Dictionnaire des proverbes (Quitard)/pourceau

pourceau. — Aller de porte en porte comme le pourceau de saint Antoine.

Expression qu’on applique ordinairement à un écornifleur, à un chercheur de franches lippées.

Saint Antoine, abbé, interprétant à la lettre un passage de l’Écriture qui dit que l’Évangile doit être annoncé à toutes les créatures, se crut appelé par là à faire entendre la parole de Dieu aux poissons et aux bêtes des champs et des bois. Il erra, prêchant sur les bords des fleuves et de la mer, au milieu des bruyères et des forêts ; mais son éloquence ne produisit pas le même effet que la lyre d’Orphée. Elle n’attira ni monstre marin, ni tigre, ni lion. Il ne fut suivi, dans ses pieuses excursions, que par un pourceau. De là vient qu’il a été surnommé en Italie, saint Antoine du porc, santo Antonio del porco, et qu’il a été représenté par les peintres avec ce fidèle compagnon. De là vient aussi que les pourceaux lui ont été consacrés. Toutes les confréries placées sous la protection de ce saint, engraissaient autrefois un grand nombre de ces animaux, dont elles fesaient un commerce considérable. Ils portaient quelque marque pour être reconnus, et parcouraient tranquillement les rues, sans qu’il fût permis de les inquiéter, encore moins de les frapper. On n’avait pas d’autre moyen de les faire sortir des maisons où ils s’introduisaient fort souvent, que de leur jeter quelque mangeaille dehors pour les y attirer. Ils furent supprimés partout, parce qu’ils avaient dévoré plusieurs enfants ; mais ceux de l’abbaye de saint Antoine furent honorablement exceptés, au nombre de douze, qui conservèrent le privilége d’aller de porte en porte avec une clochette au cou.

On lit dans le Carpenteriana, qu’il y avait autrefois de bons religieux qu’on appelait pourceaux de saint Antoine, lesquels étaient obligés de faire huit repas par jour par esprit de pénitence. Ces pourceaux, qui s’engraissaient comme les autres à la plus grande gloire de Dieu et aux dépens des fidèles, fesaient consister la piété à montrer jusqu’où la peau humaine peut s’étendre.