Dictionnaire des antiquités grecques et romaines/ACROTERIUM


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ACROTERIUM (Άκρωτήριον), acrotère. — Ce mot, dans son acception la plus générale, signifie l’extrémité ou le sommet d’un corps ou d’un objet quelconque 1 [1]:ainsi les extrémités du corps humain, les ailes d’une statue, la proue d’un navire ou l’éperon dont il est armé, la cime d’une montagne, un cap ou promontoire, les créneaux d’une muraille, le faîte et les amortissements d’un édifice.

Vitruve s’en sert d’une manière plus spéciale 2 [2] pour désigner les socles qui, disposés aux extrémités et au sommet d’un fronton, servaient de supports horizontaux à des vases, à des trépieds, à des sphinx, à des aigles ou à des tritons, à des statues, à des Victoires, à des groupes et même à des quadriges. Il prescrit les proportions qu’ils doivent avoir et donne aux acrotères des angles (acroteria angularia) la hauteur du milieu du tympan, et à celui du sommet (medianum) un huitième de cette hauteur en plus. La même dénomination fut souvent appliquée à l’ensemble du socle et de l’objet porté par lui. Plutarque nomme acrotère (άκρωτήρεον) la surélévation décorative que le sénat fit placer, comme marque d’honneur, sur la maison de César 3 [3]. La nature de cette surélévation ne nous est pas autrement connue.

Les Grecs sont les inventeurs de l’acrotère; ce rappel heureux de la ligne horizontale, qui semble donner aux angles du fronton plus de stabilité, devait être inventé par eux. Cependant, beaucoup de temples grecs en sont dépourvus. Nous les trouvons au Parthénon 4 [4] au temple de la Victoire Aptère 5 [5], au temple de Némésis à Rhamnus 6 [6], au temple de Diane à Eleusis 7 [7] et au portique de l’Agora d’Athènes, que nous reproduisons (fig. 78) 8 [8].

Fig. 78. Fronton du portique de l’Agora d’Athènes.

Au temple d’Égine on a retrouvé non-seulement les socles, mais encore des fragments des sphinx ou des griffons qui étaient placés aux angles et le fleuron flanqué de deux petites figures de femmes drapées, qui couronnaient la pointe du fronton. La figure 79 montre ce fleuron et ces

Fig. 79. Acrotère du temple d’Égine.

deux statuettes, tels qu’ils furent dessinés au moment de leur découverte 9[9]. Le beau fleuron triangulaire qui couronne encore le monument choragique de Lysicrate, à Athènes, est aussi un acrotère (fig. 80) ; ce fleuron servait

Fig. 80. Fleuron du monument de Lysicrate, à Athènes.

de support à un trépied 10[10]. Il existait aussi des acrotères sur un grand nombre d’édifices disparus, mais qui nous sont rappelés par les auteurs. Pausanias nous décrit un temple d’Esculape, à Titane, où l’on voyait la statue d’Hercule sur le fronton et des Victoires aux deux angles 11[11] ; il nous dit qu’au temple de Jupiter, à Olympie, il y avait un vase doré sur chacun des angles du fronton, et sur le sommet une Victoire, également dorée, au-dessous de laquelle était représentée, sur un bouclier d’or, la Gorgone Méduse 12[12].

Il n’existe plus de temples étrusques, mais on peut imaginer quelle était la décoration des frontons de ces temples, d’après des tombeaux qui subsistent à Norchia 13[13] et qui pa-


raissent en reproduire la disposition extérieure. Ces tombeaux sont surmontés de frontons accompagnés d’acrotères (fig. 81).

Les Romains ont employé les acrotères avec plus de profusion que les Grecs ; il n’est guère de médaille romaine

Fig. 81. Acrotère d’un tombeau étrusque.

représentant des monuments où l’on ne voie le couronnement des édifices, le fronton des temples chargés de palmettes, de statues, de groupes, etc. Nous donnons ici comme exemples un grand bronze de Caligula (fig. 82) et un autre (fig. 83) de Faustine la jeune 14[14].

Fig. 82 et 83. Temples romains ornés d’acrotères.

Les textes aussi nous démontrent l’existence très-fréquente, sur les monuments romains, d’acrotères, indispensables pour faire porter sur les pentes des frontons des objets quelconques. Pline nous parle de statues placées sur le fronton (in fastigio) du temple d’Apollon 15[15] ; d’un char à quatre chevaux, avec Apollon Palatin et Diane, d’un seul bloc, placé dans un édicule orné de colonnes, sur un arc dédié par Auguste à son père Octave 16[16] ; du temple de Jupiter Capitolin dont le fronton était surmonté d’un quadrige 17[17] ; du Panthéon d’Agrippa enfin, décoré par le sculpteur Diogène, d’Athènes, dont les statues posées sur le faîte (sicut in fastigio posita signa), étaient moins appréciées, dit-il, à cause de la hauteur où elles étaient placées 18b[18]. Tite-Live nous raconte que la foudre frappa la statue de la Victoire, élevée an sommet du temple de la Concorde 19[19].

Dans les monuments romains qui existent encore nous trouvons des acrotères au Panthéon de Rome 20[20]. Un très-beau spécimen d’acrotère angulaire existe encore sur le Quirinal dans les jardins du palais Colonna, parmi les énormes débris du temple du Soleil 21[21]. Celui-ci est décoré, à sa partie supérieure, de moulures qui se prolongent jusqu’à la rencontre de la pente du fronton.

Autant que nous en pouvons juger par les exemples subsistants, les Grecs donnaient aux acrotères des extrémités des frontons moins d’élévation que n’ont fait les Romains ; en revanche, ils les plaçaient plus près du bord de la corniche, à plomb du larmier. Quoique plus haut que ceux des monuments grecs, l'acrotère du jardin Colonna est loin de correspondre à la proportion recommandée par Vitruve. Il est beaucoup moins élevé que la moitié du tympan renfermé par le fronton dont il a fait partie.

Au petit temple situé prés du stade de Messéne on peut voir des acrotères d’angle d’une forme particulière, dans lesquels le plan horizontal supérieur n’est pas prolongé jusqu’au rampant du fronton et se trouve arrêté par un plan vertical 22 [22]. Les bas-reliefs et les peintures antiques fournissent aussi des indications nombreuses et très-variées d’acrotères. En. Guillaume.

  1. ACROTERIUM. 1 Voy. le Thesaurus de Henri Etienne, s. v.
  2. 2 III, 3.
  3. 3 Plut, Caes. LXIII.
  4. 4 Stuart et Revett, Antiq. d’Athènes, II. pl. vi.
  5. 5 Ph. Le Bas et Landron, Voyage archéol. en Grèce, pl. ii.
  6. 6 The unedited Antiq. of Attica, c. 6, pl. ii.
  7. 7 Ibid. c. 5, pl. ii.
  8. 8 Stuart et Revett, Antiq. d’Athènes, c. 1, pl. iv.
  9. 9 Blouet, Expédit. de Morée, III, pl. liii, lv et lvi ; Garnier, Rev. archéol. 1854 ; W. Kiunard, Suppl. aux Antiq. d’Ath. de Stuart, Monum. fun. p. 14 ; Cockerell, Journ. of science and art, t. VI, pl. i, ii.
  10. 10 Stuart et Revell, Antiq. d’Athènes. pl. i, xxii et xxix.
  11. 11 Pausan. II, c. 11.
  12. 12 Id. V, 18 ; Blouet, Expéd. de Morée, I, pl. lxvi.
  13. 13 Mon. inéd. del. hist. arch. I, pl. xlviii ; Dennis, Cities and cemeteries of Etruria, I, p. 213.
  14. 14 Cohen, Monn. imp. Caligula. 18 ; Monum. ined. dct. Inst. arch. 1834, tav. 24.
  15. 15 Plin. Hist. Nat. XXXVI, 1.
  16. 16 Id. XXXVI, 4.
  17. 17 Id. XXXV, 4, 5.
  18. 18 Id. XXXVI, 4.
  19. 19 Tit. Liv. XXVI, 23.
  20. 20 Desgodets, les Edifices antiques de Rome, pl. iii et iv.
  21. 21 Canina, Architectura romana. pl. lx et lxi.
  22. 22 Blouet, Expéd. de Morée, I, pl. xxxiii et xxxi.