Dictionnaire historique, tome 1/AARON-RASCHID

Dictionnaire historique, critique et bibliographique, contenant les vies des hommes illustres suivi d’un dictionnaire abrégé des mythologies et d’un tableau chronologique des événemens les plus remarquables qui ont eu lieu depuis le commencement du monde (revu) par une société de gens de lettres
Ménard et Desenne (p. 5-6).

AARON-RASCHID ou HAROUN AL-RASCHILD, le Juste, né en 765, cinquième calife de la race des Abassides, contemporain de Charlemagne, aussi vaillant que lui, monta sur le trône en 786. (Voy. Précis historique sur les Maures, par Florian). C’était un prince inconcevable par le mélange de ses bonnes et de ses mauvaises qualités. Brave magnifique, libéral, il répandit la terreur chez ses ennemis et les bienfaits sur ses peuples ; perfide, capricieux, ingrat, il sacrifia les droits les plus sacrés de la reconnaissance, de la droiture et de l’humanité, à ses injustes défiances et à la bizarrerie de ses goûts. Il fit périr sans aucune raison, la famille des Barmécides, à qui il devait une partie de sa gloire (Voy. Abassa). Une grande partie de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe depuis l’Espagne jusqu’aux Indes, plia sous ses armes. Il imposa un tribut annuel de 70,000 pièces d’or (1 million) à l’impératrice Irène, et força à le lui payer l’empereur Nicéphore qu’il vainquit et réduisit à racheter sa tête moyennant 3 pièces d’or. Huit batailles qu’il gagna en personne, les arts et les sciences ranimés, les gens de lettres protégés, ont rendu son nom illustre. Charlemagne et Alfred étaient les seuls princes de son temps dignes d’être en commerce avec lui. Aaron fit présent à Charlemagne d’une clepsydre, ou horloge d’eau, regardée alors comme un prodige, et un jeu d’échecs dont on voit encore les restes déposés en 1792 à la bibliothèque du Roi. On dit même qu’il lui céda le Saint Sépulcre, dont le patriarche fit porter en France l’étendard et les clefs. Ce qui est plus mémorable et plus digne de reconnaissance, c’est que les Français doivent à Aaron et à sa juste considération pour Charlemagne, leurs meilleures espèces de légumes et de fruits. La France se ressentait encore au 8e siècle de l’état agreste et sauvage des Gaules. Les espèces des arbres fruitiers étaient en petit nombre et de qualités médiocres ; Charlemagne contribua singulièrement à les multiplier et à les améliorer. L’Italie, le Levant et l’Asie lui en fournirent d’excellentes, et la greffe perfectionnée bonifia les indigènes (Voy. Hortus Caroli M., excerptus ex capit., de villis, anni 800). Sous ce calife les Arabes apportèrent, dit-on, en Europe les chiffres indiens, dont l’usage fut substitué peu à peu à celui des chiffres romains. Il mourut l’an 800 de J. C. et le vingt-troisième de son règne. Il fut si dévot musulman, qu’il fit huit fois le pèlerinage de la Mecque ; il fut le dernier calife qui le fit. Quand il ne pouvait y aller, il entretenait trois cents pélerins à ses dépens. Il donnait tous les jours aux pauvres des sommes considérables, et faisait cent génuflexions par jour. Aaron avait partagé avant sa mort son vaste empire entre ses trois fils. Il donna à Amin, son fils aîné, la dignité de calife, avec Bagdad, la Chaldée, l’Arabie, la Mésopotamie, la Médie, la Palestine, et toute la partie de l’Égypte qui était dans sa dépendance. Mamoun, son second fils, eut la Perse, les Indes, le Chorasan, et une partie du pays qui était au-delà de l’Oxus : Motassem, le plus jeune des trois, ne fut pas aussi bien partagé que les deux autres ; il lui laissa cependant l’Arménie, la Natolie, la Géorgie, la Circassie, et tout ce que les califes possédaient au-delà de la mer Noire.