Dictionnaire de théologie catholique/MAXIME DE CHRYSOPOLIS ou Maxime le confesseur (Saint)

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 10.1 : MARONITE - MESSEp. 231-237).

2. MAXIME DE CHRYSOPOLIS ou MAXIME LE CONFESSEUR (SAINT).

I. Vie. II. Écrits. III. Doctrine.

I. Vie.

Les renseignements sur saint Maxime de Chrysopolis sont contenus dans la Sancti Maximi vita ac certamen, les Actes de son martyre, œuvre d’Anastase, auxquels il faut joindre l’Hypomnesticon, tous

documents qui se trouvent en tête de l’édition des œuvres de Maxime par Combefls, Paris, 1675, P. G., t. xc. ci enfin les lettres dt saint.Maxime lui-même. Le premier de ces documents est l’œuvre d’un admirateur postérieur qui a utilisé, consciencieusement du reste, les Actes susdits, en racontant les dernières années de son héros, mais a dû suivre certaines conjectures au sujet de sa jeunesse et de sa lutte contre l’hérésie. Les autres documents sont de première valeur, tout à fait contemporains ; ils servent à contrôler, à corriger au besoin, la biographie anonyme. De la comparaison et de l’examen critique de ces sources, résulte le tableau suivant de la vie du saint.

Maxime naquit en 580 à Conslantinople d’une famille illustre, et reçut une éducation très soignée : vers l’âge de 30 ans, il fut appelé à la cour d’Héraclius pour y remplir les fonctions de premier secrétaire. Quelques années plus tard, vers 613-014, il renonçait à la gloire du siècle et s’enfermait au couvent de Chrysopolis en face de Constantinople. Plus tard, en 626, il fuyait devant l’invasion perse et passait les mers. Est-ce Chrysopolis qu’il abandonnait ainsi, est-ce une autre résidence plus éloignée de la capitale, on ne sait. L’absence de Maxime dura fort longtemps, peut-être même fut-elle définitive, malgré les déinarches qu’il fit pour rentrer dans son couvent. Le lieu de refuge de Maxime fut sans doute l’Afrique. C’est là que nous le trouvons avec Sophrone, le futur patriarche de Jérusalem, avant les commencements publics du monolhélisme. Il assiste probablement aux efforts de Sophrone à Alexandrie pour abolir le pacte d’union monénergiste. En 633 ou 634, Maxime, qui se trouve alors loin de la capitale, reçoit un écrit volumineux de Pyrrhus qui cherche à l’engager dans le monénergisme. Maxime se défend assez faiblement et demande un supplément d’explications ; il loue même Sergius dont la sentence a procuré la paix de l’Église. Ces éloges montrent que Maxime n’était pas encore entré en lutte contre la nouvelle doctrine. En effet, c’est après YEcihèse, et pour défendre les deux volontés, comme il nous l’apprend lui-même, que le saint s’est séparé de Pyrrhus, vers 640-641. Jusqu’alors, c’est uniquement contre le monophysisme qu’il dirige sa polémique. En 641, nous constatons encore la présence de Maxime en Afrique, où il apparaît l’ami et le conseiller du préfet Georges. En juillet 645, a lieu, à Carthage, en présence du patrice Grégoire, la célèbre conférence avec le patriarche déchu Pyrrhus, à la suite de laquelle celui-ci s’avoue convaincu et accepte d’aller porter à Rome sa profession de foi orthodoxe. Avant de se rendre dans cette ville, Maxime provoque en Afrique plusieurs conciles antimonothélites auxquels il assiste.

Vers la fin de 646, il est au centre de la chrétienté. Il ne dut pas être étranger à la convocation et à la tenue du concile du Latran, présidé par Martin I er l) ; mais, simple moine, il n’apparaît pas dans les délibérations conciliaires. On voit seulement le nom de Maxime moine au bas d’une supplique des moines présents à Rome présentée aux Pères du concile. La force publique impériale vient l’arracher de Rome, ainsi que le pape Mari in pour faire taire les seules voix qui dans l’empire proclament l’orthodoxie. En 653, Maxime est à Constantinople, en compagnie des deux Anastase, l’un, son disciple, l’autre, l’upocrisiaire romain. Il y subit plusieurs interrogatoires, où il confesse la vraie foi. Le premier eut lieu entre septembre 654 et mai 655. Un l’y accusa, sans pouvoir le prouver, d’avoir trahi les intérêts de l’Empire. Il n’en fut pas moins condamné à l’exil, à Byzias. A Byzias même, le 24 août, commença un second int croire. Ce fut plutôt une conférence théologique sur les deux volontés, où Maxime eul tous les avan DICT. DP. THÉOL. CATHOL.

tages, si bien que l’envoyé de l’empereur, l’évêque Théodose, en vint à parler, sincèrement ou non, de refaire sans tarder l’union avec Rome. Ce n’était pas là ce qu’on voulait, et Maxime, le 14 septembre, s’entendait condamner à l’exil et à la prison à Perbcra. On le ramena en 662 à Constantinople pour y subir un dernier assaut. Peine perdue. Il fut alors condamné à l’exil perpétuel, et conduit au pays des Lazes. Séparé de ses compagnons et enfermé au château de Schemarum, il y mourut le 13 août de la même année. Malgré l’affirmation de son biographe, il apparaît fort douteux que saint Maxime ait jamais été higoumène, et le titre d’abbé qu’on lui attribuait n’était sans doute qu’une appellation respectueuse. Et si c’est bien lui qui signe dans la supplique des moines au concile du Latran, comme il est infiniment probable, l’on doit ajouter qu’il n’était pas prêtre non plus. Tout son ascendant était fait de sa science et de sa vertu. Sur le cadre chronologique que nous venons de tracer, voir notre exposition détaillée, Notes d’histoire et de clironologie sur la vie de saint Maxime le Confesseur, dans les Échos d’Orient, 1927, t. xxvi, p. 24-32.

II. Œuvres. — Malgré une vie agitée, Maxime eut une grande activité littéraire. On peut classer ses écrits en cinq groupes : écrits exégétiques ; commentaires des Pères ; écrits théologiques de controverse ; écrits de contenu ascétique et mystique ; écrits liturgiques et divers. Nous donnerons ici les références à Combéfis, dont la pagination est reproduite dans Migne (le 1. 1 de Combéfis = t. xc de P. G., le t. u de Combéfis = t. xci de P. G.) Pour les ouvrages qui ne sont pas dans Combéfis, nous nous référons directement à P. G.

Écrits exégétiques.

Maxime cherche surtout

dans l’Écriture des leçons morales. Le texte sacré n’est le plus souvent pour lui qu’un point de départ pour des considérations ascétiques et mystiques.

Le plus important des écrits de ce genre est celui intitulé : 1. Queestiones ad Thalassium in locos Scripluræ difficiles, Comb., t. i, p. 1-296, qui s’ouvre par un traité sur le mal. Cet ouvrage est un de ceux qui donnent la plus haute idée de la puissance d’esprit et de l’originalité du saint ; les scholies qui accompagnent les chapitres sont d’un auteur inconnu du xi » siècle. 2. Quæsliones, inlerrogationes et responsioncs, connu aussi sous le nom de Quæsliones et dubia, t. i, p. 300334. 3. Expositio in Psalmum LIX (Deus, repulisti nos) ; l’auteur y déploie une exégèse où les nombres jouent un grand rôle. 4. Orationis dominiez, brevis expositio, 1. 1, p. 334-356, où l’auteur fait correspondre chaque demande du Pater à un degré ou état de la vie chrétienne. 5. Ad Theopemptum scholasticum, sur trois passages du Nouveau Testament, t. r, p. 635-640. 6. Fragments divers dans les Chaînes qui n’ont pas encore été réunis.

Commentaires des Pères.

Les Pères commentés

par Maxime sont Denys le Mystique et saint Grégoire de Nazianze.

Le premier surtout fut commenté avec un soin religieux, dans la persuasion où était notre auteur de l’identité du personnage avec l’Aréopagite converti par saint Paul. Ce fut Maxime qui fixa pour ainsi dire d’une manière définitive l’interprétation catholique des œuvres de Dcnys. Plusieurs écrits furent consacrés x cette t ; tie (.iddia m beali Ditnysii libros (Ha rarchic céleste, Hiérarchie ecclésiastique, Noms divins. Théologie mystique). précédés d’un prologue et d’une êpjxïjveia Àsçewv. On les trouve avec la traduction latine de Lansselius dans P. G., t. iv, col. 14-526. 7. Scholia in epislolas Dionysii, ibid., avec la traduction de Cordier, col. 527-576. H. Sancli Maximi Con f essor is de variis diffleillimis locis SS. PP. Dionysii et Gregorii Nazianzeni ad Thomam virum

X.

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sanctum, sur quatre passages des discours de saint Grégoire de Nazianze De Filio, et un passage d’une lettre de Denys à Gaïus. P. G., t. xci, col. 1031-1060. 9. Ambigua in Gregorium Nazianzenum ad Joannem Cijzici archiepiscopum, ibid., col. 1001-1417.

Écrits théologiques et de controverse.

.Maxime a touché à beaucoup de sujets théologiques dans ses divers ouvrages, mais il a consacré, peut-on dire, la plus grande. partie de son activité à la défense du dogme christologique.

Plusieurs de ces écrits sont dirigés uniquement contre le monophysisme et ont été composés probablement avant l’entrée en lutte contre le monothélisme, vers 640-641. Ce sont : 10. De duabus Christi naturis, Comb., t. ii, -p. 76-78. 11. De qualitate, proprietate cl différentiel ad Theodorum presbylerum in Mazario, t. ii, p. 134-140 ; 12. Une défense du concile deChalcédoine, t. ii, p. 140-142. 13. Capita de substantiel seu essentia et naturel, deque hypostasi et persona, t. ii, p. 143-146. 14. Epislola ad Joannem cubicularium.de redis Ecclesice decrelis, et adversus Severum hærelicum, t. ii, p. 259-291. 15. Ad Petrum illustrcm oratio brevis seu liber adversus dogmala Severi, t. ii, p. 291-307, écrite avant l’avènement de Sophrone au patriarcat, car il y est question de lui comme moine. 16. Ad eumdem epistola dogmatica, t. ii, p. 307-313. 17. De commuai et proprio, h. e., de essentia et hypostasi ad Cosmam diaconum Alex., t. ii, p. 313-334. 18. Une autre lettre au même, t. ii, p. 334-336. 19. Ad Julianum Alexandrinum de ecclesiastico dogmate quod attinet ad Dominicam incarnationem, t. ii, p. 336-339. 20. Ex persona Georgii làudatissimi præfecti Africse ad moniales quæ Alexandriæ a fîde caiholica discesserant, t. ii, p. 339342. Les écrits énumérés de 14 à 20 occupent dans la collection des lettres éditées par Combéfis la série xii XIX.

Mais c’est surtout contre le monothélisme que le grand moine eut à lutter. A cette question se rapporte un grand nombre d’opuscules ou de fragments : 21. Ad Marinum epistola de duabus in Christo voluniatibus, t. ii, p. 1-17. 22. Ad Marinum ex traclatu de operationibus et voluniatibus, t. ii, p. 18-27. 23. Ad Georgium presbylerum ac hegumenum de Christi mysterio, t. ii, p. 27-31. 24. Trois courts fragments contre les monothélites : Super illud : Pater, si ficri potest, transeal a me calix, t. ii, p. 32-34. 25. Tomus dogmalicus ad Marinum diaconum in Cyprum insulam missus, t. ii, p. 34-46. 26. Ad episcopum Nicandrum, de duabus in Christo operationibus, t. ii, p. 46-58. 27. Ad catholicos per Siciliam constitutos, t. ii, p. 58-69. 28. Ad Marinum presbylerum Cypri, écrite de Carthage, t. ii, p. 69-72.

29. Defloratio ex epistola scriptu ad Petrum illustrem, où il est question de Pyrrhus, de divers papes, de Sophrone, écrit sous le pape Théodore, mine précieuse de renseignements historiques, t. ii, p. 74-76.

30. Variæ definitiones, t. ii, p. 78-81. 31. Spirilualis lomus ac dogmalicus adversus Heraclii Eclhesim, ad Slephanum Dorensem episc, t. ii, p. 81-98, écrite de Rome avant que parût le Type de Constant (648). 32. De duabus unius Christi Dei nostri voluniatibus, t. ii, p. 98-114. 33. Distinclionum et unionum definitiones, t’. ii, p. 115-116. 34. Theodori byzanlini monolhelilæ quæsliones cum Maximi solulionibus, t. ii, p. 116-123. 35. Tomus dogmaticus ad Marinum presbyterum, t. ii, p. 123-134. 36. Fieri non posse ut dicatur ima in Christo volunlas, t. ii, p. 146-149. 37. Capita decem de duplici voluntate Domini ad oiihodoxos, t. ii, p. 149-151. 38. Ex quæstionibus a Thcodoro monacho proposais, t. ii, p. 151. 39. Divcrsie definiliones SS. Palrum de duabus operationibus Domini, t. ii, p. 154-158. 40. Disputatio cum Pyrrho, le plus important des écrits de Maxime contre le monothélisme, 4. ii, p. 159-195. 41. Epistola ad Pyrrhum presbylerum

et hegumenum, t. ii, p. 343-347, écrite en 63 I : Maxime n’avait pas encore pris parti dans la querelle. 42. Quelques courts fragments, t. ii, p. 31-32 et 151. On peut aussi rattacher à la classe des écrits antimonothélites de Maxime : 43. Les Actes de la conférence de Hyzias entre Maxime et Théodose, évêque de Césarée de Bithynie, t. i, p. xliv-lviii.

Des écrits de Maxime touchant la Trinité, il ne reste que : 44. Une lettre à Marin, prêtre de Chypre, où il a un passage sur la procession du Saint-Esprit, t. ii, p. 70, notre auteur y justifie la, formuie latine Filioque ; 45. Un fragment ex opère LXII1 dubiorum ad Achridse regem, t. i. p. 071, et l’explication du premier texte de saint Grégoire de Xazianze mentionné plus haut sous le numéro 9.

Au sujet de l’âme humaine, saint Maxime a laissé un opuscule plein de doctrine : 46. De anima (nature et propriétés de l’âme), t. ii, p. 195-200, et deux lettres : 47. Ad archiepiscopum Joannem, animam esse incorpoream, t. ii, p. 238-243 ; 48. Ad Joannem (ou Jordanem), animam a morte intelligere, nec ullam ex jacultatibus quæ insunt a natura amillere, t. ii, p. 243-247.

Ouvrages de contenu ascétique et mystique.


Outre les commentaires de l’Écriture et de Denys cités plus haut, Maxime a composé plusieurs ouvrages à but directement ascétique.

En premier lieu vient : 49. Le « discours ascétique d Liber ad pielalem exercens (Xôyoç àa/C/)Tix6ç), t. i, p. 363-393, dialogue entre un abbé et un jeune moine sur les principales obligations de la vie religieuse. 50. Les Capita de charitate, 1. 1, p. 394-460, au nombre de 400, divisés en quatre centuries, forment comme un appendice du livre précédent. 51. Les Capita theologica et ceconomica, 1. 1, p. 461-511. 52. Alia capita 243, 1. 1, p. 640-671 53. Ad Georgium præfectum Africse sermo horlatorius, t. ii, p. 201-218. 54. Trois lettres à Jean le cubiculaire, De charitate, t. ii, p. 219-231, De trislilia secundum Deum, t. ii, p. 231-235, Cur alii aliis divino judicio præsinl homines, t. ii, p. 253.

Ouvrages liturgiques.

55. Mystagogia, ouvrage

sur le symbolisme de la liturgie, t. ii, p. 489-527. Cet ouvrage a connu de nombreuses éditions, et jusqu’à une traduction turque en caractères grecs, publiée à la suite des Proverbes de Salomon à Constantinople en 1799, in-8° ; l’écrit de Maxime, Sep’.ç £xxXï]osvy ; v poo/avisr [xaveoi, occupe la seconde moitié du livre p. 73-132. Un résumé grec a été fait du traité de saint Maxime et traduit par Anastase le Bibliothécaire. Cf. S. Pétridès, Traités liturgiques de saint Maxime et de saint Germain traduits par Anastase le Bibliothécaire, dans Revue de l’Orient chrétien, 1905, t. x, p. 289 sq. et 350 sq. 56. Brevis enarratio christiani paschalis, écrite en 640 et dédiée à Pierre l’Illustre, P. G., t. xix, col. 1217-1280.

Divers.

Un ms. de Vienne attribue à Maxime

57. Chronologie ! succincla vitse Christi, extrait d’un ouvrage plus considérable, publiée par Bratke, dans la Zeitschrift fiir Kirchengeschichte, t. xiii, p. 382384. 58. Un certain nombre de lettres de circonstance, Combéfis, t. ii, passim. 59. Trois hymnes, P. G., t. xci, col. 1418-1424.

A cette longue liste il faut ajouter les ouvrages inédits suivants : 60. De secundo adventu, Bibliotheca Coisliniana, p. 310. 61. Suvaywy/) Xéïecov, Combéfis, t. i, p. 680.

Sous le nom de Maxime sont signalés d’autres écrits qu’il faudrait examiner de près pour en fixer l’authenticité. Ce sont : 62. Quæsliones sacræ miscellaneæ ad Nicephorum, Nessel, t. ii, p. 2, 6.(53. MaÇîfAOO ôtvoXoyrçToo xscpdcXaia xoct’'Apeîou, XaêsXXîou x.aî Eùtù^ouç, dans Cod. sinait., n. 385 de Gardthausen. 64. Sancli Maximi capita XV, dans Cod. palat. græc. 91, fol. 247. 65. De S. Trinilale et de Christo brevis MAXIME DE CHRYSOPOLIS OU MAXIME LE CONI’ESSEUR

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formula fidei, dans Cad. pal. greec. 328, fol. 151. 66.’AvriXoY’a u-srà’Avou, oîou, tîy ouv’Apiavtoxou, Lambros, Mont Athos, coçl. 4506, fol. 244. 67. Quid sit peccatam contra Si>iritum Sanction, Bodl. Cromw., cod. 10. fol. 347. — Georges Scholarios attribue aussi à saint Maxime une oâXs ; iç’OpÔoSôEouxocl Mavixaîou ; cf. Lequien, dans P. G., t. xciv, col. 1505-1506.

Ouvrages douteux ou apocryphes.

1. KeçiXaia

GeoXoy.xà ^TOt ÈxXoyal èx Staçôpcov [316Xîa>v tcov te xa6’'/) ; a5tç xai tcov OJpxOsv, ou Loci communes, Comb., t. ii, p. 528-689, florilège abondant de sentences inorales dont on n’a pas encore fixé l’auteur ni l’époque. On a remarqué une certaine relation littéraire entre ce recueil et les Sacra Parallela attribués à saint Jean Damascène. Cf. là-dessus Holl, Texte und Unlers., nouvelle série, 1. 1, 1897, fasc. 1, p. 342 sq. et t. v, 1901, fasc. 2. p. xxi sq. ; Byzant. Zeilschrift, t. vii, p. 166 sq. 2. KsçxXoaa Siâcpopx QzoXoyixi te y.xl olx.ovou.ixa xat 7rept àperîjç xal xaxtxç, Comb., t. ii. p. 512-640, divisés en cinq centuries. C’est l’œuvre d’un compilateur postérieur qui a réuni là un grand nombre de sentences prises dans les ouvrages de saiiit Maxime, y compris les ayokiv. qui les accompagnent. W. Soppa, Die diversa capita unter den Schrijten des ht. Maximus Confessor in deulscher Bearbeitung und Quellenkritischer Beleuchtung, 1922, est parvenu à identifier tous ces Capita, sauf les 48 premiers de la première centurie, qu’il conjecture, pour des raisons internes, appartenir à saint Maxime, et le 49e de la troisième centurie, qu’il suppose être une scholie. Antoine Mélissa serait l’auteur de cette compilation. 3. Les cinq Dialogues sur la Trinité (parmi les œuvres de saint Athanase, P. G., t. xxviii, col. 1115-1286), souvent attribués à saint Maxime, sont d’une origine plus ancienne.

III. Doctrine.

1° Christologie. Nous étudierons successivement la manière dont Maxime conçoit la constitution et les opérations de Sauveur.

1. Constitution du Christ.

Les notions métaphysiques qui servent à Maxime à exposer le mystère de l’incarnation paraissent dans l’ensemble empruntées à Léonce de Byzance. Nature, hypostase, union hypostatique, rôle du nombre, distinction entre’j~oc77x<y’.ç, àvUTCoaTOCTOv, èvu7TÔ(7TaTov. rapports entre la nature et l’hypostase, Maxime a là-dessus les mêmes idées que son devancier. Nous ne les répéterons donc pas, et nous nous contenterons d’indiquer certains points de divergence qui marquent chez notre auteur un efl’ort et un progrès vers plus de clarté.

Tout d’abord, et cette différence est d’importance, la notion qu’a saint Maxime de l’union physique est tout à fait distincte de celle de Léonce. Celui-ci, pour qui toute nature est parfaite et complète, ne conçoit point d’union naturelle permanente où deux natures imparfaites concourent à former une nature parfaite, mais seulement des unions naturelles in fieri et transitu, où deux natures, altérant mutuellement leurs propriétés, donnent naissance à une nature nouvelle et distincte. S’il y a donc union permanente entre deux natures, c’est une union hypostatique. C’est une union hypostatique donc et non physique qui existe dans l’homme entre l’âme et le corps. Saint Maxime s’écarte là-dessus de Léonce. Cette idée d’union naturelle permanente qui échappe à celui-ci, il la conçoit parfaitement. Pour lui, deux natures incomplètes et imparfaites peuvent former une nature complète et parfaite, et c’est ce qui a lieu pour notre âme et notre corps. Entre eux, il n’y a pas seulement union hypostatique, mais union naturelle, et d’abord union naturelle, car un rapport mutuel d’essence les unit l’un à l’autre. Telle est la principale différencc de concepts philosophiques qui sépare Maxime de Léonce.

Une autre différencc qui découle de la première

concerne l’existence des hypostases. Pour Léonce, deux hypostases préexistantes peuvent fort bien, par une union hypostatique, devenir une seule hypostase et de nouveau se séparer et redevenir deux hypostases. Rien de tel n’apparaît chez saint Maxime. Il déclare même expressément qu’une hypostase préexistante ne peut passer à une hypostase d’une autre espèce, et se sert de ce principe pour nier la préexistence des âmes. P. G., t. xci, col. 1024 A.

On conçoit d’après tout cela quelles seront les précisions nouvelles qu’apporte Maxime dans la théologie de l’incarnation. La célèbre comparaison de l’âme et du corps ne peut être pour lui ce qu’elle était pour Léonce : un pur décalque. Il l’admet, certes, dans les grandes lignes, à savoir, que de part et d’autre il y a union entfe substances diverses, et que le résultat en est une seule hypostase, mais, à descendre dans le détail, ce n’est pas ressemblance, mais opposition qu’il constate, puisque dans l’homme que nous sommes, il y a d’abord union naturelle, fondement de l’union hypostatique, et qu’entre le Verbe et son humanité il n’y a qu’union hypostatique, sans union physique. Aussi, beaucoup plus justement que son devancier, Maxime peut-il repousser l’expression p.f.a tpûaiç aûvŒroç. Il est également mieux inspiré que lui quand il dénie à l’humanité du Christ la possibilité de sa préexistence à l’incarnation. Cf., sur l’exposé précédent, V. Grumel, La comparaison de l’âme et du corps et l’union hypostatique chez Léonce de Byzance et saint Maxime le Confesseur, dans Échos d’Orient, 1926, t. xxv, p. 393-406.

Dans sa défense du dogme christologique, notre saint insiste avec force et sur l’unique hypostase et sur la double nature. C’est une seule et la même hypostase qui subsiste avant et après l’incarnation. Comb., t. ii, p. 36, 265, 299. Il accepte franchement la formule cyrillienne : Mîa çùcnç toû 0eoù Aoyoo aeaapxouiv/ ;, ibid., p. 286. Mais c’est sur les deux natures qu’il insiste le plus volontiers, à cause des monophysites. Il accentue encore les formules antérieures sur ce sujet. On disait communément avant lui : « de deux natures et en deux natures. » Il précise : Le Christ est de deux natures, il est en deux natures, et il est deux natures. C’est sa formule favorite : on ne compte pas le nombre de fois où elle revient sous sa plume. Avec le nombre des natures, c’est aussi leur intégrité qu’il a à cœur de maintenir, en particulier l’intégrité de la nature humaine. De l’homme, le Verbe a tout pris, tout sauf la qualité d’individu, zejptç toù ÛTioxstuivou, P. G., t. xci, col. 1320. C’est ce principe qu’il poussera jusqu’au bout dans sa lutte contre les monothélites. Les passions elles-mêmes ont été assumées, celles du moins qui sont compatibles avec la sainteté du Sauveur. Mais elles ont été en lui d’une manière surnaturelle, c’est-à-dire, qu’elles étaient toujours mues, et non motrices, ibid., col. 1053 C.

Un dernier point que Maxime affirme avec une particulière énergie est la maternité divine de Marie. Il dit expressément que Marie est la mère du Verbe lui-même, l’un de la Trinité, Comb., t. ii, p. 287, qu’elle a conçu vraiment le Verbe lui-même, engendré du Père avant tous les temps, ibid., t. ii, p. 332, que le Verbe lui-même a été en elle le germe qui la féconda. Ibid., t. ii, p. 29, 537, 553.

2. Les opérations du Christ.

A propos des opérations du Christ se pose un double problème, le second, du reste, grelfé sur le premier. Il y a d’abord le problème qu’on peut appeler ontologique, à savoir : Étant donné qu’il y a en Jésus-Christ deux natures et une hypostase, devra-t-on dire qu’il y a deux activités, ou bien une seule activité.’en d’autres termes : l’activité ressortit-elle à la nature ou à l’hypostase’? Le second problème, qu’on peut appeler psychologique ou moral,

est celui-ci : La personnalité divine dans l’union hypostatique supprime-t-elle le ressort de l’activité humaine, la volonté ?

La réponse de Maxime au premier problème est que l’activité est chose de nature, et par conséquent suit toujours la nature et en est inséparable. Comb., t. ii, p. 71, 191-192. Le Verbe, ayant assumé la nature humaine, a donc pris avec elle l’activité humaine. Maxime établit longuement, et à toute occasion, que l’agir est chose de nature. C’est même, pour lui, l’action qui fait la distinction des choses. On ne les connaît que par là. L’activité des êtres tient à leur essence, et rien n’est qui n’agisse ; ce qui n’agit pas n’a pas d’être. Ce n’est pas que Maxime sépare totalement l’action de l’hypostase. Il ne l’en sépare pas plus qu’il n’en sépare la nature. C’est bien l’hypostase qui agit, mais par la nature, et donc l’agir doit se dénombrer par la nature. C’est pourquoi en Dieu, où il n’y a qu’une nature en trois hypostases, il y a, non pas trois activités, mais une seule. Inversement, en Jésus-Christ, où il y a deux natures en une hypostase, il y a aussi deux activités, et non une seule, t. ii, p. 174. C’est là l’un des principaux arguments que saint Maxime reproduit sans cesse contre les hérétiques. Mais, si les hypostases de même nature ont une même espèce d’activité, il y a cependant des différences dans la manière de la réaliser, t. ii, p. 71. Tous les hommes parlent, ou rient, mais chacun a sa manière particulière de parler ou de rire, et vis-à-vis de la loi des mœurs, les uns sont bons, les autres sont mauvais. A l’hypostase appartient donc quelque chose de l’activité, un mode particulier qui lui est propre et qui est incommunicable, et qui est une propriété hypostatique. Mais ce mode ne change pas l’espèce ontologique de l’activité, il n’en est qu’une expression différente selon les individus, t. ii, p. 186-187.

La solution que Maxime apporte au problème ontologique des opérations du Christ est donc très simple et très claire. L’activité, comme propriété naturelle, appartient à la nature, en est inséparable, et donc se multiplie selon la nature. Puisqu’en Jésus-Christ il y a deux natures, il est nécessaire qu’il y ait aussi deux activités. Par suite, l’hypostase unique, qui ne fait point de deux natures une seule nature, ne saurait faire non plus de leurs deux activités une seule activité ; elle fait seulement que les opérations humaines, ont leur cachet propre, du fait que la nature humaine qui les produit appartient hypostatiquement à la divinité et participe à sa puissance, t. ii, p. 52-53. L’effet de ces deux activités, humaine et divine peut être unique, comme il arrive dans les miracles, et c’est dans leur conjonction que Maxime voit réalisée la parole de Denys : èvépyeoa GeavSptxr), dont se prévalaient les monénergistes. Cette célèbre expression contient pour lui l’affirmation des deux natures. Il explique aussi en ce sens la ouyTev/) ; xoù Si’àfJKpoïv, è7riSe8eiY(jiévY] èvépyeia de saint Cyrille d’Alexandrie, t. ii, p. 43-44.

Le problème psychologique ou moral concernant la volonté était plus délicat, à cause du caractère d’autonomie que présente à première vue cette faculté et de la dépendance absolue où doit rester l’humanité du Christ vis-à-vis de sa divinité. Avant tout, il fallait sauvegarder la sainteté du Christ, lui dénier la possibilité de pécher, et par suite le libre choix entre le bien et le mal, et même la moindre tendance vers le mal. En ce sens moral, on ne pouvait dire qu’il y avait en Jésus-Christ deux volontés. On devait même dire qu’il n’y en avait qu’une. C’est ce qu’avait dit, plus ou moins clairement, Honorius. Mais les monénergistes s’emparèrent de cette expression pour lui faire signifier leur doctrine. Rome, vite remise de la première surprise, les condamna. A Maxime revint l’honneur de

formuler les distinctions nécessaires qui devaient dissiper toutes les équivoques.

Notre moine-philosophe distingue 0sXr ( (La, OéXr.aiç et 9eXt]t6v, t. ii, p. 2-3, 162. Le 0ÉXy ; |jia est la tendance vers le bien, la faculté du bien. Il signifie aussi le pouvoir d’autodétermination. QiXr^’.ç, signifie une tendance particulière, abstraction faite de son contenu. 0sXt)t6v est l’objet désiré. 0s>Y)u, a est aussi employé dans le sens de GéXïja’.ç. La distinction capitale que Maxime introduit est la distinction de 8é).r, |xa çuauc6v et de 0éÀ7)[i.a yvco ;.ux6v. Le 0sXr ; [jia’pua’.xov est la tendance foncière de l’être vers son bien. L’objet en est Ta xaxà 9’jaiv, c’est-à-dire les choses conformes à l’ordre établi par le Créateur. En l’homme, la faculté de vouloir est en dépendance de celle de connaître. Le Qz’/r t [j.'x yva>[.ux6v, c’est la volonté qui agit après une réflexion de la raison (yvcou, 7J). La volonté physique n’est pas autre chose que la faculté ou l’acte de vouloir, le simpliciler velle, tô cctzIou ; 0sXeiv, t. ii, p. 161, la volonté gnomique signifie toujours tel ou tel vouloir précis, le sic velle, t6 ttwi ; OsXeiv, t. ii, p. 162, Maxime appelle encore cette dernière : GsX^jxa 7tpoaips-71xôv ou 7rpoaîpeai< ;, volonté d’élection. La 7rpoaîpeaiç provient de l’incertitude de la connaissance qui nécessite la délibération (PouXyj). Aussi comporte-t-elle la possibilité de pécher, c’est-à-dire, de vouloir des choses en dehors de l’ordre établi pour les natures par Dieu, xà Tuapà cpua’.v, t. ii, p. 171-172. Il en est de la propriété de vouloir comme des autres propriétés. Identique en tous selon l’espèce, elle se diversifie selon les individus. Le 0éXr, [i.a cpijo’.xôv se trouve en tous également et semblablement, comme la nature elle-même, mais le OéX/j[j.a yvw^ixov est une caractéristique de la personne, une propriété hypostatique. Appliquant ces données au Christ, Maxime enseigne qu’en lui il y a le QèXy]y.a. çycixov avec les actes simples, sans délibération (parce que sans ignorance), qu’il comporte. Cette volonté naturelle est prouvée en cent endroits de l’Écriture où sont manifestés des désirs ou des sentiments de Jésus-Christ, qui ne peuvent point être élicités par la nature divine, t. ii, p. 177-179. Quant à la volonté gnomique, fruit de la délibération, signe d’ignorance, elle ne se trouve point en Jésus-Christ. Il faut la repousser, selon Maxime, parce qu’elle entraînerait avec soi une personnalité humaine, t. ii, p. 13, parce qu’elle signifierait l’ignorance dans l’âme de Jésus-Christ, et parce qu’elle comporterait par suite la peccabilité, sinon le péché. La volonté humaine du Sauveur n’est point indéterminée, elle est toujours sous l’emprise de Dieu, et divinisée, 0ew6sv, selon l’expression de saint Grégoire le Théologien. C’est par la rectitude de sa volonté qu’il a sauvé notre nature perdue par une volonté dépravée. Comb., t. ii, p. 95. Par cette distinction lumineuse de volonté physique et de volonté gnomique, Maxime explique la prière de l’agonie ; la volonté que le Christ exprimait était simplement la tendance de la nature à qui la mort fait horreur, et il l’exprimait pour montrer la réalité de sa chair : ce n’était point un choix, de raison contre le choix de Dieu, t. ii, p. 40. Il faut noter de plus ici que le OéX’/j^a cpuaixâv ne procédait pas dans le Sauveur comme en nous, mais d’une manière surnaturelle, ÛTcèp <pôai.v, t. ii, p. 128 ; P. G., t. xci, col. 1053 B. Les passions, avons-nous dit, n’étaient pas motrices en lui, mais mues. Elles suivaient, et ne précédaient pas le mouvement de sa volonté raisonnable, t. ii, p. 166. En fait de liberté, la volonté du Christ, toute divinisée, n’en eut point pour le mal, mais sa liberté fut comme celle des saints dans le ciel. Saint Maxime n’examine pas le problème du mérite du Christ.

Sotcriologie.

Le premier état de l’homme fut un

état de justice. Sa tendance vers Dieu, son amour de

Dieu n’était gêné par aucun penchant inférieur. Il n’avait pas à lutter pour être vertueux. Les passions même n’existaient pas. t. :, p. 267. Il était à l’abri de la souffrance et devait jouir de l’immortalité. La propagation du genre humain par le mariage n’entrait pas dans le plan primitif, t. i, p. 3(Jl. Résumé et centre de la création visible, l’homme, par sa fidélité, devait réaliser le plan d’unification totale en Dieu. Le péché a ruiné ce plan. Les conséquences en furent l’ignorance, la tyrannie des passions et la mort, 1. 1, p. 96

Sur la faute originelle, saint Maxime s’exprime d’une manière obscure. Il distingue dans Adam deux âjxap-rîai, l’une volontaire et blâmable, à savoir, l’aversion du bien ; l’autre involontaire et non blâmable, à savoir la perte de l’immortalité, et la passibilité. La première est cause de la seconde, t. i, p. 94. Cette distinction a pour but d’expliquer le texte de saint Paul, II Cor., vii, 21 : Eam qui non noverat peccatum, peccatum fecit. Par amour pour l’homme, et pour l’honneur de Dieu dont le plan avait été détruit par le démon, le Verbe s’est incarné pourré parer la ruine du péché. La seule raison de la naissance humaine du Verbe a été le salut de l’homme, et c’est pourquoi il a pris tout ce qui était de l’homme, hormis le péché, P. G., t. xci, col. 1039. Saint Maxime résume bien sa conception sotériologique dans cette phrase lapidaire : yivexai tîXe’.oç àvOpwTcoç é£ ï)o_cov Si’rjuûv xa6’rju.* ;, 7rxvTa -rà f, ii, côv àvsWaTCWç syov, âu.apTÎaç Xwpiç. P. G., t. xci, col. 1309 A. Il était convenable que ce fût le Verbe, lumière et force du Père qui descendît sur la terre, où régnaient l’ignorance et la tyrannie du péché, pour donner à notre nature la lumière inextinguible de la vraie connaissance et la force des vertus. Comb., t. i, p. 254.

Le salut s’opère d’une manière opposée à celle dont Adam nous a perdus. C’est par le plaisir qu’Adam nous a perdus, c’est par son contraire, la souffrance, que le Christ vient nous sauver. Le plaisir d’Adam, qui ne procédait pas de la souffrance, a engendré la souffrance. La souffrance du Christ, qui ne procède pas du plaisir, nous rend la félicité. Par son péché volontaire et blâmable, Adam a été sujet involontairement aux passions, que Maxime appelle péché non blâmable. En acceptant volontairement ce péché-châtiment, le Sauveur a détruit l’empire du péché volontaire. Ce qui domine surtout dans la sotériologie de notre auteur, c’est l’idée de la miséricorde divine. Le Verbe s’est incarné non pour lui, mais pour nous. Comb., t. i, p. 201. Tout est conçu en vue de la instauration de l’homme. L’idée de la réparation de l’offense faite à Dieu n’apparaît aucunement. Si la justice brille dans la rédemption, c’est dans ce fait que Jésus-Christ a mérité la destruction de l’empire du péché et de la mort, en acceptant volontairement, sans y être sujet, la malédiction et le châtiment du péché. L’économie est donc conçue en fonction du salut de l’homme et non de la satisfaction à Dieu. Encore moins est-il question d’une rançon à donner au démon, car celui-ci est voleur et parjure, et a été chassé d’un lieu qui ne lui appartenait pas, 1. 1, p. 228.

Au sujet du sort final des damnés, saint Maxime, dans le but de donner un sens orthodoxe à un passage difficile de saint Grégoire de Nysse, expose une sorte d’apocatastase mitigée, qui consiste en ceci que les âmes, quand tous les siècles seront révolus, perdront le souvenir du péché et parviendront à Dieu par une certaine connaissance, Tyj èm^ôiæi, mais non par la participation de ses biens, où Tfl xz§lc, z<. twv iyaôûv, t.i, p. 304. ; |

Autres points de doctrine.

1. Sur Dieu. — Dieu

est connu par l’ordre et la grandeur de l’univers créé comme son auteur et son artisan, P. G., t. xci,

col. 1176. Les raisons des choses, Xoyoi twv ovtcov, sont en lui dès avant les siècles. Sa prescience et sa providence éternelle règlent le monde et y ordonnent toutes choses, ibid., col. 1328-1329. La connaissance que nous avons de Dieu concerne son existence et ce qu’il n’est pas. En lui-même, iï demeure incompréhensible, ibid., col. 1229. Sur notre science de Dieu, Maxime a naturellement les mômes conceptions que Denys, le maître qu’il commente.

2. Ail sujet de la Trinité, Maxime reproduit l’enseignement des Pères antérieurs. Il y a lieu seulement de rappeler ici que son témoignage a été invoqué au concile de Florence, et a inauguré la conciliation entre les Grecs et les Latins. Il déclare en effet expressément, dans une lettre à Marin, que la formule des Latins Filioque n’est point opposée à l’orthodoxie, mais marque la parfaite consubstantialité des personnes divines. Comb., t. ii, p. 70. En plusieurs autres endroits, il enseigne que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, et de telle manière qu’il est impossible de l’interpréter autrement que d’une production véritable du Saint-Esprit par le Fils, t. i, p. 238-239, 313, 671 (ces deux derniers textes sont identiques sauf la ponctuation).

3. Sur l’âme.

Maxime prouve philosophiquement l’existence de l’âme, sa simplicité, son immortalité, sa rationalité, t. ii, p. 354-361. La définition qu’il en donne est celle-ci : Ouata àoa)(j.aToç, voepâ, èv cwjjKXTi 7roXt.Teuoo.Ev7 ;, Çmtjç TOtpama, ibid., p. 361. Pour lui, il y a union intime entre les deux substances diverses de l’âme et du corps pour former une seule espèce. Entre eux, il y a une relation essentielle que la mort même ne supprime pas : P. G., t.xii, col. 1101 BC. Les facultés principales de l’âme sont la raison, l’irascible et le concupiscible, Xôyoç, 61>o.oç, êTtt.6u[jia. Comb :, 1. 1, p. 337. L’âme, après la mort, garde toutes ses opérations, t. ii, p. 245-246.

4. Au sujet de la primauté romaine, les témoignages de notre auteur sont des plus explicites. « Depuis l’incarnation du Verbe, écrit-il, toutes les Églises chrétiennes du monde entier n’ont eu et n’ont encore d’autre base et fondement que cette Eglise très sublime. » T. ii, p. 72, 73. Il affirme ailleurs que le seul moyen pour Pyrrhus de prouver son orthodoxie est « de faire amende honorable au très saint pape de Rome, c’est-à-dire au Siège apostolique qui a reçu du Verbe incarné lui-même et des saints conciles le pouvoir de commander à toutes les saintes Églises de Dieu dans le monde, entier, ainsi que le droit et la puissance de lier et de délier en tout et pour tout. » T. ii, p. 76. Cf. également Acla Maximi, t. ii, p. 17 ; Comb., t. i, p. lv-lvi.

5. Théologie ascétique et mystique.

Saint Maxime est avant tout un moine profondément pénétré de vie intérieure. Ses tendances et sa tournure d’esprit se ressentent beaucoup de sa fréquentation de Denys l’Aréopagitc. Il se l’est assimilé en le commentant. Il y a ajouté de son fonds beaucoup de vues élevées et originales. Il est à regretter qu’il ne les ait pas ramassées lui-même en un système cohérent et logique, et qu’aucun ouvrage n’ait encore paru qui en donne une synthèse fidèle et complète. Nous nous contenterons ici de montrer les principales idées qui dominent dans l’ascèse et la mystique de Maxime. C’est l’idée du Verbe incarné, auteur et modèle de notre sainteté, et l’idée de la charité ou de l’amour de Dieu.

Le Verbe incarné est pour Maxime le centre de sa théologie mystique comme de sa théologie spéculative, si tant est qu’on puisse distinguer ces deux domaines. La fin de l’homme est Dieu. L’homme devait arriver à la possession par l’innocence, mais, par son péché, il a perdu ce bonheur. L’ignorance et les passions, suites du péché, sont pour l’homme un obstacle éternel à sa félicité, C’est le Verbe incarné qui, venant sur la terre, nous délivre de l’ignorance, nous donne la force de la vertu et détruit par sa mort l’empire du péché. Il a guéri notre nature en se l’appropriant. Le Christ est aussi le modèle et l’idéal de notre perfection. Comme sa volonté physique est toute divinisée et impuissante pour le mal, ainsi doit-il en être proportionnellement pour nous. Notre liberté doit être d’adhérer à Dieu, P. G., t. xci, col. 1076, notre fin et félicité sera d’être plongés en lui, et ainsi il se fera par notre unification avec lui comme une seconde incarnation du Verbe dans les élus qui réalisera la parole de l’Écriture : Dieu sera tout en tous. P. G., t. xci, col. 1084.

La fin de l’homme, c’est l’union avec Dieu. Elle s’effectue par la charité. Mais la charité parfaite comporte tout un ensemble de dispositions et d’opérations saintes. En tête de tous les biens spirituels, saint Maxime place les vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. La foi est la source de tous les biens qui sont en nous. Comb., t. ii, p. 139. Notre auteur la définit une puissance d’union surnaturelle, immédiate entre le fidèle et Dieu l’objet de la foi, t. ii, p. 77. Assurément, il s’agit de là foi qui opère par les œuvres. La foi est la base des vertus qui viennent après elle, l’espérance et la charité. L’espérance est la force des deux extrêmes, la foi et la charité. La charité est l’accomplissement des deux autres, t. ii, p. 220-221. La charité est le contraire de l’égoïsme, cpiXauxta, cause du premier péché. Elle vient le détruire et opérer notre union parfaite avec Dieu et avec tous les hommes, t. ii, p. 221-222.

La charité contient toutes les vertus, t. ii, p. 220. Pour acquérir la perfection de la charité, il faut se détacher de soi-même. Dieu étant notre but comme vrai et comme bien, il faut aller à lui par la contemplation et l’action, par la philosophie théorique et la philosophie pratique. Celle-ci, de caractère négatif, a pour but de dominer ses passions de manière à n’en être plus troublé, et à arriver à cet état paisible de l’âme presque inaccessible au péché qui s’appelle ànàOsia. La philosophie théorique consiste à s’élever au-dessus des connaissances sensibles pour atteindre celle de Dieu, qui consiste dans une ignorance au-dessus de toute science. L’action découle et dépend de la contemplation, t. ii, p. 500-503. Le signe de la vraie charité est dans une affection sincère et une bienveillance spontanée pour le prochain. C’est du reste par la même charité que l’on aime Dieu et le prochain, t. ii, p. 225. Tout se ramène donc à la charité. Pour ce qui est en notre pouvoir, faire la volonté de Dieu, pour le reste, se confier en lui, en tout, l’aimer, t. ii, p. 203.

Pour la bibliographie, voir Krumhacher, Gtsch. der byzant. Literatur, 2< edit., p. 63-64 et 26. U. Chevalier au mot Maxime le confesseur. Consulter en outre Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, t. viii, col. 1096-1103 ; Realeneycl. fur prot. Th. u. K., t. xi, p. 457-470 ; Bardenhewer, Patrologie, 3e édit., p. 497 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Lecleicq, t. m a p. 401-426, 461-470 ; E. Montmasson, La chronologie de la vie de sant Maxime le Confesseur, dans les Échos d’Orient, t. xiii (1910), p. 149 sq. ; V. Grume], Notes d’histoire et de chronologie sur la vie de saint Maxime le Confesseur, ibid., t. xxvi (1927) p. 24-32 ; cf. ibid., t. xxv, p. 393-406, et L’Union des Églises, 1927, p. 295-311 ; H. Straubinger, Die Christologie des hl. Maximus Confessor (1906), XI-135 pages ; ’fixeront, Histoire des dogmes, t. iii, voir à la table analyt., p. 572 ; W. Soppa, Die diversa capita unler den Schriften des hl. Maximus Confessor in deulschcr Bearbeitung u. quellenkrttischer Beleuchtung, 1922, 132 p. ; P. Pourrat, La spiritualité chrétienne, 1919, t. i, p. 474-477 ; L. Duchesne, L’Église au VI’siècle, 1926, p. 431 sq.

V. Grumel.