Dictionnaire de théologie catholique/ZAMORA Joseph

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1076-1077).

ZAMORA Joseph, frère mineur capucin, théologien mariai (1579-1649). I. Vie. II. Œuvres et doctrines.

I. Vie. — Zamora naquit à Udine, en Vénétie, en 1579 et entra en 1597 dans la province des frères mineurs capucins de Venise. Très bon prédicateur, religieux d’une grande austérité, adonné à une intense contemplation, fort dévot envers la très sainte Vierge qui, dit-on, le favorise de plusieurs apparitions, il est envoyé en 1605 comme missionnaire dans la jeune province de Bohême-Moravie où, par la suite, il deviendra commissaire général. Rentré dans sa province religieuse, il y est nommé lecteur et commence à publier en 1626 ses Disputaliones theologicæ. Avant 1629, il entreprend la rédaction de son œuvre maîtresse : De eminenli Deiparæ Virginis perfectione, dans laquelle il enseigne la conception immaculée de la très sainte Vierge. Cet ouvrage fut mis à l’Index le 9 mai 1636 eo quod Immaculalam B. V. Mariæ conceptionem propugnarei (cf. : Inslrultione délia Causa di fra. Gio.-Maria d’Udene Predicatore Capuccino, circa la prohibilione fatta dalla Sacra Congregatione dell’Indice del suo libro intitolalo de Eminentissima Deiparæ Virginis perfectione, Rome, Bibl. Valic, ms. Barberini, lat. 3150, fol. 258-262). Le P. Jean-Marie d’Udine (c’est le nom sous lequel il était le plus connu) était fort humble, mais par amour pour la Vierge Immaculée, il n’hésita pas à publier une Apologia pour défendre un ouvrage qui n’avait été mis à l’Index que huit ans après son apparition et dans des circonstances fort troubles. La Sacrée Congrégation, d’ailleurs, ne tarda pas à reconnaître qu’elle avait trop délibérément pris parti dans une querelle de théologiens et permit au P. Jean-Marie de rééditer son œuvre qui avait eu le plus grand succès parmi les « immaculistes ».

Après cet incident, Zamora continua d’enseigner à Venise puis se retira à Rome où il noua des liens d’amitié fraternelle avec le P. Luc Wadding, le célèbre annaliste franciscain. Nous lisons en effet dans les Script, ord. minor., qui reçurent leur JViTiif obstat le 21 février 1648, cette mention consacrée par l’auteur à son frère en saint François : Adhuc vivit (Zamora) et docte scribit Romæ, mihi perquam familiaris et charus. Lorsque parut l’ouvrage de Wadding (Script, ord. min., p. 214, Rome, 1650) Zamora était mort, ayant rendu sa sainte âme à Dieu au couvent de Vérone, en Vénétie. Il était Agé de soixante-dix ans et était capucin depuis cinquante-deux ans.

IL (I.ivm.s et doctrines. — 1° Scolasliqurs.

1. DUputattottet theologicæ de Deo uno et trino. In quibus præter accuratam sacrorum dogmatum elucidationcm accrriinamquc eorumdem contra quosciinqnr adversarios propiignalioncm omnes controversiæ inlrr D. Itoruwenliirnm, D. Thomam et Scotum rt quamplum aliæ intrr relit/nos scholasticos occurenlrs componimtur. .., Venise, 1620, 2 vol., 48 f. et 910 p,

2. En plus de ces questions De Deo uno et trino, l’auteur, au dire de Bernard de Bologne en sa Bibliotheca script, capuc, p. 149-150 (Rome, 1747), aurait encore écrit les traités théologiques suivants : a) De Deo ut principio et de ipsius præslantia ; — b) De rerum creatione et conservatione ; — c) De divina providentia ; — d) De libero arbitrio, de actibus humanis et eorum differentiis ; — e) De concursu Dei in voluntate creata ad aclus naturales ; — f) De peccalo et ejus eausis ; — g) De naturali hominis facultate ; — h) De auxiliis divinæ gratiæ ad opéra supernaturalia. Toujours d’après le même bibliographe, Zamora aurait en sus de ces traités édité un :

3. Compendium metaphysicæ.

Tous ces ouvrages

auraient vu le jour la même année à Venise, en 1626, chez Jacques Sarzino. En outre, d’après Sbaralea, Suppl., p. 440, 2 c. (Rome, 1806), il aurait composé douze traités De operibus Dei extremis et un autre intitulé : De rébus naturalibus.

Théologie mariale.

1. De eminentissima Deipara

Virgine libri très, in quibus generatim de summa illius præslantia deinde vero singillatim de ipsius virtutibus, donis et privilegiis juxia vitæ seriem ab œterna prædestinatione usque ad desponsationem disseritur…, Venise, 1629. Le 1. I de cet ouvrage (1-94) traite De summa præslantia B. Mariæ Virg. et est nourri des meilleures citations de l’Écriture et des Pères ; le 1. II (De pnedestinatione B. M. V., p. 95-317), touche à la question de l’immaculée conception (p. 168-317), la résout affirmativement ad mentem Scoli sans qu’on puisse trouver dans le flot d’arguments et de citations qui déferle à travers ces pages pleines de piété la moindre matière à condamnation. Le 1. III (p. 318-462) est une vie de la Vierge qui va de la nativité de Marie à la mort d’Anne et de Joachini.

2. D’après Denis de Gênes dans sa Bibliotheca script, ord. min. cap., p. 196, col. 2 (Gênes, 1691), cet ouvrage « éclairci, augmenté, enrichi de nouveaux arguments, connut une seconde édition, chez le même libraire, à Venise ». Cette 2e édition, que le P. Apollinaire de Valence, cap., déclare fort rare et publiée sans date (Additions manuscrites à la Bibl. script, cap. de Bernard de Bologne, p. 150 bis, 2 c, Paris, Bibl. franc, prov. des F. F. M. M. cap., Sect. mss., n. 1689) n’a pu paraître qu’après la suppression du décret de 1636. Elle était augmentée de quatre nouveaux livres qui, d’ailleurs, avaient été promis dans la préface de la l re édit. Ils traitaient : a) De desponsatione, angelica salutalionc et diuini Verbi conceptione ; — b) De visilatione et purificatione ; — c) de fuga in Aîgyptum ; — d) De morte, assumptione et coronatione.

3. Les bibliographes attribuent, en outre, à Zamora différentes œuvres mariales dont on ne fournit ni la date, ni le lieu d’édition ce qui laisse à penser qu’elles sont restées inédites. Citons : a) De orif/inuli Y. Mariæ innocentia et ab originalis peccati macula immuni taie et exemptione ex S. Scripturæ lestimoniis :

— b) De vera et germana SS. Palrum priscorumque Doctorum de S. et Immaculata Conceplione mente et sententia ; — c) De vera itidem S. Tlwmæ Aquin. de eadem Concept, mente et sententia ; — d) Dr jacilHate, decentiæt necessitate dirimendæ lerminandicquc controversiæ de Immaculata Concept. ; — e) De prifecla et absoluta Deiparæ Virginis immunitate a Irgr peccati ri exemptione.

3° Œuvres manuscrites. — D’après Sbaralea, op. ri loc. cit., Jean-Marie d’Udine aurait composé d’Innombrable ! traités d’Apologétique qui seraient restés manuscrits. Il ee( fàrhcux que la synthèse esqul par Zamora dans ses Dispnlalionrs n’ait pas fait l’objet d’une étude copieuse, approfondie et impartiale, l.a position du théologien udinois y crtl gagn4 on ne ! I Alors qu’il était encore vivant, son ami Waddini le mettait au nombre des plus célèbres théologiens bonaventuristes de la réforme capucine (Script, min., op. cit., p. 75). Parmi les modernes les uns lui conservent cette qualité ; cf. Prosper de Martigné, cap., La scolaslique et les trad.it. francise, p. 27, 28, Paris, 1888 ; d’autres font des réserves, cf. Augustin de Corniero, cap., P. Juan Zamora de Udine, dans Capuchinos precursores del P. Bart. Barberis, Collectanea francise, t. i, 1931, p. 185, 193-211 ; certains, enfin, doutent de son esprit de conciliation et le considèrent comme un fervent sympathisant scotiste qui n’a qu’un but : prouver dans ses Disputationes theologicse (voir plus haut) que les opinions de saint Bonaventure et de saint Thomas peuvent et doivent se réduire à celles du Docteur Subtil. Cf. : Melchior de Pobladura, cap. P. Juan Zamora de Udine dans El P. Pedro Trigoso de Calatayud, Promotor de los Estudios Buenaventurianos, Collect. francise, t. v, 1935, p. 408-409. D semble, en résumé prématuré de porter un jugement d’ensemble sur la synthèse hardie tentée par Zamora, cependant on peut déjà affirmer que notre auteur, dans le but d’arriver à la conciliation à tout prix, a parfois trop adouci les différences particulières qui existent entre les doctrines de saint Thomas, de saint Bonaventure et de Duns Scot.

En plus des auteurs cités dans le texte, notons : Mathieu Ferchio, Tract, theolog. de angelis ad mentem S. Bonaventuree, q. xlviii, n. 29, Padoue, 1658 ; Gaudence Bontemps, Palladium theologicum, seu tota theologia scholastica in septem tomos distributa ad intimam mentem S. Bonaventuræ, t. i, apparatus vii, Lyon, 1676 ; Jean de Saint-Antoine, Biblioth. francise, t. ii, 186-187, Madrid, 1732 ; Bullarium capuccinorum, t. ii, 281, Rome, 1743 ; Bernard de Bologne, Bibliolheca scriptorum ord. minorum cap., p. 149-150, Venise, 1747 ; Biographie universelle, t. xix, p. 269, Bruxelles, 1847 ; Roch de Cesinale, Storia missionum cap., t. i, p. 344, Paris, 1867 ; Évangéliste de Saint-Béat, S. Bonaventuree scholæ franciscanæ magister præcellens, 44, Tournai, 1888.

P. GODEFROY.