Dictionnaire de théologie catholique/PÉCHÉ IX. Le péché philosophique

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 12.1 : PAUL Ier - PHILOPALDp. 135-145).

IX. Le péché philosophique.

On espère avoir représenté jusqu’ici le système doctrinal où l’idée de péché a reçu, par les soins de la théologie catholique, son développement et son organisation. Données chrétiennes, pensées traditionnelles et matériaux philosophiques y ont été portés à leur point de perfection intelligible. Mais, depuis l'âge où ce système fut formé, il serait surprenant que les esprits n’eussent plus rien conçu sur le sujet du péché. La nature du mal moral et les problèmes que cette réalité entraîne ont retenu l’attention de maints philosophes ; il serait avantageux aux théologiens de s’en informer et d’en retirer fût-ce un modeste amendement pour leur système. L’entreprise déborde les limites d’un article où il suffit d’enregistrer l'état des doctrines, tout au plus de proposer quelque suggestion pour leur avancement. Nous croyons que la communion avec les efforts de la pensée philosophique est l’un des devoirs du théologien, étant l’une des conditions qui sauvent de l’inertie les systèmes que ses ancêtres ont construits.

Dans le cercle même de la pensée théologique, l'épisode le plus notable qui concerne l’histoire de la doctrine du péché, telle que nous la connaissons, tient dans la notion qu'énonce le titre de ce paragraphe. Il est important de remarquer dès l’abord que le péché philosophique est une notion tardive ; elle n’est point une pièce organique du système que nous avons représenté. Et cette observation justifie que nous en placions l'étude à cet endroit, dégagée de l’exposition du système. Par ailleurs, elle n’est point sans toucher à plusieurs des éléments doctrinaux relatifs au péché ; et, pour cette seconde raison, il importait que nous la considérions ici. La critique que doit appeler de notre part la notion de péché philosophique historiquement établie, achèvera, nous l’espérons, de nous faire entendre la doctrine ci-dessus représentée.

Le péché philosophique est communément signalé à l’attention des théologiens par la condamnation qu’en

a portée Alexandre VIII, par décret du 24 août 1690, et qui définit bien, au demeurant, le sujet de la présente étude :

Peccatum philosophicum Le péché philosophique ou seu morale est actus humasimplement moral est un nus disconveniens naturæ acte humain en désaccord rationali et rectse rationi ; avec la nature raisonnable theologicum vero et mortale et la droite raison ; par oppoest transgressio libéra divina : sition, le péché théologique legis. Philosophicum, quanet mortel est une transgrestumvis grave, in illo qui sion libre de la loi divine. Deum vel ignorât vel de Le péché philosophique, si Deo actu non cogitât, est grave qu’il soit, est (bien), grave peccatum sed non est chez celui qui ignore Dieu offensa Dei neque peccatum ou ne pense pas actuellemortale dissolvens amiciment à Dieu, un péché gratiam Dei neque rcterna peena ve, mais il n’est point offense dignum. de Dieu, ni un péché mortel

détruisant l’amitié de Dieu, ni (une faute) digne de la peine éternelle.

Telle est la proposition que le pape déclare :

scandalosam, temerariam, piarum aurium offensivam et erroneam, et uti talem damnandam et prohibendam esse, sicuti damnât et prohibet ita ut quicumque illam docuerit, défendent, ediderit aut de ea etiam disputaverit publiée seu privatim tractaverit nisi forsan impugnando, ipso facto incidat in excommunicationem, a qua non possit (præterquam in articulo mortis) ab alio, quacumque etiam dignitate fulgente, nisi a pro tempore existente romano pontifice absolvi. Insuper districte in virtute sanctse obedientiae et sub interminatione divini judicii prohibet omnibus christifidelibus cujuscumque conditionis, dignitatis ac status, etiam speciali et specialissima nota dignis, ne prædictam thesim seu propositionem ad praxim deducant. Du Plessisd’Argentré, Collectio, judiciorum, t. m b, p. 365 sq. ; Viva, Damnatarum thesium…., pars III a, p. 3.

Le même décret condamnait comme hérétique une proposition relative aux actes d’amour de Dieu non nécessaires ; cf. Denz., n. 1289, 1290.

I. la condamnation romaine.

1° Circonstances qui l’ont provoquée. — La proposition condamnée évoque une thèse qu’avait soutenue publiquement, au collège de la Société de Jésus à Dijon, le P. F. Musnier, en juin 1686. Tous en conviennent. Mais certains ont prétendu qu’elle ne reproduit pas de la thèse le texte exact : l’histoire que nous devons raconter permettra d’en juger. Comment une thèse de collège atteignit-elle à la célébrité d’une condamnation en cour de Rome, à plus de quatre années d’intervalle ? L'éclatante intervention d’Antoine Arnauld en fut la cause prépondérante.

La thèse de Dijon connue à Louvain y avait d’abord suscité des débats : ils portaient notamment sur les conditions de culpabilité du péché d’ignorance. Ce n’est qu'à la suite de ce premier engagement, où il lui semblait que les jésuites, dont le P. de Reux était le protagoniste, méprisaient, comme il dit, les avis des docteurs de Louvain, qu’Antoine Arnauld, pour lors réfugié à Bruxelles, se décida à faire usage des écrits de Dijon qu’on lui avait communiqués et composa, en juillet 1689, une dénonciation du péché philosophique, qui parut en septembre de la même année sous ce titre : Nouvelle hérésie dans la morale dénoncée au pape et aux évêques, aux princes et aux magistrats. Dans les Œuvres d’A. Arnauld, t. xxxi ; on trouve un historique des interventions d’Arnauld dans la Préface historique et critique de ce volume, art. 1. Dans cet écrit, et sous l’impression des débats de Louvain, Arnauld signale, au principe de cette opinion d’un péché philosophique, la fausse doctrine qui requiert à la culpabilité du péché l’advertance actuelle du mal que l’on commet : en quoi l’on confond des états de l’esprit que les théologiens ont de tout temps soigneusement discernés, l’ignorance vincible et l’ignorance invincible, l’ignorance actuelle et l’ignorance dans la

cause. En tête de la dénonciation, on trouve reproduit, d’après la copie qu’Arnauld en avait reçue, le texte de la thèse de Dijon ; il coïncide exactement avec la proposition dont nous avons ci-dessus emprunté la lettre au décret d’Alexandre VIII. Le dénonciateur ne doute pas un seul instant qu’il attaque une nouveauté, et il avouait plus tard (3e dénonciation) qu’il n’avait jusqu’alors jamais entendu parler du péché philosophique distingué du péché théologique ; la dispute de Dijon fut vraiment l’occasion qui fit sortir cette thèse des livres et des écoles des théologiens pour la livrer à un débat public où l’opinion devait se passionner, comme au temps des Provinciales. Les lettres d’Arnauld révèlent qu’il ne comptait guère, en publiant son écrit, sur une condamnation en cour de Rome ; mais il ne laisse pas de stimuler le zèle de son correspondant romain, M. de Vaucel, théologal d’Alet.

Un grand émoi parmi les jésuites et un grand bruit dans le monde furent l’effet de cette première publication : il n’était plus question alors, dit-on, jusque dans les conversations des femmes, à la cour comme à la ville, que du péché philosophique. Une riposte à l’adresse d’Arnauld parut bientôt sous ce titre : Le janséniste dénonciateur de nouvelles hérésies convaincu de calomnie et de falsification (imprimé dans les Œuvres d’Arnauld, t. xxxi, p. 160-171). Pour ne parler point de la partie polémique de cet écrit, du ton le plus violent, l’auteur y réduit l’importance de l’affaire de Dijon, « une petite thèse, soutenue aux extrémités de la France, avec laquelle la guerre a rompu tout commerce », et renvoie à des thèses défendues à Louvain par le P. de Reux (lequel, au demeurant, est l’auteur du présent écrit) au mois de décembre 1688 et au mois d’août 1689. Il est vrai que ces thèses réduisent à des cas limités la possibilité du péché philosophique : pour le temps très court où quelqu’un peut ignorer, sans qu’il y ait de sa faute, l’existence de Dieu. Elles marquent un affaiblissement par rapport à la proposition de Dijon (dont le P. de Reux ne dit pas qu’elle diffère du texte qu’en a livré Arnauld), mais elles maintiennent le principe du péché philosophique et sa possibilité absolue. D’après Arnauld (lettres du 22 septembre 1689, Œuvres, t. iii, p. 246 ; du 6 octobre 1689, ibid., p. 251), le P. de Reux partit aussitôt pour Rome.

Pour se défendre des accusations dont il venait d’être ainsi l’objet, Arnauld compose la Seconde dénonciation de la nouvelle hérésie du péché philosophique, enseignée par les jésuites de Dijon, défendue avec quelque changement par ceux de Louvain dans leur écrit contre la première dénonciation et soutenue auparavant en quinze de leurs thèses de différentes années depuis 1668. Daté du 29 octobre 1689, cet écrit, par suite de retards divers, parut en février 1690. Comme le titre l’annonce, Arnauld, qui a reçu des informations nouvelles sur l’opinion qu’il combat, donne le relevé précis de quinze thèses relatives au péché philosophique, qu’avaient défendues, a Anvers et à Louvain, dans l’espace des vingt dernières années, divers théologiens de la Compagnie de Jésus. Les Payi Bas furent certainement en ce temps l’un des foyers de cette opinion. Outre ces thèses, Arnauld dénonce un ouvrage du I’. Plat elle, théologien jésuite de Douai, où est sont » nue la même doctrine : /, ’. P. Jacobi Plalclii c Societate Jr.<u, sarrir théologies in universitale Duacena professoris, Synopsis cursus theologici diligenlcr recognita cl variis in loris locuplelala, Douai, 1679 : le passage incriminé se trouve : Il part., c. iii, §.’i, n. 189. p. 116. La critique doctrinale insl t< cetti rois sur ce que les partisans du péché philosophique semblent traiter l’offense de Dieu comprise dans le péché mortel comme un objet de conversion « : ils exigeraient, pour qu’il y ail péché mortel, que l’on voulût direcht offenser Dieu ; mais non, proteste Arn

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l’offense de Dieu échappe à l’intention du pécheur et elle se tient du côté de 1’ « aversion » ; « il suffit que ; par un dérèglement volontaire, il fasse un Dieu de la créature en y mettant sa dernière fin », et il n’est pas malaisé à notre théologien d’invoquer, en faveur de cette analyse, l’autorité et des textes exprès de saint Thomas. Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxvii, a. 6, ad l 11 ™ ; IIa-IIæ, q. xxxix, a. 1, ad I"™. Répondant plus spécialement aux distinctions du P. de Reux, Arnauld expose longuement qu’un grand nombre d’hommes ont de fait ignoré Dieu et donc, selon les principes de l’adversaire, n’ont commis que des péchés philosophiques. Sous tous les raisonnements d’Arnauld, on sent, les animant, cette indignation conçue spontanément à la pensée que tant de crimes énormes des païens et des infidèles auraient pu n’être que des [léchés philosophiques.

Comme était publiée la Seconde dénonciation d’Arnauld, paraissait à Paris sur la Première dénonciation la réplique de la Compagnie de Jésus : Sentiment des jésuites touchant le péché philosophique, ou Lettre à l’auteur du libelle intitulé : Nouvelle hérésie dans la morale, etc. (L’approbation du provincial est du 15 février, le privilège du roi du 25 mars 1690. Rééditée avec les lettres suivantes de la même origine, en 1694, a Paris, chez Pierre Baillard.) On y condamne la thèse de Dijon telle qu’Arnauld l’a rapportée comme « une hérésie et une impiété exécrable dans tous ses principes et dans toutes ses conséquences » ; on se réserve seulement de vérifier si les écrits du professeur de Dijon sont, en effet, dans le sens de sa thèse. Cette lettre, qui est plus spirituellement écrite, contient moins de théologie que la riposte de Louvain ; on l’attribue, ainsi que les suivantes, au P. Bouhours. Le ton en est plutôt déconcertant, et l’auteur va jusqu’à prendre des engagements qui trahissent en effet un homme assez étranger à la théologie : « Mais afin que vous n’ayez plus rien à nous reprocher là-dessus, nous nous engageons solennellement à vous faire voir, dans un écrit plus ample que celui-ci : 1. qu’au moins avant la thèse de Dijon nul de nos écrivains n’a jamais enseigné cette doctrine ; et qu’au contraire ils l’on ! expressément rejetée s’ils ont eu à s’expliquer sur ce sujet ; 2. que nous n’admettons aucun principe d’où elle se puisse inférer par une légitime conséquence ; 3. que les principes reçus dans toute la Compagnie y sont directement opposés ; 4. qu’il n’y a que dans ces principes que vous reprochez aux jésuites qu’on puisse I rouver de quoi la réfuter solidement et sans erreur. » Sans doute a-t-on rarement poussé à ce point le paradoxe.

Une seconde lettre suivit bientôt, adressée cette fois « à un homme de la cour », où se confirme le parti adopté, qui est de distinguer entre la thèse incriminée, laquelle est condamnable, et les écrits du professeur de Dijon, qui n’ont point le sens absolu que l’on a dit : « On voit dans les écrits du professeur de Dijon que. selon lui, il ne se commet effectivement aucun pé< n< philosophique qui ne soit en même temps théologique et vraiment mortel, et que le contraire est une fausse supposition, une chose moralement impossible, qui n’est jamais arrivée et qui n’arrivera jamais. I i deux lettres fournirent à Arnauld la mal ici c de sa Troisième dénonciation, où il critique notamment la distinction dont ses adversaires tachent de se pi loir. Il insère à la fin de sa publication le texte d’un mandement de l’évêque de Lan grès, de qui relevait la Ville de Dijon, en date du 19 mars 1690 (loc. cit.,

il est pris a<ic de la rétractatio

par le professeur qui les avait soutenues et de la condamnation que les Jésuites en portaient.

i< lettres des jésuites cependant, et notamment les nts qu’ils avalent pris dans la première,

T. ll 2 :. !)

    1. PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE##


PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. CONDAMNATION

suscitaient L’intervention d’un anonyme, qui fait paraître, en avril 1690, la Lettre d’un docteur de Sorbonne à un seigneur de la cour /jour servir île réponse aux deux lettres des jésuites touchant leur sentiment sur le péché philosophique. L’objet est de montrer dans le péché philosophique, tenu non point pour une hypothèse métaphysique, mais pour un péché effectivement commis, renseignement constant de la Compagnie ; et l’on y procède par manière de textes cités et commentés. A la suite de la réimpression à Louvain des trois premières lettres des jésuites de Paris, et par les soins d’Arnauld qui la fit précéder d’un avertissement et y introduisit quelques corrections, cette lettre parut en 2e édition à Cologne sous ce titre : Les véritables sentiments des jésuites louchant le péché philosophique. Le. P. Serry, dominicain, l’historien fameux des congrégations De auxiliis, passait pour être l’auteur de cette lettre. Échard avouait n’en être pas certain, Scriptores ord. præd., t. ii, p. 804 : sed an suum agnoverit mihi incomperlum ; mais le P. Coulon a pu signaler que Serry lui-même s’est reconnu comme l’auteur de l’opuscule, dans l’index qu’il a mis à la fin de son écrit : Vindiciæ vindiciarum Ambrosii Calharini ; aussi bien l’a-t-on imprimé dans le t. vi des œuvres complètes de Serry, éditées à Venise en 1670. Voir Scriplores ord. prsed., t. iii, 1910, p. 633. Nous pouvons ajouter que Serry se fait la même attribution dans un autre endroit : Historia congregalionum De auxiliis divime graliœ…, t. III, c. xlviii, fin (ce chapitre et le précédent ont été ajoutés dans la deuxième édition de l’ouvrage, Anvers, 1709), où on lit ces mots : …ut alias sileam longe multas in libello ante annos duodecim a nobis edito « De vera jesuitarum sententia circa peccatum philosophicum » recensitas.

Une troisième lettre des jésuites parut sans retard. Elle prétendait cette fois que le dénonciateur faisait dériver le péché philosophique de la doctrine de la grâce suffisante ; et comme cette doctrine, disait-on, est commune à tous les théologiens catholiques, on voit dans quelle position singulière se met ce vengeur de la foi ; s’il y a quelque part une hérésie, n’est-ce pas de son côté qu’il la faut chercher ? En même temps, et reprenant la défense déjà adoptée, la lettre distinguait et l’hypothèse spéculative du péché philosophique et son impossibilité réelle. Contre cet écrit, qui étendait le débat et en faisait une affaire de jansénisme, il fut répondu d’une part par un opuscule intitulé : Récrimination des jésuites, contenue dans leur rétractation de la nouvelle hérésie du péché philosophique, convaincue de calomnie par la nouvelle déclaration des disciples de saint Augustin, Cologne, 1690. L’auteur en était le P. Quesnel, qui l’avait composé de concert avec Arnauld. Il y montrait que ce théologien n’avait point fait dériver le péché philosophique du dogme de la grâce suffisante. Arnauld, de son côté, dans une Quatrième dénonciation, reprenait le principe où il affirme qu’il a toujours vu l’origine du péché philosophique, savoir qu’une méchante action n’est point un péché, si on la commet ignorant qu’elle est un péché. Et il montre en outre que, selon les principes des jésuites, le péché philosophique, loin d’être une hypothèse, est un événement assez commun : ce pour quoi il renvoie à la Lettre du docteur de Sorbonne dont nous avons parlé, adjoignant, aux auteurs qu’elle relève, le P. Térille, jésuite anglais, professeur à Liège, qui, dans un gros livre intitulé Régula morum, avançait une doctrine de l’ignorance involontaire où Arnauld voit un principe d’où sort inévitablement le péché philosophique.

Pour son compte, le même docteur de Sorbonne qui avait déjà répondu aux deux premières lettre^ des jésuites, ne se retint pas de réfuter aussi la troisième et il publia une Seconde lettre du même docteur de

Sorbonne au même seigneur de la cour, datée du 2’. avril 1690. il y disculpe le dénonciateur du grief qu’on lui impute de nier les grâces suffisantes : il a seulement refusé qu’elles fussent accordées à tous les hommes indistinctement. « Je dis bien plus, monsieur : ] dénonciateur n’a pas même prétendu que l’erreur du péché philosophique fût une suite nécessaire du sentiment de ceux qui admettent que la grâce suffisante est indifféremment accordée à tous les hommes. Il aurait en cette cause bien des théologiens qui sont en ce point de même avis que les jésuites, mais il a seulement prétendu qu’elle lût une suite nécessaire de ce sentiment dans le sens particulier dans lequel les jésuites le soutiennent. Sur quoi je vous prie de remarquer qu’il y a cette différence entre eux et les autres théologiens, que ces autres théologiens soutiennent que la grâce suflisante n’est refusée a qui que ce soit parce qu’il plaît ainsi à Dieu de ne la refuser à personne, quelque crime qu’il ait commis, à cause qu’il est toujours beaucoup plus miséricordieux que juste. Au lieu que les jésuites soutiennent qu’elle n’est refusée à personne paice que celui qui en serait privé ne serait aucunement coupable des péchés qu’il commettrait dans cet état, quand même il se serait attiré cette privation par ses péchés précédents. Voilà, monsieur, le principe d’où suit naturellement le péché philosophique, selon la pensée du dénonciateur, et qui le rend propre et singulier aux jésuites. Car dès lors, dit-il, qu’on vient à prouver aux jésuites qu’effectivement plusieurs sont privés de ces grâces (ainsi que l’expérience le montre assez), il s’ensuit nécessairement que plusieurs ne sont pas coupables en péchant ou que leurs péchés ne sont que philosophiques. » L’auteur de la lettre se réfère ici à des passages de la Deuxième dénonciation : Arnauld y marquait que le péché philosophique signifiait, de la part des jésuites, une limitation reconnue à l’universalité des grâces suffisantes ; Serry signale quelle conception des grâces suffisantes, celles-ci étant limitées, entraîne la conséquence du péché philosophique..Mais Arnauld a préféré ne point engager la lutte sur ce terrain, et il attribue le péché philosophique aux doctrines de l’advertance nécessaire au péché.

Une Cinquième dénonciation a pour matière la thèse soutenue par le jésuite Pugean à Clermont d’Auvergne, en 1688 ; mais surtout la thèse soutenue à Anvers par un théologien jésuite au commencement d’août 1690. La thèse d’Anvers, à l’instar des Lettres de Paris, présente le péché philosophique comme une notion métaphysique, mais où rien n’est avancé de sa vérification pratique. Arnauld ruine, par des arguments historiques, cette allégation. Il proteste qu’il a dénoncé, à l’origine du péché philosophique, non la doctrine des jésuites sur l’ignorance invincible mais cette maxime de leurs auteurs : que l’on ne pèche point d’un péché proprement dit et imputable par soimême si l’on n’a point la pensée que l’on fasse mal. On voit avec quelle insistance Arnauld revient sur cette explication. Une liste nouvelle des partisans du « philosophisme » (le mot est avancé ici pour la première fois et l’Avertissement nous en a prévenus) figure en cet écrit. La Cinquième dénonciation était composée quand parvint à Arnauld la nouvelle de la condamnation, à Rome, de la thèse de Dijon ; il résolut néanmoins de livrer son travail à l’impression. On compte plus de quarante auteurs jésuites cités dans les écrits dont nous venons de parler, et qui enseignent soit expressément, soit dans ce qui est considéré comme son principe, le péché philosophique. Les textes de ces auteurs et de plusieurs autres de la même Compagnie ont été réunis dans une publication faiteen 1691 par les théologiens de Louvain : Philosophistæ, sive excerpla pauca ex multis libris. Ihesibus, dictatis Iheologicis, m quibus scandalosa et erronea philosophismi doctrina

nuper damnala, per centum et amplius annos a theologis Societatis Jesu tradita ac per omnes fere Europæ provincias longe lateque disseminata.

Circonstances de ta condamnation même.

On

connaît par les lettres de M. du Vaucel à l’archevêque d’Utrecht (cf. Pré/ace historique, citée, p. xii sq.) quelques circonstances de la condamnation romaine. Elle fut résolue le 3 août. On évita la note d’hérésie grâce à la nouveauté de la proposition. Entre autres tentatives, les jésuites avaient adressé, dès 1689, une requête au Saint-Office (le texte en est rapporté en français, toc. cit., p. xiii, en note) ; les auteurs incriminés, disaient-ils, ont parlé conditionnellement du péché philosophique et dans l’hypothèse d’une ignorance invincible de Dieu ; cet enseignement est très commun dans la théologie scolastique ; Lugo, cardinal de l'Église romaine, l’a naguère approuve. Et la requête se termine sur la dénonciation d’un libelle diffamatoire, qui n’est pas autre chose que le premier écrit d’Arnauld. Mais quatorze thèses soutenues et imprimées à Rome en ce temps-là par des jésuites, où le péché philosophique était clairement enseigné, furent défavorables à leur cause. La condamnation passa « presque tout d’une voix ». Elle fut publiée sans dilliculté à Paris.

Viva, op. cit., part. III, p. 8, prétend que la proposition condamnée n’a été obtenue qu’en changeant le texte de la thèse originale de Dijon (…in quibus licet hsec thesis prout jacet non reperiretur, nihilominus paucis per invidiam mutatis in hanc preesentem thesim una ex iis concinnata fuit). De même, dans l'édition de 1854 de son Enchiridion, Denzinger attribuait à Arnauld la rédaction calomnieuse de cette proposition. Mais on ne trouve plus ce jugement dans les éditions plus récentes. De fait, il est difficile de charger Arnauld d’une telle déformation ; il cite le texte de la thèse en tête de sa Première dénonciation (nous avons dit déjà qu’il coïncide exactement avec la proposition condamnée) ; or, il eût donné à ses adversaires des armes trop faciles en falsifiant ce fondement de ses accusations ; et, par ailleurs, jamais dans la controverse il ne lui fut reproché d’avoir rien changé au texte de la thèse. Cf. aussi Reusch, Dcr Index (1er verbotenen Bûcher, t. ii, Ronn, 1886. p. 537.

Il n’est pas douteux que la campagne d’Arnauld a contribué à la condamnation du péché philosophique et que ses publications, comme ses lettres privées, ont agi sur les milieux romains. Nous ne pouvons dire plus. Reusch pour son compte, (oc cit., estime que les écrits de ce théologien « ont donné occasion à la condamnation ». On avait attribué a un religieux bénédictin, loin Étiennot, procureur général de la congrégation de Saint-Maux, la paternité des quatre premières Dénonciations et d’avoir déféré au Saint-Siège la thèse « lu péché philosophique : une lettre du cardinal d’Aguirre au générai des bénédictins, i" septembre 1690, l’en détrompe ; mais |uand le fait sciait vrai, ajoute le cardinal, ce religieux < mériterait plutôt d'être loué que blâmé, ci on devrail Un avoir obligation d’avoir faii ce que chacun aurait dû faire en particulier ». Histoire littéraire de la congrégation de Samt Ylaur, p. 178. D’après Dôllinger et Reusch, Geschichte der Xforalstreiligkeilen m der rômisch-kalho lischen Kirche seit dem xvi. Jahrhundert, t. i, p n. 1, c’esl par Mabillon qu’on aurait eu connaisse] Rome de la thèse du péché philosophique, comme il avait dénoncé « clic des actes d’amour de Dieu non nécessaires condamnée en même temps ; mais ces ailleurs n’en donnent point de preuve, et la joie que témoigne Mabillon (le relie condamnation n’en est point une.

A la condamnation romaine il a lieu d’adjoindre le mandement de l'évêque de Langres déjà cité ; la lettre

pastorale de l'évêque d’Agde, datée d’Issoudun, Il novembre 1689 ; une Lettre contre la nouvelle hérésie du vicaire capitulaire de Pamiers, le 2 janvier 1690.

il. histoire critique de l’opinion. — Les événements que nous venons de raconter annoncent d’euxmêmes que le péché philosophique n'était point une nouveauté en 1686. La thèse de Dijon, devenue célèbre, s’inscrit dans un vaste mouvement théologique ; nous avons pu voir qu’en France, aux Pays-Bas, à Rome même, le « péché philosophique » était une opinion depuis longtemps répandue et enseignée. Arnauld et ses émules ont tenté de découvrir les principes d’où cette opinion dérive ; la recherche s’en impose en effet et nous voudrions à notre tour contribuer à son heureux succès.

Ses origines historiques.

L’expansion missionnaire du catholicisme au xvii c siècle semble avoir

déterminé pour une part cette direction de la pensée Ihéologique. Dès 1674, la congrégation romaine de l’Inquisition répondait à une consultation où il était demandé si les péchés des païens ignorant Dieu méritaient bien la peine éternelle. Le doute proposé et la réponse romaine dans les œuvres du P. dom Navarrette, O. P., t. i, Madrid, 1676, tr. VII ; cf. Scripiores ord. præd., t. ii, p. 721. Ce dogme de l'éternité des peines paraissait, si l’on peut dire, d’exportation difficile et l’on aurait aimé pouvoir dire aux Chinois qu’avant la prédication en leur pays de la vraie religion leurs ancêtres n’avaient point mérité pareil châtiment. Dans la violente controverse de la Compagnie de Jésus et des Missions étrangères au début du xviiie siècle, il était naturel que cette question reparût, liée comme elle l'était à celle des méthodes de l’apostolat auprès des païens. Qu’il nous suffise d’avoir indiqué ici la connexion d’une notion théologique avec un ordre d'événements relatifs à l’apostolat catholique.

Ses origines théologiques.

Nous voudrions relever chez les théologiens eux-mêmes les origines doctrinales de cette notion.

1. La Relectio, de Fr. de Victoria, O. P., dont nous parlions, col. 255, témoigne d’une préoccupation d’esprit à quoi se lie naturellement l’idée du péché philosophique. Elle est intitulée : De eo ad quod lenetur veniens ad usum ralionis, et fut tenue en juin 1535. Le thème en est, nous l’avons dil, le cas de l’enfant accédant à la vie raisonnable ; mais la question s’y trouve débattue des rapports de l’action morale avec la connaissance de Dieu. Victoria ne répugnerait pas à cette pensée que l’ignorance de Dieu est de nature à supprimer la vie morale, mais en ce sens que, de celui qui ne connaît pas Dieu, on peut dire qu’il n’a pas l’usage de la raison : ainsi maintiendrait-il la coïncidence de la vie morale et de l’usage de la raison ; l’opinion, dit-il. n’en aurait pas de graves inconvénients puisqu’une telle ignorance, pal la providence de Dieu, ne se vérifie jamais que pour un temps très court. Il se garde toutefois de se ranger à cet avis paradoxal et dont la nouveauté ne plairait pas à toutes les oreilles, et il énonce : anlequam aliquis aut cognoscat aui possit cognoscere Deum, potest peccare, El Victoria invoque entre autres cet argument qu’il n’est pas nécessaire, pour que la loi oblige, qu’elle SOil connue du pécheur comme émanant du souverain législateur. On peul

connaître le bien ci le mal et ignorer Dieu, encore que

bien et mal se prennent en soi de la loi divine. Le P. de l'.lic. Hrrur dr philosophie. [931, p. 581 610, a

récemment attiré l’attention sur ce document, lia cet

intérêt, en effet, de signaler comme posée en théol

la quest Ion de la nécessité de connaît re i >icu pour qu’il

ait vie morale : et l’on voit qu’elle Be pose a propos

du cas des enfants étudié par saint Thomas ; l’on y

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    1. PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE##


PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. LES ANTÉCÉD K.VI S

pas entre la règle morale rationnelle et la règle divine, niais entre l’usage commun de la raison et son exercice moral, lequel serait lié à la connaissance de Dieu. Mais Victoria ne retient pas cette dissociation, et le P. de Hlic signale à juste raison que telle est la position de l'école thomiste en ce débat, ajoutant que les théologiens postérieurs à celui-ci tiendront pour une conversion implicite à Dieu la conversion au bien honnête, pour une reconnaissance implicite de la loi divine la connaissance de la loi naturelle. Ainsi Soto, Banes, Jean de Saint-Thomas, Gonet, Billuart. Ce que nous disions col. 254 révèle que Cajétan et les Salmanticenses l’entendent de même. Il n’est pas douteux que tel est le sentiment de saint Thomas chez qui cette question n’est pas dégagée, ou, plus exactement, pour qui il n’y avait pas en ceci de question. En même temps que le problème, qui est l’un de ceux auxquels se rattache l’idée du péché philosophique, Victoria nous annonce donc la doctrine qui contient la réfutation radicale de cette erreur. On notera que ce théologien prend position contre Grégoire de Rimini, In IIum Sent., dist. XXXIV, n. 2 (texte dans de Blic, loc. cit., p. 598), pour qui il y aurait encore péché quand on ne s’opposerait qu'à la raison droite, et si même, par impossible, il n’y avait pas de raison divine ; pour Victoria, si Dieu n'était pas ou si Dieu ne commandait rien, il n’y aurait pas de mal moral. Assurément, Dieu est cause première, ici comme partout ; la proposition de Grégoire de Rimini ne serait recevable que comme une façon paradoxale de revendiquer l’autorité immédiate de la raison sur la vie morale. En ce sens, il ne la faudrait point dédaigner, car c’est justement le souci de fonder en Dieu, en dernier ressort, l’ordre moral (de quoi l’on trouve la formule sagement équilibrée dans l'école thomiste citée), qui donnera lieu chez certains théologiens à une dissociation de l’ordre raisonnable et de l’ordre divin, à la faveur de quoi doit naître fatalement l’erreur du péché philosophique.

2. Lessius est l’un d’eux, et nous croyons que son influence ne fut pas étrangère à cette fortune du péché philosophique que nous avons observée dans les PaysBas au cours de la seconde moitié du xvii c siècle. Nous alléguons ici l’une des opinions défendues en son célèbre ouvrage De perfeclionibus moribusque divinis libri XIV (l re éd., Anvers, 1620 ; édition récente, Lessii opuscula, t. i, Paris, 1881). Sur la question de l'éternité de la peine due au péché mortel, où il se sépare, nous l’avons dit, de saint Thomas, Lessius en arrive, t. XIII, c. xxv, n. 184, à distinguer dans le péché mortel une double malice dont l’une est subordonnée à l’autre : selon que ce péché est un acte discordant d’avec la nature raisonnable, selon qu’il est un mépris de Dieu. Au premier titre, l’acte n’a pas raison de péché mortel, mais seulement d’acte mauvais en général ; il ne reçoit raison de péché mortel qu’au second titre. La dissociation est nette, non pas entre l’usage non moral et l’usage moral de la raison, mais entre un ordre moral défini par la raison et un ordre moral relatif à Dieu. On devine si saint Thomas et Cajétan peuvent être invoqués, comme le fait Lessius, en faveur d’une telle opération, qui ne peut que ruiner leurs positions les plus fondamentales.

Lessius lui-même tire de son principe quelques conséquences. La première, n. 185, est que, s’il n’y avait pas de Dieu, il n’y aurait non plus aucun péché vraiment et proprement mortel ; tous les péchés seraient véniels. Grégoire de Rimini disait « ils auraient toute leur force de péché » ; Victoria « ils ne seraient pas des péchés du tout ». Tous deux ont raison de quelque façon, mais certainement pas Lessius. Il s’objecte opportunément « les infidèles qui ne connaissent pas Dieu ne pèchent non plus mortellement ». Et il répond « tous connaissent Dieu, au moins confusément, comme la divi nité, comme le vengeur du bien offensé *, etc., et pourquoi ils éprouvent le remords ; s’il y avait de tels peuples qu’ils n’eussent pas même cette connaissance de Dieu, ils pourraient cependant mortellement pécher car ils pourraient être à ce point inclinés au mal qu’ils ne fussent pas disposés à s’en abstenir, connussent-ils le divin, et par là ils mépriseraient virtuellement Dieu. Mais s’il n’y avait point ce mépris virtuel ? s’il n’y avait point cette inclination résolue au mal ? Lessius n’en dit rien. La possibilité apparaît donc ici de péchés qui ne seraient point mortels chez qui ignore absolument Dieu, conséquence de la dissociation opérée d’abord. Une autre, n. 18(5, est qu’il n’y aurait aucun péché mortel si Dieu n’avait interdit le pécl é, au moins par la loi naturelle inscrite dans le cœur d< s hommes. Les péchés commis en cet état seraient seulement contraires à la nature raisonnable. Il est vrai que la loi éternelle est au principe de tout discernement du bien et du mal ; mais, pour cette raison, il faut dire, comme faisait Victoria, que sans elle il n’y a plus d’ordre moral, de même que sans la cause première il n’y a plus de causes secondes. La distinction où s’en tient Lessius est incompréhensible et dangereuse. La troisième conséquence, n. 187, ne concerne pas notre sujet. Le mot de péché philosophique n’est pas encore prononcé, mais la chose est en effet introduite. Et l’origine en est très exactement la dissociation opérée de deux ordres de moralité. L’idée chrétienne de l'énormité du péché mortel et l’infinité de sa malice semblent avoir inspiré à Lessius cette nouveauté. Et la manière dont il justifie l'éternité des peines n’a pas été étrangère à cette direction de sa pensée.

Sans doute retrouverait-on la double malice de Lessius dans l'école des jésuites d’Anvers et de Louvain. Quelques-unes des thèses incriminées par Arnauld dans la Deuxième et la Cinquième dénonciation le confirment. Nous ne relèverons, à titre d’exemple, qu’un endroit de Coninck, successeur de Lessius dans la chaire de théologie de Louvain : De moralitate, natura et effectibus actuum supernaturalium in génère, et fide, spe ac caritate speciatim libri I V (l re éd., Anvers. 1623), disp. XXXII, dub. v, n. 39, où l’on retrouve équivalemment la distinction des deux malices, avec une pointe très accusée de volontarisme : …Si enim jurtum, v. g., nullo modo a Deo prohiberetur eive displiceret, quantumvis pergeret non minus quam modo repugnare justitiæ, lamen nullo modo mereretur panam œternam et consequenter non contraherel omnem malitiam quam modo conlrahit. Item si Deus nollet propter furtum privarehominem vita spirituali, fur longe minus peccaret contra carilatem sui quam jam peccet. Éd. cit., p. 646.

3. De Lugo.

On a vu quel prix les défenseurs du péché philosophique attachaient à l’autorité de Jean de Lugo. D’origine espagnole, il est à Rome dès 1621 où il doit faire toute sa carrière de professeur : il reçoit la pourpre en 1643 et meurt en 1660. Ses œuvres complètes ont été éditées à Lyon en 1652 (voir Hurter, Nomenclator, t. iii, 3e éd., col. 911-915). Reusch a consigné, dans son Index…, une information attestant qu’au temps où de Lugo arrivait à Rome le péché philosophique y était connu et, si l’on peut dire, essayé, mais non accrédité. Op. cit., t. ii, p. 537, n. 1. On apprend en effet, par un document d’archivé, qu’un théologien jésuite ayant enseigné, en 1619. qu’un homme ignorant invinciblement Dieu mais connaissant la malice morale de son acte ne commet p ; is un péché grave, de quelque matière qu’il s’agisse, quatre examinateurs de la Compagnie avaient décidé que ce théologien eût à retirer son opinion comme pernicieuse, bien que des auteurs catholiques l’eussent déjà avancée, et à dicter le contraire à ses élèves. Semblable mesure fut prise, ajoute-t-on, en 1659 ; mais, avant cette date, se place l’enseignement de de Lugo.

Son texte est notoire : De mysterio incarnaiionis, disp. V, sect. v, éd. Vives, t. ii, p. 337 sq. Mais l’auteur avertit qu’il a défendu déjà la même doctrine dans son traité De bonilale et malilia humanorum actuum. Il la reprend ici et la confirme contre un enseignement adverse, en faveur duquel des théologiens récents, dit-il, invoquent l’autorité de J. de Salas : celui-ci, en effet (théologien jésuite, 1553-1612 ; cf. Hurter, op. cit., t. iii, col. 589), au témoignage de de Lugo, a vivement combattu l’opinion selon laquelle les actes commis dans l’ignorance de la loi divine ne peuvent être des péchés mortels. Dispulationum in lam.jjæ £). Th., l re éd., t. ii, Barcelone, 1607, tract. XIII, disp. XVI, sect. xxii. Voici comment de Lugo, pour son compte, entend le problème.

Il le rencontre dans l'étude de la nécessité de l’incarnation pour la satisfaction des péchés. Ayant établi que l’homme est impuissant à satisfaire pour les péchés mortels à cause de l’infinité de Dieu offensé, ce théologien est conduit à rechercher s’il n’y a point des péchés tels que l’homme pût les réparer, et qui ne seraient donc point des péchés mortels au sens où l’entendent les Pères et les théologiens. Cette question naît en lui de cette pensée que l’ignorance invincible de Dieu, ou l’invincible sentiment que Dieu est indifférent à la bonté ou à la malice des hommes, semble devoir ôter au péché sa raison d’offense de Dieu. L’acte mauvais commis en ces conditions, un homicide par exemple ou un adultère, déplaît sans doute à Dieu et fournit une juste cause à sa colère, mais sa malice naturelle en est seule la cause et non point l’offense de Dieu qu’un tel acte, commis hors la prévision d’une telle malice, ne saurait vérifier. Car autre est la malice qu’un acte tient de son opposition à la raison, autre celle qu’il tient de son opposition au précepte divin. Celle-là est antérieure à la prohibition divine et indépendante d’elle ; celle-ci est due à une intervention de Dieu et elle s’ajoute à la malice que de Lugo appelle philosophique, d’ores et déjà contractée. Il est difficile d’accuser plus fortement la dissociation des deux ordres de moralité, à laquelle nous assistions déjà chez Lessius. En cette position, où de Lugo s'établit d’emblée, on requiert logiquement à l’offense de Dieu, élément autonome dans le péché, une psychologie nouvelle par rapport à celle qui joue dans l’acte purement déraisonnable : c’est pourquoi ce théologien estimait dès l’abord que l’ignorance de l’offense divine ôte en effet de l’acte commis son caractère offensant pour Dieu. N’en vient-il pas à déclarer qu’un homme, ignorant que sa raison représente la loi de Dieu, peut à la fois agir contre sa raison et faire un acte d’amour de Dieu ? Ainsi portée dans le sujet, la dissociation des deux ordres de moralité découvre son défaut : on ne l’y soutient qu’au prix d’une psychologie invraisemblable et proprement monstrueuse. Comment un homme, sachant qu’un acte répugne a sa raison, s’il pense à Dieu, peut-il concevoir que Dieu l’approuvr et se persuader qu’il aime Dieu, cédant àcel acte ? Non renonçons à élucider pareille inversion. De Lugo pro~ la même logique et erse dans les mêmes invraisemblances quand il dit que le pécheur Ignorant lof fense de Dieu ne peut m Formellement ni virtuellen mettre sa fin dernière dans la créature ni aimer la 1 lire plus que Dieu, il avoue Ingénument, quelqu< part, que les anciens théi n’ont point distinc

tement po lème qu’il entreprend de résoudre

Mais il ne manque pas en chemin d’invoquer l’auto rite de quelques-uns d’entre eux, comme si, pour avoii reconnu que la malice infinie du pé< lié consistait dans l’offense de Dieu, ils avalent d’avance approuvi

propres déductions I II traite notamment saint Tho

mas d’Aquin avei cette inconscience, l’interprétant ce principe devenu pour lui évident qu’autre

la malice de la transgression déraisonnable, autre la malice de l’offense divine.

Pour son excuse, de Lugo a prévenu qu’il entendait considérer les choses absolument et sans préjuger de leur vérification expérimentale. Il avoue l’application en effet très restreinte du cas qu’il a considéré. Chez les fidèles, un tel péché, un adultère philosophique par exemple (on lit le mot chez cet auteur), n’arrive jamais ou très rarement. Chez les infidèles, l’ignorance invincible de Dieu ne peut être que brève ; ils ne mourront pas, selon l’ordre de la providence divine, avant d’avoir pu ou pécher mortellement ou être justifiés. Il reste que la possibilité du péché philosophique a été reconnue et la dissociation consommée d’une atteinte à la raison et d’une offense de Dieu. Lessius lui-même reste en deçà de son émule romain.

4. Autres manifestations. — On peut relever en France, au cours du xviie siècle, des opinions que devait s’annexer la notion du péché philosophique, et qui sont relatives à la nécessité de la pensée de Dieu et de l’advertance actuelle du mal sans quoi il n’y aurait point de péché. L’extension du volontaire était ainsi considérablement restreinte. Le Moine avait défendu ces théories qu’Arnauld combattit dans l’Apologie pour les saints Pères (1650), t. VIII, c. iii, sans qu’il eût encore le moindre soupçon du péché philosophique. Ces pages ont, pour une part, inspiré Pascal, de qui la 4 « Provinciale (25 février 1656) roule sur les conditions d’advertance requises au péché selon les jésuites, et sur la prétendue nécessité d’une grâce actuelle repoussée, faute de quoi l’on ne serait pas coupable : les Pères Bauny et Annat y sont principalement accusés (Œuvres, éd. des Grands écrivains de la France, I. [V, p. 249 sq.). On reconnaît dans ce dernier thème l’opinion où Serry dénonçait l’origine du péché philosophique. Voir aussi la dénonciation faite au P. Oliva par le P. de la Quintinye, art. Oliva, col. 992.

3. Conclusion critique.

Au terme de cet exposé, où nous avons relevé non certes tous les témoignages, mais peut-être des témoignages significatifs, nous estimons que la notion du péché philosophique est due, dans l’histoire doctrinale, à une dissociation opérée entre deux ordres de moralité, l’un commandé par la raison et l’autre par la loi divine. A quoi répond logiquement une dissociation psychologique, et l’exigence de conditions propres par lesquelles l’acte déréglé devient une offense de Dieu. Celles-là sont interprétées selon des théories relatives à l’advertance actuelle de la malice, où Arnauld a vu de préférence l’origine du péché philosophique. Par ailleurs, ces théories relèvent d’une conception plus générale sur la nécessité des grâces actuelles suffisantes, où Serry, pour son compte, 'attachait cette notion malheureuse.

On peut dire que le péché philosophique représente une issue inattendue et paradoxale de l’effort spécifique de la théologie chrétienne. Celle-ci n’eut pas de soin plus grand que de rattacher à la majesté de la Loi éternelle l’ordre de la raison humaine. Cet ordre ne détient son autorité qu’en vertu de (die dérivation au principe de laquelle se rencontre Dieu. Non poinl deux règles superposées, mais entre elles le rapport de l’absolu au participé. Psychologiquement, un seul mOUVC ment Intéresse à la fois l’une et l’autre loi. et l’on offense Dieu en cela même que l’on transgresse la rai son. Or, ce couronnement de l’ordre moral qu’est la

loi divine. Voici qu’une théologie tardive, ('mue sans doute de sa grandeur, le détache du reste et restitl son isolement l’ordre de la raison, aggravant ainsi l’Insuffisance de anciennes philosophies morales : « ai celles-ci, qui ne s'élevaient point Jusqu'à une com i ion de la i mi éternelle, ne professaient point cependant nation tic deux ordres et leur Indépendance

ailleurs, cette dissociation semble sieniliei aussi uiu

méconnaissance du caractère déraisonnable de l’offense divine, comme si l’on offensait Dieu dans un ordre étranger à la constitution naturelle des choses cl sans que la raison y fût intéressée. D’une part donc, un péché positivement laïque ; de l’autre, une offense de Dieu surérogatoire ; au total, la rupture navrante d’un accord qui avait été le chef-d'œuvre de la théologie chrétienne. Du même coup, plusieurs des points de la synthèse élaborée étaient compromis : le péché d’ignorance, le péché d’habitus, l’endurcissement des pécheurs, le péché mortel de la raison inférieure, le péché des enfants ; il n’est rien de tout cela que n’atteigne le péché philosophique. Il n’y a de vrai, dans les revendications comprises en cette notion, que la gravité plus grande du péché commis dans la connaissance expresse de l’offense de Dieu qu’il comporte : car on trahit alors une volonté plus attachée à l’objet déréglé. Mais, pour ce bénéfice que nous enregistrons, combien de ravages I La condamnation de 1690 les a heureusement limités.

/II. histoire ultérieure. — 1° Premières réactions. — Le décret d’Alexandre VIII n’a point cependant arrêté d’un coup cette histoire. Et le péché philosophique engageait trop de choses pour qu’il cédât soudain.

Beaucoup, et qui n'étaient point jansénistes, reçurent le décret avec joie. Nous avons dit déjà le sentiment du cardinal d’Aguirre. De Mabillon, on a une lettre à Sergardi : Decretum de peccato philosophico ad nos maximo bonorum plausu perlatum est, fremeniibus

licet itlis quorum intererat (Lud. Seryardii orationes

dans Dôllinger-Reusch, op. cit., t. i, p. 79, n. 1). Mais une littérature polémique et des incidents divers se produisent sans retard. Aux Véritables sentiments des jésuites… dont nous avons parlé, le P. le Tellier oppose des Réflexions sur le libelle intitulé « Véritables sentiments des jésuites touchant le péché philosophique », adressées à l’auteur même de ce libelle, La Haye, 1691. Voir Scriptores ord. preed., t. iii, p. 633. A la Récrimination des jésuites dont nous avons aussi parlé, le P. Bouhours riposte en faisant paraître pour la troisième fois sa Lettre à un seigneur de la cour, dont la première édition est de 1668 ; il la fait précéder d’un avertissement où la querelle est portée sur le plan des disputes jansénistes ; quant au péché philosophique, l’auteur le présente en passant comme une « proposition métaphysique qui n’a rien de commun avec le fond de la religion ». il s’attire aussitôt une réplique : Le Père Bouhours, convaincu de nouveau de ses anciennes impostures, faussetés ou calomnies… au sujet du péché philosophique, Cologne, 1691. En butte à des attaques, Arnauld avait conçu le dessein d’un écrit auquel il se proposait de donner pour titre : La contravention des jésuites au décret du Saint-Siège qui a condamné la doctrine du péché philosophique dénoncer à l'Église. Préf. hist., p. xv-xvi. Il n’y donna pas suite. Mais, comme il avait reproduit, à la fin de sa Cinquième dénonciation, des propositions du P. Beon, jésuite, tirées d'écrits dictés à Marseille en 1689, on publia à ce sujet, en 1692, un écrit intitulé : Le philosophisme des jésuites de Marseille en deux parties, où l’on critiquait cette allégation que les partisans du péché philosophique ne voulaient défendre qu’une hypothèse sans préjuger rien de sa vérification réelle. La même année, un théologien de Louvain fait paraître Triplex hærcsis in moralibus, Mater peccati philosophici denunciata ; dans le sens contraire, le P. Segcrs, jésuite flamand, publie une Apologia pro jesuilis belgis. Voir Préf. hist., p. xvi-xvii.

A Rome même, la Première dénonciation d 'Arnauld, [Jour la condamnation de laquelle le cardinal d’Estrées avait agi, fut retournée sans jugement par l’Inquisition en avril 1693. Cf. Préf. hist., p. xiii ; Œuvres,

d Arnauld, t. iii, p. 640 ; Heusch. Index…, t. ii, p. 539. Le 1 er juillet de la même année étaient mis a L’Index : 1. Le dénonciateur du péché philosophique convaincu de méchants principes dans la morale, par M. du Pont, théologien, Cologne, 1090 ; 2. Diatriba thrologica de peccato philosophico cum expositione decreti Inquis. Rom. éd. 24 aug. 1600, sans lieu ni date (, 1'auteur en était le jésuite Robert Mansfeld, du collège anglais de Liège, Préf. hist., p. xiv ; Reusch, Index…, t. ii, p. 5 C’est vers le même temps sans doute que le maître du Sacré-Palais, Ferrari, composa son écrit : Disputai io adversus commentum probabilismi et ejus legilimum fatum peccalum philosophicum, que l’on trouva dan papiers, avec un écrit contre Terillus, mais qui ne fut pas imprimé. Concina, De vita et gestis card. Ferrarii, p. 109. Voir Dôllinger-Reusch, op. cit.. t. i, p. 196, n. 3 ; Script, ord. pried., t. iii, p. 247.

Parmi l’abondance de la littérature de circonstance engendrée en ces années par l’afiaire du péché philosophique, il y a lieu de distinguer l’ouvrage doctrinal du P. Norbert d’Elbecque, O. P., intitulé Dissertatio theologica de adverlentia requisita ad peccandum fornwliter, Liège, 1695. Ce titre indique sous quel angle l’auteur aborde la critique du péché philosophique. Voir Préf. hist., p. xix ; Script, ord. preed., t. iii, p. 197.

Interventions des évêques de France.

Un nouveau

débat s'éleva en 1696-1697 à l’occasion d’un mandement de l’archevêque de Rouen. On y recommandait au clergé du diocèse certains ouvrages de théologie morale, entre autres ceux du P. Noël Alexandre, O. P. Sur quoi parut bientôt un écrit anonyme : Difficulté proposées à M. l’archevêque de Rouen par un ecclésiastique de son diocèse sur divers endroits des livres et surtout de la théologie dogmatique du P. Alexandre dont il recommande la lecture à ses curés. Le P. Bufïier. jésuite, fut convaincu d’en être l’auteur. L’archevêque requit de lui l’adhésion à dix propositions, dont deux concernaient le péché philosophique : 2. Au sujet du péché philosophique, je condamne ce qu’Alexandre VIII a condamné le 24 août 1690 et reconnais ce que les jésuites ont déjà reconnu dans leurs Sentiments sur le péché philosophique, savoir qu’il est faux de dire qu’une advertance actuelle de la malice de l’action soit requise pour que l’action soit un péché. 3. Les pécheurs aveuglés et endurcis qui commettent des meurtres, des adultères et autres crimes sans remords, ne pensant pas qu’ils offensent Dieu en les commettant, ni que ces crimes sont contraires à la loi naturelle, ne laissent pas de mériter les peines de l’enfer : leur inapplication actuelle à la malice de l’action ne les excusant pas de péché mortel. » On voit à quels principes est ici liée la notion du péché philosophique. Après toute sorte de complications, l’affaire se termina par l’exil du P. Buffier à Quimper-Corentin. Entre temps, une seconde lettre pastorale de l’archevêque répliquait aux Difficultés et mettait au point la question : Lettre pastorale de M. l’archevêque de Rouen au sujet d’une lettre publiée dans son diocèse, intitulée : Difficultés, etc., 1697. Le P. Alexandre, pris à partie comme on l’a vu. était intervenu par des Éclaircissements des prétendues difficultés proposées à Mgr l’archevêque de Rouen sur plusieurs points importants de la morale de J.-C, 1697. Voir Script, ord. preed., t. iii, p. 389. L’affaire de Rouen est racontée tout au long dans Dôllinger-Reusch, t. i, p. 617-623 ; et t. ii, p. 359-360. Cf. Préf. hist.. p. xvii XVIII.

Dans une lettre collective du 23 février 1697, cinq évêques français, parmi lesquels Bossuet, dénonçaient au pape Innocent XII plusieurs des doctrines soutenues dans l’ouvrage posthume du cardinal Sfondrati, intitulé Nodus prædestinationis… dissolulus. L’une d’elles regarde le péché philosophique' Cet auteur estime, en effet, que l’ignorance de Dieu empêche que

l’acte déréglé olïense Dieu et mérite la peine éternelle ; et qu’il faut tenir pour un grand bienfait du ciel que certains ignorent Dieu, si toutefois le cas s’en rencontre, car ils sont ainsi rendus impeccables, eux qui, s’ils l’eussent connu, l’eussent certainement offensé. Les cinq évêques font une critique excellente de cette conception : Neque enim fieri potest ut innocens Deo sit qui, exlincla licel cognilione Dei, rectæ rationis et conscientiæ lucem a Deo exorientem spernit. Neque enim fieri potest ut non sit contumeliosus in Deum qui recta ? rationi, cujus Deus auctor et vindex est, injert injuriam. Ils écrivent aussi une belle page de théologie sur le fondement de l'éternité des peines, par mode de commentaire du mot de saint Grégoire, avec cette formule : lnest ergo cuicumque mortali peccato quwdam concupiscentiæ seternitus atque, ut ita dicam, immensilas, cui profecto Deum Iota sua infinitate atque seternitate ac sanctitale adversari necesse sit. La supplique n’eut pas de suite et le livre dénoncé ne fut pas condamné. Le texte de la lettre avec des notes historiques dans la Correspondance de Bossuet, éd. des Grands écrivains de la France, t. viii, p. 151-172 ; cf. ibid., p. 148.

Par ailleurs, l’une des 127 propositions censurées par l’assemblée du clergé de France de 1700 regarde le péché philosophique : Si peccatores consummatæ malitiæ cum blasphémant et flagitiis se immergunt non liabent conscientiæ slimulos nec mali quod agunt notitiam, cum omnibus theologis propugno eos hisce actionibus non peccare. La proposition est extraite de 'Apologia casuistarum, du P. Pirot, jésuite ; elle est censurée, sous le numéro 112, avec cette note : Hœe propositio jalsa est, temeraria, perniciosa, bonos mores corrumpit, blasphemias aliaque peccata excusai et ut lalis a clero gallicano jam dumnata est : où l’on se réfère à la condamnation portée par l’assemblée générale du 12 avril 1641. Collection des procès-verbaux des ctssemblées générales du clergé de France depuis 1560 jusqu'à présent, Paris, 1767-1780. Beaucoup d’autres censures particulières furent portées contre la même erreur au cours du xviiie siècle (Préj. hist., p. xviiixix). Elles ne furent pas absolument vaines et certains ouvrages furent corrigés ; par exemple, Archdekin, de qui la Theologia triparlita, dans l'édition de 1718 (la première est de 1678, l’auteur est mort en 1093 : cf. Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 407) omet ce qu’on trouvait dans les précédentes sur le péché philosophique.

Écrits ultérieurs.

Pour leur intérêt doctrinal,

nous devons relever quelques écrits qui ne laissèrent point de paraître sur ces questions. Le P. Serry, qui était intervenu comme docteur de Sorbonne dans la querelle, comme nous l’avons dit, introduisit dans la 2° ('(lit ion (Anvers, 1709) de son Historia congregationuiii De auxiliis divinæ gratindeux chapitres intéres saut le péché philosophique, t. III, c. xi.vn, xi.vm. Il y est déterminé par suite des thèses soutenues à Paris le 14 décembre 1699 par le I'. Hechefcr, jésuite (un Jésuite du même nom a été signalé par Arnauld, Cin quième dénonciation, a mine ayant enseigné le philo sophisme a Reims vers 1660), dont la huitième nie qu’on doive imputer le péché commis par l’homme à qui Dieu aurait soustrait toute sa grâce ensuite d’un premier péché ; Serry signale un précédent et renvoie

au c. xxxii de ce même livre III. Ce théologien signa,

ivril 17110, une déclaration à l’archevêque de Paris,

dans laquelle du reste, Serr l’observe justement, il

évite d’affirmer que les péchés des endurcis, destitués

de I nul secours, si. i eut imputables. < nu nue il le faisait '

déjà dans sa seconde Lettre, Sern rattache l’erreur

du péché philosophique au principe moliniste des

1 M i ro> ail communément Jusqu'à

ii. dit il. qui I saire pour ne

pécher point : les nouveaux théologiens ont changé tout cela, et désormais c’est pour commettre le péché que la grâce est nécessaire. Contre ces funestes fantaisies, Serry n’a point de peine à revendiquer les principes de la théologie traditionnelle ou plutôt de la morale chrétienne.

Selon Viva, S. J., Damnatarum thesium theologica trulina, le décret de 1690 entraîne que la proposition condamnée est fausse en l’ordre présent de la providence, où ne se vérifie point l’ignorance invincible de Dieu chez l’homme usant de la raison ; s’il y avait chez un homme l’ignorance invincible de Dieu, il ne pourrait non plus offenser Dieu, et la condamnation n’interdit pas de le penser ; de Lugo et d’autres, le professeur de Dijon lui-même n’ont vu dans le péché philosophique qu’une hypothèse et parlaient dans un sens conditionnel ; les anciens théologiens, partisans du péché philosophique, ne sont pas atteints par le décret, où cette opinion est présentée comme nouvelle. Avec cela, et quoi qu’il en soit de ces gloses, Viva montre assez bien que le péché philosophique, conformément à la sentence qu’il reconnaît être commune, est impossible même métaphysiquement, car la connaissance de la prohibition divine est implicitement comprise dans la connaissance de la prohibition raisonnable. Que ne s’en est-il tenu à cette droite doctrine !

Son exégèse bénigne du décret a été prise vivement à partie par le dominicain D. Concina, dans son ouvrage : Délia sloria dcl probabilismoe del rigorismo dissertazioni theologiche, moralee critiche, Lucques, 2 vol., 1743 ; diss. III, c. v, § 1-4, t. i, p. 87-134. Entre les informations historiques dont ces pages abondent, celle-ci nous est encore inconnue. Un apologiste de la Compagnie de Jésus avait prétendu que d’illustres thomistes s'étaient faits partisans du péché philosophique, et plus audacieusement, disait-il, que ne fit jamais aucun jésuite. Concina ne convient pas que ictoria, en sa célèbre Relectio, soit de ce nombre, et nous savons qu’il a raison. Il tient que, seul entre les thomistes, le P. G. IWarletta, O. P., a défendu le philosophisme ; mais il fut pour ce fait renié par un théologien comme Vincent Ferre (le texte de Marletta, p. 126, sur ce théologien, Script, ord. præd., t. ii, p. 676. Sur Y. Ferre, ibid., p. 696). Et parmi les thomistes illustres, je n’en ai pas trouvé un seul, déclare fièrement Concina, qui ait soutenu cette erreur. Il est curieux que cet historien tente d’excuser du philosophisme de Lugo dont les textes, dit-il, peuvent s’enlendre dans un bon sens. Docti inalement, Concina fait du philosophisme un rejeton du probabilisme. Sous ce dernier terme, il entend le groupe des thèses chères à certains théologiens, et dont l’une intéresse l’advcrlanec actuelle de la malice nécessaire au péché. A la faveur de cette doctrine, qui ruine le péché d’ignorance, le philosophisme a commencé de s’introduire dans les écoles cal ludiques. Il a progressé, lorsqu’on en vint à penser qu’il peut y avoir une ignorance Invincible et innocente de Dieu, car certains sont de ce senlimenl. Mais, sur la nature inclue de cette erreur, Concina a écrit quelques lignes excellentes et qui découvrent aussi bien, croyons-nous, l’origine historique du pél he philosophique : » C’csl dans la séparation de ces deux concepts inséparables [acte contraire a la raison. acte contraire a Dieu] que consiste proprement le philosophisme. Le fondement premier de cette erreur est qu’en chaque péché se trouvent deux malices, l’une par rapport a la droite taison. l’antre par rapport a la transgression de ii, l<, i <|e I heu. Ces qu main es. selon les philosophistes, ne sont pas inséparables ; mai', au Contraire, l’une peut (lie sans l’autre dans i esprit de celui qui pèche. De snrle que celui cpii. en péchant.

réfléchit a la premii deux malices et neconsi aactuellement la seconde, ne se rend pas 271

PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE HISTOIRE I LTÉRIEURE

_7J

pable de celle-ci, mais de la première seulement : en conséquence, il commet un péché philosophique » (p. 122).

4° Les traces de la querelle — Aujourd’hui, et depuis longtemps, le péché philosophique a perdu, grâce a Dieu, de son actualité. Il ne semble pas avoir émules Salmanticenses dans le copieux traité desquels nous n’avons pas trouvé la mention de cette erreur. A peine y rclève-t-on, à propos de l’offense comme essentielle au péché, une objection qui nous rappelle les doctrines ci-dessus rapportées : si quelqu’un, dit-elle, ignorant invinciblement Dieu, commettait un péché, ce péché serait contraire à la loi, faute de quoi il ne serait pas un péché ; et, cependant, il ne serait pas une offense de Dieu, car il est de la raison de l’offense qu’elle soit volontaire ; or, chez qui ignore Dieu, l’offense ne peut être volontaire, puisque l’ignorance Ole le volontaire. La réponse est brève mais décisive : « On nie qu’un homme puisse pécher sans connaître du même coup, au moins in actu exercito, qu’il y a un supérieur commandant légitimement, auquel il est tenu d’obéir : en quoi virtuellement au moins et implicitement, il connaît Dieu législateur et sait, ou peut savoir, qu’en violant la loi il agit contre lui et l’offense. » Op. cit., disp. VII, dub. ii, n. 18. Chez Billuart, et donc chez un théologien français du milieu du xviiie siècle, le péché philosophique laisse à peine plus de traces. On retrouve en son ouvrage, au traité du péché, la difficulté que se faisaient déjà les carmes de Salamanque. Il y est répondu d’une manière un peu différente. Tout d’abord, l’hypothèse est illusoire attendu qu’il ne peut y avoir ignorance invincible de l’existence de Dieu. Ensuite, admis qu’un homme pût ignorer, pour un temps très court, l’existence de Dieu, du fait même qu’il pécherait il connaîtrait qu’il y a un Dieu, car il connaîtrait qu’il pèche contre la loi naturelle, en conséquence contre l’auteur de la loi : et ainsi, dans la connaissance même de la loi, il connaîtrait au moins implicitement le législateur. Et Billuart conclut : d’où il ressort qu’il n’y a point de péché purement philosophique, c’est-à-dire qui ne soit que contraire à la raison, sans être contraire à Dieu ni l’offenser. De peccatis, diss. I, art. 2, fin.

Dans l’enseignement contemporain, le péché philosophique ne trouve plus guère refuge que chez quelques auteurs. Lacroix, S. J., par exemple, dans sa Theologia moralis, 1866, De peccatis, n. 52, en vient à avouer la possibilité absolue du péché philosophique (on peut voir aussi chez cet auteur la manière curieuse dont il accommode la proposition condamnée en vue de la rendre acceptable, n. 58). Équivalemment, Nivard, S. J., Elhica, 1928, c. vi, art. 1, p. 169-170, tient que le péché philosophique ne peut qu'être exceptionnel, comme est exceptionnelle l’ignorance invincible de Dieu ; c’est assez dire qu’il n’est pas absolument exclu. En revanche, Cathrein, S. J., Philosophia moralis, part. I, c. vii, art. 1, bien qu’il restreigne la portée de la condamnation et n'échappe pas à l’idée des deux malices, refuse la notion du péché philosophique. L. Billot, S. J., à son tour, qui professe que la condamnation laisse licite l’hypothèse de la possibilité absolue d’un péché philosophique, accuse fortement, au nom d’un argument rationnel, que cette notion répugne métaphysiquement et il n’invoque rien d’autre que la considération traditionnelle de la meilleure théologie …Quisquis actus humani capax discernit inter bonum et malum morale, eo ipso scit se esse positum sub potestate alicujus Enlis supremi, cujus œquissima volunlas naturalem ordinem servari vult, perturbari vetat. Quin imo, pro lanlo apprehendit aliquid ut prohibilum in conscienlia, pro quanto invisibilis et indeclinabilis superioris legem agnoscit. Op. cit., part. I, c. i, § 4, p. 27. Par ailleurs, le même théologien, appliqué plus tard au

problème du salut des infidèles, fut conduit à p comme condition de la vie morale elle-même une connaissance de Dieu relativement perfectionnée, par quoi il limitait considérablement chez les païens le nombre des adultes spirituels et la faculté de pécher. Voir ses articles dans les Études, 1920-1921 ; ci-dessus art. Infidèles (Salut des), col. 1891-1892, 1907-1911. Il ne versait pas ainsi dans le philosophisme ; mais, maintenant la vraie nature du péché, il eu soumettait l’accomplissement à des exigences insolites et démesurées. On observera que chez certains adversaires du péché philosophique, la raison alléguée n’est point toujours pertinente : par exemple, Prlimmer, O. P., M 'anuale theologiee moralis, t. i, n. 25, déduit l’impossibilité du péché philosophique de ce que l’homme, en fait, est appelé à une fin surnaturelle. Il était peut-être utile que l’on tentât de dégager ici les principes propres de cette erreur.

Hors le monde des théologiens, qu’on lise sur notre sujet la page badine de Sainte-Beuve : il trouve qu’Arnauld s’est donné beaucoup de mal à propos de cette doctrine « à laquelle il faudrait changer si peu de chose pour la rendre agréable au sens commun ». Port-Royal, t. v, p. 301. Sainte-Beuve pour cette fois divertit, mais n’enseigne pas.

Notre tâche fut de représenter et de défendre un système doctrinal du péché. Autre chose est d'éprouver ce que l’on appelle communément le sens du péché, où le péché originel du reste a pour le moins autant de part que le péché actuel. Autre chose même est de décrire la psychologie qu’engage ce sentiment ou d’en suivre les traces parmi l’histoire humaine. Cette dernière étude serait passionnante comme l’objet en est chose en elle-même enviable. Notre exposé théologique aurait trouvé sa récompense si, outre sa fin propre, il favorisait chez plusieurs le sens du péché et suscitait chez quelqu’un le goût d’en essayer l'étude.

I. Introduction.

1° Sur les mots, voir : E. Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, 1873 ; A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, 1928 ; A. Forcellini, Tolius latinitatis lexicon, Prato, 18581860 ; H. Etienne, Thésaurus græcæ linguæ, Paris, Didot, 1831-1856 ; J. Grimm, Abslammung des Wortes Sûnde, dans Theologische Sludien und Kriiiken, t. ii, 1839, p. 747 sq.

2° Sur le péché dans les religions et la philosophie, voir J. Hastings, Encgcloptedia of religion and elhics, art. Sin, t. xi, 1920 (avec bibliographie) ; E. Westermack, L’origine et le développement des idées morales, trad. franc., 2 vol., t. ii, Paris, 1928, c. xlix-lii et passim (avec bibliographie) ; G. Mensching, Die Idée der Sùnde, Leipzig, 1931 (avec bibliographie) ; W. Sesemann, Die Ethik Plalo und dos Problem des Bôsen, dans Phil. Abhandl. Herm. Cohen dargebr., Berlin, 1912, p. 170-189 ; Aristote, Éthique à Nicomaque, passim ; P. vanBraam, Aristoleles useof à(j.ac.T ; 'a, dans Classical Quarterlg, 1912, p. 266 sq. ; A.-M. Festugière, La notion de péché présentée par saint Thomas (Ia-H 83, q. lxxi) el sa relation à la morale aristotélicienne, dans The new scolasticism, 1931, p. 332-341 ; W. D. Ross, Aristote, trad. franc., Paris, 1930, c. vii, Éthique ; M.-D. Roland-Gosselin, Aristote, Paris, 1928, c. vii, Le moraliste ; E.-V. Arnold, Roman Stoicism, Cambridge, 1911, c. xiv, Sin and lœakness ; Marin O. Liscu, Étude sur la langue de la philosophie morale chez Cicéron, Paris, 1930 ; Fr. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain, 4e éd., Paris, 1929 (avec bibliographie) ; V. Brochard, Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne, Paris, 1912, c. La morale ancienne et la morale moderne, cf. A.-D. Sertillanges, dans Revue philosophique, t. i, 1901, p. 280 sq.

3° Sur le péché dans l'Écriture sainte et chez les Pères ou écrivains ecclésiastiques, voir F. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, art. Péché, t. v, 1912 (avec bibliographie) ; J. Hastings, A Dictionarg o/ the Bible, art. Sin (avec bibliographie) ; J. Hastings, Dictionarg of Christ and the Gospels, art. Sin, t. ii, 1909 (avec bibliographie) ; P. Dhorme, Le livre de Job, Paris, 1926 ; Hauck, Prolest. Realencgklopàdie, art. Siïnde, t. xix, 1907 (avec bibliographie) ; Cavallera, La doctrine de la pénitence au IIIe siècle, dans Bulletin de lillé

ralure ecclésiastique, Toulouse, 1929, p. 19-36 ; 1930, p. 4963 ; J. Mausbach, Die Elhik des heiligen Augustinus, 2e éd., 2 vol., t.i, Fribourg-en-B., 1929, c. ii, v.

II. Nature du péché.

Traités et ouvrages généraux.


Il est traité du péché chez tous les théologiens et dans tous les manuels de théologie. Nous ne relèverons ici que P. Lombard, Libri IV Sententiarum, Quaracchi, 1910, pour son influence sur la théologie médiévale ; Alex, de Haies, Summa theologica…, t. m (t. II, 2e part.), Quaracchi, 1930 (avec introduction), comme un représentant soigneusement édité de l'état de la doctrine à l’approche de saint Thomas ; saint Thomas d’Aquin, de qui nous avons suivi le traité du péché, Summa theologica, Ia-II 32, q. lxxi-lxxx, lxxxiv-lxxxix ; cl. : II Sent., dist. XXXV, XXXVI, XXXVII, XXXIX, XLI, XLII, XLIII passim ; question disputée De malo, q. ii, iii, vu. On trouvera, au cours de l’article, maints autres endroits des œuvres de saint Thomas auxquels on s’est référé pour des points particulieis.

Entre les commentateurs, nous avons recouru ordinairement ù Cajétan, Commentaria in Jam-j/a^ /oc. cil. et passim ; Salmanticenses, Cursus theologicus, tr. XIII, De vitiis et peccatis, Paris, 1877, t. vii, viii ; Billuart, Summa sancti Thomœ…, tr. De peccatis, t. iv, Paris, 1895, p. 274-443. Parmi les commentaires modernes : L. Billot, De personali et originali peccato, commentarius in l* m -liæ, q. lxxilxxxix, 4e éd., Prato, 1910 ; B. Bernard, S. Thomas d’A., Somme Uiéologique. Le péché, éd. Bévue des jeunes, Paris, r. 130-1 931, 2 vol.

Gomme théologiens d’une autre école, nous avons cité ordinairement Vasquez, Convnentariorum ac disputationum in Jam-zias Sum. theol. S. Th. Aq., t. i, Venise, 1608, <[. lxxi-lxxxix, p. 505-794 ; Suarez, Opéra omnia, Paris, Vives, t. iv, tr. V, De vitiis et peccatis, p. 513-628. Comme type de manuel, on peut noter : Priimmer, Manuale theologiie moralis, Fribourg-en-B., 4e et 5e éd., 1928.

Exposés plus libres de la doctrine thomiste du péché, E. Janvier, Exposition de la morale catholique, t. v-vi, Le vice et le péché, Paris, 1907-1908 ; H.-D. N’oble, La conscience morale, Paris, 1923, IIIe part., c. îx, La conscience pécheresse ; M.-D. Boland-Gosselin, L’amour a-t-il tous les droits ? peut-il être un péché? Paris, 1929. Autres exposés : P. Galtier, Le péché et la pénitence, Paris, 1929, c. i, le péché, sa malice ; c. ii, le péché, ses conséquences ; art. Stinde, dans Kirchenlexikon, t. ii, 1899, col. 946-971 (avec bibliographie).

Nature du péché.

S. Augustin, Contra Faustum, loc.

cit., P. L., t.xLii, col. 418 ; cf. E. Neveut, Formules auguslinienncs : la définition du péché, dans Divus Thomas (Plaisance), 1930, p. 617-622 ; Durand de Saint-Pourçain, In //um 6en(., dist. XXXV, q. ii, n.6, éd. Lyon.1556, p. 165 ; Capréolus, In 1/um Sent., dist. XXXV, q. i, a. 3, ad 2°™ Dur. contra 2 concl., t. iv, Tours, 1903, p. 418 ; Fr. de Sylvestris Ferrar., In Summam contra gentiles, t. III, c. viiiix, éd. Rome, 1926, p. 22-25 ; Jean de Saint-Thomas, CurIIU theologicus, In Ix-m-ll*, disp. IX, a. 2-3, Paris, Vives, t. v, p. 691-739 ; Sylvius, Commentarii in tolam I>im-II<B S. Th. Aq., q. Lxxi.arl. 6, quæritur ii, Anvers, 1684, p. 313318 ; Gonet, Clypeus theologiæ thomisticæ, II p., tr. V, disp. III, art. 1, Lyon, 1681, t. iii, p. 362-372 ; Conlenson, Theologia mentis et cordis, lib. VI, diss. ii, c. ii, Paris, Vives, t. ii, p. 66-84 ; cf. t. iii, p. 310-311.

III. Distinction des péchés.

D, Scot, Qumst. in /Jomi/b.Sem., dist. XXXVII.q.i.OperaomrUa, Paris, Vives, I. xiii, 1893, p. 359 ; S. Jérôme, Sup. Ezech., P. L., t. xxv, col. 427 ; S. Grégoire, Moralia, P. L., t. LXXVI, col. 620-623.

IV. Lis PÉCHÉ ! comparés entue eux. — Cicéron, / iloxa ad M. Brulum, in ; cf. l’rr, Marina, c. xxix-xxx ; De ftnibus…, t. IV, c. XII, xwn ; J. Chaine, L'épttre de tatnt Jacques, in l. c, Paris, 1927 ; S. Augustin, Epistolw, loc. cit., p. l., t. xxxiii, col. 7

V. Le sujet du péché.

S. Augustin, De Trinitate. i., P. L., t. xi.ii, col. 1007-1009 ; i tenri de Gond, Quod llbet, VI, q. xxxii ; Durand de Saint-Pourçain, op. cfi., t. ii,

dist. xxiv, q. v, éd. cil., p. 1 19 ; Capréolus, op. en, , l. II.

dist. xi., a..., ad nrn. Dur. contra i concl., éd. cit., t. iv,

i>. 459 ; Cajétan, Summa Cafetana de peccatis, au mot

Oplnlo, Rome, 1525, p. 181-182 ; B. Medlna, in /" if.

q. lxxiv, a. 3, Venise, 1580, p. 388-890 ; Sylvius, op. cit.,

M i.xxiv, a. 3. et cit., p. 338-314 ; Gonet, "/>. cit.. I. c,

disp. V, a. 2 et ?.. éd cit., p. : '.'i"> 101 ; Conlenson, .., —, . ctt.,

'"/ lib. X appelait i. neccatft, dlss. II, e. I, éd.i, t. iii,

I.112.

Travaux modernet, . [-andgraf, Parte* antmm norma

ogmatlco-htst ipold,

1925 ; K. Schmid, Die menschliche Willensfreiheit in ihrem Verhàltnis zu den Leidenscha/ten nach der Lehre des hl. Th. v. A., Engelberg, 1925 ; Th. Pègues, Comm. franc, lia. de la Somme théol., t. viii, 1913, p. 498-509 ; Th. Deman, Le péché de sensualité, dans Mélanges Mandonnet, t. i, Paris, 1930, p. 265-283 ; O. Lottin, La doctrine morale des mouvements premiers de l’appétit sensible aux XIIe et XIIIe siècles, dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, Paris, 1931, p. 49-173 ; M.-D. Boland-Gosselin, La théorie thomiste de l’erreur, dans Mélanges thomistes, 1923, p. 253-274 ; J. Henry, L’impulabililé de l’erreur d’après S. Thomas d’Aquin, dans Revue nêo-scolaslique de philosophie, t. xxvii, 1925, p. 225-242 ; M.-D. Roland-Gosselin, Erreur et péché, dans Revue de philosophie, t. xxviii, 1928, p. 466-478 (compte rendu critique des 3 précédents, dans Bulletin thomiste, 1929, p. 480-490) ; J. de Blic, Erreur et péché d’après saint Thomas, dans Revue de philosophie, t. xxix, 1929, p. 310-314 ; F. Delerue, Le système moral de saint Alphonse de Ligori, Saint-Etienne, 1929, p. 109-115.

VI. Causes du péché.

Cicéron, Tusculanx dispulationes, t. IV, c. xiii ; S. Jérôme, Adversus Jovinianum, t. II, P. L., t. xxiii, col. 281 sq. ; Condarnin, Le livre d’Isaïe, Paris, 1905 ; M.-J. Lagrange, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1923 ; Évangile selon S. Luc, Paris, 1921 ; Évangile selon S. Marc, Paris, 1911 ; Épltrc aux Romains, Paris, 1916 ; J. Chaîne, op. cit. : A. Lemonnyer, Théologie du Nouveau Testament, Paris, 1928 ; A. Wurm, Die Irrlehrer im ersten Johannesbrief, dans Biblische Studien, t. viii, p. 84 sq. ; M. Meinert, Die Pastoralbriefe deshl. Paulus, Bonn, 1931 ; !.. Bohr, Die soziale Frage und das neue Testament, Munster, 1930 ; A. Srin.jar, Le but des paraboles sur le règne et l'économie des lumières divines d’après l'Écriture sainte, dans Biblica, 1930, p. 291-321, 426-449 ; 1931, p. 27-40 ; Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. IX, a. 2, n. 76, éd. cit., t. v, p. 718 ; C. Friethoff, Die Pràdestinalionslelire bel Thomas v. A. und Calvin, Fribourg (Suisse), 1926 ; P. Galtier, De peenttenita, Paris, 1931 ; A. Landgraf, Siinde und Trennung von der Kirche in der Friihscholaslik, dans Scholastik, t. ii, 1 930, p. 210-248 ; L’Ami du clergé, 1 er novembre 1928, p. 771779 ; V. Cathrcin, Utrum in omni peccato occurrat error vel ignorantia, dans Gregorianum, 1930, p. 553-567 ; Ruth Ellis Messenger, Elhical tcachings in the latin hymns o/ médiéval England, NewYork, 1930, Denzinger, n. 196, 200, 816.

VII. Effets du péché.

S. Augustin, De natura boni, loc. cit., P. L., t. xoi, col. 553 ; De libero arbitrio, loc. cit., P. L., t. xxxii, col. 1293 ; Confess., loc. cit., P. L., t. xxxii, col. 670 ; S. Grégoire, Moralia, P. L., t. lxxvi, col. 334-336 ; Sup, Ezech., P. L., t. lxxvi, col. 914-916 ; Lessius, De perfeclionibus moribusque divinis libri XIV, loc. cit., dans Lessii opuscula, t. i, Paris, 1881 ; A. Landgraf, I Cor. III, 10-17, bei den laleinischen Vàlern und in der Friilischolastil ;, dins Biblica, 1924, p. 140-172 ; C. Journet, La peine temparelle due au péché, dans Revue thomiste, 1927, p. 20-39, 89103 ; B. Augier, Le sacrifice du pécheur, dans jReuue thomiste, 1929, p. 476-488.

Denzinger, n. 464, 693, 904-900, 922-925, 1056-1057.

VIII. PÉCHÉ MORTEL ET PÉCnÉ VÉNIEL. S. Augustin,

ICnchiridion, loc. cit., P. L., t. XL, col. 269 ; Guillaume d' uxerre, Summa aurca, Paris, 1500, fol. 62 d, 91 c ;

! c. de Haies, op. cit., loc. cit., Quaracchi, t. iii, p. 299 ; S. Bonaventure, In Sent., t. II, loc. cil., Quaracchi, t. ii, p. 969 ; S. Albert le Grand, In Sent., t. II, éd. Borgnet. I. xxvii, p. 659 ; D. Scot, Quæsl. in 4 lib. Sent., loc. cit., éd. Cit., t. JUCI, p. 382-388 ; Fr. de Victoria, lirlrctiones XII theologica :, rel. ix, De co ad quod tenetur ventent ad iisum ralionis. Lyon, 1 ">S6, p. 489 sq. ; Gerson, De vit<i sptrllualt, dans Opéra omnia, t. iii, Anvers, 1706 ; Curiel, Lcrfur.T in I). Thomæ I » m-l/ « ', Douai, 1618 ;.MartineL, Commentaria super / « ra-j/te j). Th., t. ii, Tolède. 1622 ; Jean de SaintThomas, on. cit., disp. I, a.7, éd. cit., t. V, p. 131-157 ; Gonet, op. M., éd. cit., t. OI, p. 173-17 1 ; Calvin, .tria synodi Tridenllnæ (cum antidata), 1547.

Êludei modernet. — F. Prat, i.n théologie de suint Paul. t. i, Pans, '.) éd., p. 112 ; E. Hugueny, L'éveil du sens moral, dans Revue thomiste 1905, p 509-529, 646-868 ;

t andgraf, Doi Wesen der lastltchen Sûndt In der Scho lustik bis Thomas v. Aquin. Fine dogmengeschichtliche

Untertuchung nach den gedruckten und den ungnlrurkirn Quellen, Bamberg, 1923 (cf. Bulletin thomiste, 1924, p. 136 1 12) ; M. de la Taille, L< » êché véniel ilans la théologie de

tainl Thomas d’après un livre rirent, dans Gregorfamun, 1926, p. 28 18 ; H Garrigou-Lagrange, La fin ultime du péché véniel, dan » Revue thomiste, 1924, p. 318-317 ; F Bta ton, De pcccalo ventait, dans Collai innés Gandavenses, 1928, p. 31-42, 134-142 ; P. Galtier, op. ull. cit., toc. rii. ; L’Ami du clergé, 3 janvier 1929, p. 0-8 ; F, Blanche, Une théorie de l’analogie, dans Revue de philosophie, 1932, p. 37-38 ; J. de tilic, Vie morale et connaissance de Dieu d’après Fr. de Victoria, dans Revue de philosophie, 1931, p, 581-010.

Denzinger, n. 775, 804, 833, 835, 1020.

IX. Péché PHILOSOPHIQUE.

Aux ouvrages et aux documents cités au cours de ce chapitre, on peut ajouter : Recueil historique des huiles… concernant les erreurs de ces deux derniers siècles. Mous, 1098, in-8°, p. 374-380 ; Histoire ecclésiastique du XVI/e siècle, 4 vol., t. iv, Paris, 171 4, p. 391 ; D’Avrigny, Mémoires, t. iii, p. 336-342.

Th. DEMAN.