Dictionnaire de théologie catholique/LUPOLD ou LÉOPOLD DE BEBENBURG

J. Rivière
Letouzey et Ané (Tome 9.1 : LAUBRUSSEL - LYREp. 579-580).

LUPOLD ou LÉOPOLD DE BEBENBURG, parfois dit aussi de Babenberg, † 1363, publiciste du parti impérial sous Louis de Bavière. — Ancien élève à Bologne de l’illustre canoniste Jean André, il ne tarda pas à obtenir lui-même la réputation d’un juriste distingué. De 1338 à 1352, on le trouve simultanément comme chanoine de Wurzbourg et de Mayence et prévôt d’Erfurt. Dans le conflit survenu entre le Saint-Siège et Louis de Bavière qui déchirait alors l’Église, il se rangea du côté de l’empereur, mais avec une suffisante modération pour n’être pas suspect au pape. Aussi, en 1352, reçut-il sans difficulté le siège archiépiscopal de Bamberg, sur lequel il finit ses jours en 1363.

Ses œuvres sont toutes relatives au problème politico-théologique qui agitait alors la chrétienté. La plus importante est un Tractatus de juribus regni et imperii Romanorum, souvent imprimé à partir du xvie siècle et reproduit dans Simon Schard, Sylloge historico-politico-ecclesiastica, Strasbourg, 1618, p. 167-208. Il fut terminé le 3 février 1340 et dédié par l’auteur à Beaudouin, prince-évêque de Trêves. C’est là qu’on trouve tout l’essentiel de ses doctrines sur l’Église et l’État et leurs mutuels rapports. — On possède encore de lui un Libellus de zelo christianæ religionis veterum principum germanorum, achevé à Wurzbourg ; au cours de l’an 1342. Le texte en est publié dans Schard, à la suite du précédent, p. 208-235, et aussi dans la Maxima bibliotheca veterum Patrum, Lyon, 1677, t. xxvi, p. 88-108. Il est dédié au duc Rodolphe de Saxe et le titre en indique suffisamment l’objet. Dans l’intervalle, Lupold s’était également exercé à la poésie et avait composé un Ritmaticum querulosum et lamentosum dictamen de modernis cursibus et defectibus regni ac imperii Romanorum. Édité par J.-M. Peter, Wurzbourg, 1842, il est reproduit dans J.-Fr. Boehmer, Fontes rerum germanicarum, t. i, Stuttgart, 1843, p. 479-484. — Par suite de son caractère populaire, le Libellus a bénéficié de plusieurs traductions allemandes, 1565 et 1605.

Lupold n’a rien de commun avec le radicalisme de Marsile de Padoue. Il admet la primauté de l’Église romaine sur toutes les autres et la rattache expressément au droit divin, contrairement à l’opinion qui la voulait expliquer par un décret de l’empereur Phocas. Tractatus, v, dans Schard, p. 177. De la primauté découle la suprême autorité doctrinale : Rome est pour lui « la mère et la maîtresse de tous les fidèles » ; on ne peut s’écarter d’elle sans tomber dans l’erreur et l’hérésie. Libellus, i et iv, dans Schard, p. 209, 210, 215. Le pape, son chef, est le vicaire du Christ et le gardien spécial de la foi, ibid., xv, p. 233 ; il faut lui reconnaître la plenitndo potestatis en matière spirituelle, Tractatus, xiii, ibid., p. 199 ; sans lui, il ne saurait y avoir de concile œcuménique et les décisions intéressant la discipline ecclésiastique ne sont valables que moyennant son approbation. Libellus, xi, p. 225.

Autant il est ferme sur ces principes fondamentaux de l’ecclésiologie traditionnelle, autant Lupold se montre résolu pour revendiquer l’indépendance politique des États en général et de l’Empire en particulier. Son principe est de distinguer l’autorité royale dont l’empereur jouit sur ses terres héréditaires — parmi lesquelles l’auteur comprend du reste l’Italie — de l’autorité proprement impériale, qui s’étend, en théorie bien entendu, sur le monde entier. Celle-ci vient de l’Église, qui la transféra des Grecs aux Germains, plutôt d’ailleurs pour des raisons de fait que pour des motifs de droit, en la personne de Charlemagne. Tractatus, iv, p. 176. Au contraire, celle-là est d’origine purement politique et prend racine, en dernière analyse, dans la souveraineté populaire, dont les interprètes sont, pour l’Allemagne, les princes électeurs. De ce principe, Lupold déduit les conséquences en cinq articles qui constituent le corps de sa thèse. Toute élection faite in concordia sort immédiatement son effet : l’élu peut prendre le nom de roi et en exercer les fonctions. Même solution pour le cas d’une élection faite in discordia, si l’élu a pour lui la majorité des électeurs. Dans les deux cas, le prince a sur le domaine direct de l’empire les mêmes droits que l’empereur. Il n’est pas tenu pour cela d’avoir l’approbation du Saint-Siège. Le serment qu’il prête au pape n’est pas un serment féodal d’hommage, mais une promesse par laquelle il s’engage à protéger l’Église. Tractatus, v-ix, p. 178-188. Ce qu’il reçoit du sacre impérial, c’est la juridiction universelle sur les provinces qui ne sont pas, de fait, soumises à son pouvoir. Ibid., xi, p. 191, 192 ; xvi, p. 204, 205. Encore l’auteur réserve-t-il son jugement, au cours de ces deux chapitres, sur une opinion plus restrictive, aux termes de laquelle l’intervention de l’Église ne serait due qu’à la coutume. Auquel cas, dit-il, non video qualiter sustineri possit quod imperialis unctio et coronatio regis ultra nomen imperatoris et delationem imperalium ornamentorum aliud superaddat. xvi, p. 205.

Bien que tout spécialement intéressé au cas de l’Empire, Lupold laisse entendre que les mêmes principes valent aussi pour les autres souverainetés. Il lui paraît excessif de considérer comme illégitimes, suivant la thèse théocratique reçue, tous les pouvoirs qui ne reconnaissent pas ou n’ont pas reconnu tenir leurs titres de l’Église romaine. Tractatus, xiii, p. 198, 199.

Le nom de Lupold a joui plus tard d’un grand prestige et ses conceptions ont exercé une réelle influence sur la littérature juridico-théologique qui n’a cessé de reprendre le gros problème de l’Église et de l’État. Aujourd’hui encore, par son érudition canonique, par son sens des réalités historiques, par la modération de ses idées et de son langage, il reste un des meilleurs représentants de cette école moyenne qui, à la suite de Jean de Paris, s’appliquait à concilier, en distinguant leurs domaines respectifs, l’indépendance du pouvoir politique et la primauté du pouvoir spirituel.

Biographie par Adam Senger, Lupold von Bebenburg, Bamberg, 1905 — Études doctrinales : du point de vue juridique, par O. Gierke, Johannes Althusius und die Entwickelung der naturrechtlichen Staatstheorien, 2e édit., Breslau, 1902 ; du point de vue théologique, par Herm. Meyer, Lupold von Bebenburg, Frihourg-en-B., 1910, dans la collection du Dr. H. Grauert, Studien und Darstellungen aus dem Gebiete der Geschichte, t. vii, fasc. 1, 2. Pour sa position dans l’histoire de la controverse, S. Riezler, Die literarischen Widersacher der Päpste zur Zeit Ludwigs des Baiern, Leipzig, 1874, p. 75-95, et 180-192 ; Fr. Scaduto, Statoe Chiesa negli scritti politici dalla fine della lofta per le investiture, Florence, 1882, p. 70-75.

J. Rivière.

1. LUPUS Chrétien, voir Wolf.

2. LUPUS Jacques, théologien du xve siècle. — Portugais d’origine, prieur de l’Ordre de Grandmont, Lupus avait d’abord été précepteur du roi de Portugal Manoel Ier (1495-1521). Il vint à Paris vers 1488, et l’on relève son entrée au collège de Navarre, en qualité d’hospes en 1495 : il fut reçu docteur en théologie en 1497, et mourut l’année suivante. — Il a publié : 1° De republica gubernanda per regem, Paris, 1497, traite en quatorze chapitres des droits et des devoirs de la royauté : — 2° Liber assertionum catholicarum Apostoli, in quo omnes conclusiones Apostoli et earum probationes annotantur, Paris, 1497. — Il avait aussi édité un traité de la justice, composé par un sien compatriote, dont Launoy donne l’explicit : Tractatus perutilissimus de justitia commutativa et arte campsoria seu cambiis ac alearum ludo viri clarissimi M. Joannis Consobrini Portugalensis ordinis fratrum B. M. de minute Carmelo, feliciter explicit diligenti opera et ingenti cura per venerabilem Jacobum Lupi, sacræ theologiæ baccalarium, bene meritum, Paris, 1496. — Il faut sans doute attribuer aussi à notre auteur un Tractatus qui dicitur fructus Sacramenti Pænitentiæ editus editus et compilatus per magistrum Jacobum Lupi Rebello, Hain, . in 340, publié à Paris en 1494, chez le même éditeur que le précédent.

Mais il y a lieu de distinguer de notre Jacques Lupus un Jean Lupus (Juan Lopez), espagnol, contemporain de l’auteur portugais, chanoine de Ségovie qui est surtout un canoniste. Voir l’essentiel sur lui dans N. Antonio, Biblioth. hispana vêtus, t. ii, Madrid, 1738, p. 337.

J. de Launoy, Regii XaoarriV (ymnasii Parisiensis hisloria, dans les Opéra, t. îv a, p. 393 et p. 573 ; Hain, Bepertorium bibliograpliieum, n. lu 330, 10 310, 10 341 : Copinger Supplément, n. 3690, 3691.

É. AMANN.

LUSCINIUS (1487-1535), voir Nachtigall.

LUSSAN (Louis Jacques d’Audibert de Massilliaux de), né à Baix-sur-Rhône diocèse de Viviers, le 28 avril 1703, embrassa d’abord la carrière des armes et fut capitaine de cavalerie ; puis il entra au séminaire Saint-Sulpice le 29 août 1719 et fut reçu docteur de Sorbonne, le 6 octobre 1730 ; en novembre de la même année, il eut l’abbaye d’Andres, diocèse de Boulogne ; il était entré dans la Compagnie de Saint-Sulpice en 1727 et il fut directeur au séminaire de Paris, puis au séminaire d’Angers ; mais, dès 1733, il quitta la Compagnie et devint vicaire général de Saint-Omer, le 24 janvier 1734. Le 8 septembre 1743, il était nommé évêque de Périgueux, à la place de Macheco de Prémeaux, qui devait être transféré à Bordeaux ; mais ce dernier préféra rester à Périgueux ; aussi Lussan fut nommé directement à Bordeaux, en novembre 1743 ; sacré le 22 avril 1744, il n’entra dans sa ville épiscopale que le 28 novembre 1745. En 1748, il reçut l’abbaye de Froidmont, diocèse de Beauvais. Il mourut à Bordeaux, le 15 novembre 1769.

j Les Mandements de Lussan ont été imprimés dans un Recueil des Ordonnances, Mandements et Lettres pastorales des archevêques de Bordeaux, de 1599 à 1836, in-8°, Bordeaux, 1848, p. 279-364. Ce Recueil fut édité par ordre du cardinal Donnet. Les mandements de Lussan ne présentent rien de bien saillant, car l’archevêque resta presque étranger aux polémiques du temps. Les mandements se rapportent aux événement s heureux ou malheureux du royaume, ou bien ils recommandent des jubilés, 12 janvier 1746, 25 avril 1751, 28 avril 1759 ; un seul est assez intéressant et a pour objet la dévotion au Sacré-Cœur, 1 er mai 1767. — On peut citer aussi une Lettre au chapitre de Saint-André de Bordeaux, 16 février 1762, publiée dans les Mélanges de biographie et d’histoire de L. Bertrand, in-8°, Bordeaux, 1885, p. 583-586.

Fisquet, La France pontificale, Métropole de Bordeaux, in-8°, Paris, s. d., p. 361-371 ; Jean, Les évêques et archevêques de France depuis 1682 jusqu’à 1801, in-8°, Paris, 1891, p. 124 ; Louis Bertrand, Bibliothèque sulpicienne ou Histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulplice, 3 vol., in-8°, 1900, t. iii, p. 156-158.

J. Carreyre.

LUTHER Martin (1483-1546), moine augustin, auteur de La Réformation religieuse eu Allemagne. —

On étudiera en deux articles distincts, d’abord sa vie, puis sa théologie (col. 1183).

I. VIE DE MARTIN LUTHER
I La période catholique, 1183-1517. —
II. Des thèses sur les indulgences à la condamnation de Luther par l’Église et par l’Empire, 1517-1521 (col 1154).
III. De la diète de Worms à la diète d’Augsbourg, 1521-1530 (col. 1161).—
IV. De la diète d’Augsbourg à la mort, 1530-1546 (col. 1176).

Pour la bibliographie, les lecteurs sont priés de se reporter a la fin de l’article sur la théologie de Luther. Ils y trouveront notamment l’explication des sigles et abréviations qu’ils vont rencontrer. Pour les renvois a l’édition de Weimar (W.), le