Dictionnaire de théologie catholique/PRIÈRE .VI. Qui peut-on prier ?

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.1 : PRÉEXISTENCE — PUY (ARCHANGE DU)p. 119-121).

VI. Qui peut-on prier ? — - I. la prière ne peut-elle s’adresser qu’a dieu ? — Cf. saint Thomas, In IV*™ Sent., dist. XV, q. iv, a. 5 ; dist. XLV, q. iii, a. 1-2 ; Ila-II*, q. lxxxiii, a. 4 ; Suarez, t. I, c. ix-xi.

A première vue, il semblerait bien que la prière ne peut s’adresser qu’à Dieu : « par définition » d’abord, comme dit saint Thomas, puisqu’on définit la prière ascensus intellectus in Deum ; puis, parce qu’elle est un acte de religion ou, ce qui revient au même, de latrie, donc un acte réservé à Dieu ; ensuite. Dieu seul, omniprésent et omniscient, est à même de connaître nos prières, même celles que nous faisons à haute voix ; enfin, même à supposer que les anges et les saints qui sont au ciel puissent nous entendre et intercéder pour nous, quel avantage aurions-nous à recourir à leur intercession ? « Dieu est infiniment plus miséricordieux que n’importe quel saint, et son cœur plus porté à nous exaucer que celui de n’importe quel saint. Il semble donc bien inutile de placer les saints entre Dieu et nous, pour qu’ils intercèdent pour nous. » D’ailleurs, il semble encore inutile de prier les saints pour une autre raison : « Si nous sommes dignes de leur intercession, ils prieront pour nous, même si nous ne le leur demandons pas ; et, si nous n’en sommes pas dignes, ils ne prieront pas pour nous, même si nous le leur demandons. » Suarez, après avoir énuméré tous les hérétiques qui ont contesté la légitimité de la prière adressée aux saints, Vigilantius, les apostoliques, les cathares, les pauvres de Lyon, les vaudois, Wiclef, Luther, etc., c. x, n 1, rapporte toutes les raisons qu’ils lui opposent, n. 2 : il n’en est qu’une que nous n’ayons pas encore mentionnée, celle qui se tire de la parole de saint Faul : Unus enim Deus, unui et mediator Dei et hominum, homo Christus Jésus, I Tim., ii, 5 : " prendre les saints comme médiateurs entre Dieu et nous, c’est faire injure au Christ ». Parmi les erreurs de Nicolas Serru rier, condamnées par Martin Y, dans la bulle Ad hoc prœcipue du G janvier 1120, figure cette proposition : Oralio non débet diriiji nisi ad Deum solummodo, et non ad sanctos. De Guibert, Documenta…, n. 333.

Le concile de Trente, en sa x.w" session, Denz.-Bannw. , n. 981, a défini la doctrine opposée à i erreur : « Le saint concile ordonne, à tous les évêques et à tous ceux qui ont charge d’enseigner, d’instruire avec soin les fidèles de ce qui concerne l’intercession et l’invocation des saints, d’après l’usage reçu dès les premiers temps du christianisme dans l’Église catholique, d’après le sentiment unanime des saints Pères et d’après les décrets des sacrés conciles ; leur enseigne que les saints qui régnent avec le Christ ofïrent à Dieu leurs prières pour les hommes, qu’il est bon et utile de leur adresser des supplications et invocations et de recourir à leurs prières et à leur aide et secours pour obtenir de Dieu ses bienfaits par l’intermédiaire de son Fils, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui est notre seul rédempteur et sauveur ; et que ceux-là sont animés de sentiments impies : 1. qui disent que les saints qui jouissent dans le ciel de l’éternelle félicité ne doivent pas être invoqués ; 2. ou qui prétendent : a) ou bien qu’ils ne prient pas pour les hommes ; b) ou bien que les invoquer, afin qu’ils prient pour chacun de nous en particulier, est une idolâtrie, ou que cela est contraire à la parole de Dieu et opposé à l’honneur de Jésus-Christ, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes ; c) ou bien enfin que c’est une folie d’adresser des supplications vocales ou mentales à des êtres qui régnent dans le ciel. On peut donc commettre à ce sujet cinq hérésies.

La solution du problème se trouve dans la considération de la manière bien différente dont nous prions Dieu et dont nous prions les saints, différence qui fait qu’en réalité le recours à l’intercession des saints n’est pas une véritable prière et qu’en réalité la vraie prière ne s’adresse qu’à Dieu, directement ou indirectement. » Il y a deux manières de présenter sa requête à celui qu’on prie : on peut lui demander d’accomplir lui-même ce qu’on désire, ou bien de nous le faire obtenir. Dans le premier cas, la prière ne peut s’adresser qu’à Dieu… [Je laisse de côté pour l’instant la raison qu’en donne saint Thomas ] C’est l’autre forme de prière que nous adressons aux saints, aux anges et aux hommes. Ce faisant, nous n’attendons pas d’eux qu’ils fassent connaître à Dieu notre requête, mais nous attendons de leur intercession et de leurs mérites qu’elle obtienne son effet… Cette différence (entre la manière dont nous prions Dieu et celle dont nous prions les saints) ressort des expressions mêmes que l’Église emploie dans ses prières officielles : à la sainte Trinité nous demandons d’avoir pitié de nous ; aux saints, quels qu’ils soient, de prier pour nous. » Ila-II®, toc. cil. Aucune prière adressée à un saint, quel qu’il soit, donc pas même à la très sainte Vierge, pour ne pas parler de celles qui s’adressent aux saints anges, ne devrait donc lui demander de nous donner lui-même ce que nous souhaitons, pas même des biens ou avantages temporels, si minimes qu’ils soient, par exemple de retrouver un objet perdu, mais seulement de nous l’obtenir de Dieu, non quasi per ipsum implenda, sed sicut per ipsum impetranda ; cf. Suarez, c. ix, n. t-5. La raison en est que Dieu seul est capable de nous procurer « par lui-même » ce que nous désirons ; car ce per seipsum, explique Suarez. comporte quatre choses : primo, quod propria virtute possil conferre bonum quod postulatur ; secundo, ut in co bono conjerendo, si velit, a nullo pendeat ; tertio, quod a nemine impediri possil ; quarto, ut ipse sua virtute et voluntate possit vcl aujerre impedimenta, vcl disponerc omnia aliunde necessaria ut talis efjectus fiai. S’il se rencontre, dans les prières que l’Église adresse aux saints, des expressions qui pa12h

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PRIÈRE. QUI PEUT-ON PRIER ?

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raissent contraires à cette règle, si elle leur demande, par exemple, de nous « accorder » telle ou telle chose, il faut toujours sous-entendre : « par vos prières, par votre intercession ». C. x, n. 7. Suarez concède cependant que de telles expressions peuvent encore s’expliquer par une sorte de pouvoir ministériel qu’il a pu plaire à Dieu d’accorder à quelques saints pour la collation de certaines de ses faveurs, par exemple pour la guérison de quelque maladie particulière ; c’est ce que dit saint Augustin : Faciunt ista martyres, » el polius /Jais, vcl oranlibu » mit cooperantibus eis. Ibid.

Revenons maintenait à La phrase de saint Thomas que nous avons provisoirement laissée de côté. Pour prouver que, seul Dieu peut nous accorder par luimême ce qui fait l’objet « le nos prières, il s’appuie sur ce principe que « toutes nos prières doivent être ordonnées à l’obtention de la grâce et de la gloire, que Dieu seul peut nous octroyer ». Dans Vin I "<" Sent., dist. XV, q. iv, a. 5, sol. 2, [tour prouver qu’on ne doit pas adresser de prière aux « saints i qui sont encore en ce monde ou au purgatoire, il affirme que l’unique objet de la prière, c’est la béatitude et que, par conséquent, la prière ne peut s’adresser a ceux qui ne possèdent pas encore cet te béai it ode : nihil petiiur <ii> aliquo qui non liabel ; un/le ciim beuta » il/i sil qu ; r in orando

petitur, ad illoa soins dirigi » <>test qui jeun beatam vttam

Imbent. SuarCZ discute longuement la raison Invoquée par saiid Thomas pour prouver que Dieu seul peut nous accorder par lui même ce qui fait l’objet de nos prières. C. IX, n. 3-1 1. Jean de Saint Thomas lui réplique, In // » m //', q. i.xxxiii, a. I, n. 1-8.

Il est facile de répondre aux objections apportées :

i. i Par définition, en effet, la prière ne s’adresse tju'à Dieu, parce qu’une définition ne doit contenir que ta

quæ per se sunt ; or, si aliquo modo on peut appeler prière les supplications : adressées aux saints, proprie et per se la prière ne s’adresse qu'à Dieu. In I V '"'" Sent., loc. cit., a. 5, ad 1'"". Casslen nommait deprecatio, et non oratio, la prière adressée aux saints. On pourra remarquer que le décret du concile de Trente cité plus haut n’emploie pas non plus le mot oratio pour dési gner la prière adressée aux saints : il parle seulement

d’invoquer, de supplier, ou d’invoquer en suppliant,

suppliciler invocare. De même que le terme < ! ' adoration « est maintenant réserve au culte de Dieu, celui de « prière », si l’on s’entendait à ce sujet pourrait peut être avantageusement se voir rest reinl dans son extension ? — 2. La prière adressée aux saints n’est pas un acte de religion ou de latrie, au moins directement ; c’est un acte de dulie, Suarez, c.. n. 8-9, Au fond, cependant, à travers les saints, c’est bien à Dieu que nous nous adressons : cum sancti orantur, non eis latria exhibetur, sed illi a quo petitio orantis exptenda operatur. In I 'um Sent., Inc. cit., ad 2um. 3. Si les saints ne connaissent pas, par les moyens dont ils disposent, les prières que nous leur adressons. Dieu ne manque pas de moyens pour les leur faire connaître : Les bienheureux, dit saint Grégoire, découvrent dans le Verbe ce qu’il sied qu’ils connaissent des événements qui nous concernent, même ce qui se passe au fond des cœurs. Or. il convient par-dessus tout qu’ils connaissent les demandes qui leur sont faites, oralement ou mentalement Ils connaissent donc. Dieu les leur découvrant, les prières que nous leur adressons. » 11 1 II 1, toc. cit., ad 2um ; cf. Mcnncssier, op. cit., p. 264, une note relative à la manière dont les saints oui connaissance de nos prières, si c’est in Verbo ou extra Verbum ; Suarez, c, x. n. 19-20, et Jean de Saint Thomas, ibid., n. 30-40. 1. Suarez, ibid., n. 21, juge si peu importante la quatrième difficulté, qu’il y répond à peine. Ce n’est pas. dit ii, parce que nous douterions de l’infinie miséri corde de Dieu à notre égard, que nous recourons à l’intercession des saints, mais parce que, peut être, il

DICT. DE THltOL. CA.THOL.

entre dans les desseins de la Providence de ne nous accorder ses faveurs que si nous les lui demandons par l’entremise des saints : non oramus sanctos quia de divina voluntate difpdamus, sed ut ordinem f’rnvidentise ma impleamus ; nescimus enim quomodo disposuerit aliquid nobis dare. Saint Thomas, In I V' u n Sent., dist. XLY, q iii, a. 2, invoque a ce propos la théorie du pscudo-Denvs sur les intermédiaires : iste ordo est divinitus institutus in rébus, ut per média, ultima reducantur in Deum ; et, par conséquent, ce n’est pas parce que Dieu manquerait de miséricorde qu’il faut recourir aux prières des saints pour exciter sa clémence, sed est ad hoc ut ordo priediclus conservetur in rébus. — 5. Enfin, recourir à l’entremise des saints n’est pas contredire l’enseignement de l’Apôtre sur l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. La médiation du Christ peut s’entendre de deux manières : vel » er modum advocati et orantis, pel fier modum merentit nobis aut satisfacienlis pro nobis ; quand nous recourons a la médiation du Christ, ou bien nous lui demandons d’intercéder pour nOUI maintenant auprès de son l'ère, ou bien nous nous réclamons auprès de Dieu des mérites it des satisfactions de sa vie terrestre : pourquoi les

saints, quand ils prient pour nOUS, n’eu feraient-ils p.is autant ? Ou bien ils s’adressent directement au Christ

et lui demandent d’intercéder pour nous auprès de son

l'ère ; OU bien, s’adrcssanl directement BU l'ère, ils lui demandent de nOUS BCCOItler ses faveurs en considéralion des mérites et des satisfactions du (Jirist. Suarez., I. X, c. x-xi.

U. QUI JfB DOIT « v PAS rinr.lt' ! — 1° Qu’il ne faille pas prier le Christ, mais le Père par le Christ, c'était l’avis d’Orlgène, lie tu prière, c w xvi :. ils pèchent par sottise, faute de considération et d’attention, ceux qui

prient le Fils, soit avec le l'ère, voit sans le l'ère. « Vous ne devez pas prier celui qui, pour mois, a été

établi grand prêtre par le l'ère, celui que le l'ère a fait VOl le avocat ; mais VOUS devez prier par le grand prêtre. par l’aVOCat, qui peut compatir a s faiblesses, avant

été tenté en tout comme vous, fait il dire au Christ ; il

D’est pas raisonnable que ceux la prient leur frère qui

ont été juges dignes d’avoir le même pire ; il vous faut offrir votre prière au seul Père, aoei moi et ; or moi Origène voulait réagir contre la pratique, admise de

tout temps dans l'Église, il 'adresser des prières au

Christ. Mais pour quelle raison ? H ne le cache pas : Si

nous entendons ce qu’est la prière, peut-être verrons nous qu’il ne faut prier aucun être produit, et pas même

le Christ, mais seulement le Dieu et Père de l’univers, que lui-même notre Sauveur priait et qu’il nous enseigne a prier. Prier le Christ, aux veux d’Orlgène,

c'était professer son égalité, peut être même son Identité avec Dieu. car. pour lui. si l’on entend bien ce qu’est la prière, elle ne peut s’adresser qu’A Dieu ; or.

il n’admettait ni l'égalité ni l’identité du I ils ave. le

l'ère : le 1 ils est différent « lu l'ère par l’essence et pai le suppôt : il ne faut donc pas le prier Sur quoi, M. Hardy fait cette observation : Il est certain que la prière liturgique, dès les plus anciens temps du christianisme, est présentée au l'ère pal le I ils ; mais il n’est pas moins certain que, de tout temps, on a prie le

Christ dans l'Église, et Origène lui même, dans ses homélies, se conforme fréquemment a l’usage courant. I.e scrupule qu’il témoigne ici est exagéré ; il marque une réaction stérile, mais dangereuse. < -outre la pratique universelle. Cf. J. Lebreton, Histoire du dogme de la Trimte. t. n. Cuis. 1928, p. 174-247. Bibliothèque patristique de spiritualité. Origène. De lu prière, Irait Hardy. Paris. 1932, p. 77-7N. note.

Suarez remarque que l'Église ne prie pas le Christ d’i intercéder pour nous », 1. I. c x, n. 16, mais d' « avoir pitié- de nous et de nous accorder i ce que nous lui demandons, chose que nous ne pouvons pas dire aux

Mil

N.

saillis ; l'Église Me prie dune pas le Christ en tant qu’homme, mais en tant que Dieu, et cela pour éviter

le scandale, pour ne pas paraître ! < prier tanquam ad purum imminent. N. 1<h. Cependant, per se et intrinsece, ou pourrait demander au Christ d’intercéder pour nous, puisque, en réalité, contrairement a l’opinion de certains théologiens, n. l I. le Chris ! continue de prier pour nous dans le eiel. comme il le faisait dans sa vie terrestre, n. 15 ; veriOT sententm est. Mais il faudrait bien prendre garde, si on le faisait, de ne pas tomber dans le ncsloriauisiue, id est non dividende) personas sed mitants. X. 18.

2° L"s âmes du purgatoire ? Cf. saint Thomas, In /V"" Sent., disl. XV, q. iv. a.."), qu. 2 ; II » -I1°, q. lxxxiii, a. 4, ad3um ; a. 11, ad 3 "" ; Suarez, I. I, c. x, n. 2. r)-28.

Suarez constate que la doctrine commune, commuais sententia, enseigne qu’il ne faut pas prier les âmes du purgatoire. Elle s’appuie particulièrement sur l’autorité de saint Thomas, qui en donne les raisons suivantes : 1. D’abord, ce n’est pas l’usage dans l'Église : et idzo eorum sufjràgia non imploramus orando, a. 1, ad 3 '" s’il avait trouvé l’usage établi, il aurait bien su découvrir des raisons pour le légitimer). — 2. fuis, « comme ceux qui so : it en purgatoire ne jouissent pas encore de la vision du Verbe, il n’est pas en leur pouvoir de connaître ce que nous pensons ou disons ». tbid. — 3. « Dieu veut que les êtres inférieurs soient secourus par ceux qui leur sont supérieurs. Or, ceux qui sont en purgatoire, s’ils nous sont supérieurs par leur impeceabilité, nous sont inférieurs par les peines qu’ils endurent », a. 11, ad 4 ura et ad 3 nm ; dans les Sentences, au lieu de l’impeccabilité, c’est leur sécurité qu’il oppose à leur peine, quamvis sinl in majori securitate quam nos, tamen sunt in majori afjlictione ; en outre, ils ne sont plus en état de mériter ; donc « ils ont plus besoin qu’on prie pour eux qu’ils ne sont en état de prier pour les autres ». — 4. « On ne prie pas ceux pour qui l’on prie », non est ejusdem orari et quod pro eo oretur. — 5. « On ne prie les saints qu’en tant qu’ils participent pleinement à la divinité ; mais ils ne participent pleinement à la divinité qu’en tant qu’ils participent à la béatitude ; donc il ne faut prier que ceux qui sont dans la béatitude. » — 6. Enfin, nemo dat quod non habet ; < par conséquent, comme, en priant, c’est toujours en définitive la béatitude que nous demandons, la prière ne peut être adressée qu'à ceux qui possèdent déjà cette béatitude ».

Toutes ces raisons, d’inégale valeur, n’ont semblé péremptoires, ni à.Médina, Codex de oratione, q. iv et v, ni à Suarez ; cf. la note de Mennessier, p. 264-267. Celui-ci constate d’abord « la pratique privée des fidèles qui prient fréquemment les âmes du purgatoire », pratique que l'Église n’a pas réprouvée, donc qu’elle tolère, bien qu’elle « ne la confirme pas de sa pratique publique ». Pour la justifier, dit Suarez, deux choses sont suffisantes mais nécessaires : que les âmes du purgatoire puissent prier pour nous et qu’elles puissent connaître les prières que nous leur adressons ; encore la seconde paraît-elle moins nécessaire que la première, car elles pourraient toujours prier, comme nous le faisons nous-mêmes, pour ceux qui se recommandent spécialement à leurs prières, ou pour ceux qui, par leurs suffrages, leur viennent en aide, sans les connaître nommimsnt ; Suarez n’admet pas cependant cette restriction : pour qu’on puisse prier les âmes du purgatoire, il faut, selon lui. qu’elles puissent avoir connaissance de nos prières. Or, pourquoi ne pourraient-elles pas prier pour nous '? Xi les peines qu’elles endurent, ni le fait qu’elles sont hors d'état de mériter, ne peuvent les empêcher de prier pour nous ; les raisons invoquées par saint Thomas à ce sujet ne paraissent pas très sérieuses Mais peuvent-elles, et comment,

avoir connaissance de nos prières ? Médina et Suarez estiment qu’il n’est pas incroyable que nos prières leur

soient transmises par le ministère des anges gardiens. Quoi qu’il en soit, conclut Suarez, on ne peut blâmer ceux qui estiment pouvoir recourir aux suffrages des âmes du purgatoire ; d’ailleurs, quand leur épreuve sera terminée, elles auront sans doute connaissance des prières que nous leur aurons adressées durant I temps de leur épreuve, et par conséquent, un jour ou l’autre, notre prière parviendra à destination ; et. comme pour Dieu le temps ne compte pas, c’est au moment même où nous aurons prié les âmes du purgatoire que nous pourrons bénéficier de leurs suffrages ultérieurs. Cf. J.-B. Walz, Die h' tir bitte der armen Seelen und ihre Anrufung durcit dit : Claubigen auf Erden, Bamberg, 1933.