Dictionnaire des antiquités grecques et romaines/DACTYLI


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DICTIONNAIRE


DES ANTIQUITÉS


GRECQUES ET ROMAINES


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D

DACTYLI, Ἰδαῖοι Δάκτυλοι. — Dactyles Idéens, personnages mythiques iclentiliés aux Curètes 1[1]. Quelques-uns les regardaient comme les ancêtres des Curètes. Selon Diodore 2[2], les Dactyles Idéens, qui tiraient leur surnom du mont Ida, en Crête, étaient les plus anciens habitants de la Crète ; mais le même historien rapporte l’opinion d’Éphore, qui les faisait originaires du mont Ida en Phrygie, d’où ils seraient venus en Europe avec Mygdon. On les retrouve encore à Samothrace, où ils auraient séjourné et où leurs prestiges auraient fait l’admiration des habitants 3[3].

En Élide où, selon Pausanias, ils seraient venus de la Crète, ils fondent les Jeux Olympiques 4[4], institution attribuée par d’autres aux Curètes. Entre autres inventions qui les rendirent célèbres et leur obtinrent les honneurs divins, on plaçait l’usage du feu, la découverte du cuivre et du fer et l’art de travailler les métaux 5[5]. Comme les TELCHINES, ces autres artisans primitifs, ils étaient renommés et craints pour leurs actes magiques. Ils jouent un rôle dans les anciens mystères ; on leur donnait Orphée pour disciple 6[6], et leur séjour à Samothrace les rapproche des Cabires [CABIRI].

Comme les Curètes, les Dactyles Idéens sont les nourriciers de Zeus, qu’ils ont reçu à sa naissance des mains de Rhéa 7[7]. Un curieux passage de Diomède le grammairien confond les Dactyles avec les Corybantes et les Curètes et raconte ainsi leur origine : « On rapporte qu’Ops (Rhéa), portée par sa fuite vers le mont Ida dans l’île de Crète appuya ses mains sur cette montagne et mit ainsi au jour son enfant (Jupiter). De l’impression des mains surgirent les Curètes et les Corybantes qu’on appela Dactyles Idéens, du nom de la montagne et de la nature de l’action 8[8]. » Le même auteur identifie un peu plus loin les Dactyles aux Cabires phéniciens. « On doit remarquer, dit à ce sujet


M. Fr. Lenormant, à l’appui de la légende crétoise, le rapprochement qu’elle établit elle-même entre le nom du mont Ida et le mot ɥɥ main, d’une part, et entre δάκτυλος, le doigt, en grec et ɥɥ main en hébreu et en phénicien, d’autre part. Il est probable que le nom de l’Ida de Crète était originairement pélasgique, comme celui de l’Ida de l’Asie Mineure et avait la même signification étymologique de forét montueuse ; mais les colons phéniciens, quand ils étaient arrivés en Crète, avaient établi un rapprochement assez naturel entre ce nom de lieu, qu’ils y trouvaient déjà existant, et le mot ɥɥ de leur langue ; par suite l’Ida était devenu pour eux une montagne de la main 9[9]. »

Le nombre des Dactyles varie, ainsi que leurs noms, suivant les auteurs. Ce nombre est tantôt de cinq comme celui des doigts de la main, tantôt de dix, ou de cent 10[10]. On les distingua en mâles et en femelles et l’on mit les mâles à droite et les femelles à gauche. Suivant Phérécyde, il y avait vingt Dactyles à droite et trente-deux à gauche ; les Dactyles de gauche étaient des enchanteurs, dont ceux de droite détruisaient les enchantements 11[11]. Il y a dans ces nombres et dans tout ce qu’on raconte des Dactyles de très vieilles idées concernant le rôle de la main dans le travail humain, dans la magie, la bénédiction et la malédiction, etc. Pausanias compte cinq Dactyles, Hercule, Paenaenos, Épimedes, Iasos et Ida 12[12] ; c’est à l’Hercule Idéen qu’est attribuée l’invention des Jeux Olympiques et la transplantation en Grèce de l’olivier. Strabon nomme Celmis, Damnameneus, Hercule et Acmon. Le nom de Celmis ou Telmis et de Damnameneus sont cités comme ceux de Dactyles inventeurs du fer 13[13]. Les étymologies qu’on donne de ces divers noms ont rapport à la métallurgie 14[14].

Les plus anciens, les plus graves et aussi les plus nombreux témoignages, dit M. Rossignol 15[15], s’accordent à faire les Dactyles phrygiens. » C’est aussi l’opinion de M. Curtius. Suivant l’historien de la Gréce, les Dactyle sont des génies souterrains de l’Ida phrygien, instruits par Cybèle à l’exploitation des riches filons 16 [16]. L. DE RONCHAUD.


  1. DACTYLI. 1 Pausan. V, 7, 6.
  2. 2 Diod. Sic. V, 64 ; cf. Hesiod. Frag, 14, 15 ; Plin. H. nat. VII, 57 (197).
  3. 3 Diod. l. c.
  4. 4 Pausan. 1. c. ; cf. V, 14, 7 ; VI, 23. ; Diod. l. l. ; Strab. VIII, 355.
  5. 5 Diod. Sic. l. c. et XVII, 7 ; Apoll. Rh. I, 1129 ; Strabo, X, 473 ; cf. Overbeck, Geschichte der Plastik, I, p. 25 ; Milchlœfer, Die Anfänge der Kunst, p. 26 et suiv.
  6. 6 Strab. l. c.
  7. 7 Pausan. V, 7, 6 ; Apoll. Rhod. Arg, I, 1126.
  8. 8 Diomed. III, p. 747, éd. Putsch. Voy. chez Apollonius (I, 1129 et Schol.) une légende semblable sur le nymphe Anchiale et la naissance des Dactyles.
  9. 9 F. Lenormant, Gazette archéologique, t. III (1877), p. 35, 36.
  10. 10 Paus. l. c. ; Diod. l. c. ; Pollux, II, 156 ; Etym. Magn. s. v.
  11. 11 Schol. Apoll. Rh. 1, 1126. 1129 : A. Maury, Hist. des relig. de la Grece ant. p. 203.
  12. 12 Pausan. V, 7, 6.
  13. 13 Schol. Apoll. I, 1129 Clem. Alezandr. Strom. I, p. 363, éd. Potter ; Zenob. Proverb. IV, 30.
  14. 14 V. Rossignol, Des métaux dans l’antiquité, p. 27, 28.
  15. 15 O. c. p. 21, 22
  16. 16. Hist grecque, trad. franç. t.I, p. 88. Voy. aussi Fréret, Hist. de l’Acad. des Inscr. t. XXXIII, Loberk, Aglaophamus, III, c. III, De Idalis Dactylis ; Welcker, Griech. Götterlehre, II, 240 ; Roscher, Lexicon der röm. und gr. Mythologia, s. v.