Dictionnaire historique de Feller/Nlle éd., Pérennès, 1848/Notice sur l'abbé de Feller

◄  Préface
______________________________________________________________

NOTICE

SUR L’ABBÉ DE FELLER.

François de Feller naquit à Bruxelles, le 18 août 1735. Son père, Dominique de Feller, secrétaire des lettres du gouvernement des Pays-Bas, fut anobli pour ses services par l’impératrice Marie-Thérèse ; il devint ensuite haut officier de la ville et prévôté d’Arlon, dans la partie autrichienne du duché de Luxembourg, et mourut dans son château d’Autel, village à peu de distance d’Arlon, où il faisait ordinairement sa résidence. Dominique de Feller avait épousé Marie Catherine Gerbcr, dont le père fut conseiller aulique sous l’empereur Charles VI, et intendant des biens domaniaux de la maison d’Autriche à Luxembourg. C’est dans cette ville et chez son aïeul maternel, que le jeune de Feller passa ses premières années ; et les jésuites qui dirigeaient le collège de Luxembourg furent ses instituteurs. La surveillance sévère de son aïeul, et les soins de ses maîtres, lui firent employer fructueusement des années précieuses trop souvent perdues dans la dissipation et les plaisirs. Feller, dans un âge plus avancé, reconnaissait qu’il ne devait qu’à ces circonstances heureuses l’habitude du travail qu’il avait contractée de bonne heure. Son application eut les plus heureux résultats : il devint un des meilleurs écoliers du collège de Luxembourg : et dans toutes ses classes des succès brillans couronnèrent ses efforts et lui valurent les distinctions les plus flatteuses. Son aïeul mourut en 1751. Feller qui était alors dans sa dix-septième année, fut sensible à cette perte, et jamais il n’oublia ce bon parent dont les soins avaient présidé à sa première éducation. Envoyé au pensionnat des jésuites, à Reims, il y fit avec distinction son cours de philosophie, et y soutint des thèses où il fut fort applaudi. Il montra un goût particulier pour la physique et les sciences exactes. Pressé de prendre un état à l’âge de dix-neuf ans, il ne resta pas long-temps indécis. Elevé dans la piété, et adonné depuis son enfance à l’étude, ce double penchant tourna ses vues vers l’institut des jésuites, qui unissait l’exercice des vertus religieuses à l’amour et à la culture des lettres. Il entra, vers la fin de septembre 1754, au noviciat de la société, à Tournai. C’est alors qu’il ajouta à son prénom celui de Xavier, saint auquel il eut toute sa vie une dévotion particulière ; mais Dieu le soumit à une rude épreuve. Pendant la première année de sa probation, il lui survint une telle faiblesse d’yeux, que souvent il en perdait presque totalement l’usage. Il savait que cette incommodité était un obstacle à son admission définitive. D’abord il essaya de cacher ce mal, que ne trahissait aucun indice extérieur ; mais il sentit qu’il serait difficile de le dérober longtemps à la connaissance de ses compagnons de noviciat, et de ses supérieurs. La crainte d’être exclu d’un état auquel il se croyait appelé le tourmentait. Dans cette perplexité cruelle il s’adressa avec ferveur au Dieu qui a dit : Demandez et vous recevrez. Il éprouva d’abord un peu de soulagement, et bientôt les symptômes qui l’inquiétaient disparurent. Sa vue s’affermit, et il la conserva si bonne toute sa vie que, même dans sa vieillesse, il put lire sans fatigue les caractères les plus fins (1[1]).

Lorsqu’il eut fini son temps d’épreuve, et qu’il eut été admis au nombre des membres de la société, il fut, suivant l’usage de l’institut, employé à l’enseignement. Il professa les humanités à Luxembourg et à Liège, puis la rhétorique et les belles-lettres. L’habitude des classes, un travail assidu, une mémoire des plus heureuses, avaient prodigieusement étendu ses connaissances. Il possédait parfaitement les auteurs anciens ; il savait par cœur Virgile, Horace, et plusieurs autres écrivains de l’antiquité, et il pouvait les expliquer de mémoire. Toutefois le soin donné aux ouvrages profanes n’avait pas ralenti ses études religieuses : l’Ecriture sainte et l’Imitation de Jésus-Christ n’étaient pas moins présentes à sa mémoire que les auteurs classiques, et l’on assure qu’il suffisait de lui indiquer un chapitrc de la Bible ou d’A-Kempis, pour qu’aussitôt il le récitât tout entier. Ses leçons formèrent d’excellens élèves, dont les prémices littéraires, recueillies dans les Musœ Léodienses, faisait concevoir les espérances les plus flatteuses, et attestaient l’habileté du maître.

Apres avoir fourni sa carrière dans l’enseignement, le P. de Feller fut envoyé à Luxembourg, pour y apprendre la théologie. Il s’était, de longue main, préparé à cette étude nouvelle. Pendant qu’il enseignait la rhétorique, il avait lu les principaux ouvrages des Pères ; et il avait parcouru à plusieurs reprises la théologie dogmatique du P. Petau. Cette science ne lui offrit que peu de difficultés : il trouva du temps pour une autre tâche qui lui fut imposée. On le chargea de prêcher en latin le carême devant un auditoire nombreux, composé de jeunes gens qui étudiaient à Luxembourg la théologie, la philosophie et la rhétorique. On fut étonné de la facilité avec laquelle Feller s’acquitta de ce ministère ; on ne le fut pas moins de la beauté et de la solidité de ses discours. Cependant il ne les écrivait point, et quelques heures de méditation lui suffisaient pour disposer dans sa mémoire le développement des divers points qu’il avait à traiter.

Le P. de Feller n’avait pas fini son cours de théologie en 1763, lorsque les jésuites furent supprimés en France. Le roi Stanislas les avait conservés en Lorraine, et l’impératrice Marie-Thérèse dans ses états héréditaires.Une partie des jésuites français reflua dans les collèges des Pays-Bas ; pour leur faire place, les jeunes jésuites qui n’avaient point achevé leur théologie allèrent la continuer dans d’autres provinces. Le P. de Feller était de ce nombre, et fut envoyé à Tirnau, en Hongrie, où les jésuites avaient un bel établissement ; il y fut bien reçu, et son mérite ne tarda point à s’y faire connaître. On le chargea de prononcer divers discours académiques ; il le fit de manière à augmenter encore la bonne opinion qu’on avait conçue de lui. Il passa dans les pays étrangers environ cinq ans dont il profita pour augmenter son instruction. Ayant obtenu la permission de voyager, il parcourut la Hongrie, l’Autriche, la Bohême, la Pologne, et une partie de l’Italie, ses tablettes à la main, observant les mœurs et le caractère des peuples, et notant ce que les divers lieux offraient d’intéressant ou de curieux pour l’histoire, la physique, l’histoire naturelle, l’agricullure, le commerce, etc. Il visitait les bibliothèques, les archives des monastères, les manufactures, et descendait jusque dans les mines ; de sorte qu’il revint avec de bons mémoires, pleins de faits et d’anecdotes, qu’il a depuis mis en ordre, en y ajoutant des observations recueillies dans d’autres pays, où depuis il eut occasion de voyager. Cet ouvrage précieux a été publié en 1820.

Le P. de Feller revint dans les Pays-Bas en 1770. Le 15 août de l’année suivante, il s’engagea par les quatre vœux. Il enseigna encore à Nivelle depuis son retour ; mais ses supérieurs lui firent quitter cette carrière pour celle de la prédication. C’est là que sa belle mémoire, chargée des richesses que de longues études lui avaient acquises, le servit merveilleusement ; s’il n’improvisait point ses sermons, du moins il n’avait pas besoin d’une longue préparation. On assure qu’il ne commençait son plan que l’avant-veille du jour où il devait prêcher ; le lendemain il employait quelques heures à le méditer, et le troisième jour il prononçait son discours avec une facilité d’élocution qu’on aurait crue être le produit d’un long travail.

C’est au milieu de ces occupations que le P. de Feller eut la douleur de voir abolir un institut qu’il chérissait, et où il avait passé ses plus belles années. Il remplissait alors les fonctions de prédicateur dans le collège des jésuites à Liège ; il prit l’habit d’ecclésiastique séculier, et ne quitta point cette ville. Il se dévoua à la profession d’homme de lettres, si souvent dégradée par des productions coupables, et il résolut de l’ennoblir en consacrant sa plume à la composition d’ouvrages utiles à la religion. Il publia plusieurs écrits jusqu’en 1787, époque où éclata la révolution brabançonne : on sait qu’il y prit part, qu’il écrivit pour elle, et qu’il fut chargé de rédiger le recueil des pièces imprimées alors pour soutenir l’insurrection. Les innovations de l’empereur Joseph II, le danger auquel ces innovations exposaient la religion catholique, les atteintes portées à la saine doctrine, le bouleversement des séminaires et des écoles ecclésiastiques, pouvaient sans doute exciter le zèle de Feller, et il lui était bien permis de se prononcer contre des mesures funestes ; mais du blâme qu’elles méritaient, à l’approbation de la révolte contre le souverain, il y a loin, et il nous paroît difficile de justifier Feller dans tout ce qu’il fit et écrivit sur un sujet si délicat.

En 1794, l’approche des armées françaises et leurs succès dans la Belgique obligèrent l’abbé de Feller de quitter Liègze. Il se retira en Westphalie, où l’évêque de Paderborn l’accueillit avec bienveillance, et lui donna un logement dans l’ancien collège des jésuites. Au bout de deux ans, il quitta ce séjour pour aller à Barteinstein, résidence du prince de Hohenlohe, l’avait invité à s’y rendre ; enfin, en 1797, il se fixa à Ralisbonne. Le prince-éveque de cette ville lui fit l’accueil le plus favorable, l’admit dans son intimité, et s’en faisait accompagner dans ses voyages à Freysingen et à Berchtesgaden, domaines de son évêché. Des offres avantageuses avaient été faites à l’abbé de Feller ; il aurait pu trouver un établissent en Italie et en Angleterre ; mais il préféra à ces différens partis l’honorable hospitalité que lui accordait le prince-évêque, jusqu’à ce qu’il pût retourner dans sa patrie, vers laquelle se portaient tous ses vœux, et qu’il ne devait plus revoir.

Au mois d’août 1801, il fut saisi d’une fièvre lente, qui sans paraître d’abord dangereuse, mina insensiblement ses forces. L’hiver avait semblé lui rendre quelque vigueur, lorsque la fièvre qui l’avait quitté le reprit au printemps, et le progrès du mal lui fit bientôt sentir que sa fin approchait. Il se prépara à la mort avec le calme d’un vrai chrétien. Le 27 avril 1802, il se fit apporter le saint viatique, qu’il reçut avec une foi vive. Le 12 mai suivant, ayant éprouvé une faiblesse, il demanda qu’on lui lût les prières des agonisans. Comme il les savait par cœur, il en prononçait lui-même les paroles. On dit même qu’à un passage où il est question de sainte Thècle, il se rappela et récita des vers de saint Grégoire de Nazianze en l’honneur de cette sainte. Il languit encore. quelques jours, et le 21 mai 1802, il expira dans de grands sentimens de piété.

Si la mort de Feller fut une perte pour les lettres, elle n’en fut pas une moins grande pour la religion qu’il avait constamment défendue contre les attaques de l’incrédulité et les sophismes de la philosophie moderne. Il avait repoussé toutes les innovations dangereuses. Doué d’une piété solide et éclairée, il était resté très attaché à son institut, qu’il regardait avec raison comme saint et utile, et il regretta toute sa vie l’état religieux. Rejeté dans le monde, il y vécut comme il l’aurait fait dans un collège de jésuites, fidèle aux mêmes devoirs, pratiquant les mêmes exercices, livré aux mêmes travaux. Son dévouement pour le saint Siège ne se démentit point ; quelques-uns ont trouvé ce dévouement outré, peut-être parce qu’ils péchaient eux-mêmes par le défaut contraire. Animé des intentions les plus droites, mais dominé par une vive imagination, on put quelquefois lui souhaiter plus de mesure, jamais plus de zèle. Dans la société, il était doux, complaisant et poli ; ses amis étaient nombreux et tous dignes d’estime. Il a beaucoup écrit, et s’il n’a pas toujours rencontré juste, il a au moins toujours cherché avec bonne foi la vérité ; jamais aucun autre intérêt n’a guidé sa plume.

On a de lui : 1° Jugement d’un écrivain protestant, touchant le livre de Justinus Febronius, 1771. C’est la réfutation du fameux ouvrage de M. de Hontheim, évêque de Myriophite et suffragant de Trêves, qui par la suite en rétracta la doctrine. 2° Entretiens de Voltaire et de M. P., docteur de Sorbonne, sur la nécessité de la religion chrétienne et catholique, par rapport au salut. 3° Lettre sur le dîner du comte de Boulainvilliers, facétie de Voltaire. 4° Examen critique de l’Histoire naturelle de M. de Buffon. L’abbé de Feller y attaque la théorie de la terre de cet auteur. 5° Une édition de l’Examen de l’évidence intrinsèque du christianisme traduit de l’anglais de Jenyns, avec des notes, un volume in-12, 1779. Jenyns, l’un des lords du commerce, après avoir été fort religieux dans sa jeunesse, tomba dans le déisme. 6° Dissertation en latin sur cette question : Num solâ rationis vi, et quibus argumentis demonstrari potest non esse plures uno deos, et fueruntne unquam populi aut sapientes qui hujus veritatis cognitionem absque revelationis divinoe ad ipsos propagatoe auxiliis habuerunt ? Cette question avait été proposée par l’académie de Leydc. Le prix fut adjugé à un discours où l’auteur avançait que la croyance d’un seul Dieu n’était fondée sur aucune preuve démonstrative, paradoxe que releva l’abbé de Feller dans une autre dissertation insérée dans son journal du 1er octobre 1780. 7o Une édition des Remontrances du cardinal Bathiani, primat de Hongrie, à Joseph II, empereur, au sujet de ses ordonnances touchant les ordres religieux et d’autres objets, i volume in-8o, 1782, en latin et en français. Ces ordonnances étaient en si grand nombre et si peu d’accord les unes avec les autres, les changemens qu’on chercbait à introduire si peu conformes à la discipline ecclésiastique, que tous les évêques des états autrichiens, à quelques-uns près qui flattaient le monarque, en étaient fatigués et en gémissaient. Le cardinal Bathiani eut le courage d’en faire de vives représentations à son souverain, et toutes les personnes attachées à la religion y applaudirent : lorsque ces remontrances furent rendues publiques, une lettre, sans nom d’auteur, les attaqua ; Feller y répondit victorieusement. 8o Une édition de l’Histoire et fatalités des sacrilèges vérifies par des faits et exemples, etc., par Henri Spelman, avec des additions considérables et des extraits, en latin et en français, des livres des Machabées et autres livres saints, 1789. 9o Traité sur la mendicité, 1775. L’abbé de Feller n’en est que l’éditeur ; mais il y a fait des changemens considérables et beaucoup d’additions. 10° Discours sur divers sujets de religion et de morale, Luxembourg, 1777, 2 vol. in-12. Ces discours ne manquent point d’une certaine éloquence, et l’auteur s’y attache à discuter avec précision et solidité les questions qui en sont l’objet. 11° Une édition de la Vie de saint François-Xavier ; c’est celle du P. Boubours, mais augmentée de quelques opuscules de piété. 12° Véritable état du différend élevé entre le nonce apostolique de Cologne, et les trois électeurs ecclésiastiques ; ouvrage plein de détails curieux sur ces disputes. 13° Supplément au Véritable état, etc., continuation du sujet traité dans le livre mentionné ci-dessus. 14° Coup d’œil jeté sur le congrès d’Ems, précédé d’un supplément au Véritable état ; ces trois ouvrages se tiennent, et sont intéressans pour l’histoire ecclésiastique de ce temps. 15° Défense des réflexions sur le Pro memoria de Saltzbourg, avec une table générale des quatre ouvrages précédens ; tous sont cités presqu’à chaque page dans la ' Réponse de Pie VI aux archevêques de Mayence, de Cologne, de Trêves et de Saltzbourg, au sujet des nonciatures. Ces mêmes ouvrages, écrits en latin, ont été traduits en allemand, et imprimés à Dusseldorf et à Paderbom, 1782 et 1791 : ils devaient aussi être traduits en italien. 16° Dictionnaire de géographie, 1782, 2 vol. in-12 ; 2e édition, Liège, de 1791 à 1794, 2 vol. in-8°. C’est, pour le fond, le dictionnaire de Vosgien, mais considérablement augmenté et refondu presqu’en entier. Les observations que l’abbé de Feller avait rapportées de ses voyages ont beaucoup contribué à donner plus de perfection à ce dictionnaire, et à y établir dans un esprit tout religieux une sorte d’accord entre la géograpbie, la physique, l’astronomie, l’histoire, la théologie et la morale. 17° Observations philosophiques sur le système de Newton, le mouvement de la terre et la pluralité des mondes, avec une dissertation sur les tremblemens de terre, les épidémies, les orages, les inondations., etc., Liège, 1771 ; 2e édition, Paris, 1778 ; 3e édition, Liège, 1788, avec des augmentations considérables. L’auteur s’attache à prouver que le mouvement de la terre, admis aujourd’hui presque universellement, n’est pas tellement démontré qu’on ne puisse encore défendre le système contraire ; quant à la pluralité des mondes, il la soutient impossible. L’astronome Lalande écrivit contre cet ouvrage. Feller lui répondit, et la dispute en resta là. 18° Catéchisme philosophique, ou Recueil d’observations propres à défendre la religion chrétienne contre ses ennemis, Liège, 1778, 1 vol. in-8°, et Paris, 1777 ; il y en eut une 3e édition, Liège, 1787, 3 vol. in-8°, contrefaite à Rouen la même année, et à Paris en 1784 ; et une 4e édition, considérablement augmentée, Liège, 1805, 3 vol. in-12 ; autre édition en 1819, à Lyon, chez Guyot, 2 vol. in-8°, faite, dit-on, sur une copie revue par Feller, et chargée de corrections et de notes de sa main ; enfin, et plus nouvellement encore, Mme la comtesse de Genlis a fait réimprimer ce livre sous le titre de Catéchisme critique et moral, par l’abbé Flexier de Reval ; mais elle s’est permis d’y faire d’assez nombreux retranchemens, et ce n’est pas l’édition que doivent prendre ceux qui mettent du prix à avoir le véritable ouvrage de Feller. Cet ouvrage, plein d’érudition, passe pour un de ceux où l’auteur a montré le plus de talent. Il a été traduit en allemand et en italien ; on en préparait aussi une traduction en anglais. 19° Examen impartial des époques de la nature de M. de Buffon, plusieurs éditions, la 4e est de Maestricht, 1792, 1 vol. in-8°. Divers écrivains s’élevèrent en même temps contre ce que ce livre avait de dangereux ; l’abbé de Feller crut aussi devoir payer son tribut dans cette occasion, et réfuta solidement cette brillante et romanesque théorie, depuis entièrement abandonnée, du vivant même de son auteur. 20° Dictionnaire historique, 1ère édition en 1781, 6 vol. in-8° ; une seconde édition, augmentée considérablement, parut de 1789 à 1797. Il y en eut une 3e en 1809, après la mort de Feller, mais avec la même date de 1797, condition qu’il avait exigée de son imprimeur. C’est cette même édition que l’on a reproduite en 1818, avec un Supplément. On sait que le fond de ce dictionnaire est emprunté de celui de Chaudon, ressemblance qui donna lieu, de la part de celui-ci, à des plaintes de plagiat auxquelles l’abbé de Feller répondit en s’appuyant sur l’exemple de Chaudon lui-même. Ce qui est certain, c’est que l’ouvrage de Feller, malgré de nombreux emprunts, diffère essentiellement de celui de son devancier. Dans celui de Chaudon on remarque une timidité, une indécision de principes qui ressemblent plus à de l’indifférence qu’à de l’impartialité. La cause de la religion n’y est pas soutenue d’une manière assez prononcée ; les nouveautés dangereuses n’y sont pas combattues, ou le sont faiblement. L’abbé de Feller entreprit de rectifier ce que cet ouvrage avait de défectueux, et il y réussit. Il répara les omissions ; il substitua aux réflexions partiales et aux jugemens erronés, d’autres réflexions et d’autres jugemens dignes d’être approuvés par les bons esprits. En un mot, il en fit non un ouvrage parfait, mais un livre que la jeunesse peut lire avec fruit, et auquel les personnes pieuses applaudissent. 21° Réclamations belgiques, ou Représentations faites au sujet des innovations de l’empereur Joseph II, 1787, 17 vol. in-8°. Ce sont les pièces publiées en faveur de l’insurrection brabançonne. 22° Quelques Notes sur la bulle de Pie VI, Auctorem fidei, au sujet du concile de Pistoie. Le cardinal Gerdil les a réfutées. (Voyez GERDIL et GALIFET.) 23° Journal historique et littéraire, Luxembourg et Liège, 60 gros volumes. Depuis 1774 jusqu’en 1794, il en paraissait deux cahiers par mois. Ce journal et celui qui est intitulé Clef du cabinet, à la partie littéraire duquel Feller avait travaillé, contiennent un grand nombre de dissertations sorties de sa plume, sur toutes sortes de matières, mais dans lesquelles il ne manque jamais, lorsque l’occasion s’en présente, de parler en faveur de la religion, et d’en combattre les adversaires. Toutes les démarches faites pour rétablir au complet un seul exemplaire de ce Journal ont été infructueuses, même en Belgique ; mais l’extrait qu’on en a publié à Bruges, 3 vol. in-8°, 1818-1820, console bien de cette perte, puisqu’il contient tous les passages auxquels Feller renvoie dans le Dictionnaire. 24° Itinéraire du voyage de l’abbé de Feller en diverses parties de l’Europe, Liège, 1820, 2 vol. in-8°. Ce sont les notes que Feller avait recueillies dans ses différens voyages. Il les avait mises en ordre, et se disposait à livrer son ouvrage à l’impression, quand la mort le surprit. Il y a dans cet itinéraire des faits curieux, des choses intéressantes ; mais il est surchargé de détails minutieux. Cet ouvrage est peut-être celui qui peint le mieux son auteur : on l’y retrouve dans sa vie privée, dans le commerce de ses amis, et l’on aime sa bonté et sa franchise. 25° Réflexions sur l’Instruction de M. l’evêque de Boulogne (Asseline), touchant la déclaration exigée des ministres du culte catholique par F.-X. de Feller, in-8° de 39 pages, à Liège, chez Desoër, 1800. L’abbé de Feller, dans cette brochure, et dans quelques autres encore qu’il a composées sur la même matière, professe des principes si contraires à l’opinion qu’on a de lui, que ses ennemis cesseraient de l’accuser d’ultramontanisme, et s’appuieraient de son autorité s’ils les connaissaient.

Feller a donné plusieurs de ses ouvrages sous le nom supposé de Flexier de Reial, anagramme du sien. On dit qu’il a laissé de nombreux matériaux pour la réimpression de la plupart de ses écrits. Il ne reste qu’à former des vœux pour que ceux qui en sont dépositaires s’empressent d’en faire jouir le public.

P. S. Pour n’omettre aucune des productions de l’abbé de Feller, nous devons ajouter qu’on a publié à Paris, de 1824 à 1823, en 5 vol. in-8°, un recueil des meilleurs articles du Journal historique et littéraire sous le titre Cours de morale chrétienne et de littérature religieuse, par l’abbé de Feller.

  1. (1) Dans l’article FELLER de la Biographie universelle ce fait est raconté autrement. « Feller, y est-il dit, admis au noviciat, se livra à la lecture avec une ardeur qui faillit lui coûter la vue ; cependant les remèdes qu’on lui prescrivit, et le régime auquel il fut obligé de se soumettre, furent tellement efficaces, qu’il ne ressentit plus de maux d’yeux, etc. » Tout cela roule sur une fausse supposition. Il était de règle absolue chez les jésuites que pendant le noviciat on ne s’occupât que de sa vocation et d’exercices spirituels qui y avaient rapport. Toute étude quelconque était rigoureusement interdite ; il était par conséquent impossible qu’il y eût abus ou excès de lecture. On a donc préféré ici raconter le fait tel qu’il est exposé dans la notice de Liège ; non qu’on prétende qu’il y ait eu dans la guérison de Feller quelque chose de surnaturel ; mais la foi nous enseigne que nous pouvons nous adresser à Dieu pour des avantages temporels, et qu’il daigne écouter nos prières, surtout lorsque notre demande se rapporte à des biens spirituels, comme l’était dans cette circonstance, la vocation à l’état religieux.