Dictionnaire des proverbes (Quitard)/table

table. — La table est l’entremetteuse de l’amitié.

À table les haines s’éteignent, les inimitiés cessent et l’amitié se resserre davantage. C’est une vérité que Minos et Lycurgue avaient reconnue lorsqu’ils établirent des repas de confraternité. Aristée regardait comme contraire à la sociabilité la coutume des Égyptiens, qui mangeaient séparément et n’avaient jamais des festins communs.

On ne vieillit point à table.

Les uns ont attribué ce proverbe à madame de Thianges, que madame de Sévigné nous a représentée se mettant à table en personne persuadée qu’on n’y vieillit point ; les autres en ont fait honneur au célèbre gourmand Broussin ; mais ce proverbe était usité en France et en Italie longtemps avant l’époque à laquelle on prétend qu’il est né. Peut-être fut-il présent à l’esprit du trouvère qui imagina de placer la fontaine de Jouvence dans le pays de Cocagne.

Laurent Joubert, dans le Ramas de propos vulgaires qu’on trouve à la suite de son livre des Erreurs populaires, édition de 1579, fait cette question qu’il ne résout point : Pourquoi dit-on qu’on ne vieillit point à table ni à la messe ? — Je crois que la messe a été réunie à la table dans le proverbe, à cause des repas nommés agapes, que les Chrétiens fesaient dans l’église après le sacrifice divin. Mensas faciebant communes, et peracta synaxi post sacramentorum communionem inibant convivium (Chrysostomi Homelia xxvii). — Plusieurs étymologistes pensent que le mot messe est dérivé de mensa, mense ou table, et que la formule ite, missa est, fut primitivement ite mensa est ; mensa, disent-ils, devint messa, et messa fut changé en missa par deux effets successifs de la prononciation qui adoucissait ou supprimait le n, et qui donnait à l’e le son de l’i.

Point de mémoire à table.

C’est le proverbe antique odi memorem compotorem. Je hais un convive qui a de la mémoire. — Il était défendu chez les Grecs de rien révéler de ce qui se passait dans les festins, afin que la crainte des indiscrétions n’y vint pas comprimer les libres épanchements de la gaieté ; et lorsqu’ils étaient réunis dans la salle du banquet, le plus âgé des convives montrait la porte aux autres en leur disant : Souvenez-vous qu’aucune parole ne doit sortir par cette porte. Cet usage avait été introduit primitivement à Sparte par une loi de Lycurgue.