Dictionnaire de théologie catholique/PROTESTANTISME .I. Généalogie des confessions actuelles

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.1 : PRÉEXISTENCE — PUY (ARCHANGE DU)p. 432-435).

déclarent que ce sont de simple nuances qui séparent les groupements. Nous savons qui © sont parfois « les fossés, que l’on n’a pas encore comblés après tanl d’efforts de concentration et d’appel I o cuménisme.

l u Chez les luthériens, les sectes avaient été fort nombreuses et lori irritées les unes contre les antres, du vivant même de Luther et pendant tout le xvie siècle. La scolastique luthérienne du icvir 3 siècle avait multiplié encore davantage les dissidences. Mais, après la victoire de la pensée de Lessing, le luthéranisme a abandonné les thèmes scolastiques ou théologiques qui le divisaient et s’est trouvé comme transformé, dans une nouvelle manière d’être.

Nous ne parlerons pas des sectes issues du luthéranisme : il n’y a aujourd’hui que des formes politiquement plus ou moins fidèles à la notion ecclésiologique de Luther, où se meuvent des fidèles partagés entre des multitudes de systèmes religieux. Ceux-ci, ou bien se réfèrent à la doctrine originelle de Luther, qu’ils tâchent de conserver, même s’ils la déforment, et ils constituent l’aile droite ou orthodoxe du luthéranisme ; ou bien se livrent à toutes les hardiesses de l’exégèse moderne, sans souci de la pensée de Luther ; ils constituent l’aile gauche ou libérale ou libre penseuse. Cela pour la doctrine. Quant au type ecclésiastique, il varie avec les traditions politiques de chaque pays. En Suède, le luthéranisme est resté très conservateur : Gustave Vasa n’en voulait pas au culte romain, à son rite, à sa hiérarchie. En Suisse, il a subi l’influence démocratique et zvdnglienne ; il est devenu asacramentaire et très laïque. En Allemagne, il est fort mêlé ; là où le calvinisme ne l’a pas imprégné, il est encore særamentaire et ritualiste ; ailleurs, fort voisin du calvinisme.

C’est là l’aspect général dont nous analyserons bientôt les détails.

2° Quant au calvinisme, les schismes les plus terribles n’ont pas tardé à le déchirer. Nous ne rappellerons, pour le passé, que la scission voulue par Castellion, le véritable ancêtre du calvinisme actuel ; le schisme des sociniens ; le schisme arminien, aux Pays-Bas ; le schisme des latitudinaires, qui déchirèrent l’Église calviniste pendant les xvir 8 et xviiie siècles ; le schisme de l’unitarianisme au xixe siècle, qui est, en somme, une résurrection des thèses sociniennes.- Ce dernier schisme affaiblit surtout les Églises calvinistes hongroises, anglaises, américaines.

Plus près de nous, le calvinisme a été profondément divisé par la querelle qui, en France, mit aux prises orthodoxes et libéraux. Commencée vers 1840, arrivée à sa phase critique vers 1880, relancée sur une voie nouvelle vers 1890, elle n’a cessé de provoquer les discordes parmi les adeptes de Calvin, qui se proclament orthodoxes quand ils conservent la doctrine de l’inspiration biblique, de la divinité du Christ, de la rédemption par la mort du Christ ; ou libéraux, quand ils abandonnent tous les points doctrinaux à la science rationaliste, en affirmant l’entière liberté du chrétien en matière de dogme. Il y a donc autant de sectes libérales qu’il se produit de manières d’expliquer le contenu dogmatique du christianisme. Et même se déclarent réformés libéraux certains théologiens qui, sans croyance positive au contenu traditionnel de l’Évangile, estiment suffisant de se dire du Christ. C’est plus une attitude qu’une foi ; une adhésion pleine de réticences qu’un abandon de disciple croyant.

Cette séparation théorique des orthodoxes et des libéraux dans le calvinisme actuel date des événements suivants. Au milieu du xix° siècle, les éléments libéraux ou latitudinaires menaient une campagne fort vive contre les orthodoxes. Pour se protéger, ceux-ci invoquèrent la constitution même du calvinisme français, qui remettait au pouvoir séculier le droit et la charge de punir les trublions. Les libéraux, ainsi mena cés, prirent le parti de dénoncer l’ingérence de l’État et réclamèrent la liberté, par la formation d’Églises libres. Vinet, Frédéric Monod et le comte de Gasparin

commencèrent une campagne de presse, qui aboutit.

Des communautés lurent organisées, que l’on groupa sous le nom d’Églises évangéliques <lr France (1819). (.’était une pépinière de hardis théologiens par qui la doctrine calviniste fut malmenée et pour ainsi dire pulvérisée. Mais, à travers Calvin, la doctrine chrétienne était, par eux, sensiblement atteinte. En 1872, on essaya, malgré les plus sombres pronostics, de tenir un synode national. Les calvinistes n’y employaient plus la même langue et ils ne s’entendirent sur aucun point ; il fallut clore l’assemblée. Il y eut désormais deux fractions rivales et ennemies : la secte orthodoxe, qui s’appelle aujourd’hui Églises évangéliques et la secte libérale, ou fit/lises réformées.

En 1906, les deux groupes essayèrent, à Jarnac, de trouver un terrain d’entente, mais ils provoquèrent la formation d’une troisième secte qui, n’ayant pu vivre, se fondit en 1912 avec le groupe des libéraux ou Églises réformées.

Cette division entre disciples de Calvin a franchi les frontières de la France. Partout où le calvinisme s’était implanté : en Hongrie, en Bohême, aux Pays-Bas, en certaines parties de l’Allemagne et du nouveau monde, il faut distinguer le fidèle croyant ou orthodoxe et le disciple émancipé ou libéral.

Ces deux cadres abritent d’ailleurs de multiples formes d’orthodoxie et de plus nombreuses espèces de libéralisme libre penseur. On doit y faire entrer, sur la foi de leur parole, de véritables agnostiques, qui n’admettent plus rien du christianisme positif, mais qui se réclament vaguement du Christ de leur conscience, déclaré plus vrai que le Christ de l’histoire. On ne saurait suivre les innombrables degrés par où passe un christianisme de moins en moins consistant.

3° C’est surtout l’anglicanisme qui a produit les sectes les plus hétéroclites.

On sait comment les confessions non conformistes ont apparu dès le règne d’Edouard VI et comment l’inlluence calviniste a peu à peu corrompu la doctrine primitive du Prayer book (éditions de 1549 et de 1552°. Les efforts d’Elisabeth pour organiser V Église établie ne furent pas plus heureux ; les schismes surgirent de tous côtés. Mais c’est surtout aux environs de 1840 que l’anglicanisme subit sa transformation la plus profonde. Le mouvement d’Oxford l’a ébranlé et obligé à se scinder en fractions rivales. Les anglicans qui refusèrent de suivre Newman jusqu’à Borne et restèrent à la suite de Pusey constituèrent bientôt un groupe A’anglo-catholiques, ou ritualistes, ou puseyisfes, que l’on appelle ordinairement aujourd’hui la Haute Église. A l’opposé, la Low Church prétend conserver l’anglicanisme traditionnel. Mais, à sa gauche, s’est constitué un groupe agissant de latitudinaristes, libéraux, modernistes, voire libres penseurs, qui forment la Broad Church. Nous rattacherons à l’Église anglicane l’Église protestante épiscopale des États-Unis, qui date des environs de 1790. Sa constitution intérieure est identique à celle de l’Église anglicane, sauf qu’elle ne connaît pas d’archevêque-primat.

L’Église presbytérienne, fondée en 1560 par J. Knox. de type calviniste, se distingue nettement de l’Église anglicane par sa confession et son organisation démocratique. Cependant, l’anglicanisme y compte une branche, mais qui s’est détachée du tronc principal. Cette Église anglicane est disestablished, ou indépendante de l’État. Reconnu par Guillaume III comme Eglise officielle ou Established Church of Scotland, le presbytérianisme ne tarda pas à donner naissance à de nombreux schismes.

Le premier fut l’œuvre du pasteur Archibald Camen>n. covenantalre tué on 1680 el dont les disciples, ou presbytériens rigides, formèrent nous le nom de camés une Église presbytérienne réformée (R presbytery). En 1706, cette secte provoqua des troubla sanglants en Ecosse, et l’on dut envoyer e elle îles troupes régulières, qui mirent en déroute prés d’Edimbourg les caméroniens. Au xviir siècle, devant les progrès « lu latitudinarisme, l’Église établie inda de nouveau, les presbytériens rigides refu s. mi lie pactiser.ic<.- le libéralisme doctrinal. IL cons tit lièrent, en 1733, une Église distincte, appelée {’Église de lu sécession, qui mmorcela a son tour. En 1752, nou veau schisme : quelques pasteurs, mécontents d’une ion <lu synode général, fondèrent une Eglise libre, l.i Relief Church, « en vue « lu soulagement trelij) des chré tiens opprimés dans leurs libertés chrétiennes indépendante de l’Eglise d’État, cette Église préten dait refouler l’ingérence des autorités civiles dans u-s affaires ecclésiastiques.

In 1843, Thomas Chalmers (1780-1847) organisa une nouvelle Église presbytérienne libre d’Ecosse (Free Church of Scotland) pour protester, non plus eont re des abus « le l’autorité civile en matière religieuse, mais contre certaines nominations provoquées par des patrons ecclésiastiques.

Sorties « le l’anglicanisme ou du presbytérianisme, « le multiples sectes ont pullule, dans les pays anglo-saxons, qui n’ont conservé presque rien de leur origine. Encore même ce qu’elles représentent aujourd’hui ne icsseinble-t-il que de très loin à ce qu’elles furent primitivement.

Vers 1580 apparaissent les indépendants, qui ne naissent aucun clergé constitué. D’eux descendent, a la suite d’adoucissements dans les rites, les congrégationalistes. dont le caractère principal i’st l’autonomie de chaque paroisse, qui choisit son pasteur et adhère à un emio particulier. Les puritains émigrés m États-Unis y organisèrent cette secte, qui y est aujourd’hui très nombreuse.

De la secte congrégationaliste sortit, par schisme, la secte des baptistes, entre 1620 et 1l>30, qui donnent le baptême aux adultes, qu’ils rebaptisent en cas de premier baptême. Cette secte compte environ huit mille fidèles aux États-Unis, répartis entre dix-huit ses différentes, où le morcellement des croyances continue à effriter le bloc principal.

En 1649, Fox organisa la secte des quakers ou Société

des amis. Non seulement les quakers ne reconnaissent

aucun clergé, mais encore ils poussent à l’extrême la

luthérienne du sacerdoce universel et de l’inspi . individuelle.

Vers 1740, l’anglican John Wesley, avec sou frère

ries et son ami Whitefield, entreprit de réformer

ise officielle, de laquelle il commença à se détacher

par un schisme Écœuré de la médiocrité du elertié

ican. le moins vivant de toute l’Europe, le plus

igent dans ses devoirs, le moins austère dans ses

mœurs. John, alors pasteur de vingt ans. groupa quel

ques étudiants fervents de l’université d’Oxford dans

une sorte de congrégation protestante. A l’ascétique

tlique on empruntait la pratique des austérités

et la soumission jj une règle rigoureuse, (aniline ces

jeunes réformateurs prétendaient suivre une méthodt

ie religieuse, on les appela par dérision

mrtftedistrs. En 1738, ils vinrent s’établir a Londres, se

mirent a prêcher dans les rues <’exercèrent leur apos parmi les paysans et les mineurs. Cinquante ans

premiers efforts, el a la mort de Wesley (1791 1,

éthodistes étaient a peine cent mille. Mais leur

t philanthropique continua de s’exercer

iveur « ! « la rigoureuse observation du dimanche.

des fondations d’hôpitaux, de la réforme dis prisons, et

leur nombre ne cessa de s’accroître. Ils ont aujour d’hui plusieurs millions et aux États t m. Forment le groupe religieux le plus considérable (huit million ! ei

demi) après celui « les catholiques romains (vingt

millions). Mais la création « le Wesley fut bientôt « ai

proie aux dissensions et aux schismes, l’ai Angleterre, le wesleysme reste démocratique ; aux États Unis, il a adopté la forme épiscopale. on distingue aujourd’hui trois branches principales : les méthodistes wesley eus, les méthodistes primitifs, qui donnent un grand soin aux questions politiques et sociales et restent très conservateurs en théologie, et les méthodistes unis, qui, se groupant « ai une Église liés différente des deux autres, sont surtout aujourd’hui orientés vers ! « ’s solutions ultra-libérales et modernistes « les problèmes religieux. Du presbytérianisme <’st encore sortie, vers 1830, la

seele des irOÙigiens. Sous la poussée d’un mvst ieisine que la liberté presbytérienne rendait de plus en plus exigeant, quelques fidèles écossais prétendaient taire revivre ! « ’s dons « le guérison et « le prophétie « le la pri initive Église. Le théologien Pldward Irving (1792 1834) sui il le mouvem mt, et, quand l’Église officielle refusa d’admettre les étrangetés du culte nouveau, il s’en sépara et fonda une communauté. L’irvingisme se présenta comme un extraordinaire amalgame « le pra tiques rituelles d’un mysticisme exalté el de croyances reprises à l’Église romaine : la notion de l’eucharistie. l’institution divine du sacerdoce et de la hiérarchie sacerdotale, la prière pour les morts, le culte de la ierge. L’irvingisme se répandit en Ecosse, faiblement en Angleterre, a Genève, en Allemagne, en Amérique.

De l’anglicanisme sortit, vers la même époque, la secte des darbystes. Elle relève du même mouvement mystique qui secouait alors l’Église presbytérienne. Il s’agissait de faire revivre l’Église apostolique, ses rites et ses manières de vivre. Indépendantes (le la vie du monde. I.c mouvement partit de Dublin, en ÎX’J.S. déclenché par A.-N. Groves, ancien dentiste devenu pasteur, qui partit comme missionnaire pour la Perse. Le groupe formé par Groves fut connu sous le nom des frères de Dublin. Mais à Plymouth se constitua un second groupe, étroitement uni à celui de Dublin, lai 1832, l’œuvre de Groves passa aux mains de John-Nelson Darby, ancien avocat devenu pasteur à Wicklovv, qui lui donna une impulsion toute nouvelle. Darby partageait un grand nombre d’idées d’Irving sur l’Église apostolique et le retour plus ou moins détourné à certaines pratiques romaines. Surtout, il attachait une importance singulière aux prophéties, qu’il interprétait de manière assez curieuse.

Les darbystes vivent dans l’attente du retour « lu Christ, qui rétablira l’Église dans sa pureté primitive. Le darbysme s’est assez fortement implanté en Suisse et aux États-Unis, mais les groupes auxquels il a donné naissance sont si nombreux qu’il n’est guère plus possible de retrouver l’idée de Groves, perdue dans ces foisons de schismes.

En 1878, le protestantisme anglo-saxon vit éciore un groupe d’indépendants que son fondateur appela I’mire du salut. C’était William Booth, premier général de cette, nouvelle Église, qui essayait de jeter l’anglicanisme dans une voie nouvelle : celle de la pbilan thropie, devant laquelle s’effaçaient toutes les inquiétudes dogmatiques. Cette secte est, à vrai dire, a peine une Église puisqu’elle si’désintéresse « les formes ecclésiastiques, qu’elle ne voit dans le christianisme qu’une méthode de guérison pour les misères phj siques et morales de l’humanité, sans contenu proprement dogmatique.

1° Viennent ensuite les multiples sectes OÙ l’est, rit

luthérien, calviniste "U anglican n’apparaît même » /us.

mais qui vont d’un latitudinarisme voilé aux plus radicales formes de la libre pensée. Tout d’abord, la secti de unitaires, qui regardent comme une idolâtrie le culte rendu à Notre Seigneur Jésus Christ et, n’admettant qu’un seul Dieu, une seule personne divine, onl poussé à ses extrêmes la thèse « les antitrinit aires. Née en Angleterre, cette secte J compte aujourd’hui plus de trois cent cinquante Églises, et a été répandue aux États-Unis grâce aux efforts de Channing (1780-1842) el de Parker (1810 1860).

Puis la secte des universalistes, qui admettent le salut universel, eu quoi ils tournent franchement le dos à In doctrine traditionnelle de la Réforme sur le petit nombre des élus par prédestination éternelle. C’est d’ailleurs moins une secte religieuse qu’une école philosophique, puisque, à côté du Christ, ils met t eut, et sur un rang qui ne semble pas inférieur, tous ceux qui, par leur sagesse et leur influence, peuvent être considérés comme les prophètes de l’humanité, et puisque, à côté de la Bible, regardée comme livre divinement inspiré, ils énumèrent comme presque aussi divinement inspirés les divers livres religieux ou philosophiques qui ont marqué une étape dans l’histoire de la pensée humaine.

Procédant des baptistes dont nous avons vu l’origine, il faut citer les dunkers et les disciples du Christ. Ceux-là sont une secte des baptistes allemands venus en 1719 en Pensylvanie, et s’en distinguent par leur hiérarchie, qui comprend des diacres, des ministres et des anciens. Ceux-ci furent détachés en 1807 du presbytérianisme par Thomas Campbell et ils pratiquent, comme les baptistes, le baptême par immersion, sans avoir d’ailleurs un credo fort défini, étant tout près d’accepter l’union avec les autres confessions qui admettent, à tout le moins, le Nouveau Testament.

Les frères unis en Christ constituent une secte à peu près uniquement répandue aux États-Unis, où Philippe Otterblin l’organisa à la fin du xviiie siècle. Comme les précédents, ils se montrent très peu exigeants pour le credo et se contentent d’une vague affirmation du rôle surnaturel du Christ. Ils ont une hiérarchie avec des évêques-surintendants.

Assez près d’eux par leur constitution hiérarchisée, il faut citer encore les fidèles de l’Association évangélique. Jacob Albright l’organisa, en 1819, en Pensylvanie, parmi des colons allemands ; aussi a-t-il conservé beaucoup de points des confessions luthériennes.

Parmi les plus récentes fondations de sectes, issues des Églises déjà nommées, les adventisles forment un groupe très singulier. Un certain William Millier prétendit en 1840 que le retour glorieux du Christ prédit dans l’Évangile allait bientôt se réaliser, et, sur cette affirmation, l’adventisme s’organisa, toujours déçu dans ses espérances, mais toujours en progrès… Après les prédications de J.-N. Andrews, en 1874, l’adventisme s’est répandu en Europe, surtout en Angleterre, en Suisse et jusqu’en Extrême Orient.

Citons encore les Christian scientists. organisés par Mrs. Baker-Eddy (1821-1910). Ces nouveaux chrétiens prétendent que toute maladie vient de l’âme et que guérir celle-ci par l’infusion de la foi au véritable Bien, c’est, par contre-coup, guérir le corps. La foi au Christ devient un talisman de santé. Ces extravagances ont été récemment diffusées en Europe, et surtout en Angleterre et en France, par une habile et tenace campagne de presse, qui ne semble pas toutefois avoir fait avancer chez nous les affaires de la doctoresse américaine.

6° En somme, dans l’extraordinaire morcellement et l’infinie variété des credo et des sectes, on peut essayer de fixer quelques points de repère. Les unitariens et les universalistes libéraux possèdent, en Amérique, plus de cinq mille Églises, avec un million et demi d’adhérents. Les orthodoxes luthériens, presbytériens, réformés épiseopalistes, possèdent plus de quarante mille Eglises et six millions de fidèles. Les multiples sectes issues des trois branches principales de la Réforme — méthodistes, congrégationalistes, baptistes, moraves, mennonites, adventistes, scientistes, Eglises du Christ, disciples du Christ, etc. — comprennent environ trente millions de membres avec plus de cent quatre-vingt-sept mille Églises.

Aujourd’hui même, l’anglicanisme et toutes les formes du non conformisme en Angleterre subissent une nouvelle amputation, grâce au mouvement des fraternités » (brothenruod naïvement). Ce sont des réunions d’hommes, de deux cents à douze cents membres, qui ont lieu le dimanche après midi. Chacune d’elles est entièrement autonome, ne reconnaît l’autorité d’aucune confession, d’aucun pasteur et elle grandit sans souci de dogme, de culte, de hiérarchie sacerdotale.

L’office religieux comprend la prière, une hymne, la lecture de la Bible suivie d’une allocution dont se charge un assistant, qui peut être parfois étranger aux fraternités. Les signes morbides du prophétisme et de l’inspiration qui rendent si pénibles les scènes du banc du repentir dans certaines sectes protestantes réapparaissent parmi ces fraternités que ne contrôle et que ne dirige aucune autorité compétente.

6° Afin de mettre quelque ordre dans ce désordre des croyances, on peut accepter que les sectes protestantes doivent être cataloguées d’après leurs affinités constitutionnelles, les unes mettant à la base de leur organisation l’autonomie de la paroisse ; les autres, la forme synodale sans hiérarchie ecclésiastique ; les dernières acceptant la hiérarchie épiscopale.

On obtient alors, d’après MM. A. Bouvier et A. Paul, le dénombrement suivant :

1. Églises congrégationalistes (ou paroisses autonomes ) : les congrégationalistes, les baptistes, les adventistes, les disciples du Christ, les darbystes, les unitaires, les fraternités.

2. Églises synodales : les Églises luthériennes et moraves, les Églises réformées, presbytériennes, l’Église évangélique ou Église unie de Prusse, les méthodistes d’Europe, les mennonites, les dunkers, les universalistes.

3. Églises épiscopales : certaines Églises luthériennes et moraves, l’Église réformée de Hongrie, l’Église anglicane, protestante-épiscopale d’Amérique, méthodiste d’Amérique, l’Église des frères unis ; l’Association évangélique, l’Église irvingienne, qui accepte une hiérarchie sans cependant le titre d’évêque.

Il nous reste à étudier, pour les principales de ces sectes, l’organisation, la doctrine, la liturgie, telles qu’elles ressortent de l’état actuel de la pensée protestante.


II. Le luthéranisme actuel.

Évolution générale des idées.


Il n’est pas paradoxal de parler d’un luthéranisme actuel, totalement différencié du luthéranisme primitif. Luther ne se reconnaîtrait point dans son ouvrage et il se hâterait d’apporter sa réforme dans une Béforme révoltée contre lui. De cela, les luthériens éclairés conviennent de bon gré, quoiqu’ils prétendent continuer la ligne tracée par le réformateur. Mais quand commence ce luthéranisme actuel ? A quelle date mettrons-nous la brisure entre les deux tronçons de la pensée de Luther ? A mon avis, il faut remonter jusqu’aux alentours de 1770, jusqu’à l’influence du philosophe Lessing (1729-1781). C’est lui qui imprima à son Eglise une impulsion dont les conséquences se déroulèrent au courant du xixe siècle et sont en train, à l’heure actuelle, de jeter le luthéranisme allemand en d’inextricables embarras.

1. L’influence de Lessing.

En quoi Lessing a-t-il modifié l’ouvrage de Luther ? En y insérant la pensée de quelques sceptiques fameux, tels Mendelssohn et Spinoza.