Dictionnaire des richesses de la langue françoise/Index Tome 1

DICTIONNAIRE

DES RICHESSES

DE LA

LANGUE FRANÇOISE

ET DU NÉOLOGISME

QUI S’Y EST INTRODUIT,

CONTENANT

LES termes nouveaux & reçus, les nouvelles locutions, les tours figurés & brillants, les expressions de génie, les graces & les délicatesses, dont la Langue a été ornée & enrichie depuis le commencement du XVIIIe siecle.

LE tout, par des exemples tirés des Ecrivains les plus estimés, & qui se sont distingués par l’élégance du style.

A PARIS,

Chez Saugrain, Libraire ordinaire de Monseigneur

Le Comte d’Artois, Quai des Augustins, près de la rue

Pavée, à la Fleur de Lys d’or.

M D. CC. LXX.

Avec Approbation, & Privilege du Roi.

PRÉFACE.

ON a observé, que depuis un demi siècle, ou environ, il s’est fait un changement considérable dans la Langue Françoife. 1°. Quantité d’expressions qui n’étoient pas en usage dans le dernier siècle se font introduites, & elles ont si bien passé ; que ce n’est point être Néologue que de s’en servir. 2°. Une infinité de métaphores qui auroient paru autresois trop hardies, sont au jourd’hui en usage : elles plaisent, parcequ’elles font une image gracieuse, & qu’elles échauffent l’imagination. Enfin le style est revêtu, pour ainsi dire, d’un coloris par le grand. nombre d’expressions vives qui nous surprennent agréablement, & qui nous séduisent : Voilà ce qu’on remarque dans la plupart de nos Ouvrages modernes. Cette maniere d’écrire s’est introduite insensiblement dans tous les genres : elle s’est fait sentir d’abord dans les Ecrits de pur amusement, elle a passé de là dans les histoires particulieres ; enfin elle s’est glissée dans les discours les plus sérieux : on a cru, sans doute, qu’il étoit permis d’orner la vérité, & qu’un style brillant ne la déparoit point.

Il est vrai de dire qu’on ne peut gueres fixer une langue vivante. A mesure que les hommes acquierent des lumieres, il est naturel que l’art de rendre ses pensées, s’étende & se perfectionne ; soit en produisant des mots qui manquoient à la langue, soit en prenant dans une signification plus étendue, ou même nouvelle, certains termes usités. Celui de misérable, par exemple, signisie proprement un homme dans la misere ; pris dans un sens plus étendue, ce terme veut dire mauvais en tout genre, un discours misérable, une conduite misérable, & par une autre extension, misérable, signifie déshonoré, méprisable on dit d’un homme sans honneur, c’est un misérable. Enfin il est rare qu’une pensée neuve à quelques égards, n’ait pas une maniere etre exprimée qui lui soit particuliere.

Les connoissances qui ont eu tour à tour une certaine vogue, ont introduit encore des nouveautés dans la langue. Certains Poètes, par exemple, & certains Physiciens, se sont accrédités à un certain point : on a vu bientôt passer dans des ouvrages de tout genre, des figures tirées de la Poésie & de la Physique : c’est de là qu’on a dit, être dans son automne, pour dire, être sur le retour de l’âge, & être dans son centre, poui signisier être dans l’état qui plaît & qui convient davantage.

Mais si une langue fait des acquisitions propres à l’embellir, elle en peut faire aussi d’inutiles, & même de nuisibles à sa perfection. Les acquisitions inutiles consistent dans les tours où l’on emploie des mots purement oisifs, comme dans celui ci. Cet exemple de cruauté alla porter la terreur dans tous les esprits. Alla est certainement de trop, porta la terreur dans tous les esprits, suffiroit. Quant aux expressions inutiles & vicieuses, nous entendons certains mots auxquels on attribue, sans aucun besoin, une étendue qu’ils n’ont pas ; & cela pour les substituer par pur caprice, à des mots usités, & qui exprimeroient beaucoup mieux ce qu’on a dessein de faire entendre. C’est par un pareil abus que quelques gens disent dans la conversation & des Auteurs connus l’ont même écrit, badiner quelqu’un pour dire le plaisanter : expression superflue & dénuée de tout finesse.

Il paroit que ces sortes d’extensions naissent de certains principes particuliers à des Auteurs qui ont le talent de se faire lire, ou à des gens accoutumés à plaire dans la conversation. Leur goût pour quelques expressions qui leur ont réussi, l’amour de la singularité les ont enhardis ; car de tels motifs influent sur le langage.

Mais il y a encore d’autres causes qui déterminent sur le choix des expressions. Plusieurs Écrivains ont malheureusement l’ambition de montrer de l’esprit, cesse ils en étalent jusques dans les choses qui ne sont bien dites, qu’autant qu’on les dit avec simplicité. Quelle est alors leur ressource ? Ils se rejettent sur les mots, en détournent le sens, ou bien ils associent des expressions, étonnées, comme l’a dit un celebre Ecrivain, de se trouver ensemble. Des gens qui ont cette espece de manie diront, en parlant des choses qui ne leur plaisent pas : cela ne rime point à mon esprit, à mon goût ; au lieu de dire : cela n’est point dans mon goût, dans ma façon de penser. Que gagneront-ils à se permettre de telles affectations ? d’être souvent obscurs, & souvent même ridicules.

C’est dans l’usage que les gens du beau monde font de la Langue, que certains termes reçoivent & conservent des propriétés plus étendues, plus fines & plus ingénieuses. C’est-là presque toujours que le langage ordinaire acquiert ces graces & cette décence que la politesse de l’esprit sait seule donner. Il est vrai que toutes les nouveautés de ce genre ne font réellement du corps de la Langue, que lorsque les Ecrivains estimés les ont adoptées. Il y a dans la Langue Françoise plusieurs sortes d’écrits, dont le mérite dépend en grande partie de la diction, & cette diction tient à beaucoup d’égards au langage que parlent les gens du monde : telles sont les Comédies en prose, les Lettres des homunes célebres, certains Traités de morale qui renferment des peintures du siècle ; l’Histoire offre, quand elle a pour objet le siècle où nous vivons. Or si dans ces mêmes Ouvrages les gens qui parlent bien, trouvent des termes qui leur paroissent d’une signification nouvelle, qui aient un air d’ancienneté, de familiarité, d’indécence, ils ne pourront les supporter.

Le mal est, que les Langues ne sont jamais plus exposées à dégénérer, que lorsquelles sont plus parfaites. L’heureux intervalle qui produisit les meilleurs Ecrivains de Rome, ne fut pas de longue durée ; le penchant que les hommes ont au changement, la tentation de dire des choses neuves, bannissent souvent les graces naturelles, & introduisent les ornemens recherchés : on ne veut plus s’énoncer qu’avec esprit, on entend finesse à tout ; les expressions ont deux faces, & outre un sens direct, en présentent un détourné ; on substitue aux beautés réelles des riens délicats ; la simétrie marquée prend la place de l’ordre caché ; on veut que ce que l’on écrit étincelle de traits, & que chaque mot excite la surprise ; maniere d’autant plus dangereuse, qu’elle est plus propre à éblouir.

Telles font les réflexions qu’ont fait sur notre Langue plusieurs de nos contemporains, gens connus & dont la réputation est établie. Nous avons jugé qu’elles ne pouvoient être mieux à leur place, qu’à la tête de cet ouvrage.

On y trouvera coup sûr un grand nombre d’expressions qui surprendront agréablement, & parmi lesquelles plusieurs peuvent passer pour des expressions de génie, c’est-à-dire, non des termes nouveaux, dictés par la singularité, mais la réunion adroite de quelques termes connus pour rendre avec énergie une idée nouvelle.

On en verra d’autres qui n’ont pas moins le mérite de la nouveauté, relativement à la place où elles sont ingénieusement employées. On y trouvera des tours éloquens également neufs, & on sentira que notre langue maniée, par des mains habiles, possede assez de richesses pour tracer des tableaux aussi pom- peux & aussi magnifiques que ceux qu’on admire le plus dans les Ecrivains de Rome & de la Grece.

Nous avons cité aussi plusieurs exemples d’expressions qui n’étoient pas d’usage il y a soixante ans. Ce seroit injustement qu’on voudroit les proscrire sous prétexte qu’elles ont une origine moderne : car il suffit pour cela qu’elles soient reçues, & qu’elles soient employées dans les meilleurs livres qui ont paru dans ce siècle ? Au reste, nous ne donnons point pour des exemples sûrs quantité d’expressions & de tours de phrases que nous avons rapporté, & nous ne prétendons point en garantir la validité, si l’on peut parler ainsi ? Nous laissons le Lecteur maître d’en porter le jugement qu’il voudra, d’y applaudir, ou de les improuver.

Pour faire sentir dans quels écarts on peut tomber quand on veut s’exprimer toujours avec finesse, pour briller & montrer de l’esprit, nous avons cité plusieurs exemples qui peuvent donner une idée du néologisme lorsqu’il est abusif.

C’est ainsi que nous avons mis sous les yeux bien des locutions, ou des façons de s’exprimer qui portent l’empreinte du style précieux, certaines phrases singulierement tournées, & quelquefois obscures, certaines inversions hazardées certaines expressions qui éblouissent par leur éclat passager, & qui plaisent à ceux qui aiment le clinquant jusques dans le discours. On en trouvera même qui pourront faire sourire un Lecteur sensé : ce sont quelques expressions empruntées du jargon de nos petites Maitresses. De tous ces exemples, le Lecteur adoptera, comme nous l’avons dit ci-dessus, ce qu’il jugera à propos, ou il les rejettera dans la classe du mauvais néologisme.

A l’égard de quelques mots de nouvelle création qu’on pourra rencontrer parmi les exemples que nous citons, il en est qui doivent trouver grace ; car après tout, est-ce un si grand mal, que de tâcher par une heureuse témérité de suppléer à la disette où nous sommes à cet égard ? A la bonne heure, que les Puristes soient inexorables sur le tour des phrases, sur leur assortiment, sur leur arrangement facile & naturel : c’est de là que dépend la bonté du style. Mais pourquoi traiter avec la même rigueur certaines expressions qui n’ont contre elles que de n’avoir pas été employées, & qui ressemblent si parfaitement pour le fonds & l’analogie à celles que nous mettons par tout : voici un exemple. Y a-t-il moins loin d’utilité à utile, que de frivolité à frivole ? Sans doute que nous avons beaucoup d’obligation aux bons Auteurs du regne passé, & aux premiers qui ont travaillé sur notre langue ; mais sans prétendre leur manquer de respect, ne peut-on pas presque assurer, que le caprice en plus d’une occasion a déterminé leur réforme, qu’en nous conservant les mots dont nous jouissons, ils en ont dégradé quantité d’autres qui pourroient au besoin représenter nos pensées avec autant de force que de naturel ; nous pourrions citer sur cela plusieurs exemples.

Qu’on nous permette ici une réflexion. Nous ne voyons d’autre moyen pour décider les doutes que font naître les variationrs perpétuelles d’une langue virante, que d’observer ces mêmes changemens, afin de ne pas confondre ceux qui n’ont qu’une vogue passagere avec ceux que la Langue reçoit réellement : or, le génie d’une Langue vivante est répandu dans tous les esprits qui savent penser, & qui la cultivent. Des principes & l’usage : voilà les véritables guides.

Enfin, de peur que quelques Lecteurs ne soient surpris qu’on ait osé tenter l’entreprise d’un Ouvrage de la nature de celui-ci nous les prions d’observer que cette maniere de présenter les tours figurés & brillants d’une Langue, telle que nous la donnons dans cet Ouvrage, n’est pas nouvelle. On en avoit fait autant pour la Langue Latine, relativement aux Auteurs qui vivoient, lorsque cette Langue étoit dans son âge d’or, & qu’elle étoit parvenue au degré le plus haut de beauté. C’est ce qu’on voit par le livre ancien des élégances de Manuce, de Muret & autres, qui étoient autant d’imitateurs du style de Cicéron & des Auteurs du siecle d’Auguste. La même idée a été exécutée depuis peu d’années dans l’ouvrage qu’un de nos contemporains a donné sous le titre de Trésor de la belle latinité. Or, ce que ces Auteurs avoient pratiqué pour la Languq Latine, nous avons hazardé de le faire pour la Langue Françoise. C’est en avoir dit assez : les personnes de bon goût verront d’un coup d’oeil quels sont les divers états dans la Société, auxquels ce nouveau Recueil pourroit être utile.

APPROBATION.

J’AI lû par ordre de Monseigneur le Chancelier un Manuscrit intitulé, Dictionnaire des Richesses de la Langue Francoise, & du Néologisme qui s’y est introduit sous le regne de Louis XV ; & j’ai cru qu’on applaudiroit à l’utilité de ce petit Ouvrage, dont l’objet est de faire sentir d’un côté les acquisitions que notre Langue a faites en beautés, & de l’autre de précautionner contre les abus qui se sont glissés dans la diction, par les exemples qu’il met sous les yeux du Lecteur. A Paris ce 19 Septembre 1769.

ARNOULT.

PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & Navarre : A nos amez & féaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenants Civils, & autres nos Justiciers qu’il appartiend a : SALUT. Notre amé le Sieur ***, Nous a fait exposer qu’il desireroit faire imprimer & donner au Public, un Ouvrage intitulé : Dictionnaire des Richesses de la Langue Française sous le Regne de Louis XV : S’il nous plaisoit lui accorder nos Lettres dr Permission pour ce nécessaires. A ces causes voulant favorablement traiter l’Exposant, Nous lui avons permis & permettons par ces Presentes de faire imprimer ledit Onvrage autant de fois que bon lui semblera, & de le faire vendre, & débiter par tout notre Royaume, pendant le tems de trois années consécutives, à compter du jour de la date des Présentes. Faisons défenses à tous Imprimeurs, Libraires, & autres personnes, de quelque qualité & condition qu’elles soient, d’en introduire d’impression étrangere dans aucun lieu de notre Obéissance ; à la Charge que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois mois de la date d’icelles ; Que l’Impression dudit Ouvrage sera faite dans notre Royaume & non ailleurs, en bon papier & beaux caracteres ; que l’Impetrant se conformera en tout aux_Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10 Avril 1725 ; à peine de déchéance de la présente permission ; qu’avant de l’exposer en vente, le Manuscrit qui aura servi de copie à l’impression dudit Ouvrage, sera remis dans le même état où l’approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher & féal. Chevalrer Chancelier Garde dcs Sceaux de France le Sieur de Maupeou : & qu’il sera ensuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliotheque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, & un dans celle dudit sieur de MAUPEOU : le tout à peine de nullité des présentes. Du contenu desquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Exposant, & ses ayans cause, pleinement & paisiblément, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu’à la Copie des Présentes, qui sera imprimée tout au long au commencement, ou à la fin dudit Ouvrage, foi soit ajoutée comme à l’Original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur cc requis, de faire pour l’exécution d’icelles, tous actes requis & nécessaires, sans demander autre permission, & nonobstant clameur de Haro, Charte Normande, & Lettres à ce contraires : car tel est notre plaisir. Donné à Paris, le treizieme jour du mois de Décembre l’an mil rept cent soixante-neuf, & de notre regne le cinquante-cinquieme. PAR LE ROI EN SON CONSEIL.

LEBEGUE.

Registré le Registre XVIII de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & imprimeurs de Paris, N°. 425, Fol. 82., Conformément au Réglement de 1723, qui fais defenses, art. 41 à toutes personnes de quelque qualité & condition qu’elles soient, autres que les Libraires Imprimeurs, de vendre, débiter, faire afficher aucuns livres pour les vendre en leurs noms, soit qu’ils s’en disent les Auteurs ou autrement, & à la charge de fournir la susdite Chambre neuf exemplaires prescrits par l’art. 108 du même Reglement. A Paris, ce 20 Décembre 1769.

BABUTY, Adjoint

DICTIONNAIRE

DES RICHESSES

'DE LA

LANGUE FRANÇOISE

ET DU NÉOLOGISME,

QUI S’Y EST INTRODUIT

SOUS LE REGNE DE LOUIS XV.

A

A esprit égal, (pour dire entre deux personnes qui ont egalement de l’esprit). A esprit égal, l’homme-froid a un grand avantage sur l’homme véhément. Me. Staal.

Homme à telle ou telle chose, (pour dire propre à.. ou qui se plaît à..) Cette fagesse lui donnoit à la guerre un avantage sur tous les gens à entreprises hardies & brillantes. Laugier.

A jamais. (joint à un adjectif). Après la mort à jamais déplorable de Henri IV. Voltaire.

A (devant un infinitif) Ex. Ce morceau est vraiment à lire, (p. d. mérite d’être lu). Bertier.

A mérite égal. Un dévot à la tête d’un Etat, gouverne mieux qu’un autre, à mérite égal. Laugier.

A passion. Un homme à passion est un homme insoutenable. Marmontel.

A sentimens, (p. d. qu’on en est rempli.). C’est un homme à grands sentimens, à beaux procédés, (stile enjoué). Me Elie de Beaumont.

A propos, l’à propos d’une parole dite (sentir l’A…). Je n ai pas assez de pénétration pour sentir l’à propos de ce tant mieux là. Anony.

Abbaisser ses mains aux arts, &c. (dédaigner d’abb.) Avant lui la Nation née fiere & généreuse, dédaignoit d’abbaisser ses mains triomphantes à tous les arts pacifiques, qui sont le fruit de l’industrie. Moreau.

Abbreuver de fiel, (au figuré). La Royauté ne l’étoit venu chercher que pour l’abbreuver de fiel sans aucun mélange de consolation. Coyer.

Abject. Les gens abjects[1], auxquels on accorde à peine le titre d’homme, sont plus estimables qu’un Noble inutile à son Souverain & à sa patrie. Anony.

Absorbé dans l’estime de (p, d. qui n’est occupé qu’a vanter quelqu’un). Il est inconnu des Historiens Grecs, gens absorbés dans l’estime de leur nation. la Bletterie.

Absorber, (au figuré) (attachement qui absorbe tous les autres sentimens). L’attachement qu’elle avoit pour son mari étoit si vif qu’il absorboit en quelque maniere tous les mouvemens de son ame, & lui tenoit lieu de tous les plaisirs. Raynal.

Absorber les désirs. Le desir de la gloire vint absorber les autres desirs de Neuville.

Abyme où s’engloutissent les prospérités. L’Eglise ne permet que les voutes du Temple retentissent du récit des exploits des hommes illustres, que pour nous montrer de plus près, & d’une maniere plus sensible, l’abyme où viennent périr & s’engloutir les prospérités de ce monde. le même.

Abyme de la servitude, (tomber dans) On voit cette Nation si libre tomber dans l’abyme de la servitude, & s’y enfoncer de plus en plus. la Blerterie.

Dans un Ecrivain si profond, il se trouve des abymes où la sonde ne peut atteindre. le même.

Accablé du poids du tems. Accablés du poids du tems, ils exercent la satyre sur tout ce qui s’offre à leurs yeux. Montagnac.

Accens de la douleur. Ils l’appellerent dans les accens de la douleur la plus sincere, leur protecteur & leur père. Diderot.

Mêler les accens de la douleur à . . . Mêlant à ces fictions les accens d’une feinte douleur. Loiseau de Mauleon.

Accens de la passions, (exercé aux accens de la passion, p. d. à la maniere d’en exprimer le ton, le sentiment). Ces hommes si bien parés, (les Comédiens) si bien exercés au ton de la galanterie, & aux accens de la passion, n’abuseront-il jamais de cet art pour séduire de jeunes personnes ? J. J. Rousseau.

Acception d’un mot, (la vraie acception, p. d. le vrai sens dans lequel on doit le prendre) Un bon Grammairien discerne dans les inscriptions la vraie acception d’une infinité de mots grecs & latins, & l’orthographe de ces deux langues. Desfontaines.

Accession, (parlant d’une Puissance qui se joint à une autre) : L’accession du Roi d’Angleterre, devoit porter la Ligue au plus haut degré de force. Laugier.

Acheminer, (s’acheminer au tombeau). Il fut presque le seul des hommes de la Grece, qui content de ses succès, s’achemina tranquillement au tombeau, sans devenir la victime de son ambition ou de l’ingratitude de ses concitoyens. Diderot.

Accord de l’esprit & de la raison. On ne doit reconnoître de vraies beautés, que dans l’accord de l’esprit & de la raison. Dupré de S. Maur.

Acquitter, (s’acquitter par ... envers la vertu de quelqu’un).==== Comme nons nous acquittons par notre estime envers la vertu des ancêtres, nous payons aussi d’un égal mépris l’indignité des descendans. Lamotte.

Accréditer, (p. donner bonne idée). L’extérieur qui nous annonce favorablement, accrédite par avance les autres qualités dont nous pouvons être ornés. Moncrif.

Accumuler des desastres sur une tête. Comment les loix ont-elles souffert que des Moines accumulassent tant de desasstres sur une même tête ? Loiseau.

Accumuler au tour de quelqu’un les preuves de, &c. C’est ainfi que Dieu l’Incuit vos premieres années ; il accumule au tour de vous les -preuves du néant des grandeurs humaines *[2]. Pompignan.

Acheter, se faire acheter, (au figuré). Les beautés des longs poëmes se font acheter par beaucoup de négligences, ou plutôt les négligences y étouffent les beautés. Lamotte.

Action, (esprit mis en action). Mon esprit étoit soutenu, & mis en action par les motifs les plus pressans. Me Staal.

Action, (mettre en action les faits historiques, p. d. les représenter sur la scene). L’histoire n’est qu’un récit & il faut convenir que les mêmes faits racontés, s’ils étoient mis en action, auroient bien une autre force. Henault.

Mettre en action des vertus. Qu’il est digne de nos éloges le grand Ministre, qui a mis en action tant de vertus patriotiques ! Loiseau de M.

Action,(p. d le maintien, la maniere de se mouvoir). Elle[3] avoit une dignité infinie dans l’action, le sourire charmant ; ses yeux & son esprit étoient si bien d’accord, que, tout ce qu’elle disoit alloit droit au cœur. la Baumel e.

Action touchante. Son action étoit aussi touchante & aussi noble que sa composition. Bertier.

Action Théatrale (p. d. sujet propre au théâtre). J’attendois pour chausser le cothurne, qu’une action théatrale me frappât par sa fingularité & par sa grandeur, & que j y pusse trouver tous mes avantages pour un heureux arrangement. Lamotte.

Activité de l’esprit (nourrir l’activité de l'esprit). Il comprit que d’autres études lui étoient encore nécessaires pour nourrir l’activité de son esprir. Dolivet.

Esprit qui tourne son activité du côté de . . . L'esprit en repos du côté des besoins, tourne son activité naturelle du côté des passions agréables. Lamotte.

Activité, (rendre la premiere affivité à..) L"Vniversité de Padoue avoit abandonné ses exercices : on se hâta de leur rendre leur premiere activité. Laugier.

Adossé, ( au figuré). Si aujourd’hui un Prince faisoit en Europe les mêmes ravages, les Nations repoussées dans le Nord, adossées aux limites de l’univers, y tiendroient ferme jusqu’au moment qu’elles inonderoient l’Europe une troisieme fois. Montesqüieu.

Autre Ex.

On a peine à comprendre comment des essains de Barbares adossés aux pôles du monde, & sortis des extrémités du Nord, conquirent autrefois & démembrerent le vaste Empire des Romains. Bertier.

Adoucir les traits : Elle sut l’habituer à une bienséance, qui sans nuire au fonds de son enjouement en adoucissoit les traits un peu trop forts. la Baumelle.

Affaissé sous le poids de la nécessité. Ce ne peut être cette foule d’hommes affaissés sous le poids de la nécessité, que nos fiers ayeux admirent au partage de la plus noble de leurs fonctions, (c. d. de délibérer dans les assemblées de la Nation. Mirabaud.

Affiche de bel esprit, (prendre l’affiche de) Bien des gens sans examen préalable, prennent l’affiche de bel esprit, par le sentiment de leur inutilité. Nécrol. des hom. cel.

Afficher la contradiction. On le voyoit

Voile qui se déchire, (au figuré). Déja le voile qui dérobe la connoissance de l’avenir, est prêt à se déchirer devant mes yeux. Saint-Aulaire.

Voile de l’orgueil, (humeur qui est le voile de l’orgueil). Il n étoit point de ces auteurs, dont l’humeur sombre est le voile d’un ridicule orgueil. d’Olivet.

Voile épais qui ne laisse parvenir qu’un rayon de, &c. Un voile épais ne laisse parvenir jufqu’à nous qu’un rayon de sa splendeur infinie[4]. Torné.

Voiles, (déchirer les) (au figuré). La vengeance s’est déguisée sous un faux dehors de justice ; la haine s’est satisfaite sous les couleurs du zele : il m’a fallu déchirer tous ces voiles, dire les causes qui ont allumé dans cette affaire tant de passions tumultueuses. Loiseau de M.

Déchirer les voiles, (au figuré.). Descartes marche à la nature : il entreprend de déchirer ses voiles, & d’expliquer le systême du monde. Thomas.

Voiles, (mettre toutes les) (au figuré) (p. d. se déployer, faire ses efforts pour briller). Le bel esprit mit toutes les voiles. Marmontel.

Voir loin. Jacques ne voyoit pas loin, & Sunderland ne voyoit qu’avec des yeux infideles. Raynal.

Voisin du succès (projets voisins du ..) Comment renoncer à des projets concertés depuis si longtems, & si voisins du succès ? Diderot.

Voisin du tombeau. Ce pere accablé d’années, & trop voisin du tombeau pour haïr quelqu’un fortement, laissa ses ennemis en paix. La Baumelle.

Voix du devoir. La voix du devoir fut trop faible pour s’opposer à cette révolution qui porta le feu dans nos sens. Loiseau.

Voix, (voix solitaire dei devoir). La voix solitaire du devoir doit parler plus haut pour un Chrétien que toutes les voix dela renommée. Gresset.

Voix, (faire retentir au fond du coeur la voix de). Il fit retentir au fond des cœurs la voix de la patrie gémissante. Elisée.

Voix qui s’éleve du sein du tombeau. Ici que ma foible voix se taise pour laisser parler un_Roi & une Reine, qui pendant leur vie, comme à leur mort, ont fait consister toute leur grandeur dans la piété. Du sein de leur tombeau s’éleve une voix formidable qui condamne nos vices, qui nous reproche nos passions, qui nous avertit que le monde passe, &c. Moreau.

Voies, (il n’est pas dans nos voies) (p. d. il n’est pas de la nature de l’homme). il n’est pas dans nos voies, pour parler un langage à la mode, d’aimer tendrement & tranquillement qui nous haït. Desfontaines.

Vol, (prendre son vol) (au figuré De ces réflexions fondées sur la vérité, M. Bossuet prend son vol, se plaçant, pour ainsi dire, dans le sein de la Divinité, il considere la terre & les habitans qui la couvrent. Le Batteux.

Vol de la victoire (suivre le vol de la victoire). Souffrez que je continue de suivre le vol de la victoire qui m’entraine. Houtteville.

Voler autour du trône. Trois fois Saint le Dieu des armées c’est le cri puissant des Séraphins à six ailes, qu’Isaïe vit voler autour du trône de l’Eternel. Torné.

Voler le feu du ciel, (p. d. dérober le) (parlant d’un homme de beaucoup d’esprit & universel dans ses connoissances). C’étoit un Promethée qui avoit volé le feu du ciel. Coyer.

Esprit de terreur, esprit d’audace qui vole dans les armées. Aux ordres du Très Haut, volent dans les armées, tantôt l’esprit de terreur tantôt l’esprit d’audace intrépide. De Neuville.

Volume de la voix. Sa voix éclatante remplissoit la salle de son volume harmonieux. Marmontel.

Volupté d’esprit. Des ouvrages de cette nature, (des systèmes de politique) lorsqu’ils sont bien écrits & qu’il y regne une critique fine & délicate des usages reçus, tiennent lieu de romans aux esprits philosophiques, 8c cette volupté d’esprit préparée avec art ne doit pas être comptée pour rien. Desfontaines.

Vomir, (p. d. produire). Tandis que le Nord vomissoit sans cesse une foule de Guerriers, aussi prodigues de leur fang, qu’avides de celui de leurs ennemis. Mehégan.

Vomir la mort, (parlant du canon & autres pieces). Trois cents pieces d’artillerie vomissoient la mort autour de lui. De tous côtés la foudre vient heurter ses vaisseaux. Thomas.

Autre ex. La cupidité vomit l’envie, l’orgueil, la fraude, la cruauté, & tous les vices qui deshonorent l’humanité. Mirabaud.

L’Enfer qui vomit. Jamais l’enfer n’a vomi de pelle plus meurtriere[5]. Bertier.

Voutes qui couvrent nos têtes, (au figuré) (pour exprimer la magnificence des cieux). Qu’y a-t-il qui tienne plus du prodige, que ces voutes d’un ornement si superbe qui couvrent nos têtes : ces feux qui brillent au dessus des airs d’une flamme si vive & si pure ? Houtteville.

Vrai, (un vrai trivial, un vrai de recherche). Quelques Auteurs dans leurs discours se contentent d’un vrai trivial, & d’une clarté trop familiere. Cela n’est-il pas vrai, dirent-ils ? ne m’entend-on pas ? Oui, mais nous voulons un vrai de recherche qui nous instruise, & une clarté élégante qui nous fasse voir un grand sens dans toute sa dignité. Lamotte.

Vrai caché. La critique des mœurs y et exprimée sans finesse une hardiesse infensée y tient lieu de ce vrai caché, dont la découverte est si agréable à l’esprit. Desfontaines.

Le vrai armé de, &c. Il n’a encore rién paru d’aussi fort, tant pour le style, que pour les raisons : c’est le vrai armé de tous les traits de l’éloquence. Denier.

Vu, bien vu, (choses bien vues). Le style de ce discours est serré & plein,de choses bien vues & bien rendues. Le même.

Vuide, (trouver un vuide dans son ame). Je trouvai un vuide dans mon ame, que tous mes faux plaisirs ne pouvoient remplir. Duclos.

Vuide d’intérêt, (Tragédie). Je les plains de s’être donné la peine d’apprendre une tragédie absolument vuide d’intérêt. Freron.

Vuider ses recueils. Les Commentateurs ne travaillent pas uniquement à donner l’intelligence de leur auteur : ils ne l’ont souvent choisi que pour avoir l’occasion de vuider leurs recueils. La Bletterie.

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Y

YEUX (des yeux qui semblent dire certaines choses). Ses yeux sembloient lui dire les choses du monde les plus obligeantes. Marmontel.

Des yeux troublés, (au figuré). En moi les yeux ne sont point troublés par les mouvemens du coeur. Montesquieu.

Yeux, (des yeux qui en mourant désirent quelque chose). Les soins du Duc du M. manquerent à ses derniers moments[6], & ses yeux dans leur dernier regard désirerent quelque chose. La Baumelle.

Des yeux stupides, (voir avec des). Spectateurs de la nature, sans talens, ils ne voient qu’avec des yeux stupides ou distraits. Bertier.

Les yeux de la rivalité, (se regarder avec les). Il s’agissoit de former un nouvel État parmi tant d’autres Puissances qui ne regardoient qu’avec les yeux de la rivalité. Poncet de la Riviere.

Des yeux jaloux qui ne pardonnent pas, &c. Leurs yeux jaloux, & blessées de l’éclat de son regne, ne lui pardonnoient pas la haute consideration qu’il sçut donner à la Nation Françoise. Bertier.

Yvresse, (tomber dans l’) (au fig.) Quoiqu’il eut de l’esprit, il tomba dans cette yvresse. où la fortune plonge ordinairement ceux dont elle a passé les espérances. Duclos.

Yvresse de l'esprit. Le génie est une douce fureur, plus ou moins durable : C'est l’yvresse de l’esprit, comme toute passion est l'yvresse du cœur. d’Olivet.

Yvrese des armes. L'yvressez des armes, foiblesse des grands hommes, ne verse point en son ame ces ardeurs brulantes qui rendent légitime tout ce qui paroit honorable. De Boismont.

Yvresse, (au fig.) (yvresse de la grandeur). Que d'obstacles à la vertu quand les attraits du plaisir se joignent à l’yvresse de la grandeur ? Disc. Acad.

Yvresse de l'amour propre. Que l’Auteur d'une Tragédie lise sa piece à des Connoisseurs, sans emphase, d'un ton sensible, mais modéré, & qui ne marque pas l'yvresse de l'amour propre. Lamotte.

Yvresse des succès. L'yvresse des succès n'a jamais altéré la sagesse. Le même.

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Z

Zelateur de l'harmonie. Ami de la paix, zélateur de l'harmonie, il modere le zele des uns, il anime les bonnes intentions des autres. Cuny.

FIN
  1. * Les Laboureurs.
  2. * Par la mort de plusieurs parens.
  3. Madame de Maintenon.
  4. De Dieu.
  5. * L’Auteur parle de l’Ouvrage dit la Pucelle d’Orleans.
  6. * De Madame de Maintenon.