Dictionnaire des sciences philosophiques/2e éd., 1875/Avertissement 1875

Dictionnaire des sciences philosophiques
par une société de professeurs et de savants
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AVERTISSEMENT


DE LA SECONDE ÉDITION

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Plus de vingt ans se sont écoulés depuis que ce livre a paru tout entier pour la première fois 1, mais il n’a pas fallu tout ce temps pour l’épuiser. De pressantes sollicitations en appelaient bien auparavant une édition nouvelle, qui était en grande partie préparée quand de terribles événements nous ont forcés à l’ajourner.

Ce retard n’a pas été perdu pour notre œuvre. Sans nous croire obligé d’introduire aucun changement essentiel, aucune modification générale dans notre rédaction primitive, nous avions un certain nombre d’articles à remplacer ; d’autres, dans une plus grande proportion, à ajouter ; les renseignements bibliographiques à compléter par tous les ouvrages mis au jour dans ce dernier quart de siècle ; enfin, puisque nous nous sommes interdit de juger les vivants, à consacrer la mémoire de chacun des morts que la philosophie avait enregistrés dans le même laps de temps.

Une énumération détaillée de ces additions et substitutions serait ici superflue ; nos lecteurs les reconnaîtront dans le corps de l’ouvrage. Mais il en est quelques-unes qui, plus propres que les autres à donner une idée de ce travail de révision, nous ont paru dignes d’être signalées.

La place que, dans la première édition, nous pouvions donner à Aristote sans manquer aux proportions qui nous étaient imposées, s’est trouvée absorbée tout entière par la biographie et la bibliographie de ce philosophe. Son savant traducteur, qui avait bien voulu se charger de cette tâche et qui l’a complétée dans le présent volume, n’a rien laissé à dire sur ce double sujet. Mais il restait encore à faire connaître, dans ses traits

1. Le tome VI, qui est le dernier, porte la date de 1852.

DICT. PHILOS. a II AVERTISSEMENT DE LA SECONDE ÉDITION. les plus caractéristiques et les plus essentiels et dans les effets principaux de sa longue domination, la philosophie même qu’Aristote a fondée. Dans un article qui a pour titre Philosophie péripatéticienne, cette lacune a été comblée avec autant d’érudition que de talent par notre confrère M. Charles Lévêque.

Un autre membre de l’Institut et du haut enseignement, qui avait déjà concouru pour une part importante à la rédaction de la première édition, M. Paul Janet, a remplacé l’article Devoir, écrit dans un esprit trop systématique, par un article nouveau, plus conforme à l’impartialité du vrai philosophe. Une substitution semblable, inspirée par le même motif, a eu lieu pour les articles Bien, Anthropomorphisme, Honnête, Instinct, etc.

Il serait difficile de tracer une ligne de démarcation infranchissable entre la philosophie et les sciences. Il y a, dans l’histoire des sciences mathématiques, astronomiques, naturelles et médicales, des esprits de premier ordre dont les spéculations sont visiblement dominées par une idée philosophique. Nous avons pensé qu’il était possible de leur ouvrir notre recueil sans empiéter sur un domaine qui nous est étranger. Nous avons donc accueilli des notices consacrées à Ampère, à Buffon, aux deux Cuvier, à Geoffroy Saint-Hilaire, à Lamarck, à Stahl et à quelques autres savants, auteurs de systèmes plus ou moins célèbres. Parmi ces notices, il y en a une à laquelle nous avons donné une étendue exceptionnelle. C’est celle de Galilée. Bien des nuages planaient encore sur cette mémoire illustre ; des controverses passionnées, au lieu de les dissiper, n’avaient servi qu’à les accroître. Grâce à des recherches opiniâtres et à une critique aussi érudite qu’impartiale ; grâce à des documents nouveaux et d’une incontestable authenticité, M. Martin, doyen de la faculté des lettres de Rennes et membre de l’Institut, a fait luire enfin la lumière de l’histoire sur les travaux, la vie et le procès du réformateur florentin. Nous ne pouvions mieux faire que de lui laisser l’espace et la liberté dont il avait besoin.

Parmi les noms nouveaux dont la mort nous a permis de prendre possession, il y en a certainement beaucoup d’obscurs, mais il y en a aussi d’éclatants, fournis en proportions inégales par les nations familiarisées avec les études philosophiques, et d’autres qui sont particulièrement chers à la France. Nous nous contenterons de citer ceux de Cousin, Rosmini, Shopenhauer, Stuart Mill, Gioberti, Galuppi, Hamilton, Balmès, Donoso Cortès, Ballanche, Auguste Comte, Pierre Leroux, Jean Reynaud, AVERTISSEMENT DE LA SECONDE ÉDITION. III

Gratry, Buchez, Bordas-Démoulin, Bautain, Damiron, Garnier, Saisset, Lamennais. Nous nous abstenons à dessein de tout ordre hiérarchique et de toute classification dans cette énumération rapide.

Nous avons fait ce qui était en notre pouvoir pour ne rien omettre d’important et ne rien laisser subsister de trop défectueux. La partie ancienne aussi bien que la partie nouvelle de ce Dictionnaire a été soumise à un contrôle attentif ; mais, bien loin de nous croire à l’abri des observations de la critique, nous les attendons et même nous les sollicitons. Quelque sévères qu’elles puissent être, pourvu qu’elles soient justes, elles peuvent compter sur notre reconnaissance.

On sera peut-être étonné de la forme nouvelle qui a été substituée aux six volumes de la première édition. Il semble que cette condensation convienne mieux à un simple recueil de renseignements qu’à un livre d’étude, destiné à être consulté avec recueillement. Mais elle offre cet avantage, grâce au soin avec lequel elle a été exécutée, de mettre notre livre à la portée d’un public plus nombreux sans en rendre la lecture plus difficile.

Nous ne terminerons pas ces réflexions préliminaires sans payer un légitime tribut de gratitude à deux de nos collaborateurs dont le dévouement et le savoir nous ont été particulièrement utiles dans ce travail de remaniement. L’un est M. Émile Charles, l’auteur d’un remarquable livre sur Roger Bacon. L’autre est M. Albert Lemoine, dont la mort prématurée laisse un vide irréparable dans l’enseignement et dans la science, surtout dans cette partie de la philosophie qui traite des rapports de l’âme et du corps, de l’esprit et de l’organisme.

Paris, le 15 janvier 1875.

AD. FRANCK.