Dictionnaire de théologie catholique/SYRIGOS Mélèce

SYRIGOS Mélèce, théologien grec du XVIIe siècle (1586-1664). I. Vie. II. Kcrits et doctrine.

I. Vie.

Marc Syrigos, qui prit le nom de Mélèce lorsqu’il embrassa la vie monastique, naquit à Candie sur la fin de 1585 ou au début de 1586, d’une famille qui avait été catholique et latine pendant longtemps, mais avait cessé de l’être dans la seconde moitié du xvie siècle. Le jeune Marc lit ses premières études dans sa ville natale, OÙ il eut pour maître Mélétios Vlastos ; puis il alla a Venise, ensuite se dirigea sur Pa doue pour y prendre des leçons de rhétorique, de mathématiques et de— physique. Il se destinait dès lors à la médecine, mais la mort inopinée de ses parents le

força à rentrer en Crète, puis à chercher le vivre et le couvert dans un monastère. C’est alors qu’il prit le nom de Mélétios. Son instruction le désigna bientôt comme candidat au sacerdoce, il fut ordonné à Cythère par un évêque grec dissident.

De retour à Candie, le nouveau hiéromoine se signala par son talent oratoire et aussi par son zèle contre le catholicisme. Les autorités vénitiennes s'émurent de ses attaques et l’on profita de la première occasion pour expulser le prédicateur, qui se retira d’abord au couvent d’Angaratho, puis à celui de Kali Liménès, KaXoi Aifxéveç, dont il fut higoumène. Là encore, il afficha bien haut son anticatholicisme. Cela suffit à le faire passer pour un ennemi déclaré de la Sérénissime République et la peine de mort fut portée contre lui. On lui laissa d’ailleurs tout le temps de s'évader sur un bateau en partance pour Alexandrie. C'était vraisemblablement en 1626.

Après quelque quatre ans de séjour en Egypte, il fut appelé à Constantinople par Cyrille Lucaris, qui en était alors à son quatrième patriarcat constantinopolitain et poursuivait sans répit son projet d’introduire le calvinisme dans l'Église grecque. Déjà avait paru sous son nom à Genève, en 1629, sa fameuse Confession de foi. Cependant, il lui fallait dissimuler ses véritables intentions, car les jésuites établis à Galata, aidés par les ambassadeurs de France et d’Autriche, mettaient tout en œuvre pour amener sur le siège patriarcal un prélat favorable aux doctrines catholiques. Cyrille crut trouver en la personne du hiéromoine Cretois, l’homme qu’il lui fallait. Aussi l’installa-t-il d’emblée à Galata, face aux jésuites, dans l'église de la Chrysopégé. C’est là que, dès l’automne de 1630, Mélèce commença la série de ses homélies dominicales, qui devaient embrasser tout le cycle liturgique. En même temps, le patriarche lui donnait le titre officiel de « didascale de la Grande Église ».

En 1632, Mélèce s’absente une première fois de Galata pour se rendre en Moldo-Valachie, chargé par Cyrille d’une mission secrète, qui consistait peut-être à surveiller les menées de la propagande catholique en cette région. Celui qui devait bientôt réfuter longuement le patriarche calvinisant parut alors se prêter à des agissements assez louches en faveur de l’hérésie. Après un an passe en Moldo-Valachie, il revint à Péra, où, tout en continuant ses prédications, il ouvrit une école de langues et de sciences. Dès 1635, sur l’invitation du hospodar Basile le Loup, il retourna en Moldo-Valachie, où il s’occupa de traduire en grec vulgaire l'œuvre polémique de Jean Cantacuzène contre l’Islam. Nous le retrouvons à Galata, au carême de 1637, où il reprend ses prédications et ses leçons. Le 29 juin 1638, en la fête des saints apôtres, il prend la parole devant le nouveau patriarche Cyrille II Contaris, successeur de Cyrille Lucaris, que les Turcs venaient d'étrangler et de jeter à la mer. Cyrille II avait été le grand adversaire de Lucaris, comme Syrigos en avait été l’ami. Maintenant Syrigos oubliait le passé et se rangeait du côté des anticalvinistes. Dès cette année 1638, il commençait son grand ouvrage contre la Confession de Cyrille Lucas. Ses sentiments anticalvinistes eurent l’occasion de se manifester publiquement l’année suivante. Lé jour de l’intronisation du nouveau patriarche Parthénios I er, successeur de Cyrille Contaris (1639-1644), Théophile Korydaleus, tout dévoué au calvinisme, profita de la circonstance pour entamer l'éloge de Cyrille Lucaris, présenter sa Confession comme l’expression de la foi orthodoxe et nier expressément la présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie. Grand fut le scandale parmi les auditeurs. Parthénios I er, qui ne partageait nullement les idées de Lucaris, voulut obtenir de Korydaleus une rétractation publique de ses erreurs. N’ayant pu

y réussir, il chargea Mélèce Syrigos de prononcer en son nom contre l’hérétique un discours retentissant. C’est ce que fit celui-ci le 27 octobre. Il réussit si bien que les auditeurs voulurent faire un mauvais parti au disciple de Calvin. Syrigos avait donc pris position contre les calvinisants de Constantinople. Cela devait lui valoir dans la suite bien des désagréments. Déjà, après le discours contre Korydaleus il crut bon de quitter Constantinople pour Moudania, où il paraît avoir passé l’année 1641. Nous le retrouvons à Galata en 1642. Cette année-là même, il fut chargé par Parthénios I er d’une importante mission en Moldo-Valachie. Répondant à la demande du métropolite de Kiev, Pierre Moghila, le patriarche œcuménique décida d’envoyer à Iassy, en Moldo-Valachie, deux délégués officiels pour examiner un catéchisme composé en latin par Moghila lui-même dans le but de codifier la doctrine orthodoxe tant contre les protestants que contre les latins, mais surtout contre les premiers. Pour cette mission de confiance, il fit choix de Mélèce Syrigos. De leur côté, les Kiéviens envoyèrent trois délégués, porteurs du fameux catéchisme, à savoir Isaïe Trofimovitch Kozlovskii, higoumène du monastère Saint-Nicolas de Kiev, le prédicateur Ignace Oksénovitch Starusitch et le recteur du collège de Kiev, Joseph Kononovitch. Cela faisait en tout cinq personnes avec le compagnon de Mélèce. C'était peu pour constituer ce qu’on a appelé le concile de Iassy, qui ne fut en réalité qu’une série d’entretiens entre théologiens. L’entente sur le terrain doctrinal fut loin d'être parfaite entre eux. Deux questions surtout les divisèrent : celle du purgatoire et celle de l'épiclèse. Ils ne purent, du reste, prendre aucune décision définitive. Il fut seulement convenu que le catéchisme de Moghila, traduit en grec, serait envoyé à Constantinople pour être soumis à l’approbation du patriarche, et ce fut Mélèce Syrigos qui fut chargé de la traduction. Le travail était terminé à la fin d’octobre, lorsque prirent fin les conférences. Sur le sort ultérieur du catéchisme de Moghila, devenu La confession de foi de l'Église orientale orthodoxe, voir l’article Moghila. La confession de Pierre, t. x, col. 2070-2081.

De Iassy Syrigos paraît s'être rendu directement en Petite-Russie, où il passa toute l’année 1643. Il visita Kiev et plusieurs autres villes. Des entretiens directs avec Pierre Moghila durent parachever les conférences de Iassy, sans aboutir du reste à une entente sur les points controversés : les Kiéviens maintinrent leur doctrine sur la forme de l’eucharistie et les corrections de fond introduites par Syrigos dans le catéchisme de Pierre Moghila n’eurent point leur agrément.

Revenu à Galata au début de 1644, Syrigos vit bientôt sa situation compromise du fait de l’accession au patriarcat de Parthénios II, dit le Jeune (1644-1646), tout dévoué aux amis de Lucaris et au parti calvinisant. Il dut partir en exil le 1 er juin 1645 et se retira d’abord à Iassy, puis, après une tentative de rentrée furtive dans la capitale, à Kios (Ghemlck), sur le golfe d’Ismidt. Il y resta jusqu'à la déposition de Parthénios II (Il novembre 1646). Le 21 mars 1647, il prêchait devant le nouveau patriarche Joannice II (16461648). Mais, au retour de Parthénios II sur le trône patriarcal (28 septembre 1648), il dut reprendre le chemin de l’exil. C’est en vain qu’il essaya, en 1649, de rentrer en cachette à Constantinople. Découvert, il dut repartir à Kios. Ce troisième exil cessa à la mort de Parthénios II (16 mai 1650). Rentré dans la capitale, il put y passer dans la tranquillité les quatorze années qu’il lui restait encore à vivre sous les nombreux successeurs de Parthénios II — ils ne furent pas moins de douze — occupé à prêcher et à écrire. Au printemps, de 1653, il quitta Galata pour l'église de la Vierge de  ; iur.

SYRIGOS | IVfÊLÈCE)

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l’Espérance dans le quartier de Kontoscallon (KoumKapou). Il la desservit jusqu’en 1660, date à laquelle

elle fut détruite par un incendie. Il revint alors à Galata. à l'église dite du Christ des jardins. C’est là qu’il s'éteignit, le 17 avril 1664, a l'âge de soixante-dix-huit

ans. Son corps fut enseveli au couvent des Médikiotes, à Triglia, localité des environs de Constantinople.

II. Écrits et doctrine.

Mélèce Syrigos a été à la fois prédicateur, polémiste, bagiographe et hymno graphe, traducteur, mais il a surtout été prédicateur. La plupart de ses écrits sont encore inédits. Le P. Pargoire a trouvé, tant dans la bibliothèque du Métokhion du Saint-Sépulcre à Constantinople, que dans celle du Syllogue littéraire grec de la même ville, dix-huit manuscrits remplis de ses œuvres, qu’il a minutieusement décrits. Cf. Échos d’Orient, t. xi, 1908, p. 266280. Plusieurs de ces manuscrits sont autographes et la plupart renferment des renseignements historiques précis sur la vie et les œuvres de notre auteur.

Sermonnaires.

Six des manuscrits décrits par le

P. Pargoire sont remplis par des sermons. Ces sermons ne sont pas tous complets ; plusieurs sont de simples brouillons. Leur nombre se monte à près de deux cents. La partie la plus importante de cette prédication est constituée par une série complète d’homélies pour tous les dimanches de l’année. Comme ces discours sont tous inédits, il nous est impossible de porter un jugement tant sur leur fond que sur leur forme.

Écrits théologiques et polémiques.

 Le ms. 356

du Métokhion du Saint-Sépulcre contient le premier écrit théologique de Syrigos, daté de 1635. Il s’agit de Yingt-quatres chapitres théologiques (KscpxXaia OsoXovtxâ) précédés d’une Lettre sur le jeûne. Le contenu est avant tout d’ordre ascétique, comme le suggèrent les titres : 1. Sur la foi en Dieu. — 2. Sur la puissance de la foi et sa constance. — 3. Sur la foi sans les œuvres… — -10. Sur ceux qui retournent à Dieu… — 22. Sur le bon prêtre, etc. Ce sont des thèmes assez courts, puisqu’ils ne remplissent qu’une soixantaine de feuillets. Ils sont inédits.

Le second ouvrage théologique de notre auteur par ordre de date est la Réfutation de la confession de la foi chrétienne éditée par Cyrille de Constantinople au nom de tous les chrétiens de l'Église orientale. Tel est le titre que donne le ms. 334 du Métokhion, sans doute un autographe ou tout au moins une copie revue par l’auteur. C’est de beaucoup l’ouvrage le plus long et le plus important laissé par Syrigos. Commencé en novembre 1638. il fut terminé le 28 novembre 1640. Écrit d’abord en grec ancien, il fut traduit plus tard par l’auteur luimême en grec vulgaire. Les mss nous le donnent dans les deux dialectes et c’est le grec vulgaire qui a eu les honneurs de l’impression, grâce au patriarche Dosithée, qui le publia à Bucarest en 1690 sous le titre : '()p6680£oç £vrlpppo*iç y.y.~x tôjv xeçaXoctcAV x.al èpwnfjcyeajv roô KuptXXou, en y joignant son propre écrit contre les calvinistes, consacré spécialement à démontrer la présence réelle et la transsubstantiation. Bien avant cette édition, dont il reste à peine cinq ou six exemplaires et que E. Legrand décrit tout au long dans sa Bibliographie hellénique du XVW siècle, t. ii, p. 458-473, l’ouvrage fut célèbre en Occident et surtout en France, où les auteurs de la Perpétuité de la foi touchant l’eucharistie lui firent une réclame retentissante. Dès sa composition, les jésuites de Galata s'étaient offerts à le faire imprimer moyennant quelques corrections de détail, auxquelles l’auteur refusa de se prêter. Du moins le chapitre sur la transsubstantiation — Mêlé tios compte parmi les théologiens grecs modernes cjui ont vulgarisé le mot p : £TOucîcoai.ç, traduction littérale du latin transsubstantiatio — fut édité à plusieurs reprises en Occident : d’abord par Richard Simon en 1684 dans l’Histoire critique de la créance et des cou tumes des nations du Levant, p. 199-215, et en 1687 dans La créance de l'Église orientale sur la transsubstantiation : puis par Benaudot, qui en avait fourni le texte à B. Simon, à la suite des homélies de Gennade Scholarios sur l’eucharistie, Gennadii patriarchæ Constantinopolilani homiliæ de sacramento eucharistiæ, Paris, 1709, p. 156-162. L'édition de Benaudot fut reproduite par Schelstrate, Acta orientalis Ecclesiæ contra Lutheri luvresim, Borne, 1739, p. 396-401, et passa aussi dans d’autres recueils. Dès 1674, le t. III de la Perpétuité de la foi en avait donné la traduction française. Cf. l'édition de Migne, t. ii, col. 1223-1226. Eusèbe Benaudot utilisa largement 1 AvTtppTjffiç dans la Continuation de la Perpétuité, t. iv, 1711, t. v, 1714. Cf. l'édition de Migne, t. iii, col. 687-691, 811, 930-932, 965-966, 1034-1038, 1044-1046, 1061. Dans sa Réfutation, Syrigos suit l’ordre même des articles de la Confession de foi de Lucaris. Peu ou point de spéculation dans cette œuvre polémique relativement sereine, mais des textes de l'Écriture et des Pères. Sa connaissance de la langue latine ouvre à Syrigos non seulement les sources grecques et byzantines mais aussi les occidentales, encore qu’il reste étranger à notre scolastique.

On ne peut évidemment attribuer à Syrigos la paternité de la Confession de foi orthodoxe de l'Église orientale, ou Catéchisme de Pierre Moghila. Il a cependant sur elle quelque droit, non seulement parce qu’il l’a traduite en grec vulgaire et que c’est sa traduction qui a reçu l’approbation officielle des quatre patriarches d’Orient en 1643, mais aussi parce qu’il y a fait des corrections de fond importantes, notamment sur la forme de l’eucharistie et sur la négation de la peine temporelle due au péché et d’un état intermédiaire entre le ciel et l’enfer après la mort. Ces corrections, qui furent approuvées par les patriarches orientaux, eurent les plus graves conséquences pour le sort de la Confession orthodoxe, que leur principal auteur, Pierre Moghila, ne voulut point reconnaître pour sienne et dont les théologiens de Kiev rejetèrent longtemps certains articles. Son autorité était battue en brèche dès son apparition. Elle n’a fait que diminuer depuis.

Il y a de bonnes raisons de supposer que notre théologien ne fut pas étranger à la rédaction des actes du synode constantinopolitain du 21 septembre 1638, sous Cyrille II Contaris, qui anathéinatisa les principales erreurs de Cyrille Lucaris, et qu’il dut composer la Lettre synodale que Parthénios I effet son synode promulguèrent en mai 1642 comme devant servir de base aux pourparlers de Iassy. Il était, en effet, comme le théologien attitré de la Grande Église, à qui l’on recourait quand il était question de doctrine. Ces documents officiels ont été publiés plusieurs fois, notamment dans les recueils des livres symboliques de l'Église orientale orthodoxe et même dans Mansi, Concii :, t. xxxiv, col. 1629-1637, 1709-1716.

Écrits hagiographiques et liturgiques.

Les écrits

hagiographiques de Syrigos sont intimement liés à ses écrits liturgiques. Les premiers consistent en notices biographiques de plusieurs martyrs grecs des xvi' et xviie siècles, victimes du fanatisme musulman. Ces notices sont appelées par les Grecs des synaxaires ou martyria. Les écrits liturgiques proprement dits sont des acolouthies ou offices complets, ou des parties d’offices, spécialement des canons, pour ces martyrs, pour des saints plus anciens et pour d’autres fêtes. Le P. Pargoire a dressé la liste complète de ces compositions multiformes. Elle ne comprend pas moins de vingt numéros. Cf. Échos d’Orient, t. mi, L909, p. 337-3 12. Quelques-unes de ces pièces ont été imprimées soit à part, soit en divers recueils signalés par le P. Pargoire. loc. cit. Les autres sont conservées dans les mss du Métokhion du Saint-Sépulcre, notamment dans le ms. 746.

A la liturgie se rapporte un autre écrit de Syrigos qui se présente comme un document officiel du patriarcat œcuménique adressé à l’Église russe. Au printemps de 1654, un synode de Moscou, présidé par le patriarche Nicon, envoya au patriarcat œcuménique une série de questions relatives à la célébration de la messe en vue de réformer les livres et les rites liturgiques de l’Église russe. Le patriarche de Constantinople, Païsios I er, répondit officiellement à ces questions, au nombre de vingt-sept, par un document signé de vingt-cinq métropolites, de trois évêques et de onze dignitaires ecclésiastiques. Or, ce document officiel fut rédigé en grec vulgaire par Syrigos en personne, à la demande du patriarche. Nous le savons par les mss, qui donnent cette lettre synodale sous forme de traité intitulé : Explication de la liturgie (c’est-à-dire de la messe) : ’E^yr^aiç auvoTC-rix ?) t7)ç Œîocç xai. àyîaç XEiToupyiaç, et l’attribuent expressément à notre auteur. Nous le savons surtout par l’original de la Lettre synodale envoyée à Nicon, qu’a publié le Russe Troïtskii, en 1881, dans la Lecture chrétienne, t. i. Parmi les signataires, aussitôt après les évêques, figure Mélèce Syrigos, « qui a composé cet opuscule sur l’ordre du patriarche Païsios et de son synode ». Rédigé en décembre 1654, l’opuscule ne parvint à Nicon qu’au début de 1655. Le patriarche le fit approuver par le synode de Moscou qui se tint la dernière semaine de mars. Ce document eut dans l’Église russe d’imprévisibles répercussions, car il détermina pour une bonne part la révolte d’une partie de l’Église russe contre les réformes liturgiques de Nicon, révolte connue sous le nom de raskol. Cf. l’article Russie, t. xiv, col. 292 sq. L’édition de Troïtskii avait été précédée par celle de l’archimandrite Germain Aphtonidès, dans son ouvrage intitulé : £ûvtou.oç 7rpay[xaTEÎa rcepï toù v/j-GfAOCTOç tcôv’PacrxoXvixôiv xal 7tepî tovcov aîpéaswv èv’Pcoaatq :, Constantinople, 1876, p. 139 sq., et par celle de Papadopoulos-Kérameus, ’AvexSôxov… teôjpç Tupôi-rov, Smyrne, 1880, p. 1-15. Ces deux dernières éditions ne concordent ni entre elles ni avec l’original publié par Troïtskii.

Traductions.

En dehors de la traduction en

grec vulgaire de la Confession orthodoxe de Pierre Moghila et de son propre ouvrage contre la confession de Cyrille Lucaris, notre auteur en a exécuté plusieurs autres. En voici la liste :

1. Traduction du latin en grec ancien des dix livres du commentaire d’Origène sur l’Épître aux Romains. On sait que ce commentaire ne nous est parvenu qu’en traduction latine. La traduction de Syrigos est inédite et se trouve dans le ms. 755 du Métokhion du Saint-Sépulcre. — 2. Traduction en grec vulgaire des écrits de Jean Cantacuzène contre l’Islam (quatre apologies et quatre discours contre Mahomet : cf. P. G., t. cuv, col. 371-692). C’est à l’invitation du hospodar Basile le Loup que Syrigos exécuta ce travail. Il fut commencé (ou terminé) le 1 er décembre 1635 en Moldavie, suivant l’indication du ms. 196 du Métokhion, un des nombreux mss qui renferment cette traduction, restée inédite. — 3. C’est encore à la demande de Basile le Loup que notre auteur traduisit en grec vulgaire les Instilutes de Justinien. Il contribua ainsi à la collection de lois traduites du grec en roumain que publia à Iassy, en 1646, le logothète Eustratios sur l’ordre du hospodar. Mais la traduction de Syrigos ne paraît pas avoir vu le jour, malgré l’affirmation contraire de Nicolas Comnène. Papadopouli, Hisloria gymnasii Patavini, t. ii, p. 309. — 4. Traduction en grec vulgaire du Résumé des lois (vou.ix)} èmzoy.rj) des empereurs Léon et Constantin, demandée également par Basile le Loup. Elle est aussi restée inédite, Dosithée est le seul à en parler.

Comme théologien, Mélèce Syrigos appartient à la

vieille école byzantine. A la différence de plusieurs théologiens grecs de son temps, il a été très peu influencé par la scolastique occidentale. Dans sa réfutation des erreurs calvinistes de Cyrille Lucar, il s’en tient aux arguments positifs tirés de l’Écriture sainte et de la tradition. Même lorsqu’il emploie certains termes scolastiques, il les vide de tout contenu proprement philosophique et ne s’attache qu’à l’idée dogmatique proprement dite. Le mot transsubstantiation, (i.ETO’joîcooLç, par exemple, n’éveille nullement chez lui l’idée d’accidents eucharistiques au sens philosophique du mot accident, mais simplement l’idée du changement des oblats au corps et au sang de Jésus-Christ et de la présence réelle qui en résulte. Il ne voit pas dans l’eucharistie deux choses : un contenant et un contenu, un voile et une réalité cachée sous ce voile : il n’aperçoit que Jésus-Christ présent. Cf.’Avnpp^ciç, édit. Dosithée, fol. 123’, 138°.

Les corrections qu’il a introduites dans le catéchisme de Pierre Moghila ne se sont pas bornées à la question de la forme de l’eucharistie et à celle du purgatoire. Elles ont dû porter aussi sur d’autres points moins importants. C’est ainsi qu’à la question cv de la première partie, la reconfirmation des apostats est admise, alors que Pierre Moghila a supprimé dans son Trebnik ou Rituel l’office de la réconciliation des apostats attribué au patriarche saint Méthode, qui a été interprété par les théologiens byzantins dans le sens d’une véritable réitération du sacrement de confirmation. On peut soupçonner aussi notre théologien d’avoir introduit des formules palamites pour exprimer la nature de la béatitude des élus (p. I, q. 126).

Plus clairement encore que dans la Confession orthodoxe, Syrigos nie la doctrine du purgatoire dans l"AvTLpp7)31 ;  : aucun état intermédiaire après la mort. A l’exception du péché contre le Saint-Esprit, tout autre péché peut être remis aux défunts dans l’autre monde avant le jugement dernier par les suffrages des vivants et les prières de l’Église. Notre théologien va jusqu’à affirmer que, si le pauvre Lazare avait intercédé pour le mauvais riche, celui-ci eût été retiré des flammes. La porte de l’enfer ne sera définitivement closs qu’après la résurrection générale. C’est à ce moment-là seulement qu’aura lieu la rétribution et que le sort de chacun sera définitivement fixé.’AvTtppvjatç, p. 138-144.

En parlant du sacrement de mariage, il paraît bien faire du prêtre le ministre de ce sacrement. Par contre il enseigne très nettement l’indissolubilité du lien matrimonial : Le mariage légitime, dit-il, ne peut être rompu pour aucune raison : 6 toioùtoç ydcu.oç s^ttoS !. Ç£T(Xt va X M P lCy ^J * a tà TOXGOCV aÏTtOCV.’AvTÎppYjCTIÇ,

p. 88-89. Malheureusement la pratique constante de l’Église byzantine et gréco-russe donne un démenti formel à cette très orthodoxe affirmation.

Signalons enfin que Mélèce Syrigos se range parmi les théologiens grecs de la période moderne qui ont nié l’immaculée conception de la sainte Vierge. Aussi bien dans VAntirrhesis, p. 31-32, que dans un sermon sur l’Annonciation prononcé dans sa ville natale, au début de sa carrière de prédicateur, il soumet Marie au péché d’origine et déclare qu’elle n’en fut purifiée qu’au jour de l’Annonciation. La raison qu’il en donne, c’est que Marie a été soumise à la mort, fruit du péché originel. Au demeurant, il sait que la question est discutée même parmi les siens et se garde de présenter son opinion comme l’expiession officielle de l’orthodoxie. Cf. ms. 254 du Métokhion du Saint-Sépulcre, fol. 1018-1019, homélie non signalée par le P. Pargoire.

Le P. Pargoire a consacré à Mélèce Syrigos, sa vie et ses écrits, une étude qu’on peut qualifier d’exhaustive et qui a paru après sa mort dans los Échos d’Orient, t. xi, p. 264-280, 331-310 ; t. xii, p. 17-27, 167-175, 281-286, 336-342. La doctrine du théologien n’y est pas examinée. Parmi les notices antérieures il faut signaler celle de Dosithée en tête de l’édition de l’Ἀντίρρησις, fol. 7, qu’a reproduite E. Legrand, dans sa description de l’édition, Bibliographie hellénique, XVIIe siècle, t. ii, Paris, 1894, p. sq. Voir aussi Nicolas Commène Papadopouli, Historia gymnasii patavini, Venise, 1726, t. ii, p. 309 ; N. Zaviras, ; Νέα Ἑλλάς, éd. G. Kremos, Athènes, 1872, p. 443-448 ; C. Sathas, Νεοελληνικὴ φιλολογία, Athènes, 1868, p. 255-260 ; Papadopoulos-Kérameus, Σημειώσεις περὶ τῶν ὁμιλιῶν Μελετίου τοῦ Συρίγου, dans le Δελτίον τῆς ἐθνολογικῆς καὶ ἱστορικῆς ἑταιρείας τῆς Ἑλλάδος, t. i, 1885, p. 440-447.

M. Jugie.