire à nostre Comtois Bourguignon. Et par ainsi je ferai comme la veuve du Castillan, qui ne voulait vendre son cheval sans son chat.

Notez que le quatrième livre des Bigarrures est plus sérieux que le premier. Il est divisé en trois chapitres. Le Ier. contient quelques traits utiles pour l’institution des enfans ; le IIe. regarde le changement de surnom : et le IIIe. plusieurs particulières observations sur les vers français. L’ouvrage finit par un discours des faux sorciers et de leurs impostures. Tout cela est plein de choses curieuses, et que l’on peut lire utilement. Ce caractère particulier du quatrième livre est une des raisons que l’auteur emploie pour se justifier de l’avoir donné au public avant le second et le troisième. Il faut que je cite ses paroles. Elles témoignent qu’il n’avait point abandonné ses badinages, depuis la lettre que Pasquier lui avait écrite ; car il s’excuse d’y persévérer. Ce que j’en ai faict[8], dit-il[9], a esté principalement afin de faire entendre, par les discours de ce livre, que j’ai l’esprit disposé à autres choses qu’à des lascivetez, pour fermer la bouche à un tas de calomniateurs ignorants, qui me l’ont malignement objecté. Et, pour le regard de ceux qui trouvent à dire qu’un homme de ma profession se mesle encore de follastrer, tantost en prose, tantost en vers, je les renvoye à la docte epistre liminaire des épistres françoises du sçavant Pasquier, qui a bien monstré, tant par vives raisons qu’exemples, comme il ne faut pas assubjectir l’esprit à une seule profession si opiniastrement que l’on ne luy permette s’égayer en la source abondante de la vivacité d’iceluy. Je loue certainement ceux qui, à la façon des Allemans, se peuvent contenir à n’embrasser qu’une seule profession : mais il ne faut pas aussi blasmer ceux qui, ayant l’esprit capable d’en manier diverses, les sçavent si bien exercer, qu’en chaque espèce ils ne devront rien ou peu de reste à chacun des particuliers qui s’adonnent à une. L’on sçait assez que l’esprit du François est plein de telle vivacité et varieté, que c’est malgré luy si l’on l’attache à une science seule. Pourquoi donc trouve-t-on mauvais que je laisse aller le temps (que les autres jouent) à cette honneste occupation, qui n’est pas du tout vaine et sans fruit, si l’on y regarde de près ?

Voici une autre raison qui marque en particulier qu’il ne pliait que pendant un temps sous les attaques de ses censeurs, et qu’il n’avait pas dessein de supprimer le deuxième livre, quoiqu’un peu lascif. « Au second, dit-il, [10], je traicte de mesme les périphrases, hyperboles, métonymies, métaphores, synecdoches, etc., avec la plus propre diction françoise que j’ay peu choisir, et si gracieux exemples qu’on ne les pourroit lire sans plaisir. Mais pour ce qu’il y en a d’aussi lascifs et chatouilleux aux oreilles de nos veaux critiques que les premiers, je les laisse pour une autre saison, et suis expressément sauté au quatriesme de plein vol, pour contenter les plus sérieux esprits qui auront de quoy me sçavoir gré d’aucunes inventions non touchées, que je sçache, par aucuns cy-devant. »

(B) L’ouvrage qu’il intitula les Touches fut imprimé a Paris, l’an 1585.] Il le divisa en trois livres, et dédia le premier à un prélat, à Pontus de Tyard, seigneur de Bissy et évêque de Châlons. Il se vante[11] de les avoir faits en deux mois, à Verdun sur Saône, l’an 1585[12], et il dit que ce sont des épigrammes, à qui le surnom de Touches convient véritablement ; car c’est une espèce de légère escrime où, avec l’épée rabattue, je donne simplement une touche qui perce à grand’peine la peau, et ne peut vivement entamer la chair[13]. On avertit ailleurs[14] que touches, selon l’auteur, est un mot tiré des escrimeurs qui appellent touche le coup qu’ils donnent avec leurs épées rabattues, duquel la marque apparoist sur l’habit de celui qui est touché, à cause de la craie dont on blanchit l’épée, etc. Les Touches du seigneur des Accords, qui s’impriment ordinairement à la suite de ses Bigarrures, sont différentes de celles dont je viens de parler.

(C) On lui fit des reproches sur ses obscénités qui l’obligèrent à se justifier. ] J’ai cité ailleurs[15] son apologie, et j’ajoute ici que son imprimeur lui a rendu un témoignage qui la pourrait confirmer. « Qui m’a occasionné, dit-il[16], de mettre en lumière ce que j’en avois de copié avec les libres adjonctions des mots tant sales et lubriques que vous pourriés dire, pourveu qu’ils soient ingénieux ; car encore que l’auteur ayt voulu avoir égard aux chastes aureilles, et sciemment obmettre plusieurs propos, si est-ce que luy, ayant ouy dire à luy-mesme que c’étoit ipsum evitare Priapum, et qu’il y avoit infinis beaux traits qui perdoient leur grâce sans cette liberté ; j’ay enfin mieux aymé suivre sa conception que son conseil. Il me pardonnera si je sonde si avant ce qu’il a dans le cœur, et prendray pour ma défense envers luy ces vers de Catulle :

« Castum esse decet pium poetam
« Ipsum ; versiculos nihil necesse est,
« Qui tum denique habent salem et leporem,
« Si sunt molliculi et parum pudici :[* 1]

« Et oseray bien dire que tant s’en faut que cela offense personne (hormis quelques hyppocrites), qu’au contraire cela servira à la jeunesse d’advertissement de ne se pas tant amuser à ces recherches curieuses, puisqu’elles les verra ici toutes aprestées, et en telle quantité que l’abondance leur en engendrera un dégoût qui les occasionera de mettre le nez aux bons livres, et lire choses dont ils pourront retirer du fruit ; car je suis ferme en cette opinion, que la multitude et facilité grande des livres que nous avons aujourd’huy abastardissent les esprits de rechercher et lire curieusement les bons livres, mesme quand ils s’estiment assurez d’avoir des recueils qui leur enseignent où gist le lièvre, et où sont les viandes toutes maschées prestes à avaler. Quant à la lasciveté, je ne puis penser qu’elle les puisse tant offenser que les priapées de Virgile, épigrammes de Catulle, de Martial, amours d’Ovide, comédies de Térence, Pétronius Arbiter, et bref tout ce qui est de plus beau et rare en l’antiquité qu’on leur propose comme choses sérieuses et à imiter, devant les yeux ; au lieu que les lascivetez icy rapportées représentent folastrement ce qui y est comme chose légère et de peu d’effect. Du surplus, il n’y a rien que curieux, gentil et ingénieux en ce livre, et ne s’en devroit pas l’auteur cacher, sous ombre qu’il estime le subject si léger, » Cela veut dire que Des Accords se donnait cette licence, non pas pour favoriser les passions du cœur, mais pour amuser l’esprit, et pour n’ôter pas à ses vers le sel qui les pouvait rendre plus agréables et plus piquans, selon le goût qui régnait depuis plusieurs siècles. Il n’ignorait pas la maxime que les saletez grossières sont moins dangereuses que les délicates[17] ; car voici comme il la mit en œuvre pour se disculper.

« Des Amadis[18].

« Qui voudra voir ces escrits,
« Les lise auprès de sa mie,
« Car ils donneront envie
« A tous deux d’estre lascifs. »

« D’un lecteur d’Amadis qui blasmoit les Bigarrures.

 « Toi, qui permets les lectures
« D’Amadis, et ne veux pas
« Qu’on lise les Bigarrures,
« Cauteleusement tu as
« Apperceu que les mots gras
« N’entrent vivement dans l’ame,
« Pour suborner une dame,
« Comme les mignards appas. »

Je me souviens ici d’une pensée de Sorel. Les poëtes, dit-il[19], qui composent des ouvrages sujets à la censure de la justice, et que l’on brûle en place de Grève, sont de grands sots, car ils s’imaginent que cela est fort agréable à ceux qui aiment le plaisir des femmes, et cependant l’on ne sçauroit lire leur Cabinet Satyrique que l’on n’ait envie de quitter le déduit pour long-temps, à cause que cela est si sale et si vilain, que cela fait de l’horreur. Pour ne rien dissimuler, il faut que j’observe qu’il ajoute un correctif à cela. Mais, quand j’y pense, poursuit-il [20], en ce cas-là l’on me pourroit dire qu’il n’en faudroit donc pas defendre la lecture, puisqu’elle fait hayr le vice : mais ceci n’est entendu que par les bons esprits, et l’on ne doit pas donner des pénitences qui puissent faire entrer en tentation. Il n’y a que trop de personnes qui se plaisent à vivre dans l’ordure.

(D) On lui attribue un Dictionnaire des Rimes françaises.] La Croix du Maine l’avait fait auteur du livre intitulé, des Rythmes françoises[21] ; mais il se rétracta, et il reconnut[22] qu’il fallait l’attribuer à Jean le Fèvre, natif de Dijon, secrétaire du cardinal de Givri, et chanoine de Langres. Cette rétractation est juste ; car Des Accords reconnaît que cet ouvrage ne lui appartient point. Voyons ce qu’il dit en finissant son chapitre de la poésie française. Je réserve, dit-il[23], d’en dire plus amplement mon opinion au recueil que je fais des arts poétiques françois, où Pelletier fort doctement et laborieusement, Ronsard divinement et fort à propos comme toute chose, et le Quintil Censeur assez gentillement, selon son temps, ont desjà desfriché les espines avec quelques autres ; desquels, avec mention de leur nom et rapport de leur propre texte, je m’aiderai en brief pour faire une suite du Dictionnaire des Rimes françoises de nostre oncle monsieur le Fèvre, que je ferai voir un de ces jours.

Ce qui me fait croire qu’il a tenu sa parole, est un passage que je trouve dans la préface du Dictionnaire des Rimes françaises, imprimé l’an 1596, par les héritiers d’Eustache Vignon, in-octavo. L’auteur débute de cette façon. J’ai premièrement recueilli, dit-il [24], par manière de passe-temps, ce Dictionnaire (à peu près tel qu’il est) pour la quantité des mots, désireux de subvenir à la défectuosité de ma trompeuse mémoire. Depuis, m’estant venu en main celuy du seigneur Des Accords, enrichi de plusieurs annotations pour la rime, il m’a pris envie de revoir le mien et philosopher aussi un peu sur ce subject, ce qui n’a point esté sans profit.

(E) La seigneurie des Accords est un fief imaginaire qu’il ne fonda que sur la devise de ses aïeux. ] Laissons-le parler lui-même : « Et pour ce que, dit-il[25], par le discours du changement de surnom[26], je blasme ceux qui l’entreprennent, et qu’il semble que pour m’estre appelé seigneur des Accords, je me déclare digne de la peine que je veux estre donnée à autruy : je veux bien que tu saches que je n’ai point tant desdaigné ces écrits qu’ès Lettres accrostiches [27] des chapitres du premier livre je n’aye mis mon nom, et au second tu cognoistras encor l’an et le lieu où il fut fait. Mais comme le sujet estoit de légère estoffe, je n’y mis pas mon nom, mais une seigneurie prise sur ma devise, le corps de laquelle est un tambour [28], et pour l’esprit j’ai mis ces mots : A tous Accords, selon que mes père, ayeul et bisayeul l’avoient porté de suite. Tu verras, au chapitre des particulières remarques sur la poésie françoise, l’occasion pourquoy ceste devise fut érigée en seigneurie. » Il est bon de voir ce qu’il raconte dans le chapitre où il nous renvoie. Il avait envoyé un sonnet à « une honneste et gracieuse damoiselle, fille de feu ce grand et docte président de Bourgogne, M. Bégat, lequel, dit-il[29], me faisoit cet honneur de m’aymer.... Et pour ce, continue-t-il, qu’au-dessous du sonnet j’avois mis seulement ma devise, A tous Accords, ce fut la première qui en sa réponse me baptisa du nom du seigneur des Accords, comme aussi son père m’appela ainsi plusieurs fois : qui a esté cause qu’en tous mes discours de ce temps-là j’ay choisy ce surnom, et même en ces livres. » Il se donna par anagramme le nom de Torvobatius, comme l’assure M. Baillet[30].

  1. * Carm. XVI, vs. 5.
  1. La Croix du Maine, Bibl. française, p. 80.
  2. André Pasquet, avis du lecteur à la tête des Bigarrures.
  3. Avant-propos de l’auteur sur les éditions des Bigarrures. Il est daté de Verroney, le quinzième de septembre 1584.
  4. La même, folio A v.
  5. Pasquier, Lettres, liv. VIII, tom. I, pages 492, 493.
  6. Dans sa préface du IVe. liv. des Bigarrures.
  7. La même, folio A iij.
  8. C’est-à-dire, en publiant le IVe. livre de ses Bigarrures avant le IIe. et le IIIe.
  9. Préface du IVe. livre des Bigarrures, fol. A ij
  10. Préface du IVe. des Bigarrures, fol. A iij.
  11. Dans l’épître dédicatoire.
  12. Ceci confirme qu’il ne déféra point aux avis d’Étienne Pasquier.
  13. Épître dédicatoire des Touches.
  14. Avertissement des Touches imprimées avec les Bigarrures.
  15. Dans la remarque (M) de l’article Marot.
  16. André Pasquet, Avis au lecteur, au-devant des Bigarrures.
  17. Voyez mon Éclaircissement sur les Obscénités, num. XII.
  18. Des Accords, aux Touches imprimées avec les Bigarrures, à Paris, chez Maucroy, en 1662, in-12, pag. 82.
  19. Sorel, Remarques sur le Berger extravagant, liv. VI, pag. 379, édition de Rouen, en 1646, en 2 vol. in-8.
  20. Là même, pag. 379.
  21. Bibliothéque Française, pag. 156.
  22. Là même, pag. 222 ; et notez qu’il dit que ce Dictionnaire des Rythmes françaises fut imprimé à Paris, chez Galiot du Pré, l’an 1572.
  23. Des Accords, Bigarrures, livre IV, chapitre III, tout à la fin, page 494 de l’édition déjà citée.
  24. Préface de ce Dictionnaire des Rimes.
  25. Préface du IVe. livre des Bigarrures.
  26. C’est le IIe. chapitre du IVe. livre des Bigarrures.
  27. En effet, la première lettre du chapitre I est un E, celle du IIe. une S, et ainsi de suite jusqu’à la première du chapitre XVI, qui est un T, et par là toutes ensemble font Estienne. Tabourot. D’autres avaient déjà fait une telle chose. Voyez M. Baillet dans ses Auteurs déguisés, pages 442, 446.
  28. C’était donc une devise parlante, et une allusion manifeste à son nom Tabourot.
  29. Bigarrures, liv. IV, chap. III, pages 491, 492.
  30. Auteurs déguisés, pages 440, 607. [Joly remarque que c’est une faute de Baillet, qui a été relevée par de la Monnaie, et que jamais Tabourot ne publia rien sous le nom de Torvobatius. Dans son chapitre des anagrammatismes, Tabourot cite un officier langrois, nommé Jean Toruobat, qui anagrammatisa son nom. Toruobat est le mot Tabourot retourné ; et ce Jean Tabourot était oncle d’Étienne.]

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