Dictionnaire des proverbes (Quitard)/Berthe

berthe. — Au temps où Berthe filait.

C’est-à-dire au bon vieux temps. En ce temps-là le fuseau et la quenouille formaient le symbole de la mère de famille, et les femmes du premier rang s’occupaient à filer comme les humbles ménagères. Tanaquil, épouse de Tarquin l’ancien, était devenue célèbre chez les Romains par son zèle dans l’accomplissement de ce soin domestique. Chez les Francs, il en fut de même de Berthe, épouse de Pépin et mère de Charlemagne.

Dans le palais comme sous la chaumière,
Pour revêtir le pauvre et l’orphelin,
Berthe filait et le chanvre et le lin :
On la nomma Berthe la filandière.

Ces vers sont extraits d’un épisode du chant ix du poëme de Charlemagne par Millevoye, qui a emprunté cet épisode d’Adenès, trouvère du douzième siècle, auteur du roman en vers de Berthe au grand pied, dont M. Paulin Paris a donné une excellente édition.

Les Provençaux disent : Au temps où Marthe filait. Ce qui place le bon vieux temps à l’origine du christianisme ; car il s’agit ici de cette Marthe qui, suivant une tradition populaire, ayant été chassée de Jérusalem et exposée sur un vaisseau sans voiles et sans avirons, avec son frère Lazare, sa sœur Marie Magdelène et quelques disciples du Sauveur, aborda miraculeusement sur les côtes de Provence, où elle prêcha la foi et sanctifia par une pénitence exemplaire, dans la grotte nommée Sainte-Baume, la fin d’une vie dont elle avait passé la première moitié au milieu des plaisirs, dans son château de Béthanie. — L’expression des Provençaux n’est pas toujours employée dans le même sens que la nôtre ; on s’en sert souvent pour rappeler un temps d’opulence, de prospérité, de vigueur, dont on a joui, pour marquer et pour regretter les honneurs passés.

Je dirai pour les lecteurs qui aiment les étymologies des noms propres, que celui de Berthe, en francique ou en théotisque, signifie brillante, splendide, et que celui de Marthe, en hébreu, signifie maîtresse.