Dictionnaire des proverbes (Quitard)/heur

heur. — Il n’y a qu’heur et malheur.

C’est-à-dire que le hasard décide de la plupart des choses. Les Grecs avaient un proverbe semblable, qu’Amyot a traduit ainsi :

Tous faits humains dépendent de fortune,
Non de conseil ni de prudence aucune.

Plutarque, dans son Traité de la fortune, s’est attaché à démontrer la fausseté de ce proverbe, qui attribue tout au sort et ne laisse rien à la prudence. Cependant il est vrai de dire que la raison humaine est presque toujours en défaut, et que la fortune semble se moquer d’elle en donnant des résultats différents à des entreprises semblables ; ce qui revient à la pensée de Juvénal, que de deux scélérats qui commettent le même crime l’un est mis en croix et l’autre élevé sur un trône,

Multi
Committunt eadem diverso crimina fato.
Ille crucem sceleris prelium tulit, hic diadema.

L’Ecclésiaste dit : Vidi sub sole nec velocium esse cursum, nec fortium bellum, nec sapientium panem, nec doctorum divitias, nec artificum gratiam, sed tempus casumque in omnibus (c. ix, ℣ 11). J’ai vu sous le soleil que le prix de la course n’est point pour les plus légers, ni la gloire pour les plus vaillants, ni le pain pour les plus sages, ni les richesses pour les plus habiles, ni la faveur pour les meilleurs ouvriers ; mais que tout se fait par rencontre et à l’aventure.

« L’heur et le malheur sont à mon gré deux souveraines puissances. C’est imprudence d’estimer que l’humaine prudence puisse remplir le rôle de la fortune. » (Montaigne.)