Dictionnaire de théologie catholique/PROTESTANTISME .III. Le Calvinisme actuel

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.1 : PRÉEXISTENCE — PUY (ARCHANGE DU)p. 442-450).

 ; 'i assurer la prééminence « lu sacerdotalisme. C’est parce que leur existence requiert des ministres pour les <list ribuer que l’Eglise conserve les sacrement s et toute une hiérarchie de puissances ecclésiastiques, dette armature cléricale, Calvin en a libéré son Église en détruisant la caste sacerdotale. Cependant, le calvinisme a une ccclésiologie bien plus nuancée que celle du luthéranisme ou du zwinglianisme. D’après M. Doumergue, l’historien le plus dévoué à Calvin, le concept calviniste d’Eglise est un habile moyen terme entre l’anarchie du sacerdoce universel et la tyrannie de l’autorité ecclésiastique. Toute son organisation repose sur une constatation de fait : Calvin envisage l’Église comme une association d’individus. Mlle est une association en ce sens que ses membres font une même profession de foi et adhèrent à une vérité objective qui constitue le lien de l’association..Mais l’individu règle lui-même les destinées de l’association. On a dit que le calvinisme était, beaucoup plus que le luthéranisme, démocratique, par le rôle actif qu’il accorderait à chaque fidèle dans l’organisation de l’Église. En ce sens il est vrai que Luther, en cédant les droits des fidèles au pouvoir séculier qui dirige l’Église à sa guise, a moins bien compris que Calvin le développement logique d’une réforme qui prétendait libérer la conscience individuelle. Mais ce sont là des apparences. L’Église de Calvin n’est certes pas démocratique ; son organisation ne repose nullement sur le suffrage universel. Il s’oppose même à l’action des ensembles, à mesure que les intérêts deviennent plus généraux. En s’élevant du consistoire aux synodes, le calvinisme demande les conseils de membres de moins en moins nombreux, de plus en plus sélectionnés, et c’est une conception aristocratique qui préside aux destinées de cette Eglise. Par la manière habile dont Calvin amalgame le concept démocratique et le concept aristocratique, il a su gagner les hommages d’un luthérien moderne d’esprit fort averti, M. Troeltsch, et d’un anglican fort cultivé, M. Loi gh ton Pullan. L’Allemand avoue que l’organisation calviniste est admirable pour s’adapter aux besoins des diverses civilisations. L’Anglais admire Calvin pour avoir su réaliser la synthèse entre l’individu et l’Église, entre l’autorité et la liberté. En fait, l’organisation calviniste ne tient presque aucun compte de l’individu, sinon pour l’assujettir à une volonté de groupe, puis d’ensemble. Calvin organisait son Église d’après ce qu’il avait trouvé dans l’Écriture, les quatre ordres institués par le Christ : pasteurs, docteurs, anciens et diacres. Pour contrebalancer cette organisation ecclésiastique et cléricale, Calvin créa le consistoire, qui peut représenter la volonté de la communauté et tempérer la force cléricale par la force laïque. C’est l’apparence ; en fait, le consistoire n’est rien d’autre qu’une simple juridiction, un conseil disciplinaire. D’autre part, afin de mieux soustraire le ministère proprement dit à l’influence démocratique, à la volonté populaire, Calvin enseigne que son autorité ne vient pas du peuple, que la communauté ne l’institue pas, que sa doctrine n’est pas « assujettie à la censure des hommes ». On ne permettra pas à un fidèle quelconque de prêcher « sa » vérité, sous le prétexte que le pasteur « fait fausse route ». « Dieu, dit Calvin, a commis en dépôt ce trésor à son Église ; il a institué des pasteurs et des docteurs pour enseigner. » Ces principes commandent l’organisation de l’Église calviniste. Elle est théocratique, comprenant une masse de fidèles organisés, soumis à des chefs de la doctrine et de la discipline, qui eux-mêmes se soumettent à la parole de Dieu, seule souveraine. L’État ou puissance séculière ne peut dominer un organisme créé sur la parole divine. L’Etat doit être chrétien, protéger l’Église, y maintenir au besoin la saine doctrine et la régularité des mœurs, et, selon le mot de l’Écriture, les

magistrats seront les lieutenants de Dieu. Mais l’Église reste maîtresse de son credo et de sa liturgie. Au contraire de Luther, qui avait préconisé pour ses Eglises le système territorial, chaque prince ou gouverneur étant chef île l’Eglise établie sur ses terres. Calvin a institué le système théocratique, mais, ce faisant, il est revenu aux Églises d’institution, qu’il avait prétendu abolir.

Doctrine et liturgie.

De la doctrine calviniste,

il n’est pas téméraire de dire que presque rien ne subsiste aujourd’hui. En réformé suisse a osé, naguère, poser l’impertinente question : Que faut-il garder du calvinisme de Calvin ? Et il y répondait par une critique pertinente de tous les points doctrinaux où s’appuyait le réformateur.

On ne conserve plus la théorie de la prédestination, qui est cependant le fondement même du calvinisme ; plus d’excès logiques sur la justification par la foi seule, sur la grâce, sur le symbole eucharistique, sur l’inamissibilité de la justification, sur la corruption totale de la nature et l’absence de liberté humaine, sur l’impossibilité du mérite, sur la nature de la grâce sacramentelle ; plus de croyance en l’Église d’institution, création du Christ, chargée de prêcher la doctrine et de distribuer les sacrements. Ayant éliminé tout ce fond doctrinal, M. P. Vallotton écrivait qu’on ne pouvait conserver du calvinisme que le principe de la liberté d’examen, ce qui est d’une belle ironie ou d’une rare méconnaissance de l’histoire, Calvin ayant surtout frappé de sa main impitoyable tous ceux qui, invoquant ce principe luthérien, osaient exprimer une pensée personnelle, en contradiction avec le dogme fixé par le réformateur de Genève. Paul Vallotton, Que faut-il garder du calvinisme de Calvin ? Genève, 1919, et E. Pétavel-Ollif, Les bases logiques d’un néo-calvinisme, Montbéliard, 1911.

Il y a même une sorte de joie pour les calvinistes modernes à rejeter la paternité du réformateur : « Il appartient à chaque réformé de lire la Bible avec sa conscience et sa raison. Que tout protestant se fasse donc sa religion en prenant dans la Bible cela seul qu’admet sa raison. Cette religion raisonnée et tout individuelle, qui n’est pas du tout l’orthodoxie imposée à tous les fidèles par l’autoritaire Calvin, c’est le protestantisme libéral dont le père est incontestablement Rousseau. » Un autre écrit : « En réalité notre protestantisme moderne, tout au moins notre protestantisme libéral, vient moins de Calvin que de Sébastien Castellion. Traducteur de la Bible, exégète, critique, théologien, théoricien de la tolérance et de la pensée libre, il n’est aucune de nos voies qu’il n’ait déblayée devant nous. Nous sommes ses héritiers, plus, beaucoup plus que ceux de son irascible antagoniste. » Cité par le pasteur Noël Vesper, olias M. Nougat, dans Les protestants devant la patrie, Paris, 1925, p. 91, 146.

Ce n’est donc pas l’étude de la pensée de Calvin qui nous permettra de comprendre le calvinisme actuel. Ni l’étude de la pensée de Rousseau et de Castellion.

Les origines du calvinisme actuel.

La doctrine

calviniste, depuis le début du xix c siècle, a souffert d’une absence totale d’originalité. La pensée des réformés s’est orientée de jour en jour vers les nouveautés des théologiens luthériens, qu’elle s’est docilement incorporées.

1. Facteurs généraux de l’évolution doctrinale. — Nous avons vu dans l’étude des origines du luthéranisme actuel l’importance des œuvres d’un Lessing, d’un Schleiermacher et d’un Ritschl. Elles ont exercé la même influence sur les chefs du calvinisme. Mais à leur action s’est ajoutée celle de la poussée piétiste, connue sous le nom de Réveil. Vers 1818, Cook, disciple de Wesley, parcourait la France avec ses missionliant"-, .iiin de réveiller lame protestante. Sous leur Inspiration, les Églises calvinistes, Jusque-là Eglises il Kt.it ou Institutionnelles, comprirent les bienfaits de l’indépendance ei dès lors aspirèrent I ane forme nouveile d’organisation. Cook avait beau répéter : Notre dessein n’est pas de tonner des Églises libres au sein de l’Église réformée, mais de vivifier cette Église. eu fait, les Églises qu’il.i.iit vivifiées ne songeaient <in’.< s’émanciper, pour vivre librement leur christia nlsme, s.inv les entraves d’une organisation officielle. Le pasteur Edmond de Pressensé était l’ardent promoteur do ce mouvement. Le 18 mars 1839, il lança une profession de foi qui marquait nettement le caractère individuel de la fol et l’indépendance de l’Église en

de l’État. Selon la tradition méthodiste, ces nouveaux convertis enseignaient que le christianisme se réduisait, ou presque, a l’élan du cœur, et que le dogme était secondaire. Le Réoeil jeta la discorde parmi les calvinistes, soit libéraux, soit orthodoxes, Une longue polémique s’engagea autour des notions d’Église et d’autorité, las orthodoxes restaient fidèles a la pensée il » - Calvin sur les Églises d’institution. Les libéraux et les putistes s unissaient étrangement pour réhabiliter le principe du libre examen et la tendance antisacerilotale. Mais cette collusion ne pouvait durer : les piétistes conservaient leurs croyances, en les appuyant sur le sentiment. Les libéraux allaient vers un rationalisme de plus en plus négateur de la foi. Sous la conduite de deux pasteurs. Athanase f.oquerel et Samuel Vincent, les libéraux entreprennent de réduire tOOa les dogmes eh retiens à un sv mbolisine naturaliste. Ainsi udogme du péché origine] devient, à leurs veux, le symbole de l’éfforl de l’homme se dégageant péniblement de s. m humaine misère : ainsi, par opposition, le dogme de la rédemption par le sacrifice de la croix symbolise le triomphe de l’esprit sur la chair, sur la mort, réalise par le Christ. Voir surtout le livre de Vincent. Vus sur le protestantisme français, 1859.

I.a position des libéraux dans le calvinisme avait pris une importance particulière depuis le consistoire de 1848. qui avait admis que les consistoires et les con "i aux n’auraient plus à connaître des » questions dogmatiques et que la liberté individuelle reprendrait tous ses droits, en dépit de l’orthodoxie. De cette permission les libéraux usèrent pour déclarer que l’Église officielle ne cessait d’opprimerleur pensée et. prétextant

Inès manifestations de l’indignation des orthodoxes devant leurs impiétés, ils firent schisme, créèrent une « Union des Églises évangéliques de France et harcelèrent leurs ex-coreligionnaires. L’orthodoxie se tourna vers les pouvoirs publics, implorant aide et secours, lai 1852, les pouvoirs publics ne répétèrent pas Ica fautes commises par les princes allemands, suppliés en l.~>2."> par Luther. Les orthodoxes se défendirent par leurs propres moyens et. au synode de 1872, proposèrent de constituer un synode ayant autorité itroK. de juridiction et de pénalité à l’égard de tous hs consistoires… Les libéraux ripostèrent en

r ant menacé le principe même de la Réforme : le libre examen, et menacée l’Église calviniste, où l’on

d d’introduire un élément de catholicisme : l’aui quoi les protestants libéraux continuèrent d’inonder la France de leurs productions exégétiques et théologiques, ou triomphait la tendance

rationaliste des théologiens allemands.

-t que précisément, entre les libéraux de Paris et les rationalistes d’outre-Rhiii. l’école protestante de oiiri » remplissait un rôle de trait d’union extrêmement actif.

Strasbourg qui servit a fondre les deux pen x "ii’l’influence de Colani et de Scherer, on créait

Strasbourg, qui. de 1850 a 1869, remplit un

tique corrosive fort Important. Ce n’était

plus seulement le principe d’autorité ou de libellé

d’examen qui j était étudie, mais les fondements dogmatiques et historiques du Christianisme J étaient continuellement sapes par les l’clissiei’. Emile Rolierlv.

Aristide Viguié, Charles Wagner, François Puaux,

Ubert Réville, Coquerel père et liK La hardiesse de

ces pionniers était telle que Ferdinand Buisson, lasse de soutenir plus longtemps une attitude équivoque, engageait l’aile libérale du protestantisme à passer, à

sa suite et sans recitence. au camp des libres penseurs. Être protestant libéral, disait il. c’est une des

manières d’être libre penseur. Le théologien orthodoxe E. DOUmergUe, les accusait, lui aussi, de n’être que (les iucrovauls canioiiMes et les poussait vers la porte de sortie de l’Église Calviniste. Nous ne pouvons

ici reprendre les diverses études produites par celle

école dite libérale qui a tleui i de 1850 a ISSU environ.

Mais voici quelques professions de foi. qui permettent de Juger l’état d’esprit de ces soi disant historiens

objectivisles. L’un écrit : Nous affirmons nettement que ce qui est irrationnel est inadmissible. Ce qui est irrationnel est faux. Ce qui froisse le sens du vrai et du faux, du bien et du mal. qui est en nous, froisse un instinct qui est l’œuvre de Dieu. Toute idée est laite pour être comprise, et une idée que nous ne comprenons pas n’existe pas pour nous. Il ne faut donc pas Invoquer le grand nom de mystère pour imposer a

l’esprit des idées Incompréhensibles, puisque ce serait

imposer le néant. Th. Bost, Le protestantisme libéral. 1865, p..">">. Cette intrépidité dans l’affirmation, qui n’a pas le moindre souci de mieux examiner des ternies confus comme ceux d’irrationnel, de sens du vrai. d’instinct, d’idée incompréhensible, est tout à fait caractéristique d’un état d’esprit commun vers 1860, mais aujourd’hui périmé, et que d’authentiques protestants n’hésitent pas a condamner. « Les théologiens de la Revue de Strasbourg, écrit M !, le pasteur Bertrand, se sont laissé entraîner à manquer de mesure et de décision tout à la fois, au cours de leur réaction contre le dogmatisme orthodoxe. » Bertrand, La pensée religieuse au sein du protestantisme libéral, 1903. p. 132.

Quant aux productions historiques de l’école libérale, elles ont été complètement imprégnées de la pensée de quelques historiens allemands : Hiedernianii. Lipsius. Pfieiderer, Raur, qui ne voyaient eux-mêmes dans l’histoire que le moyen d’appliquer les théories de leur maître commun, le philosophe Hegel. Nos historiens libéraux convenaient de ces arrière pensées. Albert Réville « avouait franchement qu’il était hégélien et, comme tel, voyait dans l’histoire religieuse, et spécialement dans l’histoire des dogmes, le mouvement naturel à la inarche de l’humanité, qui oscille entre des affirmations contraires — thèse et antithèse — et tend vers un point de vue supérieur, où se concilient les contraires. Mais cette philosophie de l’histoire qui apparaissait alors incontestable et à laquelle Renan lui-même s’est docilement soumis. n’est plus aujourd’hui qu’une défroque de la pensée humaine dont les historiens se libèrent. La métaphysique n’a pas à expliquer les faits historiques. Sa des tînée est de les déformer. Les travaux conçus selon les principes hégéliens sont soumis a une révision totale. et de l’œuvre historique de l’école libérale calviniste.

tout est remis sur le chantier. Quelques protestants en conviennent. Parlant de ces historiens. M. André Arnal écrit : Ce sont les notions hégéliennes de l’absolu et de l’infini qui sont génératrices de leurs systèmes et de leurs erreurs. Or, ce sont des notions fausses. Arnal, L</ personne du (.hrist et le rationalisme allemand contemporain, Montaubaii. 1904, p. 313. M. Arnold Rev mond, après avoir constaté que l’anarchie doctrinale

du protestantisme actuel provient en partie de la confusion que l’on a établie, dans les milieux t héologiques, entre théologie et philosophie, ajoute : En principe, la pensée protestante n’est liée à aucune philosophie officielle. En tait, le protestantisme a subi toutes les fluctuations des grands courants philosophiques qui se

sont fait jour au cours de ces derniers siècles. Jici’iic de théologie et de philosophie, 1923, p. 117.

2. L’action d’Auguste Sabotier. Tandis que le calvinisme franc us ; t Ut linsi discociï travaille affaibli la pensée allemande finit de le conquérir, grâce à un homme de très grande valeur intellectuelle, théologien subtil, historien averti, écrivain-né, véritable ouvrier des lettres, Auguste Sabatier.

Jusqu’en 189(i son influence s’était surtout exercée sur ses élèves et un groupe d’amis, Sabatier enseignant la théologie à l’université de Paris. Mais, en 1896, le grand public fit un accueil triomphal à son livre intitulé Hxquisse d’une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire. Sur l’action exercée par ce volume, nous pouvons en croire M. Ménégoz, qui l’appelle « le plus grand livre dogmatique de la théologie protestante depuis l’Institution chrétienne de Calvin ». Et, en effet, le calvinisme français est encore, à l’heure actuelle, sous l’influence directe de ce livre, qui. a presque relégué dans l’ombre celle du grand livre de Calvin. Il est donc important de connaître les idées fondamentales où s’appuie la dogmatique calviniste actuelle.

L’Esquisse est une adaptation à l’esprit français des multiples systèmes élaborés en Allemagne au xixe siècle. Ce fait, aujourd’hui reconnu, nous permet de répéter que le calvinisme actuel a fait preuve d’une originalité de pensée fort médiocre et, d’autre part, d’une incroyable soumission à la pensée de théologiens luthériens. Ainsi s’est accomplie la fusion des dogmatiques des deux sectes de la Réforme.

a) Sabatier analyse le concept de religion. A la manière de Schleiermacher, il y voit une création de la conscience, écrasée par le sentiment de sa détresse, et objectivant ses besoins et ses aspirations. Toute religion positive implique la notion de révélation. A la manière de Lessing, Sabatier réduit la révélation aux conceptions de plus en plus hautes que la conscience se crée à elle-même au cours de ses expériences. Toute religion positive enclôt sa révélation dans un livre, qui est pour le christianisme la Bible. A la manière de Lessing, Schleiermacher et RitschI, Sabatier ne conserve de la Bible que les pages utiles à nos âmes, qui présentent une valeur morale. Pour les autres, récits, histoires, décrets rituels ou formules dogmatiques, « l’esprit de vie n’est pas là ».

b) Sabatier analyse alors les concepts de miracle et d’inspiration, qui sont les motifs de crédibilité invoqués par les religions positives, et particulièrement le christianisme. Le miracle est ce que la piété admire et ce que la science refuse d’admettre. L’inspiration est une extase qui devient, par le travail de sublimation naturel aux « prophètes », une divine possession de l’homme par l’esprit créateur. Ainsi, la religion repose sur deux illusions. Voilà ce que la psychologie enseigne des origines de la religion.

c) Et voici ce qu’enseigne l’histoire : la loi des faits, c’est la loi de continuité par évolution (thèse de Hegel). II n’y a pas de commencements absolus. Tout va de l’imparfait vers une perfection indéfinie, qui peut-être ne se réalisera jamais en perfection totale. Or, la religion se donne comme un commencement, parfait dès son origine. C’est une contradiction à la loi de la marche du monde. Donc, il convient de prendre ce qui est le fond même de la religion positive (le dogme) et de montrer que, comme toute chose, il a été soumis au devenir.

Sabatier brosse alors un tableau fantasmagorique des étapes parcourues par l’idée de religion. L’histoire

nous montre la succession progressive de la religion primitive, inférieure et grossière, évoluée puis devenue bébrafsme, qui lui-même a évolué et est devenu le prophétisme, l’évangélisme et finalement le christianisme, foute cette histoire, dit Sabatier, aboutit à Jésus. Celui-ci a simplement réveillé la piété. Or, on a écrasé son œuvre sous une armature dogmatique.

Sabatier explique cette déformation par l’évolution de la primitive religion du Christ. Elle a changé, en passant par les étapes de la première génération chrétienne, puis celle de saint Paul, qui a systématisé ce qui était une ellusion du cœur du Christ, puis celle des évangéiistes, puis celle des philosophes helléniques et enfin celle des docteurs du haut Moyen Age. A travers toutes ces étapes se sont formées, cristallisées, enrichies et métamorphosées des formules théologiques et philosophiques, que l’on appelle des dogmes. Ils naissent d’un besoin de l’âme chrétienne. Nés du cœur, ils deviennent la proie de la raison, qui ratiocine sur eux selon des systèmes de philosophie régnants. Ils sont ainsi toujours retouchés, en fonction des systèmes en vogue. Ils sont donc relatifs et n’ont qu’une valeur de symbole. Ils demeurent comme des images toujours changeantes, qui reflètent des pensées toujours en devenir. Sont vivants les dogmes qui suivent ces modifications de la vie. Ceux que l’on a figés en des formules définitives sont déjà morts, étant inadéquats aux besoins des âmes toujours renouvelés. L’histoire enseigne donc l’origine humaine des dogmes.

Ces idées, Sabatier les défendit, les fortifia par d’innombrables articles qui accrurent son prestige et décuplèrent son action. Quand il mourut (1901), il avait réellement modifié le calvinisme traditionnel. Après la mort de Sabatier, on fit paraître de lui, en 1904, un ouvrage non moins essentiel, intitulé Les religions d’autorité etla religion de l’esprit.

Les religions d’autorité, on s’en doute bien, c’est d’abord le catholicisme, dont les deux organes d’autorit é sont le pape infaillible et l’Église divine. Sabatier prétend exorciser ces deux fantômes par l’histoire, en montrant l’évolution des idées qui les a naturellement fait éclore. L’infaillibilité pontificale, Sabatier prétend en fixer les origines humaines, après avoir établi qu’elle était étrangère à la première communauté chrétienne. L’Église divine : Sabatier prétend qu’elle n’a rien de divin, étant une création assez tardive du labeur ecclésiastique et clérical. Le Christ ne l’a ni voulue ni instituée ; les théories pauliniennes l’ont à peine dégrossie ; les traditions juridiques gréco-romaines ont assuré son organisation ; les événements historiques du Moyen Age ont défini son armature. Quant à ses organes essentiels, épiscopat et papauté, l’histoire en montre les origines humaines et la formation tardive.

Telle est la partie critique où Sabatier prétend avoir raison du catholicisme « religion d’autorité >-. II y a une autre forme d’autorité : celle qui est donnée non à des hommes, mais à un livre. Ainsi du protestantisme, qui n’admet que l’autorité de la Bible. Sabatier examine la valeur de ce livre et établit l’illusion de cette autorité. On apprend alors que la Bible est d’origine purement humaine, que son seul but était d’ordre pratique, créateur de vie et non règle de foi, que le canon des Testaments est sans valeur, que doit être regardé comme divin tout livre profitable à la piété, que doivent être exclus de ce canon tous autres livres, mais qu’on peut introduire dans le catalogue sacré d’autres œuvres étrangères, telle l’épître de Polycarpe, où circule une inspiration plus apostolique que dans la seconde épître de Pierre. La conclusion est que nulle autorité externe (institutions, hommes ou livres) n’est productrice de la vraie religion et que la seule autorité de l’esprit, c’est-à-dire de la voix de la conscience et du sentiment, doit décider les âmes religieuses.

3. La pensée calviniste actuelle.

C’est dans l’en

semble de CM mouvement-, et dans I millième exercée

par a. Sabatier qull faut rechercher les véritables « .ruines de l.i pensée calviniste.utuelle. D’uni put.

ceUe-d est caractérisée par un manque absolu de spontanéité ; elle n’a guère fait.pie suivre les théoriciens allemands, l > autre part. elle diffère essentiellement « lu calvinisme « le Calvin. Elle a réalise une véritable cou pure entre deux protestantismes, qm s’opposent comme la libre pensée s’oppose à la croyance. La dogmatique de Calvin était précise, impérieuse et somme toute animée « l’une foi profonde, l.a dogmatique ealvi niste utuelle repose sur des principes négateurs du surnaturel et est orientée vers un naturalisme dont nous verrons les manifestations. Enfin, elle est caractérisée par une Incoercible éclosion d’anarchie Intellectuelle, qui pousse l’aile gauche — ou radicale - du calvinisme français a perpétuellement retoucher le dogme traditionnel dans un sens de plus en plus ratio nahste et antichrétien, et qui met l’aile droite - ou orthodoxe ainsi « pie le « entre, groupe îles irrésolus. eu posture « le combattants trop souvent résignés à la défaite. On le vit bien en 1010. au congrès tenu à Berlin par le protestantisme libéral, puis en 1012. à la réunion que tinrent au temple de l’Oratoire, a Pans. les représentants officiels « le la gauche et « lu centre des ses reformées. On recherchait l’union par conces-réciproques. M. Ménégoz nous apprend que, s’il eut des concessions, elles vinrent toutes de la part du centre, « pii eedait et abdiquait, tandis que la gauche ne renonçait a aucune de ses thèses rationalistes. « Il faudrait être aveugle, ajoutait M. Ménégoz, pour ne pas voir les infiltrations continues et progressives du Bdébme dans les milieux de la droite… L’orthodoxie s’eflrite sur toute la ligne. J’en parle à bon escient. > li no faut donc plus parler de doctrine calviniste, mais de doctrines provisoirement acceptées par des fractions opposées du calvinisme français. Parmi ces fractions nous distinguerons, suivant l’ordre chronologique des faits, celle qui s’intitule le groupe des puis le groupe du christianisme social, le groupe enfin qui commence à poindre dans des milieux calvinistes en quête d’une foi retrempée aux sources traditionnel le

a) La doctrine symbolo-fidéiste. — Elle est professée par les i svmbolo-fidéistes, ou « symbolistes », qui reconnaissent comme chef le pasteur E. Ménégoz.

Collègue d’A. Sabatier à la faculté de théologie de Paris. M. Ménégoz avait surtout retenu de l’enseignement de son collègue la valeur de l’explication symbolique des dogmes chrétiens. Il restait à tirer les conséquences extrêmes de ces principes. M. Ménégoz s’y employa. Le croyant, dit-il ne peut exprimer sa foi que dans le langage de son temps, et cette expression tributaire de la conception du monde formant l’atmosphère spirituelle dans laquelle il vit. » L’objet de foi dépend donc de la philosophie et de l’histoire, qui sont les facteurs matériels de l’expression dogmatique. Ainsi, il faut dégager la foi de l’histoire ou, en d’autres tana Livres sacrés tout ce qui est apport

historique, récits de la Bible et récits du Nouveau Testament. Or. « il n’y a pas. dans la Bible, un seul récit que I on soit autorisé a ériger en article de foi ». Bien plus. ces récits sont suspects, du seul point de vue historique : « On considère les récits bibliques comme divinement inspirés et l’on s’efforce d’imposer aux chrétiens la croyance a ces récits, alors que leur historicité est controuvée ou du moins fort contestable. Œ cela, M. Ménégoz ne doute pas depuis que les sciences

elles ont découvert de prétendues « ontradict ions

récits bibliques. On jette par-dessus bord les t s de la création, du paradis terrestre, de la chute, du déluge, de l alliance de Jabvé avec son peuple et

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bien d’autres encore, « pie l’on déclare Irrecevables pour > un esprit cultivé. Dans lo Nouveau Testament, les récits de la naissance virginale de.lesiis. de sa mort et de sa résurrection seront rejetés de l’acte de foi. L’histoire nous demande de les sacrifier, niais M. Mené gOI propose « le les sauver, à condition de les interpréter correctement Par exemple, souvenons nous que ! < Christ enseignait à faire liait re en soi un homme non veau. Cette notion morale s’est concrétisée dans la prétondue naissance de l’homme nouveau, par la volonté du Christ sorti du tombeau. Or. l’Évangile est rempli de faits que l’on donne comme historiques, contre toute vraisemblance. L’Église va-t-elle imposer aux chrétiens la croyance à ces récils, en en faisant « une condition de salut » ? M. Ménégoz enseigne que l’on doit libérer la foi de l’histoire et n’envisager sous la gangue des faits que le pur enseignement du Christ. A plus forte raison faut-il libérer la foi de la philosophie qui pénètre les concepts religieux. La métaphysique emplit la religion de ses alTirmations gratuites. Dégager la formule de foi do l’apport do l’esprit philosophique. C’est lui restituer sa pureté primitive. Or, la vérité evangélique a été déformée par la métaphysique platonicienne du Logos, d’où dérive le dogme de la préexistence éternelle de Jésus ; par la philosophie païenne d’Aristote ou des Alexandrins, ou des penseurs de l’Orient, qui sont responsables de la christologie mystérieuse des Livres saints. A plus forte raison, les formules dogmatiques énoncées par les conciles sont-elles sous la dépendance des diverses métaphysiques qui avaient alors la faveur de l’Église. Il n’y a rien là de la parole de Dieu ».

Que reste-t-il. au terme de cette double tentative d’éliminations, comme « objet de la foi » ?

M. Ménégoz prétend bien que le fait même d’éprouver de la complaisance pour certaines paroles des Livres saints est signe révélateur de l’action de l’Esprit. « Un facteur mystérieux, spirituel, indépendant de notre esprit et le pénétrant néanmoins au point de se confondre avec lui, agit en nous ; c’est le Saint-Esprit. » Fait d’expérience intime que l’on sent, mais qui ne se démontre pas. Ayant fait bon marché des textes solides, qu’il est possible de juger d’après des méthodes précises qui ne nous font point perdre pied et quitter la réalité. M. Ménégoz s’évertue à nous persuader de cette action mystique, indémontrable et insaisissable, à coup sûr. Vainement prétend-il que l’action de Dieu « immanent dans l’esprit de l’homme » est « immédiate, perçue par la conscience », que » nous nous trouvons là dans le domaine de l’intuition spirituelle de cette certitude morale qui est le résultat non de la réflexion ou du raisonnement, mais d’un témoignage intérieur portant en lui-même le cachet de la vérité ». Tous ces mots cachent mal la part d’illuminisme qui est celle de cette nouvelle doctrine. Que l’intuition, dont un esprit averti ne voudra admettre, la réalité que sur témoignages probants et non sur une prétention d’âme en proie à l’illusion, soit la condition de l’acte de foi, au sens de ces mythologues du symbolisme, c’en est assez pour éveiller toute noire défiance à l’égard du contenu même de cette foi. En voici une vue d’ensemble, qui permettra do juger des innovations apportées par cette dogmatique fidéistc.

M. Ménégoz découvre d’abord au cœur de l’homme un sens aigu de sa misère. C’est le sens du péché, qui s’accompagne d’une aspiration vers un bonheur, considéré comme la délivrance, le salut de l’homme libéré du péché. Posséder la certitude que l’on a secoué sa misère et son péché, c’est avoir le salul. Or. c’est Dieu qui révèle « clic certitude « lu salut. Survivance luthérienne, dont M. Ménégoz convient lui-même qu’elle « présente de grandes difficultés mais cela, ajoute ! il, ne prouve rien contre sa vérité. Cette affirmation est d’une logique étrange, mais elle es ! nécessaire à l’établissement « lu symbolo fldéisme, car, si la conscience suint à prendre une connaissance certaine de ses souillures et de sou élection par Dieu, ce sentiment Intime constitue ; la vraie religion, h toul le re te est surérogatoire.

Reste à établir ce qu’un chrétien peut attendre de cette action de la conscience éclairée par Dieu. O’après les fldéistes, il peut en attendre la révélation immédiate de Jésus. Le chrétien, en effet, poussé par l’Esprit-Saint, découvre devant lui la figure du Christ et s’aperçoit, par une intuition mystérieuse, « que jamais homme n’a perçu plus clairement et plus purement le témoignage du Saint-Esprit, que jamais homme ne fut aussi qualifié pour révéler au monde la pensée de Diou ». L’expédient saute aux yeux ; un fidéiste n’accorde aucune attention aux témoignages externes de ce rôle de Jésus : ni textes évangéliques, ni miracles, ni rien de semblable. Il fallait cependant sauver du naufrage la personne de Jésus : on la rend sensible aux yeux du cœurl… Mieux encore, ce Jésus nous parle, et nous entendons sa voix. « Nous la reconnaissons pour la voix de Dieu, car elle est en pleine harmonie avec la voix divine dans notre conscience. » Cette merveilleuse plasticité de la conscience, à laquelle les fidéistes doivent bien accorder de singuliers privilèges s’ils veulent donner un minimum de crédibilité à leur foi, remplace les Écritures, les miracles, les motifs externes de la croyance. C’est la première transformation que la doctrine de ces néo-calvinistes a fait subir au principe cher à Calvin de l’inspiration du Saint-Esprit en chaque lecteur de l’Écriture.

Voici ce que devient un autre axiome calviniste : le dogme de la justification par la foi. L’Évangile se révèle comme un message de pardon apporté par Jésus aux pécheurs, à la seule condition qu’ils aient foi en un Dieu d’amour. La clef de ce message, elle est dans ce texte : « Celui qui croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle », c’est-à-dire sera sauvé, est déjà sauvé. Qu’à cette leçon d’amour rédempteur se réduise l’essence de l’Évangile, M. Ménégoz s’en dit assuré par un mouvement de sa conscience. Et aussi que les deux Testaments n’ont pas une autre signification : « Quand nous étudions ces documents, nous y retrouvons, sous les expressions les plus variées, la profession la plus unanime et la plus harmonieuse de la doctrine de la justification par la foi. » Le fidéisme sauve donc un second principe de la doctrine calviniste, mais à quel prixl Calvin lui-même n’aurait pas voulu de ce fondement doctrinal, étayé sur un aussi capricieux subjectivisme. Quoi qu’il en soit, sur ces deux piliers authentiquement calvinistes, les fidéistes n’édifient aucune doctrine véritable. Leur théologie est essentiellement négative. « Éliminer tout ce que notre raison ne saurait s’assimiler, voilà le principe de la théologie évangélique moderne. » Si la raison déclare inassimilables les données évangéliques, que fera la théologie moderne ? Soumettre la raison à un principe mystique qui la dépasse ? Ou rejeter l’Évangile ? M. Ménégoz a aperçu le danger et, pour l’écarter, a cru découvrir en effet un principe mystique supérieur à la raison. Nous avons, dit-il, « le sens des affinités spirituelles ». Expression vague, mais commode expédient pour conserver, au nom de l’ « affinité », ce que la raison rejetterait, au nom de la vraisemblance humaine. « Notre conscience religieuse sent ce qui est religieux, et notre raison naturelle sent ce qui rentre dans l’ordre des choses scientifiques, historiques et philosophiques. » Instinct divin, disait jadis J.-J. Rousseau. M. Ménégoz ne dit rien de plus fort, et tout cela n’a pas laissé de provoquer le sourire parmi les réformés eux-mêmes. L’inventeur de ce sens exégétique, religieux, moral, fut pris à partie par M. Lobstein et ne trouvait d’autre réponse que

l’affirmation renforcée de son principe :.le suis, disait-il, Intimement convaincu que cette doctrine est conforme à l’enseignement de Jésus-Christ. » Autour de lui, on était beaucoup moins convaincu, et l’on observait que cette façon toute subjective <ie proclamer ce qui, dans les Ecritures, < ?/ « /7divin, constituait un abus de l’autorité et qu’on devait s’en tenir a proposer ce qui paraissait divin, sans imposer un verdict. La critique de M. Lobstein, dont nous rappelons ici le point principal, porta coup et conduisit M. Ménégoz a avouer que toute sa théologie était le produit de ses « impressions ». Il n’en faut pas davantage pour apprécier cette doctrine impressionniste. En voici le schéma : pour Jésus-Christ, l’unique condition du salut, c’estla foi, qui se confond avec la repentance et le don du cœur à Dieu. Le Christ n’a jamais fait dépendre le salut de la croyance à des formules dogmatiques ou à des pratiques rituelles. Ainsi, nos erreurs doctrinales, si notre foi est vive et le don de nous-même à Dieu total, ne nous seront pas imputées. (Luther disait que la foi couvrait les péchés, même nombreux, même énormes.) D’où indifférence au contenu dogmatique, non par agnosticisme (les fidéistes se défendent d’être des agnostiques), mais par fidélité aux préceptes du Christ.

De ce néo-calvinisme, M. Ménégoz a osé écrire « qu’il était conforme aux dispositions actuelles des esprits et répondait aux besoins des temps modernes ». Il assure même que « cette doctrine est la conception vraie et le développement normal du dogme de la justification par la foi ». Cela a pu être vrai pour la génération formée par l’école libérale de 1890, mais ne l’est déjà plus pour la génération de 1930, qui cherche la réalité et se reprend à croire à l’intelligence. Le symbolo-fidéisme apparaît déjà comme un vestige d’une pensée abîmée dans la poussière du passé.

b) Le christianisme social. — Il faut se rendre compte des effets désastreux obtenus parmi les réformés par l’offensive des libéraux et par l’aveu de la défaite proclamé par les fidéistes, qui, renonçant à lutter, se réfugiaient dans une « foi » de sentiment et d’irrationnelle certitude. En 1927, un organe protestant, Évangile et liberté, adjurait les pasteurs « d’enseigner carrément et ouvertement » aux fidèles les résultats de la critique la plus négative, qui enlève au Nouveau Testament toute valeur historique et dogmatique. On entendit en effet des « sermons » dans le genre pamphlétaire, où l’on fixait les bornes de la croyance moderne : « Non, Jésus-Christ n’a pas versé des larmes et sué du sang à Gethsémani pour l’amour d’une Église hiérarchisée, doctrinaire, ritualiste ou sacramentaire, monacale ou mystique, ni même pour l’amour d’une Église luthérienne, calviniste ou wesleyenne. Il n’existe ici-bas aucune Église particulière qui, même évangélique, même libérale, même protestante, se propose expressément les fins morales, sociales et spirituelles que le Révélateur avait en vue quand il groupa autour de sa personne les douze apôtres. Les catholiques s’égarent lorsqu’ils attribuent au prophète de Nazareth la fondation d’une Église sacerdotale. Les fils de la Réforme se trompent quand ils veulent ramener le christianisme du Christ à l’affirmation de la pensée libre et de l’individualisme religieux. Quel contre sens ! Il n’est pas venu inaugurer une académie, mais lancer un mouvement, un programme d’action fraternelle pour l’extirpation du paupérisme et de la guerre… W. Monod, Notre culte, Paris, 1927, p. 12-13. C’est d’une belle assurance. Ainsi, le monde entier aurait fait erreur sur la pensée de Jésus, erreur sur la notion d’Église, sur le contenu dogmatique de l’Évangile, sur les concepts religieux qui commandent le système chrétien.

En 1911, les attaques étaient devenues si pressantes que M. Henri Bois lui-même, adversaire de l’école libérule. repliait m>m drapeau, ou presque. « Nos conceptions philosophiques et psychologiques modernes,

il, ne nous permettent guère d’admettre le dogme orthodoxe de la limite, t <. i qu’il a été formulé dans le symbole Quicumque. » Revue de théologie, 1911, p. 300 La divinité du Christ sombrait <iu même coup, et l’on en convenait avec quelque réticence. » La vraie conclusion, dit il encore, n’est-elle pas qu’il faut écar ter le dogme de la rrinité ontologique, pour revenir au vrai monothéisme des prophètes et de Jésus, et qu’il faut renoncer a une conception de la préexistence du Christ 1 Devant cette expansion de la critique néga d’origine germanique, il semblait que le christianisme ne pouvait être sauvé, dans l’Ame protestante. que par un détour de la logique. On abandonnera tout lo contenu doctrinal, purement dogmatique ; on ronon cera à appuyer sur la raison la vérité chrétienne : on fera appel aux forces du sentiment > et. dans l’enseignement de Jésus, on découvrira un grand cri de pitié humaine. Grâce a quoi, le prestige et l’action île

ingile pourront être préservés pour une période

indéfinie.

M. le pasteur W. Monod nous servira à illustrer cette nouvelle tendance du calvinisme français. Parlant un jour aux fidèles de l’Oratoire sur le Credo, il formait ainsi leur âme croyante. A quoi bon, s’écrialt-il, une confession de foi ? Toutes, elles sont l’œuvre d’un travail sacerdotal, qui couvre et altère le donné primitif

-clique : « Abolissons-le donc dans le culte, et rallions-nous sur le terrain des sentiments. I.a logique l’eût en effet demande, si les prémisses sont exactes. Mais’. s’agit bien de logique ! Un tour d’esprit va réin — ce qu’une hardiesse avait condamné. Abolir le Credo, c’est ouvrir la carrière à toutes les fantaisies

biques des fidèles. Or. l’Église ne peut vivre sans une foi qu’elle proclame et répand. Un credo est donc inutile et précieux ; vestige d’un état d’esprit sacerdotal aboli et moyen nécessaire de cohésion. Mais qu’on ne donne a ces formules aucune définition trop précise.

une ne les reconnaîtrait pour siennes, car il n’y a pas deux chrétiens qui versent dans ces termes le même contenu intellectuel, mural ou religieux ». Op. cit.

A l’Image de ce rénovateur du culte calviniste, certains pasteurs se déclaraient excédés de la traditionnelle prédication et bien résolus. à prêcher un Evangile complet et uon mutilé =. A. Ducros, Le mouvement social actuel dans le protestantisme français, Cahors, Mors, on vit des pasteurs qui, négligeam doctrinal et le contenu spécifiquement

eux de l’Écriture, s’acharnaient à classer les tex icres d’après leur enseignement social. In vif courant de sympathie se déclara pour deux pasteurs morts récemment. Oherlin et Fallot. dont la piincipale originalité avait été de révéler a leurs coreligionnaire-. les doctrines sociales de l’Évangile. Marc Boegner, La oie et la pensée de T. l-’ullol, Paris, 1926,

Tout cela paraissait si neuf et si opportun, en ce moment de cruelle anarchie doctrinale, que le Hev. Charles Macfarland osait s’écrier :.Vous avons

ivert le principe divin du monde moral ; le principe de l’unité dans la diversité. Unité des cœurs ints pour la richesse sociale des leçons évanliversité des intelligences sollicitées par des

nés de plus en plus divergents, sans dommage pour l’unité essentielle. Le calvinisme semblait avoir

1 son principe dévastateur : la liberté Individuel

  • rit enfin devant un évangile nouveau,
t>un christianisme plus jeune, intelligent, actif »,

ainsi que I..- disait un curieux manifeste paru en 1896.

On proposa de l’appeler le christianisme pratique »,

iristianismt. et le pasteur Gounelle

les « chrétiens soliri ;, listes ».

Les espoirs furent grands, et les premières manifesta

tions du groupe naissant loi I tapageuses. Bergerac, en 1926, ou ne parlait de rien moins que d’assurer.

grâce a la nouvelle exégèse, la rénovai ion spirituelle ci sociale du protestantisme ».

Ces tendances s’allirmaient aussi parmi les sectes de

l’Amérique, sous le titre de Fédéral council, ov Conseil

fédéral des Églises du Christ en Amérique, s’elail

organisé eu 1908, à Philadelphie, un ser Ice d’entr’aide

qui. pour être efficace, glissait sur les oppositions doctrinales et ne retenait que le rôle de coopération

sociale joue par les Églises chrétiennes. Le secrétaire

du Fédéral council était le docteur Charles Macfarland. lequel entrait complètement dans les vues du christ ia

nisme pratique qui s’élaborait en Europe. Et, comme les Eglises épiscopales américaines, réunies en congrès

à Cincinnati, eu 1910, décidaient de fonder l’eut r’aide protestante sur une certaine unité doctrinale « concernant la foi et le gouvernement de l’Église » (jailli and

order), il apparut urgent de réaliser une autre union, moins doctrinale que pratique. Sous l’inlluencc de l’archevêque luthérien primai d<- Suède. Nathan Sœderblom, on décida, en 191 1, à Upsal, « le fonder un groupement pour la Vie et l’action (Life mut u/ork). Le Christianisme devenait, là encore, un élément de pro grès social, une condition de civilisation particulière, mais non un credo auquel s’obligeaient ceux qui voulaient vivre de sa v ie divine. Le courant Life and WOrk a traversé le protestantisme avec une force accrue par le prestige et l’action réellement habile de Nathan 1 Sredcrblom. En 1917. les Britanniques y adhèrent ; en 1920, quatre-vingt-dix -délégués de diverses sectes européennes et américaines se réunissent à Genève afin de préparer une vaste conférence œcuménique qui réunirait enfin tous les protestantismes sous l’étiquette du christianisme pratique. Sœderblom est choisi comme président de la commission européenne ; l’archevêque de Cantorbéry, de la commission anglaise ; le presbytérien A.-J. lirown, de la commission américaine. Sœderblom décidera bientôt les orthodoxes à s’unir au mouvement. Lu 1921, il préside en effet son comité à Peterborough et obtient l’adhésion du patriarche de Constantinople, qui délègue auprès de lui Mgr Germanos, archevêque de Séleucic. En 1923, le mouvement a gagné les Églises de vingt-trois nations qui se font représenter au concile de Zurich, lai 1921, congrès de Birmingham, où se réunissent quatorze cents délégués des Églises d’Angleterre et d’Amérique, et où l’on traite uniquement les questions politiques, économiques et civiques, c’est-à-dire, le programme du christianisme pratique (British conférence on Christian polilics, économies and citizenship), Lu 1925, le congrès de Stockholm marqua l’apogée du mouvement Life and work, car les questions doctrinales y furent, de parti pris et pour cause, laissées de côté, tant, à soulever l’une quelconque d’entre elles, on redoutait l’inévitable scission. Ce fut un congrès de théologiens, mués en jurisconsultes et faisant figure de philanthropes, qui aborda le problème du foyer, celui de l’éducation, même celui des races, et les questions économiques du travail, du chômage, avec une timide discussion des devoirs politiques, des conflits qui peuvent opposer la conscience individuelle aux lois de l’État, et des devoirs découlant de la vie internationale. En 1927, le mouvement du christianisme pratique sembla fortifié par la fondation d’un Institut international du christianisme social, siégeant à Genève. En 1928, un congres se tint à Prague, où les délégués des Eglises parlèrent dans l’absl rait du désarmement. La dernière session du

comité exécutif du conseil œcuménique du christianisme pratique, tenue du 9 au 12 septembre 1933, en Yougoslavie, sous la présidence de l’es êque anglican de

Chichester a rendu plus sensible celle faiblesse ; vieux platoniques contre l’antisémitisme hitlérien, inquiétudes sur i certains aspects de la réorganisation ecclésiastique par le régime hitlérien ; mais de directive assurée, aucune.

il nous reste à définir les principes « lu christianisme pratique. Deux oui une importance fondamentale ; l’un, d’ordre exégétique, qui réduil l’essentiel de l’Évangile à la notion, pour ainsi (lire matérielle du royaume de Dieu ; l’autre, d’ordre moral, qui fait dépendre la conception de la religion du droit reconnu à chaque tidèle « d’assurer son salut ». « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. » De cette parole du Christ, le protestantisme luthérien avait donné une exégèse particulière. Partant de son principe fondamental, le salut par la foi seule, il considère les œuvres comme intolérables lorsqu’elles prétendent être source et moyen de sainteté, et comme acceptables lorsqu’elles n’entendent que manifester et extérioriser la sainteté issue de la foi. En conséquence, l’Église ou royaume de Dieu comprend un domaine invisible, qui est le royaume de la foi (Église invisible, seule nécessaire), et un domaine où s’exercent les œuvres, dirigées par des organismes contingents qui sont des Églises visibles, à la rigueur non nécessaires au salut des fidèles. L’homme intérieur demeure étranger aux manifestations des œuvres et des Églises. La foi, voilà le royaume de Dieu ; tout le reste est indifférent. Or, ce reste est tout le domaine moral, civil, politique, économique, rituel. Aspects humains de la vie véritablement religieuse, ils n’intéressent pas Luther, qui les abandonne au monde, au pouvoir séculier. « Ainsi fut fondée la théorie qui légitima l’intervention constante de l’autorité publique dans la vie de l’Église, théorie qui a fait, au plus haut degré, des Églises d’Allemagne des Églises d’État. » Maurice Goguel, Lnlher, 192(5, p. 23. Et, comme Luther apercevait dans l’épître de saint Jacques sur la nécessité des œuvres la contradiction inconciliable, il décida que saint Jacques avait « déliré », que son épître était « de paille » et contraire « à Paul et à toute l’Écriture sainte ».

L’exégèse luthérienne ne semble pas avoir causé une inquiétude particulière à Calvin. Son ecclésiologie, quoique dépendant du principe du salut par la foi seule, fait une part considérable à l’organisation matérielle de la communauté et de l’État, qu’il s’efforce de convaincre qu’il a un rôle à jouer : celui de lieutenant de Dieu. De là son souci très profond des applications pratiques de l’Évangile dans le domaine moral et social. C’est ce que l’on a appelé « l’activisme calviniste ». Le royaume de Dieu se conquiert par la foi, mais s’organise par les œuvres.

Les chefs du moderne christianisme pratique ont changé tout cela. Pour eux, la vraie notion du royaume de Dieu, c’est précisément dans un texte de saint Jacques qu’on la découvre, où la religion est « celle qui protège les orphelins et préserve des souillures da inonde ». Jac, i, 27. Voilà l’essentiel ; tout le reste est secondaire. Mais quel est ce reste ? Rien de moins que les formules de la foi, les symboles, les dogmes, les sacrements, et, d’une valeur moindre, les questions liturgiques et l’organisation ecclésiastique. Voilà ce qui doit être subordonné à l’action, car le salut est attaché non pas aux croyances, mais aux œuvres. Les sentences du jugement dernier, Mat th., xxv, 31-46, ne suffisent-elles pas à l’établir ? Qu’importent donc les diversités de croyances sur la Trinité, la divinité du Christ, la rédemption, la grâce, les sacrements, voire sur l’immortalité de l’âme et la réalité de la vie future ! Le christianisme pratique déclare inutile le souci de réduire les dissidences sur ces principes, mais « nécessaire » l’effort « qui orientera les disciples du Sauveur vers un programme d’activité pratique, et cela sur le

terrain de la vie en laissant de côté les questions doctrinales, liturgiques, ecclésiastiques ». Message de Stockholm ù la clirétienté, § 2. Tout le protestantismi i trouve ainsi secoué sur ses bases. Il a’ait enseigné le salut par la foi sans les œuvres ; on proclame que le salut s’< père par les œuvres, sans la foi à des formules contingentes. Il avait dénoncé la corruption radicale de l’homme qui le rendait incapable de bien ; on proclame que l’homme a des sources profondes d’activité bienfaisante, qui peuvent transformer ce monde mauvais. Il enseignait que la religion est affaire de conscience individuelle ; on proclame qu’elle n’est rien si elle n’est sociale. Il enseignait que le règne de Dieu s’opère dans les âmes et ne concerne que l’âme : regnum Dei intra vos est ; on proclame que le règne de Dieu se confond avec la régénération d’un monde qui aspire à dénouer l’étreinte du malheur. Ce sont là des antinomies indéniables qui expliquent les conflits qui éclatent, de temps à autre, entre les disciples de la pensée de Luther et les nouveaux docteurs du christianisme pratique.

Ceux-ci font d’ailleurs grand état d’un second principe, auquel ils ont donné une allure tapageuse. « Tout homme, disent-ils, a droit au royaume de Dieu et, par conséquent, droit au salut. » Ils entendent par là que tout homme a droit aux conditions matérielles de l’existence qui lui permettront de développer en lui la vie chrétienne et de se sauver. On peut retrouver les origines de cette formule dans une conférence que le pasteur Gouth, d’Aubenas, donna en 1887 sur le rôle du pasteur dans les questions sociales. < Prêcher l’Évangile n’est rien d’autre que prêcher le royaume du Christ, et celui-ci est ici-bas… Nous devons revendiquer pour chacun le droit de faire son devoir, c’est-à-dire la possibilité matérielle de remplir tous ses devoirs, de développer son individualité, de penser à son âme dans les loisirs du dimanche et les heures de repos de la semaine, en un mot, de réaliser sa destinée temporelle, morale et spirituelle. » Eugène Bersiei frappa la formule d’après ces paroles de pitié humaine, et en 1902 le pasteur Gounelle faisait de la formule trouvée un principe essentiel du christianisme social. De là les multiples interventions des nouveaux docteurs dans tous les domaines de l’activité humaine : vie familiale, vie professionnelle, vie politique, vie internationale, problèmes des races, de la guerre et de la paix, du droit pénal, et, ces derniers jours encore, interventions à l’occasion des tendances racistes, xénophobes et singulièrement antisémites du protestantisme allemand. La formule paraissant heureuse, éclatante et féconde en applications, le christianisme pratique en a fait un considérable usage. En 1925, l’assemblée de Stockholm y vit une sorte de mot de ralliement, et son message officiel lancé à la chrétienté proclamait : « Le premier droit de l’âme est le droit au salut. » M. W. Monod justifiait bientôt ce principe dans une éloquente mais trop personnelle ppraphrase du royaume de Dieu. Cependant, dès 1909, M. Ménégoz opposait à tous ces exégètes nouveaux une raison de bon sens : « Où M. Gounelle, disait-il, a-t-il trouvé dans l’enseignement de Jésus la moindre trace d’une idée pareille ? » Publications diverses sur le //déisme, t. ii, Paris, 1909, p. 62. Au vrai. cet enseignement est tout plein de préoccupations différentes : la confiance au Père interdit une excessive sollicitude à l’égard des nécessités de la vie. Luther avait fermé les yeux aux sages tempéraments de l’Évangile et n’avait retenu que la confiance. Les docteurs du christianisme social restent sceptiques sur la Providence et ne retiennent que la sollicitude humaine, les uns et les autres se heurtent sur une exégèse incomplète, mais que les uns et les autres déclarent seule conforme à la pensée du Christ. De là les conflits qui, surtout au concile de Stockholm, en r.’2.">. ont drossé les luthériens contre les novateurs calvinistes. L’évéque do >.i>. Ihniels, montra ce qu’avait d’arbitraire et d’insolite le sens « le la formule adoptée par le christianisme social, et le docteur WoM s’éleva contre la prétention de réduire l’Église chrétienne a un rôle d’intermédiaire politique i s mission spécifiquement religieuse, à-dire doctrinale. Le docteur Klingemann dénia mène, avec one certaine brutalité, que le progr ès des aflalres de ce monde vers plus de charité et de solidarité intamatlonales fut un pas vers la réalisation du royaume de Dieu. La thèse luthérienne restait Invio léo : séparation du royaume et de la politique ou de l’ordre social. Cependant, quelques luthériens moins fervents se laissèrent gagner par les pathétiques adjurations des pasteurs français Gounelle et W. Monod. A la suite de l’évéque d’Upsal, Nathan Sœderblom, ils concédèrent que les deux conceptions contradic es - ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre nu’elles sont nécessaires toutes les deux et qu’il faut reher une synthèse ». Ce fut le prince de Suède qui tira la moralité de l’aventure et fixa l’attitude con venante. Devant ce chaos d’opinions, il proclama que l’unité do confession notait point nécessaire et que les chrétiens avaient un terrain commun où leur activité rcerait de concert : le terrain de l’action. C’était précisément ce qu’avaient proclamé les calvinistes français, lasses de rechercher l’unité des croyances et résignes.1 se contenter de l’unanimité « les efforts dans l’ordre moral et social. Mais, qu’on le voulut ou non. . cela, découronner le christianisme et I.’ravaler au rang d’un organisme bienfaisant, que d’habiles philanthropes manient avec dextérité pour assurer le bien-être d’une humanité malheureuse. Quels ont été les résultats obtenus par le christianisme pratique’? Du point do vue de l’action bienfaisante, sans avoir apporté des créations d’institutions charitables comparables a celles qui existaient déjà on toutes les Eglises protestantes, le christianisme pratique a aborde certains problèmes sociaux actuels, tels que la lutte contre la pornographie et le malthusianisme. C’est un appoint

ix de bonnes volontés : ce n’est pas une croisade menée par des croyants pour la victoire d’un idéal religieux.

Du point do vue des répercussions sur les diverses ses protestantes, le christianisme social peut invoquer les succès suivants. Il a organise un comité exécutif, qui s’appelle le conseil œcuménique du christianisme pratique, lequel groupe l’Église orthodoxe d’Orient, l’Église anglicane dont l’évéque de Chichester est actuellement président de la session du comité.

-lises i-sucs de la Réforme en Europe et on Amérique et l’Église vieille-catholique. Les délégués de ces différentes Églises sont-ils la voix autorisée d’un grand nombre d’adhérents ou de quelques initiés ? En Anglc-Ic mouvement chrétien social a pris une réelle importance. Depuis les efforts de Charles Kingsby térence tenue a Lambetb en 1888 prit’nent position en faveur des réformes sociales. Kn 1908. le docteur Price Hughes prêchait le sens

me du royaume de Dieu. Nous avons, disait-il,

rcher le royaume de Dieu et sa justice ici-bas.

rouillards do Londres, non dans le paradis. »

etilanentt, groupes de jeunes gens qui

t évangéliser les milieux les plus hostiles a l’idée « lise anglicane donne aujourd’hui une

Ite évangélisation par les méthodes

charité.

Kn Ulemagne, i, - mouvement se heurta a une diffi particulière. le luthéranisme étant en principe

ion pratique du royaume de Dieu.

udant. vers Dviu.), pasteur Adolf Stocker, avec

d’. !.. ; ’agner. Harnack et N’aumann. inaugure

Us congrès évangéllques sociaux Naumann pousse

hardiment le niouv eineiit a ses conséquences et renies ; pour lui. la religion n’est qu’un moyen de transformer

la politique, et l’indifférence au contenu doctrinal n’em

pèche pas ses adeptes de se pi oclainci du et ions sociaux.

Aiin de se distinguer de ce mouvement devenu ratio naliste. Stacker fonde les Conférences ecclésiastiques sociales, ou la foi luthérienne est malgré toul préservée et affirmée, Enfin, sous l’influence des pasteurs Kutter,

Ragaz, 11. util. Hartmann et MennieUe.se sont fondés

dernièrement des groupes do religieux sociaux, qui

accordent beaucoup plus d’importance aux besoins sociaux qu’aux questions doctrinales. Ces groupes oui

joui’dans I’Ulemagne moderne un rôle inattendu. Sous

le fallacieux prétexte « pie l’homme doit accepter la volonté de Dieu Inscrite dans les événements, et que la

pOUSSée socialiste actuelle est l’une de ces olontes. ces

pasteurs a aient enseigné la résignal ion passive. A leur façon, ils ont fait, eux aussi, le lit du socialisme d’État. On sait comment les excès de ce socialisme ont engen dré mie réaction nationaliste d’une force in comparable, le mouvement hitlérien, qui a bouleversé ces conceptions prétendument religieuses.

Aux États-Unis, ce fut Channing, fondateur de l’unitarisme, qui. vers 1830, révéla le christianisme social, qu’il réduisait d’ailleurs à la morale, sans se son eier des symboles de la toi. Vers 1889, sous l’influence dos pasteurs Sheldon et Herron, apparaissent les

chrétiens sociaux. Les protestants fidèles a la COH

ception luthérienne du royaume de Dieu firent opposition aux efforts de ces novateurs, sous la conduite du

pasteur l’eabodv. Mais le scepticisme du protest an lisine libéral a fait de tels ravages parmi les sectes américaines que, pour conjurer un plus grand désastre, nombreux ont été les pasteurs qui se sont ralliés a la formule du christianisme pratique : tout pour l’action, sans considération des croyances.

En 1908. on convoqua à Philadelphie un conseil

fédéral des Églises du Christ, auquel adhérèrent trente sectes protestantes, et qui se déclara nettement on faveur d’un programme moral et social, selon les directives du christianisme pratique.

Quant aux Églises orthodoxes, toujours fidèles aux formules dogmatiques, aux -sept sacrements, a la messe, au culte de la Vierge et des saints, des images et des reliques, à la hiérarchie sacerdotale, toutes choses que les protestants exorcisaient comme idolâtries et superstitions, elles sont venues aux divers congrès du christianisme social. Il fallait les gagner a l’œcuménisme du christianisme pratique. Nécessité fut de fermer les yeux sur leur opposition doctrinale. On songeait a les englober dans l’orbite protestante, sous prétexté de les fédérer » ; mais les orthodoxes n’ont pas tardé à se ressaisir. Sous la fédération, ils ont voulu comprendre ce que serait l’unité de ce nouveau christianisme. Quant a eux. ils affirmèrent, par la voix impérieuse de leur métropolite, qu’ils no pouvaient songer a s’unir avec des sectes si profondément désunies entre elles. Ils demandaient a celles ci de réaliser tout d’abord cette union dos croyances. Demande impossible à satisfaire ! Le christianisme pratique termine son effort de fédéral ion par un aveu de scepticisme religieux. Il est l’aboutissement imprévu niais nécessaire du protestant isnie libéral qui, lui même, était moins une religion qu’une philosophie. Sons son dernier aspect, il n’est plus qu’une école de philan thropie.


IV. L’anglicanisme actuel.

Organisation.

Jusqu’à ces dernières années, l’Église anglicane

pouvait passer pour avoir conservé sa vieille organisa lion aussi puissante que jadis. Cert ains incident s oui dévoilé sa réelle I ai blesse. I n grand nombre d’anglicans

reconnaissent que la principale cause de cette faiblesse