Dictionnaire de théologie catholique/LECÈNE Charles

J. Carreyre
Letouzey et Ané (Tome 9.1 : LAUBRUSSEL - LYREp. 59).

LECÈNE Charles (1647-1703), naquit à Cæn en 1647 d’une famille calviniste. Il fit sa théologie à Sedan (1669), à Genève (1669-1670), puis à Saumur (1670-1672), et, en 1682, il devint ministre à Honfleur. Dans ses sermons, il laissa percer ses tendances au pélagianisme et au socinianisme dont il ne put se justifier au synode de Charenton en 1692. La révocation de l’Édit de Nantes l’obligea de se retirer en Hollande où il se prononça pour l’arminianisme, puis en Angleterre où il publia la plupart de ses écrits. A Londres, Lecène voulut organiser une église socinienne, mais le gouvernement s’y opposa. Il mourut en mai 1703.

Les œuvres de Lecène ont des relations très étroites tantôt avec les thèses jansénistes et tantôt avec les thèses pélagiennes. L’écrit intitulé : De l’état de l’homme après le péché et de sa prédestination, in-12, Amsterdam, 1684, est tout empreint de pélagianisme. — Entretiens sur diverses matières de théologie où l’on examine particulièrement les questions de la grâce immédiate, du franc arbitre, du péché originel, de l’incertitude de la métaphysique et de la prédestination, in-12, Amsterdam, 1685 ; c’est l’exposé des opinions toutes personnelles de l’auteur. La seconde partie de cet ouvrage est l’œuvre de son ami Jean Leclerc. — Conversations sur diverses matières de religion, avec un traité de la liberté de conscience, in-12, Amsterdam, 1687. Cet ouvrage est dédié au roi de France et l’auteur y « fait voir la tolérance que les chrétiens doivent avoir les uns pour les autres et explique ce que l’Écriture Sainte nous dit des alliances de Dieu, de la justification et de la certitude du salut » ; ce n’est guère qu’une traduction de l’ouvrage de Crell, intitulé : Junii Bruti Poloni Vindiciæ pro religionis libertate. Naigeon a retouché cette traduction et l’a publiée à la suite de l’Intolérance convaincue de crime et de folie du baron d’Holbach, in-12, Londres, 1769. — Lecène s’était aussi occupé d’une traduction de la Bible : il avait publié un Projet d’une nouvelle version française de la Bible, dans lequel on justifie que les versions précédentes ne représentent pas bien le sens de l’original et qu’il est nécessaire de donner une meilleure version, in-8°, Rotterdam, 1696, et La Haye, 1705 ; réimprimé sous le titre : Nouvelle critique de toutes les versions de la Bible en français, in-12, Amsterdam, 1722, et traduite en anglais, in-8°, Londres, 1727. Ce projet fut vivement attaqué par Gousset, professeur à Groningue, dans ses Considérations théologiques et critiques, in-8°, Amsterdam, 1698. Lecène prépara une réponse qui ne fut pas publiée, mais il poursuivit son travail qui parut après sa mort, sous le titre : La sainte Bible, nouvelle version française, 2 vol. in-fol., Amsterdam, 1741. Cette publication fut faite par le fils aîné de l’auteur, Michel-Charles Lecène, qui, dans l’Avertissement, inséra un Abrégé de la vie de Charles Lecène, son père. Dans cette traduction, Lecène, sous prétexte de ne pas s’asservir à une traduction littérale et pour favoriser ses opinions personnelles, dénatura le texte, changea, supprima, ajouta ; dans le Nouveau Testament, en particulier, il s’appliqua à faire disparaître ou à atténuer les preuves en faveur de la divinité de Jésus-Christ. Aussi cette traduction fut condamnée par le synode wallon de 1742.

Michaud, Biographie universelle, t. xxii, p. 514-515 ; Hœfer, Nouvelle biographie générale, t. xxx. col. 184-186 ; Haag, La France protestante, t. vi, p. 457-459 ; Lebreton, Biographie normande, t. ii, p. 428-429 ; Burrel, Nouvelle biographie normande, t. ii, p. 79 ; l’Avertissement en tête de l’édition de la Bible publiée par son fils, donne un Abrégé de la vie de Charles Lecène.

J. Carreyre.