Dictionnaire de théologie catholique/MAGIE III. Moralité de la magie

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 59-62).

III. Moralité de la magie. —

Quand il s’agit de se prononcer sur la valeur morale de la magie, l’unanimité redevient complète entre théologiens catholiques.

C’est que, pour faire le procès de la magie, il n’est pas indispensable de mettre hors de doute l’efficacité des pratiques, et nous avons rapporté plusieurs condamnations ecclésiastiques portant sur la croyance des foules, à cause de sa vanité même, ou encore sur la prétention, convaincue ou non, de certains hommes à mobiliser la puissance du démon. Dans semblables croyances, dans semblables prétentions, il y a superstition condamnable : telle est la doctrine commune non seulement des théologiens, mais encore des âmes droites.

1° Condamnation de la magie dans les diverses religions. Une sorte d’instinct dit que la magie, croyance et pratique, a quelque chose de malsain, et dans plusieurs religions païennes, la magie est condamnée. Ainsi, les deux premiers articles du code de Hammourabî visent les magiciens et les sorciers : « 1. Si quelqu’un a ensorcelé un homme en jetant sur lui l’anathème et sans l’avoir prouvé coupable, il est digne de mort. 2. Si quelqu’un a jeté un maliflee sur un homme, sans l’avoir prouvé coupable, le maléficié se rendra au fleuve et s’y plongera. Si le fleuve le garde, sa maison passe à celui qui a jeté le maléfice ; si le fleuve l’innocente et le laisse sain et sauf, son ennemi est digne de mort, et c’est celui qui a subi l'épreuve de l’eau, qui s’empare de la maison de l’autre. » Peut-être d’ailleurs, cette magie est-elle défendue, non pour son caractère magique, mais pour son caractère nuisible.

Ches les bouddhistes, le but de la vie supérieure et ascétique étant le nirvana, toute activité, y compris les pratiques magiques, doit être considérée comme inutile, nuisible même. De fait, le recours à la magie est strictement interdit aux bouddhistes ; toute pratique magique, même dans un but bienfaisant, est tenue pour pernicieuse. Telle est du moins la théorie, car, en pratique, il existe chez les bouddhistes, nous l’avons remarqué, une magie assez développée, introduite ou maintenue par l’influence hindoue. Hastings, art. Magic, p. 255 b, 257.

Chez les Romains, la magie est strictement interdite par les lois ; elle peut être punie de la mort même. Hastings, p. 270 6-271, cꝟ. 275 b. — Chez les musulmans, certaines pratiques sont défendues par le Prophète, dans certains cas sous peine de mort ; d’autres pratiques, au contraire, sont permises ou encouragées, sans que l’on sache bien pourquoi. Hastings, p. 253. Peut-être la raison de la différence de traitement estelle à chercher non dans la nature de la pratique l IGIE, MOR m i l I

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même, sauf le cas du maléfice, nuis dans h caractère atique reconnue, officielle, publique ou au contraire privée et secrète. Cela serait également vrai pour los Romains. Hastings, p. 'Jo 1.' à-270, al. 13.

Dans /<> re/fgi ms révélées, chez les.luifs et dans nous devons nous attendre a des défenses

1. Écriture sainte. - Il suffira de citer : Ex., rxii, 18.

lu ne laisseras pas vivre la magicienne. Le vit., w. <>. 27. « Si quelqu’un s’adresse a ceux qui évoquent les esprits et aux devins, pour se prostituer après eux,

je tournerai ma face contre ce ! homme et je le retrancherai du milieu de son peuple. - Tout homme ou femme qui évoque les esprits ou s’adonne a la (Initiation sera mis à mort ; on les lapidera : leur sang est sur eux. Deut., wiii. 10. 11. 12. » Qu’on ne trouve elle.- toi personne qui fasse passer par le feu son tils i fille, qui s’a lonne a la divination ou a la ma le, qui pratique l’art des augures et des enchantements, qm ait recours aux charmes, qui consulte les évocateurs et les devins et qui Interroge les morts. Car tout homme qui fait ees choses est en abomination devant Jah i

J. Autorités ecclésiastiques. — la doctrine de l'Église a ete dès l’origine très fixe et très nette.

Pour les Pères de l'Église, pour les conciles jusque bien avant dans le Moyen Age, la magie, c'était l’infidélité, le paganisme : reliquat, infiltration, retour offensif. Pans le langage des anciens conciles, les pratiques superstitieuses s’appellent paganise, ce qui signifie les coutumes des païens. Déjà chez saint Augustin Paganus a acquis le sens de (gentil, païen » : « les adorateurs des faux dieux, que nous appelons couramment les païens. » Retract., 1. II. c. xi.iu. /'. /… t. xxxii, col.

3. Les théologiens sont unanimes dans leur réprobation ; et les raisons qu’ils mettent en avant sont les mêmes au fond, c’est à peine souvent si la forme diffère. Tous disent et répètent, à peu près dans les mêmes termes, que la magie est une espèce de superstition, qui peut aller parfois jusqu'à l’idolâtrie. Cf. par exemple, saint Liguori, t. III, n. 15, 10, édit. Gaude, L I, p. 378.

a) Cas du pacte formel. — En effet, les personnes qui s’adonnent a la magie peuvent aller jusqu'à attribuer au démon une science ou une puissance strictement divines, par exemple, la connaissance certaine des futurs ! i res. le pouvoir de ressusciter un mort. C’est même à cause d’une croyance hérétique possible, de upçon d’hérésie, que les procès de magie furent défères au Saint-Office, dont l’objet primitif était la sauvegarde de la foi.

Second grief contre la magie : elle rend au démon un véritable culte : car souvent celui qui désire avec véhémence employer la puissance du démon pour satisfaire ses passions, n’hésitera pas à prier, à supplier le démon, à se jeter à genoux devant lui, à lui rendre même le culte suprême de l’adoration. Cf. Je te donnerai tout cela, si tu tombes à genoux pour m’adorer. Matth.. iv. 9.

Cependant ni l’idolâtrie dans la foi ou dans le culte, ni la prière, n’accompagnent nécessairement la magie ; ce qui en est inséparable c’est le commerce avec le démon, par un pacte explicite ou implicite.

Il y a pacte explicite quand on a l’intention de recourir à la puissance du démon et qu’on lui demande ou qu’on le somme d’accomplir tel prodige. Il y a pacte implicite quand on attend sérieusement un effet d’une cause disproportionnée et connue comme telle.

r, pareil commerce avec le démon est une injure faite a Dieu, dont le démon est l’ennemi mortel, dont le démon veut ruiner ou défigurer l'œuvre. Pareil

commerce est aussi un péché contre la charité envers

SOl-mème, car le démon, soit par le bien, soil par le mal. se propose finalement noire mal. Le bul

du démon est certainement mauvais, malfaisant. i e démon est homicide dès le commencement ; il n’y a point « le vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge,

il parle de son propre fonds : car il est meilleur et le

père du mensonge. Joa., viii, il Votre adversaire,

le diable, comme un lion rugissant, rode auloiir de

mis. cherchant qui dé orer. i Petr., v, 8. Et parce que

le démon est incomparablement plus habile que nous, C’est une souveraine Imprudence de lui donner occasion d’intervenir dans notre vie. Sans doute, on se promettra souvent de retenir le démon à volonté, de le contenir ; mais quelle sera l’efficacité de cet espoir, de cette prétention, de cette présomption ? N’est-ce pas folle d’entrouvrir la porte au voleur fort, adroit, armé, avec l’Intention de ne le laisser entrer qu'à moitié,

ou de lui interdire l’accès de telle ou telle pièce ? Ou, pour continuer la comparaison de saint Pierre, n’est-ce pas folie de détacher le lion en se liât tant qu’il ne mordra pas la main qui lui a donné la liberté ou qu’il se contentera de mordre'.' Saint Léon, dans un sermon sur la Passion, dit bien des dénions : a Ils trompent, hélas I un grand nombre d’hommes par leurs illusions méchantes : ils font craindre leurs rancunes, désirer leur bienveillance ; alors que, en réalité, les bienfaits, du démon sont plus nuisibles que des blessures, car il est préférable pour l’homme d'être en guerre que d'être en paix avec le démon. » Serin., xix, 5, P. L., t. i.iv. col. 384.

Impossible tlese justifiercn disant : « Pas d’idolâtrie, car je n’attribue au démon aucune perfection divine, l’as ombre de culte, je ne fléchis pas le genou devant lui. Je me sers seulement de lui pour ce à quoi il est bon, comme on se sert licitement d’un parfait malhonnête homme pour un travail permis, par exemple, pour faucher, pour porter un fardeau. » — Pas d’idolâtrie, il se peut. Pas de culte, pas de prière, il se peut encore. Mais il y a commerce avec le démon : c’est l’essence même de la magie de provoquer l’action du démon, connu d’une manière plus ou moins distincte, ou de prétendre le faire. Or, cela est mal. Commander au démon de se retirer, de cesser d’agir, cela est bon ; pourvu bien entendu qu’il n’y ait ni prière ni pacte. Pareille injonction tend uniquement à restreindre le pouvoir du démon. Ainsi fait l'Église dans ses exorcismes. Mais, commander au démon d’agir, le provoquer ou prétendre le provoquer à agir, cela ne se doit jamais. Dieu pourrait le faire, par commandement ou par permission, parce qu’il est le maître, parce qu’il est le créateur qui donne au démon la puissance physique dont II lui ordonne de se servir, parce que l’ordre ou la permission venant de Dieu ne saurait tourner en aflront, en insulte pour Dieu lui-même, parce que Dieu étant le maître, Il peut vouloir positivement tel mal, tel fléau ; et étant tout-puissant, Il peut limiter exactement l’action du démon. Mais il ne saurait en aller ainsi de nous.

b) Recours seulement implicite au démon. — Il est assez facile, surtout pour des chrétiens, de comprendre qu’un pacte formel, un recours explicite au démon. est contraire a la loi naturelle. Les considérations développées plus haut s’appliquent directement à ce cas et paraissent suffisantes. Mais le recours implicite, contenu dans la tentative d’un phénomène par des moyens disproportionnés, choque moins le sens moral. Cependant, à la réflexion, l’on voit que semblables pratiques doivent être interdites, a cause du < ! anger de commerce avec le démon.

Pour qu’il puisse être question de pacte implicite, il faut, bien entendu, qu’il y ait attente de l'événement, avec une certaine fermeté, fermeté que l’on sait bien

n'être pas inspirée par la vertu du moyen : on attend vraiment le résultat désiré, et on l’attend d’une cause plus ou moins précise, plus ou moins vague, que l’on sait n'être pas l’action même, ni l’objet matériel employé ; on regarde d’un autre côté ou au delà.

Dans ce cas, cependant, le danger peut être certain ou seulement probable, suivant que l’effet visé dépasse certainement ou non les forces naturelles, mises en jeu. De même, l’attente peut être plus ou moins ferme, plus ou moins hésitante.

Pour juger de l’origine, naturelle ou prétematurelle, divine ou diabolique, d’un phénomène extraordinaire, les théologiens s’accordent sur deux principes :

a) Dans le doute si un elïet est naturel ou préternaturel, on doit le présumer naturel. Principe libéral et éminemment sage, reconnu par les meilleurs théologiens, même au temps où l’on croyait facilement à la magie. On adhérait au bon principe, tant on avait conscience de mal connaître l'étendue des forces naturelles ; ce qui, trop souvent, n’empêchait pas, l’instant d’après, de tracer sans appelles limites de ces forces et de proclamer tel ou tel phénomène incontestablement préternaturel. Ou plutôt le grand défaut était de traiter les lois physiques, les sciences d’observation, par la méthode déductive et a priori. La plupart du temps le champ du naturel était indûment resserré ; mais il lui arrivait aussi d'être indûment élargi. Tout d’un coup, sur une autorité, sur une explication ingénieuse, imaginée hélas I de toutes pièces, on admettait comme naturels des phénomènes étranges, sans doute plus étranges que vrais. Tel est le cas de cette poudre sympathique dont saint Liguori, en s’appuyant sur l’autorité du « célèbre Purchotius », nous raconte les effets merveilleux. Voici un blessé ; il perd beaucoup de sang. Recueillez vite ce sang dans une cuvette, et pendant qu’il est encore chaud saupoudrez-le de votre poudre sympathique : il paraît, pourvu que vous n’opériez pas à plus de 300 pas du blessé, que l’hémorragie va s’arrêter. C’est que dans les vapeurs du sang tiède encore, une certaine vertu de la poudre est entraînée vers la blessure, dont elle bouche les orifices, comme feraient autant de petits coins. Th. mar., t. III, n. 20, édit. citée, p. 380.

Les applications excessives dans un sens ou dans l’autre n’empêchent pas le principe d'être excellent. C’est un principe classique, c’est un principe de bon sens. On n’a pas attendu la théologie scolastique pour s’en servir. Par exemple, saint Augustin, sans le formuler, y rattache tout un chapitre de la Cité de Dieu : nous sommes souvent témoins de tant de phénomènes extraordinaires et cependant naturels, qu’il faut y regarder à deux fois avant de déclarer une chose impossible, naturellement impossible. De civ. Dei, t. XIV, c. xxiv, P. L., t. xli, col. 432.

Le principe est formulé et justifié par saint Liguori, Theol. mor., t. III, n. 20, t. i, p. 380, après Lacroix, t. III, p. i, n. 28 ; Sporer, II, c. ix, n. 31 ; Sanchez, Decal, t. II, c. xl, n. 44 ; Elbel, Præcept. lum, n. 501 ; Salmanticenses, tr. XXI, c. xi, n. 112. Et l’on pourrait doubler et tripler la liste.

Si l’on veut s’autoriser de ce principe pour tenter de provoquer des phénomènes qui sont probablement naturels, probablement préternaturels, il faut protester que l’on aime mieux ne pas avoir affaire au démon et échouer plutôt que de réussir avec son secours. Et comme rien ne nous garantit l’efficacité de cette protestation pour écarter tout danger d’immixtion diabolique, il faut conclure avec Vermeersch, Theol. mor., t. ii, n. 243 que, s’il s’agit d’un phénomène probablement préternaturel, il semble illicite de le tenter sans raison, même avec la dite protestation. De plus, dans certains cas, il faut voir si ce danger n’a pas motivé une interdiction de l'Église : alors, la route

est barrée, et c’est à l’Eglise de juger si, pour des raisons, pour une utilité spéciale, il est opportun de lever parfois la barrière.

b) " Dans la certitude qu’un effet est préternaturel, il faut, s’il est obtenu par des pratiques magiques, l’attribuer au démon et non à Dieu. » Ainsi parlent tous les théologiens, avec saint Thomas Ila-IIa », q. xevi, a. 2. « Il n’a pas manqué d’hommes, écrit Suarez, pour dire que ces prodiges étaient attribuables non au démon, mais à Dieu et aux bons anges. Mais c’est là un blasphème, car ces phénomènes n’ont ni honnêteté, ni utilité, et Dieu les a en abomination. De relig., tr. III, t. II, c. xiv, n. 6. Et saint Liguori : « S’il est moralement certain, si certo probabililer consiet, que la cause employée n’a aucune force naturelle pour produire l’effet, celui-ci, dans le doute, doit être attribué au démon, plutôt qu'à Dieu, puisqu’il n’y a pas de promesse divine. » L. III, n. 20, t. i, p. 380 ; cf. Sanchez, Decal., t. II, c. xl, n. 44 ; Sporer, tr. IL c. ix, n. 33.

Pratiquement, la magie est amorale dans son principe, comme il a été dit plus haut : le magicien est censé contraindre une force supérieure par la vertu physique du rite qu’il emploie. Ici ou là cependant, une certaine pureté est exigée du magicien, chez les Égyptiens, chez les Romains. Christus, p. 645 ; Daremberg et Saglio, t. m b, p. 1515. Et cela se comprend chez les païens plus facilement que cela ne se comprendrait chez les chrétiens. Les païens avaient sur la divinité des idées très mélangées : rien de très surprenant donc à ce qu’ils aient cru par les pratiques magiques plaire à la divinité elle-même ; d’où, nécessité de pureté chez le magicien. D’ailleurs, encore une fois, cette exigence se rencontre très rarement. En général, la magie est amorale dans son principe, amorale ou immorale dans ses tentatives. C’est un fait, on recourt ordinairement au magicien pour assouvir les passions les plus violentes, les plus dégradantes, vengeanc : cruauté, amour, luxure.

c) Gravité particulière du maléfice. — Ici se place naturellement la question du maléfice.

Le maléfice, comme toute autre pratique magique, est une superstition, une faute contre la vertu de religion. Mais de plus, il fait ou prétend faire du mal à quelqu’un : lui inspirer un amour coupable ou une autre passion violente, ou bien lui nuire dans sa santé, dans sa raison, dans ses biens. Le maléfice est donc, au moins dans l’intention de son auteur, contraire à la charité et à la justice. Par conséquent, si, dans un cas, on était certain qu’un maléfice a été efficace, il faudrait obliger le sorcier à réparer, à restituer. Évidemment, il ne devrait, pour ce faire, recourir qu'à des moyens permis : ainsi, il ne pourrait recourir de nouveau à la magie. Mais ce n’est nullement de la magie de faire disparaître un objet dont la présence a provoqué l’intervention du démon ; il semble licite aussi de commander au démon, pourvu que l’autorité de ce commandement ne vienne pas d’un pacte. S’il n’y avait pas moyen de faire cesser le maléfice d’une façon licite, le sorcier n’en serait pas moins tenu, comme l’auteur formellement injuste d’un dommage, à restituer dans la mesure du possible. Car de faire retomber l’obligation, au moins premièrement, sur le démon, ce serait une mauvaise plaisanterie. Seulement, il sera le plus souvent bien difficile d’obtenir la certitude de l’efficacité du maléfice. L T n cas très net, au point de vue justice, est celui qui a été constaté bien des fois, et qui a dû se vérifier plus souvent encore, le cas où le maléfice est énergiquement appuyé par quelque drogue ou quelque poison. « Il est probable qu’au fond de plus d’une affaire de sorcellerie, il y avait un affaire d’empoisonnement ou d’avortement très réelle. > E. Jordan, dans Rev. des Quest. hist., 1901,

. Mais, ici, la magie n’est plus qu’on décor, dm

mise en scène, qui donne des allures surhumaines ft un cri nuvulgaire.

U) Lu tmp grande crédulité aux inttrventioru démoniaques. Non seulement les tentatives magiques ont Immorales, mais encore la simple croyance trop tacite a leur fréquence, a leur efficacité, à la réalité de phénomènes, tous plus merveilleux Us uns que les autres, pareille croyance est condamnable, Immorale, an elle-même d’abord parce que superstitieuse, dénuée de fondement, sinon toujours ou presque toujours, du moins souvent. Condamnable aussi, à cause de ses OOnséquences fâcheuses, multiples et graves : tentation pour son propre compte, tentation tyrannlque jusqu'à l’obsession pour des tempéraments failles et impressionnables, pour des natures qu’ellraie et fascine à la fois le voisinage de l’inconnu, du merveilleux ; de la. exaltation des passions, ambition, cupidité, vengeance, cruauté, luxure, auxquelles l’omise une pâture ordinairement interdite par des barrières Infranchissables. Autre conséquence maul : des soupçons graves, injurieux, s’abattent sur des personnes, peut-être parfaitement innocentes ; et de nouveau, les passions les plus violentes risquent de dévoyer, de fanatiser, de souiller le zèle en soi louable pour l’honneur de Dieu outragé ; ou même les pires convoitises iront parfois jusqu'à se couvrir des apparences du zèle pour se satisfaire plus a fond et plus a loisir. Un théologien protestant, Meyfort, ne a Iena en 1590, écrivait à propos des procès de sorcellerie cet arrêt seére : « La cruauté et la volupté, la luxure et la débauche, la cupidité et la soif de veuve étaient, avec la superstition régnante, les sources hideuses des iniquités commises. » Janssen, op. cit., t. vin. p. 725. al. I. Et sans rien qui, même de loin, rappelle ces horreurs, on sait que dans certains pays, dans certaines campagnes, la vie peut être rendue intolérable à ceux que des allures étranges ou la simple renommée font soupçonner de sorcellerie. Une conséquence néfaste, plus inattendue, de la ince trop facile au merveilleux est signalée par 1'. Wieger ; elle est spécialement redoutable dans les pays de mission, auprès des infidèles. En Chine, les histoires de sorcellerie les plus fantastiques foisonnent, envoûtements, métamorphoses, animation de figures dessinées sur du papier. « Les histoires de ce genre, innombrables, inimaginables, crues par tous ont cause l’indifTérentisme absolu du peuple chinois pour tous les faits d’ordre surnaturel. Dépourvu qu’il est de critique, à tout récit merveilleux il a tôt fait de répondre : « Dans nos légendes, nous avons plus fort que cela. » Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine. 2° éilit., Zi-ka-wei, 1922.

En somme on peut prononcer contre la magie noire une sentence de condamnation universelle. La seule .ince trop facile à son efficacité, est déjà détestable ; plus détestable est la prétention, la tentative, même inefficace, de capter les énergies ténébreuses, et malfaisantes, qui environnent et épient notre humanité : souverainement détestable et exécrable enfin, le commerce réel avec le démon, et réel il semble bien qu’il puisse l'être et qu’il le soit parfois. Ceux qui admettent plus facilement et plus fermement que - l’efficacité des pactes — et on peut le faire, dans de certaines limites, sans crédulité certainement excessive — signaleront aussi le danger du scepticisme en cette matière. La tendance à ne voir le démon nulle part est dangereuse évidemment : elle peut générer en un véritable parti pris ; mais la tendance a la voir souvent, facilement, dans ce que l’on appelle les phénomènes magiques, est dangereuse aussi, nous l’avons peut-être montré, (.'est a la

prudence chrétienne île chercher le juste milieu et île s’j maintenir.