Dictionnaire de théologie catholique/MACÉDONIUS ET LES MACÉDONIENS I. Sources historiques

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 27-29).

MACÉDONIUS ET LES MACÉDONIENS.
I. Sources historiques. —
II. Macédonius, (col. 1468). —
III. L’hérésie macédonienne (col. 1472).

I. Sources historiques.

Macédonius, évêque de Constantinople de 312 à 359, n’intéresse l’histoire des dogmes que par l’hérésie à laquelle il a donné son nom. Chose assez curieuse, mais qui n’est pas sans autre exemple, Macédonius ne semble pas avoir, de son vivant, fait figure d’hérésiarque. Ce n’est qu’après sa mort qu’on songea à lui attribuer la paternité d’une erreur nouvelle. Nous devons, avant tout, rechercher à quel moment Macédonius prit dans l’histoire ce rôle inattendu.

Les problèmes relatifs à la divinité du Saint-Esprit n’avalent pas été posés par les premiers ariens. Ce n’est guère qu’aux environs de 360 que la question de la véritable nature du Saint-Esprit commença à troubler les esprits. Tandis que les tropiques niaient sa divinité, saint Athanase montrait que la consubstantialité du Saint-Esprit et du Père était aussi indispensable à l’orthodoxie que celle du Fils et du Père. Les lettres de l' évêque d’Alexandrie à Sérapion forment ainsi le plus ancien traité sur le Saint-Esprit. En 362, le concile d’Alexandrie déclara expressément que seuls pouvaient être reçus dans l'Église ceux qui acceptaient le concile de Nicée, et rejetaient la thèse de la création du Saint-Esprit. Tom. ad Antioch., 3. P. G., t. xxvi, col. 800 A.

Une fois soulevés, ces problèmes ne reçurent pas tout de suite leur solution définitive, ou plutôt, il se trouva un certain nombre d’hérétiques pour rejeter la divinité du Saint-Esprit tout en admettant celle du Fils. Saint Épiphane connaît ces hérétiques sous le nom de pneumatomaques, et il leur consacre, en 377. une notice spéciale dans son Panarion, Hæres., lxxiv. Les pneumatomaques se rencontrent surtout en Asie Mineure. Saint Basile et saint Grégoire de Nazianze ont à plusieurs reprises l’occasion de les combattre : le premier évite habituellement ce qui pourrait les heurter de face ; le second expose avec plus de précision la doctrine orthodoxe : question de tactique que l’historien peut étudier, mais dont la solution est sans grande importance pour le théologien. Ce sont aussi les pneumatomaques que réfute saint Grégoire de Nysse : le traité connu sous le nom de Adversus macedonianos, P. G., t. xlv, col. 1301-1334, ne renferme pas, en dehors de son titre, la mention des macédoniens. De même, Didyme d’Alexandrie, dans son ouvrage De Spiritu Sanclo, ne nomme nulle part les macédoniens : ceux qu’il combat sont des hérétiques, De Spir. S., 7, P. G., t. xxxix, col. 1039 A, ou encore des adversaires innommés, guidam, i’fc(<L, 13, col. 104 5 A. etc. Les historiens sont aussi réservés : le semiarien Sabinus d’Héraclée qui compose une auvaytoiT ; twv ctuvoSixûjv jusqu’en 378, ne fait, s’il faut en croire Socrates, H. E., III, xv, 9, P. G., t. lxvii, col. 213 C, aucune mention de l’hérésiarque.

Pourtant aux environs de 380, Macédonius entre dans l’histoire des hérésies. Saint Jérôme traduit 1465 MACÉDONIUS alors et complète jusqu'à son temps la Chronique d’Eusèbe. IL mentionne avec soin les dntes de l’intronisation, ad an. Ghristi 342, édit. Helm, p. 235, ct de la déposition, wi an. Christi. 354, p. 211, de Mncé“ionius, et, pour la première de ces dates, il note que Macédonius est regardé comme l'éponyme d’une hérésie nouvelle : Mucedonius, artis plumariæ, in locums Pauli ab arianis episcopus subrogatur, à quo nune hresis macedoniana.

Mers le même temps, en 380, selon Merenda, dans PL tx, col. 197 ct Jaflé, n.235 ; en 381 d’après Rade, Papst Damasus, p. 133 : ou en 382 selon Valois,

“sur Théodore, /4. E., V, x. le pape saint Damase “consacre l’un des 24 anathématismes que nous posséjction grecque, le quatrième, aux ma guide Ari slirpe venientes non per fidiam mutarere, sed col. 481 : grec dans Théodorct, /1. xxii, col. 1221. Deux ou trois ans “3 tard, en 3$3 ct 384, l’hévdose signale de la éme manière les macédoniens à côté des ariens et anne parmi les hérétiques contre lesquels lat prend des mesures répressives. Cod. Theodos., “Kw, 5, 11, 12 et 13. C’est donc Vers 380 que les macédoniens entrent “dans ihistoire. Pendant un certain temps, on hésite “encore à les y reccvoi. Le concile de Constantinople en 391, condamne, dans son canon 1, les scmiariens “oupneumatomaques, Mansi, Concil., t. iii, col. 557, “et ne donne pas le nom propre des macédoniens. Le Canon 7 qui se rapporte à la réception des macédoiiens, Mansi, Lnr, col. 364, est de quelque 80 ans plus ‘récent que le concile.

Lepremier écrivain oriental, qui cite d’une m ‘courante les macédoniens, semble avoir été Di “dans le De Trinilate. Cet ouvrage, postérieur au De

Shiritu Sancto, date des dernières années du 1v° siècle ; Didyme y prend à partie les macédoniens, il se les représente comme des adversaires redoutables contre lesquels il est nécessaire de lutter avec ardeur. Il “déclare que Macédonius ordonné par les ariens a été chef de l’hérésie, et après lui Marathonius. De Trin. 1, 10, P. G, , t. xxxIx. col. 633 A. Et dans les deux derniers livres, il déploie la plus grande vigueur à Combatre les doctrines macédoniennes. Le tém Hiage du De Trinilate est d’autant plus important que Didyme cite à plusieurs reprises, et dans le texte même, un ouvrage macédonien, composé en forme de dialogue. Cf. De Trin., u. 8, 1, col. 604 D. Ce dialogue, qui n’était pas encore utilisé par le De Spiritu Sanclo, oppose un macédonien et un orthodoxe : “arâce à lui, nous connaissons les arguments employés Par les hérétiques en faveur de leur doctrine. Cf. F.Loofs, Zwei macedonianische Dialoge, dans les “Sitzungsberichle der kgl. preuss. Akad. der Wissensch. Eu Berlin, 1914, p. 526-551. —.Unautre ouvrage, à peu près contemporain, sembleLil, du De Trinilate, donne lui aussi de notables ren“ignements sur la théologie macédonienne. I1 s’agit des deux dialogues pseudo-athanasiens Adversus macedoniancs, P. G., t. xxviiii, col. 1291-1337. Ces dialogues ont été édités pour la première fois dans Hédition de saint Athanase préparée par Peter Finckelmann, Heidelberg, 1601, d’après le Palatinus græcus 416. de 1578 et d’après un Augustanus græcus de 1584 : cf. P. G.. L. xxv, col. 1285, n.1, ct col. 1173, H.28. On en trouve encore le texte dans le Scorialiensts X, 11, 11 ; cf.G. Ficker, Eutherius von Tyana, PIl sq. et dans l’Ofobonianus 403, xve siècle. LiOttobonianus 384, xvr° siècle, renferme seulement le Second dialogue. L’origine de ces dialogues est obscure. La tradition manuscrite en fait l'œuvre de














EIATES



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saint Athanase où de Maxime le Confesseur. Garnier, col. 467, les attribue à Théodorct, non sans des arguments sp Theolog. Quartalschr., 1905, L. LXXXVIL, p. revendique pour Didyme l’Aveugle. F. Loofs, Zwei macedonianische Dialoge, p. 152 sq., propose la date 380-390 et croit que les ressemblances incontestables entre Did les Dialogues s’expliquent au < dans l’hypothèse que Didyme a utilisé les logues. Quoi qu’il en soit de leur origine précise, ces Dialogues sont des plus intéressants, parce qu’ils renferment le texte, peut-être complet, d’un dialogue macédonien, que l’auteur transcrit afin de donner au dédicataire inconnu de son livre une idée exacte de la doctrine et des arguments héréliques. Au moment où furent écrits ces Dialogues, les pneumatomaques étaient déjà connus sous le nom de macédoniens ct eu de leur















iens De Sancta TriniG., €. xxvIm, col. 1113-1286, se trouvent dans les manuscrits suivants : Parisinus græcus 1358, xvie siècle, Parisinus græcus 1301, x siècle, Palatinus græcus 76, XV° siècle. Ces dialogues et surtout le troisième entre un macédonien et un orth doxe, constituent encore une source importante de notre connaissance des doctrines macédoniennes. F. Loofs, Zwei macedonianische Dialoge, p. 515 sq. a montré que, selon toutes les vraisemblances, les Dialogues De Sanclu Trinitate avaient largement utilisé les Dialogues contra Macedonianos, et n

De Trinitate de Didyme. Il cozclut de là que l’auteur des Dialogues est plus récent que celui des Dialogues contra Macedonianos et plus récent encore que Didyme : il écrit avant le début de la controverse nestorienne, c’est-à-dire entre 395 et 430, mais nous n’avons aucun moyen de connaître son non.

Les historiens orientaux, Philostorge, Socrates, Sozomène, et Théodoret, ne nous renseignent que d’une manière fort imparfaite sur les débuts et sur l’histoire extérieure du macédonianisme. Théodorct se borne à indiquer, sans fournir d’autre détail, que Macédonius, aussitôt après sa déposition, devint Biac alpéoewe rpo ne, HE, IN D G, £. xxx, col. 997 €, el à écrire, dans une liste des évêques de Constantinople, le nom de Macédonius, alpectépyne nveuuarouéyoc, II. E., N, x1, 8, col. 1280 A. Philostorge est encore moins précis et moins exact. Il raconte, H. E., 1Ÿ, 9, édit. Bidez, p. 62, que les partisans de Basile d’Ancyre qui défendaient le consubstantiel, parvinrent à entraîner Macédonius dans leur opinion, et ailleurs, J. E., vu, 17, p. 115, il fournit une liste des défenseurs du consubstantiel, dans laquelle figurent Eustathe de Sébaste, Basile d’Ancyre, Macédonius de Constantinople, Éleusius de Cyzique ct deux prêtres de Constantinople, Marathonius et Maxime.

Socrates et Sozomène qui écrivent l’un et l’autre à Constantinople, et sont mieux documentés sur l’histoire religieuse de la capitale, insistent longuement sur Macédonius, et ils fournissent de nombreux détails sur sa carrière ecclésiastique. Ils parlent aussi des macédoniens qu’ils représentent comme formant un groupe particulièrement important dans l’Hellespont. Socrates, H. E., IV. iv, P. G. t. Lxvi, col. 469 Mais ces deux historiens ne sont pas exempts de conf : sions. Ils rapportent l’un et l’autre les premières origines de l’hérésie macédonienne aux événements qi suivirent le concile de Séleucie, Socrates, H. E., FI, xLv, P. G., t. Lxvii, col. 357 B-360 B ; Sozomène, HE. IN, xxvii, 1, P. G., t. Lxvii, col. 1200 ; ce quiles amène à confondre plusou moins lesmacédoniens avec les homæousiens, ainsi que Merenda en avait déjà fait


ogues pscudo


late, P.

la remarque ; cf. /'. L., t. xiii, col. 199. il est Mai que le groupe homœousien qui s'étail formé autour de liasile d’Ancyrc ne demeura pas homogène. Tandis qu’une partie de ses adhérents se rapprochait de plus en plus des orthodoxes, d’autres, doid Eustathe de Séhaste semble avoir été le chef, précisèrent leur position dans un sens hétérodoxe et nièrent franchement la divinité du Saint-Esprit. Socrates, II. E., II, xi.v, P. G., t. i.xvii, col. 360 A H. Mais cette évolution n’a rien à voir avec Macédonius. Socrates d’ailleurs croit devoir ajouter, id., ibid., que, d’après un bruit assez courant, Macédonius n’aurait pas été l’inventeur de l’hérésie qui porte son nom, mais qu’il faudrait attribuer cette trouvaille à Maralhonius, qui avait été évêque de Nicomédie, d’où le titre de marathoniens par lequel on désigne aussi les pneumatomaques. Si, d’autre part, comme on l’a déjà fait remarquer, le nom des macédoniens n’apparaît nulle part avant 380, on entrevoit assez la défiance avec laquelle il faut se servir des renseignements tournis par Socrates et Sozomène.

Les sources occidentales, à partir du commencement du ve siècle, sont unanimes à faire de Macédonius un hérésiarque de première grandeur. Dans l’Histoire ecclésiastique, Ru fin raconte que vers 361 les ariens se divisèrent en trois groupes, les eunomiens, les ariens et les macédoniens, qui dicunt similem quidem Filium per omnia Patri, Sanction vero Spirilum cum Paire et Filio nihil habere commune. H. E., I, xxv, P. L., t. xxi, col. 496 sq. Saint Augustin, dans le De iinilale Ecclesize, P. L., t. xliii, col. 395, signale ces trois groupes d’hérétiques comme les hétérodoxes d’Orient. Vers 415, saint Jérôme nomme encore ensemble les mêmes groupes, Epist., cxxxiii, ad Ctesiph.., P. L., t. xxii, col. 1159, et vers 428 saint Augustin dans son catalogue d’hérésies fait une place aux macedoniani, quos et pneumatomachous grseci dicunt. De hæres., 52, P. L., t. xlii, col. 39. La tradition est formée pour longtemps.

Désormais lorsqu’on combat les hérétiques opposés au Saint-Esprit, on les désigne partout, en Orient, comme en Occident, sous le nom de macédoniens. Théodoret compose en trois livres, un ouvrage aujourd’hui perdu Ttpôç toùç toc MaxeSovfou voaoGvxaç, Epist., i.xxxii, ou Kaxà MaxsSovtou, Epist., cxv, ou Ilept toû àyîcu 7rvEO[i.aToç, Hseretic. fab. conf., v, 3. Nestorius dans le Livre d’Héraclide, i, 3, édit. Nau, p. 148, cite Macédonius, à la suite d’Arius et d’Eunomius, comme un des principaux hérétiques condamnés par les Pères. Fauste de Riez, au témoignage de Gennade, De vir. illusl., 85, écrit adversum arianos et macedonianos parvum libellum, in quo coessentialem priedicat Trinitatem. Les anathématismes solennels des conciles postérieurs mettent également Macédonius en bonne place parmi les hérésiarques : tels les canons du Concile de Constantinople en 553, Hahn, Bibliothek der Symbole, 3e édit., § 148, p. 170 ; la formule d’union de Cyrus d’Alexandrie en 633, Hahn, op. cit., § 232, p. 339, les anathématismes du concile du Latran sous Martin I er en 649, Hahn, §181, p. 241 ; et d’autres encore. Si l’on met à part les historiens du ve siècle, tous les témoignages sont d’accord pour nous empêcher de placer avant 380 l’apparit ion du nom de macédoniens ; c’est seulement à partir de cette date à Constantinople d’abord, puis en Egypte, que ce nom sert à désigner les hérétiques pneumatomaques. Les historiens, principalement Socrates et Sozomène, essaient d’expliquer une telle dénomination, et rattachent à l'évêque de Constantinople, Macédonius, l’organisation d’un parti qui porte son nom. Leur témoignage est trop tardif, il est surtout opposé par trop d’endroits aux données des sources contemporaines pour mériter notre créance. Il s’agit cependant d’expliquer pourquoi Macédo nius a pu donner son nom â une hérésie qu’il n’a pas fondée. Si une vingtaine d’années après sa mort, et à Constantinople même, l'évêque pouvait être regardé comme le chef de l’erreur pneumolomaque, ce ne devait pas être sans quelque apparence de raison. Alors même que Macédonius n’a pas été de son vivant un chef de groupe, il a dû cependant exercer une influence assez grande et assez néfaste pour que son souvenir se perpétuât. Essayons donc défaire quelque lumière sur l’histoire de Macédonius.