Dictionnaire de théologie catholique/VERECUNDUS

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 571-572).

VERECUNDUS, évêque de Junca dans la province africaine de Byzacène au milieu du vie siècle. — Tout ce que nous savons de la vie de Verecundus est contenu dans deux notices de la chronique de son compatriote et contemporain, Victor de Tunnuna. Nous apprenons ainsi qu’en 551 Verecundus fut appelé à Constantinople par ordre de l’empereur Justinien pour y rendre raison de sa foi : son opposition à la condamnation des Trois Chapitres lui avait mérité comme à d’autres évêques africains, cette sentence d’exil. L’année suivante, 552, nous retrouvons Verecundus à Chalcédoine, où il s’était retiré : il y mourut cette même année dans l’hospice de Sainte-Euphémie. Mon. Germ. hist., Auctor. antiquiss. , t. xi, p. 202. Saint Isidore de Séville nous renseigne d’autre part sur son activité littéraire : Verecundus africanus episcopus studiis liberalium litlerarum diserlus edidil carminé dactylico duos modicos brevesque libellos. quorum primum de resurrectione et judicio scripsit, alterum vero de pœnitentia, in quo lamentabili carminé propria delicta déplorai. De vir. ill., vii, P. L., t. lxxxiii, col. 1088.

Le second des poèmes signalés par Isidore doit être identifié à une pièce de 212 hexamètres éditée, à l’exception des sept derniers vers, par Pitra, Spicilegium Solesmense, t. iv, Paris, 1858, p. 138-143, sous le titre De satisfactione pœnilentiae. Dans l’abattement de son âme, le poète se tourne vers Dieu qui aura peut-être pitié de ses douleurs et lui donnera la consolation dont il a besoin. Sans doute ses péchés

sont plus nombreux que les cheveux de sa tête, que les grains de sable de la mer, que les vagues de l’Océan. Mais le Seigneur ne refusera pas le pardon au pénitent ; il le purifiera de ses fautes et allumera en son cœur le feu de l’amour céleste. Avec Job, Verecundus maudit le jour de sa naissance. Le jugement dernier ne menace-t-il pas tous les hommes et ne sera-t-il pas pour lui-même l’occasion d’une épreuve terrible ? Une description de ce jugement interrompt alors la confession personnelle : les images traditionnelles empruntées aux apocalypses et sans doute aussi à Commodien reviennent d’elles-mêmes sous la plume du poète. Celui-ci ne cesse pourtant pas de penser à son sort : ses œuvres, ses paroles, ses pensées l’accuseront : puissent ses larmes éteindre pour lui le feu éternel ; puissent, en attendant, ses regrets l’empêcher de trouver le repos. L’œuvre profondément sentie, ne manque pas de véritables beautés ; elle exprime une conviction sincère en des termes qui sont souvent heureux ; mais la prosodie laisse fort à désirer si on la juge du point de vue des règles classiques. Les hexamètres de Verecundus sont souvent mal bâtis ; ils s’efforcent pourtant de garder l’allure traditionnelle.

Le premier des poèmes mentionné par Isidore est, au contraire, perdu. On l’a parfois identifié à un morceau que les manuscrits attribuent tantôt à Tertullien, tantôt à saint Cyprien et qui est intitulé Ad Flavium Feliccm ou Ad Felicem de ressurrectione mortuorum. Cette identification est insoutenable. Sans doute, les 406 hexamètres qui constituent la pièce ne peuvent pas être l’œuvre de Tertullien pas plus que celle de saint Cyprien ; et si le destinataire doit être comme on le croit généralement, reconnu dans le poète africain Flavius Félix qui vivait sous le règne de Thrasamond (496-523), on verra dans le De resurreclione un écrit d’un contemporain de’Verecundus, un peu plus âgé cependant que lui. Mais la personne même de l’évêque de Junca est exclue par la différence de style et de métrique qui sépare le De resurreclione et le De satisfaclione pœnilenliæ. La versification du De resurreclione est beaucoup plus incorrecte encore que celle du De satisfactione et l’on se demande souvent si l’auteur se préoccupe encore des règles essentielles : par contre, il fait grand usage de la rime qui ne termine pas moins de 172 vers sur 406.

Parmi les œuvres poétiques de Verecundus, Pitra a encore imprimé, op. cit., p. 132-137, une Exhortatio pœnitendi qui figure dans le ms. Duacensis 290 (xiie s.). Ce poème était depuis longtemps connu sous le nom de saint Isidore de Séville et il peut remonter à la fin du vue siècle, mais il n’a rien à voir avec l’évêque de.lunca.

Il faut porter le même jugement sur un poème en trois livres, intitulé Crisias, qui traite des signes avant-COUreun du jugement dernier. F, Arevalo, Prolegomena ad Dracontiutn, 73, P. /… t. lx, col. 635, avait songé à attribuer ce poème à Verecundus. Pitra. qui le reproduit en appendice de son édition, op.’il., p. 1 14-165, fait remarquer avec raison qu’on |pent aussi bien le reporter au v ou au vr siècle qu’au xv et il est fort possible qu’il ait un humaniste pour auteur.

VereCUndUS n’est pas seulement un poêle. On lui (loi t aussi deux ouvrages en prose. Le premier est un commentaire des neuf cantiques de l’Ancien Testa ment, intitule par Pitra qui en a été l’éditeur : Commentarlorum super caniica ecclesiasiica Uhri nooem, op. cil., p. 1-131. Les cantiques expliqués sont les suivants : Cantique de Moïse après le passage de la mer Ponge. Ex., xv ; Cantique d’adieu de Moïse, Dent., wxiii ; Cantique de lamentation de Jérémie

sur la ruine de Jérusalem, Lam., v ; Cantique d’Azarias, Dan., m ; Cantique d’Ézéchias, Is., xxxviii ; Cantique d’Habacuc, Hab., ni ; Prière de Manassé ; Cantique de Jouas dans le ventre du poisson, Jon., ri ; Cantique de Débora, Jud., v. Le commentaire est attribué par le manuscrit unique qui l’a conservé, Leidensis Voss. F. 58 (vme -ixe s.) au prêtre Verecundus ; il serait donc antérieur à l’élévation de l’écrivain à l’épiscopat ; et comme il parle des persécutions des Vandales en laissant entendre que cette douloureuse époque a pris fin, il faut en placer la composition après 534. L’auteur emploie la méthode allégorique, sans nier pour autant l’existence du sens littéral. Il s’efforce de trouver dans les cantiques qu’il explique des leçons utiles pour le progrès spirituel des âmes. Il s’intéresse spécialement aux questions d’histoire naturelle et il renvoie son lecteur aux ouvrages classiques en la matière : Lege physicorum historias peritorum, Plinii Secundi, Solini aliorumque multorum, in nostris autem Joannem Constantinopolitanum, in libro queni de natura bestiarum scripsit. Jon., 9 ; p. 104. En parlant de Jean de Constantinople, il vise le Physiologus, que d’autres auteurs encore lui attribuent à tort ; cf. Pitra, Spicileg. Solesm., t. iii, Paris 1855, Prolegom., p. lxiv ; Manitius, Gesch. der latein. Liter. des Mittelalters, t. i, p. 164.

Le second ouvrage en prose de Verecundus est une série d’extraits des Actes du concile de Chalcédoine, Excerptiones de gestis Chalcedonensis concilii, extraits destinés, dans la pensée de leur auteur, à fournir une apologie des Trois-Chapitres. Ces extraits sont anonymes dans la tradition manuscrite, mais on peut les attribuer sûrement à Verecundus, grâce à une lettre du pape Adrien I er à Charlemagne. où il est question d’un breviarium Chalcedonensis concilii a quodam Vcrecundo episcopo cdilurn, Jalîé, liibl. rerum Germon., t. iv, Berlin, 1867, p. 221, et P.L., t. lxxxix, col. 351. On en possède deux recensions, dont la seconde contient un long passage du Breviarium de Liberatus de Cartilage, P. L., t. i.xviii, col. 1012-1014.

On a iieu écrit sur Verecundus de.lunca, en dehors des notices que lui consacrent naturellement les histoires littéraires, Maintins, Gesch.’1er christl. lui. Poésie, Stuttgart, 1891, p. 103-407 ; du même Gesch. <lcr latein. Lit. des M. t., t. i, Munich, 1911, p. 153-156 ; Kruger, dans Schanz, Gesch. <lcr romischen Lit., t. iv />, Munich, 1920, p. 394-31)7 ; O. Bardenhewer, Altkirchl. Lit., t. v, Fribourg, 1932, p. 324-328. La seule édition de ses « ’livres est celle de Pitra, Spicileg. Solesm., t. iv. Sur sa métrique, voir L. Vernier, La versification latine populaire en Afrique, Commodien et Verecundus, dans Revue de philologie, nouvelle série, I. xv, 1891, p. 14-33,

d. IIaiidy.