Dictionnaire des proverbes (Quitard)/poudre

poudre. — Il n’a pas inventé la poudre.

Il n’a rien fait d’extraordinaire, il est tout à fait nul. C’est comme si l’on disait : il ne mérite pas le nom de docteur admirable, qui fut donné à Roger Bacon, moine franciscain, regardé comme l’inventeur de la poudre.

Quand on veut faire entendre, sans avoir l’air de blesser la politesse, qu’un homme n’a pas inventé la poudre, on dit qu’on a tiré le canon ou un beau feu d’artifice à sa naissance.

Voici un proverbe très curieux du xve siècle sur la découverte de la poudre : Le moine qui inventa la poudre avait dessein de miner l’enfer.

Il n’est pas étonnant que nos aïeux aient considéré cette découverte comme un chef-d’œuvre et un type du génie. Elle avait pour eux la plus grande importance, car elle leur offrait un moyen infaillible de s’affranchir de l’oppression des nobles, de réprimer le brigandage seigneurial, en fesant cesser la supériorité du chevalier bardé de fer contre le bourgeois sans armure, du grand contre le petit, du fort contre le faible. C’était un don fait par le ciel à l’égalité des droits contre l’inégalité des moyens : la tyrannie des gentilshommes ne put tenir devant les armes à feu, et sa décadence commença précisément à l’époque où elles furent introduites.

Jeter de la poudre aux yeux.

M. A.-V. Arnault a dit dans un article sur la poudre : « Quelle est l’origine de cette expression ? N’aurait-elle pas pris naissance dans les camps ? Le chevalier de Boufflers me contait qu’autrefois à l’armée on jugeait de loin, au volume du tourbillon de poudre (c’était le mot consacré) qu’élevait un groupe de cavaliers, du grade de l’officier que ce groupe accompagnait sur la ligne. Poudre de maréchal-de-camp, disait-on, poudre de lieutenant-général, poudre de général, ce n’était pas raisonner absolument mal, le cortége d’un officier supérieur étant proportionné en nombre à l’importance de son grade. Cependant on peut être induit en erreur par cet indice, et prendre des troupeaux pour des troupes, comme cela est arrivé à don Quichotte, qui, à la vérité, s’est quelquefois trompé plus lourdement ; un faquin entouré de quelques goujats peut faire autant de poudre qu’un maréchal de France. Quand on y était pris, on disait : Ce drôle nous a jeté de la poudre aux yeux. Ce qui passa en proverbe. »

J’ai rappelé cette explication comme curieuse, mais non comme vraie. L’expression proverbiale n’a pas dû son origine à un usage moderne, car elle est littéralement traduite de celle des Latins, pulverem oculis offundere. On pense qu’elle fait allusion à la poussière soulevée dans le stade par les pieds du coureur, qui gagnait ses concurrents de vitesse. Pour rallier ceux qui restaient trop en arrière, les spectateurs leur disaient que le vainqueur les empêchait de voir le but et d’y arriver, en leur jetant de la poudre aux yeux ; et cette expression, passant bientôt du propre au figuré, servit à caractériser le manège de ces gens qui, par de belles paroles ou par tout autre moyen, nous éblouissent et nous empêchent de voir clair dans les choses qu’ils veulent faire tourner à leur avantage.