Dictionnaire de théologie catholique/VALERIEN DECIMÉLIUM

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 495-496).

VALERIEN DECIMÉLIUM, évêque de cette localité, aujourd’hui Cimiez, près de Nice, au milieu du Ve siècle. — La vie de Valérien ne nous est connue que par ce que nous savons de sa participation à dilîérents conciles du sud-est de la Gaule. On a supposé, sans preuves décisives, qu’avant son épiscopat, il avait été moine à Lérins. En tout cas, il entretint avec les moines, une fois évêque, des relations cordiales, dont témoigne son Epistola ad monachos de virtutibus et ordine doclrime apostolicæ, P. L., t. lii, col. 755-758. Ce fut comme évêque qu’il assista aux conciles de Riez en 439 et de Vaison en 442, réunis sous la présidence de saint Hilaire d’Arles pour renforcer la discipline ecclésiastique. Après la mort de saint Hilaire, dont le pape saint Léon avait jugé bon de restreindre les droits primatiaux, il approuva l’élection de son successeur Ravennius (449) et, l’année suivante, il signa avec la plupart de ses collègues de la Viennoise, de la Seconde Narbonnaise et des Alpes-Maritimes, une supplique (preces) adressée à saint Léon pour solliciter de lui le rétablissement du métropolitain d’Arles dans tous ses privilèges antérieurs. Saint Léon, on le sait, tout en rendant témoignage à la bonne volonté et au zèle des signataires ne crut pas devoir faire droit à leur requête et divisa l’ancienne province d’Arles en deux circonscriptions. Cf. L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. i, 2e éd., Paris, 1907, p. 119-125. En même temps qu’il rendait sa décision dans les affaires artésiennes, le pape avait demandé à Ravennius de faire signer par les évoques qui dépendaient de lui le tome à Flavien de Constantinople : la signature de Yalérien de Cimiez figure dans la réponse qui fut adressée à saint Léon en 451. Cette réponse fut portée à Rome par l’évêque Ingenuus d’Embrun : « C’est sans doute pendant le séjour qu’il fit à Rome à cette occasion qu’Ingenuus, soutenu par les évêques des Alpes-Maritimes, obtint du pape la réunion des deux sièges épiscopaux de Nice et de Cimiez, distincts jusqu’alors. > L. Duchesne, op. cit., p. 126. Peu de temps après, vers 455, on retrouve la signature de Valérien, au bas des actes d’un concile réuni à Arles pour juger un différend qui avait éclaté entre les moines de Lérins et les évêques voisins. L’abbé de Lérins, Fauste, prétendait défendre les droits de son monastère contre l’ingérence de l’évêque de Fréjus. Le concile réserva en effet à l’évêque les ordinations, le saint chrême, la confirmation et l’approbation des clercs étrangers ; pour tout le reste, il reconnut l’exemption du monastère. Valérien dut mourir peu de temps après cette assemblée ; peut-être fut-ce après sa mort que les deux évêchés de Cimiez et de Nice furent de nouveau séparés, pour peu de temps d’ailleurs.

Sous le nom de Valérien, nous avons conservé une lettre aux moines, dont nous avons déjà parlé et vingt homélies assez brèves, P. L., t. lii, col. (391750. Ces homélies ne traitent guère que des questions morales : de la discipline, de la voie étroite, des promesses qui ne sont pas tenues, de l’insolence dans le langage, des paroles oiseuses, de la miséricorde, des parasites, de la vaine gloire, du bien de la paix, de la grandeur du martyre, des Machabées, de l’avarice. L’auteur s’y montre un partisan résolu de l’ascétisme, ou tout au moins d’une morale austère. « Tout homme, dit-il, qui a le souci de voir Dieu et de parvenir au royaume des cieux peut facilement comprendre la nécessité de la route étroite et resserrée pour aller à la vie. » Hom., iii, 1, P. L., t. lii, col. 700. L’ébrlété et la cupidité sont, d’; i près lui, la source de tous les vices ; el de cette source sortent des torrents de fautes, qui entraînent dans les profondeurs de l’abîme la plus grande partie du genre humain : l’ébriété est la mère de la luxure ; la cupidité celle de l’orgueil. Iloin., VI, col. 709-710. Cette morale est exposée en un style correct, souvent élégant et un peu recherché, qui trahit la formation de Valérien : sans aucun doute, celui-ci a fréquenté dans sa jeunesse les écoles de rhétorique et il a bien profité des leçons de ses maîtres. On a relevé chez lui des allusions a Sénèque ; peut être ne serait-il pas impossible de trouver d’autres marques Fréquentation des bons auteurs. Cependant, Valérien n’est pas un dilettante. Il a pleine conse de l’importance de son ministère et il s’efforce de convaincre ses auditeurs, non seulement en faisant appel aux ressources de la dialectique, mais bien plus encore en leur présentant l’exemple des sainis, les préceptes de l’Évangile, les exigences du salut.

S’il ne faut pas chercher’in/ lui les descriptions réalistes di mœurs contemporaines qui se ren

contrent chez saint Césaire d’Arles, on n’en trouve pas moins des allusions précises aux vices ou aux défauts des Gaulois du ve siècle : les captateurs d’héritage qui examinent sous tous ses as] nets le testament d’un mort, Hom., xx, 5 ; les gloutons qui se hâtent, à peine le carême achevé, de se remplir la panse, Hom., xix, 1 ; les orgueilleux qui inventent toutes sortes de ruses pour recevoir les salutations d’un plus grand nombre et qui profitent des moindres circonstances pour mendier des éloges. Hom., xiv,

4, etc. Les textes de l’Écriture sainte sont fréquemment rappelés ; trois sermons sont consacrés à l’éloge des martyrs, à l’occasion de fêtes célébrées en leur honneur, mais aucun nom n’y est cité en dehors de celui de sainte Thècle, Hom., xvii, 6 ; et un quatrième sermon est un éloge des Machabées, Hom., xviii. Le dogme proprement dit occupe très peu de place dans tout cela et l’on ne trouve guère qu’une allusion à la Trinité : Intcr omnia custodias prsecepta justifiée, uni Deo servias, Trinilalis tamen honore servato. Unam fidem, unum baptisma credas. Patris, Filii, vel Spiritus Sancli unam clarilalis confilcaris essentiam ; nec divisa voluntate cujusquam aut preecedere aut regnare personam ; sed Patrem et Filium et Spirilum Sanctum unius potestatis, unius credas esse virtutis. Hom., iii, 5, col. 702.

On s’est demandé parfois si Valérien n’était pas tombé dans l’erreur semi-pélagienne et son premier éditeur, Sirmond, s’est donné beaucoup de peine pour le justifier de ce reproche ; en 11333, Théophile Raynaud a cru devoir composer une longue apologie de ses expressions : cette apologie, dirigée contre un certain Nicolas Chichon, est imprimée dans P. L., t. lii, col. 757-831). C’est surtout l’homélie xi qui a donné prise à un tel grief. Sans doute, Valérien commence par déclarer que nous ne pouvons pas acquérir de mérites sans la grâce : Non reete sentiunl, dileclissimi, qui putant vitse ornamenla />roprio laborc componi et sine adjulorio omnipotentis Dei virtutum passe mérita comparari. P. L., t. lii, col. 725. Mais plus loin il écrit : Nec nos negare possumus ornamenta religiosæ vitse vigilantise studio comparari. Sed ibi Dcus est, ubi intégra’religionis est animus, ita apostolo dicente : « Exemplum ef’us quæritis gui in me loquitur Christus. » Scdis ibi vacillai Itumanum sludium, ubi non requiritur Dei auxilium. Xum non dubie periclilatur fuies, si non niuniatur patrocinio divinitatis. Nostrum est igitur bonum velle, Christi vero perfteere. Évidemment, ces dernières expressions, séparées de leur contexte, peuvent fournir quelque motif d’accusation. Mais il serait, scmblc-t-il, excessif d’y insister, alors que l’homélie entière de Valérien traite de la reconnaissance quc nous devons à Dieu et de l’erreur criminelle où nous tomberions en nous enorgueillissant de nos propres mérites.

La première des vingt homélies (le Valérien a d’abord été publiée sons le nom de saint Augustin et figure encore COmme telle dans P. L., t. xi., col. 1219-1222. Les Vingt homélies et la lettre aux moines ont été éditées pour la première fois par J. Sirmond, Paris, 1612. Le texte de Migne est celui de Gallandi, Bibliolh. vet. Pair., t. x, Venise, 1771. p. 123-158. Nom— Histoire littéraire de lu France, I. ii, Paris 17 :  !.">. p. 328-332 ;. Schack, P( hle riano sæculi quinti homileta christiano, Copenhague, 1814 ; C.-F. Arnold, art. Valerianus, dan-. Protestant, Realencyclopædie, 3e éd., t. xx, p. 418-420.

G. Bardy.