Dictionnaire des proverbes (Quitard)/linceul

linceul. — Le plus riche en mourant n’emporte qu’un linceul.

Ce proverbe, très ancien dans notre langue, a été employé par le troubadour Pons de Capdueil :

Alexandres qui tot le mon avia
Ne portet ren mas un drap solamen.

Alexandre qui avait le monde entier, n’emporta qu’un linceul.

On lit dans une épigramme de Lucien : « Je suis arrivé nu sur la terre ; je m’en irai nu dans son sein. À quoi bon me tourmenter inutilement ? »

La même pensée se trouve dans les paroles suivantes de l’Ecclésiaste (ch. v, ℣ 14) : « Comme l’homme est sorti nu du sein de sa mère, il y retournera de même les mains vides, et sans rien emporter de son travail. »

Job avait dit (ch. xxxi) avant Lucien et l’Ecclésiaste : « Je suis sorti nu du sein de ma mère ; je rentrerai dans le sein de la terre tout nu. »

Saladin, à l’époque de sa mort, arrivée le 4 mars 1193, voulut qu’au lieu du drapeau élevé devant sa porte, on déployât le drap mortuaire dans lequel il devait être enseveli, et qu’un héraut criât : « Voilà tout ce que Saladin, vainqueur de l’Orient, emporte de ses conquêtes. » — C’était le proverbe mis en en action d’une manière sublime.