Dictionnaire françois-latin de Jean Thierry/Index alphabétique - Dédicace

A TRESILLUSTRE

& tresmagnanime Prince Mon-

seigneur iean georges palatin

du Rhin, Duc de la haulte & basse Bauiere, Viconte de Vvaldent, &c.

Onseigneur, comme tout le monde tient pour vn singulier bienfaict venant de la prouidence de Dieu d’auoir de nostre temps suscité infinis gens de bien & de scauoir pour esclarcir les bonnes lettres & disciplines par l’iniure du temps, comme plongées en toute·obscurité, & qu’il luy ait pleu inspirer plusieurs grands Princes & Seigneurs par toute la Chrestienté pour tenir la main à la restitutîon & esclarcissement des bonnes lettres : on ne doibt pareillemēt moins recongnoistre venir de la mesme prouidence l’instrument & moyen de faire tous les hommes participāts de ce grand bien, qui est l’Imprimerie. Lequel moyen comme il n’a esté trouué à vne fois en telle perfection comme nous le voyons, graces à Dieu, maintenant : außi ceulx qui se sont le plus employez par le paßé & ont le plus apporté d’industrie & trauail pour l’amener à cette perfection de laquelle on recoit l’vtilité esperée, doiuent, estre grandement estimez & reputez veritablement comme succitez de Dieu, duquel, par l’exemple si notoire qui est deuant noz yeuls,& lequel nous touchons à la main(apres les bienfaicts incomparables cy dessus mentionnez) nous n’eußions peu receuoir vn plus grand bien. Lequel bien,comme il a esté espandu par toute la Chrestienté, außi le renom de ceulx qui en chascune partie d’icelle se sont addonez l’aduancer a pris tel accroissement, qu’il ny a homme qui ait auec la congnoissance des lettres quelque vsage de raison, en la memoire duquel il ne soit conserué. Ie ne parleray pour n’estre trop long,des aultres natiōs. Quant à la France elle ne peut qu’elle ne celebre grandement la memoire, comme elle se sent avoir esté ornée par son industrie, de defunct Robert Estienne, lequel peut estre dict auoir esté le premier qui a faict que la France pour le regard ne cede à aulcune aultre nation : De quoy sont soy tant de beaus & excellens livres & Latins, & Grecs, & Hebrieus, plus ençores recherchez aujourd’huy que du viuant de l’Imprimeur. Et n’eust esté la calamité qui luy suruint comme à la moytié de son chemin laquelle luy retrancha vne bonne partie des commoditez desquelles il se seruoit pour cet effect, n6us eußions vn nombre infini de liures de son impreßion plus que nous n’auons, & de ceulx qu’il auoit desia mis en lumiere, venants principalement de sa diligence, comme Dictionnaires, pour soulager la ieunesse nous en verrions vn bon nombre augmenté & corrigé en infinis endroicts. Entre lesquels il deliberoit mettre le Dictiōnaire Francois-Latin des premiers, pour n’auoir rien espargné à le faire reueoir à plusieurs scuāts personnages qui
l’auoient en cet endroict infiniment aydé, & nomméement à M. Iean Thierry homme de grande érudition : & pour scavoir tresbien que tel qu’il auoit peu sortir de son imprimerie pour la premiere fois, il auoit esté soingneusement recueilly & apporté vne vtilité grande à tous desirants entendre la proprieté de la Langue Francoyse, de laquelle on veoit plusieurs estrangers, voire Princes & grands Seigneurs voisins d la France auiourdhuy merueilleusement estudians, l’estude desquels & le desir tās honneste ne se pouuoit mieux entretenir ne augmenter que par vn tel ayde & support, auquel lisant es liures Francois, s’il se prsente à eus quelque diction plus obscure & non entendue, ils puissent auoir recours pour trouuer sans grand ennuy ne peine l’explication & propre intelligence de tous mots, mesmes les plus fascheus de ladite langue Francoyse & esloingnez de l’vsage commun. Car ie puis dire qu’il n’y a ne science ne art ne mestier desquels les propres & plus particuliers mots (vulgairement de peu d’aultres, que de ceus qui ont longuement versé aus dictes sciences, arts & mestier, cogneus & entendus} n’y soient diligemment & proprement expliquez, comme il sera facile à tout homme qui a cognoissance de ladicte langue de le iuger à la premiere veue & lecture dudit liure. Chose laquelle estant de soy tant recommendable & profitable qu’vn chafcun ait m’a principalement incité à r’imprimer ledit liure,duquel, y a quelque tēps que i’ay recouuré l’exemplaire pardeca par ledit Robert Estienne auant que partir de France, lequel ie me suis ingeré,Monseigneur,de vous dedier,tant pour ce que tous liures de telle parure sont en premier lieu escripts pour le soulagement de tout estrāgier desirant de bien & parfaictement entendre nostre langue,que pour ce que ie scay qu’en auez bien bonne cognoissance,encores que n’ayez iamais veu la France,ayant esté à ce tresheureusement mené & conduict, oultre le bon esprit & grandes graces qu’il a pleu à Dieu vous departir, par M. Iean Pilot homme de tresgrande erudition & d’vne humanite singuliere, qui mesmes a communicque au public,il y a ia assez longtemps, la methode de laquelle il a vsé à vous enseigner grandement recueillie de tous estrangers affectionnez d nostre dicte langue, & prisée de tout homme à ce se cognoissant. Il y a plus, Monseigneur,que me souuenant de tamt de bien & d’honneur qu’il vous pleut me faire lors qu’estiez à Heydelberg de me receuoir tresbenignement vous faisant la reuerençe, & lequel ie recoys continuellement de vostre tresnoble & tresillustre maison marchant à seureté, frequētant les foyres de Francfort soubs la protection par ses terres & Segneuries, ie serois reputé, comme à bon droict, tresingrat & tresindigne de telle faueur, si se presentant telle occasion que cette ci ie la laisserois passer sans vous faire quelque démonstration, ne pouuant rien plus du singulier desir & deuotion grande que i’ay, s’il plaisoit à Dieu tant me fauoriser que de m’en donner le moyen de vous faire treshumble service d’außi bon cueur,


Monseigneur, que ie suppli vous donner tout heur & prospérité.


Vostre tres humble serviteur I. D. D.