Dictionnaire des antiquités grecques et romaines/ACCESSIO


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ACCESSIO. — Ce mot, qui, en droit romain, signifie l’accessoire (ut accessio cedat principali 1[1]), quelquefois un avantage, un émolument attribué à une personne 2[2], parfois même, mais rarement, le fait de la jonction de deux objets 3[3], est pris par la plupart des interprètes anciens et modernes pour un des modes de droit naturel d’acquisition de la propriété 4[4]. Suivant eux, dans les cas où un objet s’accroît, s’étend ou se modifie par l’adjonction d’un autre objet appartenant à un maître différent, il faut distinguer quelle est la chose principale, quelle est la chose accessoire, et décider que la ronde est par cela même acquise au maître de la première 5[5]. M. Ducaurroy 6[6] a soutenu, au contraire, que cette théorie n’existe pas dans les écrits des jurisconsultes romains, et que tous les cas rapportés à l’accession par les commentateurs s’expliquent par les principes généraux du droit, sans recourir à cette règle particulière. Et quant à la formule, ut accessio cedat principali, il a montré qu’elle n’a pas été prononcée par Ulpien 7[7] pour décider une question de propriété, mais « en matière de legs et pour apprécier, d’après l’intention du testateur, l’étendue de sa disposition, spécialement pour savoir si, en léguant une pièce d’argenterie, il a entendu léguer les pierreries dont elle est ornée. » Ce qui ne peut être contesté, c’est que dans la nomenclature des jurisconsultes classiques, l’accession ne figure pas parmi les modes d’acquérir 8[8]. Quoi qu’il en soit de cette discussion, le système de l’accession mérite toujours l’attention des jurisconsultes, car il a passé tout entier dans notre droit 9[9].

On a expliqué par l’accession les décisions relatives à celui qui construit avec ses matériaux sur le sol d’autrui, ou à celui qui Construit avec les matériaux d’autrui sur son propre sol. Dans les deux cas, la construction appartient au propriétaire du sol, parce que, dit Gains 10[10], superficies solo cedit. Le sol serait donc le principal et les constructions l’accessoire. Pour M. Ducaurroy 11[11], si le propriétaire des matériaux ne peut les réclamer ni agir ad exhibendum pour les retrouver [actio], et s’il est réduit, en ce cas, à se contenter d’une indemnité, c’est à cause de la législation spéciale de la loi des Douze Tables, De tigno juncto, qui avait pour but d’empêcher la démolition des édifices ; mais l’accession a si peu donné la propriété, que le constructeur de bonne foi sur le fonds d’autrui pourra, l’édifice une fois détruit, revendiquer ses matériaux 12[12]. Une loi 13[13] le permet même au possesseur matae fidei, à moins qu’on ne prouve qu’il a voulu les aliéner.

On a expliqué aussi par l’accession le principe qui veut que les arbres plantés sur le terrain d’autrui appartiennent au maître du terrain, dès qu’ils y ont pris racine. Le jurisconsulte Paul 14[14] en donne une autre raison ; c’est que l’arbre nourri dans un autre terrain est devenu un nouvel arbre (arborem alio terrae alimento aliam factam). Au reste, les jurisconsultes romains ne s’entendaient pas parfaitement sur cette question 15[15].

Le papier sur lequel on a écrit reste toujours à son maître. Mais pour la toile sur laquelle on a peint un tableau, les opinions des jurisconsultes ont varié. Paul l’attribue au maître de la toile 16[16] ; mais Gains 17[17], au peintre, à cause de la valeur supérieure de la peinture.

Beaucoup d’autres cas analogues sont prévus par le droit romain 18[18] [alluvio, confusio, specificatio]. F. Baudet.

Bibliographie. Ducaurroy, Institutes de Justinien traduites et expliquées, Paris, 1851, 8e éd., n° 349 et suiv. ; Ortolan. Explication historique des Instituts de Justinien. 6e édition, Paris, 1857, t. II, nos 361 et suiv., p. 205 et suiv. ; T. de Fresquet, Traité élémentaire de droit romain, Paris, 1855, t. I, p. 266 et suiv. ; Puchta, Cursus Instit. 5e éd. par Rüdorff, Leipzig, 1857, § 242 ; F. A. Schilling, Lehrbuch f. Institut., Leipzig, 1831-46, M, p. 523 ; Bocking, Pandekt des rom. Privatrechts, Leipzig, 1855, II, p. 141-154 ; Rein, Das Privatrecht der Römer, Leipzig, 1858, p. 2S2 et seqq.

  1. ACCESSIO. 1 L. 19, § 13, De aur. argent, etc. legatis, XXXIV, D. 2.
  2. 2 Paul. Sent. III, 6, 22.
  3. 3 Gaius, IV, 151 ; fr. 14, S3, et fr. 16, Dig. XLIV, 3.
  4. 3 Heineccius, Klem. jur. 562 ; Ortolan, Explication hist. des Instit., t. I, p. 366 sq.
  5. 5 Ducaurroy, Inst. n° 319.
  6. 6 Loc. cit.
  7. 7 L. 19, § 13, Dig. XXXIV. 2.
  8. 8 Ulp. Reg. XIX.
  9. 9 Cod. Nap. art. 546 et suiv.
  10. 10 II, 73.
  11. 11 N° 367.
  12. 12 Ducaurroy, n° 370.
  13. 13 L. 2, Cod. Just. III, 32.
  14. 14 L. 26, § 2, De adquir. rer. domin. XLI, D. 1.
  15. 15 L. 6, § 2. Arborum fortim Carsarum, XLVII. D. 7 ; L. 7, § 13, De adquir. rer. domin.
  16. 16 L. 23, § 3, De rei vind. VI, D. 1.
  17. 17 II, 78.
  18. 18 Voy. les commentateurs sur le 1er titre du 2e livre des Institutes de Justinien.