Dictionnaire de théologie catholique/PALAMAS GRÉGOIRE

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 301-321).

PALAMAS GRÉGOIRE, théologien grec du xive siècle, archevêque de Thessalonique (1296-14 novembre 1359). —
I. Vie.
II. Écrits (col. 1712).
III. Origine et exposé de la doctrine de Palamas sur l’essence de Dieu et son opération (col. 1750).
IV. Sa doctrine sur d’autres points de dogme (col. 1765).
V. Sa doctrine morale et ascétique (col. 1773).

t. Vie de Grégoire Palamas.

Sources.

La principale source pour la vie de Grégoire Palamas est le p négyrique composé par son ami et disciple, Philothée Kokkinos, patriarche de Constantinoplc (1351-1355 et 1364-1376). Cette biographie manque sans doute de l’impartialité historique. C’est une thèse, qui a pour but de démontrer la parfaite sainteté du héros. Le merveilleux s’y rencontre à chaque page. Elle a pourtant le mérite de fournir des dates et des faits précis, souvent puisés dans les écrits mêmes de Palamas, et de le suivre du berceau à la tombe. Publiée à Jérusalem, en 1857, par les soins du patriarche Cyrille, en tête de l’édition de 41 homélies de Palamas, et reproduite, sans traduction, dans la Palrvlogic grecque de Migne, t. cli, col. 551-656, elle a été, jusqu’ici, peu utilisée. Elle est, cependant, le fil conducteur qui permet de fixer les principales étapes de l’existence de Palamas et la date de la plupart de ses écrits. Par ailleurs, il est facile d’en corriger les inexactitudes plus ou moins voilées, les éloges hyperboliques ou les réticences calculées, par le témoignage des écrivains contemporains.

Avant la controverse hésychaste.

Grégoire Palamas naquit à Constantinoplc, sur la fin de 1296 ou au début de 1297, de parents anatoliotes émigrés dans la capitale. La date indiquée se déduit des données précises fournies par Philothée : Palamas est mort à l’âge de soixante-trois ans, après douze ans et demi d’épiscopat, le lendemain de la fête de saint Jean Chrysostome, P. G., t. cli, col. 635D. Comme l’épiscopat de Palamas commence en mai 1347 et que la fête de saint Jean Chrysostome se célèbre le 13 novembre, c’est le 14 novembre 1359 que le théologien hésychaste a quitté ce monde, et non en 1360, comme l’ont affirmé ses plus récents historiens. Cf. L. Petit, Les archevêques de Thessalonique, dans les Échos d’Orient, t. v, 1902, p. 93 ; Grégoire Papamikhaïl, ’O aytoç rp/]yôptoç ; îTaXapiaç, âpyienlay-OTiioc, Qsaay.-Xovîxt ; ç, Alexandrie, 1911. Le père, appelé Constantin,

— il prit le nom de Constance en revêtant l’habit monastique, avant de mourir, — fut membre du Sénat et conseiller intime d’Andrcnic II Paléologue (1282-1328). Grégoire était l’aîné d’une famille de cinq enfants, trois garçons et deux filles, qui embrassèrent tous la vie monastique. La mère elle-même, appelée Kalê dans le monde, termina sa vie dans le cloître sous le nom de Kallonê. Elle était devenue veuve, alors que Grégoire n’avait encore que sept ans. L’empereur, en souvenir des services rendus par le pèr.’, fit les frais d’éducation des trois garçons. L’aîné se distingu i par son application et ses succès. Il pa’courut le cycle complet des études profanes jusqu’à la philosophie inclusivement. Philothée a soin de nous dire qu’il étudia tout Aristote, év n5.rs<. toïç’Ap’.arTOTS>.i.y.otç, P. G., t. cli, col. 559 D, sans doute pour répondre à ceux des adversaires de Palamas qui ont parlé de l’insuffisance de son instruction philosophique, ou qui l’ont accusé de néoplatonisme. Ce qui paraît certain, c’est qu’en effet les études philosophiques du futur adversaire de Barlaam et de Grégoras furent assez sommaires. La suite montrera que ses notions sur la théodicée étaient particulièrement déficientes. Le jeune étudiant, d’ailleurs, au lieu d’approfondir l’Acte pur d’Aristote, commençait à avoir l’esprit ailleurs. Il fréquentait assidûment les moines athonites, parmi lesquels se trouvait le célèbre mystique Théolepte, devenu plus tard évêque de Philadelphie, cpii l’initia à l’oraison des hésychastes. Philothée. ibid., col. 561 A. Il ne tarda pas à manifester à l’empereur son désir de quitter le monde et de se retirer à l’Athos. Andronic II essaya en vain de le retenir dans le siècle. Un beau jour — - il avait alors environ vingt-deux ans, — il partit pour la Sainte Montagne emmenant avec lui ses deux frères, Macaire et Théodore.

Nos trois voyageurs prirent la voie de terre, et passèrent l’hiver au monastère du mont Papikion, situé entre la Thrace et la Macédoine. C’est là que Philothée fait remporter à Palamas sa première victoire théologique dans des discussions avec des niassaliens ou marcionites — entendez des 1 ogomiles. C’est un détail assez piquant, qu’on serait tenté de croire inventé par le biographe, lorsqu’on songe que bientôt Palamas va être accusé de massalianisme par Barlaam. Continuant leur voyage, les trois frères arrivèrent au monastère de Vatopédi, au début du printemps de 1318 ( ?). Sous la direction d’un vieux moine appelé Nkodème, Grégoire fit de rapides progrès dans la vie ascétique et la contemplation hésychaste. D’après Philothée, au bout de deux ans, il avait déjà des visions. Après la mort de Nicodème, arrivée en 1321, il se rendit à la grande laure de Saint-Athanase, où il mena la vie cénobitique trois ans durant. Mais le goût de la solitude le reprit bientôt, et il gagna la retraite de Glossia, où un groupe d’bésychastes s’adonnait à la vie contemplative sous la conduite de Grégoire le Sinaïte, le restaurateur récent de l’hésychasme à l’Athos. Deux ans s’étaient à peine écoulés, que les perpétuelles incursions des Turcs obligèrent les solitaires de Glossia à se réfugier à Thessalonique. Ils eurent d’abord l’idée d’aller reconstituer leur communauté à Jérusalem. Mais le projet avorta sur le conseil de Palamas. Comme celui-ci venait d’atteindre sa trentième année, l’âge canonique pour le sacerdoce, ses compagnons lui persuadèrent de se laisser ordonner prêtre (1326) ; puis, avec dix d’entre eux, il alla s’établir sur une montagne voisine de Bérée, où il continua de mener la vie hésychaste, restant seul cinq jours de la semaine et ne se réunissant avec les frères que le samedi et le dimanche pour la célébration des saints mystères. Il était là, quand la mort de sa mère l’obligea à retourner à Constantinople. Ses deux sœurs, Épieharis et Théodotê, qui menaient, elles aussi, la vie religieuse, essayèrent de le retenir dans la capitale. Sur son refus, elles prirent le parti de le suivre en Macédoine. Grégoire les laissa dans la ville de Bérée, et rejoignit sa solitude, qu’il dut quitter la cinquième année de son séjour, les Serbes ayant envahi la région. Il regagna alors la laure de Saint-Athanase, et s’établit au skite de Saint-Sabbas, tout proche du monastère (1331). Les moines de la laure le choisirent bientôt comme higoumène ; mais il ne tarda pas à donner sa démission pour reprendre sa vie de solilude à Saint-Sabbas.

La controverse hésychaste.

Nous arrivons maintenant à la période la plus agitée et la plus compliquée de l’existence de Palamas. Comme elle est intimement mêlée à la controverse à laquelle il a donné son nom, controverse dont il va être question à l’ar173 ;

PAL AMAS. VIE

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ticle suivant, nous allons brièvement résumer es faits les plus saillants qui regardent uniquement sa personne.

Dès 1333, le moine calabrais Barlaam commence à écrire ses opuscules polémiques contre la procession du Suint-Esprit ab utrvque et la primauté du pape. Mais. contrairement à la méthode suivie par les théologiens byzantins, qui en appellent habituellement à l’Écriture et aux Pères, c’est presque uniquement par des arguments de raison, par des syllogismes, qu’il bat en brèche les doctrines catholiques. Quelques-unes de ses dissertations sur la procession — il en a produit dix-huit — sont tombées entre les mains de Palamas. Celui-ci. qui se croit investi d’une mission doctrinale dans l’Église sur la foi d’une vision qu’il a eue récemment, trouve la méthode du Calabrais périlleuse pour l’orthodoxie, et il lui écrit coup sur coup deux lettres pour lui faire des remontrances à ce sujet. Barlaam a-t-il été piqué par cette attaque brusquée, bien que courtoise chus la forme ? Toujours est-il qu’après cet incident il est retourné à Constantinople, et s’est mis à faire une enquête sur la vie et les pratiques de cette catégorie de moines qu’on appelle les hésychastes et dont Palamas est l’un des représentants les plus en vue. Pour se faire révéler tous les arcanes des mystiques, il simule le rôle de disciple et s’adresse non aux plus instruits, mais à un novice. Que lui découvret-il ? Une pratique bizarre, presque scandaleuse, pour arriver au recueillement intérieur et à la vision de la lumière divine dès ici-bas. Cette pratique a été inventée, dit on, par Smc’on’e Nouveau Thco’ogien. El’e existait sûrement au début du xiie siècle. Elle consiste essentiellement à retenir son haleine le plus longtemps possible, et à répéter indéfiniment la prière : Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi, le menton appuyé sur la poitrine et le regard fixé sur le milieu du ventre ou le nombril. Cela s’appelle faire rentrer, enfermer son esprit dans son cœur, ou unir son esprit à son âme, car le ventre est considéré comme le siège de l’âme. Après un temps plus ou moins long passé dans ce laborieux exercice, l’hésychaste se voit rempli d’une joie inefîi hic, plongé dans la lumière divine. Il a trouvé le royaume de Dieu caché au dedans de nous. C’est un avant-goût de la béatitude céleste. Cette lumière qui brille à ses yeux, c’est l’éclat même de la divinité, l’éclat dont resplendit le Christ sur le mont Thabor, au jour de sa transfiguration. Les mystiques, dans leurs écrits, et spécialement Syméon le Nouveau Théologien dans ses homélies, n’enseignent-ils pas que les cœurs purifiés voient Dieu dès ici-bas, quoique d’une manière moins parfaite que dans l’autre vie ?

Voilà à peu près ce que répondit le moine à Barlaam, qui tria aussitôt au scandale et dénonça par toute la capitale ce qu’il considérait comme un intolérable abus. Son ami Acindyne et d’autres conseillèrent au Calabrais de garder sa langue et de laisser en paix les caloyers. Comme il n’en faisait rien, ils le dénoncèrent au patriarche Jean XIV Calécas (13341347), homme paisible, fort versé dans le droit canonique, mais peu en théologie, qui avait horreur des controverses, et menaça le détracteur des moines des censures de l’Église, s’il ne mettait un terme à ses attaques. Barlaam reprit alors le chemin de Thessalonique, où les 1 ésych ; stes ne manquaient pas. Loin des foudres patriarcales, il continua sa c ; mpagne contre les mystiques, non sans trouver de nombreux approbateurs, tant parmi les laïcs instruits que parmi les moines rebelles à l’influence des contemplatifs. Il ne se contenta pas de parler. Il commença à écrire un ouvrage contre les pratiques et la doctrine des Jiésychastes. Ces derniers, avant qu’il l’eût lancé dans le public, réussirent à s’en procurer des extraits. Le

Calabrais les tournait en ridicule, les traitait d’omphalopsyques, ôjjiçaÀt^ux 01’e t raillait leur prétention à voir Dieu des yeux du cor] s. Devant te péril de diffamation qui les menaçait, ils dépêchèrent une ambassade à Grégoire Palamas, alors au skile de Saint-Sabbas, qui jouissait déjà parmi eux d’une grande réputation de savoir et de vertu, le suppliant de venir prendre leur défense. Grégoire se laissa persuader. Il quitta l’Athos et descendit à Thessalonique, où on lui montra les extraits du livre de Barlaam. que le moine Isidore, celui-là même qui allait bientôt devenir patriarche, avait dérobés. Cf. Philothée, toc. cit., col. 586. Philothée et d’autres contemporains nous racontent que Palamas, avant d’engager la lutte par la plume contre le Calabrais, le supplia de cesser ses attaques contre les moines, lui faisant remarquer son incompétence en matière de mystique et sa témérité à vouloir censurer ce qu’il ignorait. Ces historiens insinuent que c’est sur le relus de Barlaam à se rendre à ces remontrances que Palamas prit la plume pour défendre les hésychastes. En fait, il ressort clairement de ce que dit Philothée, ibid., col. 589, que c’est Grégoire qui commença la controverse écrite en publiant sa première triade de discours « ’Trrèp -cov teptëç Tjou^a^rvTWV », où il attaquait déjà Barlaam avant que celui-ci eût fait paraître son livre contre les moines. Cette première triade, qui dut voir le jour en 1338, fut suivie d’une seconde, composée après la publication de l’ouvrage du Calabrais, et pendant que celui-ci se rendait à Avignon. On sait, en effet, qu’en 1339 l’empereur Andronic envoya Barlaam en Occident pour négocier l’union des deux Eglises et la préparation d’une croisade. Dans cette seconde triade, Grégoire esquissait déjà sa théorie sur la lumière divine et la distinction réelle entre l’essence de Dieu et son opération. En la parcourant, après son retour d’Occident, Barlaam n’eut pas de peine à s’apercevoir qu’il se trouvait en présence d’une théologie nouvelle, inouïe jusque-là. Beprenant la plume, il remania son premier ouvrage contre les hésychastes, en effaça le sobriquet d’ôjzepo’Xcij/uyci et s’attaqua surtout aux audacieuses nouveautés de « on rival sur l’essence divine et la lumière du Thabor. Au livre ainsi refondu il donna le titre suggestif de « Karà MaaaaXiavcLv ». Ces hérétiques, en effet, prétendaient voir Dieu de leurs yeux corporels. Cf. articles : Euchiti : s, t. v, col. 1454 sq., et Si iïssa liens, t. x, col. 792 sq. Pour répondre à cette nouvelle, édition, Palamas écrivit sa troisième triade contre le Calabrais, accentuant encore plus ses innovations tant sur le fond de la doctrine que sur les formules. N’allait-il pas jusqu’à parler de plusieurs divinités, 6sôty, t£ç ? L’occasion était belle pour Barlaam d’intenter à son rival un procès d’hérésie. Il courut sans retard à Constantinople, ayant en main les écrits du défenseur des hésychastes. Il espérait bien qu’on l’écouterait, cette lois, tellement l’erreur était évidente. On l’écouta, sans doute, mais l’affaire ne devait pas tourner comme il l’espérait.

Sentant venir l’orage — car le patriarche Jean Calécas ne passait pas pour un ami des hésychastes — Palamas prit la précaution de faire approuver sa théologie par ses confrères de l’Athos, par ceux du moins qui y consentirent. Il se rendit à la Sainte Montagne vraisemblablement sur la fin de 1340 ou au début de 1311, exposa longuement sa doctrine, et son ami Philothée, le futur patriarche, en rédigea un précis que signèrent le 11pwroç ou Premier des monastères alhonites, plusieurs higoumènes et de nombreux moines. Ce fut le tome liagiorilique, ô âyLopeifixoç tqj.oç. dont il est souvent parlé dans l’histoire de la controverse palamite. En voir le texte dans la P. G., t. cl, col. 1225-1236. Muni de ce document, Grégoire n’était plus un isolé. Il avait derrière lui les principaux repré

sentants de l’Athos. C'était une force considérable, avec laquelle le patriarche et l’empereur lui-même devaient compter.

On le vit bien au concile qui fut réuni, le 10 juin

1341, à Sainte-Sophie, sous la présidence de l’empereur. Barlaam fut sacrifié, comme on l’avait décidé à l’avance, et il n'échappa à une condamnation qu’en promettant de ne plus attaquer les moines. Grégoire Palamas, au contraire, sans obtenir l’approbation de sa théologie, sortit grandi de ce débat public. Mais voici que la mort d’Andronic III, survenue quatre jours après le concile (15 juin 1 131), retourna bientôt la situation contre les hésychastes par les complications politiques qu’elle amena. Sans doute, au mois d’roùt de la même année, un nouveau concile, présidé par l’ambitieux Jean Cantacuzène, tout dévoué à Palamas, donna raison à celui-ci contre les attaques d’Acindyne ; mais le patriarche refusa d’y paraître et d’en sanctionner les décrets. On arriva à une formule de conciliation trop favorable à Palamas et aux siens, que Jean Calt’cas eul la faiblesse de signer. Ce fut le tome synodal, ô cruvoSixoç TGfxoç, qui se présente comme le résultat du concile de juin 1341, mais qui paraît approuver indirectement la théologie palamite. Le patriarche crut pouvoir éluder cette conséquence en ajoutant, à la fin du document, la défense, sous peine d’excommunication, de soulever à l’avenir des questions dogmatiques. Dans sa pensée, le tome synodal laissait intacte la question de fond sur l’orthodoxie des opinions et des formules de Palamas. C'était une solution disciplin : ire destinée à clore le débat intempestivement soulevé par Barlaam. Mais trop de choses dans le décret favorisaient le théologien hésychâste pour que celui-ci résistât à la tentation de chanter victoire et d’enfreindre ainsi la prohibition patriarcale. II alla répétant partout que le concile avait approuvé sa doctrine et ses écrits. Mal lui en prit, car la guerre civile ayant éclaté, sur ces entrefaites, entre l’impératrice régente, Anne de Savoie, et le grand domestique, Jean Cantacuzène, Palamas, qui était l’ami de ce dernier, fut soupçonné d'être hostile au successeur légitime et impliqué dans une accusalion à la fois d’ordre religieux et d’ordre politique. Sommé de revenir à Constantinople, au début de

1342, il a une entrevue avec le patriarche, un peu avant Pâques. Jean Calécas essaie d’obtenir de lui la promesse de garder le silence sur sa théologie et d’obéir à la défense portée dans le tome synodal. Il se heurte à un refus. Quelques semaines plus tard, vers le mois de juin, Palamas. qui s’est retiré dans un couvent de la banlieue de Constantinople, est invité à comparaître devant un concile en vertu d’un décret impérial, que lui communiquent deux ecclésiastiques envoyés par le patriarche. Il fait répondre qu’il lui est impossible de se rendre seul au synode, mais qu’il est juste que les autres représentants du monachisme soient aussi convoqués. Puis il se relire à Héraclée. (/est là qu’on se saisit de lui, à l’automne de la même année 1342. Il est ramené à Constantinople, passe deux mois dans les dépendances de Sainte-Sophie, et en mai 1343, on l’interne au monastère de l’Incompréhensible, to’j 'AxaTa>.Y)71TOU, pour lui apprendre, dit Acindyne dans un écrit encore inédit, Cad. Monacensis græc. 223, fol. 54 v°, que Dieu est incompréhensible et ne saurait être vu par des yeux corporels.

Grégoire resta en prison jusqu'à l’arrivée de Jean Cantacuzène dans la capitale, en février 1347. C’est lui qui fut chargé de négocier la réconciliation entre le grand domestique et l’impératrice Anne. Il applaudit à la déposition de Jean Calécas. qui l’avait condamné et excommunié dans plusieurs synodes, et peu s’en fallut qu’il ne lui succédât sur le siège œcuménique. Après l'élection d’Isidore (17 mai 1347°), il

obtint du moins la métropole de Thessalonique. Mais bien des déboires l’attendaient dans l’exercice de sa charge pastorale. Repoussé une première fois par ses ouailles, en septembre 1347, il se retire à l’Athos, où il se rencontre avec le roi des Serbes, Etienne Douchan qui, n’ayant pas réussi à l’attirer dans ses États par les promesses les plus alléchantes, le contraint, du moins, de lui servir d’ambassadeur auprès de la cour de Constantinople. On le retrouve donc dans la capitale, à l’automne, de 1348. Au début de 1349, il renouvelle sa tentative sur Thessalonique, qui lui ferme de nouveau ses portes. C’est alors que, sur l’avis de la Grande Église, il se retire dans l'île de Lemnos. Il y reste jusqu'à la prise de la capitale macédonienne par Cantacuzène (1350), et c’est alors seulement qu’il peut prendre possession de son siège.

Ses pérégrinations étaient loin d'être finies. En janvier 1351, il est de nouveau à Constantinople, et en juillet de la même année, il paraît au grand concile qui consacre sa victoire sur Barlaam et Acindyne et fait de sa théologie la doctrine officielle de l'Église byzantine. Quand il veut rentrer à Thessalonique trois mois après, l’empereur Jean Y. brouillé avec Cantacuzène, lui en interdit l’entrée, et il est obligé de nouveau de se réfugier à l’Athos. Au bout de trois mois, il peut regagner sa ville épiscopale (1352). En 1353, un.e longue et grave « maladie d’entrailles » le conduit aux portes du tombeau. Il est à peine rétabli, qu’on l’appelle à Constantinople pour aider à la réconciliation de Jean V et de Cantacuzène. Mais le bateau qui le porte aux rives du Bosphore est pris par des corsaires turcs. Les infidèles s’emparent de ses bagages, le dépouillent de ses habits sacerdotaux, le réduisent en esclavage et lui font subir les plus honteuses avanies. Débarqué à Lampsaque, il est conduit successivement à Brousse et à Nicée. A plusieurs reprises, il a l’occasion d’exposer aux musulmans les mystères de la Trinité et de l’Incarnation, comme il le raconte lui-même dans une lettre adressée à son Église, si toutefois la pièce est authentique. Enfin, au bout d’un an, des Serbes charitables paient sa rançon et le délivrent. Il arrive à Constantinople au moment où Jean V vient d’y remplacer Jean Cantacuzène, devenu moine, et où Calliste est monté sur le siège patriarcal pour la seconde fois (1355). L’heure est critique pour les palamites. Les condamnés du concile de 1351 ont recouvré leur liberté, et Jean V est assez mal disposé à l'égard des amis de son ancien rival. Il ne veut cependant rien brusquer, et comme il négocie une entente avec le pape, il cherche à se renseigner sur la quere "e qui divise l'Église byzantine en deux factions ennemies. Il profite donc de la présence de Palamas pour le mettre aux prises avec le grand adversaire des palamites, Nicéphore Grégoras. Le légat pontifical. Paul, évêque de Smyrne, assiste à la conférence contradictoire et veut aussi connaître la doctrine nouvelle. Les relations qui nous en sont parvenues ne sont pas concordantes. Il semble que les deux protagonistes, en discutant sur Dieu et ses attributs, aient eu tour à tour leurs moments d’embarras et de silence. Le résultat fut que l’empereur se désintéressa personnellement de la question ; mais la théologie de Palamas resta la doctrine officielle de l'Église byzantine. On l’avait déjà incorporée, en 1352, au Synodicon du dimanche de l’orthodoxie.

Les pourparlers unionistes qui sont entamés entre l’empereur et le représentant du pape suggèrent à Palamas d'écrire deux longues dissertations contre la doctrine catholique de la procession du Saint-Esprit. Il se permet, au début de la seconde, une lourde plaisanterie à l’adresse de l'ÉgFse latine, la première des Églises, qu’il compare à l'éléphant, le plus grand des animaux : ce géant, une fois tombé à terre, est inca

p ; ible se de relever ; ainsi de l'Église latine, une fois tombée dans l’erreur. De retour à Thessalonique (1356), le théologien hésychaste consacre les dernières années qui lui restent à vivre à réfuter, dans un ouvrage en quatre livres, les écrits polémiques de Nicéphore Grégoras. Le 14 novembre 1359. il meurt, d’après Philot liée, de la « maladie d’entrailles qui avait déjà failli plusieurs fois l’emporter. Nicéphore Grégoras et Isaac Argyros précisent qu’il s’agit de l’iléus, et ils ne manquent pas, à ce propos, de faire une comparaison désobligeante avec le mal dont mourut Arius : Celui-ci, pour avoir rabaissé le Verbe au rang des créatures lut pris par en bas ; Palamas, pour avoir osé élever une lumière créée à la hauteur de la divinité, fut puni par en haut. Cf. Nicéphore Grégoras, Hist. byzant. t. XXXVII, P. G., t. cxlvjii. col. 485 ; Isaac Argyros, Contra Palamam, dans le Cod. Yatic. græc. 1096, fo.112. 4° Honneurs posthumes.

Acclamé déjà de son vivant comme un grand défenseur de l’orthodoxie par

une Église qui, après l’avoir excommunié comme hérétique, avait canonisé sa théologie, Palamas ne pouvait tarder d'être élevé sur les autels et honoré comme un grand saint. Son fidèle disciple. Philothée Kokkinos. redevenu patriarche en 1364, établit officiellement son culte dans la Grande Église, au synode de Constantinople de 1368, après une enquête sur les nombreux miracles qu’on disait avoir été opérés à son tombeau. De ces miracles, Nicéphore Grégoras nous rapporte qu’ils furent faits sur commande par la pieuse supercherie de disciples fervents, qui voulant auréoler leur maître et effacer le souvenir de sa fin ignominieuse, persuadèrent à de pauvres hères, moyeni ; ii t finance, de se faire guérir de maladies plus ou moins imaginaires au tombeau de Palamas, à la suite de songes miraculeux. Nicéphore Grégoras, op. cit., I XXXVII, 10, col. 485-488. De fait, des quatorze miracles que, dans son Panégyrique de Palamas, Philothée nous présente tomme ayant été accomplis pour glorifier son héros, neuf se passent en songe ou sont opérés à la suite d’une apparition de Palamas, pendant le sommeil. Le quatorzième, que le narrateur considère comme le principal de tous, la xopwviç de la série, n’est autre chose que le ridicule rêve d’un moine de la grande laure de l’Athos, qui voit, pendant son sommeil, le chœur des Pères de l'Église réunis en synode et n’osant trancher la question mise en délibération, avant l’arrivée de Palamas, un instant retenu en audience auprès du Père éternel. Quand il arrive, tous les Pères se lèvent pour lui présenter leurs hommages et acceptent comme un oracle lumineux la solution qu’il donne. Philothée. op. cit., P. G., t. cli, col. 635-654. Le lecteur peut lire le récit des autres prodiges. Il n’en trouvera aucun que, même supposée la réalité des faits, notre Congrégation des Rites pût retenir comme digne d’examen. Quatre sont des guérisons de constipation ou de dysenterie à la suite de bains, ou de frottement des reins contre le sépulcre de Palamas, ou de réception de VEuchalœon. Un moine est guéri d’une enflure à un pied après huit jours. Un autre perd son mal de tête après une apparition de Palamas en songe. Un autre recouvre l’usage de trois doigts paralysés après les avoir longtemps frottés contre la paroi du tombeau. La réputation de thaumaturge du théologien hésychaste a été soigneusement entretenue dans la suite. Dosithée de Jérusalem, dans leTcpioç àyâmyjç, (p. 29-31 des prolégomènes), déclare que le corps de Palamas est conservé intact dans l'église du martyr saint Démétrius, à Thessalonique, et qu’il opère des miracles. Lors de l’incendie de cil édifice en 1890, les restes de Grégoire ont eu quelque peu à souffrir. Ils sont actuellement vénérés dans la nouvelle cathédrale Saint-Grégoire Palamas, à Salonique.

En le canonisant, Philothée assigna à Grégoire Palamas, dans le calendrier byzantin, une place de choix. Passant par dessus les règles liturgiques, il lui consacra le deuxième dimanche de carême, et à l’office de ce dimanche substitua Vacolouthie du nouveau saint, qu’il composa lui-même. Cette innovation et cet office se sont maintenus jusqu'à nos jours dans toutes les Églises dissidentes issues de Byzance, y compris l'Église russe. Philothée, dans l’acolouthie en question, donne à son héros les louanges les plus hyperboliques. Il le salue comme la trompette de la théologie, la lyre tout harmonieuse du Saint-Esprit, la colonne inébranlable de l'Église, le fleuve de la sagesse, le défenseur de l’orthodoxie, le miroir de Dieu, la cime des docteurs. Et, dans le panégyrique qu’il a composé en son honneur, il va jusqu'à l’appeler « le défenseur, le gardien et le sauveur de l'Église universelle du Christ après le premier et unique Sauveur, ô Tr, ç xoiv^ç Xp'.aro’j 'ExxXijoîaç xal nç-oaiâ^ç, xai cpùXaÇ xai puer.ïjç xal ca>T7 ; p [ietc* tov TtpwTov xal [xcvov romjpa ». P. G., t. cli, col. 656 A. Le second dimanche de carême n’est pas le seul jour où l'Église grecque dissidente chante publiquement la gloire de Palamas. Au dimanche de l’Orthedoxie, on lui crie éternelle mémoire pour avoir abattu l’hérésie barlaamite, et on le célèbre encore le 14 novembre, jour anniversaire de sa mort.

Si nous nous en rapportons à Philothée, Grégoire Palamas fut un modèle de vertu et de sainteté du berceau à la tombe, orné par Dieu des charismes les plus merveilleux, semant les miracles sur ses pas, un esprit supérieur, un théologien incomparable. Si l’on écoute ses adversaires, qui furent nombreux et appartenaient à l'élite intellectuelle de la société byzantine, nous avons en lui un cerveau étroit et entêté, rebelle à l’autorité ecclésiastique, un illuminé qui se crut la mission d'éclaircir et de développer le symbole de la foi et l’enseignement des anciens conciles. Démétrius Cydonès lui applique le mot d’Aristophane : u.£T£ « posçévocE, le charlatan qui fait des dupes en discourant dans les nuées. Il y eut certainement chez lui quelque chose de l’illuminé, qu’une fausse mystique avait égaré dès sa jeunesse, et qui eut des faux mystiques l’imperturbable aplomb et le sentiment de l’infaillibilité personnelle. En voulant justifier à tout prix la prétention de certains hésychastes à voir Dieu dès cette vie, il inventa une théologie que réprouve la philosophie et la théologie chrétienne la plus élémentaire. Au demeurant, il ne manqua pas de qualités. Autant que nous pouvons en juger, ce fut une âme foncièrement religieuse. Ceux de ses écrits qui ont été composés en dehors de toute préoccupation polémique ne sont pas sans mérite littéraire et quelques-uns sont remarquables, r.ous ïe verrons, sous le rapport de la doctrine.

II. Écrits.

Nous avons de bonnes raisons de croire que la presque totalité des écrits publiés par Grégoire nous ont été conservés et qu’on les retrouve à peu près tous dans les manuscrits qui nous sont parvenus. Il y a d’abord le témoignage de Philothée, qui signale la plupart d’entre eux dans le panégyrique déjà cité. Par ailleurs, le culte public dont Palamas fut l’objet, aussitôt après sa mort, nous est un sûr garant du soin avec lequel on a dû conserver tout ce qui était sorti de sa plume.

Tous ces écrits sont d’ordre théologique. Nous les divisons en quatre catégories : 1° Les œuvres polémiques, qui sont de beaucoup les plus considérables ; 2° Les œuvres morales et ascétiques ; 3° Les œuvres hagiographiques et liturgiques ; 4° Les œuvres perdues, douteuses ou apocryphes. Certains auteurs, comme Grégoire Paparnikhaïl, op. cit., p. 158 sq., 234 sq., distinguent les écrits proprement dogmatiques des 1743

    1. PALAMAS##


PALAMAS. ŒUVRES POLÉMIQUES

écrits polémiques, et rangent es ettres dans une section spéciale. En fait, des trois écrits dogmatiques signalés par Papamikhaïl, le premier est intimement lié à la polémique antibarlaamite, le second n’est pas de Palamas, le troisième est une homélie. Quant aux lettres, aucune n’est d’ordre purement littéraire. Elles appartiennent toutes soit aux œuvres polémiques, soit aux écrits ascétiques. Aucune liste claire et complète des œuvres du théologien hésychaste n’a été dressée jusqu’ici. Fabricius, éd. Harlès, dans le tome xi de sa Bibliotheca grseca, (reproduit dans P. G., t. cl, col. 771-786), donne, selon son habitude, un catalogue confus et fort difïicile à débrouiller. Il n’est pas facile non plus de se retrouver dans la description très détaillée des quatre manuscrits du fonds Coislin (ccd. 97-100) exécuté par Montfaucon, Bibliot. CoisL, p. 150 sq., P. G., t. cit., col. 799-838, où figurent presque toutes les œuvres de Palamas. Quant à la liste de Papamikhaïl, elle est incomplète et inexacte sur plusieurs points. Essayons de pratiquer quelques clairières dans ce fourré.

1. œuvres polémiques. — La plus grande partie de l'œuvre de Palamas appartient à la polémique. Cette polémique s’attaque à deux ennemis principaux, à savoir les Latins, puis les adversaires de la théologie nouvelle sur l’essence de Dieu et ses attributs mise en circulation par Palamas lui-même.

1o Polémique antilaline.

Il faut ranger sous cette rubrique six morceaux se rapportant tous à la procession du Saint-Esprit. Les trois premiers dans Perdre chronologique sont constitués par trois lettres, l’une adressée à Acindyne, les deux autres à Barlaam. Elles furent écrites vers 1335, à l’occasion des dissertations du moine cal brais contre la procession du Saint-Esprit ab uuoque. Palamas trouve que Barlaam fait aux Latins de dangereuses concessions et ne défend pas l’orthodoxie suivant la bonne méthode, attachant trop d’importance à la dialectique et négligeant l’argument d’autorité.

1. Iipôç 'AxlvSuvov STl toîç eÙcteoéct'. xai cpiXo'.ç svapi.0[i.oû[i.£vov. "Oti Aoctïvoi. Xéyovteç xai èÇ Yloù to Ilveij|i.a, oùx ê^ousi Staçuyeïv touç sYxaXoùvTaç auToïç, oti toù évôç IIvsÛ|.Loctoç Sùo XÉYOusw àpyàç, xai oti toùç BecXoYixoùç auXXoYiCTfjioùç àrcoSesxTixoùç jxaXXov Seï xaXsïv v) SiaXsxTixooç.

2. Tw cpiXoaéçw BapXaâti. où xaXûç à-TcoXoY’lwx[lévco TOpi wv ecpY] 8ûo àp^wv, 7) xa6' éXXyjvixyjç èno’biaç.

3. ITpôç tôv BapXaàfA YP^9 0VTa ° T0 0, ' JX ^ CTTlv àTTÔSet^tç en oùSsvàç t£>v 6eia>v êksrf/oç, ° TL ^cttw èç'cov xai oti xupiwç à7t68ît.t ; iç aÛTY), ꝟ. 8k xax' 'ApiototsXtjv àu68eiÇiç àaùo-TaTOV.

Ces trois lettres sont inédites. A.-P. Syrkou, dans sa préface au tome m de Porphyre Ouspenskii intitulé Istcriia Athona (Hisloire de l’Athos), SaintPétersbourg, 1892, p. xxxm-xxxiv, donne quelques extraits de la seconde. On les trouve dans le cod. CoisL 100, xve siècle, avec les trois autres opuscules suivants :

4. Aôyoç a7roSei.XTlxoc Tcpwroç, oti où^i xai èx toù Yloù, àXX' êx [j.6voo toù IlaTpoç IxTropsùsTai, tô ITveuu.a to ayiov.

5. Aôyoç SeÙTSpoç -nepi tîjç sxTtopsùtTsoç toù kyioM IIvE’j(ji.aToç, oti oùyi xai èx toù Yloù- xai Tipoç Ta Trapà AaTÎvov èx tîjç 6elaç Tpaç^ç sic Guvv)Yoplav oÙTÔiv SrjŒv 7rpoTsi.v6jjt.Eva.

Ces deux dissertations furent composées à Constantinople en 1355-1356, alors que Palamas revenait de captivité et au moment où le légat pontifical, Paul, évêque de Smyrne. négociait l’union des Églises avec Jean V. Elles n'étaient certes pas de nature à favoriser le succès des pourparlers. Nicodème Met axas les édita à Constantinople, en 1627, avec d’autres ouvrages de polémique antilatine, sous le titre : Aôyot.

à7108£txTt.xoi âùo. Cf. E. Legrand, Bibliographie hellénique du XVIIe siècle, 1. 1, p. 234-237. Cette publication est restée inconnue en Occident, et l’on n’en trouve pas trace dans la Patrologie grecque de Migne.

6. C’est vraisemblablement à la même époque que Palamas écrivit sa réfutation des 'ETUYpacpai de Jean Beccos sous le titre : Elç Taç Trapà toù Béxxou ûttsc AaT'.vcov èîii Taïç auXXeYeiaouç irap’aÙTOÙ ypaçiy.oiic 5(p7)aso"iv àvTemYpacpai, Ssixvùcrca SucræSciç èyoùaaç Taç ToiaÙTaç èraYpaçàç xai àvTiOsTOuç ooaaç Tavç Guvs !.XEY(J.Évat< ; tcov àylcûv pr, ciEat.v. Ces 'AvTETrtYpatpai ont été éditées par Hergenrôther, avec la réfutation qu’en a écrite Bessarion, dans le t. clxi de la P. G., col. 234 sq.

2o Polémique antibarlaamite.

La majeure partie des écrits de Palamas est djrigée contre les adversaires de sa théologie. Pour leur répondre, le théologien hésychaste recourt à tous les genres littéraires : traités antirrhétiques. apologies personnelles, lettres, dialogues, florilèges patristiques, homélies, poésies, petits chapitres analogues aux centuries des auteurs ascétiques byzantins.

1. En tête de cette série polémiqua, il faut placer par ordre d’importance, non par ordre de date, la Confession de foi, 'Oji.oXoYÎa tîjç ôpQoSô^ou raaTeoç, présentée au concile constantinopolitain d’août 1351, P. G., t. cli, col. 763-768 (d’après l'édition de Dosithée dans le T6[.aoç àyoi.Ky]c, ), pour répondre aux attaques des antipalamites. Sur la fin, l’auteur résume brièvement sa doctrine sur l’essence de Dieu et ses opérations et sur la lumière thaborique. Des passages entiers de cette confession de foi se retrouvent dans l"0[xtXia 7rspi tclo-teoç publiée par C. Simonidès dans son ouvrage : 'Op6086J ; cov 'E>.Xï)va>v ŒoXoYixal Ypaçai TÉaa-apsç, Londres, 1858, p. 77-8 !. qui est la huitième des homélies de Grégoire par numéro d’ordre (cf. P. G., t. cli, col. 93-104), et dont il n’y a pas lieu de suspecter l’authenticité, quoi qu’en pense Papamikhaïl, op. cit., p. 160 en note.

2. Les neuf discours ùnkp twv TjauyaÇôvTMV divisés en trois triades et dirigés contre Barlaam, dont nous avons déjà parlé plus haut, col. 1744. On les trouve réunis en plusieurs mss., notamment dans le Coisl. 100, fol. 103 v°-225. Un extrait de la première triade a été édité par Nicodème l’Haghiorite dans son ouvrage rarissime, « iHXoxaXîa, Venise, 1782, que reproduit la P. G., t. cl, col. 1101-1118 ; cf. Porphyre Ouspenskii, op. cit., t. iii, p. 688-691, qui donne aussi quelques courts extraits.

3. Dix discours contre Acindyne, contenus dans le Ci’isl. V8, du xve siècle. Montfaucon, op. cit. (cf. P. G., col. 807-828) décrit longuement les sept premiers en donnant le titre de chaque chapitre. Au livre IV, c. xxi et xxii, on trouve deux hymnes à l’adresse de la lumière du Thabor, "Yjjivoç elç aÙTO t6 çcoç, P. G., col. 818-819. Le huitième est la Lettre à Athanase, archevêque de Cyzique, Iipôç 'Aflavàciov èpo>Tï)o-avTX Ttepi TÔiv 'AxtvSûvou o-uYYpajA[Ji.âTMV, et toïç toù BacXaàjJi Èxslvou auji.çcove'ï Ttepl toù 0eoù çcotoç xai TÎjç 0etou xipiToç. P. G., ibid., col. 807 D. Il faut compter pour le neuvième le discours qui suit dans le manuscrit sous le titre : Aôyoç SeÙTspoç. Hoaayuiç, 7) 6eîa svwctiç xai Si.axpt.GLc, xai oti [jÙ] xaTa Taç ÙTZoa-ixasiç jxovov, àXXà xai xaTà Taç xotvàç rcpoôSouç xai èvspysiaç Siàxpiaiv èStSâyOT^ev sto 0eoù. Le dixième est la Lettre au moine Damien, tw T(.|i.[.a>TâTa> èv (xova/oiç Aaa !.av(o tw epiXoaocpw. Cf. la note du Cod. Coisl. 100. fol. 1. La plupart de ces discours, sinon tous, furent écrits par leur auteur durant ses quatre années d’incarcération (1313-1347), au témoignage même de Philothée, Panégyrique, loc. cit., col. 6Il B C. Toute cette masse, remplissant les fol. 1-210 du Coisl. 00, est encore inédite.

4. Cinq discours contre l’impiété et les fraudes de Sicéphore Grégoras, contenus dans le Coisl. 100, fol. 232-289, également inédits. Les quatre premiers sont signalés par Philothée, loc. cit., col. 634-635. Ils furent composés à la demande du patriarche Calliste en 1358-1359. Le titre du premier mérite d'être signalé : Toû tiaxaptcoTaTou àpxisncrxÔTCOu ©£aaaXovîxr r ç Tç>ryoploo wç Ô.TCÔ nvoç ÉTÉpou aoyypaçslç neçl T7)ç toû rpr^yopà ipsuSoypaqxaç ôpioû xal Sucras êeîaç. Cf. P. G., t. cl. col. 836 C. Il faut compter pour le cinquième ["EiturroXi] ~pbz tov èpcoT7)eravTa rcspl t% èyx£i[iivY)ç Toi aovoSixco TÔ[i.(o toû ii, syâXoi> Baapsîou pWjcreeaç xal ~apà toû rpTjyopâ cuxocpavTOUjiivrçç â>ç (X7] Yvrioîaç. P. G., i&id., col. 837 B.

5. Vingt et un opuscules ou lettres d’apologétique personnelle remplissant le Cois ?. 99, du xve siècle, 182 fol., qu'énumère Montfaucon, op. cit., cf. P. G., t. cl, col. 827-834 A :

a) ' TzoXoyia. SisÇoSixwxépa izzpl 0eîcov èvepysiôàv xal TÏjç xar' aÛTaç [xsOs^suç.

6) Ilepl 0s[aç xal OsottoioG jasOs^scoç, 7] rcspl T%

0ïîa ? Xal ÛTÏïpÇUOÛÇ àTrX6T7)T0Ç.

c) Aôyoç TpÎTOç, on BapXaàp 1. xal 'AxîvSuvôç sloiv ol S^oTOfxoijvTsç xaxàjç ôvtcùç xal àôscoç elç Sûo àvlaouç 0sô~ /)Taç ttjv fiÂav.

</) AtâXeEtç opOoSô^ou jxsrà (3apXaaj « TOU.

e) Toû aÙTOÛ opOoSô^ou Osoçâvou ;  ; SiàXsÇiç 7tpè< ; tov aTTÔ papXaaa'.Twv iniGzpéfyoLVTix ©s6n[i.ov, r] Trepl OîÔttjtoç xal toû xaT’aÛT/jv à[i.£0éxTOu te xal [ieOéxtou. Ce dialogue, publié par C. F. Matthæi dans ses Lccti : nés Mosquenses, t. ii, Leipzig, 1829, p. 7-37, est reproduit par Aligne, t. cl, col. 909-960.

/) 'AvtîOscti ; 7rpô< ; à cuvé0ï)xsv ô 'AxlvSovoç xa-rà toû naXaji.à S7 ( 6sv, gjç àX'^Owç Se xa~à t^ç sùaeêEÎ.aç kôtîjç xal tô>v EÛCTsooJv àrcâvTcov. Cette réfutation est divisée en dix-neuf chapitres, dont Montfaucon donne les titres, loc. cit., col. 829-831.

g) Lettre à Jean Gabras.

h) Lettre à Daniel, métropolite d’Aenos.

i) Deuxième lettre à Acindijne, envoyée de Thessalo nique avant la condamnation de Barlaam par le synode de 1341. Cette lettre fut écrite dans les premiers mois de 1341. En voulant se laver du reproche de dithéisme, que lui a lancé Barlaam, Palamas ne fait que se compromettre davantage en appelant la grâce divine une divinité inférieure, don de la divinité supérieure ou essence, Osôtyjç û<ps'.pisv7), Sôpov ttj :  ; Ô7repxsi[i.évT)ç. Acindyne réfute longuement cette lettre dans le Cod. Monacensis 223, fol. 32-50, du xve siècls.

j) Lettre au nomophylax Syméon, Tcô TtxvTa xaXÇ> xàyaOôi xal aoepw vopioçûXaxi.

À- ; Lettre au lùéromoine Paul Assanès.

I) Lettre ail moine Arsène le Studile.

m) Réfutation de l'écrit d’Ignace, patriarche d’Anlioche, contre Palamas : "On xal tô toû 'Avnoysîaç y.%-y. toû riaXa[i.â ypâu, [jwe iJjsûSôç êanv aÔT6yp7)ii.a xal ~ô~> auv<j8(.xM ts xal âyiope : (.nxcp TÔpt." S'.à 7tâvTcùv àvTÎOsTov. Ignace, patriarche d’Antioche, de passage à Antioclie, à l’automne de 1344, s’associa à la condamnation de Palamas et d’Isidore, évêque élu de Monembasie, portée par Jean Calécas, le 4 novembre 1344. Le moine rebelle répond au pontife sur un ton hautain et plein de morgue. Il donne des détails sur son origine constantinopolitaine, sa première éducation, raconte les circonstanées qui ont précédé et accompagné son arrestation à Héraclée et termine par un exposé succinct de son système. Le morceau est donc important pour l’histoire de la controverse.

n) Contre Jean Calécas et son exposé du tome synodal de 1341 : "On 7rapeÇï)yï)erlç la-', xal àvaaxeÛT) toû t6(aou aaor, ç, yjv ô TO r ç [3apXaaj.ÛTatç 7rpoa0é[jtsvoç TiaTpiâpx^ç ypâ'^aç èÇTjyrçaw toû tô^ou Ttpôç à7tâT » )v xaXsï. La pièce est dans le ton de la précédente, sera question

de cet Exposé du tome par Jean Calécas à l’article suivant.

o) Lettre au hiéromoine Philothée. Il s’agit du futur patriarche.

p) Lettre aux vénérables anciens de la Sainte Montagne, Ttpoç toùç Iv tw àylo ôpei aeoa<jti.icûTàTOo< ; yépov-aç.

q) Lettre à son propre frère Macaire.

r) Lettre au moine Bessarion.

s) Seconde lettre à son frère Macaire.

t) Autre discours contre Jeun Calécas, dans le Paris. 1238, du xve siècle, fol. 272 v-281, incip. : 'O SucrOc6côç 7) ! ^tv ypacpôuxvoç.

u) Lettre à l’impératrice Anne Paléologine t9j xpatÎcttt) xal sùasësaTaTT) Sscxttoîvy), tîj IlaXaioXoylvf), écrite en 1346, au moment où l’impératrice cherchait à se débarrasser du patriarche. Boivin l’a publiée en note dans son édition de l’Histoire byzantine de Grégoras, cf. P. G., t. cxlviii, col. 1011-1012, en note. Le même auteur donne quelques autres extraits des pièces signalées dans ce groupe aux col. 1031-1034, 1083.

En dehors de cette dernière lettre et du dialogue Théophanès, toute cette longue série est inédite. Plusieurs des morceaux qui la composent ont été écrits durant les quatre ans d’emprisonnement (1342-1347). D’autres, en particulier les deux dialogues et plusieurs lettres, datent de la fin de sa vie.

6. ïambes contre Acindyne, au nombre de 618, contenus dans le Parisinus 1238, fol. 41v°-48, du xv c siècle. Incipit : 'AxîvSuvoç j^èv èÇ. Palamas a voulu répondre sur le même mètre à son adversaire, qui a écrit contre lui un poèms polémique de 509 ïambes, édités par Allatius à la fin du t. i de la Grœcia orlhodoxa et reproduits dans la P. G., t. cl, col. 843862.

7. Florilège scripturaire et palrislique divisé en 16 chapitres, ayant trait à l’essence de Dieu et à son opération, contenu dans plusieurs manuscrits, notamment dans le Paris. 970, fol. 278-355, et le Paris. 1238, fol. 1-41, tous deux du xve siècle. Incipit : Ol 0soX6yoi cpaolv ettI 0EOÛ.

8. Ke’pàXata éxaTov 7rsvT7)xovTa cpuoixà xal 0soXoytxdc, rfiixâ. ts xal Ttpaxiixà xal xa0apnxà tyjç PapXaapûnSoç Xûji, 7)ç, Capila centum quinquaginta physica et theologica, ethica et practica et purgantia a Barlaamitica lue, contenus dans le Coisl. 100, fol. 290320, publiés d’abord par Nicodème l’Haghiorite dans la OtXoxaXla twv îspwv V7)7mxâiv, Venise, 1782, et reproduits dans la P. G., t. cl, col. 1121-1226. Dans ce résumé, qu’il a écrit vraisemblablement sur la fin de sa vie, Palamas a condensé toute sa doctrine philosophique et théologique.

Apologétique et l’adresse des musulmans.

La

conduite de Palamas durant sa captivité d’un an chez les Turcs ne pouvait qu'être l’objet d’investigations curieuses dans le camp de ses adversaires. Nicéphore Grégoras s’est fait l'écho des bruits malveillants qui circulèrent sur son compte à ce sujet. A les en croire, Grégoire subit de la part des infidèles les pires traitements et les plus honteuses ignominies. Conduit devant Hyrcan, il tint, par crainte de la mort, des propos indignes d’un chrétien. L’historien ajoute que, pour défendre la réputation de leur maître, ses disciples ont répandu des écrits envovés par lui du lieu de sa captivité. Hisl. byzant., t. XXIX, 3-4, P. G., t. cxlix, col. 197-201.

Il nous est parvenu, en eflet, deux écrits de Palamas qui répondent bien au signalement donné par Grégoras, à savoir une Lettre et son Église envoyée d’Asie durant sa captivité, 'EtuotoXyj y]v hz 'Aolaç al)((i.âXwTOÇ o.v upôç ty)v sauTOÛ 'ExxXv ; aîav ëypa^ev, et une autre lettre un peu plus courte, mais racontant les mêmes faits dans les mêmes termes, adressée au moine David

Disliypatos, 'EtcigtoXy) irpèç tôv vau'18 p.ovayov xôv AiaÔTiaxov xoû 0£aaa7, ov£xYjç, oxe éâXco. La première a été publiée par K. J. D. dans le Néoç 'EXXï)vo|i.v7j[i.cùv, t. xvi, 1922, p. 7-21, d’après le Ccd. 1379 de l’université d’Athènes. Elle se trouve dans plusieurs autres manuscrits du xve siècle et, fait suggestif, Pliilothée l’a insérée tout entière dans son Panégyrique de Palamas. Dans P. G., t. ci., col. 626 B, elle est simplement indiquée, sans que le texte ait été reproduit. M. Treu a édité la seconde, d’après le eod. 28 d’Upsal, dans le AéXxtov xrjç laxopixYJç xal èOvtxr ( £ ; iaxoplaç, t. iii, p. 229-234. Palamas y fait le récit de sa captivité chez les Turcs, parle des mauvais traitements dent il a été l’objet, insiste sui les mœurs dépravées des infidèles, signalant en particulier leur àvSpou.avla, ce qui semble confirmer ce que raconte Grégoras, loc. cit., col. 200, s'étend complaisamment sur les consolations qu’il a prodiguées aux chrétiens captifs avec lui, développe enfin assez longuement les entietiens apologétiques sur la religion chrétienne qu’il a eus avec les musulmans, et notamment avec le neveu d’Amurat. La lecture de ces pièces produit sur le lecteur une impression plutôt fâcheuse. On les trouve peu dignes d’un pontife écrivant à ses ouailles, et l’on y sent percer l’intention d’apologie personnelle dénoncée par Grégoras. Il est vraisemblable que le tout a été écrit

près le retour d’Asie, et peut-être pas par Grégoire

Palamas.

Aux deux lettres précédentes il faut joindre un autre morceau trahissant la même préoccupation de réhabiliter le captif, en rapportant la discussion sur les mystères de la Trinité et de l’Incarnation qu’il eut avec les Khiones, oi Xtévat. Le titre est le suivant : Toù aùxoo rpr.yopiou ©saco’XovîxrjÇ nçbç xoùç àôéouç Xiôvaç SiâXeïiç Goyypacpstaa Trapà laxpoù toù Taptovîxou Tcapcvxoç xal aùxYjxôou ysyovôxoç. La pièce se trouve mélangée aux œuvres de Palamas dans plusieurs manuscrits, notamment dans le Paris. 1230, fol. 295-297 v°. Elle est datée du mois de juillet 1355, et a été publiée dans la revue grecque, Stox^p, t. xv, 1892, p. 240-246. Qu'étaient les Xiovai ? Il n’est pas facile de le dire. Ducange, Glossarium mediæ et infimæ grweitatis, Lyon, 1688, col. 1752, en fait le synonyme de XiovàSr, !  ;, qu’il traduit par legis dodor apud Persas. En fait, d’après le récit du Taronite, il s’agirait d’anciens Juifs convertis à l’islamisme. Turcs et Khiones n'écoutèrent que de fort mauvaise grâce Palamas essayant de résoudre leurs objections sur la Trinité et l’Incarnation, et à la fin un Khione le frappa à l'œil.

II. ŒUVRES MORALES ET ASl l TIQl ES. — 1° Homélies. — Grégoire Palamas fut un prédicateur remarquable. Ses homélies, au nombre de soixante-trois, forment un cycle presque complet pour les dimanches et les principales fêtes de l’année, et constituent son plus beau titre de gloire devant la postérité. La plupart furent prononcées devant les fidèles de Thessalonique, quelques autres à l’Athos.

La première de toutes en date fut débitée à la laure Saint-Athanase, vraisemblablement le 21 novembre 1333. C’est la 54e de la série, seconde pour la fête de l’entrée de Marie au temple. Cf. Pliilothée. P. G., t. cli, col. 581C. Celle qui vient la première dans les recueils manuscrits fut prononcée le troisième jour de l’arrivée de Palamas à Thessalonique, en 1350. Écrites en un style clairet simple, sans prétention littéraire, « lies sont riches de contenu dogmatique, moral et ascétique, nourries de textes de l'Écriture. Si l’on excepte les deux homélies pour la fête de la Transfiguration, où l’auteur a cru bon de développer sa théorie sur la lumière thaborique incréée, elles se déroulent en dehors de toute controverse. Les cinq homélies mariales (deux pour l’entrée de Marie an temple, une pour cha cune des fêtes de la Nativité, de l’Annonciation et de 'Assomption) comptent parmi les plus importantes et les plus originales. Toutes ces homélies sont éditées. Quarante et une parurent à Jérusalem, en 1857. par les soins du patriarche Cyrille sous le titre : Toù èv àytotç ixarpôç r)u.âv rpYjyoplo'.) àpyts-ioy.ÔTroo ©eaaaXovîxt ; ç toù IIaXau.5 ôtuXlat xeaaapâxovxa xal tûa. Quatre ans après, K. Sophoclès Œconomos donnait les vingt-deux autres : Toû èv àyîoiç 7xaxpt ; ç ïJ^ûv, xtX… toû riaXa[iâ ôjjuXlai xê', Athènes, 1861. Les dix homélies publiées par C. F. Matthæi : Gregorii Thessalonicensis X orationes ex quinque codicibus manu scriptis. Moscou, 1776 : l’homélie LTspl utarewç. publiée par C. Simonidès, à Londres, en 1858 ; les deux qu’a cru découvrir le russe Arsenii et qui ont paru à Novgorod, en 1895, se retrouvent dans la collection des soixante-trois. Le Paris. 1239, fol. 1-248V, du xv c siècle, les contient toutes à la file. La P. G., t. cli, col. 10-550, n’en donne que quarante-trois, soit es quarante et une de l'édition hiérosolymitaine et la première et la quatrième des dix publiées par Matthæi. Le véritable numéro d’ordre de ces deux dernières n’est pas 42 et 43, mais 46 et 49. Les dix de l'édition de Matthæi sont les homélies 6, 11, 12, 14, 15, 20, 26. 28, 46 et 49 de la série. L’homélie ITspl moxetoç est la huitième. Les deux d’Arsenii sont la quarantehuitième et la cinquantième. Une traduction serbe de l’homélie sur l’Assomption, remontant au xiv c xve siècle, a été publiée dans la revue russe Pravoslavnyi Sobiésiednik, 1905, t. ii, p. 1-18, avec la traduction russe en regard.

2° L’opuscule intitulé AexâXoyoç -rrjç xaxà Xpiaxôv NO^oOsaïaç, publié dans la Philocalie, p. 929 sq. et inséré dans la P. G., t. cl, col. 1089-1102, est une brève explication du Décalogue éclairé par les lumières du Nouveau Testament.

3° ripèç rJ)V aefxvoxâxyjv èv jJ.ova^oûaaiç Eévrjv Trspi 7ra6<ùv xal àpexcov xal rcepl xâ>v xixxo|i.èvcov èx vfc, xaxà voùv axoXîjç, petit traité d’ascétique, qui ne présente rien de bien original ; publié par Nicodème, dans la Philocalie, et reproduit par P. G., t. cl, col. 1043-1088.

4° LTepl 7îpoaEU'/7Îç xal xa6apôx-/)xoç xapSlaç xeçàXaiaxpla, P. G., ibid., col. 1117-1122, également tirés de la Philocalie et signalés dans le Paris, grsec. 1239, fol. 305 v°. Palamas y recommande le recueillement intérieur.

5° Aôyoç £711axoXi(xatoç 7rpôç 'Icoàvvyjv xal 0ecôSopov toùç çiXoaocpooç, publié par C. Sophoclès dans son édition des vingt-deux homélies, p. 298-308. Le morceau est de même contenu que la lettre à la moniale Xéné, dont il reproduit textuellement plusieurs passages.

/II. ŒUVRES HAGIOGRAPHIQUES ET LITURGIQUES. — 1° Les ouvres hagiographiques se réduisent à la courte biographie d’un saint hésychasle du i.v siècle, Pierre l’Athonite, Aôyoç elç xov 6au|i.aoxôv xal laâyyeXov [îtov xoû ôatou xal 6eocp6pou roxxpôç yj(xcôv Ilsxpou xoû èv tô àylto opsi T<î> "A6co àaxrjaavxoç, où les données historiques n’abondent pas. C’est le premier écrit composé par Grégoire, au témoignage de Pliilothée, P. G., t. cli, col. 581 B ; il doit dater de 1333-1334. Publié d’abord parles bollandistes, Acta sanctorum, jiiin t. ii, ac ! diem 12. il est reproduit dans P. G.. t. cl, col. 995-1040.

2° Œuvres liturgiques. — Nous rangeons sous cette rubrique les quatre courtes prières que donnent plusieurs manuscrits sous le nom de Palamas, et que C. Sophoclès a jointes à son édition des homélies, p. 308-316. En voici les titres :

1. EÙ-/7) 7rpôç xov ©eov, vjv 7xpô xtjç 7rûXY]ç x% itôXeco ; ypEaxo auvTjOcoç, oxe ttjv àp/"/)v sp-eXXev etæXŒïv. Après avoir rappelé le plan divin du salut du monde, 17'iy

    1. PALAMAS##


PALAMAS. DOCTRINE, ORIGINES

1750

le pasteur prie pour son troupeau et demande à Dieu de le délivrer des factions et des luttes fratricides, dont Thessalonique fut si souvent le théâtre.

2. 'Exspa zvyj) èni s'&vouç èrciSpo^fj, prière très courte qui implore la miséricorde de Dieu sur le peuple fidèle.

3. 'E-rspa èni àvojj.opîa. Le titre en indique Je sujet. i. 'Exspa eùx^l ^v p.£Ta ttjv xeipoTOvîav ôçGelç toïç

PetaiXeGai cswrfîcoç, Y]o5 ; aTO, prière récitée par Grénoire après son ordination épiscopale, au moment de se présenter, suivant l’usage reçu, devant le basileus pour lui baiser la main. Cf. Siméon de Thessalonique, De sacris ordinationibus, c. ccxxix-ccxxxi, P. G., t. clv, col. 432-433, qui dénonce cette marque de servilité du sacerdoce à l'égard du pouvoir civil comme un intolérable abus.

IV. ŒUVRES PERDUES, DOUTEUSES OU APOCRYPHES.

Nous avons dit qu'à peu près tout l’héritage littéraire nous était parvenu. Quelques écrits cependant ne paraissent pas encore avoir été retrouvés dans les sources manuscrites, et sont peut-être perdus. Nous avons à signaler : 1° La lettre à Menas, 'EtuotoXtj xpôç Mïjvôw, rentrant dans la catégorie des œuvres polémiques, dont l’auteur de l’Adversus Palamam cite un passage, P. G., t. ci.iv, col. 840 D ; 2° une série de discours sur le sacerdoce. Aoyot rcepi ttjç ispcoaôv7]ç, prononcés par Grégoire, quelques jours après avoir pris possession de son siège (1350), devant son clergé réuni comme pour une sorte de retraite spirituelle. Philothée les signale dans son Panégyrique, toc. cit., col. 619-620, et en résume brièvement le contenu.

Parmi les œuvres douteuses ou apocryphes nous avons trouvé les suivantes : 1. "Ex(kaiç ttjç tcov BapXîàu. xal 'AxivSûvou 8uaa£êr ( p.a.Tcov àXXoxoTOU n’Arfiùoç, donnée à la fin du Coisl. 98, fol. 211-212v°, immédiatement avant le panégyrique de Palamas par Philothée, sans indication expresse d’origine nous paraît d’une authenticité douteuse. Elle est absente des principaux recueils manuscrits des œuvres de Grégoire.

2. Le curieux écrit intitulé : npoaco7T07101.'ta, yaçtxy.rr^'. [juxTÔi, SiaXoyixtô xal [loikiaza. StxavtxcoTÉpco, Ttvaç hi zïnoi Xôyouç 7) p.èv <>uxr xarà aôi[xrxxoç StxaÇopiv ?]

jt
T" : xùto’j èv SixaaTaïç, tô Se aC>{ioL xaT’a’jTÎjç- xal tûv

Sixacr-rûv cbrôcpacriç, fut publié en 1535, à Paris, par G. Morel sous le nom de Grégoire Palamas, d’après le rod. Paris. 246.">. L'éditeur ne remarqua pas que. dans le manuscrit, le nom de Palamas avait été barré, et l’erreur, depuis lors, est entrée dans le domaine commun. Ce n’est qu’en 1915 que A. Sonny, qui déjà, en 1M94, avait élevé des doutes sur l’attribution à Palamas (cf. Bijzantinische Zeitschrifl. t. iii, 1894, p. 662, note 2), a restitué le morceau à son véritable auteur, Michel Acominatos, dans un article paru dans le Vizantiiskoe Obozriénié, t. i, p. 103-109. Le meilleur manuscrit contenant le texte est le I.aurentianus ux, 12, qui est du xive siècle. La P. G., t. cl, col. 959-988 et 1347-1372, donne séparément la traduction latine et le texte original. Albert Jahn, Gregorii Palamse, archiepiscopi Thessalonicensis Prosopopeia, Halle, 1 88 1, a publié de cet opuscule une édition, avec notes critiques.

3. Le célèbre document palamite intitulé : '0 âyiopetTixôç x6p.oç, P. G., t. cl, col. 1225-1236, n’est pa-, de la main de Palamas. mais. fut. comme nous l’avons dit plus haut, rédigé, vers 1339-1340, par Philothée Kokkinos. C’est, du reste, un résumé fidèle île la doctrine du théologien hésychaste sur la question de l’essence de Dieu et de son opération, sur la lumière thaborique et la grâce incrééc.

4. Dans plusieurs manuscrits des œuvres de Palamas, vient sous son nom une Relation de sa dispute avec Nicéphore Grégoras en présence de l’empereur Iran V et te légal pontifical. Paul de Singrne. en 1355.

En réalité, cette pièce n’est pas de Palamas mais du protostralor Phacrassès, comme l’indique le titre soi vant donné par plusieurs manuscrits, notamment par le Dionijsianus Aihon. l’Jl, fo]. 17 : Oaxpaaîj TOÛTipayroCTpccTopoç èmzo[LOQ xarà t6 Suvarôv Bvqyqaiç, roxpôv-oç xal aÙTïixôou yEyovÔTOç t% èni toû 7ra>aTtou éviÔ7uov toû paaiXécoç xupoû 'Icoâwou toû IlaXai.oXÔYOO y£vo[jiv7 ; ç SiaXÉJsccç toû ©Ecoa>ovi’xr, ç, xupoû Tp^yopîou, xai Tp^yopôc toû cptXoaôcpou Nixr ; <p6pou, 'AxivSuvtavoû ysyovoToç. ITapTJv TYjvixaûxa xal ô XeyaTOç. Phacrassès est un ami de Palpmas, et sa relation, d’ailleurs incomplète, comme il le dit lui-même, doit être lue avec précaution. Grégoras donne la contrepartie dans les livres XXX et XXX 1 de l’Histoire byzantine, P. G., t. cxlix, col. 233-330. Inutile de dire que lui non plus n’est pas exempt de partialité.

5. La SiàXEÇiç Ttpôç toùç àOÉouç ytovaç, déjà signalée plus haut, appartient à Palamas dans la même mesure et de la même manière que la Siijyrpiç de Phacrassès.

6. Est totalement apocryphe un Commentaire de iépilre aux Thessalonicicns attribué à Grégoire par le fameux faussaire Nicolas Comnène Papadopouii. qui cite l’ouvrage à plusieurs reprises dans ses Pra' notiones mystagociese, Padoue, 1696.

7. Le Paris, græc. 3105, du xvi c siècle, met sous le nom de Grégoire Palamas un Dialogue entre un grec et un latin sur la primauté du pape et contre le concile de Florence.

III. Origine et exposé de la doctrine de Palamas sur l’essence de Dieu et son opération. Bien qu’une faible partie seulement des écrits théolo giques de Palamas soit éditée, il est facile pourtant de se faire une idée claire et complète de la doctrine à laquelle il a donné son nom.

Le palamisme, en effet, tient presque tout entier en ce simple énoncé : Il y a en Dieu deux choses réellement distinctes, quoique inséparables : l’essence et ce qui découle de l’essence ; la nature et les propriétés, qualités, opérations, attributs subsistent dans cette nature et étant, comme elle, incréées et éternelles. Cette doctrine est répétée dans tous les ouvrages polémiques de Palamas. On en trouve un excellent résumé dans la dernière partie de l’opuscule intitulé : Capita centum quinquaginta physica et theologica, etc., P. G.. t. ci, . 1168-1226, et aussi dans le dialogue intitulé 0eo<pdtV7jç, ibid., col. 909-960. La Confession de foi, lue au concile de 1351, P. G., t. cli. col. 763-768, donne également, à la fin, l’essentiel du systeme, sans parler du TÔp : oç àyiopeiTixéç, P. G., t. cl, col. 12251236, et du tome du concile de 1351, expression défi nitive du palamisme officiel avec les anathématismes qui en furent tirés, au synode de 1352, pour être joints à l’office du dimanche de l’Orthodoxie. P. G.. t. cli, col. 717-764. N’y aurait-il que les titres des chapitres des principaux écrits polémiques de notre théologien rapportés par Montfaucon dans la description des manuscrits du fonds Croislin, n. 97-100, P. G., t. cl, coi. 799-838, qu’on pourrait reconstituer le système sans trop de peine. La publication complète des œuvres de Palamas pourra mettre en lumière quelques détails nouveaux de cette étrange théologie ; elle n’en révélera aucune ligne essentielle qui ne soit déjà connue. Avant d’en tracer l’exposé, il n’est pas sans intérêt d’en rechercher les origines lointaines dans la tradition byzantine antérieure et d’en raconter l'élaboration progressive sous la pression des syllogismes de Barlaam.

1° Les origines. - Elles doivent être cherchées dans la doctrine mystique des moines orientaux appelés hésychastes. On désignait par ce nom, dès le début du Ve siècle, la catégorie des cénobites qui, après un temps plus ou moins long passé dans la vie commune, menaient la vie solitaire dans une cellule ou une

retraite quelconque située dans les environs du monastère. Ils restaient ainsi isolés, s’adonnant à la vie contemplative les cinq premiers jours de la semaine. Le samedi, ils rentraient au monastère pour reprendre contact avec la communauté et célébrer avec elle l’office dominical. L’hésychaste est donc un cénobite qui a senti l’appel à la vie mystique et, du consentement de son supérieur ou higoumène, a renoncé à la vie commune pour mener une vie toute d’union à Dieu et de contemplation. Les hésychastes ne manquèrent jamais autour des monastères orientaux ; mais ils furent plus ou moins nombreux suivant les époques et les endroits. C’est ainsi qu’au début du xive siècle, lorsque Grégoire, dit le Sinaïte, se rendit au mont Athos, il y trouva très peu d’hésychastes, si, du moins, il faut en croire son disciple et biographe, Calliste Xanthopoulos. Cf. J. Pomialooskii, Vie de saint Grégoire le Sinaïte, Saint-Pétersbourg, 1894 ; J. Bois, Grégoire le Sinaïte et l’Iiésychasme à V Athos, au XIVe siècle, dans les Échos d’Orient, t. v, 1902, p. 65-73. C’est lui qui y remit en honneur la vie contemplative. Palamas, nous l’avons vii, mena cette vie presque tout le temps qu’il passa à la Sainte Montagne et aux environs de Bérée, avant de se lancer dans la controverse avec Barlaam.

La vie hésycliaste ne se conçoit guère et paraît difficilement supportable sans le don de contemplation et les grâces mystiques qui l’accompagnent. Il y a eu de vrais et grands mystiques parmi les hésychastes orientaux, et plusieurs ont écrit sur la vie contemplative des ouvrages remarquables, encore inconnus ou mal étudiés. Ces écrits ont fait la nourriture spirituelle des moines contemplatifs. Mais, comme ils sont pleins de métaphores pour décrire les phénomènes mystiques, leur lecture n’est pas sans danger pour des esprits ignorants ou mal équilibrés. Aussi voyons-nous de bonne heure apparaître, parmi les moines byzantins, une fausse mystique, à côté de la vraie. Dès le XIe siècle. un peu avant Michel Cérulaire, Syméon, dit le Nouveau Théologien, enseigne que le pouvoir d’absoudre les péchés est un charisme réservé aux parfaits gratifiés du don des miracles, et que le surnaturel en nous est nécessairement objet de conscience. D’après lui, n’est pas justifié, ne possède pas le Saint-Esprit et la grâce sanctifiante, quiconque n’expérimente pas en luimême leur présence : rien de plus absurde, dit-il, que de se croire revêtu du Christ et de n’en rien sentir. Il ajoute que les cœurs purs voient Dieu dès ici-bas, quoique d’une manière moins parfaite que dans l’autre vie. Ils le voient spirituellement sous forme de lumière, « car Dieu est lumière, et pareille à une lumière est sa contemplation, tpwç ô ©eôç, xal cjç çwç y) Gsa aÙTOÛ ». Cf. J. Hausherr, La méthode d’oraison hesijchaste, dans les Orienlalia christiana, t. ix, 1927, p. 101 sq., spécialement le discours de Syméon, p. 173, 209. Cette méthode de la lumière revient constamment sous la plume du Nouveau Théologien. Dans son traité des amours divins, il compare Dieu à un soleil lumineux et chaud qui descend dans les âmes purifiées pour les remplir de sa présence et de ses ineffables consolations. C’est cette lumière même qui est apparue à Etienne le premier martyr et à Saiil persécuteur. Cf. P. G., t. cxx, col. 507 sq.

Le but auquel doit tendre l’hésychaste est évidemment d’arriver à la jouissance de cette lumière. Syméon exige pour cela une rude ascèse et la mortification de toutes les passions. Mais bientôt d’autres auteurs se montrèrent moins difficiles. On chercha une méthode physique et facile de se procurer la vision de la lumière divine, ou tout au moins de la faciliter. On prit à la lettre et l’on matérialisa grossièrement certaines expressions des mystiques anciens. Saint Jean Climaque, par exemple, avait recommandé

le souvenir habituel du Sauveur et avait dit : « Que le nom de Jésus soit collé à ta respiration. » D’autres avaient insisté sur le recueillement intérieur, la nécessité pour l’esprit de fuir les causes de distraction et de rentrer en soi-même. "Vers le xii-xiir siècle, un moine athonite du nom de Nicéphore, que Palamas catalogue déjà parmi les saints anciens, Le hesijchastis. P. G., t. ci., col. 1116 C D, mit en vogue une méthode physique et scientifique de la garde du cœur, dont nous avons déjà parlé plus haut et qu’il faut décrire maintenant un peu plus au long : « Tu sais. dit-il, que ce que nous respirons, c’est l’air. L’organe par lequel nous l’expirons n’est autre que le cœur, cause de vie et de chaleur pour le corps. Le cœur attire le souffle ( : rv£Û[j.a), afin de tempérer sa chaleur par la respiration et de se procurer ainsi la température convenable. L’agent de cette manœuvre, c’est le poumon, que le créateur a composé de tissus ténus, et qui, pareil à un infatigable soufflet, fait entrer et sortir l’air ambiant… Toi donc, assieds-toi. et recueillant ton esprit, fais-le passer par le a nal du nez, qui véhicule l’air dans le cœur. Pousse-le et force-le à entrer dans le cœur avec l’air aspiré. Une fois qu’il aura pénétré là, tout ne sera plus que joie et allégresse. Comme un homme, de retour dans sa maison après un voyage, ne se tient plus de joie en revoyant sa femme et ses enfants, ainsi l’esprit, après s'être uni à l'âme, est rempli d’un plaisir et d’une joie ineffables. Aussi, frère, enseigne à ton esprit à ne pas sortir de là aussitôt. Car, dans les débuts, cette réclusion, ce resserrement à l’intérieur, lui est insupportable. Mais une fois habitué, il ne trouve plus de plaisir aux divagations extérieures. Car le royaume des cieux est au dedans de nous, et notre esprit le contemplant là et le recherchant par une prière pure, estime tout le dehors digne d’aversion et de haine… Mais une fois entré là, l’esprit ne doit pas rester silencieux : son occupation, sa méditation ininterrompue doit être ce cri : « Seigneur JésusChrist, ayez pitié de moi. Car cette invocation, préservant l’esprit des distractions, enlève à l’ennemi toute prise sur lui et le fait monter de jour en jour vers l’amour et le désir de Dieu. nui si, malgré tes efforts, mon frère, tu ne peux pas entrer dans la région du cœur, comme je te l’ai recommandé, fais ce que je te dis, et Dieu aidant, tu trouveras ce que tu cherches. Tu sais que la raison de tout homme (tô Xoy.aTlx6v) est dans sa poitrine ; car. même lorsque nos lèvres se taisent, au-dedans de notre poitrine nous parlons, nous délibérons et nous formons des prières et des psaumes et d’autres choses. A cette raison donc enlève toute pensée (tu le peux, si tu le veux), et donne-lui le « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ». Efforce-toi de remplacer par ce cri intérieur toute autre pensée, et, à la longue, cela t’ouvrira sûrement l’entrée du cœur, comme l’expérience nous l’a appris à nous-mêmes. » De cordis cuslodia. P. G., t. cxlvii, col. 963-966. Cf. J. Hausherr. op. et loc. cit., p. 102-104.

Un autre écrit, mis sous le nom de Syméon le Nouveau Théologien, qui existait déjà au débul du xiie siècle, intitulé : MéGoSoç tyjç îepSç npoovr/rfi xal 7rpoao7-/jç, Méthode de la sainte oraison et attention, ou encore : Ilepl tcov xptâv rpcKaiv ttjç 71poæv/riç, était bien connu à l’Athos, au début du xive siècle. Le passage caractéristique est le suivant : « Assis dans une cellule tranquille, à l'écart, dans un coin, fais ce que je te dis : Ferme la porte et élève ton esprit au-dessus de tout objet vain et temporel : ensuite, appuyant ton menton sur la poitrine et tournant l'œil corporel avec, tout l’esprit sur le milieu du ventre, autrement dit le nombril, comprime l’aspiration d’air qui passe par le nez, de façon à ne pas respirer à l’aise, et explore mentalement le dedans des

entrailles pour y trouver le lieu du cœur, où aiment à fréquenter toutes les puissances de l'âme. Dans les débuts tu trouveras une ténèbre et une épaisseur opiniâtres, mais en persévérant et en pratiquant cette occupation de jour et de nuit, tu trouveras, ô merveille ! une félicité sans borne. Sitôt, en effet, que l’esprit trouve le lieu du cœur, il aperçoit tout à coup ce qu’il n’avait jamais su ; car il aperçoit l’air existant au centre du cœur, et il se voit lui-même tout entier lumineux et plein de discernement ; et dorénavant, dès qu’une pensée pointe, avant qu’elle ne s’achève et ne prenne une forme, il la pourchasse et l’anéantit par l’invocation de Jésus-Christ. » Hausherr, loc. cit., p. 164-165. Cf. P. G., t. cl, col. 899 ; t. cliv, col. 840 AB.

C’est, nous l’avons vii, la méthode du pseudoSyiuéon que pratiquaient les hésychastes avec lesquels Barlaam entra en relation. Elle est décrite, avec des variantes de détail, et recommandée tant par Grégoire le Sinaïte, Prxcepta ad hesychastas, col. 13291332, que par Grégoire Palamas, 'Trzèp tûv îepojç ^ODXaÇov-ov, P. G., t. cl, col. 1106-1107, 1110, 1112, 1114. Voilà où en était arrivée la mystique byzantine bien avant le xive siècle 1 Par un procédé mécanique, les hésychastes prétendaient arriver à la vision de la lumière divine et de Dieu lui-même. Interrogés par Barlaam sur la nature de la lumière en question, ils répondirent que c'était la lumière des théophanies dont parle l'Écriture, et spécialement l'éclat dont brilla Jésus-Christ sur le mont Thabor, au jour de sa transfiguration : cette lumière jaillissait de Dieu lui-même et était éternelle comme lui. Le moine calabrais Répliqua que c'était là une grossière erreur : d’après lui, la lumière du Thabor avait été un phénomène d’ordre matériel et passager, produit miraculeusement, au moment même de la transfiguration, et aussitôt après dissipé et retourné au néant. Loin d'être incréé, éternel et d’ordre divin, cet éclat n’avait été qu’une apparence sensible sans consistance, ïvSaL(j.a, pâvT « a[Xx, inférieur en dignité à la nature angélique, voire même à la pensée humaine. Celle-ci, en effet, est une lumière d’ordre spirituel, bien supérieure à toute lumière matérielle. Il ne fallait point voir dans la vision du Thabor une manifestation du royaume de Dieu promis aux saints, l’avant-goùt de la félicité étemelle, car elle n’avait point dépassé l’ordre sensible, et les apôtres qui en avaient joui étaient encore fort imparfaits et non pleinement purifiés.

En entendant ces déclarations, les caloyers crièrent au blasphème. Les Pères de l'Église et les hymnographes de l'Église byzantine n’avaient-ils pas écrit des choses merveilleuses de la lumière du Thabor, l’appelant une lumière inaccessible, un resplendissement divin, la gloire même de la divinité ? Si Barlaam disait vrai, c'était l’effondrement de tous leurs rêves. Aussi prièrent-ils leur confrère déjà célèbre, Grégoire Palamas, de fermer la bouche au blasphémateur, qui allait jusqu'à traiter d’hérétique quiconque ne pensait pas comme lui.

Cependant, le moine calabrais n’avait encore rien publié contre les hésychastes, bien qu’il eût commencé à écrire quelque chose, tant contre leur méthode pratique d’arriver à la contemplation, que contre leur doctrine sur l’illumination divine et la nature de la lumière de la Transfiguration. Nous avons dit plus haut qu’on lui déroba des feuilles de son manuscrit, et que, pour réfuter ces extraits, Palamas composa sa première triade de discours en faveur des hésychastes, 'Yttèp tcov lepwç yjauxa^ovrcov, où, sans doute, Barlaam n’est pas encore Tiommé, mais où il est réfuté. Si les deux premiers discours visent à légitimer la méthode pratique d’oraison, le troisième entame déjà la question de la lumière du Thabor ; Cf. P. G., t. cl, col. 835, 1101-1118. Béunissant un

certain nombre de textes patristiques, Palamas s’appuie sur ces témoignages pour déclarer cette lumière divine et inaccessible, incréée et éternelle, <p£>ç 0elov xai àrupdaiTov, àxpovov, ax-na-rov xai àtSiov ; cf. l'écrit du moine David Dishypatos, 'Iaxopîa Stà ppa/écov ôtccoç ttjv àp^Tjv auvÉaTY) y) xaxà t6v BapXaàu. xai 'ÂxlvSuvov TtovTjpà ai’psatç, publié sans nom d’auteur par Porphyre Ouspenskii, op. cit., t. iii, p. 822. — Si cette lumière avait ces caractères, répondit Barlaam, c'était l’essence même de Dieu, car rien n’est incréé et éternel en dehors de l’essence divine. "Vous enseignez donc que l’essence de Dieu est participable par les créatures et peut être vue par des yeux corporels :

TCOIEITS À01.7TOV T7 ; V OÙOtaV TOÛ ©EOÙ [AeŒXT/jV XOCt

ôpaT/jv. Or cette doctrine, c’est le dojime impie des massaliens. David, ibid. — Non pas, répliqua Palamas. Cette lumière est sans doute divine et incréée, et les saints Pères lui ont donné le nom de divinité, 6e6t7)ç ; mais ce n’est pas l’essence de Dieu ; c’est l’opération, la grâce, la gloire, l'éclat provenant de l’essence divine et communiqué aux saints. Tous les saints, en effet, hommes et anges, voient la gloire éternelle de Dieu, reçoivent la grâce et le don éternel ; quant à l’essence de Dieu, personne, ni homme, ni ange, ne l’a vue ni ne peut la voir, oùx saxi. Se oùala toû 0£ou, àXX' èvspy£i.a xai jàçnç, xai 86Ça xai Xa.jxTCpÔTïjç ex v/jç Osîaç oùalaç tic, toùç àylouç Trefxico^évï). — Si vous dites cela, riposta Barlaam, vous enseignez deux dieux, le dieu supérieur, représenté par l’essence invisible et imparticipable ; et le dieu inférieur, représenté par l’opération et la grâce que reçoivent les saints de la part de Dieu. Vous êtes des dithéïtes : Xoitcôv Sûo 6eoùç ~kh(ziz, ÙTcepxeqj-evov xai ûtpsijjLsvov. Ibid.

Dans sa réponse, le théologien hésychaste maintint sa première affirmation : L’essence de Dieu est absolument invisible et imparticipable à toute créature ; mais son opération, sa grâce divinisante est participée par les anges et par les hommes, tout en restant inséparable et indivisible de l’essence elle-même. C’est pour cela qu’il n’y a pas deux dieux, ni deux divinités. Et il recourut à la comparaison du soleil et de ses rayons. Nous distinguons dans le soleil le disque et les rayons partant du disque. Le disque ne peut être atteint par nos yeux et aveugle le téméraire qui veut le regarder fixement ; mais nous jouissons des rayons qui partent de lui et en sont inséparables. Ainsi de l’essence de Dieu et de son opération. Et de même que le disque et les rayons ne font pas deux soleils mais un seul, de même l’essence de Dieu et sa lumière, sa grâce, son opération ne sont qu’un seul Dieu ; cf. David ibid., p. 822-823, qui développe longuement la comparaison d’après les ouvrages de Palamas.

Développement de la doctrine.

Telle fut la

genèse du système qui, du nom de son auteur, s’appelle palamisme. Le point de départ fut la discussion sur la nature de la lumière parue au Thabor. Pour éviter l’erreur massalienne, oui prétend que Dieu peut être vu des yeux du corps, le théologien hésychaste posa carrément en Dieu deux choses réellement distinctes entre elles, quoique toujours inséparables : l’essence et son opération, ou ses opérations, propriétés et attributs. La comparaison du soleil et de ses rayons représente bien sa conception qu’il nous faut maintenant exposer plus en détail. Nous parlerons : 1. de l’idée centrale du système ; 2. des formules audacieuses employées par Palamas pour l’exprimer ; 3. des multiples différences établies entre l’essence divine et ses opérations ou attributs ; 4. de la nature de la lumière thaborique et de la grâce déifiante ; 5. des fondements philosophiques et théologiques du système ; 6. des multiples erreurs renfermées dans le palamisme.

1. Idée centrale du système palamite.

Nous venons de voir que, pour repousser l’accusation de dithéisme lancée contre lui par Barlaam, Paiamas a eu recours à la comparaison du soleil et de ses rayons. Pour lui, en effet, comme pour ses disciples authentiques, Dieu est semblable à un astre spirituel incréé et éternel, dans lequel il y a trois choses réellement distinctes et différentes, quoique inséparablement unies et réellement indivises, à savoir : a) un noyau central absolument invisible, inaccessible, imparticipable et indivisible, qui est l’essence divine considérée en ellemême ; b) dans ce noyau central, trois points réellement distincts entre eux et du centre même, qui sont les trois hypostascs ou personnes divines ; c) une multitude de rayons réellement distincts entre eux, partant ab lelerno du centre et des trois points comme de leur source et de leur principe commun, pour atteindre chacun à sa manière et suivant sa nature propre, sans subir aucun changement, les créatures apparues dans le temps. Ces rayons constituent l’opération, svspysia, ou plutôt les opérations, svspysiai, et les divers attributs de Dieu, au moins les attributs communément appelés opéralifs et relatifs ; cf. Paiamas, KsoâXata tpuaixà xai ôsoXoytxà, 91, 92, P. G., t. cl, col. 1185-1188. Un de ces rayons est la lumière divine ou grâce déifiante, qui apparut aux apôtres sur le Thabor, et dont la contemplation fait le bonheur des anges et des élus dans le ciel. Ibid., 93, col. 1188 B.

Telle est l’idée fondamentale du système ; tel est le Dieu de Paiamas. Pour qui a présente à l’esprit cette conception, la lecture des écrits palamites n’offre plus d’obscurité. D’après cette théologie, Dieu n’est pas l'être infiniment simple, l’Acte pur en qui tout s’identifie réellement et qui condense éminemment en son unité les multiples perfections et points de vue que l’esprit créé est obligé de distinguer en lui pour en avoir quelque connaissance. C’est un esprit aux multiples puissances, perfections, opérations, qualités, qui, sans doute, ne sont jamais en puissance et brillent toujours comme les rayons d’un soleil éternel, mais qui sont réellement distinctes entre elles et de l’esprit d’où elles émanent. C’est un fourmillement de perfections autour d’un centre inaccessible.

2. Les formules palamites.

Les formules employées par Paiamas répondent bien à ce concept.

En Dieu, il y a l’essence et ce qui est autour de l’essence ; la nature et ce qui provient, émane de la nature. Jl y a l'élément supérieur et l'élément inférieur et subordonné ; la 0s6tt)ç Ù7tspxsi[jisv7), qui est l’oùaîa, et la Osôtyjç ucpst.ji.evv], qui est l'èvspysia, ou plutôt les Osôtyjtsç ûcpsi ;, isvai, car les opérations de Dieu, ses attributs sont multiples et variés, et rien n’empêche d’employer le pluriel. Dans sa seconde lettre à Ac.indyne, Paiamas dit, par exemple, que « le don déifiant de l’Esprit est une divinité inférieure, don de la divinité supérieure : y) Osottoiôç oVopsà toù

rlvéuiXOtTÔÇ SOT !. Qs6t/)C, U98l.tjt.evY), SûjpOV OÙaa TÎJÇ ÙTTSp xsi[xsvt)c ; ». Ces multiples divinités ne font pourtant qu’un seul Dieu, parce qu’elles ne subsistent pas par elles-mêmes ; elles ne sont ni des essences ni des hypostases ; mais elles subsistent, elles sont enracinées dans l’unique essence ou divinité supérieure possédée par les trois personnes. Elles sont àvoûaiot, àvo7roaTaTOi ; ou mieux êvoûaiot, IvuTiôaTaTOt.

On ne peut pas dire, cependant, que ces GeÔT/jTsç soient des accidents, au sens propre du mot, bien que quelques-uns leur donne ce nom. Ce sont des quasiaccidents, ctu[x6so7)x6ç raûç. Voici un passage caractéristique : « Dieu a quelque chose qui n’est pas substance, zyzi xai ô [i./] ecmv oùaîa. Mais, de ce que cela n’est pas substance, il ne s’ensuit pas que ce soit un accident ; car ce qui non seulement est stable mais encore exempt d’augmentation et de diminution ne

saurait être catalogué parmi les accidents. Mais, du fait que ce n’est ni un accident ni une substance, cela ne veut point dire que ce soit un pur néant : c’est véritablement quelque chose d’existant. Ce n’est pas un accident, puisque c’est quelque chose d’absolu ment immuable. Ce n’est pas non plus une substance. puisque cela ne subsiste pas en soi. C’est, disent certains théologiens, quelque chose comme un accident, voulant seulement indiquer par là que ce n’est pas une substance : 81ô xai au[j.os6 - /)xcç <ro')ç sera roxp' mv 6soX6ytov toûto XÉysTai, toûto Ssixvûvtov ixôvov. oti oùx semv ouata ». Capila phijsica, theologica… 135, P. G., t. cl, col. 1210. Notre théologien ajoute : « Si Dieu agit par sa volonté, et non pas simplement patson être, autre chose donc est son vouloir et autre chose son être. Si donc la volonté divine est, en Dieu, autre chose que la nature, sans cependant être une substance, s’ensuit-il qu’elle n’existe pas ? En aucune manière ; mais elle existe en Dieu, qui n’a pas seulement une essence, mais aussi une volonté, par laquelle il agit. Cette volonté, on peut l’appeler un quasiaccident parce que ce n’est pas une substance ; et on peut lui refuser le nom d’accident, parce qu’elle n’introduit aucune composition, aucun changement. Dieu donc possède quelque chose qui est substance, et quelque chose qui n’est pas substance sans cependant mériter le nom d’accident, à savoir la volonté et l’opération : iysi <xpa ô ©sôç xai ô oùaîa, xai ô (xï) ouata. xàv si [J.7] aup.6s6r)xàç xaXoÏTO, ttjv 6sîav Sr]ko16n pouX/ ; V xai êvépysiav. » Ibid., col. 1216 D.

Paiamas repousse l’adage de la théodicée orthodoxe : Dieu est ce qu’il a. Pour lui, autre chose est le possesseur, autre chose ce qui est possédé ; autre chose est l’essence, autre chose l’opération ; autre chose l’intelligence, autre chose la volonté ; autre chose la bonté, autre chose la justice, et ainsi de tous les attributs, qui se distinguent réellement en Dieu, et de l’essence et entre eux, bien qu’ils soient toujours nécessairement unis à l’essence et dans l’essence, et qu’ils ne soient séparables que par une opération de notre esprit, xax'ÈTTtvotav. Il ne faut pas, en effet, confondre distinction et séparation, Stacpopà xai Siatpsaiç. Il y a, en Dieu, des distinctions réelles, indépendantes de l’opération de notre esprit ; il n’y a en lui aucune séparation réelle, mais tout ce qu’il est et tout ce qu’il a reste inséparablement et éternellement uni.

3. Multiples différences entre l’essence divine et ses opérations ou attributs. — Pour montrer que autre chose est l’essence divine, autre chose ses opérations et attributs, Paiamas s’est plu à donner de longues énumérations des propriétés de l’une et des autres.

a) L’opuscule Adversus Palamam publié par Arcudius sous le nom de Démétrius Cydonès, P. G.. t. c.liv, col. 835-864 (il n’est pas de cet auteur, mais vraisemblablement du moine Niphon), relate jusqu'à vingt-quatre différences ou modes de distinction. TpÔTOi SiaxptasMÇ, établis par Grégoire Paiamas et ses disciples entre l’essence divine et son opération. Manuel Calccas, De essentiel et operatione, P. G.. t. clii, col. 316-317. donne une liste de différences encore plus riche. Contentons-nous de signaler les principales :

1° La divinité supérieure est essence et hypostase : la divinité inférieure n’est ni essence, ni hypostase. 2° L’essence de Dieu est le possesseur, tô sxov ; l’opération, la chose possédée, tô s}(6[i.£vov. 3° L’essence, se dit seulement au singulier ; l’opération supporte et le singulier et le pluriel. 4° L’essence est la cause, le principe, atxta ; les opérations sont les effets, ôttotsXsaiJtara, effets provenant de Dieu, non par voie de création, mais par voie de production, de procession physique. 5° L’essence est invisible et incompréhensible ; l’svspysia est visible même par l'œil corpore' 1 7 ". 7

    1. PALAMAS##


PALAMAS. L’ESSENCE DIVINE ET SES OPERATIONS

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surélevé par la puissance de Dieu, et elle est connaissablé et compréhensible. 6° La première est absolument immobile ; la seconde est mobile et mouvement, rf, v 8*èvépyeiav xivoujiivTjv xal xivyjaiv. 7° L’une est imparticipable, l’autre participable par les créatures. 8° L’essence ne présente en elle-même aucune différence ; les opérations diffèrent et de l’essence et entre elles ; c’est pourquoi la première est au-dessus de tout nom, tandis que les secondes peuvent être désignées par un nom spécial. 9° L’essence est absolue, sans relation, inimitable ; les opérations sont relatives et imitables. 10° L’essence est immortelle en elle-même ; l’opération n’est immortelle qu’à cause de l’essence ; par elle-même elle peut disparaître, si on la considère du côté de la créature, tj svépysia Sià u.èv ttjv oùalav àOavaTÔç, oYaÙTTjv 8k véxpcoaiç. 11° L’essence, en tant qu’imparticipable, l’emporte infiniment sur l’opération, qui est participable, xai tô |ilv, wç àjxsOsxTov, àTCîipàxiç àTCipcoç ÔTrépxsiTaf tô S’coç [asOsxtov, à : retpâx’. ç àTrslpwç ùcpsÏTai. Cf. P. G., t. au, col. 316 D ; t. cliv, col. 848 A, où l’on trouvera plusieurs citations des écrits de Palamas.

b) Malgré ces multiples différences, l’essence et les opérations ont cependant quelques attributs et quelques noms en commun. La première et les secondes font partie du Dieu unique, sont divines, et par le fait sont également incréées et éternelles. On peut les désigner par le nom de 0s6t7]c ; et même par celui de 0s6ç. Un point capital pour Palamas est que l’opération, l’èvspyeia divine, peut recevoir le nom de ŒÔttjç ; et comme il est possible de distinguer un nombre infini d’opérations et d’attributs, il est permis de parler de plusieurs 6eÔT7}TEÇ. Attaqué par ses adversaires sur cette terminologie, au concile de 1351, il parut, un instant, renoncer à l’emploi du pluriel ; mais ce fut une concession de pure forme et passagère. Dans le décret final du concile, on maintint que, d’après les Pères, l’opération divine pouvait être appelée Qsôrq< ;  ; cf. P. G., t. eu, col. 725 D, 730-731 ; 742-745.

4. La nature de la lumière lha borique et de la grâce déifiante. — Si, dans l’ordre historique du développement du système, la question de la lumière du Thabor vient en première ligne, comme nous l’avons montré plus haut, une fois ce système pleinement élaboré, elle ne fait figure que de détail, de partie rentrant dans le tout. Mais cette partie est importante, car Palamas a greffé sur la lumière thaborique toute la question du surnaturel, de la divinisation des créatures par la grâce et la gloire.

Qu’est, en effet, pour lui la lumière dont resplendit Jésus sur le Thabor 1 C’est une èvépysta divine de premier ordre ; c’est le rejaillissement, la splendeur, la gloire, la forme, jxopepy), la beauté, la lumière essentielle de Dieu, la grâce déifiante, -q Ssorroiôç yâpiç, , le royaume des cieux promis aux anges et aux hommes. Comme les autres êvépysiai, celle-ci est incréée et éternelle. C’est par elle que nous devenons participants de la nature divine, comme l’enseigne saint Pierre. Les apôtres, sur le Thabor, purent la contempler de leurs yeux corporels par un effet de la puissance divine ; car leurs forces purement naturelles, ni l’œil du corps, ni le regard de l’esprit ne seraient capables de cette vision. Palamas reconnaît donc la nécessité d’une surélévation des facultés naturelles pour contempler l’éclat jaillissant de la divinité. Mais cette sure évation e’Ie-même est une opération divine incréée : où jj.6vov tô çwç àcxTierrov, àXXà xal Y) 8’ivau.i.ç xaO’/jv ôpôtTOti. P. G., t. cl, col. 818 A, 1224 A. D’après notre théologien, la grâce de la divinisation ne pose rien de créé dans l’âme déifiée. Tout part de Dieu et est éternel et incréé. La lumière divine est à la fois ce qui est vu et ce par quoi elle est vue.

Au demeurant, la lumière divine, la grâce déifiante se diversifie et se diffuse dans les créatures sans subir de division en elle-même, à ; j.epîcTojç fxeptvouivy). Elle est participée de diverses manières et à des degrés inégaux, suivant la capacité et les dispositions de ceux qui la reçoivent. C’est pourquoi elle est à la fois une et multiple. Ces opérations et puissances divinisatrices, ai toû Iïvsù[jiaTO< ; §ovâ(j.£t.ç ts xal èvépyEiai. sont innombrables. Le prophète fsaïe en énumère sept. parce que, chez les Hébreux, le nombre sept est synonyme de beaucoup. C’est une grossière hérésie de déclarer créés ces dons de l’Esprit, car ce sont dis processions, des manifestations et des opérations ou énergies physiques du même Esprit, éternelles et incréées comme lui : irpooSoi yàp T( * foiocura, xal èxçâvasiç xal évépysiai cpuaixal toù évôç lJvîù|jLaT<jç slai. Capita theologica, 69-71, P. (<’., t. cl, col. Il Ci) 1172.

Cette divinisation des créatures par des puissances incréées permet de leur attribuer, par une sorte de communication des idiomes, les propriétés mêmes de ces puissances et de ces opérations de l’Esprit. Ceux qui participent à la lumière divine soit dès ici-bas, soit dans l’autre vie, — il n’y a entre les deux visions qu’une question de degré, — sont appelés dieux, éternels et incréés. Palamas écrit : « Non seulement cette grâce est incréée, mais incréé est également son effet : où [iôvov Se 7] TOiaÙTY) X^P 1 ? ax-acrrôç sera, àXXà xal tô àTTOTsXscjjia ttjç tou 0eoù T01aÙT7)ç évepYeîaç axTiaTÔv scm… Paul était créé tant qu il ne vivait que de la vie naturelle reçue par création ; mais du jour où il vécut de la vie divine et éternelle du Verbe habitant en lui, il devint incréé par la grâce… Comment la grâce ne serait-elle pas incréée, alors que ceux oui y participent sont tous incréés et dieux’? àXXà yàp àxTtaTOi (xèv outoi TcâvTsç yjy.pin, waTrsp 8t] xal Œoî. Lettre à Acindyne ; cf. Adversus Palamam, P. G., t. cliv, col. 860-861.

A la question de la nature de la lumière thaborique et de la grâce déifiante est intimement liée ceile de la nature de la béatitude des saints dans le ciel. C’est un dogme de la théologie palamite que Dieu considéré en lui-même, c’est-à-dire dans son essence et sa nature, est absolument invisible et inaccessible à toute créature, ange ou homme. Le Dcum nemo vidii un quam de l’Écriture ne s’applique pas seulement dans l’ordre naturel, mais aussi dans l’ordre surnaturel. La divinisation des créatures intelligentes par la grâce ne les rend nullement capables de voir Dieu tace à face, tel qu’il est en lui-même. Palamas oublie le Videbimus eum sicuti est de la première épître do saint Jean. Ce que les anges fidèles et les saints contemplent dans le ciel, ce qui les béatifie, ce n’est pas la vision même de Dieu en trois personnes considéré dans son être intime, c’est la vision de la gloire. d< l’éclat, de la lumière qui jaillit, resplendit de l’essence divine et de chacune des trois personnes. Les apôtres, au Thabor, eurent donc un commencement de visii n béatifique. La lumière thaborique, c’est le royaume même de Dieu promis aux élus. Six jours avant la Transfiguration, Jésus-Christ n’avait-il pas prédit que quelques-uns de ceux qui l’écoutaient alors ne goûteraient pas la mort avant de voir le Fils de l’homme venant dans son royaume ?

5. Fondements philosophiques et theoloi/iques du système. — Le système de Palamas est incontestablement une nouveauté dans l’histoire de la théologie byzantine. On n’en trouve nulle part l’équivalent dans la période antérieure.

De ce caractère de nouveauté le théologien hésychaste et ses disciples ont eu conscience et ils n’ont pas fait difficulté de le reconnaître. Ils se sont posés en révélateurs de mystères cachés jusqu’à eux dans

les sources de la foi, Écriture et Tradition. C’est ce que déclare ouvertement l’auteur du t6p.oç âyiop£t, T ! x6ç, Philothée Kokkinos, au début du document : la rêvé ation palamite est assimilée à la révélation évangélique. Ce que les mystères rêvé es dans l'Évangile, et en particulier le dogme de la Trinité, ont été par rapport à la loi mosaïque, les arcanes de l’hésychasme, dévoilés par ceux qui les ont expérimentés, le sont par rapport à la loi évangélique. Sous la loi mosaïque, les prophètes seuls eurent connaissance des mystères révélés par le Verbe fait chair. Sous la loi évangélique, les secrets de la vie future sont manifestés à ceux qui, ayant renoncé pleinement au monde, s’adonnent à la vie contemplative, à I'ïjctuxî », « qui par une exacte vigilance et une prière sincère, s'élevant au-dessus d’eux-mêmes, passent en Dieu, et par l’union mystique et ineffable qu’ils contractent avec lui, sont initiés aux choses qui surpassent tout entendement : xal Stà -KÇtOrsoyrriç, àxpiëoùç xal ^posEu^ç ElXixpivoùç ûrrèp éauToùç yEvôfXEvoi xal yEyovÔTEÇ èv ©ew, 81à rîjç Trpàç aùxôv jjiuaTixîjç i’j7rsp voùv évwctecùç, Ta ÛTrèp voûv è[i.o7)0r]aav. » P. G., t. cl, col. 1228C. Au témoignage d’Acindyne, "ExŒctiç ènl-coy-oç, tcov toù LTaXapiôc Trovr.poTaTcov alpÉCTEwv, dans le cod. Monacensis 223, fol. 23v°, Palamas avouait enseigner une théologie nouvelle inconnue des anciens Pères : « Ce sont, disait-il, des mystères demeurés cachés jusqu'à ce jour et qui se trouvent indiqués seulement en énigme dans la sainte Écriture, tout comme ce qui regardait le Christ avant son incarnation, (xuar/)pta yàp eTvat tocutoc [léxpi toù TrapévToç àroxpoça, èv [xôvoiç alviyji.aat. xsl[i.£va roxpà Tfl Osîa rpa<pîj, toomp xal xà Trspl « utou tou XptaToû Tcplv aapxcoGîivai aÙTÔv. » D’après le même Acindyne, au métropolite de Ténédos, qui leur disait qu’il fallait se contenter du symbole de la foi, les palamites répondirent, — c'était en 1344 — : « Le symbole suffit aux porchers mais non à des hommes spirituels : àxoûaaç Trap’aÙTtov /oipoêoaxoïç TaÙTrjv àpxetv tïjv tocttiv, où 7rvsu(JiaTixotç àvSpâai, . "Acindyne, Aoyoç TCpôç tov ji.axapi.wTaTOv ntxiç>i&pyj)v xûp 'Iwâvv^v xal t/)v icepl aÙTÔv aiivoSov, cod. cit., fol. 55.

De même, à la première session du concile de 1351, la théologie nouvelle fut présentée comme un développement légitime de la définition du VIe concile, yJtiç oùSè 7vpoa07)X7) àv xaXoîro Sixaîwç, wç àvâriTuÇiç oùaa tyjç olxou[j.£vixî)ç eKTYjç ctuv680u. P. G., t. cli, col. 722 B. Et au concile de 1368, le tome de ce même concile de 1351 fut acclamé comme la colonne de l’orthodoxie, la règle infaillible des dogmes de la foi, le développement et le commentaire des saints Evangiles et du symbole divin, xal tûv kpâiv £Ùayy£Xîcov xal tou Œtou auji.66Xou àvdcTTTu^iv xal èÇYjyrçaiv. P. G., ibid., col. 714 C ; cf. col. 702 D.

Un peu plus tard, Marc d'Éphèse, dans ses KsçâXaia auXXoyi.CTTt.xa Ttspl oùarlaç xal èvspyEÎat ;, déclarait qu’il ne fallait pas s'étonner de ne pas rencontrer chez les anciens la distinction claire et nette entre l’essence de Dieu et son opération. Si, de nos jours, disait-il, après la confirmation solennelle de la vérité et la reconnaissance universelle de la monarchie divine, les partisans de la science profane ont créé à l'Église tant d’embarras à ce sujet et l’ont accusée de polythéisme, que n’auraient pas fait autrefois ceux qui s’enorgueillissaient de r eur vaine sagesse et ne cherchaient qu’une occasion de prendre en défaut nos docteurs ? C’est pourquoi les théologiens ont insisté davantage sur la simplicité de Dieu que sur la distinction qui se trouve en lui. A ceux qui avaient peine à admettre la distinction des hypostases, il ne fajlait pas imposer la distinction des opérations. C’est avec une sage discrétion que les dogmes divins ont été éclaircis suivant les temps, la divine sagesse utilisant

pour cela les folles attaques de l’hérésie : xal yàp oùS' Ç)v eoXoyov toïç [a^ttu xaOapôiç -rrçv tùv ûttocttocctewv TzaçcuBs^rxiiévoiç ërt, xal ttjv twv èvepyetcôv èTuepopTÎÇs'.v SiâxptCTtv. » W. Gass, Die Mysiik des Nicolaus Cabasilas, 2e appendice, Greifswald, 1849, ne donne pas ce passage, que nous tirons du Canon Oxoniensis 49.

Il faut reconnaître que l’audace de Palamas n'était pas petite d’oser présenter d’emblée une pareille quantité d’innovations dans une Église où le conservatisme doctrinal et l’attachement aux antiques formules étaient poussés à l’extrême. Aussi verronsnous cette théologie soulever une longue tempête et n’arriver à s’imposer comme doctrine officie le que par l’appui de la force brutale. Tout ce que Palamas pouvait recueillir dans la tradition antérieure comme fondement lointain et équivoque de son système, c'était : 1° Le langage anthropomorphique habituellement reçu sur Dieu et ses perfections, langage nécessairement impropre et faux, si on le prend à la lettre, et que le philosophe et le théologien corrigent dans leur esprit par des sous-entendus sauvegardant la transcendance absolue de l'être divin ; 2° des expressions également anthropomorpbiques, entremêlées de métaphores, de synecdoques et d’autres figures habituelles aux orateurs et aux poètes, sur la lumière du Thabor ; 3° la doctrine de certains Pères grecs, spécialement des adversaires d’Eunomius et d’Aétius, sur l’incompréhensibilité de Dieu ; 4° le langage figuré des mystiques byzantins sur la vision de la lumière divine et la divinisation de l’homme par la grâce.

Ces éléments équivoques, le théologien hésychaste et ses disciples les ont, en effet, utif ses. Tout d’abord, il est visible que Palamas se fait de Dieu une conception anthropomorphique. Il le conçoit sur le modèle de l'âme humaine avec ses diverses facultés et tnergies. Il admet en lui ce que nos théologiens appellent la composition métaphysique réunissant une substance et des accidents émanant physiquement de cette substance et subsistant en elle, quoique lui étant inséparablement unis et ne pouvant subsister hors d’elle. La transcendance de l'être divin lui échappe. Il croit que Dieu est une essence à la manière des créatures, alors qu’il est au-dessus de toute essence. Du même coup il détruit l’absolue simplicité de l'être divin, et admet en lui une foule de distinctions réel es mineures. Sans doute, nous l’avons entendu plus haut nous dire que les opérations, les attributs émanant de l’essence divine, ces 6e6tt]T£ç ûcpEipvévai dont il parle si souvent, n'étaient pas de vrais accidents ; mais ce ! a vient de ce qu’il se fait de l’accident une conception particulière. Il concède, du reste, que ce sont des quasi-accidents et cela sullit pour nous révéler ! a grosse erreur philosophique de son système. Cette erreur originelle perce à chaque page de ses écrits et spécialement par les comparaisons auxquelles il a recours pour nous manifester sa pensée. C’est, par exemp’e, celle du soleil et de ses rayons, que tous les palamites affectionnent, et celle de l’esprit humain avec ses mu’tipes pensées ou facultés, qui revient si souvent. De même, nous dit Palamas, que l'âme humaine ne perd pas sa simplicité par le fait qu’il y a en elle multiplicité de pensées ou de puissances ; de même la simplicité divine n’est pas détruite par la multiplicité des opérations et perfections émanant de son essence et réellement distinctes de celle-ci et entre elles. Un être n’est dit composé, ctÛvŒtoç, que lorsqu’il est formé de choses existant ou pouvant exister séparément dans la réalité, c’est-à-dire, pour parler le langage de nos théologiens, dans le cas d’une distinction réelle majeure. Deux choses font que Dieu reste simple malgré la multiplicité de ses opérations réellement distinctes : c’est que ces opérations sont inséparables de son essence, et

qu’elles sont toujours en acte, éternelles et immuables : IIcoç Se r, èvépyeioc IvOscopoujiÉvir) ziï> @sco çeôyei i"î)v aûvŒaiV 'EtciSt] [L6voç à.7ra0£CfTâ-T7jV sysi tt)v Ivspysiav, ÈvEpyœv jaovov, àXX' où^l xal Trâo^cov xax’aù-rrjv, oùSè yivou£voç, oùSè àXXotoû[i.£voç. » Capila theologica, 128, P. G., t. cl, col. 1212 A. En d’autres termes, d’après Pal amas, pour qu’il y ait composition vraie, il faut qu’il y ait séparabilité réelle, et non pas simplement séparabilité mentale, xa-r'èmvoiav, des éléments composants.

On a rapproché du platonisme, ou plutôt du néoplatonisme, la conception palamite de la divinité ; cf. Nicéphore Grégoras, Hist. byzant., t. XXXV, P. G., t. cxlix, col. 425-428. Il y a, en effet, quelque ressemblance lointaine entre les deux systèmes. Des deux côtés l’essence divine est considérée comme inaccessible, invisible et n’entrant pas par elle-même directement en contact avec les créatures. Mais, alors que les philosophes néo-platoniciens placent entre Dieu et le monde des êtres intermédiaires, idées abstraites, puissances mal définies (par exemple les Suvâ^eiç de PhiIon), ou bien éons, Palamas fait tout entrer en Dieu et nous parle de la Ôsôtyjç ÛTOpxeijjiivrj et des Gsôtyjteç ùcpe'.[i.éwL. Ce qu’on peut affirmer sans crainte de se tromper, c’est que le théologien hésychaste platonise sans le savoir. Il ne faut point voir en lui un philosophe. Bien au contraire, lui et les siens ont en horreur la sagesse profane et les syllogismes de Barlaam et de Grégoras. Pour se défendre contre leurs adversaires qui les attaquent au nom des principes de la raison, ils se posent en théologiens, et en appellent à l’autorité de l'Écriture et des Pères. La question qu’ils ont soulevée doit se résoudre selon eux, non d’après les principes de la philosophie, mais par ceux de la théologie, c’est-à-dire par voie d’autorité. Aussi voyonsnous Palamas, dès le début de la querelle sur la nature de la lumière thaborique, opposer à Barlaam une collection choisie de textes patristiques. Les citations des Pères reviennent continuellement dans les écrits palamites, et la controverse qu’ils ont suscitée a roulé presque tout entière sur l’exégèse de ces textes. Les antipalamites ont été obligés d’accepter la lutte sur ce terrain. C’est donc fausser la perspective de cette controverse que de la présenter, à la suite de quelques historiens, comme une lutte entre deux courants philosophiques : platonisme et aristotélisme ; ou encore : réalisme et nominalisme. La polémique a été essentiellement d’ordre religieux et théologique. Elle a surtout fait appel à des arguments d’ordre positif, empruntés à l'Écriture sainte et aux Pères ; et, si la scolastique spéculative y a eu sa part, elle a été introduite par les citations patristiques. Deux courants théologiques se sont affrontés : l’un aux allures novatrices, se présentant comme révélateur de secrets encore inconnus, ou mal éclaircis, contenus dans le dépôt révélé ; 1 autre conservateur, s’en tenant au symbole de la foi et aux définitions des anciens conciles et rejetant toute discussion sur des problèmes dogmatiques nouveaux. Le courant proprement philosophique n’a guère été représenté que par Barlaam, qui fut lâché par tout le monde, dès que le débat prit un caractère public, et par le hiéromoine Prochoros Cydonès, un traducteur et un disciple de saint Thomas d’Aquin, qui donna beaucoup de fil à retordre au patriarche Philothée.

Palamas avait-il donc si beau jeu sur le terrain de la théologie positive ? Non pas certes. Mais il pouvait y faire figure de combattant plus facilement que sur le terrain de la philosophie, où il était battu d’avance. Il pouvait d’abord, comme nous l’avons dit, se réfugier derrière les anthropomorphismes du langage courant, que les Pères, comme tout le monde, ont employés, sans toujours y mettre expressément les correctifs qui s’imposent. Aussi, lui et les siens ont-ils pu composer des tlorilèges patristiques très nourris de passages vagues et sans portée, qu’ils ont tirés à eux par une exégèse sophistique et toute subjective. Ces florilèges n’ont aucune valeur probante pour le système qu’ils ont pour but d'étayer. On est étonné, en les parcourant, de la cécité exégétique de eurs auteurs et de l’aplomb avec lequel ils mettent en ligne quantité de textes qui n’ont rien à voir avec leurs théories. Sans doute, sur la lumière thaborique, certains Pères ont parlé d’une manière assez obscure. On trouve, par exemple, dans les homélies de saint Jean Damascène et de saint André de Crète, dans les écrits de saint Maxime, chez d’autres encore des expressions qui, à première vue, paraissent favoriser en quelque façon la théologie nouvelle ; mais ce n’est qu’une apparence, et les théologiens antipalamites n’ont pas eu beaucoup de peine à dissiper ces équivoques verbales. Ils ont pu, à leur tour, réunir bon nombre de passages où l’absolue simplicité de Dieu est expressément enseignée et les distinctions palamites explicitement condamnées. Signalons, par exemple, un extrait de saint Nicéphore, tiré du Premier Antirrhétique contre Constantin Copronyme, 41, P. G., t. c, col. 304-305, faussement attribué par les deux partis à saint Théodore Graptos, qui revient perpétuellement dans les écrits polémiques de l'époque et a mis à la torture Palamas et les siens ; plusieurs passages de saint Maxime, du pseudo-Denys et d’autres, que Nicéphore Grégoras a réunis dans sa discussion avec Nil Cabasilas, Hist. byzant., ]. XXII-XXIV.P. G., t. cxlviii, col. 1328-1433.

Palamas abuse spécialement de l’autorité des Pères, quand il cherche à établir la distinction réelle qu’il met entre l’essence divine et son opération par les passages où les Pères prouvent contre les hérétiques la distinction réelle des personnes divines entre elles. Pour lui, en effet, les deux distinctions vont de pair et sont de même ordre. Il raisonne de la manière suivante : si la simplicité de Dieu n’est pas détruite par la distinction réelle des personnes divines entre elles, elle n’est pas ruinée non plus par la distinction réelle entre l’essence divine et ses opérations et attributs. Ce raisonnement sous-entend une autre affirmation de notre théologien : c’est que non seulement les personnes diffèrent entre elles, mais chacune d’e.Ies diffère réellement de l’essence. Il y a entre l’essence et chaque personne la même distinction et différence qu’entre l’essence et l’opération ; cf. le dialogue Theophanes, P. G., t. cl, col. 929 A, et Capila theologica, 135, ibid., col. 1216 C : xcov ÛTroaTtiascov ÉxâaTrj LfTZ oùaîa èorl [irjTe croii.6e67.x6c ; cf. aussi sa Confession de foi, P. G., t. cli, col. 766 BC. D’après lui, de même qu’on dit : aXXo rj ouata xal aXXo rj EvÉpyEior, on doit dire aussi : aXXo 'r oùaîoc xal ôîXXo Y) ÙTtoaTaaiç. C’est faire la confusion de l’absolu et du re atif, et compromettre encore davantage la simplicité de l'être divin.

Le théologien hésychaste va également chercher chez les Pères les textes qui proclament l’incompréhensibilité de Dieu pour en conclure que l’essence divine est absolument invisible, inaccessible, imparticipable aux créatures, même déifiées par la grâce. Il oppose de même es textes scripturaires qui tantôt disent que personne n’a jamais vu Dieu, tantôt promettent sa vision face à face, tel qu’il est. Il déduit de là que Dieu est absolument invisible quant à l’essence, mais qu’il est visible quant à son opération. La vision de Dieu face à face doit s’entendre de la contemp ation de quelque chose qui sort de Dieu, non de l’essence de Dieu elle-même. Par cette doctrine, il satisfait les aspirations des mystiques et leur promet la vision de Dieu dès ici-bas, c’est-à-dire de sa lumière et de sa gloire, sans tomber dans le massa ianisme. De ces considérations il déduit la règle d’herméneutique

T.

XI

56

suivante, qu’il applique aussi bien aux textes de l’Écriture qu’à ceux des Pères : « Quand tu lis que Dieu est incommunicable et inaccessible, entends-le de son essence. Quand tu lis, au contraire, qu’il se communique aux créatures, qu’il est vu face à face, entends-le de son opération. » Cf. Theophanes, toc. cit., col. 937 D, 938 H ; Capita théologien. 149. 150, ibid., col. 12241225. Comme nous l’avons dit plus haut, l’invisibilité de l’essence divine, même pour les esprits bienheureux et les élus, est pour Palamas un axiome, qu’admettent avec lui un grand nombre de Byzantins, en dehors de toute controverse. Cette opinion se fondait sur plusieurs textes des Pères grecs, qu’il faut, sans doute, entendre soit de la vision par les seules forces naturelles, soit de l’incompréhensibilité proprement dite de l’être divin. Comme le disent nos théologicns v Dieu est vu tout entier par les bienheureux, puisqu’il est simple ; mais il ne peut être vu totalement par aucune j créature, totus videtur, serf non lotaliler. Les Byzantins dont nous parlons ne paraissent pas avoir fait cette distinction nécessaire. Palamas tirait de là quelque soutien pour sa théorie, et pouvait mettre dans l’embarras ceux de ses adversaires qui acceptaient son postulat.

Il croyait aussi trouver un appui dans la définition du VIe concile œcuménique proclamant l’existence en Jésus-Christ de deux natures et de deux opérations, et nous avons vu que le concile de 1351 présentait la nouvelle doctrine comme un développement, àvdOTTuÇiç, de cette définition. On y arrivait par ce raisonnement : Le concile proclame deux natures et deux opérations : si l’opération humaine est réellement distincte de la nature humaine, il faut aussi que l’opération divine soit réellement distincte de la nature divine ; sans cela, les termes de la définition ne tiendraient plus. Cet argument revient surtout dans les écrits pal ami tes.

Enfin notre théologien ne manquait pas de recourir à d’autres raisonnements thêologiques cousus de subtils sophismes. Il disait, par exemple : Si, en Dieu, l’opération ne diffère pas de l’essence, en lui engendrer, Ysvvâv, sera la même chose que créer, uoieïv. Il n’y aura donc aucune différence entre le Fils et le Saint-Esprit, d’une part, et les créatures, de l’autre. Capita theologica, 96 et sq., loc. cit.. col. 1189. Il triomphait aussi de ses adversaires en leur prêtant le pur nominalisme, et en leur faisant nier que Dieu soit une nature agissante. Or saint Maxime avait dit : Une nature sans activité est un pur néant. Barlaain et Acindyne étaient donc des athées. Ils étaient aussi des polythéistes, parce qu’en affirmant que les opérations de Dieu étaient créées, ils unissaient le créé et l’incréé en un tout monstrueux.

6. Des multiples erreurs renfermées dans le système palamite. — Si Palamas et les siens accusaient leurs adversaires d’erreurs imaginaires, ces derniers reprochaient aux novateurs de ressusciter à peu près toutes les anciennes hérésies, et ils n’avaient pas trop de peine à le démontrer sans avoir besoin de travestir leur pensée.

En s’attaquant, en effet, à l’absolue simplicité de l’être divin, Palamas adultérait gravement la notion de Dieu et, celle-ci une fois compromise, à quelles monstrueuses erreurs n’aboutit-on pas par voie de déduction logique ? On peut voir les spécimens de ces déductions dans les deux documents anonymes publiés par Allatius dans son ouvrage, De libris ecclesiasticis Grœcorum dissertalio II, et reproduits par Migne, P. G., t. cl, col. 846-876. Par le même procédé, Nicéphore Grégoras a accusé Palamas de pervertir la notion du mystère de l’incarnation et de nier la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, Hist. buzant., t. XXIV, P. G., t. cxlviii, col. 1425-1433. Nous ne suivrons pas celle piste dialectique, qui

pourrait nous mener fort loin. Qu’il nous suffise de noter les erreurs contenues explicitement dans l’énoncé des thèses palamites comparées à la doctrine catholique.

a) Comme nous l’avons déjà dit, l’erreur fondamentale du système est d’admettre en Dieu une composition de nature et de personnes, de substance et d’accidents, d’essence et de propriétés physiques découlant de l’essence, d’élément primaire et d’élément secondaire. Cette erreur, loin d’être atténuée par la terminologie, est au contraire mise par elle en un relief criard, intolérable aux oreilles pies. Pareil langage était jusque-là inouï dans l’histoire de la théologie chrétienne. Deux siècles pourtant avant Palamas, le théologien latin Gilbert de la Porrée avait enseigné la même erreur que lui sur la distinction réelle entre l’essence divine et les personnes divines. S’il n’avait point admis, à ce qu’il semble, de distinction réelle entre l’essence et les attributs, il en posait une entre Dieu et la divinité ; ce qui ressemble un peu à la divinité supérieure et à la divinité inférieure de Palamas. On sait qu’il fut condamné au concile de Beims (1118) ; cf. l’article Gilbert de la Porrée, t. vi, col. 1350-1358. Deux propositions de ce concile s’opposent directement à la doctrine palamite : Credimus Deum nonnisi sapienlia, quæ est ipse Deus, sapientem esse, nonnisi ea magnitudine, quæ est ipse Deus, magnum esse… Credimus et confitemur solum Deum Patrem et Filium et Spiritum Sanclum sternum esse, nec aliquas omnino res, sive lelationes, sive proprielales, sive singularitates vel unitales dicantur, et hujusmodi alia, adesse Deo, quæ sint ab œterno, quæ non sint Deus. Cf. Denzinger-Uannwart, Enchiridion sijmbol. et defln., n. 389, 391. La même erreur de la distinction réelle entre l’essence divine et chaque personne de la Trinité fut soutenue par l’abbé Joachim de Flore et condamnée par le quatrième concile de Latran (12 15) : Credimus et confitemur quia quælibet trium personarum est illa res, videlicel subslantia, essentia s eu natura divina. Denzinger, op. cit., n. 432. Quant à la distinction réelle entre l’essence divine et son opération, qui est proprement le dogme palamite, elle est explicitement rejetée par la profession de foi du XVe concile de Tolède (688), approuvée par le pape Sergius I er : Hoc est Deo esse, quod velle ; hoc velle, quod saperc : qund tamen de homine dici non poiest. Aliud quippe est homini id. quod est sine velle, et aliud velle eliani sine sapere. In Deo autem non est ita, quia simplet ita natura est, et ideo hoc est illi esse, quod velle, quod sapere… Denzinger, ibid., n. 294. Le pa ! amisme se heurte enfin à l’affirmation dogmatique du concile du Vatican : Deus est substantia spirilualis omnino simplex, Denzinger, n. 1782 ; de sorte que cette doctr/ne considérée dans son principe fondamental n’est pas seulement une grave erreur philosophique ; c’est aussi, du point de vue catholique, une véritable hérésie.

b) Erronées et proches de l’hérésie sont les autres thèses palamites sur la grâce déifiante incréée, les dons du Saint-Esprit incréés, la puissance, la lumière par laquelle on voit la gloire de Dieu (c’est-à-dire la lumière de gloire) incréée ; sur la négation du don incréé ou de l’inhabitation des personnes divines dans l’âme du juste. Pour Palamas, en effet, les personnes divines, pas plus que l’essence divine, n’entrent en relation directe avec les créatures. Ce qui est donné au juste, ce n’est pas la personne même du Saint-Esprit, mais son opération. Tout cela est inconciliable avec la doctrine catholique sur la justification, codifiée par le concile de Trente, sess. vi ; cf. Denzinger, op. cit., n. 799, 809, 821. Ajoutons que la théorie de la grâce incréée et la conséquence qu’en tire Palamas par rapport à l’homme justifié, à qui il décerne L765

l’A LAMAS. AUTRES DOCTRINES

1766

les épithètes d’incréé el d'éternel : axTioroç, à'fôioç, xtsXsûtyjtoç, frisent le panthéisme et paraissent assimiler l’union à Dieu par la grâce à l’union hypostatique.

c) Affirmer que l’essence et les personnes divines sont absolument invisibles même aux anges et aux élus dans le ciel, et que la béatitude consiste essentiellement non à voir Dieu tel qu’il est. mais à contempler une lumière incréée et éternelle jaillissant de la divinité est une hérésie opposée à la définition prononcée par le pape Benoît XII. le 29 janvier 1336, juste à la vieille de la controverse entre Barlaam et Palamas. Cf. Denzinger, n. 530, et l’article Benoit XII, t. n. col. 657-696.

d) Heste la question de la possibilité pour un œil corporel de voir, par un miracle de la toute-puissance divine, soit la lumière divine incréée (thèse de Palamas), soit l’essence même de Dieu. Ce problème a été examiné par les théologiens catholiques pour ce qui regarde la vision de Dieu. Un tout petit nombre s’est prononcé pour l’affirmative. La plupart s’en tiennent a la réponse de saint Thomas, Sumina theologica, l a, ((. xii, a. 3. L’affirmative ne saurait être qualifiée d’hérésie, mais elle fait l’effet d’un non-sens philosophique.

IV. Doctrine de Palamas sur d’autres points de dogme. — La question de l’essence divine et de son opération n’a pas absorbé toute l’activité théologique de Palamas. Il a laissé sur plusieurs autres points de dogme des affirmations intéressantes, des aperçus remarquables et parfois nouveaux, qu’il nous faut brièvement signaler.

" Sur Dieu. — Parmi tous les attributs divins Palamas accorde la primauté à la bonté. C’est la bonté qui constitue l’essence de Dieu, oùaîav e/ei rJjv àyaflôxrjxa. Capita theologica, 34, P. G., t. cl. col. 1141 D. Tout ce quon peut concevoir de bon se trouve en lui ; ou plutôt lui-même est cela, et quelque chose au-dessus de cela. p.àXXov 8k Èxsïvôç sem, xal ÛTièp èxeïvo êaxt. Ibid. Très affirmatif sur la distinction réelle entre l’essence divine et son opération, sa gloire ou sa lumière, le théologien hésychaste tient un langage embarrassé et contradictoire, quand il s’agit de la distinction entre l’essence et les attributs négatifs ou quiescents. C’est ainsi que, dans le passage que nous venons de citer, il identifie avec l’essence la bonté, la vie, la sagesse, l'éternité, la béatitude : La vie. dit-il, est en lui, ou plutôt, il est lui-même la vie. car la vie est chose bonne, el la vie est bonté en lui. La sagesse aussi est en lui, ou plutôt il est lui-même la sagesse, car la sagesse est bonté en lui ; ainsi en va-t-il de tout ce qu’on peut concevoir comme bon. Et en lui. il n’y a pas de différence entre la vie, la sagesse et la bonté et autres perfections semblables, car cette bonté concentre et réunit eu elle-même dans une unité très simple toutes les perfections, et elle est conçue et dénommée par tout ce lui est bon : xal oùx È'axiv èxeî Siaoopà Çcorjç, xal aoeptaç, xal àyafJoT/jTOÇ xal twv toioûtoùv -àvxa yàp r t àyaôôxrjç èxsiVY] auveiA7)|ZU, évcoç xal èvialcoç xal àTrXoucxàxcoç cup.-epioâÀAe'.. Ibid., col. 1141 D. Il est vrai qu’il ajoute aussitôt : « Cette suprême bonté n’est pas seulement tout ce qu’on conçoit véritablement comme bon : mais en tant qu’ineffable et incompréhensible, elle est audessus de tout cela sans perdre son unité et sa surnaturelle simplicité. » Ibid., col. 1144 A. Ailleurs, Theophanes, col. 945 BC, il paraît placer une distinction réelle entre l’essence et les attributs énumérés plus haut. Tout cela donne l’impression du discoureur dans les nuages, qui ne sait pas trop ce qu’il dit et patauge dans le mystère. Cette instabilité de pensée, cette tendance marquée à la contradiction a été signalée par plusieurs contemporains, qui reprochent souvent à notre théologien de nier ce qu’il a d’abord affirmé et de faire des dérobades opportunes pour échapper à l'étreinte de ses adversaires.

Dans son homélie sur la parabole du festin des noces, la 11e de la série, P. G., t. cli, col. 513-526, Palamas j touche, en passant, à la question de la prédestination ; mais il le fait en prédicateur répondant à une objection courante, non en théologien cherchant à sonder le mystère. L’objection est celle-ci : Pourquoi Dieu a-t-il créé les méchants, dont il a prévu le châtiment éternel ? La réponse est celle-ci : Dieu appelle tous les hommes au salut, et veut le salut de tous ; mais il respecte la liberté des créatures raisonnables, qui consiste à pouvoir choisir entre le bien et le mal. Reprocher à Dieu d’avoir créé les méchants revient à dire qu’il n’aurait pas dû produire à l’existence les créatures raisonnables. La malice des méchants ne devait pas empêcher Dieu de créer les bons, d’autant qu’un seul juste vaut plus qu’une multitude de pécheurs. Ceux qui devaient devenir mauvais par leur faute ont été créés à cause des bons, Sià xoùç àyaôoùç xal xoùç èao[xsvo’jç xaxoùç êS7)(i.ip15pyrjŒV, col. 520 B. Au même endroit et ailleurs, notre théologien enseigne explicitement le petit nombre des élus : ôXîycov ôvxgjv tûv exXexxûv lascGai p.EXX6vxa>v, aùxoç Sià xo ùrcspëâXXov Trjq aùxoù cpiXavôptoTrlaç airavxaç ÈxâXsasv, col. 520 C. Cf. Horn., lv, éd. Sophoclès, p. 1 92-194.

2° Sur la Trinité et la procession du Saint-Esprit. — Fait remarquable dans l’histoire de la théologie grecque et byzantine, et, à notre connaissance, inouï jusque-là, Palamas expose sur le mystère des processions divines une théorie identique à celle de saint Augustin et de saint Thomas : Dieu est esprit, voùç, et comme esprit il a un Verbe qui l’exprime, Xôyoç, et un Souffle, Ttv£Ûp.a, qui est comme l’amour ineffable du Père vers le Verbe engendré, et dont le Verbe et Fils du Père se sert lui-même en se tournant vers le Père : Ixsïvo to nv£Ùp.a xoù àvcoxâ/roo Aoyou oïôv xiç s’pojç Èaxlv àTtôpprjxoç toù revvïjTopoç itpôç aÙxÔV TÔV àicopp^xcoç yEvvrjÔÉvxa Aôyov w xal aùxèç ô xoù Ilaxpôç E7tspaaxoç Aoyoç xal Ylàç ypîjxai 7rpôç xôv rEvvvjxopa. Capita theol., 36, loc. cit., col. 1144-1145. Le Verbe de Dieu ne trouve en nous son image, ni dans la parole extérieure, Xôyoç Trpoçopixôç, ni dans la parole intérieure, Xôyoç IvSiâflETOç, mais dans la raison en acte, dans l’acte de connaissance, àXXà xaxà xôv sp : <pÙTcûç 7)ji.1v, èi, ou ysyôvap.£v Ttapà xoù xxlaavxoç rjfjiaç xax' slxôva oïxeîav, ÈvaTiûXELpisvov xÇ> vÇ> Xôyov, xtjv àsl ÛTtâpxo’jaav aùxcô yvâxiiv. Op. cit., 35, col. 1144 C. La même doctrine des deux processions par voie de connaissance et par voie d’amour est exposée et développée à propos de l'âme humaine considérée comme l’image vivante de la Trinité. Tout comme Dieu, notre âme est intellectuelle, douée d’un verbe et d’un souille, voepdc, Xoyixrj xal 7rvsup.ax1.xr) ; elle connaît et elle aime. Elle est même la seule à avoir un voùç, un Xôyoç et un souffle vivifiant, p.6v7] voùv E/ouaa, xal Xoyov xal Trv£'j[za Çcooitoiov ; souffle vivifiant, parce qu’elle donne la vie au corps. Sous ce dernier rapport, elle exprime mieux l’image divine que l’ange. L’ange, sans doute, a le voûç, le Xôyoç et l’amour du voûç pour le verbe, è'pcoç toû voû Trpôç xov X6yov ; mais il n’a pas le souffle, l’esprit vivifiant, ne possédant aucun corps pour lui donner la vie. Op. cit., 37, 38, 39, col. If 45-1 148. Ces considérations sont vraiment curieuses et originales sous la plume d’un théologien byzantin de la première moitié du xive siècle. Palamas les a-t-il trouvées tout seul, ou les a-t-il empruntées ? Nous pensons que l’idée-mère lui est venue de saint Augustin par la traduction du De Trinitaie de Maxime Planude, peut-être de saint Thomas par la traduction du Contra génies de Démétrius Cydonès, terminée la veille de Noël 1354. Les Capita physica et theologica, en effet, où nous trouvons l’exposé de la théorie, paraissent bien être un des derniers écrits du théologien hésychaste, et il n’est pas impossible que la traduction de Cydonès lui soit parvenue. Au demeurant,

si l’idée centrale est un emprunt, les développements sur l'âme et l’ange, images de la Trinité, paraissent bien lui appartenir.

Admettant la spéculation augustinienne et thomiste sur les processions divines, Palamas aurait dû, semble-t-il, aboutir à la procession du Saint-Esprit ab utroque. Mais la tradition de l'Église byzantine lui barrait le droit chemin de la logique. Aussi, tant dans les Capila theologica que dans les écrits polémiques contre les Latins, maintient-il le dogme photien de la procession du Saint-Esprit du Père seul. A en croire Philothée, Panégyrique, col. 627 CD, ses deux discours contre la doctrine catholique seraient si originaux et si bien étofïés, qu’ils laisseraient bien loin derrière eux toutes les productions antérieures de la polémique byzantine sur le même sujet, et que celles-ci, en comparaison, ne sont que jeux d’enfant et faibles commencements, OÏOV TO’JÇ TTpÔ OOJTOÛ 7TpÔç AoCUVOUÇ Ô^OÙ

rcàvraç TiaiSiàv ànoSsl^ai. xal 7tp6axY]|U.a 81aÀé£, sa>< ;. L'é oge nous paraît plus qu’hyperbolique. Rien, en effet, ou à peu près rien, dans ces pièces, et aussi dans les 'AvTsmypacpcû, qui ne se rencontre ou expressément, ou équivalemment, chez les polémistes antérieurs. Toute l’originalité du théologien hésychaste a consisté à faire jouer, dans la question présente, sa fameuse distinction entre la personne du Saint-Esprit et son énergie ou grâce ou opération D’après lui, la personne du Saint-Esprit n’est ni envoyée, ni donnée, mais seulement sa grâce et son opération. C’est seulement à ce point de vue qu’on peut dire que le Saint-Esprit vient du Fils, èx toù Tloù : oùx àpa èx toù Tloù ècttI to IIvEUfxa, et jxyj tyjv x^piv eire-fiç IlvEÙfxa xal tyjv èvépysiav. Deuxième discours, éd. cit., p. 71 ; cf. p. 12. Pourquoi cela ? Parce que la mission, à710aToXYj, est commune aux trois personnes. Cette mission consiste dans la manifestation du Père, du Fils et du Saint-Esprit : non de leur essence, qui est absolument invisible et indicible, mais de leur grâce, vertu et opération, qui est commune aux trois : xoivôv ë'pyov y) àTtoaroXy], 8yjXov6ti y) çavépcoaiç IlaTpôç, Tloù xal riv£Û[i.aTOÇ- cpavspoÙTai Se où xaT’oùcrlav..,

, àXXà xaTà tyjv x^pw xal tyjv 8ùva|jit.v xal tyjv sv èpysiav, tj-lç xoivyj eau.. Confession de foi, P. G., t. ci.i, col. 766.

Comme ses prédécesseurs, il est fort embarrassé pour expliquer la formule des Pères grecs : èx toù LTaTpôç Sià toù Tloù sx7Top£Ù£Tai to Uv£Ù}i.a. A leur exemple, il en donne les interprétations les plus fantaisistes. Ou bien il le traduit par : avec le Fils, aùv tco Tlù, (XcTa toù Tloù — il n’admet pas, comme d’autres, ii, sTà tov Tlôv, après le Fils — (cf. l eT discours, p. 25, 41 ; 2e discours, p. 63 : où [X£Tà tov Tlôv xaTa tyjv ÙTrcxp^iv, àXXà liSTà toù Tloù ; et p. 93 : oùx sic tyjv èx, àXX' £Îç Tyjv aùv 7Tp66sCTiv tyjv Stâ voYjaofzsv te xal u.sttxr]^6u, eQK) ; ou bien il le rapporte à la procession temporelle ou mission, èx toù LTaTpôç Sià toù Tloù toïç àyiaÇo[iivoiç èyylvsTat, Yjvlxa av Seot (cꝟ. 7 er disours, p. 26 ; 2- discours, p. 94) ; ou bien il l’entend de la consubstantialité, tô àroxpaXXaxTÔv, evcooiç xaT’oualav xal è[i.o60uXîav. Contre les êraypaçai de Veccos, P. G., t. clxi, col. 244-245.

Quant aux textes patristiques qui portent a Paire Filioque procedil, prouenit, profunditur, s’il s’agit des formules gre< ques : èx toù Tloù upÔEtai, TrpoysÏTai, TrpospxsTOCi, il nie qu’elles soient équivalentes pour le sens à celle-ci : èx toù Tloù èx7ropeÛ£Toa. Sixième àvTs7rtypa<pY), loc. cit., col. 265 BC ; s’il s’agit de la formule latine, il s’en tire à bon compte par le dilemme suivant : « Ou tu falsifies le texte, ou tu l’interprètes mal et tu expliques sans le secours de l’Esprit ce qui a été dit par l’intermédiaire de l’Esprit ; ou lu préfères une opinion particulière à la doctrine commune : ïj uapa/apàxTeiç aÙTÔç, yj TcapaXoylÇYj xal TrapEçVrjyYJ. [xyj (xsTà toù flv£Ù(J.aToç ÉptXY.vEÙcov Ta eîprjjjiéva Sià toù Ilvsù[i.aTOÇoù |XY)v àXX' si xal toùto 6slYj(i.£v, Ô7rep oùx eot'.v, où

TrpoaSsxTÉa [AâXXov Ta xoivꝟ. 7tapa8£So ; i.£va tcïjv ISlwç ElpYjjj-Évcov ÉxaaTco. » Premier discours, p. 41. Il admet pourtant que le Saint-Esprit passe éternellement ; 'i travers le Fils, èx toù IlaTpôç èv tw Tlw SiYjxei àïSlwç, ibid., p. 94, tout en repoussant l’idée que le Fils jouerait, dans le cas, le rôle de canal inerte ou d’instrument, 81.a6aTlxwe te xal TrapoSixwç, yj wç 8V ôpyâvoi). Ibid.. p. 95.

Il n’arrive pas à comprendre comment les Latins peuvent dire que le Père et le Fils sont un seul principe du Saint-Esprit, tout ce qui est commun, dans la Trinité, l'étant aux trois personnes. C’est pourquoi, malgré leurs affirmations, ils posent en fait deux principes du Saint-Esprit : ce qui est absolument inacceptable. Premier discours, p. 16-17, 39. Barlaam, en combattant (es Latins, avait émis comme plausible l’hypothèse d’un principe subalterne, subordonné à un premier principe et venant de lui, yj èx tyjç àpxîjç àpXY). Il n’y aurait, disait-il, aucun inconvénient à poser deux principes du Saint-Esprit, à savoir le Père et le Fils, le Fils étant subordonné au Père et venant de lui : (r/jSsv cctottov EÏvai EÏ tiç 8ùo p.èv àp)(àç XÉysi, tov IlaTspa SyjXovoti xal tov T16v, jj.yj (iivTot y£ àvT18 !.Y)pY ; fiivaç [ayjSÈ àvTiBÉTOuç àXXYjXaiç, àXXà tyjv ÉTÉpav utcô tyjv ÉTÉpav, yj ex tyjç £TÉpaç. Palamas repousse énergiquement cette conception, qu’il prête à tort aux Latins dans sa Première lettre ù Acindyne, dont P. Ouspenskii, L’Alhos. éd. Syrkou, t. iii, Saint-Pétersbourg, 1892, p. 710-712 donne de longs extraits.

Pour mieux ruiner le dogme catholique, il pose en principe que l’ordre des personnes divines, tel qu’il est donné dans la formule baptismale, n’est point basé sur l’ordre éternel des processions divines, mais est purement accidentel et rappelle simplement l’ordre chronologique de la manifestation extérieure des personnes divines, le Fils ayant été révélé aux hommes avant le Saint-Esprit. Dans l'Écriture et les écrits des Pères, le Fils n’occupe pas toujours le second rang : oùx àvayxalcoç oj8' àel fji£Ta tov Tlov 7rapà ttjç Geotcveùoto’j TÎOsTai ypatpîjç to IIv£Ù[i.a to ayiov. Premier discours. p. 34, 35-37 ; cf. 'AvrerciypaçaÊ, loc. cit., col. 257 D.

Enfin, il cherche à justifier l’addition du mot hôvej faite par les théologiens photiens à la formule du symbole èx [iovou toù IlaTpôç, au lieu de : èx toù IlaTpôç lx7TopsÛET « i, par la comparaison avec la génération éternelle du Fils : De même, dit-il, que dans la formule : tov Tlov èx toù IlaTpôç ysvvYjOèvTa, il faut sousententre xojou (engendré du Père seul), de même èx toù riaTpôç èxTiopEÙETai to LTv£Ù(i.a équivaut à èx [xôvoo toù LlaTpoç, et l’on ne trahit pas la doctrine du symbole en disant : Le Saint-Esprit procède du Père seul. Du reste, les Orientaux se sont bien gardés d’attenter à la lettre du symbole en ajoutant piovou à ex toù IlaTpôç yEWYjOÉvTa, tandis que les Latins n’ont pas craint d insérer le Filioque dans la formule de foi commune. Palamas développe longuement cette petite trouvaille. Premier discours, p. 6-12.

3o L état primitif, le péché originel et ses suites. — Sur l'état primitif de l’homme au paradis terrestre, sur l’existence, la nature et les suites du péché originel notre théologien a une doctrine très ferme et, certains détails de système mis à part, tout à fait orthodoxe.

A la suite de plusieurs Pères grecs et théologiens anciens, il distingue nettement dans Adam innocent la nature et la surnature. La nature est appelée le to xaT’E'.xôva ; la surnature est le tô xa0' ô[i.olwai.v. Le tô xaO'ô^oloxïw est essentiellement constitué par le don de la grâce divine, que Dieu infusa au premier homme en même temps que l'âme. La grâce elle-même entraînait avec elle ce que nos théologiens appel ent le préternaturel : immortalité, immunité de la concupiscence, etc. :

'O ©SÔÇ TÔV 'A8x|i., TÔV Y)|i.£T£p6v TTOTE 7Vp07TaT0pa, XaT'

sîxôva xal Ô[xoIwcti.v èauToù XTtaaç, xaxlav oùSetxlav

£vî0r, x.ïv aùrcô, àXXà [iszà tîjç fyw/TJç, èvsTn/soasv aÙTco y.y. T7)V toû 6sloo Ilv£ÙfJ.aToç x*P'- v ouvrr.poûaav aÙTÔv èv xaivÔT » ]Ti xal TcspiiTTOuciav aÙTco z’qw ô[ioi(ùGiv. « Hom., i iv, éd. Sophoclès, p. 185. Cf. Hem., l, P. G., t. cli, col. 509 D, où il est parlé de l'àGavaaîaet de l'àreiOsia de nos premiers parents. Il va sans dire que la grâce est identifiée avec la lumière divine, la Sôça de la divinité, dont les apôtres eurent la vision sur le Thabor.

Le péché originel n’a pas seulement nui à Adam et à Eve en leur infligeant la double mort de l'âme et du corps, mais aussi à tous leurs descendants. Par ce péché, notre nature a élé privée du xaG' ôpioîcûaiv, c’est-àdire de la grâce, de l’illumination divine et des dons qu’elle portait avec elle ; mais elle a gardé intact le 70 xaf’etxéva, qui est inamissible : tô xa6'ô[i.o'.toa(.v sivai 6eîav à7ToêaXôvTsç, to y.ax' etxova oùx à71coXsaa[isv, xai ToûVë/si ày-zzaTtoïq-ov. Capita iheologica, 39, P. G., t. ci. ; col. 11=18 B ; cꝟ. 66-67, col. 1168 CD.

Par le même péché, qui est appelé -q TrpoyovtXY] àpà xal xaraSlx.-/ ;, ibid., 55, col. 1161 B, et 7] èv tô rrapaSsÊaco 7rpoyovixy) rjjjitàv àjjLapxîa, Hom., xxxi, P. G, t. cli, col. 388 C, nous perdons la vie de l'âme avant celle du corps. Le non baptisé est soumis au démon, tov p > s6a7rriap : évov tou à6aTCTÎ<TTOu xal tco SiaêôXcp ctuvteTay(jiévou Siaxpivoùfxev. Hom., xxx, ibid., col. 384 C. Far sa transgression, Adam, dépouillé de la grâce et de la ressemblance divine, est devenu vieux et sujet à la corruption, incapable d’engendrer des fils semblables à Dieu, mais procréant seulement des rejetons vieux et corrompus comme lui, [i, 7 ; 8è ysvvàv Sovâpievoç ô|j.olouç "ù Osto, àXX' éji.oîouç éauTÔJ rcaXaioùç xal S'.sçQopÔTaç' ctûveoti yàp toîç izoi[ioiç elç cpGopàv -q TîaXaicoCTtç. Hom., i.iv, éd. Sophoclès, p. 186. L’universalité du péché originel, qui est transmis par la génération charnelle, est clairement affirmée en de nombreux endroits. Cf. Hom., xvi, P. G., loc. cit.. col. 192 CD, 193 BC ; Hom., lii, Sophoclès. p. 124 ; Hom., lix, ibid., p. 230. Suite du péché originel, la concupiscence n’est pas peccamineuse dans les baptisés. Elle est laissée pour nous exercer à la vertu, pour nous éprouver, nous corriger, nous faire sentir la misère de ce monde : xàv sti Tïpôç yufxvacnav, irpôç 80xi[i.if)V, rrpôç ôVjpGioaw, icpoç xaTâX7](J ; i, v tîjç TaXoaraopîaç toû càcovoç toutou tw xxzcù PplGovn. tpopTtco ttjç ç6£(.po[iév-/jç aapxoç papûvcovTai, xXX àopaTCûç èvSsSujiivoi Xpicrrôv sïaiv. Hom., xvi, P. G., col. 200-201 ; cf. col. 213 D. Après saint Jean Damascène et plusieurs anciens Pères, Palamas considère le mariage comme une suite du péché origine !. Hom., xliii, Sophoclès, p. 22 : sic to Ypérepov yévoç r) -r/jç èvroXîjç Trapaxo ?) tôv yàpLOv eîtnjveyxe. Cf. Hom., i ir. /6W., p. 124 ; Hom., xvi, P. G., t. cli, col. 192 C.

L’incarnation.

La nécessité de l’incarnation

pour la réparation adéquale du péché est enseignée par notre théologien en plusieurs endroits de ses écrits. Cf. Capita theologica, 53, P. G., t. cl, col. 1160 C ; Hom., lix, Sophoclès, p. 230 ; Hom., xvi, P. G., t. cli, col. 189 sq., où le caractère hypothétique de cette nécessité est bien expliqué. Quant à la question : « Si Adam n’avait pas péché, le Verbe se serait-il incarné ? » Palamas répond assez clairement, à un endroit, par la négative : « O profondeur de la sagesse et de la miséricorde de Dieu ! s'écrie-t-il, si notre nature n'était devenue sujette à la mort par le péché, nous n aurions pas été enrichis en fait des prémices de l’immortalité ; noire nature n’aurait pas été placée à la droite de la grandeur du Très-Haut dans les deux, audessus de toute puissance et de toute principauté, » Capita theologica, 54, loc. cit., col. 1160 D ; ce qui veut dire que, sans le péché du premier homme, nous n’aurions pas eu le Christ. Ailleurs, il paraît insinuer le contraire, quand il déclare que c’est par l’intermédiaire de la Mère de Dieu que les anges ont été élevés a la participation de la vie divine : ce qui suppose que

la grâce des anges a été méritée par Jésus-Christ : Marie seule, dit-il, est la frontière du créé et de l 'incréé, et personne ne peut parvenir jusqu'à Dieu si ce n’est par elle et par le médiateur, son Fils. Et aucun des dons divins ne peut arriver soit aux anges, soit aux hommes, si ce n’est par son intermédiaire : oùxoûv (xûty) fxovY] [xeOôpiôv sazi XTicrôjç xal àxTÎaTOu (pûastoç, xal oùSelç àv ëX60'. Ttpàç Qeov, el yq oYaÛTTJç te xal toû et, aÙTÎjç (jlsgîtou xal oùSèv av èx tcov toû Qsoû 8copY)|i.ârtov, el y.q 8tà tocût/jç, yévoiTO xal àyyéXoiç xal àvOpwTrotç. Hom., lii (In præsenlalionem Deiparie, u), Sophoclès, p. 159 ; cf. Hom., xxxvii (In dormitioncm), P. G., t. cli, col. 472 A. Palamas dit encore que Marie est la cause de ce qui l’a précédé, aÛTT) xal tcov npo aÙTÎje ; aïxîa, P. G., ibid., col. 473 A ; Sophoclès, loc. cit., p. 162. Il est vrai que, sans se contredire, on peut, comme l’a fait saint Thomas dans la dernière période de sa vie, soutenir d’une part que l’incarnation du Verbe a été décrétée à cause de la chute d’Adam, et de l’autre, que Dieu a rattaché toute grâce octroyée aux anges et aux hommes aux mérites de Jésus. Telle paraît avoir été la vraie position de Palamas.

A l’humanité du Christ, dès le premier instant de la conception, notre théologien accorde l'éclat, la gloire divine qui resplendit sur le Thabor. Cela équivaut à dire que l'âme sainte du Sauveur, tout en ayant une chair passible, a été plongée dans les splendeurs de la vision béatifique dès le premier instant de son existence. D’après lui, en effet, la gloire du Thabor n’est autre chose que la grâce et la gloire, le royaume de Dieu, l’objet de la béatitude des saints ; ce ne fut pas un phénomène sensible. Cette gloire de la divinité transparaissait à travers l’humanité du Verbe comme à travers un cristal, pour ceux qui avaient les yeux du cœur purifiés. A ce signe, la Vierge Mère reconnut son Fils ; à cet éclat il fut reconnu par Siméon et Anne. Au Thabor, le corps du Sauveur fut comme la lampe portant la gloire de la divinité, gloire commune au Verbe et à son humanité : zry êvaXXay » )v elSov, oùx 7jv àpTÎcoç, àXX’r)v èE, aûr/jç tîjç xpocX^stoç ëXaêe tô riiézepov cpùpafxa GecoGèv z-q évcôaei. tou Aôyou toû 0eoîi… Kal xoivr] p.sv zrç toû Aôyou 8eÔT7)TOÇ xal tî}ç aapxôç èrrl toû ôpouç v 6sla X « |j171p6T7]ç àpTÎcoç àveçdcvr). Hom., xxiv (In transfigurationem, 1), P. G., t. cli, col. 433 BD ; Hom., xxxv (In transfigurationem, u), ibid.. col. 448 A.

La mariologie.

Philothée parle à plusieurs

reprises dans son panégyrique, de la grande dévotion qu’avait Grégoire pour la Mère de Dieu. Nous n’avons pas de peine à le croire sur ce point après avoir lu les magnifiques homélies doctrinales que Palamas nous a laissées sur les vertus et les privilèges de la sainte Théotocos. Nous avons déjà exposé, à l’article Immaculée conception dans l'Église grecque, t. vii, col. 943-945, sa doctrine sur la sainteté originelle de Marie. Il nous reste à résumer brièvement son enseignement sur quelques autres questions de la théologie mariale. Inutile de parler de la maternité divine, de la virginité perpétuelle, de la parfaite sainteté, tous dogmes reçus depuis les premiers siècles dans l'Église grecque.

Palamas nous présente d’abord la Vierge comme le chef-d'œuvre du créateur : « Voulant créer une image de la beauté absolue et manifester clairement aux anges et aux hommes la puissance de son art, Dieu a fait véritablement Marie toute bel e. Il a réuni en elle les beautés partielles qu’il a distril uées aux autres créatures et l’a constituée le commun ornement de tous les êtres visibles et invisibles ; ou plutôt il a fait d’el’e comme un mélange de toutes les perfections divines, angéliques et humaines, une beauté sublime embellissant les deux mondes, s'élevant de terre jusqu’au ciel et dépassant même ce dernier. Hom. in dormi lionem, P. G., t. cli, col. 468 AB, passage répété dans’Hom., ii, in présentât., Sophoclès, p. 139140. Marie fait comme la frontière entre le créé et l’incréé, aÔTï] p-ôv/ ; |j.e06piôv ssti xticttyjç xai àxTÎaTou yûazoç, . In dormit., loc. cit., col. 172 H. Dieu lui a départi sans mesure les dons divins, et a versé en elle la totalité des charismes de l’Esprit-Saint. In présentai. , ii, Sophoclès, p. 163, 141 ; In dormit., col. 469 A.

Elle a joui de l’usage de la raison dès le sein maternel, thèse insinuée, au xie siècle, par Jacques le Moine, et qui a de plus en plus la faveur des théologiens catholiques (cf. Terrien, La Mère de Dieu, t. ii, p. 10-33) : zlyz rrçv xpiTixcoTaTYjv yvcôp.ï)v y) rcapOévoç xal npb yevéaswç. In præsent., ii, Sophoclès, p. 150. Conformément à la tradition byzantine communément reçue, mais que venait pourtant de mettre en doute Nicéphore Grégoras, Palamas ne fait aucune difficulté d’admettre que Marie, dès l’âge de trois ans, ait été introduite dans la partie du temple appelée le Saint des Saints, et qu’elle soit restée là jusqu’à l’âge nubile, nourrie par les anges d’une nourriture céleste. Quand Joachim et Anne l’amenèrent au grand piètre, elle était déjà remplie des grâces divines et avait le parfait usage de sa raison. Elle s’offrit d’elle-même au Seigneur, s’élevant spontanément sur les ailes du divin amour, aÛTOcpocoç ê7TrsptiJfiév7j 7Cpàç tov Œïov ëptùTOc. In présentât., i, Sophoclès, p. 128.

Ayant été préservée par l’intervention du Saint-Esprit du péché originel, elle a évidemment ignoré les mouvements désordonnés de la concupiscence. Plus pure, même quant au corps, que les esprits incorporels, elle est restée inaccessible à tout désir, à toute pensée charnelle. Vierge de corps et d’âme, elle a possédé la chasteté parfaite et a gardé à l’abri de toute souillure les facultés de son âme comme les sens de son corps. Inpræsental., i, loc. cit., p. 128-129 ; In præsenlat, ii, p. 167 ; In annunliat., P. G., t. ai, col. 172 AB.

Mère immaculée du Verbe incarné, comblée des grâces divines, la Vierge n’aurait pas dû mourir. Elle s’est soumise pourtant à cette humiliai ion, tant pour montrer qu’elle était bien fille d’Adam, ïv’èxeÉvou 9yyàT7)p O’jckx 8ziyQf], que pour imiter son divin Fils. Sa mort, du reste, n’a été que de quelques heures. Elle n’avait pas besoin, comme son Fils de séjourner quelque temps dans le tombeau ; aussi s’en échappat-elle sans retard pour gagner les demeures éternelles, où elle partage seule avec Jésus les privilèges de la résurrection glorieuse : Stà toùto npbç tov ÙTOpoupâviov eùôùç àvsXrjepGï) /<opov ànb toù Taçou… iysi xal touto vùv ÛTCsp roàvTaç, t6 p-etù Sœvaxov àra<6avaTt<ï6 ?)vai. xal (i.6vv) [xerà ao>p.aTOç xaT’oûpavôv aùv : æ TlC> xai 0eôi Sioa-ïaOa !, . In dormit.. P. G., t. ci. t. col. 161C, 405468.

Le nom de Marie signifie souveraine, xupîa. Hom. in annunliat., P. G., col. 172 A. Elle l’est vraiment, en elîet, et reine des anges et des hommes ; et non seulement leur reine, mais leur médiatrice commune, par laquelle les premiers, comme ies seconds, ont reçu la grâce et la gloire : Marie, dit notre théologien, est la cause de ce qui l’a précédé ; elle préside à ce qui est venu après elle ; elle procure les biens éternels, ocuty) tôôv 7rpô ocÙTÎjç atTÊoc, xal Tcov [j.zt aÙTÎjç irpoerraTiç, xal twv alwvîwv Tcp6£evoç. In dormit., col. 473 A ; In prœsent, ii, p. 162. Elle est le principe, la source cl la racine des biens ineffables. C’est par son intermédiaire que les phalanges célestes et incorporelles atteignent avec nous Dieu, nature inaccessible, et participent à sa béatitude, aùv r ; u.ïv xai aÙTai Si’aÙTÎjç p.6v7jç [LSTzyouGi T£ xal ijiaùouai ©eoî ». Personne ne peut aller à Dieu si ce n’est par elle et par le médiateur, son Fils. De même qu’on ne peut jouir de la lumière d’une lampe en verre ou en toute autre matière transparente, si ce n’est pas cette lampe, de même tout mouvement vers Dieu, toute impulsion vers le bien venant de lui est irréalisable sans l’intermédiaire de la Vierge, ce chandelier qui porte Dieu et répand les rayons de sa lumière. In dormit., col. 172 ; In præsental., ii, p. 158-159.

La grâce.


Nous avons déjà exposé plus haul la nature de la grâce d’après Palamas. Il la conçoit comme le rayonnement incréé de l’essence divine qui est communiqué, à des degrés divers, aux anges et aux hommes pour les déifier.

De cette grâce il proclame l’absolue nécessité tant pour vaincre les passions, Hom., xliii, Sophoclès, p. 28, que pour acquérir n’importe quelle vertu. Si Dieu cesse son concours, tout ce qui vient de nous devient péché, car le Seigneur l’a dit : Sans moi, vous ne pouvez rien faire : tcôv eïSoç àperTJç èv ïjfxïv èvspyoùvTo ; toù 0eoù t, [j.ïi 7TpoayîvET0 ! i’toù 0eoù 8s |i.r ; èvspyùùvTo : sv Y)[i.ïv, àp ; apTÎa — àv tô racp’yjjaôv yivô[i.evov. Hom.. xxxiii, P. G., col. 116-117.

7° L’Église.

Palamas ne s’occupe point de l’Église dans ses écrits. Sa révolte contre le patriarche Calécas et les synodes qui l’ont condamné montre qu’il ne croyait pas à l’infaillibilité de l’Église byzantine, lorsque celle-ci n’était pas de son avis. Dans sa Confession de foi, il reçoit les sept conciles œcuméniques et tout autre concile réuni pour confirmer la piété et la vie évangélique. Dans cette dernière catégorie il place | les synodes qui ont condamné Barlaam et Acindyne. L’Église romaine est pour lui la première et la plus grande des Églises ; mais elle est faillible comme les autres Églises particulières. Nous avons cité plus haut, col. 1740, la lourde plaisanterie qu’il s’est permise à son égard. Quant à la primauté de saint Pierre sur les autres apôtres, il l’enseigne explicitement en plusieurs endroits et notamment dans son panégyrique des saints apôtres Pierre et Paul (Hom., xxviiij, P. G., t. eu, col. 353-364. Pierre est pour lui le coryphée des coryphées établi par le Christ lui-même, xopuçaïoç tôv xopu’.paUov ôtto toù xoivoù Asa7rÔTOu xaTsaTY), Hom.. v. ibid., col. 09 15 ; le fondement qui porte l’Église, rçy ûç OspiéXioç ô ITéTpoç paa-Ta^si. Hom., xxviii, col. 361 B. Il le compare à Adam, père et tête du genre humain, et l’appelle le chef suprême et le père de la race des fidèles, roxTepa toù yévouç tûv ovtcoç Gsocsêôiv. tov àpxT)yéTT)v toù twv 6soas6<ôv yévouç. Ibid., col. 356357. Après sa résurrection, le Christ lui confia le gouvernement de son Église, qu’il lui avait promis auparavant, ttjç toù XpiiTTOÙ’ExxXTjCJiaç tïjv 7tpoo-T0 « Rav xexXfjpwTai. Ibid., col. 364 A. A un endroit, notre théologien paraît égaler saint Paul à saint Pierre : Pierre et Paul, dit-il, sont les pères communs et les chefs de tous ceux qui sont appelés par le Christ : apôtres, martyrs, pontifes, etc. L’Église du Christ est portée par eux deux : xoivoi Troerépeç eloi tcôv doro Xpio-Toù xaXouuivùjv. àTTOOTÔXcùv, p.apTÙpcov…’YTr’àp.cpoTspoiv Y] toù XptaToù’HxxXyjaia paaTàÇeTai. Ibid., col. 361 B, 305 B. Cependant, il ne donne nulle part à Paul le titre de àp)r/]yéT7)ç toù yévouç tê>v 7uaT « v. Tout en proclamant ainsi, avec l’antique tradition, la primauté d’autorité de Pierre, Palamas n’a pas perçu la conséquence qui en découle logiquement. Il n’a pas u que Pierre devait avoir un successeur de sa primauté jusqu’à la consommation des siècles.

8° Les sacrements. Palamas a une belle homélie sur l’eucharistie, la 56e de la série, éd. Sophoclès, p. 200-212. Il y affirme très clairement la présence réelle, p. 205-208, et insiste sur la pureté de conscience requise pour la communion, pureté qu’il faut recouvrer par la confession de ses péchés au père spirituel. quand on a eu le malheur de la perdre, àvayxa’ïov sxaaTOV û(i.côv, àSsXçol, nvc’j[j.aT !.xôv s^siv ttoctsp ?, Lv. Ttpoativai. touto) j.z-y. —’.rszeoiç, xal TaTteivoùerOai. èvwjciov ï’JToij, xal èÇayYsXXsw Ta ttjç xapâîaç 7rov/)pà -à07 ;. 76/rf.. p. 201. Il parle des fruits merveilleux de la communion bien faite, p. 209. Celui qui communie indignement reçoit sans doute le don divin, mais ne le conserve pas avec lui : Jésus s’envole du cœur souillé.

— i<t/v. fisv oùSsv tô 6slov âwpov à7ïa6s< ; yâp- àXXà toùto (j.èv rjji.wv àçavôç àcpicrraTa !., p. 205. Par cette dernière expression nous voyons que Palamas, à la suite de saint Jean Damascène et de beaucoup de théologiens byzantins, enseigne la permanence de la présence eucharistique du Sauveur dans l’âme en état de grâce. Ces théologiens, en effet, ignorent notre théologie des accidents eucharistiques, et l’œil de leur foi n’aperçoit dans le sacrement qu’une seule chose : le corps de Jésus-Christ et Jésus-Christ lui-même tout entier.

9° Les fins dernières. Contrairement à beaucoup de théologiens byzantins, qui retardent jusqu’au jugement dernier les rétributions d’outre-tombe et reprochent aux Latins d’enseigner la béatitude immédiate des âmes saintes aussitôt après la mort, Palamas atlirme très explicitement en plusieurs endroits de ses homélies que les justes reçoivent leur récompense sans retard : « Les esprits des justes, dit-) !, possèdent maintenant dans les deux la gloire ineffable dont on peut avoir dès ici-bas comme un avant-goût : oïov — pooî[l’.ov ttjç ii, eXXoùaY)ç sxslvinç à : topp7JTOU SoÇtjç, 7 ; v xal vùv iyouGiv èv oùpavoôç tcov Sixalcov Ta TCVEÙfvaTa. Hom., xxv, P. G., loc. cit., col. 325 B ; cf. Nom.. xxxv, col. 448 B : èwpàv.aai xal vùv ol tô’Iyjcoù auvavaêâvTsç. înutile de rappeler que notre théologien se trompe sur l’objet de la vision béatiflque.

V. Doctrine morale et ascétique. —

Dans ses homélies, son opuscule intitulé AexâXoyoç, et ses écrits spirituels, Palamas nous livre une doctrine morale et ascétique d’une grande élévation, où le théologien catholique ne trouvera pas grand’chose à reprendre, si l’on excepte toutefois ce qui regarde la méthode d’oraison des hésychastes.

Nous avons dit plus haut en quoi consistait celle méthode. Plus peut-être par esprit de contention et de corporation que par conviction personnelle bien arrêtée, Grégoire, dès le début de sa querelle avec Barlaam, a couvert de son approbation le procédé mécanique du moine Nicéphore et du pseudo-Syméon pour arriver au recueillement intérieur et par là à la contemplation de la lumière divine. Il a, du reste, une manière à lui de l’expliquer et d’en justifier la légitimité et l’utilité. Il part du principe que, pour arriver à la contemplation de la lumière divine, il faut mater l’homme animal, la concupiscence vicieuse qui nous porte au péché. Il faut aussi combattre les divagations de l’esprit, c’est-à-dire de la faculté spirituelle et raisonnable de notre âme, du voôç. Le voûç considéré en lui-même et dans son essence, a son siège non dans l’encéphale, comme le pensent quelques-uns. non dans le milieu du ventre, comme opinent certains autres, mais dans le cœur, dont il se sert comme d’un instrument, rxslç, 8s èv TÎj xapSla à>ç èv ôpyâvco to Xoyiarixov 7)p.wv sïvai è7uen-âfX£0a. De hesychaslis, P. G., t. cl, col. 1105 C. L’essence du voùç réside là et n’en sort pas ; mais il n’en va pas de même de son opération, èvspysia. Par clic, en effet, il se répand, au dehors, sur les objets sensibles. Il s’agit de faire cesser cet éparpillement des pensées et de les ramasser au dedans, de ramener le vooç opératif à son centre, à son siège naturel, c’est-à-dire de le faire rentrer, de l’enfermer dans le cœur pour qu’il ne divague plus : en un mot il s’agit de se recueillir. Le recueillement. tous les Pères, depuis saint Macaire jusqu’à saint Jean Climaque, ! e recommandent instamment. C’est du recueillement qu’on veut parler quand on recommande, surtout aux commençants, d’enfermer leur esprit au dedans de leur corps, c’est-à-dire dans le cœur. Ceux qui critiquent cette expression, sous prétexte que le voûç n’est pas séparé de l’âme, ^o^ï), ignorent que autre chose est l’essence du voùç, autre chose son opération, âyvooOai, wç eoixev, cm àXXo [ièv yj ouata vooç, àXXo rj èvspyeta, ibid., col. 1108 D. Aux commençants donc qui veulent arriver au recueillement il faut recommander de fixer le regard sur eux-mêmes, pour faire rentrer leur esprit à l’intérieur par le moyen de la respiration, zlc, èaoTGÙç ^Xérasiv xal Sià ttjç àva7rvoîjç sÏctej rcéfj.7rs !, v tov oîxeïov voûv. Ibid., col. 1109 C. L’esprit, en effet, s’évade facilement par la respiration. C’est pourquoi certains recommandent de la ralentir, phénomène qui se produit naturellement quand on est attentif. C’est dur, au début. mais le procédé est efficace, comme le savent ceux qui l’ont expérimenté. Pour augmenter son efficacité et pour empêcher les yeux d’errer ça et là, il sera très utile, en imprimant à la tête un mouvement circulaire, de concentrer les regards sur la poitrine ou le nombril comme sur un appui solide. Le mouvement circulaire du dehors facilitera l’enroulement de l’esprit dans son centre, qui est le cœur. Depuis la chute d’Adam, en etfet, l’homme intérieur est porté naturellement à se modeler sur les altitudes extérieures du corps. Et, si la force de la bête intelligente réside dans le nombril et le ventre, où la loi du péché exerce son empire et trouve sa pâture, pourquoi ne pas opposer, sur ce point même, a la loi du péché la loi de l’esprit en s’armant de la prière ? N’est-ce pas le moyen d’empêcher l’esprit mauvais, chassé par le baptême, de revenir à son ancien domicile avec sept autres esprits pires que lui ? Ilwç oùx ôlv ouvTeXsasiÉ ti fj.sya tw anei>80>xi auoxpétùsiv tov voûv sic sauTGv, wç u.7) xcrr’sùOsTav, àXXà tyjv xuxXt, xr ; v xal àuXavr) xivsîaOai xlvyjcriv tw p.7) tôv ôcp6aXp.ov &Ss xàxsïas TCpi.àyeiv, àXX’olov èpsla^aTÎ tivi toûtov TrpoaspslSsiv tco olxsuo ax’f]0si, yj tô ô(/cpaXco : Ibid., col. 1112 B.

Telle est la curieuse apologie que trouva Palamas pour justifier ceux que le Calabrais Barlaam poursuivait de ses sarcasmes et traitait d’omphalopsyques. Il va plus loin, et déclare que le prophète Élie a été l’initiateur de la méthode de recueillement des hésychastes, parce qu’il pria en mettant la tête entre les genoux, le jour où il obtint de Dieu la fin de la longue sécheresse. Ceux que Barlaam appelle ô[xcpaX6t| ; ux &(’ne font qu’imiter le publicain, qui n’osait lever les yeux au ciel. Ceux qui les attaquent sont, sans doute, atteints de la maladie de l’orgueilleux pharisien. Ibid., col. 1114. Il termine en couvrant la pratique hésychaste du patronage de Syméon le Nouveau Théologien et du moine Nicéphore parmi les anciens, de Théolepte de Philadelphie, du patriarche Athanase († 1310) et de plusieurs autres parmi les contemporains. Ibid., col. Il 14-1 lis.

Mise à part cette bizarrerie, notre théologien disserte sur la morale chrétienne et la vie spirituelle en homme qui a lu les homélies des Pères grecs et les écrits ascétiques et mystiques des grands représentants du monachisme oriental. Comme pratiques ascétiques il recommande surtout la pauvreté, le jeûne et la prière continuelle. Parmi les vertus, il donne la première place à la charité, insiste ensuite sur l’humilité et l’esprit de pénitence et de componction. Pour l’homme spirituel le but à atteindre est l’union avec Dieu par l’oraison continuelle. On n’y arrive que par la purification du cœur et le recueillement intérieur. Notons que, dans l’opuscule sur le décalogue, il proscrit absolument le serment, au moins le serment prisé. P. G.. t. cl, col. 1093 1°. Il recommande l’abstention des œuvres serviles le dimanche et les jours de fête, la communion hebdomadaire, la confession fréquente et’a direction spirituelle, ibid., col. 1093-1096 : tts’j’jî’.ç Sià toxvtôç -roû (îliou r.)zi{j.y~iy.’j-j ~a-.iç.a. s/siv xal èÇayysXXeiv aù-rco uâv àfj.àpx7)fi.a xal rcàvra Xoyi.01J.6v, xal Xa[xëâvsw ^ap’aÙTOu ttjv larpeiav xal ty)v açsatv. Le père spirituel dont il parle n’est pas un moine quelconque, niais un prêtre qui a reçu le pouvoir d’absoudre.

I. Vie de Palamas. —

Comme nous l’avons dit, la source principale pour la vie de Palamas est le /Vôyoç rpc<o|ux<rrixo< ; de Philothée Kokkinos, publié en tête de l’édition hiérosolymitaine des homélies et reproduit par Migne, P. G., t. cli, col. 551-056. De cette biographie Athanase de Paros fit paraître à Vienne, en 1784, une traduction en grec moderne, accompagnée de l’office de saint Palamas au second dimanche du carême, d’un office paraclétique a chanter à la procession de ses reliques, d’une autre iuxtjivj.r^i : à chanter en tout temps, et de plusieurs autres pièces. Voir une description de ce curieux et rarissime ouvrage au titre interminable dans la Bibliographie des acoloulhies grecques de Mgr L. Petit, Bruxelles, 1926, p. 101-102, et dans l’article de A. Papadopoulos-Kérameus, Byzanlinische Zeilschrifi, t. viii, 1899, p. 71-73. Il n’y a pas grand’chose à tirer de T’hyxiôaiov composé par le patriarche Nil, qu’on trouve dans les mêmes recueils que le Panégyrique de Philothée ; dans la P. G., col. 655678.

Les écrivains contemporains parlent de Palamas en des sens divers suivant leur attitude prise dans la controverse hésychaste. Voir Jean Canlacuzène, Hislor., t. II, c. xxxix, P. G., t. cxiii, col. 661-672 ; c. xi., ibid., col. 672-682 ; t. III, c. xxxiv, col. 900 ; c. c, col. 1297 ; t. IV, c. iii, P. G., t. cliv, col. 33 ; c. xv, col. 121 ; Nicéphore Grégoras, Hist. byzanl., t. XV, c. x, P. G., t. cxlviii, col. 1032 ; e. xil, col. 1041 ; t. XVIII, col. 1141, 1150 ; t. XIX, CI, col. 1180, 1184 ; t. XX, c. ii, v, col. 1234, 1254 ;  !. XXI, c. ii, iii, col. 1274, 1284 ; t. XXIX, P. G., t. cxlix, col. 197-201 ; t. XXX, col. 240-265, 292-293 ; t. XXXI, col. 309-330 ; t. XXXVII, col. 485-488 ; Acindyne, Discours au patriarche Jean et à son synode sur les origines de la querelle entre Palamas et Barlaam, dans le cod. Monacensis 223, fol. 5155 ; Grégoire Palamas, Réfutation de l’écrit d’Ignace d’Antioche contre Palamas, dans le cod. Coisl. 99, fol. 143151.

En dehors de ces sources contemporaines, on peut consulter les études suivantes, où il est question non seulement de Grégoire Palamas mais aussi de la controverse hésychaste prise dans son ensemble : J. Stein, Sludicn iiber die Hesychaslen des vierzehnten Jahrhunderls, dans l’Œsterreichische Vierleljahresschrifl fiir die kalholische Théologie, t. xii, Vienne, 1873 ; Théodore Ouspenskii, Olcherki po islorii vizantiiskoi obrazovannosti (Aperçu sur l’histoire de la civilisation byzantine), Saint-Pétersbourg, 1892, la meilleure étude parue sur les origines de la controverse, publiée d’abord en articles séparés dans le Journal du ministère de V Instruction publique, t. cclxxix (1892), p. 1-0 1 et 348-427, et complélée dans les notes et appendices de l’opuscule intitulé : Synodik ve nêdiéliou pravoslaviia, Odessa, 1893 ; K. Th. Radtchenko, Contribution à l’histoire du mouvement philosophique et théologique à Byzance et en Bulgarie au XIV’siècle, Lcmberg, 1902 ; Thémistocle, C.h. Stavrou, Ai Tcîpi twv r^-jyaozrLM-i rrjç tS’éxocrov7aeTï]p[’Soi ; za : r/jç Ê’.SacrxaXiaç gcOt’.iv Èpîêîç, Leipzig, 1905 ; Grégoire Papamikhaïl, ’O ày : o ; rpY)yôf toc Ilx/xijtâç, if.-/i£7r ; 17xo-o ; 0ccr<7aXc.Vi’xï) ;, Saint-Pétersbourg et Alexandrie, 1911 ; malgré son titre, cette monographie ne s’occupe pas seulement de Palamas, mais de toute la controverse hésychaste ; bien que tendancieuse, renfermant de nombreuses inexactitudes, superficielle pour ce qui regarde l’exposé des doctrines de Palamas et de ses adversaires, cette étude est cependant celle où l’on trouvera le plus de renseignements sur la personne et les œuvres du théologien hésychaste. L’auteur a utilisé les sources russes et a réuni une bibliographie abondante mais chaotique sur l’hésychasme athonile et la controverse du xive siècle ; L. Petit, J.es archevêques de Thessalonique, dans les Échos d’Orient, t. v, 1902, p. 92-93, courte notice sur l’épiscopat de Grégoire.

II. Éditions des écrits de Palamas. —

Nous avons indiqué, au § n de l’article, les éditions des écrits de Palamas publiés jusqu’à ce jour. Inutile de répéter ici ce qui a été dit. Déjà au xvii c siècle, Dosithée de Jérusalem avait songé à une édition complète des œuvres de notre théologien ; Cf.T6.no ; o.vb.itrç, p. a et 571. Ce que Dosithée axait projeté, Nicodème l’Haghiorite (t ! 809) faillit le réaliser sur la fin du xviii c siècle. Ce moine laborieux avait réuni en trois volumes tous les écrits de Palamas qu’il avait pu trouver dans les bibliothèques de l’Athos. Ce recueil, qui ne devait pas être complet, à en juger par le contenu acti el des manuscrits athoniles — il y manqi ait sûrement la lettre à Menas, de l’aveu de Nicodème lui-même — fut confisqué, en 1798, par la police autrichienne à l’imprimerie grecque de Vienne qui s’était chargée de l’impression et qui publiait en secret les proclamations et les chants patriotiques de Rigas de Phères invitant les chrétiens de la péninsule balkanique à se révolter contre les Turcs. C’est cette publication clandestine qui motiva la perquisition et la fermeture de l’imprimerie. Un certain Constantin Vezyroulès réussit à se procurer le tome premier du manuscrit de Nicodème, qui finit par arriver à la bibliothèque de la Grande Laure, à l’Athos. Les deux autres volumes ont disparu. Le prologue de cette édition, qui ne présente pas grand intérêt, a été publiédans l"ExxX7]aeacrtcxï ]’A’LrftziX, t. iv, 1883, p. 93-101. Aux indications déjà données sur les éditions des écrits de Palamas ajoutons celle-ci : que le AsxâXoyoç et 1oOu, oXoy"x t V wi’<ttecoç ont été insérés par Athanase de Paros dans l’ouvrage signalé plus haut, Vienne, 1784, p. 138 sq.

Les principaux recueils manuscrits des œuvres de Palamas paraissent être les codd. Coisl. 97-100, si bien déciits par Montfaucon, Bibliot. Coisl. p. 150 sq., et les codd. Paris. 970, 1238, et 1239 du fonds grec. Tous ces manuscrits sont du xve siècle. Faisons remarquer que les trois morceaux qui terminent le cod. Paris. 970, mis par IL Omont, Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, t.i, Paris, 1880, p. 189, sur le compte d’un anonyme, appartiennent bien à Palamas et correspondent aux trois premiers discours apologétiques portés dans le Coisl. 99, fol. 2-36 ; cf. P. G., t. cl, col. 827829.

III. Doctrine de Palamas. —

Nous ne connaissons aucune étude où le système de Palamas sur l’essence de Dieu et son opération, avec toutes les conséquences qu’il entraîne pour ce qui regarde la grâce et la gloire, les mystères de la Trinité et de l’Incarnation, soit exposé et critiqué. Les théologiens qui en ont parlé se sont généralement arrêtés à ce qui concerne directement la distinction entre l’essence et les attributs divins, et ont tiré le peu qu’ils en disent de Petau, Dogmala theologica, De Deo, t. I, c. xiixiii ; I. II. c. vu. Ce théologien montre bien que les palamiles prenaient à contresens la doctrine des Pères grecs ; mais ce qu’il rapporte de l’histoire de la controverse et du système même de Palamas est fort incomplet et mêlé d’inexactitudes. Sur les origines lointaines du système et la méthode d’oraison hésychaste voir la bonne étude de Irénée Hausherr, La méthode d’oraison hésychaste, parue dans Oricnlulia christiana, t. îx, 1927, p. 101-210. Dans une récente note, Orienlalia christiana, t. xx, p. 179-182, le P. Hausherr croit pouvoir identifier le moine Nicéphore avec le pseudo-Syméon. Nicéphore aurait vécu au xive siècle et aurait été un des maîtres de Palamas. Nous avons montré que c’était une erreur, Palamas distinguant bien Syméon de Nicéphore et les rangeant tous les deux parmi les saints anciens, P. G., t. cl, col. 1116 C. Voir aussi d’I. Hausherr, V Introduction éi la Vie de Syméon le Nouveau Théologien par Nicélas Stéthatos, t. xii des Orientalia clirisliana, Rome, 1928. Porphyre Ouspenskii, Vostok khristianskii, Athon, éd. P. A. Syrkon, t. iii, Saint-Pétersbourg, l.S’.rj, outre les nombreux documents d’ordre doctrinal et historiques qu’il a réunis sur la controverse palamite, p. 083-861, résume assez bien en quelques propositions le système de Palamas, p. 233-238. Papamikhaïl, op. cit., c. iv, p. 154-238, donne une analyse trop sommaire et peu suggestive des ouvrages publiés. Cette analyse ne saurait dispenser le théologien de la lecture directe des écrits en question ; elle insiste surtout sur l’enseignement moral et ascétique, et s’étend longuement sur la IIpo<7(o71&TT<iua, qui est un ouvrage apocryphe.

Sur la doctrine mariale de Palamas, voir notre étude : Grégoire Palamas et l’Immaculée Conception, dans la Revue auguslienne, t. xvii, 1910, p. 145-161. Nous rectifions dans le présent article ce qui a été dit, p. 157-158, sur l’opinion de Palamas relativement au motif de l’incarnation. Le système de Palamas sur l’essence de Dieu et son opération est éclairé par les documents officiels promulgués pendant la controverse, dont il nous faut maintenant parler.

M. Jugie.