Dictionnaire des proverbes (Quitard)/bannière

bannière. — Aller au-devant de quelqu’un avec la croix et la bannière.

C’est ainsi que le clergé de Rome allait au-devant de l’exarque ou représentant de l’empereur, pour lui rendre hommage ; ce cérémonial fut observé par le pape Adrien Ier, lorsque Charlemagne fit son entrée à Rome, comme l’atteste le passage suivant du Liber Pontificalis (t. iii, part. 1, p. 185) : Obviam illi ojus sanctitas dirigens venerabiles cruces, id est signa, sicut mos esi ad exarchum aut patricium suscipiendum, eum cum insigni honore suscipi fecit. On fesait les mêmes honneurs aux rois et aux princes dans les villes et les villages où ils passaient. « Quant le roy (saint Louis) arriva en Aire, dit Joinville, ceulx de la cité le vindrent recevoir jusques à la rive de la mer, ô (avec) leurs processions à trez grant joyc. » Les seigneurs dans leurs fiefs étaient reçus d’une semblable manière. C’est de cet usage qu’est venue notre expression proverbiale dont on se sert pour marquer une réception fort honorable.

Il faut l’aller chercher avec la croix et la bannière.

Se dit d’une personne qui se fait attendre, et cette façon de parler est fondée sur un ancien usage observé dans quelques chapitres, notamment dans celui des chanoines de Bayeux. Lorsqu’un de ces pieux fainéants ne se rendait pas aux vigiles, appelées depuis matines, qu’on chantait dans la nuit, quelques-uns de ses confrères étaient députés vers lui processionnellement, avec la croix et la bannière, comme pour faire une réprimande à sa paresse. Cet usage durait encore, dit-on, en 1640.

Faire de pennon bannière.

Le pennon était l’enseigne d’un gentilhomme bachelier qui avait sous lui vingt hommes d’armes ; la bannière était l’enseigne d’un gentilhomme banneret qui commandait à cinquante hommes d’armes. Le pennon se terminait en queue, et la bannière avait une forme carrée. Quand le bachelier passait banneret, la cérémonie consistait à couper la queue de son pennon qui devenait ainsi sa bannière. De là l’expression héraldique Faire de pennon bannière, qui est passée en proverbe pour dire, s’élever en grade, être promu d’une dignité à une dignité supérieure.

Cent ans bannière, cent ans civière.

C’est-à-dire que les grandes maisons finissent par déchoir. On les a comparées aux pyramides dont la vaste masse se termine en petite pointe. La bannière était autrefois l’attribut des hauts seigneurs. On appelait maison bannière, chevalier bannière, la maison et le chevalier qui avaient un nombre de vassaux suffisant pour lever bannière, et l’on donnait par opposition le nom de civière à un noble sans fief et du dernier ordre, comme on le voit dans ces deux vers extraits de l’histoire des archevêques de Brème :

Erat davus nobilis sanguine regali
Ex matre, sed genitor miles civeralis.

Les Espagnols se servent du proverbe suivant : Abaxanse los adarues y alcanse los muladares. Les murs s’abaissent et les fumiers se haussent. C’est-à-dire les grands deviennent petits et

les petits deviennent grands.

Irus et est subito qui modo Cresus erat.

(Ovid.)

Platon disait : Il n’est point de roi qui ne soit descendu de quelque esclave ; il n’est point d’esclave qui ne soit descendu de quelque roi.