Dictionnaire de théologie catholique/ZACCARIA François-Antoine

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1057-1059).

ZACCARIA François-Antoine, jésuite italien (xviiie s.). — Né à Venise en 1714, il entra en 1731 dans la province autrichienne de la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre à Rome, en 1740, il travailla comme missionnaire dans la Marche d’Ancône, en Lombardie et en Toscane et acquit comme prédicateur une grande réputation. En même temps, il se

fit connaître par de savantes publications. Sur la recommandation du cardinal Quirini, le duc de Modène le nomma conservateur de la Bibliothèque ducale, en remplacement du célèbre Muratori, qui venait de mourir (1750). À la suite de la publication de son Anti-Febronio, 1767, le puissant parti antipapal obligea le duc, qui avait cependant autorisé l’ouvrage, à le congédier. Il se retira à Rome, où il devint bibliothécaire du Collège romain. Clément XIII lui octroya une pension, en récompense de ses travaux pour la défense de la papauté. Lors de la suppression de la Compagnie en 1773, la pension lui fut retirée, ses manuscrits furent mis sous séquestre, il fut lui-même emprisonné pendant quelque temps au Château Saint-Ange et il eut à subir diverses autres vexations. Pie VI, qui le tenait en haute estime el le consultait souvent, lui rendit sa pension et le nomma professeur d’histoire ecclésiastique au collège de la Sapience ainsi que président de YAccademia de Nobili ecclesiaslici. Il mourut à Rome, le 10 octobre 1795.

Zaccaria est un des plus grands érudits et des esprits les plus universels de son temps. Son récent biographe, le D r Scioscioli, écrit : « Dans mes études sur les savants du xviir 8 siècle, je voyais passer souvent la figure d’un inconnu, F.-A. Zaccaria. Je le rencontrais en archéologie et en histoire ; je le retrouvais, toujours lui, dans les sciences et en tout domaine du savoir humain ». La vilae le opère di F.-A. Zaccaria, Brescia, 1925, cité dans Civiltà cattolica, 8 février 1930, p. 339. En butte à des attaques fréquentes et violentes, au milieu de tribulations de toute sorte, qui lui font donner par le même biographe le surnom de in/elice erudito, il réussit, grâce à un labeur prodigieux, à publier un nombre étonnant d’ouvrages et de mémoires savants sur les matières les plus diverses : Sommervogcl énumère 161 publications, sans compter un grand nombre de travaux restés manuscrits. Il était membre de nombreuses sociétés savantes ; sa renommée était universelle. Zaccaria fut en particulier un des plus ardents défenseurs de l’autorité du pape ; ni les attaques et les ennuis que lui valurent ces écrits, ni la suppression de son ordre par Clément XIV, ni les vexations imméritées qu’il eut alors à subir, ne le détournèrent de cette tâche. Son confrère et contemporain, le P. Parthenius, put écrire de lui sans exagération : Posthabita salute propria, de una apostoliese Sedis auctoritate laboravil. Epistolse, éd. de Rome, 1863, p. 273, cité dans Civ. calt., Il juillet 1930, p. 130. Il intervint souvent, avec la même énergie, pour la défense de son ordre. Saint Alphonse de Liguori le cite avec les plus grands éloges. Sur sa demande, Zaccaria composa une Disserlatio prolegomena de casuisticx theologise originibus. locis atque præstantia, que le saint docteur fit insérer dans sa Theologia moralis, éd. de Rome, 1757, et autres.

Ouvrages. — Nous nous contenterons de mentionner les plus importants.

Critique littéraire.

Une des publications les

plus connues du P. Zaccaria est la Storia lettcrarin

d’Italia, 14 vol. in-8 J, Venise, 1750-1759, recueil littéraire périodique rendant compte des principaux ouvrages parus en Italie de septembre 1748 à septtembre 1755. Il le commença seul, mais fut aidé ensuite par les Pères Léon Ximénès, Troili et Gabardl. Par la liberté de ses critiques, la revue suscita de violentes polémiques contre son auteur. Le Père général, ému de ces attaques, voulut par deux fois arrêter la publication ; il dut céder aux réclamations du duc de Modène et se contenta d’exiger que les manuscrits fussent soumis à la censure à Rome. On trouvera dans Sommervogel, col. 1388-1391, la liste des nombreux écrits dirigés contre la Storia et des réponses de Zaccaria. — Ayant dû finalement, en 1759, interrompre la Storia, il la continua plus tard, sous le titre plus exact de Annali lelterarii d’Italia, dont 3 volumes parurent à Modène, 1762-1764, rendant compte des publications de 1756 et 1757. Un 4e volume, déjà prêt pour l’impression, ne parut pas. — Parallèlement avec la Storia, Zaccaria publia, en collaboration avec les Pères Gabardi et Troili, une revue des publications étrangères : Saggio critico délia corrente letleratura straniera, 3 vol. in-8°, Modène, 17561758. Une continuation, par les mêmes, parut plus tard sous le titre de Biblioteca di varia lelteratura straniera anticae moderna, 1 vol. in-12, Modène, 1761, continuée elle-même dans le t. m des Annali letterarii. Dans le Saggio et ses suites, Zaccaria « prend résolument la défense du bon renom de l’Italie, en particulier contre les Français ». Scioscioli, op. cit., p. 91. — Mentionnons encore : Excursus litterarii per Italiam ab anno 1742 ad annum 1752, Venise, 1754, in-4°, suivi de Iter literarium per Italiam ab i/nno 1753 ad annum 1757, Venise, 1762, in-4° ; Biblioteca anticae moderna di storia letleraria, 3 tomes, chacun en 2 parties, Pesaro, 1766-1768, in-8°.

Éditions.

Le P. Zaccaria réédita, en les enrichissant

d’annotations ou d’appendices, les ouvrages de nombreux théologiens tels que Menochius, Tamburini, Lacroix, Petau, Viva, Pichlcr, Tournély, Noël Alexandre, Ferraris. — Dans son Thésaurus theologicus, 13 vol. in-4°, Venise, 1762-1763, il réunit des traités plus courts de Noël Alexandre, Petau, Sirmond, Mabillon et d’autres, auxquels il joignit une quinzaine de dissertations écrites par lui-même. Dans la préface de l’Anli-Febronius, éd. de Louvain, on note qu’on a inséré dans ce Thésaurus, sans son consentement ou même à son insu, nonnulla opuscula, ab auctoris consilio aliéna, aut inutilia, aut minus probanda, aliqua etiam omnino rejicicnda. Dans la liste de ces écrits (voir Sommervogel, col. 1406) figure entre autres le Traité de la fréquente communion d’Antoine Arnauld. — Un autre recueil important, Iiaccolta di dissertazioni di storia ecclesiastica, 22 vol. in-8°, Rome, 1792-1797, groupe des travaux concernant l’histoire ecclésiastique, écrits en italien ou traduits du français, soit inédits soit déjà publiés dans’les recueils ou revue-- d’Italie et de France, par ex. le Journal de Trévoux. Le recueil renferme de nombreuses dissertations du P. Zaccaria lui-même (voir la liste dans Sommervogel, col. 1427-1430). Les t. xvii et suivants parurent après sa mort. Dès 1776, le Père avait publié à Rome le t. r » r (in-12°) d’une Raccolta ayant le même objet ; i par suite de l’inertie de l’imprimeur —, aucun mitre volume n’avait parti CSommcrvogel. ("I. 1112).

.’! " Défense tic In papauté, ’/" pouvoir ( ! ’I’f’.glisr, de la Compagnie. /, i.. nia fut un des plus émi glqucs et des plus solides adversaires de Fébnmius. Il publia contre lui et ses partisans toute une série d’ouvrages ou opuscules, dont nous mentionnons les plus Importants : Anti-Febronio, ossia apologla polemlco-slnrira rirl primafo del pnpa. ?, vol. In 4°.

Pesaro, 1767 ; mie 2 8 édition augmentée parut en 1770 à Césène, 4 vol. in-8°. L’ouvrage fut traduit en allemand, Augsbourg, 1768, en français, par l’abbé Peltier, chanoine de Reims : L’Antifebronius ou la primauté du pape justifiée par le raisonnement et par l’histoire, 4 vol. in-8°, Paris, 1859-1860. Un bénédictin allemand, Kyble, publia une édition latine, dans laquelle il donna simultanément, en les abrégeant, les ouvrages de Fébronius et de Zaccaria, ce dernier « disséqué, mis dans un nouvel ordre et gâté » (Sommervogel, col. 1409) : Anlifebronius, seu Fébronius abbreviatus, cum notis adversus neotericos theologos et canonistas, 5 vol. in-4°, Augsbourg, 1783-1785 ; une nouvelle édition augmentée et précédée de la vie de l’auteur parut à Bruxelles et Louvain, 1829, 5 vol. in-8°. (Dans l’art. Fébronius de ce Dictionnaire, t. v, col. 2123, on fait à tort de cette traduction remaniée un ouvrage distinct de Zaccaria, et ce n’est pas sur elle qu’a été faite la traduction française.) L’Anti-Febronio se compose de deux parties. Une longue introduction vise à prouver la mauvaise foi de Fébronius qui, sous prétexte de favoriser la réunion des protestants à l’Église, vise à décrier la papauté, et le caractère pernicieux de son ouvrage, nuisible à l’autorité des princes et même à celle des évêques, injurieux pour l’Église gallicane, dont il invoque faussement l’autorité ; un long chapitre passe en revue les sources de Fébronius. La I" partie, polémique, réfute en 3 dissertations les trois premiers chapitres de Fébronius : preuve, par l’Évangile et les Pères, de la forme monarchique du gouvernement de l’Église ; preuve de la primauté de juridiction, s’exerçant immédiatement sur toute l’Église, et de l’infaillibilité du pape ; réfutation des causes qui auraient, selon Fébronius, produit l’accroissement de la primauté, en particulier du rôle attribué aux Fausses Décrétais. La IIe partie, historique, retrace l’histoire de la primauté du pape dans le cours des huit premiers siècles de l’Église. — Comme réponse à VAntifebronio parut en 1770, à Leipzig, un ouvrage intitulé Flores sparsi ad Just. Febronii librum de statu Ecclesise, per Theodorum a Palude adversus F. -A. Zaccaria. Ce dernier n’eut pas de peine à reconnaître, sous ce pseudonyme, Fébronius lui-même. Il répondit par un nouvel ouvrage, latin cette fois : Anlifebronius nindicatus scu suprema ftomani pontificis potestas, 4 vol. in-8°, Césène, 1771-1772, rééditions : Francfort et Leipzig, 1772, Rome, 1843 ; Migne l’a reproduit dans son Theologiw. cursus completus, t. xxvii. Comme le dit l’auteur dans la préface, Clément XIII lui avait demandé de publier un abrégé latin de son ouvrage italien. Ce deuxième ouvrage est en fait une adaptation abrégée du premier et répond en même temps à cinq apologies de Fébronius, en particulicr à celle de 1770. Deux ans plus tard, il publia Ifl trrliiim Justini Febronii tomum <mimadversiones romano-catholicx tribus epistolis comprehe.nsir, suivies du De unitate Ecclesitr de saint Cvprien, lîoine, 1774.

En dehors de ces écrits dirigés directement contre Fébronius, Zaccaria publia de nombreux écrits sur Ifl papauté et le pouvoir de l’Église, en particulier : De S. Pétri primant romano Homanaque Ecclesin ab eo rondita atquc eptêCOpi jure administrata, Homo. 177(>. in-4°, réfutation d’un ouvrage anonyme contre la primante de droit divin du pape. Dr primatu Romani pontificis, publié en 1770, soi-disant à Londres. Di/rsii di Irr snimni pontifici… llenrdrlln XIII, B (Irtto XIVe Clémente XIII, e del Concilia Romano UnutO net 1725, Ravennc, 1782, réfutation « l’un écrit de Fr. Vlatore dfl Corraglia, qui avait attaqué l’autorité de. la bulle Cnigrnilus en invoquant le témoi « nage’le ces trois papes. Dnttrinr fahr rd er

sopra le duo podestù, l’ecclesiuslicae la secolare, traite da due libri del P. Antonio Pereira… délia Congregazione dell’Oratorio de Lisbona, Foligno, 1783. — Rendete a Cesare cio ch’è di Cesare, ma si a Dio rendelc quel ch’è di Dio, Fænza, 1787, dissertation sur le pouvoir disciplinaire de l’Église, contre un pamphlet anonyme paru à Florence et ayant comme titre les seuls premiers mots du texte ; elle fut insérée dans la Raccolla, t. xxi et xxii, et traduite en espagnol, Madrid, 1850. — Comandi chi puo, ubbidisca chi dee, u sia dissertazione III délia jorza obligatoria dell’ccclesiastica disciplina, Fænza, 1788. — De episcoporum in dispensationibus super matrimonii impedimentis potestate, Fænza, 1789, réfutation d’un écrit paru à Vienne en 1781, sous le pseudonyme Anianus Dliphius.

D’autres ouvrages ont pour but de justifier par l’histoire diverses lois ou institutions de l’Église, ainsi : Storia polemica dcl celibato sacra, Rome, 1774, in-8°, rééditée à Naples, 1853, traduite en allemand, Bamberg, 1781 ; Nuova giustificazione del celibato sacro, Foligno, 1785, in-4°, également traduite en allemand, Augsbourg, 1787. Ces deux écrits répondent à plusieurs pamphlets contre le célibat des prêtres.

— Storia polemica délie proibizioni de’libri, dédiée à Pie VI, Rome, 1777, in-4°, traduite en allemand, Munich, 1784, source précieuse de renseignements et documents sur l’histoire de l’Index. — Dell’anno santo… quattro libri : slorico, ceremoniale, morale, polemico…, 2 vol. in-8°, Rome, 1775.

Pour la défense de son ordre, outre les réfutations contenues dans la Storia letleraria, Zaccaria publia en 1760 et 1761 une série d’opuscules qui furent reproduits plus tard dans une publication collective éditée à Venise : Raccolla d’apologie éditee inédite délia doltrinae condolla de P. Gesuiti, 18 vol. in-12°, dont ils forment les t. i-m, xii, xiii, xvii. — En relations suivies avec les bollandistes, le P. Zaccaria avait dès 1749 préparé pour l’impression un volume réunissant les apologies des savants hagiographes contre les attaques dont ils étaient l’objet. Dans la préface, il retraçait l’histoire des controverses depuis l’origine de l’œuvre. Sur l’ordre du Saint-Office, le Père général interdit sévèrement l’impression : les inquisiteurs de Venise s’opposaient à la discussion de la généalogie traditionnelle de saint Dominique et de la fondation de l’ordre du Carmel par le prophète Élie. Encouragé par les bollandistes, Zaccaria recourut à Benoît XIV ; le pape examina personnellement l’affaire et autorisa l’impression de l’ouvrage, qui parut à Anvers, en 1755, sous le titre de Acta sanctorum bollandiana apologeticis libris in unum volumen nunc primum coniraclis vindicala, in-fol. Dans une lettre au P. Zaccaria, en date du 13 septembre 1755, le pape fait ce bel éloge des bollandistes : « Noi abbiamo sempre avutoe sempre avremo un a stiema particolare dei Bollandisti che tanto hanno faticatoe faticano per le vite dei Santi che sono la parte sostanziale dell’ccclesiastica istoria » (lettre reproduite dans Civilta catlolicà, 8 février 1930, p. 350-351).

4° Histoire ecclésiastique, archéologie. — Nous avons mentionné ci-dessus les ouvrages historiques de controverse pour la défense de la papauté, du célibat, etc., ainsi que ses nombreuses dissertations insérées dans la Raccolla… di storia ecclesiaslica. Dans un autre recueil, Dissertazioni varie italiane a storia ecclesiastica appartenente, 2 vol. in-8°, il publia 20 dissertations. L’année suivante, il en groupa 14 autres dans un ouvrage intitulé De rébus ad hisloriam et anliquitates Ecclesiæ pertinentes dissertationes latinæ, 2 vol. in-4°, Foligno, 1781. — Un des sujets préférés d’étude du P. Zaccaria était l’histoire des Églises d’Italie. Pour un certain nombre de diocèses : Crémone, Lodi,

Osimo, Vico Equense, Céscne, Pistoie, il publia, en autant d’ouvrages distincts la Séries episcoporum, complétant et corrigeant les travaux de ses devanciers, Ughelli et Nicolas Coletti, avec des dissertations sur l’histoire de l’Église en question. — Dans sa Bibliotheca ritualis, 3 vol. in-4°, Rome, 1776-1778, il étudie les livres rituels des Églises orientales et occidentales et leurs commentateurs ; il y ajoute deux dissertations, l’une sur l’auteur de l’antiphonaire et du sacramentaire grégorien, l’autre sur le Liber diurnus Romanorum pontificum. — Au même sujet se rapportent également : Onomasticum rituale selectum, ad usum cum cleri tum studiosee ecclesiasticarum antiquitatum juventutis, Fænza, 1784, in-4° ; Disserlatio duplex, altéra de velerum christianarum inscriptionum, altéra de liturgiarum in rebus ecclesiasticis usu, Venise, 1761, in-4°. — Plusieurs ouvrages traitent de l’archéologie profane, en particulier : Istituzione antiquario-lapidaria, o sia introduzione allô studio délie antiche latine iscrizioni, Rome, 1770, in-8°, 2e éd. augmentée, Venise, 1793 ; Istiluzionc antiquario-numismalica, Rome, 1772, 2e éd. augmentée, Venise, 1793. — De nombreux mémoires sur les sujets les plus variés sont dispersés dans diverses collections ou revues.

Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. viii, col. 13811435, t. ix, col. 911 ; Hurter, Nomenclator, 3 « éd., t. v, col. 484-498 ; Biographie universelle, t. lii, Paris, 1828, p. 14-17 ; Wetzer und Welte, Kirchenlexikon, 2e éd., t. xir, 1901, col. 1853-1855 ; L. Koch, Jesuiten-Lexikon, 1931, col. 1865 ; Dott. Donato Scioscioli, La vilae le opère di F. A. Zaccaria, Brescla, 1925 ; Civilta cattolica, 10 oct. 1929, p. 118-130 ; 8 février 1930, p. 339-351 ; 10 juillet 1930, p. 121-130 (sur sa vie et ses œuvres, surtout manuscrites).

J.-P. Grausem.