Dictionnaire de théologie catholique/RÉSURRECTION DES MORTS II. La croyance à la résurrection de la chair dans l'Ecriture

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 545-553).

lution religieuse d’Israël. L’individualisme, qui commence avec l’exil, et le problème de la sanction portaient puissamment à rechercher une communauté éternelle avec Dieu et, pour être parfaite, cette communauté exige la résurrection. Cf. Notscher, Altorientalischer und alltestamentlicher Auferstehungsglau.be, Wurtzbourg, 1926, p. 241. Voir aussi Dictionnaire de la Bible, art. Résurrection des morts, t. v, col. 1066-1067. 1° Le livre de Job.

Selon Notscher, un premier

rayon de cette espérance en la résurrection future brille déjà dans le livre de Job. A première vue, il semblerait même que le texte classique, emprunté à Job, xix, 25-27, par la liturgie des morts (3e nocturne. 8e leçon), soit une affirmation explicite de la croyance en la résurrection. Le texte de la Vulgate exprime très nettement cette croyance. Mais il s’en faut que l’hébreu soit aussi clair. Voici la traduction de l’hébreu :

Qui donnera que soient écrites mes paroles !

Qui donnera que sur l’airain elles soient gravées,

Qu’avec un burin de fer et de plomb

Pour toujours sur le roc elles soient sculptées !

Moi, je sais que mon défenseur (goël) est vivant

Et que, le dernier, sur terre il se lèvera

l’t derrière ma peau je nie tiendrai debout,

Et de ma chair, je verrai 1 loah lia lumière de Dieu),

Lui que, moi, je verrai, moi.

Et que mes yeux regarderont, et non un autre :

Mes reins languissent dans mon sein !

(Traduction P. DUorme, Le livre île./ « />, Paris, 1920, p. 257.)

On se reportera à l’art. Job, t. viii, col. 1 173-1474, pour l’interprétation de ce passage, où il est difficile de voir une attestation explicite en faveur de la résurrection future. Tout au plus peut-on dire « que celui sur qui pèse si lourdement le fardeau de la nonespérance aspire, au fond, à se survivre ; que celui pour qui s’est réalisé un commerce si personnel avec Dieu possède en germe la foi à l’éternelle destinée de l’àme : et que celui en qui habite le sentiment d’une si haute responsabilité morale soupçonne l’impérissable valeur de l’homme, supérieure à celle de l’ « arbre » dont la vie paraît indestructible ». Art. cit., col. 1474. Cn devra également consulter le commentaire littéral de P. Dhorme sur ce difficile passage.

2° L’idée de la résurrection future dans la résurrection du peuple d’Israël. —

Un argument indirect, mais non négligeable, peut être pris chez les prophètes qui prédisent la résurrection d’Israël comme peuple, mais en empruntant un vocabulaire propre à la résurrection individuelle des hommes.

1. Ainsi, le prophète Osée décrit la restauration d’Israël, purifié de ses fautes (vi, l-’_) :

Venez ! retournons à Jahvé !

Car c’est lui qui a déchiré et qui guérira ;

Il frappe et il nous mettra des bandages.

Il nous rendra la vie après deux jours ;

Le troisième jour, il nous relèvera

Et nous vivrons devant lui…

Ce sont les anciens commentateurs surtout qui ont vu dans ce passage une prophétie littérale et directe de la résurrection du Christ ou de notre résurrection dans le Christ. Il n’y a dans cette interprétation qu’une simple accommodation. Voir Osée, t. xi, col. 1650. Toutefois on remarquera que I Cor., xv, 54 et Heb., ii, 14, où saint Paul parle de notre résurrection finale dans et par le Christ sont une allusion certaine aux expressions dont Osée se sert, xiii, 1. Il ne semble pas cependant que ce dernier passage d’Osée puisse s’entendre d’une promesse de salut et de résurrection. Voir Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 125.

2. Le prophète Isaïe considère le peuple tout entier d’Israël comme un individu : de nouveau Israël sera sauvé de la mort et de l’anéantissement, c’est-à-dire de l’exil, et se relèvera pour être conduit par Dieu vers une nouvelle vie politique et religieuse. Le c. xxvi est expressif à cet égard : c’est le cantique qui sera chante dans la terre de Juda. Les ennemis d’Israël seront anéantis, leurs morts ne revivront point et leur mémoire même disparaîtra (v. 13-14). Puis, s’adressant au peuple régénéré :

Ils vivront, vos morts ;

Ceux qui m’ont été tués ressusciteront ; Réveillez-vous et chantez,

(Vous) qui habitez dans la poussière ; [mière

Parce que votre rosée. Seigneur, est une rosée de lul’. t la terre Tera renaître les ombres (les trépassés).

(Is., xxvi, 19.)

3. L’idée de cette résurrection du peuple d’Israël éclate surtout dans la grandiose vision d’Ezéchiel, xxxvii, 1 sq. Dans cet te vision, le prophète a sous les yeux des ossements desséchés épais dans une vaste plaine. Sur l’ordre de Jahvé, il voit ces ossements se revêtir de muscles, de chair et de peau. L’esprit revient cn eux. ils revivent, se redressent et forment une grande armée. On croirait la scène de la résurrection des morts. Mais cette résurrection n’est, cn réalité, qu’une figure de la résurrection du peuple d’Israël. Faut-il supposer qu’Ézéchiel entendait prendre la résurrection générale comme le terme de comparaison dont ses auditeurs devaient se servir pour mieux comprendre la promesse de la restauration d’Israël ? Ce sens, adopté par un cei tain nombre de commentateurs, semble forcé et ne ressort pas du texte. Sur les Pères qui ont interprète ce passage en faveur de la résurrection, voir Knabenbauer, In Ezechielem, Paris, 1890, p. 379-380.

4. Plus significatif, à coup sûr, du point de vue qui nous occupe, est le livre de Daniel. Ici, en effet, quoique la résurrection de la chair ne soit pas expressément mentionnée, il est question d’un réveil individuel et général des hommes à la fin des temps :

Dan., xii : (1) En ce temps-là se lèvera Michel, le grand prince qui protège les fils de ton peuple, et ce sera un temps d’angoisse comme il n’y en a pas eu depuis que des nations existent jusqu’alors. Mais en ce temps ton peuple sera sauvé (c’est-à-dire i quiconque sera trouvé inscrit dans le livre. (21 Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et l’opprobre éternels. (3) Et les sn^es brilleront comme l’éclat du firmament, et ceux qui auront conduit beaucoup à la justice, comme les étoiles à jamais et pour toujours.

De toute évidence. Daniel prophétise le réveil du peuple juif sous Antiochus Épiphane. Néanmoins ce réveil est. dans la lumière prophétique, relié au réveil final du dernier jour. Comme dans Is., xxvi, 19, il est prévu que les défunts ressusciteront pour prendre part au bonheur définitif des élus. « Beaucoup se lèveront de la poussière » : beaucoup, c’est-à-dire tous ; cf. Esther, iv, 3. Il n’avait été précédemment question que des Israélites, c’est pourquoi la résurrection ne semble ici prévue que pour eux. Toutefois, on ne saurait dire que les païens soient exclus. Daniel se propose pour but de consoler la communauté juive : aussi ne parle-t il du salut qu’en tant qu’il les concerne. Ceux qui vivront au moment où se réalise le bonheur messianique y prendront part dans la mesure où ils cn sont dignes. Les défunts ressusciteront dans ce but ; mais ceux-là seulement qui ont vécu dans la sainteté reverront la lumière pour s’en réjouir éternellement ; les autres sont voués à une honte éternelle. Daniel ne nous dit pas en quoi consistera la honte des pécheurs : quant aux justes ils seront comme des étoiles, brillant de l’éclat du firmament. On retrouvera ces affirmations et ces comparaisons dans Joa., v, 29 et I Cor., xv, 41 ; cf. Sap., ni, 7.

Ce rapport étroit qui s’affirme chez Daniel entre la résurrection et les perspectives messianiques se retrouvera désormais fréquemment dans la pensée juive.


5. Les Machabées.

Le IIe livre des Machabées atteste, d’une façon peut-être plus ferme encore que Daniel, la croyance en une résurrection future de la chair, commune aux bons comme aux méchants, résurrection de félicité pour ceux-là, d’opprobre pour ceux-ci.

Tout d’abord, cette foi est consignée, avec la plus grande précision, dans le récit du martyre des sept frères et de leur mère, sous Antiochus Épiphane. Plusieurs de ces jeunes héros se consolent en évoquant la certitude de leur résurrection et, s’adressant au tyran, ils lui en font une menace : « Scélérat que tu es, lu nous ôtes la vie présente, mais le Roi de l’univers nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mouions pour être fidèles à ses lois. » II Mac, vii, 9. « Je liens ces membres du ciel, mais, à cause de ses lois, je les dédaigne et c’est de lui que j’espère les recouvrer un jour. » II Mac, vii, 11. « Heureux ceux qui meurent de la main des hommes, en espérant de Dieu qu’ils seront ressuscites par lui I Quant à toi, ta résurrection ne sera pas pour la vie. » II Mac, vii, 14. On peut se demander si, dans ce dernier texte, la finale ne signifierait pas simplement qu’Antiochus ne reviendrait pas du tout à la vie. Mais il semble beaucoup plus conforme à la pensée générale du discours, d’admettre que l’àvâaTamç de, Çmtjv dont il est ici question répond à la résurrection elç Çcùyjv àio’mov que Daniel oppose à la résurrection pour l’opprobre éternel. Dan., xii, 2. Voir ci-dessus. Enfin, c’est la mère elle-même qui soutient le courage de ses fils en leur disant : « Le créateur du monde vous rendra dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que maintenant vous vous méprisez vous-mêmes pour l’amour de sa loi. » II Mac, vii, 23.

Ensuite, le passage invoqué en faveur du purgatoire, voir ce mot, t. xiii, col. 1166, contient un enseignement direct concernant la résurrection. La récompense apparaît, ici encore, liée à la résurrection qui doit permettre au ressuscité de prendre sa part au bonheur messianique. On sait dans quelles conditions étaient tombés les soldats pour qui Judas Machabée faisait offrir un sacrifice. Nonobstant ces conditions défectueuses, Judas n’hésite pas : « Une collecte ayant été faite, il envoya à Jérusalem 12 000 drachmes d’argent, afin qu’un sacrifice fût offert pour les péchés des morts, pensant bien et religieusement touchant la résurrection (car s’il n’avait pas espéré que ceux qui avaient succombé devaient ressusciter, il (lui) aurait semblé superflu et vain de prier pour les morts)… » On le voit, Judas Machabée a en vue, avant tout, la résurrection de ses soldats pécheurs. Mais il subordonne cette lésurrrection à l’expiation, dans l’autre vie, du péché commis dans le pillage de Jamnia. Ressuscites, les soldats auront part à la récompense réservée à ceux qui s’endorment dans le Seigneur.

6. Le livre de la Sagesse est rempli d’enseignements touchant l’état des bons et des méchants après la mort. L’immortalité de l’âme est nettement enseignée. Sap., m, 21 ; iii, 1-iv, 20. Après la mort, le sort des justes est opposé à celui des méchants : le jugement les attend, les uns et les autres, iv, 20. Mais ensuite, les méchants regretteront leur erreur et envieront les justes qu’ils ont méprisés sur terre, v, 1-13. Les justes vivront éternellement, id., ꝟ. 16. Dans ces enseignements, il n’est pas question directement de la résurrection des corps. Mais, en rapprochant Sap., IV, 20, de Dan., xii, 1-3, où les justes sont dits venir au jugement en corps et en âme, on ne peut s’empêcher de considérer les affirmations du livre de la Sagesse comme une nouvelle confirmation des croyances relatives à la vie, dans l’au-delà, de l’âme et du corps.

II. LA THÉOLOGIE JUIVE PALESTINIENNE.

Il est Indispensable d’indiquer, au moins sommairement, les enseignements de la théologie juive immédiatement antérieure à la prédication de l’évangile : ils éclairent, en effet, à la fois et la continuité de la tradition juive, et la portée de la prédication chrétienne. Nous suivons ici le P. Bonsirven dans son étude : Le judaïsme palestinien au temps de Jésus-Christ. Sa théologie, t. i, p. 168 sq. (quelques références ont été corrigées). On peut se référer aussi au P. Lagrange, Le judaïsme avant Jésus-Christ, Paris, 1931, p. 353 sq.

1 ° La foi en la résurrection des corps chez les Juifs. —

Cette foi ne doit pas être confondue avec la simple croyance en l’immortalité de l’âme. Car la résurrection des corps en général institue la vie de l’au-delà dans un cadre social, collectif, et fait participer le corps et la matière aux sanctions éternelles. Une telle foi en la résurrection des corps marquait dans les croyances juives une véritable révolution doctrinale et religieuse qui ne pouvait manquer de susciter des opposants. Entre les pharisiens et les sadducéens, la question de la résurrection des corps provoquait une telle divergence de vues que leur haine commune du Christ ne la pouvait réduire. Cf. Marc, xii, 18-27 ; Matth., xxii, 23-33 ; Luc, xx, 27-38 ; Act., xxiii, 6-10 ; xxvi, 5-8. La résurrection des morts est, pour les pharisiens, un dogme incontestable que seuls nient tous les adversaires du judaïsme officiel, hérétiques, gentils, samaritains. Le Talmud est explicite sur tous ces points. Talmud (de Babylone), Wilna, 1896, Sanhédrin, x, 1, commenté en 90 b. Les sadducéens étaient parmi les plus farouches négateurs et Rabbi Nathan explique même par là leur origine. Abolh, i, 11. Cette rigidité doctrinale des pharisiens est de beaucoup postérieure à l’acceptation universelle de la croyance. On peut donc se demander dans quelle mesure, à l’époque du Christ, la foi en la résurrection générale des corps était partagée par le peuple. Nous venons de voir, que l’auteur du deuxième livre des Machabées et plusieurs de ses héros attestent leur foi sur ce point. Cf. II Mac, xii, 43-46 ; vii, 9, 11, 14, 23, 29. L’auteur du premier livre ne se préoccupe pas de cette perspective. On ne peut cependant de ce silence faire un argument positif contre la croyance des contemporains à la résurrection des corps.

Les apocryphes fournissent quelques indications précieuses. Dans le Livre d’Hénoch, la résurrection est nettement affirmée dans la dernière partie, Hen., xci, 10 ; xcii, 3 ; ciii, 4. Le livre des Paraboles est moins explicite, li, 1 ; lxi, 3. Le texte A’Hen., xxii, 4, 11, 13, annonce que les âmes sortiront de leurs réceptacles pour le jugement ; mais il peut y avoir jugement sans résurrection. Voir M.-.I. Lagrange, op. cit., p. 330. Le livre des Jubilés semble nier la résurrection, puisque « les os des justes restent dans la terre ». xxiii, 31. A l’opposé, les Testaments des Patriarches mentionnent la résurrection comme un grand motif de consolation et d’espérance, si toutefois nous ne sommes pas ici en face de remaniements qui auraient développé et accentué la notion de résurrection. Cf. R. Eppel, Le piétismejuij dans les Testaments des douze Patriarches, Paris, 1930, p. 107. La croyance en une résurrection des corps se retrouve dans l’Apocalypse de Moïse, xiii, 3 ; xxviii, 4 ; xli, 2. Croyance inexistante dans l’Assomption de Moïse, xiii, 3 ; xxviii, 4 ; xli, 2, qui montre Israël allant directement au ciel, x, 9 ; et dans VHénoch slave. Les Psaumes de Salomon, tout en affirmant que les « craignant Dieu » se lèveront pour la vie éternelle, iii, 1 1-16, mais pas les impies, laissent cependant dans l’ombre une croyance explicite en la résurrection ; et cette croyance est pratiquement exclue ou ne vient pas en ligne de compte dans IV Esdras, vii, 31-32 ; v, 45 ; xiii, 136. Cf. Vaganay, Le problème eschalologique dans le IV livre d’Esdras, Paris, 1906, p. 83. Le P. Bonsirven exclut pareillement la perspective de la résurrection des grands textes messianiques de l’Apocalypse de Baruch, estimant que xxx, 1-2 est une interpolation qui ne cadre guère avec le reste de la vision ; mais il affirme que le sujet est abondamment traité dans les autres perspectives, II Bar., xlix-li, cf. xxi, 23 ; xxiii, 5 ; xlii, 6 sq., parce que, « dans le système religieux du rédacteur dernier, la résurrection tenait une place plus considérable que dans les documents messianiques qu’il a insérés ». Op. cil., p. 470, note 10. « Ces constatations, ajoute le même auteur, permettent les conclusions suivantes : aux alentours de l’ère chrétienne la pensée de la résurrection ne s’est pas encore emparée des esprits comme elle le fera plus tard ; elle n’est pas encore un point invariable et familier des horizons eschatologiques : elle s’efface quelque peu derrière l’attente du grand jugement, qui fera prévaloir la justice, et derrière l’espérance de la vie éternelle. » Op. cit., p. 471.

Sur les preuves apologétiques de la résurrection, preuves scripturaires et arguments de raison, invoquées par les rabbins contre les hérétiques sadducéens, voir Bonsirven, p. 471-474.

Notion de la résurrection chez les Juifs.


Les termes traditionnels qui désignent chez les Juifs la résurrection se trouvent condensés dans Is., xxvi, 19 : « Vos morts vivront, mes cadavres ressusciteront (se lèveront) ; réveillezvous et chantez, vous qui êtes couchés dans la poussière. » Voir col. 2506. Deux catégories de formules doivent être surtout retenues, répondant chacune à une conception différente :

Tout d’abord, « ressusciter » signifie surgir soit du sommeil, soit du tombeau. C’est là l’idée et le mot qui reviennent le plus souvent dans l’Écriture et dans les apocryphes. Cf. Dan., xii, 2 ; Ps., lxxxviii, 11 ; II Mac, xii, 43, 44 ; vii, 9, 14. Dans les apocryphes, Hen., xci, 10 ; xx, 8 ; xxii, 13 (éthiopien) ; Test. pair. (Siméon), vi, 7 ; Ps. Sal., ni, 16. On trouve la même idée sous des expressions analogues : surgir de son sommeil, Hen.. xci, 10 ; cf. Is., xxvi, 19 ; les morts montant du Seol, Midraë Babba, Gen., édit. Theodor-Albeck, 12, 10, p. 109 ; Talmud, Berakhoth, 15 b et Sanhédrin, 92 a ; Hen., li, 1 ; les réceptacles des âmes rendant leur dépôt, Hen., li, 1 ; lxi, 5 ; Test. (Levi), îv, 1 ; IV Esd., vii, 32 ; Baruch (édit. syriaque, P. S., t. n), xxi, 23 ; xxx, 2.

Ensuite, « ressusciter » signifie vivifier les morts. On trouve l’expression dans la Bible, Os., vi, 3 ; Is., xvi, 1 9 ; Ez., xxxvii, 1-14 ; Dan., xii, 2 ; dans les apocryphes, IV Esd., v, 45 ; Bar. (éd. syr.), xxiii, 5 ; xlii, 7 ; xlix, 2. Elle abonde chez les rabbins : pour eux, la résurrection est la vivification des morts, Deut., xxxii, 2, cité d’après l’éd. Friedmann, Vienne, 1864, p. 132 a ; Talmud, Sanh., x (xi), 1 ; Ros ha-sana, 17 a, et Dieu est celui qui donne (ou rend) la vie aux morts, Sanh., 90 b. L’expression « vivre » devient ainsi, pour les morts, l’équivalent de ressusciter. Ceux qui ne ressuscitent pas, ne vivent pas, Sanh., x, 2 sq. De là la maxime de Rabbi Éléazar Haqqapar : « tous les morts doivent revivre, (ressusciter) et tous les vivants (les ressuscites) doivent être jugés ». Aboth, iv, 22.

Bénéficiaires de la résurrection.


Il est impossible de donner à cette question une réponse nette. Dans la théologie juive du temps de Jésus-Christ, il y a, touchant les problèmes de la vie future, tant de doutes et d’obscurités qu’une solution unique ne pourrait rallier tous les suffrages.

La notion commence à s’introduire d’une survie et d’une rétribution immédiatement consécutive à la mort : à quoi bon imaginer, se produisant après de nombreux siècles, un nouveau jugement précédé de la résurrection, lequel jugement ne pourrait que replacer les ressuscites dans l’état où ils se trouvent déjà ? Beaucoup croient également que certains impies sont anéantis au moins après quelques mois de torture dans la géhenne. La résurrection, elle-même, n’est pas encore généralement admise et, de plus, comment la concevoir : comme une mesure générale destinée à réunir tous les hommes pour le dernier jugement ? ou simplement comme la mise en possession de la vie éternelle ? Ne soyons donc pas étonnés de rencontrer sur ce point des opinions divergentes et n’essayons pas de les réduire à l’unité. Ne crions pas non plus à l’incohérence : la cohérence logique suppose des idées nettes et universellement reconnues. (J. Bonsirven, op. cit., t. i, p. 475-476.)

Un certain nombre de textes affirment Y universalité, de la résurrection, s’inspirant en cela de Dan., ii, 2. Nous avons déjà cité la phrase du rabbin Éléazar Haqqapar : « Ceux qui naissent sont pour mourir ; et les morts pour être vivifiés et les vivants (les ressuscites) pour être jugés ». De Deut., xxxiii, 39 : « C’est moi qui fais mourir et c’est moi qui fais vivre », on déduit que c’est Dieu qui envoie au même et la mort et la vie (la résurrection), édit. citée, p. 139 b. De même, la croyance que le Seol et les réceptacles des âmes rendront à l’ave nir leur dépôt implique une résurrection universelle. Cf. Test. (Levi), iv, 1 ; IV£srf., vii, 32 ; Bar. (édit. citée). xxi, 23 ; xxx, 2 ; xi.ii, 7 ; l, 2 : Talmud, Sanh., 92 a : Berakhoth, 15b ; MidrasRabba, Gen. (édit. citée), 12, 10, p. 109. Sans qu’on puisse se prononcer sur la signification exacte d’autres textes, il semble cependant vraisemblable « que la plupart des docteurs des premiers siècles ont cru à l’universalité de la résurrection ». Bonsirven, op. cit., p. 477. La résurrection semblait être la condition préalable du jugement universel.

Toutefois, pendant assez longtemps, plusieurs docteurs n’accordèrent qu’aux seuls justes le privilège, de la résurrection. La résurrection était l’accès à la récompense éternelle. C’est la doctrine de Josophe, qu’il attribue aux pharisiens, sinon à Moïse lui-même. Antiq. XV III, I, 3 (14) ; cf. Cont. Apionem, ii, 30 (218). (Les chiffres entre parenthèses reproduisent les paragraphes rétablis par l’édition Niese, Berlin, 1887.) C’est toutefois en un autre corps que passent les âmes des justes, Debello, II, viii, 14(163) ; III, viii, 5 (374). Telle paraît bien être aussi la pensée des jeunes martyrs dans II Mac, viii, 14 ; cꝟ. 17, 19, 35, 36, encore cependant qu’ils menacent du jugement et de châtiments leur juge persécuteur : ils semblent donc admettre aussi une résurrection, mais non pour la vie. N’est-ce pas là aussi la doctrine de II Mac, xii, 39-46 et spécialement 44 ? Voir art. Purgatoire, col. 1166. La première partie du livre d’Henoch incline en ce sens, puisqu’elle affirme qu’une catégorie de pécheurs ne sortira pas de son lieu de supplices, Hen., xxii, 13 ; les ressuscites seront des justes confiés à l’archange Remeiel, xx, 8. Dans le livre des Paraboles, il semble bien que la résurrection soit universelle, terre, Seol et enfers rendant leurs proies, et cependant seuls les justes paraissent en bénéficier. Hen., li, 2 ; lxi, 5. La cinquième partie ne reconnaît expressément que la résurrection des justes. Hen., xci, 10 ; cf. c. 5. De même les Psaumes de Salomon promettent aux justes la résurrection pour la vie éternelle et aux pécheurs la perdition sans rémission et sans résurrection pour la vie éternelle ». Viteau, Les psaumes de Salomon, Paris, 1911, p. 59. Cf. Ps. Sal., m, 11-16 ; xv, 14 sq. ; xiv, 2-4, 6. L’Apocalypse de Moïse est moins précise : la résurrection y est présentée, tantôt comme universelle, tantôt comme réservée aux seuls justes. Apoc. Mos., xxviii, 4 ; xli, 3. en sens universaliste ; xiii, 3, restriction au seul c peuple saint ». Seuls les justes en ont le privilège, d’après l’Apocalypse de Baruch, édit. syr., xxi, 23 : xlix-li ; xxiii, 5, dont la tendance universaliste est corrigée par xxx, 1, 2 ; et peut-être xlii, 7, 8, dans le sens indiqué. C’est que la résurrection apparaît liée à la vie éternelle. Mêmes indications dans les Testaments, Benjamin, x, 8, (cf. Dan., xii, 2) : Juda, xxv, 1 ; Zabulon, x, 2, 3 ; Benjamin, x, 6. 7.


Cette double tendance, universalisme, restriction aux seuls justes, trouve une explication plausible, que confirme la littérature rabbinique plus récente, dans l’universalisme de la résurrection en ce qui concerne les fils d’Israël, tous étant considérés comme appartenant au peuple saint et juste. Les gentils sont envoyés à la géhenne, soit pour un temps après lequel ils sont réduits à néant, soit « pour les générations des générations ». Cf. Bonsirven, op. cit., p. 479-480 :

Nous discernons dans la littérature rabbinique, écrit Bonsirven, une tendance qui ne nous surprendra pas : assurer à tous les Israélites le bénéfice de la résurrection ; tendance qui se manifeste de plusieurs manières. D’abord par la discussion sur l’âge que doivent avoir les enfants israélites pour pouvoir revivre : nous assistons à une surenchère caractéristique : R. Meïr admet à ressusciter ceux qui répondent amen à la synagogue (Is., xxvi, 2) ; R. Siméon ben Rabbi, ceux qui commencent à parler (Ps., xxii, 31) ; les rabbins de Babylone, tous les circoncis (Ps., lxxxviii, 1(>) ; les rabbins palestiniens et R. Hiia ben Abba, tous les enfants déjà nés (Ps., xlix, 6) ; et enfin R. Éléazar, même les avortons (Is., xlix, 6). Op. cit., p. 480.

Être enseveli en terre d’Israël est un gage de résurrection parmi les justes. Les autresterres sont impures ; y être enseveli, c’est mourir deux fois, ce qui prive de la résurrection. Aussi les Juifs mourant hors de Palestine y faisaient-ils transporter leurs corps, ou tout au moins le faisaient-ils ensevelir au bord de la mer, afin qu’au jour de la résurrection, Dieu creusât des souterrains, par lesquels les corps des justes, inhumés hors de Palestine, rouleraient comme des outres jusqu’en Israël, où Dieu leur rendrait leur àme et leur vie. Voir les textes dans Bonsirven, p. 481. Toutefois la moralité ne perd pas absolument ses droits ; si la résurrection est, en principe, le privilège des fils d’Israël, elle est cependant refusée à certains pécheurs d’Israël. Mais ces restrictions ne font guère que confirmer le principe : tous les Israélites retourneront à la vie.

Il semble bien d’ailleurs que cette résurrection, universelle pour Israël, ne soit qu’un acte du règne messianique futur. Elle apparaît bien comme l’acte initial de ce règne, permettant à tous les Juifs, morts avant la venue du Messie, de participer aux félicités de la restauration nationale. Si cette note messianique n’est explicite que dans quelques apocryphes, notamment dans lien., li, 1 ; lxi, 5 ; Test. Juda, xxv, 1 ; Zabulon, x, 2, 3 ; Benjamin, x, 6, 7 ; et s’affirme quelque peu dans IV Esd., vii, 32, elle est sous-jacente implicitement dans les autres textes où s’affirme une note universaliste. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas qu’on puisse admettre, dans la littérature juive, l’idée d’une double résurrection, la première introduisant les seuls justes aux félicités messianiques, la seconde faisant comparaître tous les hommes jusqu’au jugement dernier. Cf. Castelli, // Messia secondo gli ebrei, Florence, 1874, p. 283 ; H. Strack et P. Billerbeck, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Misdrasch, Munich, 1922-1928, t. iii, p. 827.

Mode de la résurrection.


Pour les Juifs, contemporains des premiers chrétiens, les modalités de la résurrection posaient de multiples problèmes.

Problème de l’auteur. Cet auteur est Dieu, vivificateur des morts, comme l’appellent les prières les plus anciennes de la recension palestinienne et de la recension babylonienne. Semonc esre, 2 ; cf. Talmud, Sanh., 113 a. Dieu seul, en clïet, détient la clef des sépulcres et ne la livre à personne. Id., Ta’anil, 2 a : Midras Tanhuma, recension éditée par Buber, Wilna, 1913, Wayésé, 10, i, p. 155 ; Midras sur les psaumes, ps., lxxviii, 5, édit. de Buber, Wilna, 1891, p. 346 ; MidraëRabba, Gen., 73, 3, édit. citée, p. 848 : l >eut., 7, 6. A Dieu sont attribuées toutes les actions qui concourent à la résurrection : Dieu vivifie, IV Esd., v, 45 ; il formera de nouveau, Stjbil., iv, 181 ; il commande,

Bar. (édit. syr), xxi, 23 ; l ; cf. Ps. Sal., iii, 16 ; Talmud, Berakhoth, 00 b ; Sanhédrin, 108 a ; Pesiqla Rabbathi, édit. Friedmann, Vienne, 1880, 3 b ; Midras Rabba, Gen., 26, p. 250. « Je te ressusciterai », dit Dieu dans l’Apoc. Mos.. xli, 3.

Problème des intermédiaires. Élie a détenu un moment la clef des sépulcres. Sanh., 113 a ; Midras sur les psaumes, ps., lxxviii, 5. Aussi aura-t-il encore quelque part dans la îésurrection dernière : Talmud, Sota, ix, 15. Quant au Messie, aucun texte authentique ne lui accorde d’intervention dans la résurrection des morts. Les textes suspects sont : MidraS sur Prov., viii, 9 et xix, 21 (édit. Buber, Wilna, 1893), et Pirqè de Rabbi Éliézer, édit. de Varsovie, 1879, 32.

Problème des modalités. La résurrection se fera, non en secret, mais ouvertement. MidraS Rabba, sur Eccl., vu, 1. Elle se fera au son de la trompette. Id., Levit., 24, 4 ; Targum de Jonathan, Ex., xx, 15. Cette trompette, dont il est question dans Matth., xxiv, 31 ; I Cor., xv, 32, 52 ; I Thess., iv, 16, tient une place considérable dans la littérature postérieure. Cf. F. Weber, Jùdische Théologie auf Grund des Talmud und verwandler Schrijlen, Leipzig, 1897, 2e édit., p. 369.

Problème de la réunion de l’âme et du corps. D’une part, les tombeaux et la terre rendront les restes humains ; d’autre part, les réceptacles des âmes restitueront leur dépôt. Doctrine commune tant aux apocryphes qu’aux écrits rabbiniques. H en., li, 1 ; Bar. (édit. citée), l, 2 ; xlii, 7 ; xxx, 2 ; xxi, 23 ; IV Esd., vu, 32 ; Test. (Levi), iv, 1 ; Talmud, Sanh., 92 a ; Targums de Jérusalem, i et ii, sur Ex., xv, 12 ; Berakhoth, 15b ; Midras Rabba, Eccl., v, 10 ; Pesiqla Rabbalhi, édit. cit., 109 b ; Midras R., Gen. (édit. cit., 12, 9, p. 109, etc. ». D’autre part, Dieu rend l’âme au corps ou restitue l’esprit retourné vers lui après la mort. Talmud. Berakhoth, 60 b ; Sanh., 108 a ; Pesiq. R., 3 b ; Midras R., Gen., 26, p. 250 ; cꝟ. 14, 7, p. 131 ; Sanh., x, 3. 29 bc. Dans ce dernier texte « rendre l’esprit signifie produire la résurrection. Nous laissons de côté certaines imaginations bizarres selon lesquelles Dieu ressusciterait les morts au moyen d’une rosée spéciale ou en faisant germer l’homme d’un os de la colonne vertébrale. Voir Bonsirven, p. 484.

Problème des ressemblances du corps ressuscité avec le corps actuel. — Le pseudo-Baruch professe une ressemblance complète : « La terre restituera les morts qu’elle a maintenant reçus pour les garder, ne changeant rien à leur figure ; comme elle les a reçus, elle les rendra… » Toutefois, après le jugement, « sera changée la ressemblance de ceux qui ont péché et aussi la gloire de ceux qui sont justifiés. Les premiers en pire ; les second en mieux : « les uns seront changés en la splendeur des anges, les autres en visions effrayantes et en formes apparentes. » Bar. (édit. syr), xlix-li, 5. Doctrine similaire chez les rabbins, avec cependant des raffinements de subtilités. Les morts ressusciteront tels qu’ils étaient au moment de leur sépulture, afin de pouvoir être reconnus ; ils ressusciteront avec leurs vêtements ; c’est folie de demander s’ils seront purs ou si l’on devra se purifier après les avoir touchés. Voir Midras R., Gen., 95, 1, édit. citée, p. 1185 sq., Talmud, Semaholh, îx, fin : Sanh., 90 b ; Midras R., Eccl., v, 10 ; Talmud, Nidda, 70 b. Cf. W. Bâcher, Die Agada der Tannaiten, i, Strasbourg, 1890, p. 179 sq.

III. LE NOUVEAU TESTAMENT.

1° L’enseignement du Christ. —

1. Dans les synoptiques. —

Les sadducéens niaient la résurrection future des corps ; ils vinrent même trouver Jésus pour lui poser à ce sujet une question embarrassante : si une femme se marie successivement à sept frères, de qui sera-t-elle femme au jour de la résurrection ? Matth., xxii, 23-28 : cf. Marc, xii, 18-23 ; Luc., xx, 27-33. Sur la négation sadducéenne, voir aussi Act., xxiii, 8 ; Josèphe, De bcllo jud., II, viii, 14 ; Anliq.jud., XVIII, i, 4. D’un mol, Jésus écarte le côté négatif de la thèse sadducéenne. A la résurrection, le mariage n’aura plus de raison d’être : neqæ nubent, neque nubentur. Matth., xxii, 30 ; Marc, xii, 25 ; Luc, xx, 35. Les ressuscites auront des corps en quelque sorte spiritualisés, comme les anges de Dieu. Cet aspect négatif de la question une fois éliminé, Jésus-Christ passe au côté positif de la doctrine de la résurrection.

L’objection des sadducéens vient, d’après le Sauveur, de ce qu’ils ne comprennent pas la puissance de Dieu, capable de créer un ordre différent de celui qu’ils ont sous les yeux, et de ce qu’ils n’ont pas assez pénétré les Écritures. Et Jésus d’apporter aux Sadducéens un argument tiré de l’Exode ; « à l’endroit du buisson », spécifient Marc et Luc. Pourquoi ce choix d’un livre du Pentateuque, alors que tant d’autres passages de l’Ancien Testament auraient pu fournir des arguments plus directs ? Plusieurs Pères, y compris Origène, l’auteur des Philosophumena, saint Jérôme, ont affirmé que les sadducéens n’admettaient pas d’autres livres sacrés. Cette opinion est vraisemblablement trop absolue, mais il est probable cependant que les sadducéens n’admettaient comme strictement canonique que le Pentateuque. Cf. Schùrer, Geschichle des jiïdischen Volkes, t. ii, 4e édit., p. 481. Jésus argumente donc du livre de l’Exode, « livre de Moïse » par excellence, et oppose aux sadducéens cette vérité fondamentale : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, qui s’est révélé à Moïse près du buisson ardent, n’est pas le Dieu de morts, mais de vivants. »

Dans l’Exode, quand Dieu se révèle à Moïse comme le Dieu des patriarches, le sens est qu’il est ce même Dieu qu’ils ont adoré durant leur vie, sans aucune allusion à leur état présent. Mais Jésus suppose, ainsi que tous ceux qui recevaient l’Écriture comme inspirée, qu’elle contient, en plus du sens littéral historique, un sens plus profond. Ce sens a été très bien reconnu par Loisy : « Quel que soit le sens réel du passage de l’Exode auquel se rattache le raisonnement, on peut dire en parlant de la croyance à un Dieu personnel, que ce Dieu ne peut pas avoir cessé d’être le Dieu de ceux qui l’ont servi, qui l’ont aimé, de ceux qu’il a lui-même honorés de sa faveur. Ceux qui ont vécu pour Dieu ne peuvent jamais être morts pour lui. » (Évangiles synoptiques, t. ii, p. 342). C’est sur cette union à Dieu que le psalmiste appuyait son espérance d’immortalité. Ps., xvi, 8 sq. ; xlix, 15 sq. ; lxxiii, 23 sq. ; cf. Revue biblique, 1905, p. 188 sq. Dieu n’abandonne pas les siens à la mort ; Abraham, Isaac et Jacob étaient donc encore vivants. Or, les Hébreux n’imaginaient pas la mort comme une délivrance de l’âme qui lui permettrait de remonter vers les idées à la façon platonicienne. Les morts étaient dans le Seol où ils vivaient d’une vie imparfaite ; si vraiment Dieu est le Dieu des vivants, il fera sortir un jour d’entre les morts ceux qui avaient été et qui demeuraient ses amis pour reprendre avec eux une société plus intime.

L’argument conclut donc, à la condition de faire état des données de la foi juive. Dans le sens rationnel, on le développerait en disant par exemple avec Victor : n - ; ap ti to (rwaiiçÔTspov £<7tcv èv avijpaiTToi ;, Lai rj Çwf) xotvrj, xaî £v.aT£pa>v ôît Ttpo ; tô tï)V éx Bavàrou Ç » Y|V JtâXtv cWTijvat. L’union substantielle de l’âme et du corps exige, si l’homme doit vraiment vivre pleinement de Dieu, que le corps soit associé à cette vie. Mais Jésus ne raisonnait pas en philosophe, ni avec des gentils ; après avoir affirmé que Dieu peut donner aux siens une vie plus parfaite et divine, il montrait comment le Pentateuque lui-même insinuait (Luc, È(irjrvae <) qu’elle serait un jour leur partage. L’erreur des sadducéens était grande, Jésus le leur dit sévèrement : que devient la religion si elle est réduite au culte de Dieu, pendant une existence terminée absolument par la mort ? » J.-M. Lagrange, Évangile selon saint Marc, Paris, 1920, p. 298-299.

Sans parler explicitement de la résurrection des corps, la scène du jugement dernier, évoquée par le Christ, suppose que tous les hommes seront présents à ce jugement, en corps et en âme. Les élus, en effet, seront rassemblés des quatre vents, des hauteurs des cieux à leurs extrêmes limites. Matth., xxv, 31 ; Marc, xiii, 27. Mais ce ne sera pas le fait des seuls élus, puisque, au jugement même, les bons seront placés à la droite du juge, les méchants à sa gauche et que sur ces derniers tombera la sentence de réprobation. Ce sont « toutes les nations » qui seront réunies. Matth., xxv, 32, 33, 41. Toutefois, en raison de la béatitude qui suivra, la « résurrection des justes » est proposée par le Christ comme le plan premier sur lequel doit se dérouler leur glorification.

2. Dans saint Jean. Mais c’est dans saint Jean que l’enseignement du Christ sur la résurrection apparaît le plus complet et le plus net. Le Sauveur déclare que son Père lui a donné, comme Fils de l’homme, le pouvoir de juger tous les hommes. Joa., v, 28. S adressant aux Juifs, il ajoute : « Ne vous étonnez pas de ceci, car l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix, et ils sortiront : ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront pratique le mal pour une résurrection de jugement. » Joa., v, 28-29. Il n’y a ici aucune antinomie entre deux résurrections, l’une purement spirituelle, celle des justes, l’autre physique, celle qui correspond à noire concept de la résurrection des corps. En fait, la résurrection de vie suppose et complète la résurrection physique, celle qui fait sortir des tombeaux tous lès hommes entendant la VOIX du juge. La vie spirituelle du croyant est déjà sans doute le commencement de la vie éternelle, mais elle n’empêche pas la mort du corps ; et donc il est nécessaire qu’à la fin des temps le corps ressuscite pour être associé à cette vie. Tous ressusciteront . justes et pécheurs, mais les justes ne sont pas, a proprement parler, soumis au jugement : ils sont destinés et vont à la vie. Seuls, les pécheurs ressuscitent pour être ju^és.

Gel te résurrection au dernier jour, Jésus la promet à quiconque croit en lui, car cette foi fait déjà posséder la vie éternelle. Joa., vi, 39, 40. Continuant son enseignement, malgré les murmures des Juifs, Jésus assure qu’il ressuscitera au dernier jour celui qui vieni à lui, attiré par le Père. Joa., vi, 44. Et, précisant sa pensée, en même temps qu’il révèle l’eucharistie future, le Sauveur affirme que quiconque mange’de ce pain, vivra à jamais… ; celui qui mange ma chair et boit mon sang possède la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. » Joa., vi, 53-54.

Ce fait de la résurrection, en même temps que ce pouvoir du Chiist sur la résurrection des hommes, est affirmé en traits saisissants dans l’histoire de la résurrection de Lazare. Lazare était mort, et Jésus, se présentant à Marthe, en reçoit cet affectueux reproche : « Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ; maintenant encore je sais que tout ce que tu demanderas a Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Joa., xi, 20-23. Cette réponse, encore vague, du Maître, pouvait être entendue de la résurrection générale, dogme reconnu des Juifs orthodoxes et auquel Marthe montre immédiatement (ꝟ. 24) qu’elle n’est pas étrangère : « Je sais, dit-elle, qu’il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour. » Mais Jésus insiste sur un point que les Juifs ignoraient, la part prise par le Messie à la résurrection, voir ci-dessus, col. 25 12. Jésus demande à Marthe de croire, non seulement qu’il est le.Messie, mais qu’il est « la résurrection et la vie ». « Celui qui croit en moi, ajoute-t-il, fùt-il mort, vivra et quiconque vil et ci oit en moi ne mourra pas pour toujours. Le crois-tu ? » L’acte de foi de Marthe reçoit sa récompense dans fa résurrection immédiate de son frère.

L’enseignement de saint Paul.


1. Le fait de la résurrection. —

Saint Paul fait de la résurrection d’entre les morts un dogme fondamental pour les chrétiens. Et il en rattache intimement la vérité à la vérité de la résurrection même du Christ. C’est dans I Cor., xv, que l’apôtre développe surtout son enseignement.

Ou a vu que les négateurs de la résurrection étaient nombreux chez les Juifs eux-mêmes. Paul s’élève contre ceux des Corinthiens qui « disent qu’il n’y a pas de résurrection des morts ». I Cor., xv, 12. Cette négation provenait sans doute d’une source juive sadducéenne parmi les chrétiens d’origine juive..Mais les chrétiens d’origine païenne pouvaient aussi avoir des représentants parmi les négateurs, car nous savons comment les Athéniens païens accueillirent Paul leur parlant de la résurrection, Act., xvii, 32, et comment, Paul exposant la même vérité devant Fcstus, le procurateur lui dit brutalement : « Paul, tu radotes ; trop de science te trouble l’esprit. » Act., xxvi, 24. Or, aux yeux de Paul, nier la résurrection des corps, c’est nier la résurrection du Christ : pour être logique, il faut ou les accepter ou les nier toutes deux. Si le Christ n’est pas ressuscité, le christianisme est mensonge et imposture :

(13) S’il n’y a point de résurrection des morts, le Christ n’est pas ressuscité. (14) Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi votre foi ; (15) nous nous trouvonsmèmeètrede faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous rendons ce témoignage contre Dieu, qu’il a ressuscité le Christ, qu’il n’a pourtant pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. (16) Car, si les morts ne ressuscitent point, le Christ non plus n’est pas ressuscité. (17) Que si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine ; vous êtes encore dans vos péchés. (18) Donc ceux aussi qui se sont endormis dans le Christ ont péri. (19) Si c’est pour cette vie seulement que nous espérons dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.

(20) Mais très certainement le Christ est ressuscité d’entre les morts, comme prémices de ceux qui dorment ; (21) car par un homme est venue la mort, et par un homme la résurrection des morts. (22) Et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ, (23) mais chacun en son rang ; le Christ comme prémices, puis ceux qui sont au Christ, qui ont cru en son avènement.

(24) La fin suivra, lorsqu’il aura remis le royaume à Dieu et au Père ; qu’il aura anéanti toute principauté, toute domination et toute puissance. (25) Car il faut qu’il règne jusqu’à ce que le Père ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. (26) Or le dernier ennemi détruit sera la mort. (28) Et lorsque tout lui aura été soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous.

(29) Autrement, que feront ceux qui sont baptisés pour les morts, si réellement les morts ne ressuscitent point ? Pourquoi sont-ils baptisés pour les morts ?

(30) Et pourquoi, nous, a toute heure, nous exposons-nous au danger ? (31) Chaque jour, mes frères, je meurs, je le jure, par la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ Notre-Seigneur. (32) Que me sert (humainement parlant) d’avoir combattu contre les bêtes à Éphèse, si les morts ne ressuscitent point ? Mangeons et buvons, car nous mourrons demain (Trad. Glaire).

Il n’est ici question sans doute que de la résurrection des justes, non que Paul n’enseigne pas la résurrection de tous, même des pécheurs — ne déclare-t-il pas à Festus qu’il attend la résurrection future des justes et des pécheurs, Act., xxiv, 15 ? — mais parce que la résurrection des justes seule intéressait les chrétiens de Corinthe. Aussi n’emploie-t-il, à prouver la résurrection, que des arguments valables pour la résurrection des justes. Nous trouvons dans le passage cité un argument principal, tiré du rôle joué par la résurrection du Christ, cause exemplaire et cause méritoire de notre gloire future, et deux arguments accessoires, tirés, l’un de la conviction intime des fidèles, l’autre, de la conduite des apôtres.

L’argument principal considère dans la résurrection du Christ la cause exemplaire de noire résurrection :

Si les justes ne ressuscitent pas, le Christ n’est pas ressusteité ; si le Christ est ressuscité, les justes, eux aussi, ressusciteront. I Cor., xv, 16. Cꝟ. 1 1 Cor., IV, 14 ; I Cor., VI, 14 ;

Rom., vi, 4-6, VIII, 11 ; I Thess., iv, 14. Un lien de dépendance unit les deux membres de ces propositions conditionnelles qu’il faut ou nier ou affirmer ensemble. Or Il est constant que le Christ est ressuscité, les sceptiques de Corinthe n’en doutent pas et, au besoin, les témoignages accumulés par saint Paul leur fermeraient la bouche. La conséquence inéluctable est que les justes ressusciteront eux aussi. Pourquoi cela ? Parce que Jésus-Christ « est ressuscite des morts comme prémices des dormants ». I Cor.. x, 20, 23 ; cf. Col., i, 18… Ainsi le Christ n’aurait pas droit aux titres qui lui appartiennent ; il ne serait pas « le premierné d’entre les morts, les prémices des dormants », si seul, à l’exclusion de ses frères, il était ressuscité. On voit aisément que la raison dernière de tout cela réside dans la solidarité des élus avec leur rédempteur. « Comme tous les « hommes meurent en Adam, de même aussi tous seront i vivifiés dans le Christ. » I Cor., xv, 22. Pour contracter la dette de mort, dans le corps et dans l’âme, il suffit d’appartenir â la lignée d’Adam et d’être un avec lui par le fait de la génération naturelle ; pour recevoir la créance de vie, dans l’âme et dans le corps, il suffit d’être incorporé au second Adam et de ne faire qu’un avec lui par le fait de la génération surnaturelle. Tous ceux qui sont morts en Adam par suite de la commune nature reçue de lui, seront vivifiés dans le Christ, à condition de communier à sa grâce. F. Prat, La théologie de saint Paul, Ve part., 17e édit., p. 160.

De toute évidence, cette argumentation, fondée tout entière sur la doctrine du corps mystique, chère à saint Paul, n’est concluante que si elle est restreinte aux justes. C’est dès l’instant où, parle baptême, nous commençons à vivre de la vie du Christ, à participer à ses privilèges et à sa destinée, que nous acquérons, comme membres, comme partie intégrante du Christ, un droit véritable à la résurrection. Dans le plan actuel de la Providence, c’est une sorte de nécessité.

A cet. argument tiré de la cause exemplaire se joint un argument partant de la notion de cause méritoire. Jésus-Christ est le nouvel Adam qui, par ses mérites, doit relever les ruines causées par le premier Adam. Or, parmi les ruines causées par Adam, la perte de l’immortalité tient une place insigne. Si le Christ n’était pas vainqueur de la mort, comme il l’est du péché, le Christ n’aurait pas accompli complètement son œuvre. « Par un homme est venue la mort ; par un homme vient la résurrection. » Au nombre des ennemis à détruire, la mort vient en dernier lieu ; mais il faudra qu’elle soit enfin vaincue. Elle ne le serait point si le Christ, après avoir mérité sa résurrection glorieuse, ne méritait point la nôtre.

Ces deux arguments appartiennent à l’essence même du mystère de la rédemption. Voici maintenant deux raisons accessoires et secondaires, mises en avant par saint Paul.

Raison tirée de la conviction intime des fidèles, tout d’abord. Un curieux usage existait à Corinthe : le baptême pour les morts. Voir ici t. ii, col. 360. Saint Paul ne l’approuve ni ne le blâme ; il y voit seulement un argument en faveur de la résurrection. Le baptême, symbolisé par l’arbre de vie, dépose dans le corps un germe d’immortalité. Il imprime au chrétien un sceau indélébile qui le fera reconnaître au dernier jour comme un membre du Christ.

Raison tirée de la conduite des apôtres, ensuite. Par leurs renoncements volontaires, les apôtres meurent chaque jour ; leur vie n’est qu’une immolation lente et continue. Mais si le corps n’a pas de part à la récompense future, pourquoi le traiter ainsi ? Ne vaudrait-il pas mieux adopter la maxime des épicuriens ?

2. Le mode de la résurrection. —

Le mode de la résurrection est une difficulté que l’esprit humain se pose naturellement. Si les éléments dont sont composés les corps sont dispersés aux quatre vents du ciel, comment pourront-ils se réunir pour reconstituer les corps au moment de la résurrection :

(35) Mais, dira quelqu’un : « Comment les morts ressusciteront-ils ? ou avec quels corps reviendront-ils ? (36) Insensé, ce que tu sèmes n’est point vivifié, si auparavant il ne meurt. (37) Et ce que tu sèmes n’est pas le corps même qui doit venir, mais une simple graine, comme de blé ou de quelque autre chose. (38) Mais Dieu lui donne un corps, comme il veut, de même qu’il donne a chaque semence son corps propre. (39) Toute chair n’est pas la même chair ; mais autre est celle des hommes, autre celle des bestiaux, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. (40) Il y a des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est la gloire des célestes, autre celle des terrestres. (41) Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles. L’ne étoile même diffère d’une autre étoile en éclat.

(42) Ainsi est la résurrection des morts. (Le corps) est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruptibilité. (43) Il est semé dans l’abjection, il ressuscitera dans la gloire ; il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force. ( J 4) Il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel. S’il est eorpsanimal. il est aussicorps spirituel, comme il est écrit : (45) > Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante, le dernier Adam, espiit vivifiant… » (47) Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre ; le second, venu du ciel, est céleste. (48) Tel qu’est le terrestre, tels sont les terrestres ; tel qu’est le céleste, tels sont les célestes. (49) Comme donc nous avons porté l’image du terrestre, portons aussi l’image du céleste.

(51) Voici que je vais vous dire un mystère. Nous ne nous endormi’ons pas tous, mais nous serons tous changés. (52) fin un moment, en un clin d’oeil, au son de la dernière trompette : car la trompette sonnera et les morts ressusciteront incorruptibles et nous, nous serons changés, (53) puisqu’il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité et que ce corps mortel revête l’immortalité. (54) Et quand ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors sera accomplie cette parole qui est écrite : « La mort a été absorbée dans sa victoire » (Is.. xxv, 8 : a été absorbée pour toujours). (Trad. Glaire, modifiée au ꝟ. 51, pour suivre le texte grec.)

Pour saint Paul, dans la résurrection, notre corps doit subir une transformation profonde. Cette transformation, nous l’at tendons de « Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre humilité on le conformant à son corps glorieux, par cette vertu efficace par laquelle il peut s’assujettir toutes choses ». Phil., iii, 20-21. L’Apôtre explique cette transformation par l’exemple du germe, lequel, doué d’une vie latente qui ne se manifeste que par la mort, se transforme en périssant, pour acquérir une vie supérieure, suivant une loi de proportion établie par Dieu. Saint Paul donne divers exemples de cette loi de proportion, faisant ressortir la diversité des transformations. Et il conclut : ainsi en est-il du corps ressuscité. Le corps des justes contient un germe de vie surnaturelle : la transformation commune à tous les justes n’exclura nullement lus différences de gloire, proportionnée aux mérites de chacun.

Notre corps, en ressuscitant, restera identique à lui-même : c’est le même corps, semé dans la corruption, qui doit ressusciter dans l’incorruptibilité : « Il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, que ce corps mortel revête l’immortalité », ꝟ. 53. Toutes les transformations propres aux corps glorieux, voir t. iii, col. 1884 sq., laissent cependant le corps avec la même personnalité : spiritualisé, c’est-à-dire dominé par l’Esprit de Dieu, qui l’a transformé, le corps ressuscité devient un corps semblable au corps glorifié de Jésus. La génération naturelle nous fait tenir du premier Adam un corps terrestre (yoïxôv), psychique (s^j/ikov), qui appesantit l’âme et l’entrave dans ses opérations ; la régénération spirituelle nous fait tenir du second Adam un corps céleste (£Tcoupâvt.ov), spirituel (rcv£U|i.a-Ttxôv), pareil au sien. Les propriétés glorieuses de ce corps deviendront les nôtres.

Se reportant à la fin des temps, saint Paul expose aux Corinthiens le vrai mystère de la résurrection. Ce mystère consiste moins dans la réassomption du corps par l’âme que dans la transformation complète de ce corps. Un dernier trait le montre bien : saint Paul insiste sur le fait que « la chair et le sang ne sauraient hériter du royaume de Dieu », I Cor., xv, 50, et que la transformation de ceux qui, au dernier jour, seront encore vivants équivaudra, elle aussi, à la transformation des morts dans la résurrection. C’est là, en effet, le « mystère » qu’il révèle aux ꝟ. 51-53, reprenant une vérité déjà annoncée, 1 Thess., iv, 13-16. Cf. F. Prat, op. cit., p. 157-167 ; B. Allô, Saint-Paul et la « double résurrection » corporelle dans Revue biblique, 1932, p. 190-207 ; Première épîlre aux Corinthiens, Paris, 1935, p. 419 sq.

Cet enseignement général de saint Paul éclaire les autres textes dans lesquels l’Apôtre enseigne le dogme de la résurrection, et qu’il suffit d’indiquer : Act., xvii, 18, 31-32 ; xxiii, 6 sq. : xxtv, 15, 21 sq. ; Rom., vi, 5 : viii, 11 : II Cor., iv, 14 ; I Thess., iv, 15-17 ; IlTim., il, 18. Nous avons vu que, si Paul parle surtout de la résurrection des justes, non seulement il n’exclut pas, mais il suppose expressément aussi la résurrection des pécheurs. Il semble bien que ce soit la le résumé de son enseignement. Heb., vi, 2. où le dogme de la résurrection est complété par celui du jugement éternel, c’est-à-dire de la condamnation des réprouvés. Voir une expression analogue, Joa., v, 29.

La doctrine de l’Apocalypse.


1. Une double résurrection corporelle ? —

L’Apocalypse mérite une mention à part, en raison de la double résurrection qu’elle semble enseigner, xx, 4 sq. :

(4) Et je vis… les âmes de ceux qui avaient été frappés de la hache a cause du témoignas ; 3 de Jésus… et ils vécurent, et régnèrent avec le Christ, mille ans. (5) Le reste des morts ne vécut pas jusqu’il ce que fussent achevés les mille ans. C’est la la RÉSURRECTION première. (0) Heureux et saint qui a part a la résurrection première ! Sur ceux-là la seconde mort n’a pas de pouvoir, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ, et ils régneront avec lui les mille ans. (7) ICI une fois que seront achevés les mille ans, le Satan sera délié de sa prison, ꝟ. 8) et il sortira (pourï égarer les nations qui sont aux quatre angles de la terre, Goi ; et Magog, les rassembler pour la guerre (eux) dont le nombre est comme le sable de la mer. (9) Et Ils montèrent sur l’étendue de la terre, et ils investirent le camp des saints et la ville bienaiméc. Et il descendit un feu du ciel et il les dévora…

(121 Et je vis les morts, les grands et les petits, se tenant debout en face du trône ; et des livres furent ouverts… ; et les morts fuient jugés sur les (choses) écrites dans les livres, d’après leurs œuvres. (13) Et ta mer donna les morts qui étaient en elle, et la Mort et l’iladès donnèrent les morts qui étaient en eux, et ils furent jugés chacun d’après leurs ceux res. (14) Et la Mort et l’iladès fuient jetés dans l’étang du feu ; cet le (mort) est la deuxième mort et l’étang de feu. (lu) Et si quelqu’un ne se trouva pas inscrit dans le livre de la vie, il Tut jeté dans l’étang de feu (trad. B. Allô, L’Apocalypse, Pails, 1921, p. 287, 289, 305).

La doctrine du millénarisme, qui prétend accaparer ce texte en sa faveur, a été examinée ailleurs, et, nous n’avons pas à y revenir. Voir Millénarisme, t. x, col. 1760. Voir aussi B. Allô, L’Apocalypse, p. 292-302 ; Billot, De novissimis, Rome, 1903, th. xi. Il suffit ici d’en examiner le sens quant au fait de l’unique lésurrection générale à la fin du morde. Si les anciens chiliastes et la plupart des critiques indépendants ont cru qu’ici Jean enseignait une double résurrection corporelle, l’une des martyrs et des saints, au début du Millenium, l’autre générale, à la fin du monde, c’est faute d’avoir compris le caractère spirituel de la prophétie du Millenium. Cette prophétie, dit le P. Allô, fait parfaitement corps avec les autres prophéties du livre ; elle < est simplement la figure de la domination spirituelle de l’Église militante, unie à l’Église triomphante, depuis la glorification de Jésus jusqu’à la fin du monde. Op. cit., p. 301. Donc résurrection purement spirituelle que cette première résurrection, et que Jean indique déjà d’un mot dans l’évangile, v, 24-25 ; cf. S. Paul, Eph., v, 14. Dans la pensée de saint Jean, il y a donc opposition seulement entre la résurrection spirituelle et la corporelle, qui aura lieu, pour tous ensemble, seulement à la fin des mille ans, c’est-à-dire à la fin du monde. Les versets 12-15 montrent bien qu’on ne saurait interpréter différemment le texte de l’Apocalypse. Le « reste des morts », ꝟ. 5, qu’on retrouve au v. 12, et qui sont mis en contraste avec les martyrs ou les confesseurs sortis de ce monde, ce sont tous ceux qui ont quitté la vie sans être régénérés. Pendant le Millenium, ils ne vivront ni spirituellement, ni corporellement. Comme morts spirituels on peut vraisemblablement leur associer les impies même vivants qui rejettent la conversion. Cette classe d’hommes pécheurs impénitents ne peut prétendre à la résurrection spirituelle, mais simplement à la résurrection corporelle de la fin du monde, laquelle n’aura lieu qu’après le Millenium accompli. C’est là l’interprétation, non seulement du P. Allô, loc. cil., mais de la plupart des catholiques, suivant en cela saint Augustin, De civitate Dei, t. XX, c. vii, n. 1. P. L., t. xli, col. 666 ; cf. Serm., cclix, n. 2, P. L., t. xxxviii, col. 1197 ; et, parmi les modernes, Bossuet, Préface sur PApocalypse, c. xxviu et explication du c. xx, n. 2 sq., Œuvres, édit. Outhenin-Chalandre, Besançon, 1836, t. vi, p. 499, 593 sq. Plus récemment, voir Billot, op. cit., et La parousie, Paris, 1920, p. 315-326. [Il faut reconnaître, d’ailleurs, que cette explication est fonction d’une exégèse générale de l’Apocalypse qui est loin de s’imposer. Le dernier mot ne nous paraît pas dit sur cette question générale et sur l’application qui est faite ici de la théorie.]

2. La « double résurrection corporelle » et saint Paul. —

S’il n’est pas question d’une double résurrection corporelle dans l’Apocalypse, à plus forte raison doit-on la rejeter de l’eschatologie de saint Paul. Il est nécessaire cependant de signaler ici l’insistance de quelques critiques indépendants qui veulent à tout prix retrouver en saint Paul, I Cor., xv, 22-26, la tendance chiliastede l’Apocalypse. Voirie texte-ci dessus, col. 2514. Entre les versets 23 et 24 on introduit la notion du règne intermédiaire, comme dans l’Apocalypse. « La résurrection se fait en trois temps : d’abord celle du Christ, prémices, qui a eu lieu déjà ; ensuite celle des fidèles du Christ, à l’heure de la parousie ; et puis, celle du reste des hommes qui n’ont pas eu part à la première. Donc, deux résurrections corporelles. La deuxième est séparée par un intervalle de la première, comme celle-ci l’a été de la résurrection de Jésus. Trois za.yy.oi.zoi. : le Christ, les fidèles, « les autres ». Le premier intervalle a été rempli par la vie militante de l’Église jusqu’au retour de son Chef, à la parousie ; par quoi le sera le deuxième ? Par le « règne » du Christ redescendu parmi les siens ressuscites ; il prendra vigoureusement en mains le pouvoir royal pour réduire toutes les puissances qui ne lui sont pas encore soumises (cf. Apoc. xx, 8. Gog et Magog) et détruira tout l’empire de la Mort (qu’il jettera dans l’étang de feu, Apoc, xx, 15), en ressuscitant les derniers morts, auxquels le jugement général assignera leur sort éternel ». B. Allô, Saint-Paul et la double résurrection » corporelle, p. 191.

Le P. Allô, réfutant ce parallélisme (lequel, s’il était exact, n’aboutirait pas encore à l’erreur millénariste), montre qu’il faut écarter de l’eschatologie de Paul toute idée de « règne intermédiaire après la parousie. Il note simplement que Paul, dans le passage incriminé, ne dit rien concernant les hommes que le dernier avènement trouvera encore sur la terre. Mais cette omission n’existe pas, en réalité, puisque la question a été abordée dans I Thess., iv, 13-18. Mais, si l’on compare I Cor., xv, 22-26, avec la suite de la doctrine eschatologiquc exprimée aux ꝟ. 50 sq., tout doute doit alors s’efîaccr : dans les perspectives encourageantes que Paul ouvre aux Corinthiens, il n’y a pas la moindre mention d’un Millenium de bonheur qui dût commencer durant leur vie ou plus tard. L’épître aux Thessaloniciens, à laquelle on vient de faire allusion, détruit par ailleurs toute velléité de millénarisme chez saint Paul. « L’attitude de Paul à l’égard de la « double résurrection « corporelle et du millénarisme s’y révèle manifestement négative. Tout, en effet, y est présenté comme se passant presque in instanti, et ici personne ne pourra douter qu’il s’agisse de la parousie. En mèms temps que le Sauveur, Dieu fait paraître les morts élus (évidemment ressuscites) aux yeux des vivants. Et, avant même que le Christ ait touché terre, tous les sauvés, morts et vivants, se sont élancés d sa rencontre, ravis dans les nuées. Leur ravissement dans les nuées n’a été que l’élan de leur ascension continue vers le ciel, où ils se reposeront éternellement avec le Christ. Il n’est pas dit que les vivants ont eu d’abord à être « transformés », mais cela va de soi, puisqu’ils se trouvent d’une condition égale à celle des ressuscites, agiles comme eux, s’envolant du même vol. » Art. cit., p. 206 ; l’article est repris à peu près textuellement dans Première éptlre aux Corinthiens, p. 438-453.

Conclusion. —

L’enseignement de l’Écriture, spécialement dans le Nouveau Testament, met en relief, comme appartenant aux fondements mêmes de la religion chrétienne, le dogme de la résurrection générale à la fin du monde. Si Paul insiste spécialement, en raison du thème qu’il développe, sur la résurrection des justes, il n’en est pas moins vrai que lui-même et les évangélistes enseignent clairement la résurrection des justes et celle des pécheurs, les justes devant recevoir, même dans leurs corps, la récompense due à leurs bonnes actions ; les méchants devant, âmes et corps, recevoir leur châtiment. Saint Paul toutefois met en relief les transformations que devront subir les corps glorifiés, tandis qu’il est muet sur les conditions des corps des damnés. Enfin, l’interprétation spirituelle de la première des « deux résurrections » de l’Apocalypse, la comparaison de l’eschatologie de l’Apocalypse avec celle de saint Paul, soit dans I Cor., soit dans I Thess., montre que, s’il n’y a qu’une résurrection, cette résurrection est faite pour tous les hommes simultanément, in instanti, et que cependant, dans un sens spirituel, on peut parler de la résurrection des vivants et des morts, tout comme de leur jugement.

La résurrection des corps enseignée par l’Écriture n’aurait aucun sens intelligible, s’il ne s’agissait précisément des corps mêmes que les hommes auront eus en cette vie. Les conditions de l’identité ne sont en aucune manière abordées par l’Écriture, et, en ce qui concerne les élus, saint Paul dit clairement que cette identité est compatible avec les transformations nécessaires à l’état de gloire.


II. L’enseignement de la tradition.

I. LES PÈRES.

Les Pères apostoliques.


1. Affirmations générales. —

La Didachè indique clairement la résurrection des morts comme devant se produire à la lin du monde, xvi, 6. Cf. I a démentis, xxiv, 2 ; II* démentis, ix, 1 ; xix, 3 ; Epist. Barnabas, v, 7 ; xxi, 1 ; et, dans les épîtres d’Ignace, Trall., ix, 2 ; Polyc, vii, 1 (dans les autres textes où il est question de résurrection, il s’agit ou de la résurrection du Christ ou de notre résurrection spirituelle dans le Christ) ; Polyc. Epist., vii, 1 ; Martyr., xiv, 2. Si le Pasteur d Hermas, ne parle pas directement de résurrection, du moins la description qu’il fait de la récompense des bons dans l’autre vie, Vis., II, iii, 2, 3 ; IV, iii, 5, et des châtiments qui y attendent les impies, Vis., III, vii, 2 ; S(’m., IV, 4 ; IX, xviii, 2, ne se comprend guère sans la résurrection. La mort éternelle qui attend les impies n’est autre que la souffrance éternelle qui les torture loin de la vie éternelle. Cf. Mand., XII, ii, 3.

2. Considérations particulières. —

a) L’épître de Barnabe reprend l’argumentation de Paul : le Christ