Dictionnaire des proverbes (Quitard)/queue

queue. — Faire la queue à quelqu’un.

Le prendre pour jouet ou pour dupe. — Cette façon de parler triviale est venue des Latins, qui disaient : Homuncio trahit caudam, le petit homme traîne la queue, sert de risée ; parce qu’on était dans l’usage à Rome d’attacher une queue de bête par derrière à ceux qu’on voulait livrer au ridicule lorsqu’ils s’endormaient en compagnie. Veteres, dit Scaliger, iis quos irridere volebant dormientibus capiti supponebant vel caudam vulpis vel quid simile. Cela se pratique encore très souvent dans les joyeuses veillées des hameaux.

Pour enchérir sur cette expression, les soldats et le peuple disent faire une queue de Prussien, parce que les militaires prussiens portaient la queue très longue, il n’y a pas longtemps.

À la queue leuleu.

Lorsque plusieurs personnes marchent sur un seul rang, à la suite l’une de l’autre, on dit qu’elles marchent à la queue leuleu, expression par laquelle on désigne aussi un jeu dans lequel les enfants imitent les loups, autrefois appelés leux, qui courent après une louve en chaleur. « Le premier loup qui rencontre la louve, dit Pasquier, la flairant sous la queue, se met à sa suite ; un autre loup se met à suivre celui-ci, et le troisième à la queue du second, tellement que de queue en queue ils font une grande traînée de loups… De là est venu jouer à la queue leuleu, par un ancien mot françois. »

Gare la queue des Allemands.

C’est-à-dire les suites fâcheuses d’une affaire.

Une ancienne coutume allemande voulait que deux personnes obligées de se battre en champ-clos fussent assistées de leurs parents respectifs, qui devaient prendre, à tour de rôle, la place du vaincu, jusqu’à ce que les juges du combat eussent décidé qu’il n’y avait plus à satisfaire aux exigences du point d’honneur. De là, dit-on, l’expression proverbiale. — Je croirais plus volontiers que cette expression est venue de ce que les seigneurs allemands, qui se rendaient aux diètes, se fesaient suivre de la plupart de leurs vassaux. Cette escorte, qu’ils appelaient leur queue, était toujours fort considérable, et, quoiqu’elle fût défrayée par eux, elle ne laissait pas d’être à charge dans les endroits où elle s’arrêtait. Bonneton de Peyrins, parlant de cet usage (Dissert. sur les réjouissances publiques), nous apprend qu’il était passé en proverbe de dire gare la queue pour un particulier qui, donnant un repas, voyait arriver chez lui plus de gens qu’il n’en avait invités.

On rapporte qu’un des premiers comtes de Savoie étant allé à Vérone au devant de l’empereur Henri II, qui passait d’Allemagne en Italie pour se faire couronner, se présenta à la porte du palais de ce prince avec une suite si nombreuse de vassaux que les huissiers ne voulurent pas l’introduire avec elle. Il leur répondit fièrement qu’il n’entrerait point sans sa queue, et l’empereur, instruit de sa réponse, ordonna qu’on le laissât entrer avec sa queue. Ce comte prit de là le surnom d’Amé la queue, Amedeus cauda.