Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 12.2 : PHILOSOPHIE - PREDESTINATIONp. 258-271).

II. Œuvres. — Les œuvres authentiques de Pierre Lombard se réduisent à quatre : le Commentarius in psalmos davidicos (autrement dit, les Glossœ), les Collectanea in omnes Pauli apostoli epistolas, les Sermones, les IV Libri Sententiarum. Ce dernier ouvrage a seul fait l’objet d'études sérieuses ; les autres, à part les recherches de Déni fie sur les Glossæ pauliniennes, n’ont guère ou pas été étudiés. Il faudra donc examiner d’un peu plus près ces œuvres exégétiques, et les sermons, avant de passer aux Sentences. Un dernier paragraphe sera consacré aux œuvres douteuses ou apocryphes.

I. LE COU M EXT AI RE SOS LES PSAUMES.

1° Le

nom. — Commentarius in psalmos davidicos, Glossæ conlinuæ, Troyes, ms. 543, ou Glossæ psalterii, Gerhoch et Arnon de Reichersberg, peu après 1160, op. etloc. injra cit. D’après Seeberg, Protest. Real’ncyklopùdie, t. xi, p. 642, lig. 16, le titre serait aussi Glossa magislralis ex selectis et orthodoxis auctoribus ; mais ce titre avec Vépithète de magistralis dénote une ori gine passablement postlombardienne, qu’on retrouve dans l'édition de 1478. Par contre, nous savons, entre autres, par le chroniqueur Aubri des TroisFontaines, Chronica, Mon. Germ. hist.. Script., t. xxiii, p. 843, lig. 39-44, qu’au milieu du siècle suivant, l'œuvre s’appelait dans les écoles, major glossatura, comme du reste c'était aussi le cas pour les gloses sur saint Paul (voir Denifle, Ergânzungsband I zu Denifle’s Luther und Luthertum, Qucllenbelege, Mayence, 1905, p. 56 et 57, n. 1), la glose du Lombard, sur ces deux parties de la Hible, s'étant substituée à celle de Walafrid Strabon. L’auteur du catalogue de la riche bibliothèque de Salvatorberg, chartreuse près d’Erfurt, nous en dit autant vers 1477 : Glosas quæ communiter dicuntur glosæ ordinàriæ, ou has communiter nominamus glosas ordinarias, P. Lehmann, Mittelalterliche Kataloge, t. ii, Munich, 1928, p. 282, lig. 19 ; p. 327, lig. 18, et p. 555, lig. 8 ; avant lui, Jean Boston de Bury avait conservé le titre de majores glossæ Psalleriis dans son inventaire des bibliothèques anglaises vers 1410, voir plus loin aux Opéra dubia vel spuria.

2° L’authenticité de l'œuvre est attestée par l’ensemble des bibliographes et des chroniqueurs médiévaux de tous pays, dont on trouvera plus loin le témoignage quand il sera question des œuvres apocryphes. Les exemplaires conservés en manuscrits, dont beaucoup sont anonymes, atteignent un nombre considérable, ce qui témoigne d’un énorme succès, malgré l’avis contraire, non motivé, de Bresch, Essai sur les Sentences de Pierre Lombard, Strasbourg, 1857, p. 69 : citons, entre autres, Yat. lai.. 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, Pal. 610 et P.rg. 104, et surtout les nombreux exemplaires de France, à Paris, bibl. Mazarine, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 212, 213, de Troyes, ô8, 77, 80, 92, 141, 176, 216, 217, 229. 295, 479, 543, 702, de Reims, 147, 148, 149, 150, 151, / ; ?. 153, etc. Mais on n’a jamais élevé aucun doute sur la paternité lombar dienne, malgré l’erreur de Geoffroy de Clairvaux, dans sa lettre de 1 188, n. 9, P. L., t. ci.xxxv, col. 592 C, qui l’attribue à Gilbert de la Porrée et est suivi par Y Hist. lilt. de la France, t.xii, p. 473-474.

Vingt ou vingt-cinq ans plus tôt, trois contemporains, qui connaissent bien les œuvres de Pierre Lombard, points de mire de leurs attaques, sont de précieux témoins pour l’authenticité : c’est Gerhoch de Beichersberg († 1169), dans sa lettre de 1162-1164, à Alexandre III, Epist., xvii, P. L., t. exem, col. 565 C et D ; c’est son frère Arnon († 1175), qui écrit peu après, et sûrement avant d'être prévôt (1169), son Apologeticus contra Folmarum, n. 12 et 13, édit. Weichert, Leipzig, 1888, p. 13, où il utilise la lettre de Gerhoch, ce que l'éditeur n’a point noté ; c’est enfin leur correspondant Éberhard de Bamberg († 1172), dans sa lettre de la même époque, Epist., xvi, parmi celles de Gerhoch, col. 562 A ; à Paris même et vers la même date, l'élève le plus brillant du Lombard et le plus attaché à son maître, Pierre de Poitiers, nous est un garant incontestable de l’authenticité par ses commentaires ou ses postilles sur la glose du Lombard, Distinctiones super psalterium magislri Pétri Lombardi, ms. de Paris, Bibl. nat. lut. 14 423, et Reims, 161. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Méthode, t. ii, Fribourg, 1911, p. 503 ; Denifle, op. injra cit., p. 94, n. 4. Les catalogues des bibliothèques du xiie siècle témoignent aussi de l’authenticité, par exemple celui de l’abbaye de Prùfening en 1158, n. 150. Becker, Catalogi bibliothecarum antiqui, Bonn, 1885, p. 214 ; celui de Chaalis. publié par H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, t. viii, 1899, p. 442, n. 53, etc. Sur la confusion entre Gilbert de la Porrée et Pierre Lombard, inaugurée par Geoffroy de Clairvaux, qui a mis dans l’erreur pas mal de' modernes, voir Denifle, Erganzungsband I zu Denifle’s Luther und Luthertum, Qucllenbelege, Mayence, 1905, p. 358-366. Vers 1170 et avant 1176, Herbert de Boseham, dont il a été question ci-dessus, est un témoin de plus pour l’authenticité.

Caractéristiques.

Ce Commentarius in psalmos

est une espèce de chaîne, commentaire perpétuel des psaumes, verset par verset, composé à l’aide des citations des Pères et des écrivains ecclésiastiques. L’ouvrage n’a pas de préface ou d’avant-propos qui nous renseigne sur le but et le mode de travail de l’auteur ; Pierre Lombard se contente dans sa Præjatio, P. L., t. cxci, col. 55-62, de commenter, à l’aide d’extraits patristiques et autres, le titre et le contenu du psautier. Rien non plus n’y figure explicitement qui puisse nous aider à fixer la date ou les circonstances de sa composition. Mais un renseignement transmis par un disciple, le même Herbert de Boseham, qui le tenait directement de son maître, meus in hac doctrina institutor prœcipuus… ipsomel rejerenle didici, nous apprend que Pierre Lombard n’avait d’autre but que de remédier à la brièveté d’Anselme de Laon : Solum ob id jacta (hœc opéra) ut antiquioris glosaloris magislri Anselmi Laudunensis brevilalem elucidarent obscuram, qu’il ne s’attendait nullement à voir sa Glossa devenir matière d’enseignement dans les écoles, et qu’il n’avait pu encore lui donner la dernière main avant son élévation à l'épiscopat. Ms. 150 de Trinity Collège, à Cambridge. Prima pars Psalterii Glosali sec. Herb. de Boseham, fol. 1.

Édité deux fois à l'époque des incunables, à Nuremberg, par Sensenschmidt entre autres en 1478, Hain, Reperlorium, n. 10 202 et 10 203, puis à Paris, en 1533, en 1537 et en 1541, et reproduit finalement dans P. L., t..cxci, col. 55-1296, d’après cette dernière édition, ce commentaire a été assez peu étudié. Il en faudrait une édition critique qui identifiât parfaitement les sources ; on verrait ainsi ce qui appartient en propre L9'53

IMKUIIK LOMI5AHI). COMMENTAIRE SUR SAINT l’Ai L

1954

i Pierre Lombard et quels sont les écrivains ecclésiastiques auxquels il a réellement alimenté sa pensée. En

attendant ce travail de précision critique, nous constatons que Pierre Lombard emprunte 'beaucoup à saint Augustin et à saint Jérôme, parmi les Pères de l’Eglise ; il connaît aussi saint thlairc et saint Ambroise, et utilise beaucoup Cassiodore, qui lui-même emprunte presque tout aux Enarration.es in psalmos d’Augustin ; parmi les exégètes de l'époque carolingienne, on rencontre très fréquemment les noms d’Alcuin, de Rémi d’Auxerre, d’Haimon d’Halberstadt ; celui de la Glossa interlinearis, qui intervient souvent, est dû à l'éditeur de 1541, le franciscain Richard du Mans et non à la tradition manuscrite ; dans un grand nombre de psaumes, dominent les noms d’Augustin et de Cassiodore. Mais toutes ces mentions n’ont qu’une valeur problématique, des textes patristiques se trouvant littéralement reproduits par des exégètes carolingiens et le nom d’Alcuin représentant habituellement la glose de Walafrid Strabon. Cette confusion qui se rencontre encore chez Antonin de Florence, Summa pars historialis, t. ii, tit. xiv, c. v, Râle, 1491, fol. cxxxv b. étonne chez Pierre Lombard, lequel mentionnera plus tard Walafrid Strabon sous le nom de Strabus, voir, t. II, dist. II, c. 4, Quar., p. 316. De plus, le travail critique sur les manuscrits devrait établir quelle part, dans ces identifications, revient à l’auteur luimême, aux copistes ou aux éditeurs, comme aussi les vrais titres de paternité des auteurs carolingiens. Il semble bien que Pierre Lombard ait pris comme premier fond la glose de Strabon et la glose interlinéaire d’Anselme de Laon et ait étoffé tout cela à l’aide de nouveaux matériaux dus à des lectures plus ou moins personnelles. Les écrits auxquels il puise régulièrement, à l’exclusion semblc-t-il des sources grecques alors accessibles, comme quelques traductions de Jean Chrysostome, nous disent déjà que le sens littéral l’intéresse beaucoup moins que le sens mystique ; son exégèse s’inspire principalement de l’interprétation allégorisante.

Il serait utile de discuter longuement la question chronologique ; toute donnée externe fait défaut. Il y a tout lieu de croire que le Commentaire sur les psaumes a précédé les Glossæ sur saint Paul ; l’exégèse est beaucoup plus sommaire, beaucoup moins personnelle, autant que l'état critique du texte permet d’en juger, beaucoup moins ferme et rarement ou guère coupée de questions et de discussions théologiques comme en présentent les développements sur saint Paul, dont la préface, à forte trame d’emprunts patristiques, prend déjà position et, conformément à la tendance des écoles, veut concilier les conflits entre les micloritates. Voir P. L., t. cxci, col. 1290 R et 1300 C. Cette caractéristique des deux œuvres donne incontestablement l’antériorité chronologique au Commentaire sur les psaumes, qui précède donc l’année 11421143, bien qu'à ce moment-là il fût encore inconnu à Gerhoch, qui cependant avait dès lors connaissance du Commentaire sur saint Paul.

4° Rapports avec les « Sentences ». — L’examen du contenu montre aussi que le Commentaire sur les psaumes ne fournit pas à la préparation du livre des Sentences les matériaux et les questions qu’apportent en abondance déjà les Collectanea sur les épitres pauliniennes. De plus, l’examen que nous avons fait d’un certain nombre de textes montre que la glose qu’en donne le Commentaire sur les psaumes n’a pas été régulièrement utilisée par Pierre Lombard dans les Libri Sententiarum ; dans son œuvre théologique, il recourt souvent à d’autres textes des Pères pour expliquer ces mêmes versets, ou en donne des citations plus complètes, par exemple ps. ii, 6, P. L., col. 71 D, et Sant., 1. 1, dist. IX, 4, Quar.. p. 69 ; ps. xv, 2, col. 172 C,

et t. I, dist. I. 3. p. 18 ; ps. xv, 2, ibid., et I. 1 1. dist. I, 2, p. 310 ; ps. xvii. 2. col. 187 D, et t. I, dist. XXX, 1, p. 189 ; ps. xviii, 9, col. 2Il A. et I. I, dist. LY, 0, p. 275, etc. D’autres fois, la glose est identique, comme pour le ps. xvi, 4, col. 2Il A, et I. I, dist. XXXVI, 2. p. 226, etc., et surtout pour le ps. i.xviii, 2-3, col. 627 B-D et 628 A, dont un long passage, pris à saint Augustin, sur le sens de « substance », revient en trois sections dans les Sentences, en partie à propos de l’anthropologie, en partie à propos de la Trinité, t. ii, dist. XXXVII, 2, p. 507-508, t. I, dist. XXXII, 2, p. 211, et I. I, dist. XXXIV, 1, p. 216 ; les introductions aux 1. II et III, p. 306 et 550, rappellent des idées du Commentaire sur les psaumes.

Ailleurs, Pierre Lombard ne tire aucun parti de sa glose, tandis que ses successeurs et ses disciples y recourent ; un exemple curieux nous en est fourni par le traité des sacrements, où nous voyons Pierre Lombard, t. IV, dist. I, 1, p. 745, donner tout autre chose que sa glose du ps. cxlvi, 3, col. 1274 CD, à laquelle cependant Gandulphe de Bologne, Sententiar. lib. I V, édit. von Walter, t. iv, 1, Vienne, 1924, p. 384, prologue, Pierre de Poitiers, Sententiarum libri V, t. V, P. L., t. ccxi, col. 1137 A, et peut-être même Gerhoch de Reichersberg, ps. lxxvii, 2, P. L., t. cxciv, col. 438 C, et ps. cxlvi, 3, ibid., col. 974 RC, font des emprunts textuels.

Au point de vue des doctrines, quand il en est d’exposées dans le Commentaire sur les psaumes, le progrès sur les Glossæ psalterii s’accuse nettement dans les gloses sur saint Paul et, mieux encore, dans les Libri Sententiarum ; ce que constataient déjà les sages avis d’Eberhard de Ramberg, qui s'évertuait à refréner la précipitation un peu volcanique du farouche polémiste de Reichersberg, secondé par son frère Arnon, en faisant remarquer que leurs attaques contre un énoncé de Pierre Lombard, ps. cviii, 5, col. 893, sur l’adoration du Christ, ne se justifiaient plus, s’ils voulaient tenir compte de l’interprétation donnée par les Livres des Sentences. Epist.. xvi, parmi celles de Gerhoch, P. L.. t. cxciii, col. 562.

II. LE -COMMENTAIRE SUR LES ÉPITRES DE SAINT

PAUL. — Plus célèbres et plus répandues encore que les Glossæ psalterii, sont les Glossæ sur saint Paul.

1° L’authenticité en est incontestable, malgré le titre fautif de Collectanea in omnes D. Pauli epistolas, que lui donne Josse Radius en 1535. Plus haut, on a pu voir les témoins les plus anciens en faveur de l’authenticité : Gerhoch de Reichersberg, en 1142-1143, Libellus de ordine donorum S. Spir., dans Libelli de lite, t. iii, 1897, p. 275, Gerhoch et Arnon de Reichersberg, avec Éberhard de Ramberg, vers 11621164, etc. Le catalogue de Priifening, en 1158, n. 1530, celui de Whitby vers 1180, n. 23, Recker, Catalogi bibliothecarum antiqui, Ronn, 1885, p. 214 et 227, celui de Chaalis, n. 58-59, vers la fin du xiie siècle ou le début du suivant, H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, Paris, 1899, p. 442, apportent à leur tour leur confirmation. Ici.aussi, intervient, pour l’authenticité, le témoignage d’Herbert de Roseham, qui écrit vers 1170 et avant 1176 : voir plus haut, et mss. 152 et 153 de Trinity Collège, Cambridge, The western manuscripts of… a descriptive catalogue, par Mont. Rh. James, t. i, Cambridge, 1900, p. 188-189 et 195, 200.

L'étude même du contenu montre le lien étroit qui unit ces Glossæ aux livres des Sentences, et aboutit à l’identité d’auteur ; ce qui se trouve affirmé également par les bibliographes et les chroniqueurs médiévaux dont on parlera plus loin à propos des Dubia vel spuria.

2° La date de composition se fixe aisément grâce à l’accusation, toute gratuite du reste, formulée en 1142-1143, par Gerhoch de Reichersberg, à propos de

l’adoptianisme et de l’utilisation d’un texte de l’Ambrosiaster attribué à tort à Ambroise Autpert, Libellas de online… toc. cit., t. III, p. 275, lig. 42 : voir plus haut, col. 1945. C’est donc un peu avant cet le date

que l’ouvrage a été composé ; Gerhoch, qui se tenait fidèlement au courant de ce qui se passait dans les écoles de Paris, a-t-il connu l’achèvement définitif de

l'œuvre OU seulement une première rédaction"? L’introduction ultérieure de passages de Jean Damascène, a propos de Rom., i, 3 ; n. 2. etc. P. L., t. CXCI, col. 1307-1308A, si celle-ci n’est pas le l’ait d’un copiste, témoignerait donc de retouches opérées par l’auteur après l’entrée de l’oeuvre du Damascène en Occident. c’est-à-dire bien après 11 15. vers 1 152, selon ce qui a été dit plus haut du voyage de Rome ; mais il y a plutôt lieu de voir dans ces textes des interpolations de copiste, car d’autres passages, comme l’hil., ii, 9, qui appelaient des enrichissements damascéniens du même genre, ne les présentent pas, bien que l’auteur les ait utilisés dans Sentent.. 1. III. dist. IX, 2, p. 591-592 ; la glose de W’alafrid Strabon, au moins dans le texte imprimé, a aussi du Jean Damascène, Biblia sacra eum glossa ordinaria, t. vi, Anvers, 1634, p. 15 (Rom., i, 3). La déclaration d’Herbert de Boseham, rappelée à propos des psaumes, confirme plutôt l’explication par retouches que celle par interpolation, pour ces quatre passages de l'épître aux Romains ou aux Corinthiens, P. L., t. cxci, col. 1307 D-1308 A, 1337B, 1379 C, 1686 C.

II n’est pas malaisé, contrairement à ce que croit Landgraf, article cité ci-dessous de Biblica, t. x, 1929, p. 468-469, de déterminer le rapport chronologique de ce commentaire avec celui d’un autre théologien contemporain, chef d'école lui aussi, Gilbert de la Porrée, commentaire très répandu, encore inédit, voir Denifle, Op. cit., p. 30, 40, 334 sq., connu déjà et attaqué par (ierhoch de Reichersberg en 1142-1143, op. et loc. supra citalis, souvent désigné sous le nom de média glossatura, voir plus loin, et qu’on a attribué à tort à Gilbert de Saint-Amand. Denifle, op. cit., p. 30-31 et 334. Les deux œuvres dépendent l’une de l’autre ; Vincent de Beauvais, à la suite de Robert de SaintMarien d’Auxerre, Mon. Gerrn. hist., Script., t. xxvi, p. 237, plaçait celle du Lombard après celle de Gilbert, Spéculum historicité, t. xxix. 1, dans la Bibliotheca Mundi, t. iv, Douai, 1624, p. 1185. Il a raison, à en juger par les emprunts que lui fait Pierre Lombard déjà dans le prologue, Denifle, op. cit., p. 57, n. 1 : j). 69, n. 1, et par la rectification d’avis qu’il énonce à propos des Phil., ii, 9, P. L., t. cxcii, col. 237 B-238. Denifle, op. cit., p. 256, 365, etc.

Diffusion.

L'œuvre nous est parvenue dans un

grand nombre de mss. ; on peut en voir une dizaine indiqués par Denifle, Qucllenbelege, cité plus haut, p. 56 et 57, liste qu’il serait facile d’allonger, entre autres par ceux de la bibliothèque Mazarine, à Paris, n. 143, 261, 262, 264, 265, 266, 267, 26'.), ceux de la bibliothèque de Reims, n. 164, 155, 156, 157, 158, Ï59, etc., et ceux de la bibliothèque de Troyes, n. 48, 'i, 90, 121, 122, LU, 109. 175. 233, 2 :  ;.S.' 245, 389, 431. Plusieurs fois édité ou réimprimé, déjà vers 1473, à Essling, par Conrad Fyner, Hain, Repertorium, n. 10 20l, puis au moins huit fois à Paris cnlrc 1535 et 1555, c’est le texte de 1535, dû à Josse Bade d’Assche, que reproduit P. L.. t. cxci, col. 12971696 et t. cxcii, col. 9-520 : texte qui appellerait une profonde revision critique, tant au point de vue des leçons que des références intercalées dans l’exposé et de l’indication exacte des emprunts.

La vogue de ce commentaire est attestée, non seulement par les très nombreux manuscrits qui nous l’ont transmis, mais aussi par la place qu’il prend à côté de la glose de W’alafrid Strabon (car la Glossa ordinaria

pour saint Paul n’est pas celle de Strabon, les prologues mis à part, mais celle de Pierre Lombard)Denifle, op. cit.. p. 16, 56-57, 00 et 91 ; par les nom, breux résumés, citations, gloses et utilisations dont il est l’objet, voir par exemple Denifle, op. cit.. p. 65 sq., 94 sq., 130, etc., et Landgraf, Beitrage zur Erkenntnis der Schule Abælards, dans Zeitschr. fur kathol. Theol., t. liv, 1930, p. 372 sq. ; Familienbildung bei Pauluskommentaren des xii. Jahrhunderts, dans Biblica, t. xiii, 1932, p. 169-193 (avec les rapports entre ce commentaire, Robert de Melun et diverses quæstiones inédites), surtout chez Pierre de Corbeil, donc avant la fin du xii° siècle, Denifle, ibid., p. 90, chez un anonyme du xiie siècle, peut-être peu après 1171, pris à tort pour Hugues de Saint-Victor, P. L., t. clxxv, col. 431-634, Qusestiones et decisiones in epistolas Pauli, Denifle, op. cit., p. 65-74, et chez Etienne Langton, qui donne de cette glose un ample commentaire, Postillæ super apostotum, G. Lacombe, Sludies on the Commentaries oj cardinal Stephen Langton, part. 1. dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. v, 1930, p. 57-61 sq., et Denifle, op. cit., p. 94106 (qui n’avait pas identifié l’auteur) ; enfin, par le titre qu’il garantit désormais à son auteur, celui de glossator, parfois expositor, Denifle, ibid., p. 90, 72, n. 2, p. 94, 112 : ce qui correspond parfaitement à l’affirmation contemporaine d’Aubri des Trois-Fontaines, rappelée plus haut (col. 1951), à propos de la glossa continua, glossatura major, et à la mention plusieurs fois répétée dans le grand catalogue de la chartreuse de Salvatorberg près d’Erfurt, en t477. P.Lehmann, .1/ ittelallerliche Bi biioihekskalaloge Deulschtands und der Schweiz-, t. ii, Munich, 1928, p. 282, lig. 19 ; p. 327, lig. 18 ; p. 555, lig. 8. Par suite, il est bon de faire remarquer que les exemplaires de Walafrid Strabon, postérieurs au xiie siècle, ont plus d’une fois des interpolations de provenance lombardienne.

L’importance qui s’attache à ce commentaire de Pierre Lombard s’affirme jusque dans les noms qu’on lui donne : c’est la Glossatura major, ou les Majores glossse epistolarum. ou la Glossa continua, comme le veulent Aubri des Trois-Fontaines, Jean Boston de Bury, les chartreux de Salvatorberg et d’autres, voir plus haut à propos des Glossæ psalterii ; ou la Magna glossatura, comme l’appellent Etienne Langton et, un peu après lui, Guillaume des Monts, au début du xme siècle, voir De eliminalione errorum, Oxford, bibl. Bodl., Miscell. I.and. 345, fol. 15, cf. Béryl Smalley et G. Lacombe, The Lombard’s Commentary on Isaias, dans The new scholasticism, t. v, 1931, p. 154, n. 32, tandis que la glose ordinaire de Walafrid Strabon sur ces livres était nommée par Lawgton la Parva glossatura, sur d’autres livres (Job, Prophètes, etc.) la Commuais glossatura, Landgraf, Zur Méthode der biblischen Kritik im XII. Jahrhundert, dans Biblica, t. x, 1929, p. 453, n. 2, et celle de Gilbert de la Porrée portait le nom de Media glossatura, Landgraf, ibid., G. Lacombe, Studies on the Commentaries oj cardinal Stephen Langton, c. 1, dans recueil cité, t. v, 1930, p. 60, n. 3, et ms. de Bruxelles, bibl. royale, 131, fol. 262 : glosse… secundum magistrum Gilbertum quee appellantur de média glossatura (le Catalogue des manuscrits de la bibl. royale, par Van den Gheyn, t. 1, Bruxelles, 1901, p. 64, 11. 1, mentionne à tort Gilbert de Saint-Amand. comme l’avait fait Hauréau, Journal des savants, 1886, p. 355, et 1885, ]>. 433 ; Denifle, op. cit., p. 334 sq. a écarté cette fausse attribution).

1° Caractéristiques.— Dans l'état actuel des éditions, l'élude des sources ne peut se faire sur les imprimés. Contentons-nous de constater que le choix des auteurs est plus vaste ; dès le prologue, on trouve des textes pris directement ou indirectement au commentaire de Pelage, voir /'. L., t. cxci, col. 1297 B, 1299 C, et

Pelagius : Expositions o thirte.cn epistles o/ St. Paul, édit. Souter, dans Texts and studies, t. ix, fasc. 2, 1926, p. 3 et 4 ; les développements sont plus amples, l’allure beaucoup plus ferme et plus personnelle, bien que l’exégèse ne soit pas encore remarquable pour la recherche du sens littéral. Nous savons aussi par Herbert de Boseham que Pierre Lombard ne croyait pas que son œuvre exégétique pût prendre place parmi les livres de l’enseignement scolaire, ms. de Cambridge cité plus haut, fol. 1 v°, et que la correction n’en était pas terminée au moment de son épiscopat ; c’est ainsi sans doute qu’il faut expliquer la présence de quatre citations de Jean de Damas ; voir plus haut à propos des gloses sur les psaumes, col. 1955.

Une initiative nouvelle, ici fortement accusée mais' inconnue à peu près aux Glossæ psalterii, même à propos de l’adoration, -P. L., t. cxci, col. 893, se fait jour dans le grand nombre de questions théologiques, que suscitent certains versets et, par suite, un intérêt spécial s’attache à ce commentaire, car il trahit ainsi l’influence de la méthode d’Abélard (voir plus loin) et constitue la préparation immédiate des Sentences. Comme le faisait déjà remarquer Éberhard de Bamberg dans son échange de vues avec Gerhoch, à propos de l’adoration du Christ, les Sentences marquent un réel progrès sur le Commentaire de saint Paul. Epist., xvi, P. L., t. cxciii, col. 562. Vraie, en général, cette remarque se vérifie aussi dans les questions particulières, par exemple dans les diverses questions de la grâce, malgré quelques propositions rejetées (voir plus loin, I, 1 ; II, 1, 2, 3 ; IV, 6), les Sentences sont plus méthodiques, plus précises, plus sûres, plus réservées. Par contre, l’idée spéciale sur la charité et le Saint-Esprit, t. I, dist. XVII et t. II, dist. XXVII, n’apparaît pas encore dans l'œuvre exégétique. Schupp, Die Gnadenlehre des Petrus Lombardus, p. 300 et 223-231.

Les questions théologiques se formulent parfois dans les mêmes termes dans les Glossæ sur saint Paul et les Sentences ; d’autres fois, sans qu’il y ait identité textuelle, ce sont les mêmes idées et les mêmes citations patristiques qui se retrouvent de part et d’autre ; habituellement aussi, et plus encore dans les Glossæ pauliniennes, Pierre Lombard est fort réservé dans l’emploi de la dialectique. Dès le début des Glossæ sur Rom., i, 3, se rencontre ce parallélisme, P. L., t. cxci, col. 1308 HCD, et t. III, dist. XI, 1, p. 597-598, à propos du Christ faclus an creatura ? ou à propos de la prédestination, qui suscite un plus fort groupe de questions dans IcsGlossæ que dans les Sentences, P. L., col. 1309 B, 1310 B, 1449-1450, cꝟ. t. I, dist. XXXV, 1-7, p. 220-223, et t. III, dist. VII, 2, p. 584 et 588 ; ou à propos de la foi, où nous trouvons quelques lignes identiques de part et d’autre, P. L., col. 1324 A, et t. III, dist. XXIII, 2, p. 655, et la suite accuse les mêmes idées ; ou à propos de la circoncision, qui fournit matière à des développements identiques, en partie déjà chez Strabon, P. L., col. 1371 C-1372 C, et t. IV, dist. I, 9, p. 749-750 ; ou à propos de la survivance des derniers vivants au moment du jugement, où les deux œuvres ont une rédaction et des citations identiques, P. L., t. cxcii, col. 304 CD et 305 A, et t. IV, dist. XL III, 6, p. 998, etc. Cette liste, qui pourrait s’allonger sans peine, suffît à montrer comment le Commentaire sur saint Paul préparait les questions théologiques et les matériaux pour les Sentences. On trouvera d’autres indications dans les prolégomènes de l'édition de Quaracchi, t. i, p. xxvii-xxix. Les questions sont introduites par les quæritur, hic videndum, fit hic quæstio, hic dicendum. etc., ou quæri solet a quibusdam, hic quæri solet, quæri etiam solet, P. L., t. cxci. col. 1311 C, 1312 A, 1340 A, 1363 C, 1559 C, 1644 C, 1645 BC, et t. exen, col. 304, et sont souvent réunies

en faisceaux, au début d’un exposé, comme nous les trouvons dans les Sentences.

Par suite, et surtout à cause de ces hic quæri solet. on est amené à se demander si l’enseignement théologique de Pierre Lombard a pris d’abord comme matière le texte de la Bible, en l’occurrence les épîtres pauliniennes, et peut-être les psaumes (mais, dans ceux-ci, les questions théologiques sont rares), avant de commencer l’espèce de synthèse contenue dans le* Livres des Sentences. Les renseignements que l’on possède sur cette période sont malheureusement peu amples et peu nets, et le programme scolaire ne semble pas être déterminé comme il le sera plus tard ; on connaît l’exemple d’Abélard, qui a commencé par donner ses cours sur Ézéchiel à Laon, puis à Paris, bien avant 1121, Epist., i, 3, 4 et 5, P. L., t. clxxviii, col. 125 ABC et 126 A ; dans son Expositio in epistolam ad Romanos on rencontre déjà un certain nombre de questions ou de problèmes qu’il pose : pauca disculienda, quæstio se ingerit, quæritur, très quæstiones occurrunt, etc., ibid., col. 806 C, 816 C, 833 D, 841 C. 843 D. Tout permet de croire qu’il en fut de même pour les Commentaires de Pierre Lombard sur saint Paul, mais rien non plus ne vient appuyer avec certitude une réponse affirmative. Les recherches actuelles arriveront un jour à éclairer ce problème. La solution entrevue ici serait confirmée par le titre de sacra pagina, doctor sacræ paginas, donné respectivement à la théologie et aux maîtres en théologie durant le XIIe siècle, et un auteur contemporain, Robert de Melun, ne craint pas d’intituler son œuvre biblicothéologique Quæstiones de divina pagina, édit. R. Martin, O. P., dans le Spicilegium sacrum Louaniense. fasc. 13, 1932, p. xxxviii-xxxix, etc. : voir aussi Robert, Les écoles et l’enseignement de la théologie. Paris, 1909, p. 120-121, qui ne distingue pas nettement entre la méthode de l’enseignement proprement dit et celle de l’exposé par écrit. L'épithète de magister. employée par Gerhoch de Reichersberg, en 1142-1143. à propos précisément des Glossæ sur saint Paul, Liber de ordine…, dans Libelli de lite, t. iii, p. 275, ferait volontiers croire que l’enseignement du magister avait pour objet les épitres de saint Paul, et ce témoignageexterne confirmerait ainsi ce que suggère l'étude interne de l'œuvre. Le renseignement fourni vers 1170 par Herbert de Boseham, et dont il a déjà été question, appuie la même conclusion..Ms. 150 de Trinity Collège. Cambridge, fol. 1 v°.

La place de ces questions théologiques, si nettement posées par le Lombard dans sa Glossa, et reprises avec développements par le glossateur anonyme mentionné ci-dessus, P. L., t. clxxv, col. 431-634, suscite un autre problème, qui n’intéresse plus l'élaboration des Sentences, mais qui concerne directement le développement des procédés scolaires vers le milieu du xii K siècle : jusqu’où ces questions, introduites si abondamment par Pierre Lombard, ont-elles favorisé l’entrée de la disputatio dans les écoles'? Il serait difficile de le dire. Les nombreux commentaires ou gloses sur ces Glossæ du Lombard, Denifle, op. cit., p. 90-91. p. 94-106, p. 106-107, etc., ne purent qu’aider à la diffusion de cet usage. Les recherches faites ou à peine commencées sur le commentaire de la Magna glossatura de Pierre Lombard, dû à un maître influent comme Etienne Langton, permettent peut-être d’entrevoir comme aboutissement de cet usage des quæstiones l'épanouissement de la disputatio proprement dite ; car, fréquemment, Langton, qui écrivait avant 1206, déclare explicitement qu’il rejette à la disputatio : « in dispulatione plenius, hoc disculiendum in disputatione, etc. », la discussion des problèmes qu’il ne peut résoudre tous dans son commentaire, Bibl. nation., lai. U 143. fol. 37, 74, 112, 132, 155, 176, etc. ;

cf. Lacombe et Landgraf, The » questiones » of cardinal Stephen Langton, part, iii, dans The new scholasticism, t. IV, 1930, p. 100, et 115-164. D’autre part, chez Robert de Melun, contemporain de Pierre Lombard, le genre d’enseignement par questions discutées est beaucoup plus net et ne semble pas supposer cette dissociation entre la ieclio et la disputât io. R. Martin,

0. P., op. cit., p. xxxiv-xi.v ; voir aussi Mandonnet, dans Bulletin thomiste, t. viii. 1931, p. 233. Jean de Cornouailles, dans un souvenir d'école, P. L., t. cxcix, col. 1071, qui sera rappelé plus loin à propos des Dubia velspuria, parle aussi de la disputât io, mais vise plutôt, semble-t-il, la seconde moitié de la carrière professorale du Maître. Il nous suffit d’avoir indiqué ici le problème historique, qui regarde moins l’histoire littéraire de Pierre Lombard que l’histoire d’ensemble de la théologie médiévale. Son contemporain, Clarembauld d’Arras, comme Gilbert de la Porrée, pratique le genre des Quæstiones, à l’aide des écrits d’Aristote, d’une manière beaucoup plus technique que Pierre Lombard. G. Jansen, Der Kommentar des Clarembaldus von Arras zu Bo Ihius de Trinilale, dans les Breslauer Studien zur historischen Théologie, t. viii, Breslau, 1926, p. 29-75.

/II. ££5 sermons. — Le troisième groupe des œuvres authentiques de Pierre Lombard est formé par ses sermons.

Authenticité.

La tradition manuscrite, raisonnablement ferme cependant, n’a pas été respectée par

les éditeurs, qui ont publié la grande partie de ces sermons sous les noms d’Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, comme l’avait fait Beaugendre, Hildeberti Cenomanensis episc. opéra omnia, Paris, 1708, et à sa suite Bourassé, P. L., t. clxxi, col. 339964, ou en leur en ajoutant de Pierre Comestor, de Geoffroy Babion, de Maurice de Sully et d’autres. Cave, Scriptor. eccles., t. ii, Oxford, 1743, p. 221, et Oudin, Commentarius, t. ii, Leipzig, 1722, col. 12201221, ignorent l’existence de ces sermons ; FabriciusMansi, habituellement plus exact et personnel, n’a garde de les omettre, Biblioth. lat. med. et inf. setatis, t. v, Padoue, 1754, p. 262. Ceillier, Histoire des auteurs eccl., t. xxiii, 1763, p. 52, et le Gallia christiana, t. vii, col. 69, se contentent d’une brève mention prise à Henri de Gand ou à Eysengrein (dit à tort Cisingrenius) ; l’Histoire littéraire de la France, t.xii, p. 603, sans se douter que Beaugendre avait déjà publié la plupart des sermons, ajoute un léger apport original par la désignation de quelques manuscrits d’Angleterre, de Belgique et de Paris.

C’est à Hauréau qu’est dû le premier essai de reconstitution de l'œuvre parénétique de Pierre Lombard ; il n’est pas impossible que cette liste puisse se compléter encore au fur et à mesure des recherches dans les bibliothèques médiévales. Le xme siècle n’ignorait pas cet aspect de l’activité littéraire de Pierre Lombard ; il connaissait le recueil de ses sermons, comme on peut le voir dans Vincent de Béarnais, Spéculum historiale,

t. XXIX, c. i, dans la Bibliotheca mundi, t. iv, Douai, 1624, p. 1185, et dans le pseudo-Henri de Gand, De scriploribus ecclesiasticis, c. xxxi, dans Le Mire, Bibliotheca ecclesiastica sive Nomenclatures VII veteres, Anvers, 1639, p. 168 et 174 : Inveniuntur eliam sermones aliqui de diversis solemnilatibus ab ipso scripti. Jean Boston de Bury, qui catalogue les bibliothèques anglaises vers 1410, connaît aussi les Sermones utiles, voir le texte plus loin, aux Opéra dubia vel spuria. Trithème leur fait écho, à la fin du Moyen Age, en 1492, en mentionnant les « Sermones varias, librum unum i, De scriploribus ecclesiasticis, Cologne, 1546, p. 160, et Guillaume Eysengrein, un siècle plus tard à peu près, parle de Sermones plures. Catalogus testium veritatis locupletissimus, Dillingen, 1565, p. 95 v°.

D’autres recueils, mais anonymes et ordinairement moins fournis, se rencontrent aussi à Paris et ailleurs : quelques sermons, sans nom d’auteur également, ont trouvé place, en nombre très inégal, dans divers manuscrits de la Bibliothèque nationale, de la Bod léienne, de celle d’Auxcrrc, etc. On trouvera les renseignements sommaires dans Hauréau, Notice sur les Sermons attribués à Hildebert de Lavardin, dans les Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxxii b, 1888, p. 107-166, et Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, Paris, 1890, t. i, p. 216-223 ; t. ii, p. 80, 151152, 274 ; t. iii, p. 44-50, 65, 144-145, 314 ; t. v, p. 155 ; dans l’introduction de l'édition des Sentences de Quaracchi, p. xxix-xxx ; dans les catalogues de Vienne, Tabulée codicum…, t. i, Vienne, 1863, p. 168 et 215 : dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. xxv, 1894, p. 285. et dans Aug. Molinier, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque Mazarine, Paris, 1886, t. ii, p. 177 ; t. iii, p. 395, etc.

La question d’authenticité n’a plus été mise en discussion depuis les travaux d’Hauréau ; le dernier mot est-il dit ? Tout doute, au moins pour chacune des pièces, n’est pas écarté, croyons-nous, jusqu'à ce que l'étude interne de ces pièces ait été poussée dans le détail. Ainsi l’expression, consortes nostræ professionis, dans un sermon sur le carême, P. L., t. clxxi, col. 450 B, pourrait bien désigner des confrères en religion, mais plus haut, on a domesticos fidei, et nobis in fide fratres ; et le long développement sur le Samaritain, contenu dans un sermon sur l’Avent, ibid.. col. 378 B-D et 380 B, ne présente rien qui se rapproche du début du 1. IV des Sentences, où la même parabole est appliquée à l’institution des sacrements, t. IV, dist. I, 1, p. 745. Par contre, un passage du sermon xxvi, sur la sainte Trinité, à propos des res quibus fruendum est, se retrouve au début du livre des Sentences, P. L., t. clxxi, col. 435 C et 436 C, et 1. L dist. I, 2, p. 15 sq. ; t. II, dist. XVI, 3, p. 380, etc. ; un autre passage sur la circoncision, sermon xvi, est emprunté aux gloses sur les psaumes, -ps. lxxi, 6, P. L., t. clxxi, col. 395 CD, et t. cxci, col. 661 D.

Où et quand ces sermons ont-ils été prononcés ? Il serait difficile de le dire avec précision ; le xxixe semble bien avoir été prêché à l’abbaye de SaintVictor, par Pierre Lombard évêque, Hauréau, op. cit., t. iii, p. 50, et il n’est pas improbable qu’il en aille de même pour d’autres. Il n’y a pas de doute qu’ils n’aient été composés et prononcés en latin, comme c'était l’usage quand il s’agissait d’un auditoire monastique ou d’une assemblée de c/ercs des écoles ; voir Bourgain, La chaire française au XIIe siècle, Paris, 1879, p. 169-193, et Lecoy de la Marche, La chaire française au Moyen Age, 2e édit., Paris, 1886, p. 233 et 266.

Caractéristiques.

Sans avoir l’animation apostolique de Raoul l’Ardent, ni la simplicité profondément pastorale de Maurice de Sully, ni la mesure et

le goût de Geoffroy Babion, pour ne citer que quelques contemporains du xiie siècle, les sermons de Pierre Lombard ne sont pas dépourvus de qualités ; ils ne pèchent pas par mauvais goût ou violence de langage, comme tant d’autres du Moyen Age ; ils sont pieux, clairs et instructifs, d’allure grave et sérieuse, mais d’une froideur aussi qui engendre la monotonie ; l’auteur s’est fortement inspiré de l'Écriture et les expressions, les réminiscences, les allusions bibliques foisonnent dans ses pages, comme résultat d’une exégèse qui abuse du sens spirituel. La composition en est soignée, lucide, mais souvent artificielle ou recherchée ; la division tripartite des développements rappelle trop l'école. Voir F. Protois, Pierre Lombard, évêque de L96J

l’IKHHK LOMBARD. LES SENTENCES

UIG2

Paris, dit le Malin' des Sentences, Paris, L880, |). 1231 18, où l’on trouvera quelques extraits et analyses ; Hauréau, op. cit., t. iii, p. 19 ; Bourgain, op. cit., p. 16 et 17, et p. 38-40, où il analyse les sermons d’Hildebert, mais sans noter que l'édition imprimée, p. 38, n. 1, en contient beaucoup de Pierre Lombard ; poulie reste, précieux volume, fruit de longues recherches dans Jes manuscrits, pour l’histoire de la prédication ; Lecoy de la Marche, op. cit., ouvrage antérieur aux recherches de 15. Hauréau, ne s’occupe pas de Pierre Lombard ni des manuscrits 18 l ru et 3537, qui l’auraient renseigné sur Pieuvre parénétique du Maître des Sentences ; mais l’ouvrage n’est pas moins utile que le précédent pour situer chaque prédicateur ; ['Histoire littéraire de la France, t. xi, p. 315-355 ; cf. aussi t. xiv, p. 14, donne une longue analyse de ces sermons, dans la noticesur Hildebert de Lavardin ou du Mans, mais la note est trop élogieuse.

Pour la facilité du lecteur qui ne peut avoir accès aux divers ouvrages mentionnés ci-dessus, nous donnons, avec les références à l'édition d’Hildebert par Beaugendre, de 1708, et à l'édition Beaugendre-Bourassé, de 1854, P. L., t. CLXXI, la série des sermons de Pierre Lombard reconstituée par Hauréau et autres. Cette liste a été publiée aussi par les éditeurs de Quaracchi, t. i, p. xxx-xxxiii, mais les deux derniers numéros, p. xxxiii, n. 30 et 31, ne sont que des extraits appartenant aux n. 19 et 20 et ne doivent pas être mentionnés à part :

1. De Adoentu.

A.spiciebtim ego in visione noctis… Cœlestibus Daniel flagrans desideriis, mule ab angelo ejus intelligenlise ministro ; Hauréau, t. i, p. 217 ; Beaugendre, col. 238 ; P. L., col. 370.

2. De Adventu.

Jacob, benediction.es daturus /Mis, prmsciens in spirilu de semine suo nasciturum Muni in quo fierel benediciio ; Hauréau, t. i, p. 218 ; Beaugendre, col. 245 ; P. L., col. 376.

3. De Natali.

Domini est assumptio nostra… Dominas dominantium et rex regum, eui nomen est Omnipotens ; Hauréau, t. r, p. 218 ; Beaugendre, col. 251 ; P. L., col. 381.

4. De S. Stephano. — Auditum qudicium) audivimus a Domino… Sieul non satiatur œulus visu, nec auris auditu, ila née nos satiari possumus ; Hauréau, t. i, p. 218 ; Beaugendre, col. 621 ; P. L., col. 715.

5. De S. Joanne Evangelista. — Secundum dies ligni… His verbis Spiritus Sanctus per Isaiam humilium crigil corda ; Hauréau, t. i, p. 218 ; Beaugendre, col. 630 ; P. L, col. 723.

6. De Circumcisione.

In monte Sion erit salvatio… Suavis et dulcis (mitis) promissionis buccina cordibus fidelium insonuit ; Hauréau, t. i, p. 219 ; Beaugendre, col. 265 ; P. L col. 394.

7. In Epiphania.

Congregabuntur /Mi Juda… Hujus diei solemnitas a prophetis in spiritu pnvvisa ; Hauréau, t. i, p. 219 ; Beaugendre, col. 273 ; P. L., col. 401.

8. De Pwificatione.

Dominus de Sina (Sinai) venit… Amanlissimus Dei famulus Moyses, qui cum Domino de fade (Deo /acte) ad /aciem ; Hauréau, t. i, p. 219 ; Beaugendre col. 511 ; P. L., col. 615.

9. De Septuagesima.

In.Egyptum descendit populus meus. Dolendum (est) primi hominis casum totiusque in eo posteritatis ruinam ; Hauréau, t. i, p. 219 ; Beau « endre col. 766 ; P. L., col. 845.

10. Adduxii me Dominus in montent (terrain Israël, …) …Sicut non satiatur œulus visu, nec auris auditu, sic animas noster ; Hauréau, t. i, p 219 ; Beaugendre, col. 520 ; P. L, col. 623.

11. Egredimini, fM ; e Sion… Qui verba tantiim sectutur, Salomone teste, nihil inveniet… In verbis istis, fralres carissimi, Judmus (videmus [quod]) qui tantum carnalia cogitai ; Hauréau, t. i, p. 220 ; Beaugendre, col. 236 ; P. L col. 368.

12. In prima dominica Quadragesimæ. — Convertere, Israël, ad Dominum… Hoc est cœleste et salubre consilium ; Hauréau, t. i, p. 220 ; Beaugendre, col. 319 ; P. L., col. 443*.

13. Usquequo, piger, dormies ?… Sicut vigilantibus promittitur regnum, ita dormienlibus sapientia ; Hauréau, t. i, p. 220 ; Beaugendre, col. 328 ; P. L., col. 451.

14. Egredere de terra (tua) et de cognatione… Magnum quidem est ac (et) difficile ad quod Dominus nos hortatur ; I fauréau, t. i, p. 220 ; Beaugendre, col. 775 ; P. L., col. 853.

15. Séminale vobis qustifiant) in ver i taie… Quoniam isti (Mi) sont dies (puis observare summa diligenlia debemus ut ad futurum Domini Pascha… periieniamus ; Hauréau, I. I, p. 220 ; Beaugendre, col. 339 ; P. L., col. 156.

16. In Homis palmarum. In Sion levate signum… Verba isla quibus congregari et levure signum advenus leonem ; Hauréau, t. i, p. 221 ; Beaugendre, col. 373 ; /'. /, . col. 491.

17. De Annunliatione. Auditu feci libi nova… Verba sunt ista (ila) Spiritus sancti in visione sancto Isaiæ loquenlis (loqurnli) ; Hauréau, t. i, p. 221 ; Beaugendre, col. 499 ; P. L., COl. 605.

18. De Cuiia. l’onc incnsam, eonlemjilare… Ilujus diei

sacramentum ingenti cordis dévotions æ corporis moderatione esse cetebrundum : Hauréau, t. i, p.221 ; Beaugendre, col. 394 ; P. L., col. 510.

19. In receplione pœnilentiæ. — Convertimini et agite psenitentiam… Attendue, fralres, quant dulci voce, quant paterno affecta revoeal nos puter mitissimus ; Hauréau, t. i, p. 221 ; Beaugendre, col. 410 ; P. L., col. 524.

20. Egredimini, /MaSion… Sieul nemo novil, lestante apostolo, (pue sunt hominis ; Hauréau, t. i, p. 222 ; Beaugendre, col. 220 ; P. L., col. 352.

21. De Paschali lempore, sive unie Passionem. — Statue libi spéculum… Pia et salutaris es/ isla exliortalio ; Hauréau, t. i, p. 222 ; Beaugendre, col. 795 ; P. L., col. 871.

22. In Lœtaniis. — Bonus est Dominus speranlibus… Cum faciem Dei noslri semper guærere debeumus ; Hauréau, t. i, p. 222 ; Beaugendre, col. 458 ; P. L., col. 567.

23. In Parasceve. — Spiritus oris nostri Christus… Hœc sunt verba Jeremiie in Threnis, into Spiritus sancti in propheta loquentis ; Hauréau, t. i, p. 222 ; Beaugendre, col. 712 ; P. L., col. 796.

24. De eodem die. — Si (ego) exallalus fuero a terra (omnia traham)… Humilis et mansuelus David, manu /ortis et aspectu desiderabilis ; Hauréau, t. i, p. 223 ; Beaugendre, col. 589 ; P. L., col. 685.

25. In die Resurrectionis dominica*. — Filius accrescens Jostph… Israël, flliis congregalis benedivens tu novissimis lemporibus fulura prsedicens ; Hauréau, t. i, p. 223 ; Beaugendre, col. 445 ; P. L., col. 556.

26. De Trinitate. — Convertimini, /i/ii, revertentes….Von est lu ::, hominis sed Spiritus sancti eonsilium Haursau, t. i, p. 223 ; Beaugendre, col. 307 ; P. L., col. 432 ; à compléter par la fin qu’a publiée Hauréau dans les Xotices des mss. de la Bibl. nul., t. xxxii b, 1888, p. 121.

27. In Ascensions. — jVoji est vir in domo sua… Optatus nobis, dilectissimi, dominicee Ascensionis dies advenit ; Hauréau, t. i, p. 223 ; inédit.

28. Spiritu sancto Isaias edoctus, in unno, inquit, quo mortuus est rex Osias. Sous le nom de Pierre Lombard dans le Paris, lut. 12 41.5, fol. 52, anonyme dans les lut. 3730, fol. 177, et 16 331, fol. 148 ; dans le lut. 14 867, fol. 122, parmi les écrits d’Hildebert ; authenticité douteuse ; Hauréau, t. ii, p. 80 ; Beaugendre, col. 701 ; P. L., col. 78(5.

29. Quis dabil mihi pennas ?… Videntur luec verbu esse peccaloris qui longius abvolavit in regionem longinquam. Conservé par plusieurs mss. de Paris ou de Rome, dont quelques-uns anonymes. Publié par Hauréau, t. iii, p. 44-49.

17. les iv lihri sextextiaru m. — L'œuvre principale de Pierre Lombard, associée désormais à son nom de Magister Sententiarum, et d’une influence aussi durable que profonde sur le développement de la théologie médiévale et moderne, est le manuel scolaire, divisé en quatre livres, qui a pour titre le Livre des Sentences, ou plus exactement IV libri Sentent/arum. L’importance même du recueil, issu du mouvement théologique de près d’un siècle et décisif pour marquer de son empreinte tout l’enseignement de la théologie ultérieure, exige que l’on examine, avec quelques détails, sa date de composition, les caractéristiques de son élaboration, sa division en livres et en distinctions, son contenu général et ses éditions. Ses sources, ses doctrines, sa place dans le mouvement théologique contemporain, ses luttes, son succès, son influence posthume seront décrites dans le chapitre suivant consacré à l’analyse théologique de l'œuvre de Pierre Lombard ; nous n’envisageons d’abord que les données d’histoire littéraire, comme on l’a fait pour les trois œuvres précédentes. L963

1MKUHK LO.MBA H I). LES SENTENCES, DATE

l ! » ii'

Ia-IIæhile de composition. Il suffira de rappeler

brièvement ce qui a été indiqué plus haut dans la biographie ; l’authenticité e, st hors de toute contestation.

L'œuvre date de la période qui précède l'épiscopal : le plus ancien manuscrit daté que nousen connaissions, celui dé Troyes, n. 900, fol. 220, a été transcrit, d’après l’affirmation du scribe, en 1158 ; voir Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, t.. 1909, p. 721. n. 2. D’autre part, l’on sait que la traduction du De fide orlhodoxa de Jean Damascène, faite sur l’ordre du pape Eugène 1Il par Burgundion de Pise, n’a pu avoir lieu axant 1 1 15-1 146, première année du pontificat de ce pape, et Pierre Lombard qui en extrait une trentaine de citations à peu près, a tellement bien conscience d’introduire une auctoritas toute nouvelle en Occident qu’il éprouve le besoin de la couvrir du patrolage pontifical, 1. 1. dist. X IX. 9, p. 133. Cela fixe donc les deux limites extrêmes entre 11 16 et 1158. Il y a facilement moyen de délimiter davantage ces données chronologiques. La traduction de Burgundio a été achevée, semble-t-il, vers 1148-1150, Mouvement théologique, p. 247, 1'. Fournier. Deux eontroverses sur les origines du Déeret de Gratien, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. iii, 1898, p. 257-258, date qu’assignait déjà la précieuse chronique de Robert du Mont-Saint-Michel, Mon. Germ. hist.. Script., t. vi, p. 501, et Pierre Lombard n’en a pu utiliser que quelques chapitres dans ce que les exemplaires occidentaux appellent plus tard le I. III (division en livres inconnue dans les manuscrits grecs du De fide orthodoxe !). Or, une note due à un disciple du Maître dès la première heure, Pierre de Poitiers sans doute, nous apprend que Pierre Lombard prit contact avec l'œuvre de Jean Damascène pendant son séjour à Rome, et ce séjour, assez bref sans doute, se place dans l’hiver de 1151-1152, à en croire le præsentium latorem, comme on l’a vu plus haut (col. 1947) à propos de la lettre d’Eugène III à l'évêque de Beauvais, datée de Segni, 19 janvier 1152. Voir La carrière de Pierre Lombard, quelques précisions chronologiques, dans la Revue d’hist. ecclés., t. xxvii, 1931, p. 815-819, qui corrige à la suite du P. Pelster, Wann hat Petrus Lombardus die « Libri IV Sententiarum « vollendel ? dans le Gregorianum, t. ii, 1921, p. 387-392, l’ancienne date adoptée dans le Mouvement théologique, p. 127, n. 6, p. 130 et 174, et acceptée par Denifle, Fournier, von Walter, etc. C’est donc à la fin de l’hiver, ou après l’hiver de 1151-1152, que Pierre Lombard achève les / V libri Sententiarum ; l’emploi restreint fait de l'œuvre du Damascène permet de croire qu’après le retour de Rome les Sentences n’ont guère tardé à paraître.

On serait fortement porté à croire que l'élaboration du I. I date d’avant 1148 ; outre le nombre relativement minime de citations de Jean Damascène (8 sur 27), et l’appartenance à ce I. I de la plupart des compléments ou notuliv conservées par les gloses des mss. ( 12 sur 19), dont il va être question, on en a de sérieux indic s dans son insistance presque véhémente contre les « hérétiques » gilbertins, dist. XXXIII et XXXIV. p. 209, 211, 212, 213, 216, et dans sa circonspection, juxla infirmitalis nostrw valitudinem, pour établir un principe reconnu au concile de Reims en 1 148, attitude difficilement explicable après cette date ; voir Schupp. Die Gnadenlehre des Petrus Lombardus, p. 9-10.

2° Rapport chronologique des / V libri Sententiarum s avec d’autres œuvres apparentées. — La date de composition des Sentences est liée de près à la question de l’originalité de Pierre Lombard ou des sources auxquelles il est allé puiser. Cette originalité, entendue dans le sens restreint qui sera exposé plus loin, a été menacée par les déterminations chronologiques divergentes, qui ont été émises à propos de l'œuvre de

Bandinus, de Gratien de Bologne, de Gandulphe et de

la Summa Sententiarum. Il faut rappeler brièvement ces tentatives et souligner leur résultat négatif.

1. Le " Magister Bandinus ». — Le Magister Bandinus était pratiquement un inconnu, lorsque la découverte de sa courte synthèse théologique à l’abbaye de Melk, par Jan Eck, en 1510, lit croire à un plagiai de Pierre Lombard, tant les deux œuvres se ressemblaient, les / V libri Sententiarum ne paraissant être qu’un développement du précédent ; la fameuse question posée par Eck, Quis ex eis ciiciilus fuerit ? était souvent résolue contre le Magister Sententiarum. D’autres mss. furent découverts dans la suite, entre autres par B. Pez, Thésaurus novissimus, t. i, 1721, p. xlv-xlvii ; l’un d’eux portait le titre d' Abbrevialio du Maître des Sentences, ce qui tranchait définitivement le débat en faveur de la priorité lombardienne. En 1834, Rettberg, Goltinger Weihnachtsprogramm, comparatio inter M. Bandini libellum et P. Lombardi I V libros Sententiarum, établissait la même thèse. Voir les hésitations, qui durent encore sans raison au xviiie siècle, dans le Mouvement théologique, p. 191 et notes ; R. Martin, La « Fifta Magistri », un abrégé de Pierre Lombard, dans The bulletin of the John Rylands' library, oct.-déc. 1915, p. 7 du Reprint ; texte de Bandinus, avec le récit de J. Eck, dans l'édition de Chelidonius, reproduite par P. L., t. cxcii, col. 965-1112. cf. col. 970 ; voir Ed. Dhanis, art. Bandinus, dans le Dict. d’hist. et de géogr. ecclés., t. vi, 1931, col. 488-489.

2. Gratien de Bologne.

Par rapport à Gratien de Bologne, au contraire, l'œuvre de Pierre Lombard a failli jouir d’une réputation d’originalité à laquelle elle n’avait pas droit. La thèse de F. von Schulte, énoncée en 1870, rencontraitpas mal d’adhérents ; elle donnait la priorité à Pierre Lombard, auquel revenait par suite la paternité du dossier patristique et des Dicta communs aux deux œuvres. Voir Zur Geschichle der Literatur iïber das Dekret Gratians, dans les.S’17zungsberichte der k.k. Akademie der Wissenschaften. Philos. -histor. Klasse, t. i.xv. Vienne, 1870, p. 53-54. Mais les études de P. Fournier, de Denifle et d’autres, ont rendu à Gratien de Bologne les droits dont il allait indûment être dépouillé et, actuellement, la thèse de Fournier est universellement acceptée par Friedberg, Gaudenzi, Patetta, etc. ; voir Le mouvement théologique, p. 142 et 143, et surtout Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, ses sources, ses copistes, dans la Revue d’hist. ecclés., t. x, 1909, p. 724, n. 2 et 3 ; cf. ici l’article Gratien, t. v, p. 1730.

3. Gandulphe de Bologne. -- Plus dangereuse, à cause de l’extension qu’elle avait sur toute l'œuvre et du patronage de son principal protagoniste, spécialisé dans l’histoire des écrits médiévaux, la concurrence de Gandulphe de Bologne faillit un moment être funeste à la réputation de Pierre Lombard. Mise en avant, en 1885, par le sagace chercheur médiéval qu'était Déni Ile, elle rallia, sans contestation d’abord, à peu près tous les suffrages. Voir Die Sentenzen Abælards und die Bearbeitungen seiner Théologie, dans l’Archiv fur Literatur-und Kirchengeschichle des M. A., t. I, 1885, p. 621 sq. Elle trouvait son appui dans diverses classes de mss. des Sentences qui portaient dans les marges ou dans leur texte glosé l’indication des passages pris par le Magister à Gandulphe. l’ne étude plus minutieuse de l'œuvre de Gandulphe, que n’avait pas pu faire Denifle, permit bientôt de renverser le rapport entre les deux sentenciers. La comparaison d’un certain nombre de chapitres, l’utilisation du Damascène, puis les relations avec l'œuvre de Pierre de Poitiers, aboutirent à fixer définitivement, sans conteste possible. la priorité de Pierre Lombard et son originalité vis à vis de Gandulphe. Voir Le mouvement théologique, 1914, p. 178-211 : Paul von Walter. Die Sentenzen

magistri Gandulphi de Rononia, Vienne, 1924, p. xllvi ; et ici, l’article Gandulphe de Bologne, t. vi, col. 1148-1149. Cette détermination chronologique est désormais unanimement reçue.

4. L’auteur de la < Summa Sententiarum ». — Les rapports entre l’auteur de la Summa Sententiarum et le Magister Sententiarum, ont été l’objet d'études plus serrées et plus nombreuses encore que les questions précédentes et l’on n’est pas encore tombé d’accord sur la solution de chacun des problèmes soulevés. Si la paternité victorine sur cette œuvre était avérée, sa priorité sur les / V libri Sententiarum serait hors de discussion, puisqu’elle remonterait, au plus tard, à 1141, donc une dizaine d’années au moins avant les quatre livres du Lombard. Mais l’authenticité est pour le moins très douteuse, malgré le témoignage favorable de la critique externe. Tout récemment, le P. Chossat, partisan, comme beaucoup d’autres, del’inauthenticité, a fortement et brillamment rompu une lance en faveur de la priorité lombardienne et il datait la Summa Sententiarum de 1155, avec, pour auteur, Hugues de Mortagne. Sa thèse rencontra quelques très chaleureux appuis, entre autres de Gilson, d’Alès, de Moreau, Moé et surtout dom Lottin, La « Summa Sententiarum » est-elle postérieure aux Sentences de Pierre Lombard ? dans la Revue néo-scolastique de philosophie, t. xxviii, p. 284-302, mais aussi, après quelque temps surtout, des adversaires décidés. Voir sur le développement de cette discussion, Un chapitre dans l’histoire de la définition du sacrement au XIIe siècle, dans les Mélanges Mandonnet, t. ii, Paris, 1930, p. 81-82, et Ed. Dhanis, Quelques anciennes formules septénaires des sacrements, dans la Revue d’hisl. ecclés., t. xxvi, 1930, p. 592, n. 1. Les arguments du P. Chossat furent vivement battus en brèche par B. Geyer, en 1926, Yerfasser und A b/assungszeit der sog. Summa Sententiarum, dans la Theol. Quartalschrijt, t. cvii, 1926, p. 89-107 ; aussi, malgré la précieuse contribution qu’apporte l’ouvrage (lu P. Chossat à la connaissance doctrinale du XIIe siècle, il semble bien que les relations chronologiques habituellement admises entre Pierre Lombard et la Summa Sententiarum ne doivent pas être renversées par les arguments qu’il fournit : on ne peut donc faire mérite à Pierre Lombard des initiatives théologiques qu’a eues l’auteur de la Summa Sententiarum, et Pierre Lombard doit être placé, comme par le passé, au nombre des auteurs qui ont le plus utilisé la Summa Sententiarum. Toutes ces déterminations chronologiques, apparemment simples questions d’histoire littéraire, ont leur répercussion dans l’appréciation doctrinale du Magister Sententiarum.

Les Sentences de Robert de Melun, que l’on a parfois regardées comme antérieures à celles de Pierre Lombard, leur sont postérieures et doivent être placées entre 1152 et 1160 ; voir R.-M. Martin, O. P., L'œuvre théologique de Robert de Melun, dans Revue d’hisl. eccl., t. xv, 1914-1920, p. 458-461 et 484-485.

3° Une ou deux éditions des « Sentences » par Pierre Lombard ? — Plusieurs fois, il a été question d’une seconde édition qu’aurait faite Pierre Lombard de son œuvre ; voir Les notes marginales du « Liber Sententiarum », dans la r.evue d’hist. ecclés., t. xiv, 1913, p. 528. La question mérite qu’on s’y arrête un instant, car elle nous permet d'éclairer un peu les modes de composition et d'édition qui avaient cours au xiie siècle.

Prévostin en parlait déjà au début du xme siècle : In prima namque Sententiarum editione dixit : « Similitudo est indifjerens essentia. » In secundo, quasi corrigens dixit : « Similitudo est indifjerentia… ». Summa in I V libros Sententiarum, ms. de la bibl. de l'État, à Vienne, lai. 1501, fol. 2 ; G. Lacombe, La vie et les œuvres de Prévostin, dans la Bibl. thomiste, t. xi,

Paris, 1927, p. 160, n. 2, est beaucoup plus affirmatif que les éditeurs de Quaracchi pour conserver toute sa valeur à ce témoignage. Trente ou quarante ans après Prévostin, Alexandre de Halès en disait autant, Summa theoloijica, t. i, Cologne, 1622, p. 271, ou Quaracchi, t. i, 1924, p. 558 ; voir aussi S. lionavenlune opéra omnia, t. i, Quaracchi, 1885, p. 529, n. 3. Quelques notes marginales, dans les nombreux exemplaires glosés des Sentences, font également remarquer les divergences entre les textes : Quidam libri habent hic… antiqui libri habent hic… ; de même, des notes interlinéaires intercalent des mots à ajouter ou à substituer à d’autres, en les accompagnant de l’inscription alias, comme le fait souvent un ms. de l’abbaye de Saint-Pierre à Salzbourg. On a remarqué aussi que beaucoup de mss. contiennent des Notulæ, c’est-à-dire des auctoritales additionnelles, mais distinctes du texte courant et placées par le scribe soit dans la marge soit dans une troisième colonne ; on peut en voir des exemples dans l'édition de Quaracchi, p. 281, n. g, p. 493, n. d, p. 966, n. a ; même la plus ancienne copie, faite du vivant de Pierre Lombard, le manuscrit i)00 de Troyes, contient une vingtaine de ces notulæ, édit. Quaracchi, I. I, p. 21, 22, 53, 69, 112, 194, 194-195 (2 not.), 198, 201, 202, 235 ; t. II, p. 491 ; t. III, p. 620, 661, 675-676 ; t. IV, p. 786 et 817 (2 not.), dont quelques-unes, celles de t. I, dist. XXXI, 2, p. 194-195, à propos de la pensée de saint Hilaire, ont souvent attiré l’attention des anciens commentateurs. Voir sur ces notulæ éd. Quaracchi, 1. 1, p. xliv-xlv, et Landgraf, Notes de critique textuelle sur les « Sentences » de Pierre Lombard, dans les Recherches de théol. anc. et méd., t. ii, 1930, p. 89-96, du menu, La carrière de Pierre Lombard, ibid., p. 819-820. Enfin, la glose d’un ms. de Bamberg, Patr. 128, due vraisemblablement à Pierre de Poitiers et rédigée au plus tard vingt ans après les Libri Sententiarum, article cité de Landgraf, note de Lottin, p. 82, contient un bon nombre de ces notulæ, en attribue trois à Pierre Lombard lui-même et pour plusieurs, avec ou sans le nom de l’auteur, ajoute qu’elles furent écrites post libri editionem, fol. 30, 37, 41, 43. On en trouve du même genre et d’autres aussi sous la forme de notes explicatives, dans une glose sur le 1. IV contenue dans le même ms. de Bamberg, fol. 2-26, et qui semble remonter à 1160-1170. Landgraf, Problèmes relatifs aux premières gloses des * Sentences », même revue, t. iii, 1931, p. 141-147.

Ces notulæ, ces glossæ volatiles, gloses diverses marginales, examinées par Landgraf, art. cit., p. 87-89, et nous-même, Les notes marginales, dans Rev. d hist. eccl., t. xiv, p. 527-529, ainsi que la remarque de Prévostin et d’Alexandre de Halès paraissent d’abor.l légitimer l’hypothèse d’une édition nouvelle faite de son œuvre par l’auteur lui-même. En fait, cependant, l’hypothèse ne semble pas sérieusement appuyée. La leçon alléguée comme correction par Prévostin et Alexandre n’est corroborée par aucun témoin ancien du texte et par très peu d’autres, voir éd. Quaracchi, p. xlv ; quant aux notes marginales, notulæ et autres, il est difficile d’en fixer la provenance : viennent-elles vraiment de Pierre Lombard ? une addition d’un ancien ms. le nie carrément pour l’une d’elles, éd. Quaracchi, p. 53 K, pour d’autres, l’origine lombardienne est manifestement confirmée par la glose de Bamberg, Landgraf, art. cité, p. 88. Les éditeurs de saint Bonaventure, op. cit., t. i, p. 530, n. 1, s’appuyaient sur ces notes pour admettre l’existence d’une 2e édition ; trente ans plus tard, les éditeurs de Pierre Lombard se montrent beaucoup plus réservés et les divergences -profondes entre les anciennes copies, qui omettent ou ajoutent aux notulæ attestées par le ms. de Troyes <J00, leur donnent parfaitement raison. Il faudrait une étude méthodique complète de ces indices pour déterminer ce un ;  ;

    1. PIERHK LOMBARD##


PIERHK LOMBARD. LES SENTENCES, DIVISION

IDliS

qu’on peut en conclure. Que Pierre Lombard ait par-ci par-là remanié quelque détail de son texte au cours de i-on enseignement, rien ne s’y oppose, sans que pour cela il faille recourir au moyen d’une nouvelle édition, et les expressions rencontrées dans telle noiula, comme p. t)7ô, éd. Quaracchi, chez le glossatcur de bamberg, surtout, quand il dit : Magister qui in prima traditione Sententiarum tradidit… Sed postea hoc correxit et quod secundo traditum est est tutius dictum, ibid., fol. 34, art. cit., p. 92, ou chez l’anonyme de Paris, bibl. nat., tat. 14 423, fol. 81 r° : Istud magister post compositas Sententias apposuit, Landgraf, art. cit., p. 89, ou Magister posuit quæ ipse cum prinium legcret Sententias asseruit sed… cum setundo eadem legeret, improbavit, ibid., fol. 88 v°, ibid., p. 93, ou bien encore : hanc enim ( glossam volatilem) et quam plures alias apposuit magister in marginibus post libri ediiionem, ibid., p. 88, permettent, semble-t-il, d’entendre dans le sens de remaniements secondaires ajoutés par écrit ou proférés de vive voix, au cours, ce qu’on pourrait en arguer pour une 2e édition. Qu’il ait fait ces remaniements à la suite de discussions contradictoires dans des exposés publics, cela n’est nullement impossible. Récemment, Landgraf a cru pouvoir signaler quelques allusions à des qua’sliones ou disputationes, art. cit., p. 96-98, et nous savons par Jean de Cornouailles que lui-même, que Maurice de Sully, que Robert de Melun, dont il était le disciple, s’en prenaient en public à l’enseignement du Magister Sententiarum, Eulogium ad papam Alexandrum 111, c. iv, P. L., t. cxcix, col. 1055 A ; mais l’on est trop peu renseigné, au stade actuel des recherches, pour sortir d’une sage réserve au sujet de ces disputationes, dont il a déjà été question à propos des Clossæ in S. Pauli epistolas, et rien ne semble pouvoir en être tiré en faveur d’une nouvelle édition des Sentences.

4° Division du contenu en livres, en distinctions, en chapitres. — Les divisions que présentent les éditions actuelles des 1 V libri Sententiarum ne sont pas dues toutes à Pierre Lombard.

La division en quatre livres émane de l’auteur luimême : nous en avons pour preuve sa propre affirmation : volumen… compegimus… in IV libris distinctum, contenue dans son prologue, t. i, p. 3, qu’il a composé après la rédaction de son livre : compegimus, in laborc multo ac sudore, præmisimus, ibid., p. 3.

Un sectionnement ultérieur a été e"ectué par l’auteur, mais ce n'était pas celui de la division des livres en distinctions : primitivement, chaque livre se subdivisait uniquement en un certain nombre de capitula. Les témoins primitifs du texte, comme le ms. 900 de Troyes, qui date de 1158, celui de Bruges 184, donné par un doyen de bruges, Hugues l’Ours (ou De béer ?) avant 1194, celui de Florence, Conv. ri, 28, de la fin du xiie siècle, ne connaissent pas ces distinctions ; elles sont ajoutées dans un certain nombre de mss., même anciens, par une main postérieure. Le témoignage du De vera pliilosophia va dans le même sens : son auteur ne fait pas ses citations d’après les distinctions, mais d’après les capitula. L’on ne peut donc dire avec Protois, Pierre Lombard, p. 100, ni avec G. Annat, Pierre Lombard et ses sources patristiques, dans le Luit, de litl. ecclés., de Toulouse, 1906, p. 89, que les chapitres sont appelés distinctions par P. Lombard.

Le nombre des distinctions, dues aux scribes ou mieux à des reviseurs ou commentateurs, durant le cours du xiii c siècle et sans nul doute dès la première moitié du siècle, est identique dans les diverses familles d’exemplaires : il y en a 48 pour le 1. I ; 44 pour le 1. 1 1 ; 40 pour le 1. 111 ; 50 pour le 1. IV. Mais il n’y a pas accord tout à fait parfait pour le commencement de chaque distinction et le sectionnement même n’a pas toujours été heureux. Déjà saint bonaventure faisait

la remarque que la dist. XXVII du 1. II aurait dû commencer un peu plus haut. L. II, dist. XXVII, divisio textus, dans Opéra omnia, édit. Quaracchi, t. ii, p. 650 et 652. Saint Thomas, Opéra, édit. Parme, t. vi, p. 628, la commence comme saint bonaventure, c’est-à-dire quatre capitula plus haut que dans le texte du Lombard. Mais Richard de Médiavilla, édit. brescia, t. i, 1591, p. 544 et 546, et Albert le Grand, Opéra, t. xv, Lyon, 1651, p. 261, reprennent la division primitive, aux mots Hic videndum, et non pas à Hic considerandum est. Un autre exemple nous est fourni à la dist. XV du même 1. II : Albert le Grand, Opéra, tome cité, p. 150 et 153, qui restait lidèle à la division du Lombard pour la dist. XXV II, ibid., p. 261, et saint Thomas, Opéra, t. vi, p. 511, la commencent avec les œuvres du quatrième jour, tandis que le texte du Lombard la commençait au cinquième jour, édit. Quaracchi, t. i, p. 374 ; ce que fait aussi Richard de Méd.avilla, op. cit., t. ii, p. 192, et, avant lui, saint bonaventure, op. cit., t. ii, p. 370. Pour la dist. XXVII, le texte de Quaracchi, t. i, p. 444, la fait commencer aux mots Hic considerandum est, comme l’exige la suite logique des idées, conformément à la remarque de bonaventure. Il n’y a pas lieu d’allonger la liste de ces exemples ni de s’attarder à l’examen des gloses les plus anciennes, celles de bamberg, par exemple, qui donnerait lieu à plus d’une remarque intéressante. Il semble toutefois que les commentateurs, ou les reviseurs, auteurs de ce sectionnement en distinctiones, aient été habituellement d’accord pour faire commencer les distinctions aux mêmes endroits.

Le mot lui-même de distinctiones, qui a eu une si grande fortune dans la suite, n’a nullement le sens qu'évoquerait de prime abord, dans nos esprits, le lien étroit qui l’unit à la disputatio et aux discussions syllogistiques et quodlibétales. Primitivement, il ne désigne pas une différenciation de sens ou de nuance dans l’idée contenue dans un texte, mais une simple division dans le contenu matériel d’un ouvrage. Ce sens de « division », que lui donnent les anciens vocabulaires alphabétiques, comme celui de la bibl. de Mayence, Carthause 248, p. 34, peut s’entendre de façon très diverse, depuis le sens de livres, chapitres, paragraphes, jusqu'à celui de pause dans la lecture ; pour Hugues de Saint-Victor, par exemple, l’ensemble des livres des rois est compris en quatre livres ou « distinctions » : « Liber regum apud nos quatuor distinctionibus clauditur, quarum duæ priores apud Hebrseos liber Samuelis dicuntur », Adnotationes elucidatoriæ in libros regum, P. L., t. clxxv, col. 95 D, tandis que, pour Yves de Chartres, Serm., ii, De excellentia sacrorum ordinum, P. L., t. clxii, col. 5V4 D, la « distinction » est, dans la lecture de l’office liturgique, une pause qui doit se mesurer d’après la ponctuation ; ce dernier sens est aussi le seul que donne Du Cange, Glossarium, t. ii, Paris, édit. Didot, 1842, p. 887, qui lui donne comme synonyme le mot incisio, ibid., t. iii, p. 795, destiné à une fortune moins brillante et moins prolongée. Plus tard, les Distinctiones theologicæ, les Distinctiones auctoritatum per modum alphabeti, les Distinctiones super libros Decrelalium, les Distinctiones alphabeticæ, les Distinctiones secundum ordinem alphabeti, sous forme de postilles, de dictionnaires mêmes, de courts commentaires, de développements exégétiques ou parénétiques, abondent dans les mss.

Par contre, si ces distinctiones ne proviennent pas du Maître, les capitula ont été introduits par Pierre Lombard lui-même. Mais, ici encore, le lecteur des Sentences se heurte à des anomalies. D’abord, les capitula, dont la liste est fournie par l’auteur aussitôt après son prologue : titulos quibus singutorum librorum capitula distinguuntur præmisimus, t. i, p. 3, fin du prologue, ne sont nullement des chapitres, logiquement secM

tionnés et hiérarchisés, niais des membres ou parties de l’exposé, parfois très courts, contenant un argument,

une objection, une citation, etc. Os capitula sont, dans quelques anciens manuscrits, au nombre de 207 pour le 1. I ; 266 pour le 1. Il ; 161 pour le 1. 1Il et 27<S pour le I. IV. Un certain groupe des mss. anciens répètent dans la marge, vis-à-vis du texte, le numéro d’ordre des capitula.

Une autre anomalie est due à l’omission des capitula dans le corps même de l’ouvragé. On aurait pu croire que Pierre Lombard en aurait pris la nomenclature pour guide de ses divisions ultérieures, il n’en est rien. Mais, à en juger par les remaniements que les scribes ont fait subir aux titres de ces capitula, dans le cours même des chapitres, il semble bien que Pierre Lombard ait divisé son texte sans plus tenir compte de sa liste primordiale. Les. scribes, ou le reviseur éventuel, qui aurait ultérieurement orienté leur travail, ne se sont pas fait scrupule d’introduire d’autres subdivisions ou de les multiplier à plaisir, ce qu’ils eussent évité si Pierre Lombard leur eût servi, dans son texte même, les divisions libellées d’après son prologue. L’accord, ici de nouveau, est remarquable entre les scribes, ce qui soulève plus d’un problème de critique textuelle sur lequel l’on ne peut insister en cet endroit. Ainsi, comme le font remarquer les éditeurs de Quaracchi, t. i, p. xlii, dès la I re dist. du t. I, on constate que la liste du prologue contient trois capitula seulement, tandis que les éditions, autres que celles de Quaracchi, et les mss. en présentent jusqu'à huit. L'édition de Quaracchi des œuvres de saint Honaventure sectionnait le texte lombardien à l’aide des titres fournis pour la liste du prologue ; l'édition de 1916 a préféré, pour la clarté et la suite logique des idées, grouper plusieurs capitula en un seul. On ne peut que l’en louer ; l’antique sectionnement, qui tronquait parfois le développement, n'était pas toujours bien inspiré ; la liste de ces modifications est fournie au t. i, p. xlii, n. 3.

Contenu détaille des quatre Hures.

D’une façon

générale, Pierre Lombard a divisé tout l’ensemble de la théologie en quelques grands traités que, dans la langue de la théologie actuelle, on dénommerait comme suit et que nous répartissons, pour la facilité du lecteur, d’après le classement universellement reçu, en distinctions :

Livre I, en 48 distinctions. — De Deo Trino et Uno : la Trinité, dist. I-XXXIV ; attributs de la divinité et action ad extra, avec prescience, puissance et volonté, dist. XXXV-fin.

Livre II, en 44 distinctions. — De Deo créante, de yratia, de peccato originali, de peccalo actuali : fin de la création, l’angélologie, dist. I-XI ; l'œuvre des six jours, dist. XII-XVI ; l’anthropologie, dist. XVIIXXI II ; la grâce, dist. XXIV-XXIX ; le péché originel et actuel, dist. XXX-fin.

Livre 111, en 40 distinctions. — De Verbo incarnato et de Christo redemptore, De virtutibus, De decem mandalis : incarnation et christologie, dist. I-XVII ; rédemption, dist. XVIII-XXII ; vertus théologales et dons du Saint-Esprit, dist. XXIII-XXXVI ; commandements, dist. XXXVII-fin.

Livre 1 V, en 50 distinctions. — De sacramentis in génère, De sei>lem sacramentis in sj>ecie, De novissimis : sacrements en général, dist. I ; baptême ; dist. II-VI ; confirmation, dist. VII ; eucharistie, dist. VIII-XIII ; pénitence, dist. XIII-XXII ; extrême-onction, dist. XXIII ; ordre, dist. XXIV-XXV ; mariage, dist. XXVI-XLII ; fins dernières, dist. XLIII-fln.

Le Ie ' livre, après le chapitre d’introduction sur les res et signa décrit ci-dessous, t. I, dist. I, a donc comme objet le De mysterio Trinitatis ou le Deinexplicabili mysterio summir Trinitatis ou le Mysterium divinae Unitatis atque Trinitatis, comme il est dit dans les pro logues des I. 1 1 et 1 1 1. p. : ?d< ; et 550, et consacre à cette matière 47 distinctions. L’ordre suivi est assez simple dans ses grandes lignes, mais beaucoup moins satisfaisant dans le détail des ramifications. Après une saine déclaration de principes et de méthode, empruntée < saint Augustin. I. I, dist. ii, c. 3. p. 22, sur la place de la révélation biblique et fie la raison humaine dans l’exposé de la doctrine trinitaire, la dist. II donne les appuis bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament en faveur de la Trinité, puis la dist. III passe a la connaissance de la Trinité par les vestiges des créa tures ; la personne du l'ère lait alors l’objet de la dist. IV, celle du Fils, des distinctions V a IX, avec la grosse question de la simplicité divine, fort bien libellée dans la dist. IX ; la personne du Saint-Esprit est étudiée dans les dist. X-XVIII.

Les seize distinctions suivantes, XIX-XXX1Y. prennent pour matière les trois personnes en général, surtout les questions de terminologie trinitaire, sans se défendre toutefois de quelques digressions sur le terrain des attributs souvent appelés relatifs, comme dans les dist. XIX, XXII, c. 2, et XXX, c. 1 ; l’auteur le reconnaît lui-même dans son préambule de la dist. XXXV : cum supra disseruerimus ac plura dixerimus de lus quiv communiler secundum substanliam de Deo dicuntur. Ibid., p. 220. Dans les quatorze dernières, dist. XXXV-XLVIII. viennent les attributs divins et l’action divine ad extra, « eorum tamen qiwdum specialem eflagitant tractalum » : science, prescience, providence et prédestination, volonté et puissance. Ibid., p. 220. Comme on le voit, il est plus d’une question relative à l'être divin, dont le Lombard ne s’est pas occupé ou dont il ne s’est occupé qu’incidemment, et le classement logique, malgré l’usage qu’il fait de la dialectique, aurait pu avantageusement être amélioré.

Le livre II, qui a pour titre De rerum creatione et formalione corporalium et spiritualium et aliis » luribus eo perlinentibus, ibid., p. 306, traite de la création en général, dist. I, puis de la création des anges et de l’angélologie, dist. II-XI ; l’hexaméron prend les quatre dist. suivantes, de XII à XX' ; puis vient le premier homme, dans les dist. XVI-XX, et la chute, dist. XXI-XXIII ; la grâce et la liberté, avant et après la chute, la grâce opérante, coopérante, prévenante, et le pélagianisme occupent les dist. XXI'-XXTII, le péché originel, chez Adam et ses descendants, les dist. XXIX-XXXIII, tandis que les onze dernières dist., de la XXXIXe à la XLIVe, sont consacrées au péché actuel en général ou en particulier, avec l'étude de l’intention de la volonté dans ses actes.

Avec le IIIe livre, De incarnatione Verbi et humani generis reparatione, nous avons toute la doctrine de l’incarnation et de la rédemption, qui prend les 22 premières distinctions. L’incarnation, avec le mode d’union, dist. X et VII, la naissance et l’adoration de l’humanité du Christ, dist. X’III et IX, les questions dialectiquement fort débattues alors du nihilisme christologique. An Clirisius secundum quod homo sit aliquid, et de l’adoptianisme, dist. X-XII, et celle de la science du Christ, dist. XIII-XIX*, s'étend jusqu'à la dist. XX' II. Puis, commence l’exposé de la rédemption, qui remplit les dist. XVIII-XXII, avec la grosse question ardemment discutée alors de l’union de la divinité du X’erbe avec le corps durant le séjour au tombeau, dist. XXI. A ce traité de l’incarnation se rattache celui des vertus théologales, qui prend les dist. XXIIIXXXII, et celui des vertus morales, des dons du Saint-Esprit et de leur connexion, dist. XXXIIIXXXVI. Mais la place que Pierre Lombard assigne à ces traités est introduite par une transition assez curieuse : à propos du chapitre sur la grâce du Christ, dist. XIII, l’auteur revient sur ses pas et se demande si le Christ avait la foi et l’espérance comme la charité,

car, sans cela, il n’aurait pas eu la plénitude de grâce ; il saisit cette occasion pour développer tout le traité des vertus théologales et morales. Le traité De mandatis. dist. XXXYII-XL, vient ensuite, rattaché par une transition des plus simples, sed jam distributio decalogi consideranda, ibid., p. 715. à l’amour de Dieu et du prochain, fin de la dist. XXXVI et début de la suivante ; le mensonge et le jurement y sont spécialement développés, dist. XXXY1Il et XXX IX ; le traité se termine par la supériorité de l'Évangile sur la Loi, dist. XL.

Le livre IV. — Les sacrements, déjà annoncés dans le prologue du 1. III comme alligamenta, et dans le c. 3 de sa dernière distinction, ibid., p. 550 et 734, occupent la grande partie du t. IV, qui s’ouvre par un rappel du principe de division des res et des signa, depuis longtemps oublié. La dist. I traite de quelques questions des sacrements en général et des sacrements de l’ancienne Loi : les cinq suivantes, II-YI, sont consacrées au baptême, la " I Ie à la confirmation ; l’eucharistie prend les dist. VIII-XIII, la pénitence les neuf suivantes. XIY-XXII, l’extrème-onction, la XXIIIe. Le traité de l’eucharistie et celui de l’ordre qui occupent les dist. XXIY-XXY, donnent une attention spéciale aux problèmes débattus durant la polémique théologique des investitures à propos des messes des hérétiques et des excommuniés, dist. XIII, où vient la question de l’essence de l’hérétique, à propos aussi des ordinations faites par des hérétiques et des simoniaques, dist. XXY ; dans le traité de la pénitence, il faut signaler le rôle de la contrition, dist. XVII, celui de l’absolution, dist. XVIII, et la question de la reviviscence des péchés pardonnes, dist. XXII ; pour l’extrème-onction, celle de sa réitération, dist. XXIII. Le traité du mariage, auquel sont dévolues 17 dist., XXYI-XLII, attire l’attention, entre autres par sa théorie consensuelle du mariage, dist. XXY II, XXYIII et XXX. et par la partie extraordinairement développée des empêchements canoniques, dist. XXIXXLII, avec quelques autres questions entremêlées : l’indissolubilité, les biens, l’usage, l’unité du mariage, dist. XXXI-XXXIII. Pour finir, le traité des fins dernières, rattaché sans lien logique explicite à ce qui précède, postremo de conditione resurrectionis… disserendum est, ibid., p. 994, donne deux distinctions à la résurrection des corps, dist. XLIII et XLIY, une au purgatoire et aux suffrages pour les âmes y détenues et une à l’enfer, dist. XLV et XLY1 ; le jugement dernier prend deux distinctions ; enfin l'éternité, au ciel ou en enfer, fait l’objet des deux dist. XLIX-L, et l’ouvrage se termine par une allusion à un texte d’Isaïe vi, 1, ibid., p. 1058, qui rappelle allégoriquement, plutôt que clairement, toute la matière traitée dans les quatre livres des Sentences.

Éditions des IV libri Sententiarum.

Les exemplaires de l’ouvrage principal de Pierre Lombard se

multiplièrent dès le xiie siècle, et surtout au xme, dans une proportion qui n’est dépassée que pour les textes de la bible..Nous nous contentons ici de quelques renseignements statistiques, les mêmes données devant être utilisées plus loin avec beaucoup d’autres, qui concernent davantage le succès et l’influence théologique des / V libri Sententiarum.

Il n’est pas de bibliothèque médiévale de clercs ou de moines, peut-on dire, qui n’ait au moins un exemplaire du Livre des Sentences et les dépôts actuels accusent la même abondance : la Bibliothèque nationale, à Paris, en possède plus de 50 exemplaires, lai. 2014-2027, 2027 a, 2027 b, 3028-3032, 3403-3405,

16 321-15 325, 15 701-15 728, 1(1274-16 378, 17 464 17 466 ; celle de Reims en a cinq : 460-464 ; celle de Troyes, dix : / ;  ;, 286, 304, L’M, 588, 899, 900, 1182, 1712, 2264 ; la bibliothèque Mazarine, une douzaine,

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

n. 755-767 ; celle de Vienne, bibliothèque de l'État, une quinzaine, n. 1283, 1204, 1381, 1383, 1402, 1415, 1436, 14 10, 1469, 1525, 1627, etc. ; celle de Bamberg en a huit, 118-125 ; e fonds Vatican à la bibliothèque Vaticane, à peu près vingt, Vat. lat. 679-605 ; celui de la Bibliothèque royale, de Bruxelles, plus de dix : 1525-1544 et 1546, etc. Ces indications suffisent pour donner une idée de la diffusion de l’ouvrage.

On peut en dire équivalemment autant des éditions. Les recherches anciennes sur l’histoire de l’imprimerie aboutissaient déjà à fixer une liste d’une vingtaine d’incunables. Une aimable communication de la direction du Gesamtkatalog der Wiegendrucke, due à l’obligeante intervention de M. von Bath, bibliothécaire en chef de l’université de Bonn, nous permet de rectifier et de préciser les anciennes listes des bibliographes d’après le relevé de visu des exemplaires originaux : Strasbourg (Eggestein), vers 1471 ; Venise (Wendelin de Spire), 1477 ; Xuremberg CKoberger), 1481 ; Cologne (H. Quentell), 1484 ; Bàle, 1486 ; Venise, 1486 ; Bàle, s. d. ; Strasbourg, s. d. ; en outre, avec le commentaire de saint Bonaventure, Nuremberg, 1491 ; Fribourg-enBrisgau, vers 1493 ; Nuremberg, 1500, et avec les Conclusiones de Henri de Gorcum (Gorichem), Bàle, 1486, 1487 et 1488 ; Venise, 1489 ; Bàle, 1492 et 1498 ; Lyon, 1499 ; Fribourg, s. d. Ajoutons-y une espèce de résumé, intitulé Thésaurus Sententiarum et publié à Spire par Pierre Drach, en 1495. Il n’y a pas eu d'édition complète des trois œuvres, Gloses et Sentences, comme l’affirment quelques bibliographes ou historiens. Voir aussi les anciennes listes de Maittaire, Annales lypographici, t. v, part. 2, Londres, 1741, p. 25, et M. Denis, Annalium tijpographicorum supplementum. Vienne, 1789, n. 996, 1698, 2003, 5298 et 5299, p. 136, 217, 251, etc. ; Hain, Repertorium, n. 10 183-10 200 ; W.-'A. Copinger, Supplément to Hain’s Repertorium, part. II, Londres, 1898, n. 3655.

Après l’année 1500, les éditions se succèdent non moins nombreuses. Citons, Bàle, 1502 et 1507, 1510 et 1516 ; Venise, 1507 ; Paris, 1514 et 1536 ; Cracovie, 1519 ; voir Panzer, Annales lypographici adannum MD, t. ii, Nuremberg, 1802, p. 467. Mais cette liste de Panzer est loin d'être complète, même pour l'époque antérieure à 1550. Il faut mentionner en outre au moins huit éditions à Louvain entre 1546 et 1574 ; quatre à Cologne entre 1509 et 1604 ; deux de Venise, en 1563 et 1584 ; six à Lyon en 1525 et 1528, avec réimpressions en 1581, 1593, 1594 et 1618. Mais c’est Paris qui figure en tête de liste, avec une trentaine d'éditions non énumérées ci-dessus et qui s'échelonnent entre 1516 et 1574 ; mentionnons celle de Josse Bade d’Assche, en 1535, et celle de 1542T, avec les corrections de Jean Aleaume, dont une réimpression d’Anvers de 1757 a été reproduite par Migne, P. L., t. cxcii, col. 519-964 ; voir l’Histoire littéraire de la France, t. xii, p. 607-609. Le mérite critique de ces éditions n'était malheureusement pas en rapport avec leur nombre et leur fréquence, qui attestaient la grande vogue de l’ouvrage.

Parmi les plus vieux mss., il faut faire une place à part à celui de Troyes, 900, qui appartenait à Clairvaux et qui porte sa date ; le scribe qui l’a transcrit en 1158 nous a transmis son nom, Michel d’Irlande, voir Catalogues des manuscrits des bibliothèques des départements, série in-4o, t. ii, bibliothèque de Troyes, Paris, 1855, p. 373-374 ; et Le traite de Pierre Lombard sur les sept ordres, art. de la Revue d’histoire ecclésiastique, t. x, 1909, p. 721, n. 2 ; un autre ms. de l’ancienne abbaye des Dunes, actuellement à I linges, bibliothèque de la ville, n. 184, avait été donné par son premier possesseur à celle abbaye, avant 1194. Les témoins du XIIe siècle, sans être tous datés avec cette précision, ne manquent pas ; mentionnons, entre

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autres, un ancien ms. de Tegernsee, Munich, lut. 18 10'.) qui remonte au milieu du xiie siècle. Gregorianum, t. ii, 1921, p. 445. Mais la rapide transcription de l’ouvrage et la multiplication des copies ne favorisait pas la correction des exemplaires. Les premiers imprimés s’en ressentent évidemment. Comme exemple de corruption textuelle, nous nous contentons de rappeler ici l’interpolation d’une note primitivement marginale qui se rencontre dans le traité de la pénitence (t. IV, dist. XXI 1, c. 3) : « (Quidam dicunt) ut Gandulphus », et que perpétue l'édition d’Aleaume, Paris, 1542, etc. ; Louvain, 154(i, etc. ; reprise par celle d’Anvers, 1757, et, à sa suite, par celle de Migne, toc. cit., col. 898 ; voir l'édit. Quaracchi, p. 888. Cette interpolation, qui, longtemps, n’avait pas été remarquée, aurait donné raison à ceux qui voulaient placer chronologiquement Gandulphe de Bologne avant Pierre Lombard, comme le P. Déni fie et beaucoup d’autres à sa suite ; cf. Les notes marginales du Liber Sententiurum, dans la Revue d’hist. eeclés., t. xiv, 1913, p. 518, 521-523, etc. ; voir plus haut la question de l’originalité des Libri Sententiarum.

La grande édition de saint Bonaventure, S. Bonaventuræ opéra omnia, Quaracchi près Florence, 18821889, Coiwnentaria in IV Libros Sententiurum, 4 vol., amena les franciscains de Quaracchi à éditer critiquement le texte de Pierre Lombard qu’avait commenté saint Bonaventure ; le travail se compliquait d’une difficulté nouvelle, car, au moment où saint Bonaventure composait son commentaire, c’est-à-dire vers 1248, il s'était écoulé près d’un siècle depuis l’achèvement des Libri Sententiarum et, dans l’intervalle, les variantes avaient altéré la teneur primitive du texte. Les éditeurs franciscains procédèrent avec prudence et sagacité et nous fournirent un texte notablement amélioré, qui, pendant trente ans, demeura le seul texte critique connu. L’indication des sources et l’identification des modèles textuellement utilisés, sans le dire, par Pierre Lombard, était faite avec une précision et une sûreté qui décuplait la valeur de l'édition.

En 1916, revenant à l’idée primitive du P. Fidèle de Fanna, l’initiateur et le promoteur de leurs belles entreprises d'éditions, les franciscains de Quaracchi se décidèrent à donner isolément l'édition critique à laquelle ils avaient partiellement renoncé en 1882 ; voir les prolégomènes de la grande édition de saint Bonaventure, t. i, p. lxxxii i.xxxiii ; elle a paru durant la guerre : Pétri Lombardi I V libri Sententiarum studio et cura PP. collegii S. Bonaventura' in lucem editi, 2 vol. à pagination continue, in-8°, Quaracchi, 1916, lxxx-1057 pages ; voir p. lxiii sq.

Cette édition, basée sur un bon choix de mss. — auxquels on aurait pu ajouter ceux de Munich, lut. 18 109 et 4522 (c'était pendant la guerre) — a tenu compte d’un certain nombre de témoins plus anciens que ceux qui avaient servi à l'édition de Bonaventure ; celle-ci n’avait aucun ms. du xiie siècle. Elle n’a plus donné de place aux variantes des anciennes éditions souvent arbitraires ; elle a perfectionné encore l’identification des sources et des plagiats, et n’a pas hésité à introduire, en petit texte, un certain nombre des notulæ et des nolæ volatiles, additions de témoignages patristiques, dues peut-être à une revision de son œuvre par l’auteur lui-même, ibid., p. xliii-xliv : voir plus loin à propos des Dubia vel spuria. La grande réserve qu’elle a mise à n’en admettre qu’une petite vingtaine, mérite sans doute approbation ; mais les recherches effectuées depuis une dizaine d’années sur les anciens mss. de Pierre Lombard et surtout sur les gloses primitives qui expliquaient son texte ont révélé l’existence d’un certain nombre de notulæ, qui se présentent avec des titres, semble-t-il, non moins légitimes ; la question, 'toutefois, n’est pas définitivement résolue ; voir Land gi al, Notes de critique textuelle sur les Sentences » de Pierre Lombard, dans les Recherches de théol. anc. et méd., t. m. L930, p. 89-99. Les études sur les écrits de la première génération qui suit Pierre Lombard et sur les habitudes du milieu du xiie siècle en matière d’enseignement et d'édition de texte, donneront sans doute un peu plus de lumière sur ces énigmatiques énoncés.

On peut consulter sur cette précieuse édition les appréciations de.1. Cavallera, Et. Martin, A. Ivars et J. Pelster, respectivement dans le Bulletin de lill. eeclés., Ve série, t. ix, 1918, p. 151-154, dans la Revue d’hist. eeclés., t. xix, l'.)2.J, p. 73-74, dans VArchivo ibero-americano, t. xvii, 1922, p. 2 : > !)-2< ; 2, et dans le Gregorianum, t. ii, 1921, p. 443. L'édition du texte est précédée d’une fort bonne notice biographique et bibliographique sur la vie, l'œuvre, les luttes et le succès de Pierre Lombard (p. v-lxii). Les titres des questions qui, très tôt déjà, après la mort de Pierre Lombard, coupaient le texte en un certain nombre de sections, mais n'étaient nullement identiques à la liste initiale des capitula, n’ont pas été maintenus ; on aurait pu les reproduire entre crochets à cause de leur utilité et de leur ancienneté ; voir Pelster, art. cit. du Gregorianum, t. ii, 1921, p. 443.

V. ŒUVRES DOUTEUSES OU 1 XAITHEXTIQUES. — On peut diviser en deux catégories les œuvres douteuses attribuées à Pierre Lombard : la première comprend des œuvres à titre bien précis, imprimées ou inédites, et dont on rencontre la nomenclature plus ou moins complète, depuis deux siècles ou davantage, chez la plupart des bibliographes et des historiens de la littérature. La seconde est composée d'œuvres que récemment on a cru pouvoir attribuer à Pierre Lombard et dont la nature ou le contenu échappe plus d’une fois encore à une détermination précise.

Première catégorie.

Il faut citer : 1. L' Apologia,

prétendument trouvée par Leland dans un manuscrit anglais, Commentarii de scriptoribus britannicis, t. i, Oxford, 1709, c. ce, p. 227. Leland, que suit l’Hist. litt. de la France, t.xii, p. 603, voulait y voir la réponse faite par Pierre Lombard à VEulogium de Jean de Cornouailles. Mais cet Eulogium n'étant pas antérieur à 1 175, il s’ensuivrait que la réfutation vue par Leland serait -de plus de quinze ans postérieure à la mort de Pierre Lombard ; voirie Mouvement théologique, p. 129130 et 153-154, et l'éd. Quaracchi, p. xxxiv-xxxv. La chronologie admise par Protois, qui date de 1164 la réponse de Pierre Lombard, s’appuie sur la donnée gratuite ou erronée qui fixe la mort de Pierre Lombard en 1164. Pierre Lombard, évêque de Paris, p. 149 et 53. Cette réponse ne peut viser non plus V Apologia de Verbo incarnato, P. L., t. clxxvii, col. 295-316, attribuée à Jean de Cornouailles et habituellement regardée comme postérieure à VEulogium ; même le prologue manuscrit de VEulogium, vu jadis par Oudin à l’abbaye de SaintVictor, Scriptor. eedes., t. ii, col. 1157, 1224 et 1530, semble bien dater de l’approche du concile du Latran de 1179 la rédaction de sa l re édition de VEulogium.

2. Quelques Lettres conservées à la bibliothèque de l’université de Leipzig ont été attribuées à Pierre Lombard ou à ses correspondants par Fabricius-Mansi, Biblioth. lat. med. et inf. setatis, t. v, Padoue, 1754. p. 264, et par Oudin, Scriptor. eccles., t. ii, col. 1220. ainsi que par VHist. litt. de la France, t.xii, p. 603, n. 1, et par Protois, qui qualifie ces documents de précieux. Op. cit., p. 149. Mais le nom de ces correspondants, Philippe de Beims et Arnoul de Metz, sont parfaitement inconnus dans les listes épiscopales de cette époque pour ces deux sièges. Mouvement théologique, p. 130, n. 2 ; éd. de Quaracchi, t. i.-p. xxxv. Ces auteurs s’appuyaient sur le catalogue de Joachim Feller, Catalogus codicum mss. bibliothecæ Paulinae… in universitute Lipsiensi, Leipzig, 1686, p. 182, cod. 10 : le nouveau catalogue de B. Helssig, Katalog der L975

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Handschr. der Universitûts-Bibliothek zu Leipzig, 1926 et 1928, en cours de publication, n’est pas encore arrivé à ces inss. médiévaux. Le contenu de ces pièces n’a pas d’intérêt : banalité, pléthore d’exégèse allégorisante, qui ne nous apprend rien sur celui ou ceux dont il peut y être question.

3. La Practicse théologies methodus, mentionnée par Sanders (Sanderus), dans la liibliotheca Belgica manuscripta, t. ii, Lille, 1644, p. 147, à l’abbaye d’Alïlighem, est aujourd’hui perdue. La trace de cette œuvre a disparu. La paternité lombardienne doit être rejetée, l’ierre le Chantre qui appartient à la génération qui suit immédiatement le Lombard, ne connaît aucune œuvre lombardienne de ce genre ; car, au début de sa Summa de sacramentis, il nous déclare qu’il insistera principalement sur les questions d’ordre pratique dont ne s’occupe pas le Lombard, ms. Paris, lat. 14 445, fol. 166 v°. L’on ignore aussi si l’identification rapportée par Sanders provient du scribe primitif ou du bibliothécaire d’Alïlighem qui avait préparé la notice pour Sanders.

4. La même réserve s’impose pour les Gloses sur Job attribuées à Pierre Lombard, sur la foi d’un ms. de l’abbaye de Savigny, dans le diocèse d’Avranches, par Jacques Le Long, liibliotheca sacra. Paris, 1723, p. 901, par Ceillier. Hist. des auteurs ecclés., t. xxiii, l>. 52, et par VHisl. litt. de la France, t.xii, p. 603. Les restes fragmentaires de l’ancien catalogue de Savigny ne parlent que de Ï'Expositio in Job de saint Grégoire. Pierre Lombard ne cite le Livre de Job qu’une quinzaine de fois dans ses Sentences, mais recourt une vingtaine de fois à ï'Expositio in Job du grand pape. Tout cela ne confirme pas l’attribution mentionnée par Le Long.

5. L’ouvrage In concordiarn evangelicam, est mentionné par Lipenius. Bibliotheca realis theologica, t. i, Francfort-sur-le-Mein, 1685, p. 639, et, à sa suite, par VHist. litt. de la France, t.xii, p. 602 et 609, Migne, Dictionn. de patrologie, t. iii, col. 1140, et l'éd. Quaracchi, p. xxxiv. Mais l'édition incunable, Paris, 1483, mentionnée par Lipenius, a échappé jusqu’ici à toutes les recherches bibliographiques les plus minutieuses du (iesamtkalalog der Wïegendrucke sur les incunables. Il y a toute chance que l’affirmation de Lipenius repose sur une confusion ; le Moyen Age ayant connu plusieurs ouvrages de concordance sur les quatre évangiles, par exemple Unum ex quatuor de Zacharias Chrysopolitanus, P. L., t. clxxxvi, col. 11-620.

6. l"ne liste d’ouvrages a été dressée par L.-A. Cotta dans son Museo Novrarese, Milan, 1701, p. 256 et 257 ; mais, des 22 ouvrages que comprend sa nomenclature, les quatre premiers seulement sont authentiques, à Bavoir les Sentences, les deux Gloses et les sermons. Les titres suivants désignent soit des apocryphes, soit peut-être des extraits pris aux œuvres authentiques. Nous en reproduisons la liste : 5. Breviloquium, seu Restauratio hominis peccantis. 6. Summa ex IV libris Sententiarum. 7. De sacra Scriptura, etc. 8. De actionibus. 9. Commentarium in duas parles Decreti. 10. Metaphysica. 11. Physica. 12. De generatione. 13. lie sensu et sensato. 14. De matrimonio beat. Virg. cum S. Joseph, et 15. De immunitate beat. Virg. a peceato. 16. Collectio errorum in Anglia et Parisiis condemnatorum. 17*. De medicina sacramentali. 18. De SS. Trinitate. 19. De creatura mundi. 20. De corruptcla peccati. 21. De incarnatione. 22. De gratia Spirilus saneli. Quelques uns de ces ouvrages comme les n. 7, 14, 15, 17, 18-22, rentrent très probablement dans la catégorie des extraits à laquelle il vient d'être fait allusion. On peut y ajouter aussi sans doute le n. 5. Le n. 6 est un de ces abrégés des Sentences qui se multiplient dès la mort du Maître. Les n. 8 et 9, ouvrages de droit,

doivent leur mention, ce que Cotta ne dit pas, à quelques lignes du P. Possevin, Apparalus sacer, t. ii, Cologne, 1688, p. 259 ; mais celui-ci n’affirme nullement la paternité lombardienne sur l'œuvre. Les n. 10, 11, 12 et 13 accusent une origine beaucoup plus tardive et rappellent la saveur aristotélicienne du xme siècle ; le n. 16 est manifestement postérieur à Pierre Lombard ; il sera question plus bas de ces articles condamnés.

Deuxième catégorie.

Les œuvres qui font partie

de la seconde série méritent un moment d’attention, surtout à cause de l’autorité des premiers témoins qui nous en parlent. Ce qui complique le jugement, c’est que ces œuvres sont rarement désignées par leur titre. C’est plutôt sous forme d’allusions que leurs témoins nous font soupçonner une activité professorale et scientifique du Maître des Sentences, qui aurait pris corps dans des Disputationes, dans des Glossie volatiles et autres sur les Sentences, et dans des corrections du texte biblique ou dans des gloses exégétiques. Etienne Langton est le principal auteur auquel nous devions ces allusions. Celles-ci se rencontrent aussi dans quelques manuscrits anonymes qui ont été exploités par Landgraf, Lacombe et Smalley.

Jusqu'à présent, rien ne nous prouve que ces Disputationes désignent autre chose que des discussions orales. Le témoignage de Jean de Cornouailles, Eulogium, c. iv et surtout c. xi, confirme cette appréciation, P. L., t. cxcix, col. 1055 A et 1071 : il y oppose les disputationes aux scripta.

Les Glossæ volatiles ou les Notulæ, conservées par quelques glossateurs habituellement anonymes et inédits et dont l’un écrit avant 1 176, ont certain droit à être attribuées à Pierre Lombard. Mais rien, jusqu’ici, ne nous amène à y voir plus que des souvenirs de cours enregistrés par des disciples du Maître ou de légers remaniements apportés au texte, peut-être même oralement, sans qu’il puisse être question d’une nouvelle édition.

Les corrections bibliques attestées surtout par Langton, qui caractérise l'œuvre du Lombard par le mot de corrector, désignent-elles vraiment une œuvre écrite par Pierre Lombard ? ou bien, Langton a-t-il en vue un travail critique sur le texte effectué par le Lombard dans ses gloses sur saint Paul et sur les psaumes ? ou bien, n’avait-il pour objectif que de reconstituer le texte véritablement employé par le Lombard ? Sur tout cela, il serait difficile, actuellement, de donner un jugement définitif ; mais, en attendant des recherches ultérieures, s’impose la plus grande réserve. Voir entre autres, Landgraf, Notes de critique textuelle sur les « Sentences » de Pierre Lomtard, dans Recherches de théol. anc. et méd., t. ii, 1930, p. 93-94, et notes 45 et 52 ; voir aussi, sur le commentaire de la Magna glossatura de Pierre Lombard par Et. Langton, l'étude de G. Lacombe et A. Landgraf, The questiones oj cardinal Stephen Langton, c. ni, dans The neiv scholasticism, t. iv, 1930, p. 129-164 ; Landgraf, Zur Méthode der biblischen Textkritik im Xil. Jahrhundert, dans Biblica, t. x, 1929, p. 469, n. 1 ; p. 471, n. 6 ; p. 472. n. 11 ; Kannte Langton das Original der « Colleclanea » des Lombarden ? dans Recherches de théologie anc. et médiév., t. iii, 1931, p. 72-75 ; G. Lacombe, Studies on the Commentaries oj cardinal Stephen Langton, part. I, dans Archives d’hist. doctr. et litt. du M. A., t. v, 1930, p. 57-59 et p. 57, n. 3 ; Smalley, même titre, part. II, même recueil, p. 152 sq.

Enfin Pierre Lombard est mentionné comme auteur de gloses sur des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, soit.par des inss. médiévaux anonymes, soit par des catalogues modernes de bibliothèques, comme ceux de Florence, de Bruxelles, de Lincoln, de la Bodléienne, etc. Mais l'étude de ces affirmations de cata1977

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PIERRE LOMBARD. CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

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Iogues enlève presque toute valeur à leur témoignage, et les mentions des copistes médiévaux sont d’une autorité bien problématique. Les mentions qui s’appuient sur le témoignage de Langton pourraient avoir quelque valeur, notamment à propos des gloses sur Isaïe, Glossæ super glossas Isaiie, dans Paris, lat. 14 417, fol. 182-185 ; mais la forme sous laquelle se serait déployée cette activité exégétique de Pierre Lombard soulève des discussions. Faut-il la borner à des remarques personnelles, peut-être seulement orales ? est-ce une véritable activité littéraire et quelles limites faut-il lui assigner ? Autant de choses que les témoignages fournis jusqu’ici ne permettent pas d'élucider. L'œuvre exégétique immense de Langton, quand elle sera critiquement examinée d’un bout à l’autre, nous donnera peut-être un jour la clef de l'énigme. G. Lacombe, art. cité, op. cit., t. v-, 1930, p. 52 sq. ; Smalley, ibid., t. v, 1930, p. 182 et 152 sq.

A propos de tous les ouvrages de cette série, ce qui nous force à exiger des titres très nets pour l’authenticité, c’est l’unanimité des chroniqueurs et des bibliographes médiévaux, qui ne connaissent aucune œuvre authentique de Pierre Lombard, en dehors de ses Sentences, de ses gloses sur les psaumes, de ses gloses sur saint Paul et de ses sermons. La liste de ces chroniqueurs comprend l’historiographie médiévale de France, d’Angleterre, d’Italie et d’Allemagne. On peut en trouver ailleurs le détail dans l’article cité ci-dessous de la Revue d’hist. eccl. On se contentera de mentionner ici la Chronica de Guillaume d’Andres, dans Mon. Germ. hist., Script., t. xxiv, p. 725, n. 117, lig. 20-23 ; le Chronicon de Robert de Saint-Marien d’Auxerre, ibid., t. xxvi, p. 237, lig. 11-14 ; la Chronica d’Aubri des Trois-Fontaines, ibid., t. xxiii, p. 843, lig. 39-44 ; le Chronicon universale anonumi Laudinensis, an. 1163, édit. Cartellieri, LeipzigParis, 1909, p. 7 ; Raoul de Coggeshall, Chronicum anglicanum, dans Rerum brilann. Medii sEvi script., Chronicles and memorials, t. lxvi, p. 79 ; YEulogium historiarum, t. III, c. ci, Chronicles and memorials, t. ix a, p. 386 ; les Flores historiarum, même série, t. xcv b, p. 71 ; le Polychronicon de Ranulphe de Higden, I. VII, c. xix, le Chronicon de Henri de Knighton, le Chronicon monaslerii de Melsa, par Thomas de Burton, c. xvi du gouvernement d’Adam I er, dans Chronicles and memorials, t. xli, vol. viii, p. 10 et 12 ; t. xcii, vol. I, p. 135 ; t. xliii, vol. i, p. 1 1 1 ; Ptolémée de Lucques, Hist. eccl., t. XX, c. xxvii, dans Muratori, Iïerum ital. script., t. xi, col. 1108 D ; Riccolbald de Ferrare, Compilatio chronologica, dans Muratori, ibid., t. ix, col. 244 D ; la Chronica pontiftcum et imperatorum nantuana, dans Mon. Germ. hist., Script., t. xxiv, p. 218, lig. 27 ; le Chronicon de Jacques de Voragine, ibid., t. xxiv, p. 171, lig. 10 ; Seifrid de Bahnhausen, ibid., t. xxv, p. 698, lig. 22 ; le Chronicon de Martin de Troppau, ibid., t. xxii, p. 469, lig. 48 ; le catalogue de la chartreuse de Salvatorberg, près d’Erfurt, vers 1477, dans P. Lehmann, Miltelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands und der Schweitz, t. ii, Munich, 1928, p. 555, lig. 5-10 ; cf. aussi p. 327, lig. 11-18 ; le Spéculum historiale, t. XXI, c. i, Bibliotheca mundi, t. iv, Douai, 1624, p. 1185.

Les bibliographes médiévaux font écho aux chroniqueurs ; tel, le pseudo-Henri de Gand, De scriploribus ecclesiaslicis, c. xxxi, et appendice, c. xi, dans Le Mire, Biblioth. eccles., p. 168 et 174 ; tel, Jean Boston de Bury, qui a inventorié les bibliothèques anglaises et ne mentionne non plus que les quatre œuvres habituelles dans son Catalogus rédigé vers 1410, ms. de Cambridge, University library, Add. 3470 : « Quosdam sermones utiles composuil » ; voir J. de Ghellinck, Le catalogue des bibliothèques anglaises en 1410, dans les Procès-verbaux du congrès intern. des bibliothécaires,

1923, Paris, 1925 ; tel, Trithème, sur qui se ferme tout l’effort bibliographique du Moyen Age, qui n’a rien pu trouver d’autre malgré ses recherches. De scriptor. ecclesiast., Cologne, 1546, p. 160. Il serait souverainement étonnant que le Moyen Age, qui a si religieusement recueilli le titre des œuvres dues à Pierre Lombard, ait négligé de passer à la postérité la mention de quelques-unes d’entre elles, tandis que le nom de Langton, comme glossateur de toute la Bible, Primus medullilus et moraliter cœpil exponere, a été soigneusement conservé par le pseudo-Henri de Gand, dans Le Mire, Biblioth. eccles., p. 167. Ce fait mérite d’autant plus considération que les deux gloses reconnues comme authentiques ont été fréquemment décorées du titre de Magna glossatura comme on l’a vu plus haut.

Pour plus de renseignements sur les Dubia vel spuria, voir Les « opéra dubia vel spuria », attribués à Pierre Lombard, dans Revue d’hist. eccl.. t. xxviii, 1932, p. 829-845.