Dictionnaire de théologie catholique/ORDINATIONS ANGLICANES

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 10-30).

ORDINATIONS ANGLICANES. — Très vivement agitée avant la publication de la bulle Aposlolicee curæ, la question des ordinations anglicanes a maintenant perdu de son acuité. Si les anglicans n’ont pas été convaincus par le document pontifical, s’ils croient toujours avoir une véritable hiérarchie, possédant les mêmes pouvoirs sacrés que les prêtres et les évêques de l’Église romaine, les catholiques ne peuvent plus discuter la sentence rendue par le Saint-Siège et déclarée irréformable par Léon XIII. Notre but sera donc de donner un aperçu historique de la controverse et d’exposer les arguments sur lesquels Rome s’est appuyée pour c.éclarer nuls les ordres conférés par l’Église anglicane. — I. Les origines de la hiérarchie anglicane (col. 1155). IL La controverse sur la validité des orcres (col. 1159). III. Les arguments invoqués par la bulle Apostolicse curæ (col. 1168). I. Les origines de la hiérarchie anglicane. — I. Le schisme et l’hérésie. II. Le sacre de Parker. III. Le sacre de Barlow.

I. LE SCHISME ET L’HÉRÉSIE DANS L’ÉGLISE AN-GLICANE. — Nous n’avons pas à raconter ici dans ses détails la séparation de l’Église d’Angleterre du centre catholique, ni l’introduction dans son sein des erreurs luthériennes d’abord, calvinistes ensuite. Il sufïira de noter les faits qui peuvent jeter un peu de lumière sur la question des ordinations anglicanes.

Blessé par le relus de Clément VII de proclamer la nullité de son mariage avec Catherine d’Aragon, Henri VIII se sépare de Rome ; il se fait proclamer chef suprême de l’Église d’Angleterre, impose aux évêques et aux personnages considérables du royaume la reconnaissance de sa suprématie religieuse, la fait ratifier par le Parlement (1534). Rien cependant n’est changé dans la doctrine ; le protestantisme ne pénètre pas plus après qu’avant le schisme dans le royaume de celui à qui Léon X avait décerné le titre de « Défenseur de la foi » ; aucun changement n’est apporté au culte et aux croyances. Cf. Articles aboul the religion devised by Ihe King’s Highness, 1536 ; Institution oj a Christian mm, 1537 ; Necessary doctrine and érudition of any Christian man, 1543.

Avec Élouard VI (1547-1553), sous l’influence d’Edouard Seymour, duc de Somerset, et de Cranmer, archevêque de Cantorbéry, le protestantisme se superpose au schisme. Le roi, âgé de neuf ans, ne peut que se laisser conduire par son conseil de régence, gagné aux idées des nouveaux réformateurs. Le culte se transforme rapidement : le 17 décembre 1547, le Parlement vote le bill sur le Sacrement, établissant la communion sous les deux espèces et supprimant dans la messe tout ce qui suit la communion ; l’Acte d’uniformité de février 1549, impose l’usage d’un Praijer Book, mutilation du Missel de Sarum, où l’on vote déjà mises en pratique les idées de Cranmer, ainsi que celles de Ridley, évêque de Londres, contre la messe sacrifice ; cf. Cranmer, Lord’s Supper, t. ii, p. 346 sq. ; Ridley, Œuvres, p. 321 et app. vi. En 1552, un second Prayer Book est publié, apportant de nouveaux hangements, dont le but est d’effacer de la liturgie toute trace de la messe.

Dans l’intervalle de la publication de ces deux « Livres de la prière commune », était établi un Ordinal, par une commission composée de douze personnes, dont six prélats ; approuvé par le Parlement en janvier 1550, avant sa publication, il entre en usage au printemps de la même année. Il est inséré avec quelques changements dans le Prayer Book de 1552 ; de légères modifications y seront faites un siècle plus tard, en 1662.

De la publication de cet Ordinal à l’avènement de la reine Marie, 6 juillet 1553, six évêques furent consacrés suivant le nouveau rite : Jean Poynet, évêque de Rochester, 29 juin 1550 ; Jean Hooper, évêque de Gloucester, 8 mars 1551 ; Miles Coverdale, évêque d’Exeter, 30 août 1551 ; Jean Scory, évêque de Rochester, 30 août 1551 ; Jean Taylor, évêque de Lincoln, 26 juin 1552 ; Jean Harley, évêque d’IIereford, 26 mai 1553. Il est impossible de fixer, même approximativement, le nombre des prêtres et des diacres qui furent ordonnés suivant le nouveau rituel : il dut être assez considérable, puisque l’usage de l’ancien Pontifical était interdit ; cf. D. Gasquet, J. Moyses et O. Flemming, Ordines anglicani, 1896, p. 35 et app. vi.

L’avènement de la reine Marie Tudor (155$1-$2558) amena la réconciliation de l’Angleterre avec Rome, l’abandon du Prayer Book et de l’Ordinal d’Edouard VI, le rétablissement intégral de l’ancienne liturgie. Les évêques tombés dans l’hérésie furent réconciliés ou déposés ; ceux qui avaient été ordonnés suivant l’Ordinal d’Edouard VI furent déposés.

La mort de Marie Tudor fut fatale à la restauration catholique ; avec Elisabeth (1558-1605), le schisme et l’hérésie s’installent définitivement ; le 28 avril 1559, l’Acte d’uniformité impose à nouveau le Prayer Book et l’Ordinal d’Edouard VI ; le lendemain, 29 avril, l’Acte de suprématie abolit toute juridiction étrangère et donne à la reine le titre de « Régulatrice Suprême » de l’Église. Le Serment de suprématie est imposé aux évêques ; tous refusent de le prêter, sauf un seul, Kitchen, évêque de Llandafî, qui parvint à conserver son siège grâce à une réponse évasive ; mais il s’abstint, dans la suite, d’exercer les fonctions épiscopales.

Il fallait donc créer de toutes pièces une nouvelle hiérarchie. Un ancien chapelain de la reine, Mathieu Parker, choisi par Elisabeth, fut élu par le chapitre archevêque de Cantorbéry, le 1 er août 1559. Le 17 décembre 1559, il était sacré dans la chapelle du palais archiépiscopal de Lambeth, selon le rite de l’Ordinal de 1552, par Barlow, évêque destitué de Bath, assisté de Hodgkins, suffragant de Bedford, consacré sous Henri VIII, avec l’ancien Pontifical, de Scory et de Coverdale, évêques déposés de Chichester et d’Exeter, ordonnés le 30 août 1551, d’après le premier Ordinal d’Edouard VI. Du 21 décembre 1559 au 1 er septembre 1560, Parker sacra lui-même treize évêques. La hiérarchie de l’Angleterre était ainsi reconstituée. Tout entière, elle dépend du sacre de Parker, ordonné suivant le nouveau rite. Nous étudierons plus loin la valeur de ce rite. Mais dès maintenant, il importe d’élucider deux faits qui ont été mis en doute : la réalité du sacre de Parker et le caractère épiscopal de Barlow, le consécrateur.

II. LE SACRE DE PARKER. — La cérémonie de Lambeth eut lieu secrètement, à cinq heures du matin. Elle resta longtemps ignorée du public catholique. Les anglicans eux-mêine ; ne trouvaient rien à répondre aux adversaires qui les interrogeaient sur le sacre de Parker ; cf. la discussion entre le controversiste catholique Harding et l’évâque anglican de Salisbury, en 1565, dans Estcourt, The question oj anglican ordinations discwised, 1873, p. 119 sq. Le récit de la cérémonie de Lambeth ne fut connu qu’assez tard ; Fr. Mason en parle le premier dans sa Vindication of thî anglican Church, 1. IL c. xv, publiée en 1641 : il y avait déjà fait allusion dans la première édition de cet ouvrage, en 1613. Les catholiques avaient raison de trouver étrange ce silence gardé durant tout le règne d’Elisabeth, sur un point que les anglicans avaient tant d’intérêt à éclaircir.

Ce silence fit naître une légende, qu’on rencontre pour la première fois dans A. Champney, De vocatione ministrorum. Douai, 1616, p. 497 ; à la cérémonie du sacre dans la chapelle de Lambeth est substituée une comédie qui se serait jouée à Cheapside, dans une auberge, ayant pour enseigne une tête de cheval (Nag’s Head). Scory aurait imposé une bible sur la tête de Parker, en disant : Accipe potestatem prsedicandi verbum Dei in sua puritate. Champney cite sa source : Maître Thomas Bluett, « homme grave, érudit et prudent, qui disait avoir entendu ce récit de Maître Neale, homme honorable et versé dans les lettres, lequel, au temps où ceci se passait, faisait partie de la maison de Bonner, évêque de Londres… » C’est une légende calomnieuse, à peu près universellement reconnue comme telle aujourd’hui. Lingard, le célèbre hislorien catholique anglais, la rejette. Histoire d’Angleterre, trad. sur la 3e éd., Paris, 1846, t. ii, c. xiv. p. 444 et 606. De même, Estcourt, op. cit., p. 154, On la trouve encore opposée sérieusement aux anglicans 1157 ORDINATIONS ANGLICANES. ORIGINES DE LA HIERARCHIE 1158

par le chanoine J. Williams, Lelters on anglican orders, 185 !). c. xvi, p. 189. Mgr. P. Gasparri, dans son Traclalu* canonicus de sacr. ord., t. ii, 1893, p. 279, not. 1, acceptait cette légende : « J’avais, à ce sujet, écrira-t-il plus tard, suivi, les yeux fermés, contre mon habitude, l’enseignement donné dans les écoles de Rome ; j’avais admis la fable de Xag’s Head. » De la valeur des ordinations anglicanes, dans la Revue anglo-romaine, t. i, p. 181. Une étude sérieuse de cette question lui donna la conviction que c'était une fable.

Elle est en effet en contradiction avec la cérémonie de Lambeth. qui doit être tenue pour certaine ; cette dernière se trouve rapportée dans le registre des ordinations. Dom Pitra a eu entre les mains l’acte de consécration de Mathieu Parker. « Cet acte porte, dit-il, toutes les traces d’un document apocryphe. » Cf. dom F. Cabrol, Histoire du card. Pitra, Paris, 1893, p. 155, n. 1. Mais il ne voulut pas rendre publique cette impression ; il en confia, dans une note manuscrite, le secret aux archives de l’abbaye de Solesmes. Archives des missions scientifiques, t. iv, p. 159. L’opinion de dom Pitra fut reproduite et commentée par la Voce délia Verilà ; cf. Boudinhon, De la validité des ordinations anglicanes, Paris, 1895, p. 1315, en note. Il ne semble pas cependant que l’authenticité de ce document puisse être sérieusement contestée. Denny et Lacey l’ont suffisamment démontrée, De hierarchia anglicana, 1895, app. m. « Dans ce registre, le papier, l'écriture, tout indique qu’il n’y a pas eu interpolation, et l’archevêque anglican Abbot (1614) put en toute sécurité inviter des catholiques à vérifier ce registre avec lui. » F. Dalbus (Portai), Les ordinations anglicanes, Paris, 1894, p. 14.

D’après ce registre (voir le texte dans Estcourt, op. cit., p. 105 sq.), il est certain que le sacre de M. Parker eut lieu le 17 décembre 1559, dans la chapelle du palais de Lambeth, qu’il fut accompli avec le nouvel Ordinal, par Barlow, assisté des trois évêques indiqués plus haut, que les trois évêques assistants ont imposé les mains à l'élu, en même temps que le consécrateur, en prononçant les paroles : « Reçois le Saint-Esprit. » Mais le consécrateur Barlow avait-il luimême reçu la consécration épiscopale ?

/II. LE CARACTÈRE ÊPISCOPAL DE BARLOW. — Malgré la réalité de la cérémonie de Lambeth, le sacre de Parker est nul, si le consécrateur ne possédait pas le caractère épiscopal, et si l’imposition des mains, faite par les trois assistants, ne peut suppléer à ce défaut.

Des trois assistants, l’un au moins était vraiment évêque, E. Hogdkins, sullragant de Bedford ; à défaut de Barlow, il aurait donc pu assurer la validité du sacre de Parker, puisqu’il lui a imposé les mains avec le consécrateur, en prononçant les paroles : « Reçois le Saint-Esprit », si l’on admet que les évêques assistants ne sont pas seulement témoins de l’ordination, mais remplissent réellement les fonctions de consécrateurs. Cette opinion est soutenue par Mgr P. Gasparri : Episcopi assislenles sunt probabililer comministri cum episcopo consecratore. Sane una simul eum eodem ipsi manus imponunt super caput clecli, et una simul pronuntiant verba : Accipe Spiritum Sanctum, quibus solis, juxta receptam sententiam, episcopalis consecratio valet, Tract, can. de sacr. ordin., Paris, 1893, t. ii, n. 1088 ; cf. Martène, De anl. ceci, rit., t. ii, c. viii, a. 10, § 16 ; et plus loin : In hypolhesi impositions manuum episcopi cum solis Mis verbis : Accipf. Spiritum Sanctum, absque prscfalione, admillimus cum communi sententia ordinationem esse validam, quia licel Ma sola verba in se inspecta sint ind"terminata, et non salis exprimant collationem ordinis episcopalis, tamen satis determinantur non solum præfalione, sed eliam ipsamet caremonia sine pra’falione. Op. cit., n. 1109. Ainsi, d’après cette opinion, l’inter vention du seul suffragant de Bedford aurait suffi, dans ce cas, à rendre valide l’ordination de Parker, à supposer toutefois que la formule impérative Accipe Spiritum Sanctum, soit vraiment la forme de l’ordination épiscopale, et que cette formule soit suffisamment déterminée par la préface consécratoire et le reste de la cérémonie, questions qui seront examinées plus loin.

Il ne semble pas cependant que cette opinion puisse encore se défendre. Le canon 954 du Code de droit canonique porte, en effet : Episcopus consecrator débet alios duos episcopos adhibere, qui sibi in consecratione assistant… D’après ce canon, sanctionnant la doctrine de Benoît XIV, qui affirme la consécration épiscopale, si ab uno episcopo habeatur, reliquis duobus nec accitis, nec prasentibus, nec cooperantibus, ratam esse et validam, quantumvis illicitam. De syn. diœc., t. XIII, c. XIII, n. 4 ; on peut donc soutenir qu’il n’y a, dans la consécration des évêques, qu’un seul consécrateur et que les deux autres ne remplissent qu’un office d’assistants. Le texte du Code est mieux en rapport avec la doctrine des théologiens modernes qui placent la forme de la consécration épiscopale, non pas dans la formule impérative, Accipe S. S., niais dans la préface, récitée par le seul consécrateur.

C’est donc avant tout de la réalité du sacre de Barlow que dépend la validité de la consécration de Parker.

Or celle-ci a été niée ou mise en doute. Il ne reste en effet aucune trace du sacre de Barlow. Des deux registres qui auraient pu en contenir l’acte, l’un, celui de Saint-Asaph, ne dit rien, l’autre, celui de SaintDavid, a été brûlé par son successeur Farrar. Les pièces se rapportant à son transfert de Saint-Asaph, où il avait été nommé le 16 janvier 1536, à SaintDavid, où il fut transféré le 2 avril 1536, à la remise du revenu de son évêché, 26 avril, à sa convocation à la Chambre des Lords, 27 avril, à la prisé de possession de son évêché, 1 er mai, n’y font aucune allusion. De plus Barlow professait l’opinion que la consécration épiscopale n'était d’aucune utilité. Il disait, en effet, le 12 novembre 1536, à la cathédrale de SaintDavid : « Si Sa Grâce le roi, qui est Chef suprême de l'Église d’Angleterre, choisissait ou désignait et élisait pour être évêque un séculier quelconque qui fût instruit, un tel élu, sans qu’on eût à faire mention d’aucun ordre, serait aussi bon évêque que lui-même (Barlow) ou le meilleur d’Angleterre. » Cf. Strype, Mémorial, t. i, p. 184 ; Records, n. 69 et 77. Tous ces faits forment évidemment un puissant faisceau de présomptions, dont les catholiques anglais, à l’exception de Lingard, ont tiré avantage pour nier la validité des ordinations anglicanes, viciées dans l’origine même de la hiérarchie. Cf. Sidney Smith, M. Dcdbus on Anglican Orders, dans The Monlh, déc. 1894 ; du même, Ordinations anglicanes, dans le Dici. apol. de la foi calh., t. iii, col. 1212-1218. Moins affirmatif. le P. F. Tournebize considère que ce fait, « tout probable qu’ilest, n’est pas suffisamment établi ». L'Église d’Angleterre a-t-elle réellement le sacerdoce ? dans les Éludes, t. lxiv, p. 414. Les anglicans, entre autres Denny et Lacey, De hier, angl., c. ii, p. 85, et, avec eux. F. Dalbus, op. cit., p. 15-16 ; L. Duchesne, Les ordinations anglicanes, par Dalbus, dans le Bulletin critique, 15 juillet. 1894 ; A. Boudinhon, op. cit., p. 16, tiennent au contraire pour certain que « Barlow a reçu la consécration épiscopale, ainsi que l’a formellement reconnu Lingard le célèbre historien catholique anglais. »

A l’argument tiré du silence des documents qui auraient dû relater l’acte de consécration de Barlow, on oppose d’autres faits du même genre, par exemple.

l’absence de six relations, sous l'épiseopat de Warham, de 1503 à 1533, de neuf relations sur un total de quarante-deux consécrations sous l'épiseopat de Cranmer, de 1533 à 1553. Cf. Wordsworth, A letler on the succession of bishops in the Church of England, in lalin and english. On remarque encore qu’entré à la Chambre des Lords le 30 juin 1536, Barlow siégea immédiatement après les évêques de Chichester et de Norwich, consacrés le Il juin, laissa, le 4 juillet, l'évêque Fox prendre place avant lui, parce qu’il avait été consacré le 26 septembre précédent, mais que le nouvel évêque de Saint-Asaph, consacré le 2 juillet, prit rang après lui. C’est donc que le sacre aurait eu lieu entre le Il juin et le 2 juillet. Mais surtout il est difficile d’admettre que, sous le règne de Henri VIII, de 1536 à 1547, et dans la suite, Barlow ait pu « vivre pendant plus de trente ans comme évêque, administrer des diocèses, faire des ordinations, prendre part à des sacres d'évêques, siéger comme évêque au parlement, sans avoir reçu la consécration épiscopale, et personne n’aurait protesté contre une situation aussi étrange, pas même le chapitre de Saint-David, avec lequel il eut plus d’un différend, et c’est un évêque non consacré qu’on aurait désigné pour remplir le principal rôle dans le sacre de Parker ! L’invraisemblance atteint ici les limites de l’impossibilité. » A. Boudinhon, op. cit.. p. 16 II faudrait admettre la complicité d’Henri VIII, qui l’aurait dispensé de la consécration. La nomination de Barlow eut lieu, il est vrai, peu de temps après la rupture avec Rome, après la proclamation de la suprématie spirituelle du roi ; mais de là à considérer comme étant inutile la consécration épiscopale, à rejeter la hiérarchie ecclésiastique, il y a un abîme, qu’il n’est pas démontré qu’Henri VIII, malgré tout lidèle à la foi catholique, ait franchi.

On doit donc considérer comme acquis les deux faits, qui se trouvent à l’origine de la hiérarchie anglicane : le sacre de Parker dans la chapelle de Lambeth et la réalité du caractère épiscopal de Barlow, le consécrateur.


II. La controverse sur la validité des ordinations ANGLICANES. —

I. AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. —

La discussion ne commença qu’au xvii c siècle : sous l’influence des doctrines calvinistes, les premiers anglicans n’attribuaient pas d’importance au caractère épiscopal ; ils ne voyaient guère dans l'épiseopat qu’une dignité utile pour le bon gouvernement de l'Église en Angleterre ; 1 évêque était un agent de la couronne. Pour les catholiques, la question avait été réglée par l’attitude de l'Église sous le gouvernement restaurateur de la reine Marie.

Il était inévitable cependant que la question fût posée. Kellison, An english survey of the new religion, Douai, 1603, et aussi. Examen novæ Rrformalionis, 1616, C. Ilolywood, De investiganda vera et visibili Christi Ecclesia, 1604, Fitzsimon, Britannomachia ministrorum, Douai, 1616, Champney, De vocatione miuislrorum, Douai, 1616, P. Talbot, The nullily of the prclalical clergꝟ. 1657, Erastus senior, 1662, sont les premiers qui réunissent les arguments que l’on invoquera dans la suite contre la validité des ordinations anglicanes. Ils font appel à la nullité de la consécration de Parker : inauthenticité du registre de Lambeth, historicité de la légende de l’auberge à la Tête de cheval, absence de consécration chez Barlow, insécurité du rite d’Edouard VI, en raison de ses nombreuses omissions, probabilité qu’il ne contient pas ce qui est nécessaire à une forme d’ordination valide, absence de toute croyance à la prêtrise et au sacrifice, défaut d’intention de faire ce que fait l'Église. Il convient de remarquer que la valeur du rite anglican était estimée d’après les idées de l'époque sur la matière et la forme du sacrement de l’ordre ; on regardait alors comme essentielle à la validité la porrection des instruments, accompagnée des paroles du Pontifical. Examiné à ce point de vue, le rite d’Edouard VI était certainement invalide. Ces attaques ne restèrent pas sans réponses : F. Mason, V indication of the ordinations of the Church of England, 1613, 2e éd., Paris, 1633 ; H. Prideaux, The validily of the orders of the Church of England, 1688 ; G. A. Burnet, Vindications of the ordinations of the Church of England, s’elTorcent de prouver que l'Église anglicane possède un véritable sacerdoce.

Au xviii siècle, la démonstration de la nullité des ordinations anglicane continue, avec R. de Vois, Justification de l'Église romaine sur la réordination des anglicans e’piscopaux, Paris, 1718 ; J. Constable, Clerophiles Alclhes, 1730. Mais déjà on voit paraître des justifications provenant, non seulement d’anglicans, mais de catholiques. Le Courayer publie, en 1723, à Bruxelles, une Dissertation sur la validité des ordinations des Anglais, puis, en 1726, une Défense de la Dissertation. Cet ouvrage est condamné par l'épiseopat français, puis par Benoît XIII, et réfuté par Lequien, Nullité des ordinations anglicanes, Paris, 1725, et par le P. Hardouin, La défense des ordinations anglicanes réfutée, Paris, 1727.

II. nu xixe siècle a nos. Jouas. — 1. Discussion de la question par les théologiens. 2. L’enquête à Rome. 3. La bulle Apostolicæ curæ. 4. Accueil fait à la bulle. 5. Les Conversations de Malines.

Discussion de la question par les théologiens.


Les conversions qui furent la conséquence du mouvement d’Oxford, le développement du ritualisme, devaient attirer de nouveau l’attention sur la question des ordinations anglicanes. Tout en discutant sur le fond, les partisans de la validité apportent le témoignage d'écrivains catholiques et même de papes en leur faveur. C’est ce que font T. G. Bailey, Défense of the holy Orders in the Church of England, Londres, 1870 ; F. G. Lee, The validily of the holy Orders in the Church of England, Londres, 1870 ; Butler, Rome’s tribule lo anglican Orders : a défense of the Church of England founded on the testimony of the roman authorities, Londres, 1893. Des réponses leur sont opposées par le P. Breen, Rome’s tribule to anglican Orders, dans la Dublin review, octobre 1893 ; par S. Smith, Rome’s wilness against anglican Orders, dans The Month, juillet 1893.

Ce n'était là qu’escarmouches. La controverse devait devenir très vive dans les années 1894-1896. Elle eut pour point de départ un sincère désir de réunion avec Rome chez certains membres importants de la communion anglicane, appartenant à la Haute-Église, union qui serait rendue plus facile, pensait-on, si le Saint-Siège pouvait revenir sur sa pratique antérieure et, sinon reconnaître la validité des ordinations anglicanes, du moins les considérer comme douteuses et n’imposer aux convertis qu’une ordination sub condilione.

Dès 1890, l’abbé F. Portai, lazariste, et Lord Halifax, anglican, qui s'étaient rencontrés à Madère, tombèrent d’accord pour attirer l’attention sur l’union de l'Église d’Angleterre à l'Église romaine, et choisirent comme premier point de discussion la question des ordinations. Ce fut l’abbé Portai qui se chargea de réaliser ce projet, en publiant dans la Science catholique, 15 décembre 1893, 15 janvier 1894 et 15 avril 1894, et en brochure, Les ordinations anglicanes. Le but poursuivi fut atteint : on discuta les arguments apportés. M. A. Boudinhon, Élude théologique sur les ordinations anglicanes, dans le Canoniste contemporain, juin et juillet 1894 ; De la validité des ordinations anglicanes, ibid., juillet et novembre 1895, et Mgr P.

Gasparri. De la valeur des ordinations anglicanes, dans la Revue anglo-romaine, t. 1, émettent des doutes sur la validité. Mgr L. Duchesne prend position pour la validité. Bulletin critique, 1894. Les anglicans Denny et Lacey publient, en latin, pour lui donner une plus grande diffusion, De hierarchia anglicana. Dissertalio apologetica, avec une préface de l'évêque de Salisbury, Londres, 1895. A Rome même, on s’intéressait à l’union des Églises : la Lettre encyclique de Léon XIII, Orientalium, 30 novembre 1894, sur l’union des Églises orientales, sa Lettre Pr.rclara, 20 juin 1894, avaient rendu plus vivant l’espoir de voir se rétablir l’unité cle l'Église.

En septembre 1894, l’abbé Portai était appelé à Rome. Il revint convaincu que Léon XIII était disposé à faire des ouvertures directes aux archevêques d’York et de Cantorbéry, s’il pouvait s’assurer des dispositions amicales des chefs de l'Église d’Angleterre. Une lettre du cardinal Vaughan, adressée à l’archevêque de Tolède et publiée dans le Times, où il affirmait la nullité des ordinations anglicanes et représentait l'Église d’Angleterre comme une secte protestante soumise au pouvoir civil, augmenta la méfiance de l’archevêque de Cantorbéry, qui doutait déjà de la réalité des dispositions favorables de Léon XIII. Cf. Vise. Halifax, Léo XIII and anglican Orders, p. 17.

Lord Halifax résolut alors de se rendre à Rome, mars 1895. Il fut reçu par Léon XIII, à qui il remit le De hierarchia anglicana et un mémorandum. Dans ce mémorandum, il rendait compte de l’entrevue que l’abbé Portai avait eue avec l’archevêque de Cantorbéry, donnait au pape l’assurance que toute proposition venant de Rome de faire discuter entre théologiens catholiques et anglicans la question des ordres serait bien accueillie, que l’envoi d’une lettre du SaintSiège aux archevêques d’York et de Cantorbéry produirait un effet excellent, que le moment de l’envoyer semblait venu, à cause de la réunion prochaine des évêques d’Angleterre, d’Amérique et des colonies, pour le treizième centenaire de la venue de saint Augustin. En fin d’audience, il fit allusion au bruit qui courait à Rome que le Saint-Office allait intervenir contre les ordinations anglicanes. Il s’agissait, en effet, des publications de l’abbé Portai et de Mgr Duchesne, que l’on disait déférées au Saint-Office. Cf. dom A. Gasquet, Leaves from my Dianj, p. 24-25. Léon XIII répondit qu’il n’en serait rien ; et. faisant allusion au De hierarchia anglicana, il dit qu’il étudierait lui-même la question. Une nouvelle audience était accordée à l’abbé Portai et à Lord Halifax, le 18 avril ; trois jours après, était publiée la Lettre Ad Anglos, 20 avril 1895, adressée, non pas aux archevêques d’York et de Cantorbéry, mais au peuple anglais. Le cardinal Vaughan avait réussi à détourner le pape de suivre le conseil que lui avait donné Lord Halifax. Cf. dom Gasquet, op. cit., p. 9 sq.

Son influence fut également prépondérante pour décider le pape à nommer une commission d’enquête, pour l'étude des ordinations anglicanes. Au mois de mai, Léon XIII était encore indécis ; il hésitait à faire examiner officiellement la question ; il était plutôt disposé à apporter, par bienveillance, un changegement à la pratique alors en usage. Mais le cardinal Vaughan pressa le souverain pontife de ne « rien changer à une pratique usitée dans l'Église depuis trois siècles, sans un examen approfondi et sans la coopération des représentants de l'Église catholique en Angleterre. » Dom Gasquet, op. cit., p. 35-37.

L’enquête à Rome.

A la fin de 1895, l’abbé

Portai que, sur le désir du pape et du cardinal Rampolla, ses supérieurs avaient fait venir à Paris, pour qu’il pût s’occuper plus facilement des questions an glicanes, commençait la publication de la Revue angloromaine, 15 décembre, qui devait donner un certain nombre d’articles sur les ordinations anglicanes. Enfin, au début de 1896, on apprit que Léon XIII avait décidé de nommer une commission pour enquêter sur la validité des ordres de l'Église anglicane. Le cardinal Vaughan avait envoyé à Rome le chanoine Moyses, dom Gasquet et le franciscain Flemming, chargés de défendre la position des catholiques anglais, opposés à la validité de ces ordres, comme à une réunion en corps de l'Église d’Angleterre à l'Église romaine ; cf. dom Gasquet, op. cit., p. 35. De l’autre côté, Rome désigna Mgr Gasparri, Mgr Duchesne et le P. de Augustinis, connus pour être favorables à leur validité. On leur adjoignit plus tard le P. Scannel et le P. J. Calasanzio de Llevaneras. Mgr Gasparri, afin de pouvoir se mieux documenter sur le côté historique de la question, demanda l’autorisation de communiquer par télégraphe avec Lacey, l’un des auteurs du De hierarchia. On jugea préférable de faire venir ce dernier à Rome, accompagné du P. Puller, de la Société de Saint-Jean l'Évangéliste de Cowley.

Ce n'était pas tout à fait ce qu’avaient espéré les promoteurs du mouvement qui auraient désiré l’institution d’une commission composée de catholiques et d’anglicans, ces derniers représentés par les évêques de Salisbury et de Peterborough ; cf. dom Gasquet, op. cit., p. 25. Néanmoins l'Église anglicane était représentée officieusement par Lacey et Puller. Sur la demande d’un des cardinaux qui devaient s’occuper de la question, Lacey composa un petit opuscule. De re anglicana, destiné à éclairer celui-ci sur l’histoire et la doctrine de l'Église anglicane qu’il ignorait. Dom Gasquet et le chanoine Moyses produisirent immédiatement, pour être distribué aux cardinaux, une Riposta ail' opuscolo De re anglicana ; cf. Lord Halifax, Léo XIII and anglican Orders, p. 360-367 ; Lacey, A roman Dianj, c. vii, The pamphlet De re anglicana and ils crilics. p. 195-249.

Les douze sessions de la commission eurent lieu du 24 mars au 7 mai 1896 ; cf. dom Gasquet, op. cit., p. 45-63. Il est difficile de dire ce qui s’est passé à la commission, le secret ayant été imposé aux consulteurs. On a certainement étudié de près le côté historique, puisqu’on a fait venir à Rome Lacey et Puller. Lord Halifax reproche à la commission d’avoir consacré la plus grande partie des séances à la discussion d’un point d’histoire, aujourd’hui incontestable, le sacre de Barlow, et de n’avoir examiné que superficiellement ce qui était essentiel et discutable, la validité des formules contenues dans l’Ordinal d’Edouard VI et l’intention des évêques consécrateurs, op. cit., p. 28-29 ; il s’en prend aux défenseurs de la validité des ordinations anglicanes, à qui aurait fait défaut « une information suffisamment pleine et exacte, sur l’histoire du xvi c siècle et les opinions théologiques en honneur à cette époque, information qui leur eût été nécessaire pour apprécier justement le rite anglican. » Op. cit., p. 29. L’ordre des discussions donné par dom Gasquet, op. cit., p. 45-63, et ce que l’on sait de la compétence historique et théologique de Mgr Gasparri, de Mgr Duchesne et du P. de Augustinis suffisent pour montrer combien ces allégations sont inexactes et injustes. Ces trois consulteurs inclinaient vers une réponse favorable aux ordres anglicans, et leurs mémoires furent rédigés dans ce sens. Les anglicans pouvaient croire la partie gagnée ; ils considéraient au moins comme impossible une déclaration de nullité absolue. Mais, « c’est quelquefois ce qui est impossible qui arrive », fit observer Scannel à l’abbé Portai. Lacey, op. cit., p. 70. Et. de fait, la thèse de la nullité, soutenue notamment par dom Gasquet. qu’inspirait le cardinal Vaughan. devait finir par triompher

Les conclusions et mémorandums de chacun des membres de la commission furent transmis, le 8 juin, à une commission de cardinaux. Ces derniers eurent un mois pour examiner la question. Le 6 juillet, ils furent convoqués à une séance solennelle ; ils furent unanimes à reconnaître que la question avait déjà été résolue par le Saint-Siège, et que les résultats de l’enquête montraient clairement avec quelle justice et quelle sagesse elle avait été réglée. Léon XIII avait longtemps espéré pouvoir donner à la question une réponse favorable, en considérant les ordres comme douteux, ce qui n’obligerait les convertis qu'à une ordination ad cautelam, ou pouvoir s’abstenir de prendre une décision nouvelle, laissant l’affaire dans le stalu quo. Mais elle avait trop agité les esprits ; il eût été dangereux de garder le silence. Léon XIII se réserva cependant encore trois mois de réflexion, après quoi il publia le 13 septembre 1896, la bulle Aposlolicæ curæ.

La bulle Aposlolicæ curæ.

Dans le préambule,

Léon XIII rappelle l’attention pleine de sympathie qu’il a accordée aux récents mouvements en faveur de l’union des Églises, ses efforts personnels pour réaliser cette unité, efforts qui ont trouvé leur expression dans la lettre qu’il a adressée « aux Anglais cherchant le royaume de Dieu dans l’unité de la foi », et dans la lettre destinée à tout l’univers sur les conditions de l’unité de l'Église. Touché du bon accueil que les anglicans ont fait à ses instances et à son indépendance de langage, il a apporté les mêmes dispositions bienveillantes à l'étude de la question présente. Malgré la pratique de l'Église, confirmant l’opinion commune que le sacerdoce avait cessé d’exister et que la succession apostolique avait disparu dans l'Église d’Angleterre, il lui a plu, en raison des controverses récentes, de prêter l’oreille à la voix de la charité apostolique et de remettre la cause en jugement, afin que « tout prétexte au moindre doute fut éloigné pour l’avenir ». Études, t. lxix, p. 290. (Les citations françaises de la bulle sont faites d’après la traduction donnée dans les Études reliyieuses, t. lxix, p. 289-302.)

C’est dans ce but qu’il a fait nommer une commission et qu’il a mis à la disposition des consulteurs les archives du Vatican et toutes les pièces se rapportant à la question.

Léon XIII expose ensuite les trois arguments qui l’ont amené à conclure à la non validité des ordinations anglicanes : la pratique de l'Église, l’insuffisance du rite et le défaut d’intention.

1. La pratique de l'Église. — Il examine en premier lieu les instructions données par Jules III et confirmées par Paul IV au cardinal Pôle, et l’usage que le légat a fait des pouvoirs qui lui avaient été concédés. C’est là l’origine de la discipline qui a été fidèlement observée pendant trois siècles, et que l’on peut regarder comme faisant loi : consuetudo oplima legum interpres.

Les décisions du Saint-Office de 1684 et de 1704 sont largement examinées. De cette étude il résulte que, dans l’affaire de 1704, l’ordination de Parker fut laissée de côté, que, après l’examen de l’Ordinal d’Edouard VI, on ne retint que le défaut de forme et d’intention, qu’on ne s’est pas appuyé sur l’absence de tradition des instruments ; dans ce cas, on aurait imposé la réordination sub conditione. Léon XIII fait remarquer que la sentence rendue s’appliaue à tous les cas, car elle avait pour fondement un vice de forme, vice de forme qui se retrouve dans toutes les ordinations anglicanes. La controverse avait donc déjà été l’objet d’une définition du Siège apostolique. Malgré cela, par indulgence et charité, on reprit l’examen de l’Ordinal.

2. L’insuffisance du rite — Dans les sacrements,

l'élément essentiel est constitué par ce qu’on a coutume d’appeler la matière et la forme. « Les sacrements de la nouvelle Loi étant les signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. » Dans l’ordre, l'élément matériel est l’imposition des mains ; mais, trop vague par elle-même, elle doit être précisée par la forme. Or, chez les anglicans, la forme : Reçois le Saint-Esprit, ne désigne nullement, « de façon définie, le sacerdoce et ses grâces ou son pouvoir, pouvoir qui est surtout le pouvoir de consacrer et d’offrir le vrai corps et le vrai sang du Seigneur. Conc. Trid., sess. xxiii, de sacr. ord., can. 1, dans le sacrifice qui n’est pas une simple commémoration du sacrifice accompli sur la croix, Conc. Trid., sess. xxii, de sacr. miss., can. 3. » L’addition postérieure : Ad ofpcium et opus presbyteri, ne change rien ; elle montre l’insuffisance, reconnue par les anglicans eux-mêmes, de la première forme, et elle fut ajoutée un siècle trop tard. Les autres prières de l’Ordinal ne peuvent pas suppléer à cette insuffisance ; on y a retranché à dessein tout ce qui, dans le rite catholique, indique clairement la dignité et les fonctions du sacerdoce.

Le même raisonnement vaut pour la consécration épiscopale : les mots, Ad officium et opus episcopi. furent ajoutés trop tard à la formule Accipe Spirilum Sanctum. Ils n’ont d’ailleurs pas le même sens que dans la formule catholique, puisque, dans la prière du préambule, on a retranché les mots qui désignaient le sacerdoce suprême. Il est donc, inutile de rechercher si, en l’absence d’un véritable sacerdoce, l'épiscopat aurait pu être conféré validement, per saltum ; car, là où il n’y a pas de sacerdoce, il ne saurait être question de sacerdoce suprême, de plénitude du ministère sacré ; le rite de la consécration épiscopale n’est pas capable de conférer le sacerdoce.

Les circonstances dans lesquelles l’Ordinal a été établi et déclaré loi font encore mieux apprécier sa déficience. La liturgie a été défigurée par l’introduction des erreurs des novateurs ; il n’y est fait aucune mention du sacrifice, de la consécration, du sacerdoce, du pouvoir de consacrer et d’offrir le sacrifice ; on a supprimé dans les prières qui ont été conservées du rite romain tout ce qui y faisait allusion. C’est donc en vain qu’on s’efforce de donner à l’Ordinal un sens acceptable ; si quelques mots paraissent ambigus, ils ne peuvent recevoir la signification qu’ils ont dans le rite catholique. Si un rite nouveau dénature le sacrement de l’ordre, s’il répudie toute notion de consécration et de sacrifice, il n’y a plus de vérité dans la formule Accipe Spirilum Sanclum, et les mots ad officium et opus presbyteri ou episcopi perdent leur valeur. La plupart des anglicans rejettent d’ailleurs l’interprétation que certains leur donnent pour les mettre d’accord avec le rite catholique.

3. Le défaut d’intention.

« L'Église ne juge pas de la pensée ou de l’intention, en tant qu’elle est quelque chose d’intérieur ; mais elle doit en juger en tant qu’elle se manifeste extérieurement. Lorsque quelqu’un a employé sérieusement et comme il faut la matière et la forme nécessaires pour faire et conférer un sacrement, il est par là même censé avoir eu l’intention de faire ce que fait l'Église… Si le rite est modifié dans le dessein manifeste d’en introduire un autre, non admis par l'Église, et de rejeter ce que fait l'Église et ce qui par l’institution du Christ appartient à la nature du sacrement, il est alors évident que, non seulement l’intention nécessaire fait défaut, mais encore qu’il existe une intention contraire et opposée au sacrement. »

La sentence. — Toutes ces choses, Léon XIII les a examinées ; il les a étudiées avec les cardinaux de la Congrégation Suprema, réunis le 16 juillet. Tous ont

reconnu propnsitam causant jam pridem ub apostolica

Série pie ne fuisse et cognitam et juriieatam : ejus autem ilenuo inslituta actaque quæstionc, emersisse illustrius quunlo illa juslitiæ sapientiseque pondère, lotam rem absolvissel.

Cependant, après cette déclaration des cardinaux, Léon XIII hésitait encore et se demandait si une nouvelle intervention du Saint-Siège était utile. « Considérant ensuite que ce point de discipline, quoique déjà défini canonique ment (idem eaput disciplina', etsi jure jam definitum) est remis en question par quelques-uns, quel que soit leur motif, et qu’il en pourrait résulter une cause de pernicieuses erreurs pour plusieurs qui penseraient trouver le sacrement de l’ordre et ses fruits, là où ils ne sont aucunement, il nous a paru bon dans le Seigneur de publier Notre sentence :

Itaque omnibus pontifieum deeessorum in hac ipsa causa decretis' usquequaque assentientes caque plenissime confirmantes ac veluti rénovantes auctoritate noslra, motu proprio, eerta scientia, pronunciamus et declaramus, ordinaliones ritu anglicano actas, irritas prorsus fuisse et esse omninoque nullas.

L’encyclique se termine par une paternelle exhortation à ceux qui souhaitent et recherchent avec une volonté sincère les bienfaits des ordres et de la hiérarchie, les invitant à revenir au bercail du Bon Pasteur ; le souverain Pontife fait un pressant appel surtout aux membres de la hiérarchie anglicane, qui ont à cœur la gloire de Dieu et le salut des âmes.

4° Accueil fait à la bulle Aposlolicw curæ. - — Les anglicans furent déçus. Écrivant à l’abbé Portai, fin septembre 1896, Lord Halifax disait : « Toute la sympathie que l’on avait pour Léon XIII a disparu d’un coup. Il nous dirait à ce moment les choses les plus aimables, qu’on ne lui répondrait pas. Il faut bien le dire, nous avions, tout le monde en convient, réussi d’une manière vraiment merveilleuse, à créer un désir d’union. Le rapprochement vers Rome, même après l’encyclique, était très grand, tout était bien préparé. Le pape avait le jeu, pour ainsi dire, dans ses mains… Une démarche du pape, l’année prochaine, pouvait tout enlever, et. maintenant, c’est fini. » Op. cit., p. 369-370.

Le 19 février 1897, une réponse à la bulle Aposlolicæ curæ était envoyée à tous les évoques de l'Église catholique, au nom des archevêques d’Angleterre : Responsio archiepiscoporum Angliie ad litleras aposlolicus Leonis XIII de ordinibus anglicanis universis Ecclesim catholicæ episcopis inscripta. Cf. le texte dans Lacey, A roman Diary, p. 354-394. Le but de la lettre est indiqué au § n : Opus ergo quod nobis necessario incumbit « in spiritu lenitatis » agredimur ; et majoris momenli ducimus ut doctrina noslra de sacris ordinibus et ceteris ad eos perlinenlibus ad futuram rei memoriam palam fiai, quam ut victoriam ex alia Ecclesia Christi in controversia reportemus. Controversise tamen forma lus litleris dari necesse est, ne quis dical nos argumenlorum ex alia parte prolatorum aciem évitasse. Lacey, op. cit., p. 357. Ils reprennent, pour les discuter, les trois preuves invoquées par Léon XIII, insistant davantage sur le cas Gordon, dans l’appendice. La réponse envoyée à cette lettre par Léon XIII, le 20 juin 1897, cf. Lacey, op. cit., p. 395-397, montre le manque de fondement des plaintes de Lord Halifax et l’erreur des chefs de l'Église anglicane, qui n’ont pas considéré quel devait être le devoir du chef de la chrétienté. Le pape devait juger la question uniquement d’après les principes du dogme catholique. Nos quæstionem de veslris ordinationibus haud aliter potuisse aggredi dirimendam atquc ex præscriptis callwlici dogmalis. Enfin, vers la fin de 1897. le cardinal Vaughan et les évêques catholioues d’Angleterre publiaient, en réplique aux archevêques anglicans, une

défense de la bulle de Léon XIII : The vindication of the bull Aposlolicæ curæ, reprenant l’examen des motifs extrinsèques et intrinsèques sur lesquels s'était appuyé Léon XIII, pour porter sa sentence.

La décision pontificale a mis fin à l’espoir d’une réunion en corps de la Haute-Église à l'Église romaine. Elle « a contristé un bon nombre d’anglicans parmi les meilleurs ; mais beaucoup d’autres, et parmi eux de nombreux évêques, ont reconnu que Rome était fidèle à elle-même, et que la loyauté ne lui permettait pas d’agir autrement qu’elle l’a fait. » J. de la Servière, La controverse sur la validité des « ordinations anglicanes », dans les Éludes, t. cxxxii, p. 665.

Parmi les catholiques, les promoteurs de la controverse se soumirent à la décision pontificale. La Revue anglo-romaine fit précéder la publication de la bulle de cette déclaration : « Léon XIII, après une enquête dont il nous dit lui-même la longueur et l’impartialité, ferme la controverse et nous indique les conclusions que tout catholique doit admettre et défendre. La Revue anglo-romaine, dont l’attachement et la soumission au Saint-Siège n’ont jamais été suspects, défendra pour cette question, comme pour les autres, la sentence de l'Église catholique et romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises. » T. ni, p. 337. Cependant des anglicans et quelques catholiques français avaient cru pouvoir émettre l’opinion que la décision pontificale n'était pas définitive et que, par le fait, elle pourrait un jour être modifiée. Dans une lettre, adressée le 5 novembre 1896 au cardinal Richard, Léon XIII affirme que son intention a été de juger absolument et de trancher définitivement le point en litige ; consilium fuit absolute judicare penitusque dirimere. Idque sane perficimus eo argumenlorum pondère eaque formularum lum perspicuitale tum auctoritate, ut sententiam Noslram nemo prudens recteque animatus compellere in dubitationem posset, catholici autem omnes omnino deberent obsequio amplecti, tanquam perpetuo firmetm, ratam, irrevocabilem. Canoniste contemporain, 1897, p. 380-381. La Revue anglo-romaine était directement blâmée dans cette lettre : sunt namque in ejus scriploribus qui cjusdem eonstitutionis virtutem non ut par est luentur alque illustrant, sed infirmant polius tergiversando et disceplando. Elle cessa aussitôt de paraître.

Le P. Sidney Smith, Ordinations anglicanes, dans le Dict. apol. de la foi cathol., t. iii, col. 1224, voit dans la décision de Léon XIII un jugement portant sur un fait dogmatique, et par conséquent infaillible : il appuie son affirmation sur une comparaison avec la distinction du droit et du fait admise par les jansénistes, à propos des cinq propositions de Jansénius, et condamnée par la bulle Vinea Domini de Clément XL Mais, dans ce dernier cas, il s’agit d’une question doctrinale ; ici, Léon XIII le dit nettement, est en jeu un point de discipline : idem capul disciplina', elsi jure jam definitum. Dans le prononcé de la sentence, il dit : auctoritate noslra, motu proprio, scientia cerla : la pleine connaissance de la cause, la certitude de la déficience de la forme et de l’intention, sont les motifs du jugement de condamnation qu’il a porté. Dans la lettre au cardinal Richard, il s’appuie encore, pour déclarer la sentence irréformable, sur « le poids des arguments, sur la pleine obéissance qui est due par les catholiques. » Cela suffit pour que la sentence soit considérée comme irréformable : les preuves sur lesquelles elle est fondée conserveront toujours leur valeur. Elle s’impose donc en elle-même et, de plus, en vertu de l’autorité qui l’a rendue : les décisions prises par le chef de l'Église sont obligatoires même si elles ne sont pas infaillibles.

5° Les Conversations de Malines. - — « Les archevêques, évêques de la métropole et autres évêques de

la sainte Église catholique, en pleine communion avec l'Église d’Angleterre », présents à la conférence de Lambeth, en 1920, au nombre de 252, adressèrent, sous la signature de l’archevêque de Cantorbéry, un Appel à tous les membres de la chrétienté. Il y est fait allusion, de façon vague et générale, à la question des ordinations. Les auteurs de l’Appel se déclarent persuadés que les évêques et le clergé de leur communion sont prêts, en vue de l’union, si toutes choses par ailleurs sont réglées relativement à la doctrine et si l’accord est conclu sur un régime de discipline, à accepter des autorités des autres Églises ce que cellesci jugeraient nécessaire pour que le ministère du clergé anglican fût reconnu par elles : We are persuaded that, terms of union having been otherwise satisfactorily ajusted, bishops and clergij of our Communion would willingly accept from thèse authorities a form of commission or récognition which would commend our ministry to their congrégations as having ils place in the one famihj lije. An appeal to ail Christian people, § 8, dans Lord Halifax, The Conversations at Matines, 1921-1925, Londres, 1930, p. 65-70.

Cette attitude nouvelle de l'épiscopat anglican retint l’attention des catholiques et des anglicans présents aux Conversations qui eurent lieu à Malines, les années suivantes. Amorcée à la Première conversation, 6-8 décembre 1921, la question des ordinations fut reprise à la Deuxième conversation, 14-15 mars 1923. Présidées par S. E. le cardinal Mercier, ces deux assemblées comprenaient, du côté catholique, Mgr Van Roey, vicaire général, et M. Portai, prêtre de la Mission, et, du côté anglican, Lord Halifax, le Tr. Rev. A. Robinson, doyen du chapitre de Wells et le Rev. Fr. W.-H. Frère, de la communauté de la Résurrection.

On établit d’abord la véritable portée de la phrase de V Appel traitant des ordinations. Le Rev. A. Robinson, à la suite du P. Frère, fit remarquer que ce à quoi « on a pensé d’abord, ce n’est pas aux Églises épiscopales, mais plutôt à d’autres, comme, par exemple, aux presbytériens d’Ecosse qui prétendent avoir un ministère presbytéral venant des Apôtres, ou encore aux méthodistes, qui se servent dans une large mesure du Prayer Book de l'Église d’Angleterre. Nous les avons invités à régulariser leur ministère par une ordination épiscopale, et nous avons offert de notre côté d’accepter notre ministère auprès de leurs fidèles. L’offre ainsi exprimée en termes généraux amena la conviction que nous devions être prêts à accepter une régularisation de notre position, si les autorités des Églises d’Orient ou de Rome le jugeaient nécessaire. » Réunion du 7 décembre 1921, Lord Halifax, op. cit., p. 23-24.

Ce qui serait jugé nécessaire par les autorités catholiques, Mgr van Roey l’expose dans un sens légèrement différent de celui de l’encyclique Apostolicæ curæ, qui exigeait une réordination absolue. Il indique que la « rectification admise par la conférence de Lambeth pourrait se faire par l’imposition des mains sous condition, d’abord pour l’archevêque de Cantorbéry par le pape ou par son légat et, ensuite, par l’archevêque pour ses suffragants ». Réunion du 14 mars 1923, Lord Halifax, op. cit., p. 32. Lord Halifax aurait voulu que l’on se contentât d’une rectification par la porrection des instruments, après quelque déclaration qui mettrait hors de doute l’intention de l'Église anglicane. Mais Mgr Van Roey fit remarquer que, les ordinations anglicanes étant au moins douteuses objectivement, l’imposition des mains, tout au moins sous condition, serait jugée nécessaire. Et, comme, au témoignage du Rev. Robinson, répondant à une question du cardinal Mercier, l’archevêque de Cantorbéry se résignerait à accepter de telles conditions, on conclut que c'était dans ce sens qu’il fallait diriger les

efforts de conciliation entre catholiques et anglicans, sans rouvrir cependant, comme le Rev. Robinson en exprimait le vœu, la discussion sur la validité de ces ordinations. Le point essentiel qui ressort de cet échange de vues, c’est que désormais « il n’y aurait pas de difficulté de la part des évêques anglicans à accepter tel élément d’ordination qui paraîtrait nécessaire à l'Église romaine pour mettre hors de doute, aux yeux de tous, la validité de leur ministère (ministry) », Mémoire présenté par les catholiques présents à la conférence de Malines des Il et 12 octobre 1926. Compte rendu des Conversations de Malines de 1921192 j, dans Lord Halifax, op. cit., p. 299. Ce mémoire était présenté par Mgr van Roey, archevêque de Malines, M. Portai, Mgr Batilïol et M. l’abbé Hemmer.


III. Les arguments contre la validité des ordinations anglicanes. — Ils sont au nombre de trois, énumérés dans la bulle Aposto’licse curæ : 1. La pratique de l'Église ; 2. Le rite ; 3. L’intention.

I. la pratique de L'ÉGLISE. — Elle se forma pendant la courte restauration catholique, sous le règne de Marie Tudor, et fut confirmée par les décisions de 1684 et de 1704.

1° Sous la reine Marie (1553-1558). — Le cardinal Pôle fut désigné par Jules III pour réconcilier l’Angleterre avec le Saint-Siège ; les pouvoirs nécessaires à cet effet lui furent concédés par diverses lettres pontificales, du 5 avril 1553 au 8 mars 1554, et confirmés par une bulle et un bref de Paul IV.

Avant l’arrivée du légat en Angleterre, la reine Marie avait déjà, sans doute après entente avec celuici, pris position relativement aux clercs ordonnés sous Edouard VI. Le 4 mars 1554, elle écrivait aux évêques : « Quant à ceux qui ont été promus à quelqu’ordre, d’après le nouveau mode d’ordination, comme ils n’ont pas été vraiment ordonnés (in very deed), l'évêque diocésain… pourra, s’il le juge bon, les admettre à l’exercice du ministère, en suppléant ce quia fait défaut, may supply thaï thing which wanted in them before », Documenta ad legationem Poli speclanlia, p. 4 ; Tablel, 10 juillet 1897, p. 47. C’est bien l’Ordinal d’Edouard VI qui est en vue ici et c’est de véritables réordinations qu’il s’agit, le terme supj>ly, supplere, est bien l’expression technique, signifiant remédier à un défaut de rite. Cf. Innocent III, De sacris non iterandis, cap. Pastoralis : In talibus non est aliquid ilerandum, sed caute supplendum quod incaute fueral prœtermissum.

Mais ce sont les documents relatifs à la mission de Pôle qu’il importe surtout d'étudier. Après les avoir examinés, les auteurs du De hierarchia anglicana concluent : nihil invenimus quod nullitatem ordinationum anglicanarum recto inducat, multa quæ eas pro validis tune habitas sallem interprétative ostendant, Denny et Lacey, op. cit., p. 249. De même, dans la réponse à la bulle Apostolicæ curæ, les archevêques d’Angleterre écrivent : Et cum multi sacerdoles Edwardiani propter varias causas et præsertim ob conjugium initum inveniantur deprivati, ob defectum ordinis, quantum scimus, nulli.., Lacey, A roman Diary, p. 359-360.

Les instructions données au cardinal légat sont contraires à ces conclusions. On n’y trouve pas sans doute d’affirmation explicite de l’insuffisance de l’Ordinal d’Edouard VI ; c’est une question dont Pôle devait juger sur place, d’après les principes de la théologie ; mais il reçoit des pouvoirs pour remédier aux défauts qu’il constatera dans la hiérarchie anglicane, pour réordonner ceux dont l’ordination serait invalide.

Dans le bref du 8 mars 1554, Jules III prescrit au légat de relever de leurs censures ceux qui, ayant été promus ou ordonnés rite et légitime, sont tombés dans l’hérésie ; quant aux autres (à ceux qui n’ont pas été

promus ou ordonnés rite et légitime), il doit leur conférer tous les ordres, y compris la prêtrise. Pôle a pleins pouvoirs, etiam circa ordines quos nunquam aul maie susceperunt et munus consecrationis quod eis ab aliis episcopis vel archiepiscopis, etiam hæreticis vel scliismalicis, aut alias minas recle et non servata forma Ecclesise consueta. impensum fuerit. Brève de facullalibus legationis : Dud.um.cum charissima, dans Burnet, The hislory of the Reforma/ion of llie Church of England, t. iv ; Denny et Lacey, op. cit., app. vii, p. 250-254. Iules III ne dit pas expressément que les ordres conférés suivant l’Ordinal ont été invalides ; il considère le cas comme possible, et ordonne au légat d’agir en conséquence. Le 24 décembre, arrivé en Angleterre, Pôle, en vertu de ses pouvoirs, promulgue une dispense générale, Denny et Lacey, op. cit., p. 254-258, sans faire allusion aux ordres reçus suivant le nouvel Ordinal. Mais, dans la lettre où il délègue ses pouvoirs à l'évêque de Norwich, voir Denny et Lacey, op. cit., p. 258-260, il ordonne de ne réhabiliter que ceux qui auraient été ordonnés validement, etiam minas recle, dummo.lo in eorum collalione Ecclesise forma et intentio sil servata. Les autres, ceux qui n’ont pas été ordonnés suivant la forma et intenlio Ecclesise, ne pourront pas être réhabilités sans une nouvelle ordination.

En février 1555, le légat envoie à Paul IV une ambassade composée de trois membres, Thirlby, Montague et Came, emportant une copie des passages essentiels de l’Ordinal, pour que le pape puisse juger les décisions prises par son légat et les approuver, s’il y a lieu. L’examen en fut tait, le P. Brandi l’a constaté aux Archives vati canes, Nunliatura di Inghilterra, III, 103, et Bibliolheca Pia, 240. Cf. Brandi, Romae Canterbury, p. 71. A la suite de cet examen, Paul IV envoya une bulle et un bref, précisant les instructions précédentes.

La bulle Præclara chirissimi est du 19 juin 1556 ; cf. Arch. Valic. Pauli IV Bullar., An. i, m. 1850, fol. 55. Elle contient une clause nouvelle, dont l’importance ne saurait échapper, Ua tamen ut qui ad ordines lam sacros quam non sacros ab alio quam episcopo aut archiepiscopo rite et recle ordinalo promoti fuerunt eosdem ordines ab eorum ordinario de novo susciperc teneantur nec intérim in eisdem ordinibus ministrenl. Le bref Regimini universalis, du 30 octobre 1555 ; cf. Arch. secr. Vatic., Brev. Orig. Pauli PP IV, t. i, n. 301, explique le sens des mots de la Bulle ab alio quam episcopo aut archiepiscopo rite et recle ordinalo : Nos hujusmodi hsesitationem lollere et serenilali conscienliæ eorum qui schismate prædiclo durante ad ordines promoti fucrunt mentem et inlenlionem quam in eisdem lilleris noslris habuimus clarius exprimendo opportune consulere volentes, eos tamen episcopos qui non in forma Ecclesise ordinati et consecrati fuerunt, rite et recle ordinatos diei non posse, et proplerea personas ab eis ad ordines ipsos promotas, ordines non récépissé, sed eosdem ordines a suo ordinario… de novo suscipere debere et ad id teneri ; alios vero quibus ordines hujusmodi eliam collati fuerunt ab episcopis et archiepiscopis in forma Ecclesise ordinalis et consecralis, licel ipsi episcopi et archiepiscopi schismalici fuerint… caracterem ordinum collalorum récépissé. On trouvera le texte de la bulle et celui du bref dans A. Boudinhon, De la validité des ordinations anglicanes, p. 78-84. Ces passages sont reproduits dans la bulle Apostolicse curse. On ne peut donc pas dire que Léon XIII n’en. ! entre les mains qu’un exemplaire imparfait de la bulle Prseclara charissimi, comme le disent les archevêques anglicans : ex exemplari minus perfcclo lilierie Pauli IV « Præclara charissimi » eilare. Responsio archiep. Angliæ, § 0, Denny et Lacey, op. cit., p. 359.

Dans ces deux documents émanés de Paul IV,

l’Ordinal est certainement visé : ce rite qui n’est pas suivant la forma Ecclesise ne peut être que celui d’Edouard VI ; il n’y en eut pas d’autre en usage. Il rend invalide l'épiscopat conféré suivant la nouvelle forme et, par contre-coup, les ordinations sacerdotales et le diaconat conférés par ces évêques qui n'étaient pas consacrés. Mais ni le bref ni la bulle ne parlent de ceux qui furent ordonnés prêtres ou diacres par un évêque rite et recle ordinalus, mais utilisant l’Ordinal d’Edouard VI. Leur silence laisse supposer que le sacerdoce et le diaconat ainsi conférés étaient valides. Pour résoudre cette difficulté, Mgr Boudinhon s’appuie sur l’opinion presque universelle des théologiens du xvie siècle, suivant laquelle les éléments essentiels du sacrement de l’ordre étaient constitués uniquement par la porrection des instruments, accompagnée des paroles appropriées. Or, dans l’Ordinal de 1550, le diaconat était conféré par la présentation du Livre des évangiles et la formule : Aceipe potestatem legendi evangelium in Ecclesia Dei idque eliam prsedicandi, si libi hoc ordinale mandalum fuerit, Denny et Lacey, op. cit., p. 225. Pour le presbytérat, l'évêque présentait à chacun d’une main la Bible, de l’autre le calice et le pain, en disant : Aceipe potestatem prsedicandi verbum Dei et administrandi sancta sacramenta in ista congregalione in qua fueris ad hoc constilutus, Denny et Lacey, op. cit., p. 235. Il est possible que, se basant sur cette opinion commune, Paul IV ait reconnu en pratique, la valeur des ordres ainsi conférés, sans porter toutefois un jugement théorique sur leur validité, Boudinhon, op. cit., p. 85-87. Il faut remarquer cependant que la porrection des instruments a été supprimée dans l’Ordinal de 1552 et que, depuis l’adoption de cet Ordinal, novembre 1552, jusqu'à l’avènement de la reine Marie, juillet 1553, des prêtres et des diacres ont dû être ordonnés, en sorte que, pour ces dernières ordinations, la difficulté demeure. On peut supposer que les ordinations de 1552-1553 furent peu nombreuses ; il y en eut cependant, et le cardinal légat ne pouvait pas les ignorer, en sorte que le silence du bref et de la bulle sur les ordres conférés suivant le nouvel Ordinal par un évêque validement consacré demeure inexplicable.

Le cardinal Pôle avait donc des instructions pour réordonner ceux qui ne l’avaient pas été validement. Qu’a-t-il fait ? L'épiscopat, à l’avènement de la reine Marie, comprenait quatre évêques sacrés ayant le schisme, treize ordonnés depuis, mais suivant l’ancien rite et six suivant l’Ordinal d’Edouard VI. La question de validité ne se posait que pour ces derniers : ils furent simplement déposés comme intrus et considérés, suivant les instructions de Paul IV, comme n’ayant pas le caractère épiscopal. Le cas de Scory pourrait apparemment faire difficulté. Nommé par Edouard VI évêque de Chichester et sacré suivant le nouveau rite, il fit sa soumission, se fixa à Londres et fut réhabilité, sans aucune allusion à la nullité de sa consécration épiscopale, par Bonner, évêque de Londres ; cf. Acte de réhabilitation, dans Denny et Lacey, op. cil, p. 149, n. 2, et Boudinhon, op. cit., p. 71. Mais cette réhabilitation date du 14 juillet 1554 ; elle est antérieure à la réconciliation de l’Angleterre, qui est du 30 novembre : Bonner lui-même ne fut réconcilié qu’en février 1555. C’est donc un acte personnel de l'évêque de Londres, n’ayant aucune valeur.

Si le légat ne jugea pas à propos de conférer le caractère épiscopal aux six intrus, il n’agit pas de même avec les prêtres. Les documents cités plus baut permettent déjà de l’affirmer avec certitude ; autrement Pôle ne se serait pas montré d’accord avec ses principes et n’aurait pas obéi aux instructions qui lui étaient données. Mais il est impossible de dire si ces réordinations de prêtres furent nombreuses sous le

règne de Marie ; il paraît bien au contraire qu’il y en eut peu. De leur rareté le P. Sidney Smith donne des raisons acceptables, Dict. apol. de la foi cath., t. iii, col. 1196-1197. En tous cas, il est certain qu’il y en eut. Le Dr Brown, évoque anglican, a relevé quatorze cas de réordinations absolues, de 1553 à 1558 : le Dr. Frère, The Marian reaction, 1896, a dressé la liste des ordinations qui eurent lieu sous Edouard VI et de celles qui furent faites sous la reine Marie. La comparaison de ces deux listes donne l'évidence « qu’un certain nombre de membres du clergé d’Edouard VI se firent réordonner par les évêques de Marie Tudor, selon le vieux rite latin. A Oxford, il y en eut au moins trois exemples et probablement quatre ; à Exeter, deux ; à Londres, au moins neuf et probablement dix. » Cité par S. Smith, Dicl. apol., t. iii, col. 1194. Or, seul l'évêque d’Exeter avait été ordonné suivant le nouveau rite ; ceux de Londres et d’Oxford étaient vraiment évêques : c’est donc l’Ordinal qui fut la cause de ces réordinations voire même le premier Ordinal, celui qui avait conservé la porrection des instruments.

Cette coutume de conférer à nouveau les ordres à ceux qui les avaient reçus suivant l’Ordinal, se continua après le règne de Marie Tudor. Le chanoine Estcourt cite, d’après le Registre de l’ancien séminaire de Douai et d’autres documents, vingt-deux cas de réordinations de 1570 à 1704. The question of anglican ordinations discussed, p. 138 sq. De l’examen de ces faits, Léon XIII pouvait donc légitimement conclure : Auctorilates quas excilavimus Julii III et Pauli IV aperte oslendunt initia ejus disciplinée quee lenore conslanli jam tribus amplius sœculis custodita est, ut ordinaliones ritu edwardiano haberentur infectée et nullæ ; cui disciplinée amplissime suffragantur leslitnonia multa earumdem ordinationum quee, in hac etiam Urbe, seepius absoluleque ileralie sunt sub ritu catholico. 2° Les décisions de 1684 et de 1704. — La validité des ordres anglicans fut de nouveau étudiée en 1684 et en 1704. En 1684, il s’agissait d’un calviniste français qui avait reçu la prêtrise en Angleterre, suivant le rite anglican. Réconcilié avec l'Église, il demande s’il peut se marier. « Après une minutieuse enquête, de nombreux consulteurs énoncèrent par écrit leurs réponses. On vota et les autres s’unirent à eux pour conclure unanimement à l’invalidité de l’ordination ; cependant, eu égard à certains motifs d’opportunité, il plut aux cardinaux de répondre : différé. » Bulle Aposlolicee curée.

En 1704, c’est sur la validité de la consécration épiscopale que Rome est appelée à se prononcer. Jean Gordon avait été, en 1688, consacré évêque de Galloway, en Ecosse, par l'évêque de Glasgow. II demanda à Clément XI de recevoir les ordres, suivant le rite romain. Cf. Le Quien, Nullité des ordinations anglicanes, Paris, 1725, t. ii, app., p. lxix-lxxv. Il fondait sa requête sur le cas de Parker et sur le défaut de forme et d’intention dans la collation du sacerdoce. L’affaire fut examinée par le Saint-Office qui conclut, dans la séance du 17 avril 1704 présidée par Clément XI : ex inlegro et absolute ordinetur ad omnes ordines etiam sacros et preecipue presbyteralus et quatenus non fuerit confirmatus, primtfm sacramentum confwmationis suscipial. Cdnoniste contemporain, 1897, p. 368.

Les archevêques anglicans, dans leur Responsio à la bulle Aposlolicee curée, § 7 et append., Lacey, op. cit., p. 362-363 et 389-394, discutent cette décision, invoquée par Léon XIII comme jugeant définitivement de la question des ordinations anglicanes. La demande exprimée par Gordon, de recevoir les ordres suivant le rite romain, ne nuit pas à la valeur de la décision du Saint-Office : Rome ne permet de réitérer

le sacrement de l’ordre que dans le cas de nullité ; pour une ordination douteuse, elle ordonne la réordination sub condilione. Il est certain d’après les documents publiés, cf. Brandi, Romae Canlerbury ; Canoniste contemporain, 1897, p. 368-370, que le cas de Parker, déjà mis de côté en 1684, ne fut pas davantage pris en considération en 1704. Le rapport de Mgr Genetti, daté du 16 avril 1704, et adressé à Mgr Casoni, assesseur du Saint-Office, en fait foi. Il nous apprend que, sur l’ordre d’Innocent XI, plusieurs théologiens, réunis à Paris pour étudier cette question à propos de l’affaire de 1684, avaient conclu que « la décision adéquate devait se tirer, non du fait qui dépendait de l’histoire fort embrouillée des divers changements survenus en Angleterre en matière religieuse, mais du défaut de l’intention et de l’insuffisance des paroles employées par les hérétiques anglicans dans l’ordination sacerdotale. Relazione di Mgr Genetti, Brandi, Romae Canlerbury, p. 260. Il en fut de même en 1704. Dans un volum, présenté par un théologien consulteur, on peut lire : Etiamsi pro vera admittatur hisloria quee circumfertur de ordinatione memorala Parkerii in Londinensi tdberna, cujus erat insigne equi seu manuli caput, peracta, constat quatuor preedictos episcopos illi ordinalioni adfuisse, ubicumque facium fuerit, et cum precibus serio celebratum fuisse non ludicre et joculariler. Brandi, op. cit., p. 180.

Le mémoire du cardinal Casanata, rapporteur du Saint-Office pour l’affaire de 1684, fut utilisé en 1704. Ce mémoire montre que la question fut étudiée à fond : examen de l’Ordinal, d’après l’exemplaire envoyé par Tanari en 1684, comparaison avec le rite romain et avec les rituels des Églises catholiques orientales, déclaration de non validité pour insuffisance de forme et d’intention : forme insuffisante parce qu’elle ne précise pas le pouvoir du prêtre, « d’autant plus qu’elle n’est pas accompagnée de la tradition des instruments du sacrifice, laquelle est en usage dans l'Église latine. Et, bien que l'Église grecque et certaines Églises orientales ne connaissent pas la tradition des instruments, néanmoins, dans la prière qu’on appelle sacramentelle, elles confèrent toujours clairement le pouvoir de consacrer le corps de J.-C, ainsi qu’il résulte des informations que j’ai prises, faisant traduire les formules des Arméniens, Maronites, Syriens, Jacobites et Nestoriens, tant catholiques qu’hérétiques, formules qui sont rapportées ci-après. Or les Anglais, n’ayant pas la tradition des vases sacrés, et ne conférant pas dans la prière sacramentelle le pouvoir de consacrer, il ne semble pas que l’imposition des mains puisse suffire à elle seule, car elle n’est pas déterminée à la collation d’un sacrement en particulier et peut, au contraire, signifier non seulement le sacrement de l’ordre, mais celui de la pénitence et de la confirmation, suivant ce qu’ont fait observer les théologiens dans leurs commentaires sur l'É. S. » Cité par S. Smith, Dict. apol., t. iii, col. 1202. Ce n’est donc pas la seule absence de tradition des instruments qui amena le Saint-Office, en 1684 et en 1704, à considérer comme laïques ceux qui avaient reçu les ordres dans l'Église anglicane, mais bien une insuffisance du rite : la prière sacramentelle ne déterminait pas la signification de l’imposition des mains. « Il importe de considérer, dit la bulle Aposlolicee curée, que cette sentence du pape s’applique d’une façon générale à toutes les ordinations anglicanes. Bien qu’elle se rapportât, en effet, à un cas spécial, elle ne s’appuyait pas cependant sur un motif particulier, mais sur un vice de forme dont sont affectées toutes ces ordinations, si bien que toutes les fois que, dans la suite, il fallut décider d’un cas semblable, on communiqua ce même décret de Clément XI. »

On ne peut pas, avec les auteurs de la Responsio, Lacey, op. cit., p. 392-395, opposer à cette décision du 17 avril 1704, une autre prétendue décision du Saint-Office, du 10 avril de la même année, reconnaissant valides les ordinations presbytérales des Abyssins, faites par imposition des mains, avec les paroles : Accipe Spirilum Sanction. Cette décision n’est qu’un l’otum du consulteur Jean Damascène, qui fut rejeté deux fois, le 14 février et le 10 avril 1704. Cf. P. Gaspard, op. cit., t. ii, n. 1057-1058 ; A. Boudinhon, Le cas de Gordon et les ordinations coptes, dans le Canoniste contemporain, 1897, p. 372-380 : F. Tournebize, La réponse des archevêques anglicans à Léon XIII, dans les Éludes, t. lxxii, p. 315-316.

II. le rite.

C’est l’argument le plus solide contre la validité des ordinations anglicanes, celui sur lequel s’est fondée la pratique de l'Église de réordonner, non pas seulement sub eonditione, mais absolutc, ceux qui avaient reçu les ordres suivant l’Ordinal d’Edouard VI. l’our montrer l’insuffisance de ce rite, il faut d’abord déterminer ce qui est essentiel dans le sacrement de l’ordre ; d’après l’enseignement des théologiens et l'étude de la forme des différents rites catholiques, et ensuite comparer ces éléments essentiels avec ce qui en tient lieu dans l’Ordinal anglican, comparaison qui imposera la conclusion de l’insuffisance de ce dernier.

Les éléments essentiels du sacrement de l’ordre.


1. D’après les théologiens.

« Dans le rite qui concerne la confection et l’administration de tout sacrement, on distingue avec raison la partie cérémonielle et la partie essentielle qui a coutume d'être appelée la matière et la forme ; chacun sait que les sacrements de la nouvelle Loi étant les signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification, quoiqu’elle doive se retrouver dans le rite essentiel, à savoir dans la matière et la forme, appartient toutefois principalement à la forme ; car la matière est la partie indéterminée par elle-même, qui est déterminée par l’autre. » Bulle Aposlolicæ cura>.

A la suite du cardinal van Rossum, De essentia sacramenti ordinis disquisitio historico-theologica, le P. Hugon relève, parmi les théologiens, six opinions différentes relatives à la matière et à la forme du sacrement de l’ordre : 1. Le seul rite essentiel à l’ordination sacerdotale est la porrection des instruments, accompagnée de la formule : Accipe potestatem offerre sacrificium Deo missasque celebrare lam pro vivis quam pro defunclis, in nomine Domini : opinion la plus commune du xme au xve siècle, encore acceptée au xviii' et abandonnée au xixe. 2. Deux rites sont essentiels : la porrection des instruments, donnant pouvoir sur le vrai corps du Christ, et la dernière imposition des mains, avec la formule : Accipe S. S. ; quorum remiseris peccata… : opinion de Scot et de quelques théologiens, abandonnée au xviiie siècle. 3. Deux rites nécessaires et essentiels : la première imposition des mains avec la prière ou invocation du S. E., et la tradition des instruments avec la formule : accipe potestatem… : opinion soutenue par les théologiens des xviiie et xixe siècles, et aujourd’hui par Tanquerey, Billot, Noldin. 4. L’un ou l’autre de ces tr.ois rites : porrection des instruments, première ou dernière imposition des mains, avec les prières qui les accompagnent : opinion de Lugo, Gotti, et aujourd’hui d’Eggeret Dalponte. 5. L’essence du sacrement de l’ordre repose soit dans le rite de l’imposition des mains, soit dans celui de la porrection des instruments, en sorte que l’ordination est valide soit avec l’un, soit avec l’autre : Diana au xviie siècle, et, au xviiie, Jean Clericat et Jérôme de Saint-Augustin. 6. Le seul rite essentiel est la première imposition des mains

accompagnée de la prière consécratoire ou préface. La porrection des instruments et la seconde imposition des mains ne sont que des cérémonies accidentelles : opinion presque universelle au xixe siècle et donnée par le P. Pesch et le cardinal van Rossum comme moralement certaine. Cf. E. Hugon, De sacramentis in communi et in speciali, 5e éd., 1927, p. 700701.

S’appuyant sur le décret d’Eugène IV, qu’il considère comme un acte conciliaire dogmatique, sur le droit que possède l'Église d’apporter des changements à la matière spécifique des sacrements et sur le fait que l'Église a voulu imposer la tradition des instruments comme la seule matière essentielle du sacrement de l’ordre, le P. Hugon reprend la première opinion et la présente comme seule acceptable. Op. cit., p. 701-707. Nous n’avons pas à discuter ici cette opinion qui reprend, ou croit reprendre la position des théologiens scolastiques du Moyen Age. Il est certain que, si elle était exacte, la question des ordinations anglicanes serait très claire ; depuis 1552, ils ont supprimé ce rite : leurs ordres seraient donc invalides, sans aucune discussion possible.

Mais, quelle que soit l’autorité du P. Hugon, elle ne suffit pas à s’imposer contre celle de l’ensemble des théologiens modernes, plaçant dans l’imposition des mains et la prière consécratoire l’essentiel du sacrement de l’ordre. C’est d’ailleurs l’opinion que Léon XIII a suivie dans l’examen du rituel anglican : « C’est ce qui se manifeste clairement dans le sacrement de l’ordre, dont l'élément essentiel, en tant que nous avons à le considérer maintenant, est l’imposition des mains. »

Or cet élément matériel, l’imposition des mains, est par lui-même indéterminé ; il s’applique aux trois ordres supérieurs et peut convenir à d’autres sacrements. Il faut donc qu’il soit précisé et déterminé par la forme. Puisque les sacrements doivent signifier ce qu’ils produisent, la précision de la forme doit être d’autant plus grande que la matière sera par elle-même plus vague et indéterminée. Tous les théologiens sont d’accord sur ce point ; ils conviennent que les termes de la forme du sacrement, pour les ordres en question, doivent « toujours représenter, et d’une manière non équivoque, l’objet principal dont ils restent le signe sacré et qu’ils réalisent autant que le comporte leur nature d’instrument. » F. Tournebize, La réponse des archevêques anglicans, dans les Études, t. lxxii, p. 487. Les effets du sacrement de l’ordre sont la grâce et le caractère. La grâce est produite par tout sacrement : son expression, à elle seule, ne sera donc pas suffisante pour suppléer à l’indétermination de la matière. La forme devra donc exprimer le caractère du sacrement, c’est-à-dire « la puissance sacrée, le pouvoir d’ordre, ou plutôt une agrégation de pouvoirs s’unissant ou se coordonnant pour constituer un certain degré de la hiérarchie. » S. Harent, la forme sacramentelle dans les ordinations anglicanes, dans les Éludes, t. lxviii, p. 180. Il faudra donc, avant toute chose, que l’ordre conféré soit nettement mentionné dans la forme. Mais sera-ce suffisant ? Une détermination plus précise des pouvoirs et des fonctions de diacre, de prêtre et d'évêque n’est-elle pas requise ? Parmi ces pouvoirs n’y en a-t-il pas qui doivent être nécessairement exprimés, comme caractéristiques essentielles du sacerdoce ou de l'épiscopat, tels que le pouvoir de consacrer le corps du Christ et de perpétuer le sacerdoce ?

Le P. Tournebize affirme qu’au moins le ministère le plus sacré du prêtre, celui de sacrifier, doit être mentionné dans la forme. « Tous les anciens rituels expriment dans la transmission des ordres sacrés, outre la grâce intérieure et le caractère ineffaçable du

sacerdoce, l’auguste fonction de sacrificateur nui est conférée ; cette fonction est annoncée en termes plus ou moins clairs par les prières qui passent pour être les plus importantes, celles qui précèdent ou qui suivent l’imposition des mains ; les autres prières et cérémonies en précisent le sens : le prêtre est ordonné pour sacrifier à l’autel », op. cit., dans les Éludes, t. lxiv, p. 574 ; cf. t. lxxii, p. 488. Mgr. A. Boudinhon, op. cit., p. 48, et le P. S. Harent, art. cit., dans les Éludes, t. lxviii, p. 180-181, croient, à juste titre, qu’on peut se contenter d’une mention implicite des pouvoirs conférés par le sacrement de l’ordre. Il suffira donc que la forme « exprime confusément l’ensemble des pouvoirs d’un ordre, sous la seule mention générique de cet ordre, » à condition cependant que les termes de diacre, de prêtre et d'évêque, impliquent réellement les pouvoirs déterminés que l'Église entend conférer aux membres de ces trois degrés de la hiérarchie, et que ce sens des mots soit précisé, ou ne soit pas contredit, par l’ensemble des prières et cérémonies qui précèdent et qui suivent l’application de la matière et de la forme.

2. D’après les différents rites en usage.

Qu’une mention implicite de l’ordre conféré et des fonctions suffise pour que la forme soit valide, cela résulte de l’examen des différents rites orientaux et des anciens rites occidentaux.

Les anglicans ont souvent fait appel à ces rituels pour prouver la légitimité de leur Ordinal. Le SaintOffice les a examinés en 1684 et en 1704 ; ils ont également retenu l’attention des consulteurs de 1896. Ils peuvent en effet servir à établir ce qui est strictement nécessaire et ce qui suffit pour la validité du sacrement de l’ordre. On trouvera les prières consécratoires de ces différentes liturgies, pour le diaconat, la prêtrise et l'épiscopat, dans l’ouvrage de Mgr A. I50udinhon, De la validité des ordinations anglicanes, p. 27-45. Ce sont toutes des formules comprenant trois parties : des considérations préliminaires, sans rien d’essentiel et variant suivant les rites, la demande adressée à Dieu par le prélat de donner sa grâce et de communiquer son Esprit aux ordinands, dont la place dans la hiérarchie est nettement déterminée, la demande à Dieu des pouvoirs, des vertus et des grâces qui permettent à l'élu de bien remplir ses fonctions. Cette troisième partie se présente avec une très grande variété, nous ne donnons ici que l’essentiel de ces 2e et 3e parties.

a) Ancienne liturgie romaine, d’après le Sacramentaire téonien, P. Gaspard, Tract, can. de sacr. ord., t. ii, p. 343-347.

Diaconat… Super hos quoque famulos, quæsumus, Domine, placatus intende, quos tuis sacris altaribus serviluros in ofjicium diaconii, supplicilrr dedicamus… Emilie in eos, Domine, quæsumus. Spirilum Sanclum quo in opus minislerii fideliter exsequendi muncre sepliformi luæ graliie roborentur.

Prêtrise… Da, quæsumus, Pater, in hos famulos luos presbylerii dignilatem… Innova in visecribus eorum Spirilum sanctiiatis.

Episcopat… Et ideirco his famulis luis, quos ad summi saccrdolii ministerium delegisli, banc, quæsumus. Domine, gratiam largiaris… Comple in sacerdotibus luis myslerii lui summam…

b) Ancienne liturgie gallicane, d’après le Sâcramentaire gélasien, P. Gasparri, op. cit., p. 359-364. Tommasi, Codices sacramentorum, t. I, n. 20-22, p. 29-33.

Diaconat… Hune quoque famulum tuum illum speciali dignare illuslrare aspectu, ut tuis obsequii* expedilus sanctis altaribus minisier punis aderescat, et indulgentia purior, eorum gradu quos Aposloli lui in seplenarium numerum, bealo Stephano dure ac prævio, Sanclo Spiritu auctore, elegerunl, dignus existai…

Prêtrise… Tu, Domine, super hos famulos luos, quos presbyterii honore dedicamus. manum luæ bencdiclionis his infunde…

Episcopat. Le Sacramentaire Gélasien ne donne pas de canon consécratoire distinct de celui du Sacramentaire Léonien.

c) Liturgie grecque. Martène, De anl. eccl. rit., t. I, c. viii, a. 11, ordo xix, p. 521-532.

Diaconat… Ipse, Domine, et hune quem tibi a me promoveri complacuil in diaconi ministerium in omni honeslate fidei sacramentum in pura conscientia tenenlem conserva… Ipse, Domine, servum tuum hune, quem diaconi ministerium subire voluisli, sancti et vivifici lui Spiritus adventu, omni fide et charilate et virtute ri sancti ficatione adimple…

Prêtrise… Istum quem tibi a me promoveri complacuil, in conversalione inculpala et fide indeficiente ingenlem eliam hanc gratiam sancti lui Spiritus recipere complaceal, et perfeclum servum tuum in omnibus tibi placenlem eoncesso sibi a præscienle tua virtute magno hoc sacerdolali honore, digne conversalurum renunlia… Ipse, Domine, eliam et istum quem tibi presbyteri gradum subire complacuil, dono sancti lui Spiritus adimple…

Episcopat… Ipse, omnium Domine, hune eliam suffragiis eleclum et evangelicum jugum dignitatemque pontificalem subire dignum habitum… adventu et virtute et gralia sancti lui Spiritus corrobora… Tu, Domine, eliam hune pontificalis graliæ dispensalorem renuntialum, lui veri pastoris imilatorem… effice.

d) Liturgie copie. Texte dans Denzinger, Ritus orienlalium, t. ii, p. 7, 11, 23.

Diaconat… Illumina faciem iuam super servum tuum N… qui promovetur ad diaconatum, per suffragium et judicium eorum… ; impie eum Spirilu sancto et sapienlia et virtute… Orna eum gralia tua, constitue eum ministrum allaris lui sancti…

Prêtrise… Respice super famulum tuum N…, qui promovetur ad presbyteralum… Impie eum Spiritu sancto et gralia limentem anle faciem iuam… Concède ri Spirilum sapientiæ luœ…

Episcopat… Tu ilerum nunc infunde virtutem Spiritus lui hegemonici, quem donasli Aposlolis luis in nominc tuo. Da igitur hanc eamdem gratiam super servum tuum N…, quem elegisli in episcopum, ut pasceret gregem tuum sanctum…

c) Liturgie maronite. Texte dans Denzinger, op. cit., p. 133, 153, 196.

Diaconat… Tu, Domine, in hac hora aspice servum tuum et demille in eum gratiam Spiritus lui sancti, reple eum tua fide, charilate, virtute et sanctitale et quemadmodum dedisli gratiam Stephano, quem primum vocasti ad hoc ministerium, ila concède ut super hune quoque servum tuum venial auxilium de cœlo…

Prêtrise… Domine Deus, elige eum per gratiam et promove per misericordiam Iuam tuum servum N… qui propler multam tuam benignilalem ac donum divinæ luæ graliæ præsentatus est hodie ex ordine diaconorum ad gradum allum et sublimem presbylerorum… Tu, Domine, concède… ut minislret coram altari tuo sine rcatu…

Episcopat… Eliam nunc, Domine Deus, perfice nobiscum gratiam Iuam, luumque donum et eum servo tuo hoc N… episcopo, et concède ci Domine Deus, eum imposilionc manus ista, quam hodie a te suscipit, illapsum Spiritus sancti, dignumqu ? illum præsta qui misericordiam a te obtincat. et sacerdolio fungatur offeralque tibi sacrificia pura…

f) Liturgie nestorienne. Texte dans Denzinger, op. cil., p. 231, 236, 243. Martène, op. cit., ordo xxi.

Diaconat… Quemadmodum elegisli Slephanum et socios ejus, ila nunc quoque. Domine, secundum misericordiam Iuam da servis luis islis gratiam Spiritus

sancti, ut sint diaconi electi, in Ecclesia tua sancta, et ministrent altari tuo puro eum corde mundo…

Prêtrise… Tu eryo, Dcus magne virtutum, .., respire eliam nunc in hos servos (nos, et elige illos electione sancta per inhabitationem Spiritus sancti, et da illis in aperitione oris sui sermonem veritatis et elige illos ad sacerdolium… ut… inservianl altari tuo sancto… Êpiscopat… Tu, Domine, eliam nunc illumina faciem Uiarn super hune servum tuum, et elige eum electione sancta per Spiritus sancti unctionem, ut sil tibi sacerdos perfeclus, qui œmuletur summum pontificem veritatis… ; et confirma eum per Spirilum sanctum in ministerio tuo sancto…

g) Liturgie arménienne. Texte dans Denzinger, op. cit.. p. 288, 308, 3(31.

Diaconat… Gralias agimus tibi… qui disposuisti in eo diaconos ad ministerium Ecclesiæ sanctæ tuas. Deprecamur le, Domine, ac petimus a bonilale tua, respice oculo propilio de præparata habitalione tua super hune jamulum tuum, qui ordinatus est nunc ad ministerium Ecclesiæ luæ sanctœ…

Prêtrise… Quem elegisli et ad presbyteralum recepisti jamulum hune tuum N.., nunc ordinatum, immobilem conserva in hoc sacerdolio ad quod vocalus est… Êpiscopat. Pas reproduit dans Denzinger. h) Liturgie des Constitutions apostoliques, 1. VIII. c. xvt, P. G., t. i, col. 1073 et 1116. Morin, Z)e sacr. ord., p. 19-20.

Diaconat… Exaudi orationem nostram, et auribus percipe preces noslras. Domine, et oslende faciem luam super hune servum tuum electum tibi in ministerium, et impie eum Spirilu sancto et virtute, sicut implevisli Stephanum Prolomartyrem …

Prêtrise… Ipse eliam nunc respice super hune famulum tuum suffragio et judicio lotius cleri ordini presbylerorum adscriplum ; et impie eum Spirilu gratiæ et consilii… Præsta… ul… pro populo tuo sacra rite et sine vitio operelur…

Êpiscopat… Da in nomine tuo, cognilor cordis Deus, haie jamulo tuo quem ad episcopatum elegisli … ut ponlificatu tibi sancte fungatur… Da ipse. Domine omnipolens, per Christum tuum parlicipationem Spiritus sancti…

Si l’on compare entre elles toutes ces formules de consécration, on constatera que l’ordre conféré est toujours nettement mentionné ; quant à la nature de la fonction elle n’est pas aussi clairement déterminée. Ainsi pour le diaconat, on ne trouve qu’une fois la précision : ministerium rnensee sanctse luæ (lit. arménienne) ; partout ailleurs, ministerium ecclesiæ, ministerium allaris. Dans la collation de la prêtrise, il est parlé plus ou moins vaguement du pouvoir de sacrifier dans les liturgies grecque, maronite, nestorienne et des Constitutions apostoliques ; explicitement dans les liturgies gallicane et arménienne ; les liturgies copte et romaine n’y font aucune allusion. Nulle part, il n’est question du pouvoir de remettre les péchés. Pour l'épiscopat, le sacramentaire léonien est très vague, parlant seulement d’autorité épiscopale, siimmum sacerdolium. Les plus explicites sont les rituels jacobite et syrien.

On peut donc conclure que le minimum requis est la mention générique de l’ordre conféré ; il ne peut être exigé que la désignation des pouvoirs propres à chaque ordre, en particulier la mention de l’office de sacrificateur dans la collation du sacerdoce, soit faite dans la formule même de l’ordination, puisque certaines de ces formes, reconnues valides, ne l’ont pas. Mais on remarquera que les fonctions de diacre, de prêtre et d'évêque, étaient suffisamment déterminées nar ailleurs ; d’abord par la croyance de ces Églises et l’intention du consécrateur, pour qui le presbytérat était un véritable sacerdoce, incluant le pouvoir de

consacrer le corps du Christ ; ensuite par des rites secondaires, par les prières qui précédaient ou suivaient l’oraison consécratoire.

La mention générique de l’ordre, précisée ainsi que nous l’avons dit, constitue donc le minimum strictement indispensable pour la validité du sacrement de l’ordre. Ce minimum, les anglicans l’ont-ils conservé dans leur Ordinal '?

2° La forme du sacrement de l’ordre dans l’Ordinal anglican. — Le seul Ordinal que nous ayons à considérer ici est celui de 1552 qui fut en usage jusqu’en 1662. A cette date, des précisions furent ajoutées à la forme : ad officium et opus presbyleri ou episcopi. Cette addition peut être considérée comme la reconnaissance par les anglicans eux-mêmes de l’insuffisance de la forme précédente. Mais cette modification intervenait trop tard : à supposer que la nouvelle forme fût capable de conférer validement le sacrement de l’ordre, elle ne pouvait avoir aucun effet sur les ordinations, antérieures, faites avec l’Ordinal de 1552. Si ce dernier est insuffisant, la hiérarchie avait complètement disparu de l'Église anglicane ; des évêques non réellement consacrés ne pouvaient la rétablir, eussent-ils conférés les ordres avec le Pontifical romain.

1. La formule imperalive.

Il faut d’abord éliminer les formules impératives qui accompagnent l’imposition des mains dans la collation de chacun des trois ordres. Pour le diaconat : « Reçois autorité pour exécuter l’office de diacre dans l'Église de Dieu à toi confiée. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Reçois autorité pour lire l'Évangile dans l'Église de Dieu et pour le prêcher, si tu y es autorisé par l'évêque lui-même. » Pour la prêtrise : « Reçois le Saint-Esprit ; ceux dont tu pardonnes les péchés, leurs péchés sont pardonnes, et ceux dont tu retiens les péchés, leurs péchés sont retenus, et sois un fidèle dispensateur de la parole de Dieu et de ses saints sacrements. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Reçois autorité pour prêcher la parole de Dieu et pour administrer les saints sacrements dans la paroisse où tu seras établi. » Pour l'épiscopat : « Reçois le Saint-Esprit, et te souviens d’exciter la grâce ce Dieu qui est en toi par l’imposition des mains… » Les anglicans considèrent que les paroles de NotreSeigneur, Accipile Spirilum Sanclum ; quorum remiserilis peccala… ont été transmises par les apôtres comme une liait ic de la forme requise pour l’ordination. Cf. Lee, The validily of the Iloly Orders of the Church of England, p. 91. Les archevêques anglicans, dans leur réponse à la bulle s’elîorcent encore de justifier cette manière de voir, Responsio, § xiv et xv, Lacey, op. cit., p. 373-377.

A supposer qu’on puisse considérer ces mots comme la forme du sacrement de l’ordre, ce que n’admettent pas les théologiens, qui la placent dans l’oraison consécratoire, ils pécheraient, sauf la formule du diaconat, par défaut de précision : l’ordre conféré, sacerdoce ou êpiscopat, n’y est pas mentionné. Le rite ne signifie pas ce qu’il doit produire ; dans la formule de l'épiscopat, on ne dit pas à quelle fin l'élu reçoit le Saint-Esprit ; dans celle de la prêtrise, sont mentionnés les pouvoirs de remettre les péchés et d’administrer les sacrements. Mais comment voir un véritable pouvoir de remettre les péchés là où l’on ne reconnaît pas le sacrement de pénitence ? L’autorité donnée pour administrer les sacrements ne porte que sur le baptême, que tout chrétien peut donner, et sur la cène, qm requiert pas de pouvoir proprement sacerdotal, si on rejette la présence réelle.

On prétend, par l’adoption de cette formule, revenir aux usages de l'Église primitive. Or.il est loin d'être prouvé qu’il en était ainsi dans les premiers siècles ;

au contraire, ces paroles, « Reçois le Saint-Espril », ne se trouvent pas avant le xiie siècle dans les rituels connus d’Orient et d’Occident, Martène, op. cit., c. vii, art. x, n. 14. Les présenter comme étant la forme essentielle du sacrement de l’ordre, c’est introduire une forme nouvelle dans l’administration d’un sacrement, ce qui n'était pas au pouvoir de l'Église anglicane. Si Notre-Seigneur n’a pas déterminé luimême, en détail, tous les éléments essentiels de chaque sacrement, il a dû nécessairement confier à son Église le pouvoir de le faire. Elle seule peut déterminer ce qui est nécessaire et conforme à la volonté du Christ pour que le rite produise son etïet. Toute autre forme n’aura de valeur, sa légitimité mise à part, que par sa conformité substantielle avec les formes admises et approuvées par l'Église. Si des modifications et des additions ont été apportées dans leurs rituels par des Églises particulières, elles ne touchèrent en rien à la partie essentielle ; elles eurent pour but d’amplifier certaines formules, de préciser par des cérémonies particulières le sens de l’ordination ; et tout cela fut accompli avec l’approbation au moins tacite de l'Église. Ce ne fut certainement pas le cas, nous le verrons plus loin, dans l'Église anglicane.

2. Les oraisons consêcraloires.

Laissant de côté

ces formules impératives, examinons ce qui, dans l’Ordinal anglican, correspond au canon consécratoire des autres liturgies et qui constitue vraiment la forme du sacrement de l’ordre.

La collation de chacun des trois ordres commence par une prière « Die ; i Tout-puissant », qui pourrait, en elle-même, être considérée comme une forme suffisante : l’office conféré y est indiqué et la grâce divine est implorée pour l’ordinand, afin qu’il serve Dieu fidèlement dans l’ordre reçu, ul lam orc quam bono exempta libi in hoc officio fideliter deseruiat. Ces mots se retrouvent dans les trois prières ; cf. Denny et Lacey, op. cit., p. 221, 228, 239. Mais cette prière du début n’est pas toujours récitée par l'évêque consécrateur et elle est éloignée de l’imposition des mains. Y aurait-il encore l’union morale requise entre la matière et la forme ? Le P. Harent, s’appuyant sur le cardinal Gasparri, Tract, can. de sacr. ord., t. ii, n. 1079, le croit. La /orme sacramentelle dans les ordinations anglicanes, dans les Éludes, t. i.xviii, p. 177. Cf. de Lugo, De sacrum, in génère, disp. III, sect. v, § 99. Dans le Pontifical romain, en effet, l’imposition des mains est séparée de la Préface, que l’on considère comme la forme de l’ordination sacerdotale par la prière Exaudi. Mais le cas n’est pas le même dans l’Ordinal anglican, où l’interruption est plus longue, où cette prière du début est séparée de l’imposition des mains par une inonition et par l’examen. Enfin, dans ces trois prières, les mots « in hoc officio » ne peuvent déterminer dans le bon sens les fonctions de diacre, de prêtre et d'évêque, comme nous le verrons à propos du canon consécratoire.

a) Diaconat. — II n’y a pas de canon consécratoire pour le diaconat qui, par le fait, ne peut être conféré validement. La forme impérative ne peut être retenue ; la prière du début, également, étant trop éloignée de l’imposition des mains pour constituer un rite valide.

b) Prêtrise. — Le canon consécratoire de la prêtrise, précédant immédiatement l’imposition des mains, est la prière suivante :

Omnipylens Deus, Pater cælestis, qui ex infinita tua caritate et bonitate erga nos dedisti nobis unicum et dilectissimum Filium tuum Jesum Christum, ut sit Redemptor noster et auctor vitæ sempiterme ; qui post redemptioneni nostram morte sua perfectam, et ascensionem suam in cselos, dimisit in mundum Apostolos suos, Prophetas, Evangelistas, Doctores et Pastores ; per quorum laborem et

ministerium in omni regione mundi magnum gregem collegit quo nominis sancti tui laus aeterna celebraretur ; pro bis tantis aeternæ Une bonitatis beneficiis, et propterea quod hos présentes famulos tuos vocare dignatus es ad idem oflieium et ministerium in salutem humani gencris institution, gratias tibi ex animo referimus, laudamus et adoramus te : suppliciter rogantes, per eumdem Filium tuum, ut omnibus aut hic aut alibi nomen tuum invocantibus tribuas gratum tibi animum pro liis et ceteris beneficiis luis exhibere, et in cognitione et fide tui et Filii tui per Spiritum sanction quotidie crescere et proficere : adeo ut tam per hos ministres tuos, quam per eos super quos constituti fuerint ministri, sanction nomen tuum in aeternum glorificetur, et amplificetur benedictum regnum tuum ; per eumdem… Trad. Iat. de Denny et Lacey, op. cit., p. 234.

La trame extérieure du canon consécratoire est assez bien conservée dans cette prière : elle comprend un préambule, rappelant la rédemption et la mission des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des docteurs et des pasteurs ; une seconde partie où l’on désigne l’office conféré et une troisième, où est implorée la grâce divine. On remarquera tout de suite l’insuffisance de ces deux dernières parties. Quel genre de ministère est conféré ?… Ad idem offlcium et ministerium in salutem humani generis institutum… Malgré leur apparente précision, ces termes sont bien vagues : hos ministros tuos peut désigner tous les membres de la hiérarchie ; ils conviendraient également à des ministres protestants. Le rapprochement avec le ministère des apôtres, évangélistes, etc., ne précise pas suffisamment ; on ne dit pas comment ces ministres sont leurs coopérateurs dans l’office de sauver le genre humain. Non seulement le titre de la fonction sacerdotale ne s’y trouve pas, mais aucun des pouvoirs du prêtre qui pourrait préciser le sens de ministros tuos n’est mentionné, même implicitement. C’est d’autant plus frappant que, dans la troisième, partie de la formule, ce n’est pas la grâce sacerdotale qui est demandée pour l’ordinand, mais le secours divin pour les fidèles. Comment d’ailleurs pourrait-il être question de demander à Dieu pour l’ordinand les grâces particulières de son ordre, puisque l’ordre n’est pas un sacrement ? D’après le xxve article du formulaire de foi, fixé sous Elisabeth, l’ordre n’imprime pas de caractère sacré. Il ne fut pas institué par le Christ et par les Apôtres, il n’est que la corruption des institutions apostoliques, corrupt following of the Apostles, il est tout au plus un état de vie autorisé dans les Écritures, state of live allowed in the Scriptures. La forme employée par l'Église anglicane ne représente pas l’effet qu’elle doit produire : le caractère » sacerdotal ne peut être donné.

c) Ëpiscopat. — Le canon consécratoire de l'épiscopat a un début identique, à peu de choses près, à celui de la prêtrise :

Omnipotens Deus, Pater misericors, qui ex infinita bonitate tua dedisti unicum et dilectissimum Filium tuum Jesum Christum, ut sit Hedemptor noster et auctor vitasempiternie : qui post redemptioneni nostram morte sua perfectam, et ascensionem suam in cselos, dona sua super homines abundanter elïudit, fæiens quosdam Apostolos, quosdam autem Prophetas, alios vero Evangelistas, alios autem Pastores et Doctores, ad ledificationem et consummationem Lcelesias sua ;  : da, quæsumus, eam gratiam huic famulo tuo, qua semper paratus sit ad evangelizandum bona tua, ad pra ?dicandam reconciliationem : et potestate quam tribuis, non in destructionem, sed in salutem, non ad injuriant sed ad auxilium utatur : quatenus, ut fidelis servus et prudens, familia ; tuæ dans cibum in temporc opportuno, in gaudium sempiternum tandem suscipiatur. IVr Jesum, ., Denny et Lacey, op. cit., p. 242.

Il y a dans cette prière une demande de grâces pour l'élu, dont les fonctions sont désignées par les mots : ad evangelizandum bona tua, ad prædicandum… Cette 118J

ORDINATIONS ANGLICANES. INSUFFISANCE DU RITE

1182

constatation avait amené Mgr Boudinhon à conclure : « on peut donc soutenir que l’oraison Almighty God employée par l’Ordinal pour la consécration des évêques remplit les conditions que l'étude comparée des textes catholiques nous a démontrées comme nécessaires et suffisantes ; par conséquent elle serait valable pour produire les effets sacramentels de la consécration épiscopale. » Op. cit., p. 56. Il ne lui apas échappé cependantque la prière ne désignait pas l’ordre conféré ; qu’aucune fonctionproprement épiscopale n'était mentionnée et qu'à considérer cette formule isolément on pourrait l’entendre aussi bien du presbytérat ou d’un autre ordre ; mais il lui a paru que l’ensemble des cérémonies de l’ordination en fixaient suffisamment le sens et la détermination.

Nous avons, en effet, admis que les pouvoirs propres à chaque ordre ne devraient pas nécessairement être mentionnés de façon explicite dans le canon consécratoire ; mais qu’ils devaient être précisés soit par les rites secondaires, soit par la croyance et l’interprétation de l'Église. En particulier, il faut que la forme soit telle qu’elle puisse être capable de faire de véritables prêtres, au sens propre du terme, des prêtres sacrificateurs, puisque c’est là le propre du sacerdoce ; cf. Conc. Trid.. sess. xxiii, can. 1, et de véritables évêques possédant le sacerdoce suprême et ayant pouvoir de perpétuer la hiérarchie. On ne peut pas dire que la forme de l'épiscopat chez les anglicans soit ainsi précisée : l’ensemble de l’Ordinal et la doctrine officielle de l'Église anglicane démontrent le contraire.

3. L’ensemble de l’Ordinal et la doctrine de l'Église anglicane sur le sacerdoce et l'épiscopat. — L'étude des cérémonies secondaires et de la doctrine de l'Église anglicane démontre l’inefficacité de la forme de l'épiscopat et confirme l’affirmation précédente de l’insuffisance de la forme du sacerdoce.

a) Suppression des véritables pouvoirs du prêtre et de l'évêque dans l’Ordinal. — Le véritable auteur de l’Ordinal est Cranmer. Cf. Denny et Lacey, op. cit., p. 69. Il a subi l’influence du protestant Bucer. Ce dernier, dans le but d’affirmer l'égalité des trois ordres, avait proposé une formule unique pour chacun des trois degrés de la hiérarchie. Cranmer ne l’a pas suivi jusque-là. La préface qui précède l’Ordinal rappelle même l’institution par les apôtres des trois degrés de la hiérarchie et la volonté de l'Église d’Angleterre de les conserver. « Depuis le temps des apôtres, il y a eu dans l'Église du Christ ces trois ordres de ministres, les évêques, les prêtres et les diacres.. Et c’est pourquoi, afin que ces ordres soient perpétués et respectueusement employés et estimés dans l'Église d’Angleterre, nul homme ne sera compté ou considéré légitime évêque, prêtre ou diacre, si ce n’est qu’il ait été éprouvé, examiné et accepté pour cela d’après la formule qui suit ci-dessous. » Trad. S. Smith, DM. apol., t. iii, col. 1185.

Au début de l’ordination l’archidiacre mentionne l’ordre qui va être conféré ; également la première oraison « Dieu Tout-Puissant. » Ces termes de prêtre, priest, et d'évêque, bishop, qui sont conservés dans l’Ordinal, suffisent-ils pour préciser la forme ? Le sacrement de l’ordre a pour but d'établir un sacerdoce dont la principale fonction est d’offrir un sacrifice, de consacrer le corps du Christ. Or, il est évident que les modifications apportées par Cranmer au rite alors en usage en Angleterre étaient destinées à supprimer toute idée de sacrifice et de sacerdoce.

Les anciens rituels anglais, Salisbury, Exeter, Winchester, Bangor, employaient, comme le rituel romain, les termes ofjerre, sacramenta confleere, pour désigner les fonctions du prêtre ; on présentait à l’ordinand le calice et la patène : tout cela a été sup primé. Cette dernière cérémonie, que l’on avait encore conservée en 1550, en changeant toutefois la formule, accipe potestatem ofjerre sacrifteium, en cette autre, accipe potestatem prædicandi… et administrandi sancta sacramenta, fut abolie en 1552, comme superstitieuse. Les changements sont sensibles dans la prière consécratoire ; malgré son antiquité et sa présence dans tous les rituels d’Angleterre, à l'époque du schisme, on y retranche tout ce qui rappelait un sacerdoce chargé d’offrir le sacrifice de l’autel : la mention des prèti’es sacrificateurs de l’ancienne Loi, figure du sacerdoce nouveau, a disparu ; le mot même de sacerdoce est supprimé, avec tous les attributs sacerdotaux. Alors que dans les rituels de Sarum et d’Exeter le consécrateur disait : sacerdolem oportet ofjerre, benedicere, prxesse, prxdicare, confteere et baptizare, le nouvel Ordinal lui fait dire : Domini eritis nuntii speculatores, pastores et dispensatores. Vestrum erit familiam Domini docere, monere, pascere, curare…. Enfin la bénédiction finale, Benedictio Dei omnipotentis descendat super vos ; ut sitis benedicti in ordine sacerdidali, et offeratis placabiles hostias pro peccatis atque ofjensionibus populi, devient : Ut omni justitia induantur, et verbum tuum per ipsorum ora prædicalum tam bene succédât, ut nunquam frustra proferatur. Probst, Die allesten ramischen Sacrarnentarien und Ordines, Munster, 1892, p. 53 et 199 ; W. Maskell, Monumenta ritualia anglicanes Ecclesix, 2e éd., Oxford, 1882, t. ii, p. 165-297 ; Estcourt, op. cit., p. 260. Ces changements sont significatifs : l’Ordinal anglican a modifié la forme du sacrement, dans le dessein d’enlever au mot priest le sens de prêtre sacrificateur, qu’on doit trouver et qu’on trouve dans tous les rites d’ordination, soit dans la forme ellemême, soit dans les cérémonies secondaires. C’est en vain que Denny et Lacey, op. cit., p. 136, objectent que le terme vague priest est précisé dans la traduction latine du Prayer Book de 1560, où il est rendu par sacerdos. Il n’est pas certain que cette traduction ait jamais été reconnue officiellement et, d’ailleurs, quel sens aurait-il dans un Ordinal d’où toute idée de sacrifice est exclue ? On ne saurait non plus sérieusement prétendre que l’on a voulu, en modifiant l’Ordinal, revenir à la simplicité des institutions apostoliques. Quelle est l'Église protestante qui n'émet lias une pareille prétention ? Cf. Dalbus, Les ordinations anglicanes, p. 30. On a conservé les termes en usage à l'époque des apôtres, mais en les dépouillant des erreurs papistes et en les revêtant d’une autre signification.

La forme de l'épiscopat, aussi ambiguë que celle de la prêtrise, n’est pas mieux précisée par l’ensemble des prières de l’Ordinal ; il n’y a rien qui suppose le sacerdoce suprême. Les prières de l’Ordinal ont été modifiées dans le même sens que celles de la prêtrise : suppression de tout ce qui rappelle le sacrifice eucharistique et le pouvoir de consacrer. Il ne sert donc de rien que le terme d'évêque ait été conservé, puisqu’il peut être pris dans un double sens : dans sa signification étymologique de surveillant, permettant de n’y voir avec les protestants qu’un surintendant, un administrateur ecclésiastique, ou dans sa signification véritable et traditionnelle de ministre du Christ, revêtu du sacerdoce suprême. Les modifications apportées à l’Ordinal s’opposent à ce qu’on l’entende dans ce dernier sens.

D’ailleurs, sans le presbytérat antérieurement conféré, peut-il y avoir un véritable épiscopat ? La question a pu être discutée ; cf. De Augustinis, De re sacramentaria, 2e éd., t. ii, p. 541 sq. Quoi qu’il en soit de cette controverse, il est certain que l'épiscopat ainsi conféré per saltum ne pourrait être valide que dans le cas où le rite employé donnerait de véritables

pouvoirs sacerdotaux. Comment pourrait-on penser à un sacerdoce suprême, là où il n’y a pas apparence de sacerdoce ? « Il est hors de doute, dit Léon XIII, que, de par l’institution même du Christ, l'épiscopat se rattache véritablement au sacrement de l’ordre et est un sacerdoce d’un degré excellent, puisque, dans le langage des Pères comme dans notre usage rituel, il est appelé le sacerdoce suprême, la plénitude du sacerdoce. Il en résulte que, puisque le sacrement de l’ordre et le vrai sacerdoce du Christ ont été bannis entièrement du rite anglican et puisque, dans la consécration épiscopale suivant le même rite, le sacerdoce n’est aucunement conféré, l'épiscopat ne peut donc plus être conféré vraiment et réellement ; d’autant plus que parmi les principales fonctions de l'épiscopat se trouve celle d’ordonner des ministres pour la sainte eucharistie et pour le sacrifice. » Bulle Apostolicæ curæ.

b) Suppression des véritables pouvoirs du prêtre et de l'évêque dans la doctrine de l'Église anglicane. — Que les termes ambigus de priest et de bishop aient été interprétés dans leur sens protestant, nous avons déjà pu l'établir par l’examen de l’Ordinal. C’est bien ce sens qu’on leur a donné pendant longtemps dans une grande partie de l'Église anglicane et qu’ils ont encore maintenant pour un grand nombre de ministres de cette Église. Les idées de Cranmer, qui eut la part principale dans la rédaction de l’Ordinal de 1550 et dans celle des deux Prayer Book de 1549 et de 1552, ne laissent aucun doute à cet égard. Il n’y a pour lui qu’un seul sacrifice, celui par lequel « le Christ s’est offert une fois pour abolir le péché jusqu'à la fin du monde, par une seule effusion de son sang… Pour remettre nos péchés, nous ne devons plus chercher d’autre prêtre et d’autre sacrifice que lui et son sacrifice… La doctrine de l'Église (sur la messe) est contraire à l'Évangile et injurieuse au sacrifice du Christ… C’est un blasphème abominable de donner à un prêtre l’office ou dignité qui n’appartient qu’au Christ. Et toutes semblables messes papistes sont à bannir simplement des Églises chrétiennes, et l’usage véritable de la Cène du Seigneur doit être rétabli, en laquelle le dévot peuple assemblé puisse recevoir le sacrement chacun pour soi, afin de déclarer qu’il se souvient du bienfait qu il a reçu par la mort du Christ, et pour témoigner qu’il est membre du corps du Christ, nourri de son corps et abreuvé de son sang spiiituellement. » Cranmer, Lord’s Suppcr, t. ii, p. 346 sq. On retrouve les mêmes idées chez Ridley, évêque de Londres, Œuvres, p. 321 et app. vi. Ces paroles sont comme le résumé anticipé de ce qui sera l’enseignement officiel de l'Église anglicane sous Edouard VI et Elisabeth : rejet du sacerdoce, du sacrifice eucharistique et de la présence réelle ; ce sont les doctrines protestantes introduites en Angleterre par les réformateurs du continent, pourvus de chaires à Oxford (Pierre Martyr), ou à Cambridge (Bucer), ou de bénéfices ecclésiastiques à Canlorbéry. Ces idées ne sont pas personnelles à Cranmer. Elles ont trouvé leur application pratique dans le Prayer Book et furent codifiées dans les Trente-neuf articles.

Le premier Prayer Book a été imposé par l’Acte d’uniformité de février 1549. On a voulu n’y voir qu’une correction modérée, généralement conservatrice en ses tendances, du missel de Sarum ; cf. Frère, History of the Book of common Prayer, p. 52-5 1 ; Wakeman, History of the Church of England, p. 270. Sans doute, les nouveaux réformateurs avançaient avec prudence. Le but de Cranmer, d’après Strype, Memorials of archbishop Cranmer, t. i, p. cxxiv et 184, était d'éliminer du missel tous les termes qui faisaient de la messe un sacrifice et qui rappelaient la consécration du pain et du vin au corps et au sang

du Christ ; d’introduire intégralement les doctrines protestantes, d’accord avec Jean de Lasco et Mélanchthon. Une lettre de Richard Hilles, calviniste ami de Cranmer, à un autre calviniste, Henri Bullinger, 4 juin 1549, témoigne que l’on n’est pas encore disposé en Angleterre à accepter tous les rites de Calvin, Lettres de Zurich, 1. 1, p. 265. C’est l’influence luthérienne qui prévaut alors ; les paroles de l’institution, dans le Prayer Book de 1549, sont à rapprocher de celles du missel de Nuremberg-Brandebourg de 1533 ; cf. Gasquet et Bishop, Edward VI and the Book of common Prayer, app. vi. Or Luther rejetait l’idée de sacrifice. Il y a d’ailleurs dans cette première édition du Prayer Book, comparée au missel de Sarum, des suppressions bien significatives : l’offertoire a disparu ; dans le canon et les autres parties de la messe, toutes les phrases qui faisaient allusion au sacrifice ont été modifiées ou supprimées. Dans le rapport qu’ils ont envoyé au Saint-Office, en 1896, dom Gasquet et le chanoine Moyses en ont donné seize exemples. Ordines anglicani, p. 62-63 et app. m. Il n’y a plus qu’une sorte de sacrifice, celui de la louange et de l’action de grâces, sacrifice of praise and thanksgiving ; cf. Estcourt, op. cit., p. 340 ; Lee, King Edward the Sixlh Suprême Head, p. 98 sq. Pour éviter toute autre interprétation dans l’esprit des fidèles, « pour détourner les simples des superstitieuses opinions de la messe papiste… car l’autel sert à sacrifier, la table à offrir aux hommes un repas », on remplaça les autels par de simples tables ; sous l’influence de Ridley, évêque de Rochester, la couronne donna l’ordre, en 1550, d’opérer partout cette substitution. Cf. D. W. Raynal, The Ordinal of Edward VI, p. 28.

Mais ce premier Livre de la prière commune était encore, aux yeux de certains, trop conservateur, surtout relativement à la doctrine de la communion ; les idées de Calvin sur la cène l’emportaient sur celles de Luther et commençaient à s’imposer. Leur pénétration est évidente dans la rédaction du Prayer Book de 1552 ; cf. sur l'étroite parenté entre les deux liturgies anglicane et calviniste, R. Bersier, Projet de revision de la liturgie des Églises réformées de France, Paris, 1888.

Dans cette nouvelles édition, les dernières traces de la messe disparaissent. Le canon est partagé en deux parties : la première placée au début de l’office devient une prière pour l'Église militante et la seconde, rejetée à la fin du service, une prière d’action de grâces. Les mêmes efforts sont faits pour éliminer des formules de prière tout ce qui faisait penser à la présence réelle de N.-S. sous les saintes espèces. Les paroles : « Daignez bénir et sanctifier ces dons qui vous appartiennent et ces créatures du pain et du viii, afin qu’elles soient pour nous le corps et le sang de votre très cher Fils J.-C, » pouvaient encore être interprétées en un sens orthodoxe, on les supprime et on les remplace par les suivantes : « Faites-nous la grâce que, recevant ces créatures du pain et du viii, selon la sainte institution de votre Fils J.-C, notre sauveur, en mémoire de sa passion et de sa mort, nous soyons faits participants de son corps et de son sang très précieux. » L’ancienne formule de la communion, conservée en 1549, est remplacée, en 1552, par la suivante : « Prends et mange ceci en commémoration que J.-C. est mort pour toi, et te repais de lui en ton cœur, par foi, avec action de grâces. Bois ceci en commémoration que le sang du Christ a été répandu pour toi, et rends grâces. » On peut compter neuf changements de même signification introduits dans le nouveau Prayer Book de 1552. Cf. The Drift of the liturgical changes, dans le Tablet, 12 juin 1897, p. 924 ; Ed. Bishop et dom Gasquet, Edward VI and the Book of common Prayer, Londres, 1890.

Et pour qu’il ne reste aucun doute, la « rubrique noire », insérée au Prayer Book de 1552 par Edouard VI, supprimée en 1661, puis rétablie avec quelques modifications, explique, pour qu’on n’y voie pas un acte d’adoration, le maintien de la coutume de recevoir la communion à genoux : Hic declaraiur nullam per eam vel intendi vel faciendam esse adorationem aut sacramentalis Panis et Vini ibi corporaliler acceptorum aut corporalis cujusquam prsesentiæ Garnis et Sanguinis naturalium Christi. Sacramentalis enim Panis et Vinum in suie proprietate naturæ vel substantise permanent, ideoque ea adorare non licet : id enim idolatria esset, ab omnibus fidelibus christianis abominanda. On peut discuter, cf. Dalbus, op. cit., p. 23-24, sur la signification de certains termes, sur la substitution des mots « présence corporelle » à « présence réelle », mais il est impossible de donner à cette formule un sens orthodoxe ; le refus d’adoration implique la négation de la présence réelle.

On a objecté que la « rubrique noire » ne faisait pas partie du texte liturgique, qu’elle avait été ajoutée par Edouard VI. Mais le roi était le chef de l'Église ; on acceptait son intervention dans les questions doctrinales et liturgiques, aussi bien qu’en matière disciplinaire.

On retrouve d’ailleurs cette même doctrine sur le sacrifice et la présence réelle dans les Trente-neuf articles, issus de l’assemblée du clergé de 1563, résumés des Quarante-deux articles d’Edouard VI : ils constituent le credo officiel de l'Église anglicane. Le xxxi° article rejette le sacrifice : « L’offrande du Christ offerte une seule fois est la parfaite rédemption, la propitiation et la satisfaction pour tous les péchés du monde entier, originel aussi bien qu’actuels ; il n’y a en dehors de celle-là aucune satisfaction pour le péché. C’est pourquoi les sacrifices des messes où, disait-on communément, le prêtre offrait le Christ pour les vivants et pour les morts, n'étaient que fables impies et illusions dangereuses. » Le xviir 3 article nie la transsubstantiation : « La transsubstantiation ne peut être prouvée par la Sainte Écriture ; elle est contraire aux textes clairs de la Bible ; elle détruit l’essence du sacrement et a donné lieu à de nombreuses superstitions. — Dans la cène, le corps du Christ est donné, reçu, mangé, mais seulement d’une manière divine et spirituelle, et le moyen par lequel le corps du Christ est reçu et mangé dans la cène est la foi. D’après l’institution du Christ on ne conservait pas, on ne portait pas, on n'élevait pas, on n’adorait pas le sacrement de l’eucharistie. »

On a cherché à voir dans cette doctrine de l'Église anglicane sur le sacrifice le simple rejet d’une opinion fausse, communément admise, concernant la nature du sacrifice eucharistique. Dalbus, op. cit., p. 26 sq. ; Haddan, Apostolical succession, p. 269-274. Le regret de certains anglicans, « qu’on ait pu mutiler les anciens livres liturgiques jusqu’au point de permettre le doute sur la réalité du sacrilice, » ne fait rien à la chose. Il est certain que beaucoup rejettent les erreurs du passé et veulent donner un sens acceptable, plus conforme à la tradition, à la doctrine officielle de leur Église. Mais la question n’est pas de savoir ce que croit actuellement certaine fraction de l'Église anglicane. Pour déterminer la valeur du nouveau rite usité pour conférer le sacerdoce, pour préciser le sens de la formule qui y est adoptée, c’est aux idées des réformateurs eux-mêmes et aux doctrines officielles qu’il faut recourir. Or, il ne subsiste aucun doute : l’Ordinal, le Livre de la prière commune et le Credo officiel excluent toute idée de sacrifice ; le sacerdoce n’est plus un sacrement. On voit par là quel est le sens du rite d’ordination : c’est une signification nouvelle qui a été donnée aux termes de prêtres

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

et d'évêques ; on a voulu établir des ministres ne possédant aucune des prérogatives essentielles du sacerdoce et de l'épiscopat catholiques ; et pour atteindre ce but on a modifié intentionnellement l’ancien Pontifical. A supposer donc, ce qui n’est pas, que le degré de la hiérarchie soit suffisamment indiqué dans la forme même de l’ordre conféré, le rite serait encore en lui-même frappé d’inefficacité, signifiant tout autre chose que ce que Jésus-Christ, l’auteur des sacrements, et l'Église, interprète infaillible de la volonté du Christ, ont voulu qu’il représente et réalise.

Il n’y a pas que des catholiques pour soutenir cette conclusion : « On peut raisonnablement se demander, écrit le ritualiste Lee, si, à l’exception des évêques catholiques, il y avait un seul écrivain anglican, évêque, prêtre ou diacre, qui maintînt nettement la réalité du sacerdoce chrétien et d’un sacrifice véritable de l’Agneau de Dieu dans la sainte eucharistie. » King Edward the sixth Suprême Head, p. 88, n. 1. Cf. Jewell, A treatise of sacrements, Works, t. ii, p. 129 ; Withaker, Besponsio ad decem rationes Edmundi Campian jesuitæ, resp. ad rat. 8 et 9. Et il ne manque pas, de nos jours, d’anglicans pour affirmer que leur Église n’a ni réel sacrifice, ni tribu sacerdotale pour s’interposer entre Dieu et l’homme ; cf. Farrar, Sacerdotalism, dans la Contemporanj Beview, juillet 1892 ; du même, Undoing the work oj Beform, id., juillet 1893 ; Ryle, dans le Tablet, 10 novembre 1894, p. 739.

C’est encore l’opinion d’un grand nombre de Russes et de Grecs schismatiques, bien que le patriarche de Constantinople, Mélétios IV Métaxakis, ait reconnu, dans une lettre encyclique de 1922, la validité des ordres anglicans. Texte dans la Documentation catholique, t. xiv, 1925, col. 1012-1023. Cf. M. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iii, Paris, 1930, p. 438-440.

m. l’intention du ministre. — L’intention est la volonté délibérée de conférer un sacrement, de réaliser ce qu’a institué Jésus-Christ. Le décret d’Eugène IV pour les Arméniens donne l’intention comme l’un des trois éléments constitutifs des sacrements : Hœc omnia sacramenta tribus perftciuntur, videlicet rébus tanquam materia. verbis tanquam forma, et persona minislri conferentis sacramentum cum intentione jaciendi quod facit Ecclesia : quorum si aliquod desit non perftcitur sacramentum, DenzingerBannwart, n. 695. Le concile de Trente a défini : Si quis dixerit in ministris dum sacramenta conficiunt et conferunt non requiri intentionem saltem jaciendi quod facit Ecclesia, a. s., sess. vii, de sacr. in gen., can. 11. L’intention doit être véritable et intérieure, il suffit qu’elle soit virtuelle et implicite ; il n’est pas nécessaire qu’elle porte sur les etïets, sur la grâce produits par le sacrement : exprimitur generalis inlentio in verbo baptizandi (ego te baptizo), et illa expressio sufficit ad intentionem Ecclesiee, scil. ad fcciendum quod facit Ecclesia, licet non credat hoc aliquid valere. Albert le Grand, In IV uni, dist. VI, a. 11 ; Franzelin, De sacramentis in génère, p. 207-208. L’intention n’est donc pas radicalement viciée par l’erreur du ministre. Enfin, il n’est pas non plus requis que le ministre veuille faire ce que fait l'Église catholique, il est suffisant qu’il ait l’intention d’accomplir ce que fait l'Église en général, la véritable Église, ou ce que Jésus-Christ a institué : Si absolule velit facere quod Christus institua sed ex errore non putet hoc esse id quod romana Ecclesia facit, ex altéra tamen parte adhibeal materiam et formam, confteitur sacramentum. C. Pesch, Pnvlect. dogm., t. vi, 4e éd., p. 131.

Forts de ces principes théologiques, les anglicans affirment avoir vraiment l’intention de faire ce que fait l'Église. Ils raisonnent ainsi : l’Ordinal anglican

T. — XI — 38

a pour but d’ordonner des diacres, des prêtres et des évêques, membres de cette hiérarchie d’ordre que reconnaît l'Église anglicane, tout comme l'Église catholique. Tout ministre qui emploie l’Ordinal a cette intention, comme l'évêque catholique qui utilise le Pontifical. Et cette intention est suffisante puisque, d’après les théologiens les plus autorisés, le ministre du sacrement doit seulement vouloir d’une volonté générale, virtuelle, faire ce que fait l'Église de Jésus-Christ, volonté que peuvent avoir les hérétiques et les schismatiques. Denny et Lacey, op. cit., c. iv, De intenlione ministri. Pour résoudre cette question de la suffisance de l’intention chez les ministres anglicans, il est nécessaire de considérer l’intention : 1. en elle-même, abstraction faite des rites employés, 2. telle qu’elle est déterminée par ces rites.

1° L’intention considérée en elle-même, abstraction faite des rites employés. — On concède volontiers que beaucoup de ministres anglicans actuels ont cette volonté intérieure de consacrer de véritables prêtres et de conférer le caractèie épiscopal. Encore n’est-ce pas le cas de tous. Le cardinal Vaughan, dans une lettre du 2 octobre 1894, citée dans le Canoniste contemporain de décembre 1894, p. 712-714, rapporte qu' « un ami lui a assuré que, lorsqu’il fut ordonné comme anglican, l'évêque préluda par cet avertissement : « maintenant faites attention à ceci, Monsieur, que je ne vais pas vous ordonner pour être un prêtre sacrifiant. » L’avertissement pouvait être inusité ; mais l’intention et la doctrine qui y étaient contenues n'étaient-elles pas communes ? Et n’y a-t-il pas aujourd’hui des prélats anglicans qui déclarent solennellement qu’en ordonnant ils n’ont pas l’intention de faire des prêtres sacrifiants ? » Mais on peut restreindre la question au cas de Barlow ou à celui de Parker : le défaut d’intention chez l’un ou chez l’autre a suffi pour interrompre la transmission du pouvoir d’ordre et rendre, par la suite, invalides toutes les ordinations. Leur hérésie a-t-elle vicié leur intention ?

C’est la doctrine de l'Église que l’hérésie, même contraire à l’essence du sacrement, n’exclut pas nécessairement Yintenlio jaciendi quod facit Ècclesia. Lehmkuhl expose très nettement cet enseignement : Alque adeo ne illa quidem intentio omnino requiritur, qua velit minister exercere ritum quem ipse pro sacro et gratiee efjicaci habet, modo velit eum ritum quem scit ab aliis haberi pro sacro ila peragere, uti ab aliis pro sacro habeatur… Hac de re optime Suarez, De sacr., disp. XIII, sect. n : « Dicendum est requiri intentionem faciendi sacramentum vel sub hoc conceptu, vel sub aliqua ratione confusa et communi seu wquivalenli, scil. intendendo facere quod Christus instiiuil, vel quod christiani faciunt, vel aliquid simile : quilibet enim ex his modis intenlionis absque controversia sufficit, et requiri potest in hecrelicis vel alio infideli. » Quare sola hæresis vel infidelitas per se nunquam est sufficiens ratio de intenlione requisila dubitandi. Theol. mor., t. ii, n. 26.

La raison en est très simple. L’intention est un acte de la volonté. Cet acte de la volonté faciendi quod facit Ecclesiapeut exister seul dans l'âme, au moment de l’administration du sacrement. Il en est ainsi lorsque, à ce moment, le ministre agit en faisant abstraction de ses idées personnelles, opposées à la doctrine de l'Église. On ne voit pas comment ici les opinions hérétiques pourraient vicier l’acte de la volonté, n’ayant aucun rapport avec elles. Il en est de même de l’hérésie concomitante : Sacramenti enim validilati non officit privatus ministri error, cui prœvalet (jeneralis ejusdem ministri intentio faciendi quod Christus instiluit, seu quod fit in vera Christi Ecclesia. Benoît XIV, De syn. diœc, t. VII, c. vi,

n. 9. Le baptême est valide, même si le ministre croit que ce rite ne produit que des effets extérieurs : l’intention générale de faire ce que fait l'Église prévaut sur l’erreur privée du ministre. Une erreur sur l’indissolubilité du mariage ne l’empêche pas d'être réellement contracté, toujours pour la même raison : Ex lus plane consequitur matrimonium inter virum et feminam contractum, quo tempore ambo calvinianæ sectse adhserebant, validum firmumque censendum esse, tametsi cum céleris ejusdem hæresis sectatoribus falso opinali fuerint, matrimonium etium quoad vinculum, adullerio interveniente, dissolvi : siquidem credendum est cos generali voluntate contrahere voluisse matrimonium validum, juxta Christi legem, ideoque etiam adulterii causa non dissolvendum. Privatus enim error nec anteponi débet, nec prsejudicium afferre potest generali quam diximus voluntati, ex qua contracti matrimonii validitas et perpetuitas pendet… Benoît XIV, De syn., t. XIII, c. xxii, n. 3.

Ce qui est exact du baptême et du mariage, l’est également du sacrement de l’ordre : l’erreur simplement concomitante du ministre n’affecte pas la volonté générale de faire ce que fait l'Église. Cela est si vrai que, si Barlow, Parker et les autres évêques anglicans avaient administré ce sacrement sans rien changer à la matière et à la forme usitées dans l'Église romaine, ils l’auraient conféré validement, malgré leur conception erronée du sacerdoce et de l'épiscopat, et il ne serait venu à l’esprit de personne de considérer les ordinations ainsi faites comme invalides par défaut d’intention. La volonté du ministre ne serait cause de nullité pour le sacrement que dans le cas où il dirait en lui-même : je veux faire ce que fait l'Église, mais je ne veux ni conférer la grâce, ni imprimer le caractère. Il y aurait ici deux actes de volonté : je veux, je ne veux pas…, actes de volonté qui sont contraires et qui s’excluent. Ate contrario ordinatio foret nulla prorsus, si minister intendit quidem facere quod facit Ecclesia Christi, sed simul aclu posilivo et explicito voluntatis, non vult confteere sacramentum aut ritum sacrum, aut facere quod facit Ecclesia romana, aut conferre potestatem ordinis, aut imprimere caracterem, etc. Nam in casu forent duo voluntatis actus positivi et contrarii, quorum posterior priorcm destruit, vel qui mutuo eliduntur, et ideo minister rêvera non vult facere quod facit Ecclesia Christi. Gasparri, Tract, can. de sacr. ord., t. ii, n. 969 ; De la validité des ordinations gallicanes, dans la Revue angloromaine, t. i, p. 531-536. Le cas peut se produire, mais il ne peut être prouvé directement ; l'Église elle-même ne peut en juger. Celui qui applique sérieusement la matière et la forme usitées par l'Église sera toujours considéré, quels que puissent être ses sentiments intimes, comme ayant voulu faire ce que fait l'Église, comme ayant validement conféré le sacrement.

C’est pourquoi, si on considère l’intention seule, abstraction faite des rites employés, on ne peut la déclarer insuffisante chez les anglicans, cause de nullité de leurs ordinations. Cf. Boudinhon, Étude théologique sur les ord. angl., dans le Canoniste contemp., 1894, p. 390 sq. Mais cette mauvaise intention pourra être manifestée et servir de base au jugement porté sur la validité de ces ordres, d’après les circonstances extérieures, et parmi ces circonstances nulle n’est plus apte que le rite employé pour déterminer quelle a été la véritable intention.

L’intention déterminée par le rite anglican.


C’est donc d’après les circonstances extérieures que l’on peut juger de la véritable intention, ainsi que l’a justement remarqué Léon XIII : « L'Église ne juge pas de la pensée ou de l’intention, en tant qu’elle est quelque chose d’intérieur ; mais elle doit en juger en tant qu’elle se manifeste extérieurement. Lorsque

quelqu’un a employé sérieusement et comme il faut la matière et la forme nécessaires pour faire et conférer un sacrement, il est par là même censé avoir eu l’intention de faire ce que fait l'Église. C’est sur ce principe que s’appuie la doctrine d’après laquelle un sacrement est valable lorsqu’il est conféré par le ministère d’un hérétique ou d’un homme non baptisé, pourvu qu’il le soit selon le rite catholique. Au contraire, si le rite est modifié dans le dessein manifeste d’en introduire un autre non admis par l'Église, et de rejeter ce que fait l'Église et ce qui, par l’institution du Christ, appartient à la nature du sacrement, il est alors évident que non seulement l’intention nécessaire fail défaut, mais encore qu’il existe une intention contraire et opposée au sacrement. » Bulle Apostolicæ curæ.

Dans leur réponse à la bulle, les archevêques d’Angleterre admettent avec Léon XIII qu’il faut juger de l’intention du ministre, quatenus extra proditur ; et ils essayent de montrer par divers arguments que cette intention de faire ce que fait l'Église existe vraiment chez eux : Quæ quidem intentio ab Ecclesia nostra yeneraliter proditur cum promissionem ab ordinando exigat, ut doctrinam, sacramenta et disciplinam Christi recte ministrare vêtit, et eum, qui huic promisso in/idum se monstraverit, jure puniendum doceat. Et in lilurgia conlinuo oramus « pro episcopis et parothis » ut lam vita quam doctrina sua verum vivumque (Dei) verbum annuntient, et sanrta (Ejus) sacramenta recte et rite ministrent. — « Sed intentio Ecclesiæ qualenus extra proditur » exquirenda est ex formulis scilicel publicis et sententiis definitis quæ rei sumniam recta via tangant ; non ex omissionibus et reformationibus per occasionem factis, secundum libertalem quæ unicuique provinciæ et genti competit, nisi si quid forte (imittatur quod in verbo Dei aut statutis universæ Ecclesiæ cognitis et certis ordinalum fueril. Responsio… § viii, Lacey, op. cit., p. 363-364.

Le premier argument, tiré du serment exigé des ordinands et de la prière liturgique pour les évêques et les curés, est acceptable, si l’on donne au mot sacramenta, incluant le sacrement de l’ordre, sa véritable signification de signe sensible de la grâce conférée par le rite. Mais était-ce bien ce sens que lui prêtaient ceux en qui il faut voir les auteurs de la hiérarchie actuelle, Cranmer, Barlow et Parker ? On fait appel aux formules publiques et aux doctrines officielles : elles ont été étudiées plus haut, et l’on a vu qu’elles détournaient de leur véritable sens les termes de prêtre et d'évêque ; qu’il n'était plus question de grâce sacramentelle conférée dans le sacrement de l’ordre. Ces omissions et ces réformes, per occasionem factæ, que les archevêques semblent regarder comme secondaires et accessoires, ont une importance capitale, puisque ce sont elles qui ont détourné les rites de l’ordination sacerdotale et de la consécration épiscopale de leur véritable signification.

Elles nous font voir quelle était la véritable intention de ceux qui ont donné naissance à la hiérarchie anglicane : intention enlevant toute efficacité au rite employé, parce que ce rite n’est plus celui qui a été institué par.Jésus. Le pape Zacharie, répondant à une question de saint Boniface, a résolu un cas qui présente beaucoup d’analogies avec celui qui nous occupe actuellement. L’apôtre de la Germanie avait demandé à Rome s’il convenait de réitérer le baptême à ceux qui l’avaient reçu d’un prêtre qui, peu versé dans la langue de Cicéron, employait la forme : Ego baptizo te in nomine Patria, Filia et Spiritu sancta. Au sentiment de Boniface, un tel baptême était invalide'. Zacharie répond : Sed, sanctissime frater, si Me qui baplizavil non errorem inlroducens aut hæresim, sed j>rn sola iynoranlia romanæ locutionis infringendo

linguam, ut supra fati sumus, baptizans dixisset, non possumus consentire ut denuo baptizentur, Mansi, Concil., t.xii, p. 325. La forme ici était susceptible d’une double interprétation, l’une orthodoxe, l’autre hérétique : l’intention du ministre lui donne sa valeur : agissant par ignorance de la langue, il confère le sacrement ; introduisant une erreur dans la forme, son intention vicie complètement le rite, qui ne' produit aucun eiïet.

On peut très bien appliquer cette doctrine aux premiers ministres anglicans. « Dans l’Ordinal d’Edouard VI, on avait fait des changements considérables, par rapport aux anciens rites, et cela dans l’intention expresse d'éliminer la prétendue superstition papiste que l’ordination confère un pouvoir mystique sur les sacrements, et de n’y laisser que ce qui était conforme à la doctrine protestante d’une délégation provenant d’une autorité purement humaine. Les anglicans prétendent que, quel qu’ait pu être le dessein des compilateurs, les changements qu’ils ont introduits n’ont pas pu faire disparaître les éléments essentiels du rite valide des ordinations. Ils ont laissé l’imposition des mains et une forme susceptible d’un sens catholique. Faisons-leur cette concession, bien qu’elle soit excessive. Le rite reste, cependant, à tout le moins, ambigu, et cette ambiguïté doit être résolue dans le sens des opinions de ceux qui ont composé ce rite et qui s’en sont servi. On ne saurait objecter contre ce raisonnement que, d’après les théologiens catholiques, un ministre hérétique administre validement un sacrement toutes les fois qu’il a « l’intention générale de faire ce que fait l'Église par ce sacrement » ; car ce principe n’est valable que pour les cas où la matière et la forme employées sont celles dont se sert l'Église catholique, ou que du moins elles n’admettent pas d’autre sens. Si on introduit dans la forme un autre sens, dans le but de la rendre susceptible d’une interprétation hérétique, l’intention hérétique du ministre est, pour la raison donnée plus haut, fatale à la validité du sacrement. » S. Smith, Rome’s Witness against Orders, dans The Month, juillet 1893, p. 372, cité par Boudinhon, Étude théologique sur les ord. angl., dans le Canoniste contemporain. 1894. p. 389.

Ainsi le rejet du rite adopté par l'Église, l’adoption d’un rite nouveau, dans le dessein d’introduire l’hérésie, sont bien une preuve de l’absence, chez le ministre, de l’intention de faire ce que fait l'Église ; il n’est même pas besoin, au sentiment du cardinal d’Annibale, que des changements essentiels soient apportés à la forme : une modification accidentelle, avec ce dessein d’introduire un nouveau rite ou une hérésie, suffit pour témoigner du défaut d’intention : Quod autem quidam docent sacramentum non valere si minister immutaverit aliquid accidentaliter, ut novum rituni vel errorem introducat, sic accipiendum est quia is non creditur habere intentionem faciendi quod facit Ecclesia. Summula, iii, n. 101, note 18.

Dans le rite anglican, les modifications sont essentielles. Barlow et Parker, ont ariopté un rite nouveau, différent de celui de la véritable Église ; ils ont introduit dans ce rite une doctrine sur le sacerdoce et l'épiscopat contraire à l’orthodoxie. C’est la preuve extérieure, évidente, qu’ils n’avaient pas l’intention de faire ce que fait l'Église, mais bien une intention tout opposée. Ce défaut d’intention a suffi pour arrêter la transmission du pouvoir sacerdotal dans l'Église anglicane, pour rendre nulles toutes les ordinations qui ont suivi.

Conclusion. - La controverse sur la validité dès ordinations anglicanes a eu pour effet de montrer la légitimité et la sagesse de la conduite suivie pendant trois siècles par l'Église jusqu'à nos jours.

Jamais l'Église n’a permis à un ministre anglican converti au catholicisme d’exercer les ordres reçus suivant l’Ordinal d’Edouard VI ; elle a toujours imposé dans ce cas, non pas une ordination sub conditione mais une ordination absolue. Cette pratique repose, non sur l’ordination de Barlow, qui ne paraît plus pouvoir être niée, ni sur la fable du sacre de Parker dans la taverne de Cheapside, qu’il faut rejeter, mais sur des raisons théologiques qui permettent de formuler un jugement sûr : la déficience du rite, dans lequel les formes de l’ordination sacerdotale et de la consécration épiscopale ne sont pas suffisamment déterminées, mais sont, au contraire, par leurs omissions, susceptibles d’interprétation hérétique ; et l’intention, opposée à celle de l'Église, des fondateurs de l'Église anglicane. C'était donc un devoir pour Léon XIII d’agir ainsi qu’il l’a fait, en proclamant la nullité des ordinations anglicanes.

Nous laissons de côté tous les ouvrages généraux ; pour n’indiquer que ceux qui ont spécialement traité de la question. Une grande partie de cette bibliographie est empruntée à Lacey, A roman Dianj, p. 398-406.

I. Du xviie siècle A 1893. — Kellison, Survey of the neiv religion, Douai, 1603 ; Holywood, De investiganda vera et visibili Clwisti Ecclesia, 1604 ; Fitzsimon, Britannomachia ministrorum, Douai, 1604 ; Fr. Mason, Vindication of the ordinations of the Church of England, 1613 ; Champney, De vocatione ministrorum, Douai, 1616 ; P. Talbot, The nullity of the prelatical clergꝟ. 1657 ; G. A. Burnet, Vindications of the ordinations of the Church of England, 1677 ; H. Prideaux, The validity of the orders of the Church of England, 1688 ; J. Constable, Clerophiles alethes, 1714 ; Le Gourayer, Dissertation sur la validité des ordinations anglicanes, Bruxelles, 1724 ; du môme, Défense de la Dissertation, 1725 ; du même, Supplément à la Dissertation, 1732 ; Le Quien, Nullité des ordinations anglicanes, 2 vol., Paris, 1725 ; Elrington, The validity of the english ordinations established, 1818 ; A. W. Haddan, Apostolic succession in the Church of England ; P. Kenrik, The validity of anglican orders examined, 1811 ; F. G. Lee, The validity of the orders in the Church of England, Londres, 1870 ; Baynal, The Ordinal of Edivard VI, 1870 ; T. G. Bailey, Défense of the holy orders in the Church of England, Londres, 1870 ; du même, English orders and papal supremacꝟ. 1871 ; E. Estcourt, The question of anglican ordinations discussed, 1873 ; A. H. Hutton, The anglican ministrꝟ. 1879.

II. De 1893 a 1893. — E. Denny, Anglican orders and jurisdiction, 1893 ; Butler, Rome’s tribute to anglican orders, Londres, 1893 ; Breen, Rome’s tribute to anglican orders, dans la Dublin Runeiv, oct. 1893 ; F. Dalbus (Portai), Les ordination' : anglicanes, Paris, 1894, et dans la Science catholique, 1893-1894 ; A. Boudinhon, De l’ordre et des ordinations, dans le Bulletin de l’Inst. cathol. de Paris, 189 1 ; du même, Étude théologique sur les ordinations anglicanes, Paris, 1894, et dans le Canoniste contemporain, juin et juillet 1894 ; du même, De la validité des ordinations anglicanes, Paris, 1895, et dans le Canoniste contemporain, juillet-novembre 1895 ; du même, Ordinations schismatiques copies et ordinations anglicanes, Paris, 1895, et dans le Canoniste contemporain, avril ol mai, 1895 ; L. Duchesne, Les ordinations anglicanes par Dalbus, dans le Bulletin critique, 15 juillet 1894 ; J. Wordsworth, De validitate ordinum anglicanorum responsio ad Balavos, Salisbury, 1894 ; B. Camn, La controverse sur les ordinations anglicanes, dans la Revue bénédictine, I. xi etxii, 18 !) 1-1895 ; J. Moyses, nombreux articles dans le Tablet, de février à décembre [895 ; I. Crowe, Anglican orders and the theory of the minister, dans Irish ecclesiaslical Record, Dublin, 1895 ; (i. Delasge, V(didité des ordinations anglicanes, Paris, (895 ; Ed. Denny et T. A. Lacey, De hierarchia anglicana disserlalio apologetica, Londres, 1895 ; P. Laurain, Le renouvellement des ordinations, dans le Canoniste contemporain, 1895 ; F. Tournebize, L'Église d’Angleterre a-t-elle réellement (e sacerdoce ? dans les Études religieuses, t. lxiv, 1895 ; du même, De quelques apologies en faveur des ordinations anglicanes, id., t. lxv ; du même, Le mouvement religieux en Angleterre, id., t. lxv ; du même, Le mouvement vers l’union en Angleterre, id., t. lxvii ; P. Gaspard, De la valeur des ordinations anglicanes, Paris, 1895, et dans la Revue anglo-romaine, t. I ; A. F. Marshall, The moral aspects

of the question of anglican orders, dans American catholic quarlerly revieiv, janvier 1896 ; la Revue anglo-romaine : Anonyme (cardinal Segna), Les ordinations anglicanes, à propos d’une brochure, t. i, p. 577-592 ; Halifax, Autorité et juridiction, t. I, p. 337-339 ; Fcalegon, Autorité et juridiction, t. i, p. 339-347 ; A. Boudinhon, Primauté, schisme et juridiction, t. i, p. 348-357 ; t. ii, p. 97-107 ; 160-171 ; R. Bayfield, Primauté, schisme et juridiction, 1. 1, p. 760-778 ; t. ii, p. 3-13 ; F. Portai, La crise religieuse en Angleterre, t. i, p. 728-746 ; T. A. Lacey, La doctrine de Nicolas Ridley sur l’eucharistie, t. i, p. 637-647 ; du même, De l’unité de l'Église d’après les théologiens anglicans, t. ii, p. 529-538 ; A. Boudinhon, Les aspects moraux de la question des ordres anglicans, t. IX, p. 60-74 ; du même, Nouvelles observations sur la question des ordres anglicans, t. ii, p. 625-632 ; 673-682 ; 770-791 ; E. Denny, L'Église anglicane et le ministère des Églises réformées, t. ii, p. 481-490 ; 539-554 ; Mac Devitt, Are anglican orders valid ? Dublin, 1896 ; Anonyme, Anglican orders, dans Church quarterly revieiv, t. xli et xlii, Londres, 1896 ; F. W. Puller, Les ordinations anglicanes et le sacrifice de la messe, Paris et Londres, 1896 ; T. A. Lacey, L’imposition des mains dans la consécration des évêques, Paris, 1896 ; du même Disserlationis apidogetica' de hierarchia anglicana supplementum, Rome, 1896 ; du même De re anglicana, Rome, 1896 ; A.Gasquet et J. Moyses, Rispostaall' opuscolo inlitolato De re anglicana, Rome, 1896 ; P. S. Harent, La forme sacramentelle dans les ordinations anglicanes, dans les Études religieuses, t. lxviii ; S. Smith, Reasons for rejecting anglican orders, dans Catholic truth Society, 1896 ; Gasquet, Moyses et Flemming, Ordines anglicani, expositio historien et théologien, Rome, 1896.

III. Après la puBLicifrioN de la bulle.

G. F. Browne, Anglican orders, Londres, 1896 ; F. W. Puller, The bull Aposlolica' cura' and the Edivardinc Ordinal, Londres, 1896 ; A. Benson, The Pope’s bull on anglican Orders, Dublin, 1890 ; F. Bampton, The papal bull on anglican orders, Londres, 1896 ; Gommittee of the hist. Society, .4 treatise on the bull Aposlolicæ curæ, Londres, 1896 ; W. H. Frère, Whal is the position of the roman catholic body in England ? Londres, 1896 ; The Marian reaction in ils relation to the english clergy, Londres 1896 ; F. N. Oxenham, Some considérations suggested by the Leller of Léo XIII on anglican orders, Londres, 1896 ; B. H. Story, The pope and anglican orders, Edimbourg, 1896 ; H. B. Swete, On the bull Aposlolicæ curæ, Cambridge, 1896 ; G. T. Stokes, The pope on anglican orders, Dublin, 1896 ; H. E. Hall, Anglican orders and the papal bull, Londres, 1896 ; V. Staley, Are our clergy righlly ordained ? Londres, 1896 ; F. Tournebize, Ordres anglicans et ministère des Églisis réformées, dans les Éludes, t. lxix ; T. A. Lacey, The pope and the anglicans : I. The sources of the bull, dans la Contemporary Revieiv, décembre 1896 ; Catholicus, The pope and the anglicans : II. The policy of the bull, id., décembre, 1896 ; A. Barnes, The popes and the Ordinal, Londres, 1896 ; No sacrifice, no priest ; or ivhy anglican orders ivere condemned, Londres, 1897 ; Ferey, Les ordinations anglicanes, dans la Revue du Monde catholique, 1897 ; Ed. Gollins, The internai évidence of the lelter Aposlolicæ curæ as to its own origine and value, Londres, 1897 ; M. Fui 1er, The anglican Ordinal, Londres, 1897 ; Responsio archiepiscoporum Angliss ail lilleras apostolicas Leonis papæ XIII de ordinationibus anglicanis, Londres, 1897 ; S. M. Brandi, La conilnnria délie ordinazioni anglicane, Rome, 1897 ; du même, Romae Canterbury, Esame délia risposta degli arcivescovi anglicani alla bolla Apostolicie cura', Rome, 1897 ; F. Tournebize, La réponse des archevêques anglicans à la bulle de Léon XIII sur les ordinations anglicanes, dans les Études, t. lxxii ; L. Bivington, Tekel : or the anglican archbishops arraigned al the bar of logic and convicted of 75 flaivs, Londres 1897 ; A. Lowndes, Vindication of anglican orders, 2 vol., NewYork, 1897 ; Von HackelbergLandau, Die anglicanischen Weihen und ihre neueste Apologie, Gratz, 1897 ; V. Sokolof, One chapter from an enquiry into the hierarchy of the anglican episcopal Church, Londres, 1897 ; J. B. Smith, Ordinals past and présent and Iheir wilness to the validity of english orders, Londres, 1898 ; l’indication of the bull Aposlolicæ curæ, by the cardinal archbishof) and bishops of the province of Westminster, Londres, 1898 ; W. K. Firminger, The altérations in the Ordinal of 1662 ; Why ivere they made ? Londres, 1898 ; Some comments on « the vindication of the bull », Calcutta, 1898 ; G. Spottiswoode, The holy orders of the Church of England, Londres, 1898 ; T. A. Lacey, The interprétation

of the english Ordinal, Londres, 1898 ; A. Bulgakoff, The question of anglican orders, in respect to a « Vindication » of the papal décision, translatée ! by V. J. Birbeck, Londres, 1899 ;.7. Moyses, Aspects of anglicanism ; or some comments on certain events in the nineties, Londres, 1900 ; S. H. B. Série, The validily of anglican ordinations, Londres, 1907 ; C. A. Briggs, Church unitg ; sludies of ils most important problems, Londres, 1910 ; T. A. Lacey, A roman Diary and others documents relatingtothe papal inquiry into English ordinations, MBCCCXCVl, Londres, 1910 ; dom Gasquet, Leaves from my Diarꝟ. 1894-1896, Londres, 1911 ; Vise. Halifax, Léo XIII and anglican orders, Londres, 1912 ; de La Serviêre, La controverse sur la validité des ordinations anglicanes, d’après des publications récentes, dans les Eludes, S septembre 1912 ; Sidney Smith, Ordinations anglicanes, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. iii, col. 1162-1228 ; J. Couturier, Le « Book of Common Prayer «  et l'Église anglicane, Paris, 1928.

L. Marchal.