Dictionnaire de théologie catholique/JEUNE

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 715-718).
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JEUNE. On n’a pas l’intention <le taire ici l’histoire de la loi du jeûne. Il n’y a pas lieu d’y revenir après l’étude sur le carême, où l’origine et les développements historiques du jeune quadragésimal furenl largement exposés. Cetle étude a besoin seulement d’un léger complément ; et elle l’aura nécessairement lorsqu’il sera question des quatre-temps et des vigiles. Voilait. Carême, t. ii, col. 1724-1750, el les art. Quatri I i.mi’s. Vigiles, qui viendront à leur place. Le présent article ne louche pas non plus à l’observance du jeune parmi les Églises chrétiennes d’Orient, dont il a été suffisamment parlé à propos soit du carême, soit même de l’abstinence ; car l’abstinence et le jeûne, chez elles, quoique distincts, se mêlent assez pour être désignés l’une et l’autre par les auteurs grecs sous le nom générique de jeûne. Voir art. Abstinence, t. i, col. 261’271. Voir aussi art. Arménie, 1. 1, col. 1961 sq., Constan 1TNOPLE (Éylise de), t. iii, col. 1112, 1413.’m se propose donc uniquement d’exposer la discipline a luelle du jeûne dans l’Église latine, en conformité avec le nouveau Code et selon la doctrine commune d -s moralistes.
I. Notions générales.
II. Précepte du jeûne.
III. Gravité du précepte.
IV. Jours de jeûne.
V. Exemptions.
VI. Dispenses.

I. Notions. -
Jeûner, au sens absolu du mot, c’esl s’abstenir de tout aliment et de toute boisson. ce jeûne complet les casuistes ont donné le nom de jeûne naturel. C’est celui que l’Église prescrit au prêtre qui célèbre et au Adèle qui lail la sainte communion, depuis l’heure de minuit, et qu’oïl appelle aussi poulie motif, jeûne eucharistique. Ce jeûne encore est fortement conseillé, comme une disposition qui convient,

avant un baptême d’adulte, au prêtre qui le confère et au sujet auquel on L’administré. Cod../ » /-. eun.. can. sus, 753, S l, x :, s. §’Le jeûne qu’on s’impose librement, en dehors des prescriptions de l’Église, el

mil on règle soi-même les modalités, est dit par les théoli me munit. La mortification et la péni tence l’inspirent, ou comme une mesure préventive contre le mal. ou comme une expiation du péché commis. Par là, selon une formule de la préface du carême. > les vices sont contenus, l’esprit s’élève, la vertu se pratique et les mérites s’acquièrent. La vie des ascètes chrétiens en offre de nombreux et illustres exemples. Le jeûne dont l’Église non seulement approuve la liii, mais a fixé dans le détail le régime disciplinaire, est le jeûne proprement ecclésiastique. De ce jeûne il est question précisément dans cet article, IL Précepte du jeune. l" Age. Au précepte du jeûne sont astreints tous ceux qui ont achevé leur vingt et unième et n’ont pas commencé leur soixantième année. Can. 125 I, s 2. L’Église, se f< ndant sur ce qui a lieu communément, estime que les jeunes gens, avant vingt et un ans accomplis, et les personnes âgées qui entrent dans la soixantaine, ont besoin de manger sinon davantage, au moins plus souvent, ceuxci parce que leurs forces déclinent, ceux-là parce que leur croissance n’est pas achevée. Déjà la coutume tenait les sexagénaires pour exempts du jeûne : la nouveau code l’a fait passer dans le droit écrit.

2° Un seul repus principal. La loi du jeûne prescrit de ne faire qu’un seul repas dans la journée. Mais elle permet de prendre quelque nourriture le matin et le so r. pourvu qu’on observe les coutumes locales approuvées, en ce qui regarde la quantité et la qualité des aliments. Can. 1251, § 1. Ou peut au si réserver pour le soir, si l’on veut, le repas principal, § 2.

Un seul repas dans la journée : en cette restriction consiste essentiellement le jeûne. Si donc, un jour ou il y a obligation de jeûner, on fait ou sciemment ou par inadvertance, un deuxième repas véritable, non seu lement on enfreint mais on ne peut même plus observer le précepte ce jour-là. Peu importe d’ailleurs qu’on ail pris cette seconde et entière réfection en une seule fois, ou en mangeant à diverses reprises entre temps, l’infraction est la même et le jeûne également impossible. A celui qui le matin, oubliant la défense, aurait copieusement déjeuné, il ne resterait plus qu’un moyen d’observer la loi, ce serait de supprimer le repas de midi ou la collation du soir, selon qu’il estimerait a mipris ou non l’équivalent d’un repas.

On s’est longtemps demandé si on pouvait jeûner sans s’abstenir d’aliments gras, autrement si l’abstinence, elle aussi, était de l’essence du jeûne. Parmi les théologiens, ceux qui la regardaient comme son accompagnement nécessaire, permettaient plusieurs repas aux personnes autorisées par dispense à manger de la viande. Hennit XIV, par la constitution Nonumhi-Ol’mus (30 mai 17 11). a dissipé le doute, en défendant à ceux qu’une dispense autorise à l’aire gras, de prendre plus d’un repas les jours déjeune. Il s’ensuit que la loi qui prescrit de jeûner est distincte et séparable du précepte de l’abstinence, connue d’ailleurs le code le marque expressément.

On viole dans sa lettre et dans son esprit le précepte d’un seul repas dans la journée, si on fait durer ce repas outre mesure, ou si, l’interrompant à dessein, on le reprend quelque temps après, en sorte qu’il représente non plus une seule mais deux réfections à peu près complètes. Ceci doit s’entendre moralement ou selon une estimation commune. Ainsi la durée du repas principal peut atteindre deux heures, el davantage si l’on a des convives : il est permise celui quia

interrompu son repas pour un motif raisonnable, de le continuer même une heure après, pourvu qu’il ait (put lé la lalile pensant y revêtir. On est beaucoup plus large encore envers quiconcpie a dû forcément l’interrompre sans avoir mangé à sa faim. On ne peut accuser, au moins de péché mortel, celui qui mangea nouveau, une demi heure après qu’il a terminé son repas. L’heure du repas principal d’après une coutume 1 113

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depuis longtemps généralisée, est midi. Cependant comme la circonstance de temps est jugée accidentelle

en matière de jeûne, on peut sans péché aucun devancer le repas d’une demi-heure ou même d’une heure, Si on a quelque juste motif, comme serait la nécessité de sortir, une affaire pressante à traiter, la santé ou l’habitude de manger plus tôt.

Au repas principal la quantité de nourriture n’est pas limitée, non plus que le nombre des plats. Il n’y a de règle à observer, comme en temps ordinaire, que la loi de la tempérance. Le précepte du jeûne n’interdit pas davantage les aliments recherchés. En ce qui concerne la qualité de la nourriture, il faut distinguer entre les jours où le jeûne est prescrit avec abstinence et les juins où le jeûne est seul obligatoire. Aux jours à la fois de jeûne et d’abstinence, évidemment on ne peut user à midi que d’aliments maigres. Si quelqu’un, par conséquent, rompait le jeûne en prenant ces jours-là de la viande ou du jus de viande, il commettrait un double péché mortel : et s’il réitérait son acte, il se rendrait coupable d’un nouveau péché grave contre la loi de l’abstinence qui continue, mais seule, d’obliger. Aux jours de jeûne sans abstinence, non seulement on peut manger gras au repas principal, mais le nouveau code autorise maintenant à prendre à la fois poisson et viande. La prohibition du mélange des aliments ne concerne plus que les religieux et les membres d’instituts obligés par vœu à garder le jeûne strict. Cod.. can. 1251. § 2, can. 1253.

3° Petit déjeuner et collation. — Le code a fait entrer dans le droit écrit, can. 1251. § 1, les deux adoucissements qu’autorisait un long usage, c’est-à-dire, le petit déjeuner du malin ou (rustulum et la collation du soir. Il les permet à la condifion que soient obser ( es les coutumes locales approuvées en ce qui regarde la quantité et la qualité des aliments.

Selon une estimation commune, la quantité de nourriture qu’on peut prendre le matin, ne doit pas dépasser deux onces ou soixante grammes environ. Dans ce poids n’entre pas celui de l’eau qui a servi a la préparer. Il est permis cependant de tenir compte du devoir d’état de chacun, du son tempérament, de son appétit ou de la durée du jeûne, et de se montrer plus large s’il le faut. L’essentiel est de ne pas dépasser la limite au delà de laquelle on ne jeûne plus. Comme genre de nourriture on autorise le café, le chocolat, le thé avec un peu de pain. D’une manière générale sont défendus les œufs et le lait ainsi que le beurre, la graisse, le sucre ; on tolère néanmoins à titre plutôt de condiment dans le café et le chocolat, quelques gouttes de lait, une petite quantité de suer*.

Pour fixer sagement la quantité de nourriture permise à la collation, il importe de ne pas oublier non plus les circonstances de fatigue, de complexion physique, de climat qui sont fort loin d’être les mêmes pour tous. D’une manière générale, la plupart des théologiens ont indiqué le chiffre de huit onces, soit deux cent cinquante grammes, abstraction faite, de l’eau qui sert a la préparation. J.e jeûne quadragésimal étant plus pénible parce qu’il est de tous les jours, on peut en carême dépasser un peu cette mesure. La veille de Noël, on est autorisé à doubler la quantité de nourriture à la collation, on ne pourrait faire de même aux autres vigiles et aux quatre-temps que là où la coutume le permet. Parmi les aliments reçus à la collation, mentionnons le pain, les légumes même cuits à la graisse, les soupes, la salade, les fruits, les confitures, etc., et là où c’est l’usage, le poisson, les œufs, le laitage, le fromage. En somme, il est nécessaire en ce qui regarde la quantité et la qualité des aliments a prendre le matin et le soir, comme en avertit formellement le code, de se régler sur les coutumes locales approuvées. D’aucune façon on ne peut les jours de

jeûne sans abstinence, à moins qu’on ne so, i disp de jeûner, manger de la viande plusieurs rois. r :, r conséquent, on n’est pas autorisé à user d’aliments gras en dehors du repas principal, c’est-à dire, ni au déjeuner ni à la collation. C’est la réponse qu’a laite la commission pontificale chargée de l’interprétation authentique du nouveau code. Voir _, t, i apostolicee Sedis, l’décembre 1919.

4° Le liquide ne rompt pas le jeune. - Cette formule signifie qu’on peut, même entre les repas, et sans ci freindre le précepte, prendre toute boisson servant de remède, de digestif ou de rafraîchissement. Il en serait autrement dune boisson qui aurait valeur de nourriture OU cpii contiendrait des aliments dilués. On autorise, par conséquent, le viii, le thé, le café, la limonade, l’eau de citron, niais non le lait, l’huile, le miel, le chocolat, le jus de viande. On tolère encore dans l’eau, le thé ou le café, un morceau de sucre qui en change le goût et avec le viii, une bouchée de pain, ne noceat polus, selon l’adage connu.

III. Gravité de la loi du jeune.

Le précepte du jeûne est grave de sa nature, ex génère suo. C’est une fin de première importance, autrement dit un bien spirituel considérable pour les fidèles, que l’Église s’esl proposé, en l’établissant. Au reste, elle-même a expressément déclaré la gravité de sa loi, lorsqu’elle a condamné par la bouche d’Alexandre VII la proposition suivante : I-’rangens jejunium Ecclesiæ, ad quod teneiw, non peccal mortaliter nisi ex contempla rrl inobedientia hoc facial. Prop. 23, Dcnzi ger-Bannwart, F.nchiridion, n. 1123. Nous disons : le précepte est grave, ex génère suo, signifiant qu’il admet néanmoins une légèreté de matière. Quelle matière est censée considérable ? Il est assez difficile de le déterminer avec précision et les auteurs hésitent. Il semble, pourtant qu’on doive regarder comme grave un excédent de nourriture solide ce quatre onces ou d’environ cent vingt grammes dans toute la journée. Peu importe d’ailleurs qu’on l’ait absorbé en une seule fois ou par petites quantités entre temps, ces quantités légères s’additionnant et finissant par constituer une matière grave, comme il résulte d’une proposition condamnée par Alexandre VII : In die jejunii, qui sœpius modicuni quid comedit, etsi nolabilem quantilatem cibi in fine comederil, r, on frangit jejunium. Prop. 2 !), Denz.-Ban.. n. 1129. Donc, on enfreint gravement la loi du jeune. ou par un second repas véritable, ou par un exéden1 de nourriture de quatre onces dans toute la journée. soit qu’on ail dépassé la quantité permise au petit déjeuner ou à la collation, soil qu’on v ait mangé entre temps en une ou plusieurs lois.

IV. Les jours de jeune. - Dans les jours de jeûne sont compris les jours où l’abstinence est prescrite en même temps’que le jeûne et les joins où le jeûne est seul obligatoire Il y a obligation à la fois de jeûner et de faiie abstinence, le mercredi des cendres, les vendredis et samedis de carême, les mereicdis. vendredis et samedis des quatre-temps ei les veilles de la Pentecôte, de l’Assomption, de la Toussaint cl de Noël, can. 1252, S ?.. En vertu d’un induit pontifical, l’abstinence des sain edi s de carême à l’exception du samedi des qnatl e-teinps. est transférée au mercredi dans un certain nombre de diocèses. Le jeûne sans abstinence est prescrit les lundis, mardis, mercredis et jeudis du carême, Ibidem, § 3. Les dimanches et, sau ! en carême, les lèu-s de précepte, ni on ne

ni on ne fait abstinence, Ibidem, i I. En France, il n’j a que trois fêtes de précepte où l’abstinence du vendredi soil dans le cas d’être supprimée : Noël, l’Assomption, la rbussaint. Quanl aux autre a savon : la Cii concision. l’Epiphanie, l’Immaculée Concept ion de la bienheui 1 1 Mai le ei les

dans toute 1.]

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l’Église mais supprimées chez nous pur une concession du Saint-Siège, elles ne nous exemptent pas de la loi de l’abstinence lorsqu’elles tombent un vendredi. Telle est une réponse de la commission pontificale pour l’interprétation du nouveau code, 17 février 1918. Les vigiles anticipées ne comportent ni jeûne ni abstinence. Le jeûne et L’abstinence du carême prennent lin ! e samedi saint à midi, can. 1252, § 4.

Le code de droit canonique rappelle que le jour d’abstinence et le jour de jeûne se comptent de minuit a minuit, can. 12 10. Et il autorise ceux qui jeûnent et font abstinence, bien que dans le lieu où ils se trouvent une autre supputation des heures soit en usage, à suivre ou bien le temps local soit réel, soit moyen, ou bien le temps légal soit régional soit extraordinaire, can. 33.

V. Les EXEMPTIONS CONSACRÉES PAU L’USAGE.

En dehor des fidèles que leur âge n’oblige pas encore ou n’oblige plus à jeûner, il en est un grand nombre que des causes légitimes exemptent du précepte. Les exemptions admises par un usage universel se rapportent soit à la faiblesse du tempérament, soit à la pauvreté, soit à un travail intense ou de l’esprit ou du corps. Donc, ne sont pas astreints à la loi du jeûne les malades, les infirmes, les convalescents, les femmes enceintes ou nourrices, certains neurasthéniques, d’une manière générale, toutes les personnes auxquelles la débilité de leur organisme, une faiblesse de constitution, une maladie à peine guérie imposent de faire plus d’un repas dans la journée, ou qui, en jeûnant, auraient à souffrir de sérieux maux de tête ou d’estomac, de pénibles insomnies. — Par pauvres, entendons ceux qui n’ont pas de quoi faire un repas suffisant à midi ou bien n’ont qu’une nourriture peu réconfortante. Tels sont assurément les pauvres qui mendient déporte en porte et qui n’ont rien d’assuré. La loi du jeûne ne les atteint pas. Ils sont autorisés à manger ce qu’ils ont, ce qu’ils reçoivent et plusieurs fois par jour.

En vertu de la coutume sont exemptés du jeûne les ouvriers qui se livrent à de durs travaux manuels, les hommes tic peine, les forgerons, les mineurs, les charpentiers, les maçons, les cultivateurs, etc. Us le sont par le fait de leur profession qui entraîne une grande dépense de forces physiques, et quand bien même ils seraient assez robustes pour travailler en observant le jeûne. Leur métier pourtant ne les exempte de jeûner, que s’ils l’exercent d’ordinaire durant la majeure partie du jour et non quelques heures seulement. Que si le jeûne coïncide pour eux avec une journée de congé, ils ne sont pas tenus de l’observer ee jour-là, le repos qu’on leur accorde devant servir a réparer et à conserver leurs forées en prévision de fatigues nouvelles. Assurément, on ne’peut demander a ceux qui n’ont pas besoin de travailler, de suspendre, en vue de satisfaire aisément au précepte du jeûne, les ouvrages pénibles auxquels ils se livrent d’une manière habituelle. L’intention de l’Église ne va pas à supprimer les occupations ordinaires des fidèles, quand surtout elles sont vraiment utiles. Seul le fait de se livrer à un travail incompatible avec le jeûne, dans le but uniquement d’échapper à la loi, in fraudent legis, serait inexcusable.

Le travail intellectuel n’est pas regardé comme exemptant de soi de la loi du jeûne. Mais assez souvent quelque circonstance s’y ajoute, qui Jeu fait un motif légitime d’excuse : la faiblesse du tempérament, une application très soutenue, une fatigue exceptionnelle. C’est le cas de beaucoup de maîtres et d’élèves, de prédicateurs, de confesseurs, de médecins, etc., qui, ds jeûnaient, ne pourraient remplir leur devoir d’état

ou ne le rempliraient qu’imparfaitement. On estime.

en général, que quatre ou cinq heures de classi

jour pour un professeur, ou même une seule heure si elle comporte une longue et fatigante préparation, un sermon presque tous les jours pour un prédicateur, à plus forte raison une mission à donner, des séances de confessional de sept ou huit heures pour un prêtre, une journée entière de consultations et de courses pour un médecin, neuf ou dix heures de cours et d’études pour des étudiants fortement appliqués, sont des motifs suffisants d’exemption. Au devoir d’état on assimile les occupations ordinaires qui, sans être obligatoires, ont leur utilité. Ainsi, des personnes qui vaquent habituellement à des œuvres de piété et de charité et qui ne peuvent continuer de s’en occuper en jeûnant, ne sont pas tenues d’y renoncer pour observer le jeûne.

Il est bon de noter que tous les cas d’exemption se ramènent à un grave inconvénient occasionné par la loi du jeûne, entendons non pas l’inconvénient qui est inhérent au précepte même, mais tout autre qui s’y oppose en quelque sorte de l’extérieur, tel le devoir d’état qu’il est impossible de remplir comme il faut, si l’on jeûne. L’axiome : lex non obligat cum tanto incommodo, vaut pour la loi ecclésiastique comme pour toutes les lois humaines. Au surplus, l’Église n’a qu’un but dans la discipline du jeûne, celui de nous aider à mieux pratiquer la loi même de Dieu et à progresser dans la vie chrétienne. S’il arrive accidentellement que l’observation du jeûne, loin de servir à cette fin, y mette obstacle en quelque manière, évidemment le précepte ecclésiastique dans le cas particulier n’a plus sa raison d’être : il cesse d’obliger.

Quelque nombreuses que soient les causes d’exemption du jeûne, les fidèles ont besoin d’être mis en garde contre le danger de s*în croire trop aisément exonérés. Ils feront bien, surtout si leurs motifs d’excuse ne sont pas évidents, de prendre l’avis de leur pasteur ou d’un médecin consciencieux. Même après avoir demandé conseil, lorsqu’ils hésitent sur la légitimité de leurs raisons, ils peuvent recourir à l’autorité e< siastique afin d’obtenir une dispense.

VI. Les dispenses du jeune.

La dispense du jeûne est la suppression pour un temps, dans un cas particulier, de l’obligation de jeûner. Cette dispense le pape peut l’accorder dans toute l’Église, validemenl toujours, licitement pour une cause raisonnable. Les évêques et autres ordinaires des lieux ainsi que les curés peuvent dispenser de l’abstinence et du jeûne, mais seulement dans des cas particuliers et pour de justes motifs, même hors de leur territoire, les personnes et les familles qui sont soumises à leur auto rite, et, sur leur territoire, les étrangers de passage. Can. 1245, § 1. Autrefois les curés usaient de ce pou voir en vertu de la coutume, mais uniquement visa-vis des individus, jamais vis-à-vis d’une famille entière pas même pour un seul jour ; ils peuvent l’exercer maintenant en faveur de toute une famille et en vertu du droit écrit. Les évêques et autres ordinaires des lieux peuvent encore dispenser de l’abstinence et du jeûne tout leur diocèse ou tout un lieu déterminé, soit en raison d’une fête ou circonstance attirant un grand concours tic peuple, soit pour une cause qui intéresse la santé publique. Can. 1245, § 2. Avant le nouveau code les évêques ne pouvaient sans induit dispenser de l’abstinence et du jeûne une communauté tout entière, donc, ni tout leur diocèse, ni toute une paroisse, ni même toute une famille. Léon XIII. par un décret du Saint-Office, 5 décembre 1891, 15 décembre 1897, leur avait cependant concédé la faculté de dispenser pour des raisons graves de l’abstinence, lorsqu’une fêle solennelle tom bail un vendredi ou un samedi, sauf en temps d Carême et d’Avent, aux quatre-temps et vigiles ; el cette concession fut ensuite étendue aux jouis de 1417

JEUNE

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grand concours <le peuple. Aeta SanclK S t. xxvii. p. 512. Les supérieurs de religieux clercs exempts dispensent de l’abstinence et du jeune à l’instar des curés, leurs profès et leurs novices ainsi que ceux qui habitent jour et nuit le couvent : serviteurs, élèves, hôtes et valétudinaires, can. 1245, §3 et can. ôl 1, § 1. Les confesseurs ne dispensent pas, si ce n’est en vertu d’une délégation ; ils ne font que déclarer s’il existe ou non quelque motif d’exemption du jeûne. On doit en dire autant du médecin et d’une supérieure de moniales.

Il n’est pas inutile de rappeler ici quelques principes relatifs aux dispenses particulières. Une dispense du jeûne ne peut être octroyée sans une cause juste et raisonnable, ni sans qu’il soit tenu compte de la gravité de la loi : autrement, si c’est un inférieur qui l’accorde, elle est illicite et sans valeur. Can. 84, § 1. Lorsqu’on doute si le motif invoqué est suffisant, la dispense peut être légitimement demandée, légitimement et validement octroyée. Can. 84, § 2. Dès que la cause qui a fait obtenir la dispense cesse d’une façon certaine et totalement, la dispense cesse aussi de valoir et la loi oblige à nouveau. Can. 86.

Saint Thomas, Sum. Theol., II a II 1, q. c.xi.vn ; Saint Alphonse de Liguori, Theologia moralis, 1. III ; C. Marc, Institutiones morales Alphonsianæ, Rome, 1885, t. ii, pars ii, sect. : >, n. 1217-1243 ; Gury-Ballenni. Compendium theologiæ moralis, Rome, 1887, t. i, n. 488-501 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. i, n. 1210-1220 ; Noldin, Summa theologiæ moralis, Inspruck, 1911, l. n. De præccptis Dci et Ecclesiæ, n. 679-690 ; Sebastiani, Summarium theologiæ moralis, Turin, 1918, n. 357-365 ; Jeûne et Abstinence, par un prêtre du diocèse de Lille. Paris, 1920.

A. Thouvenin


JEUNE (Claude Mansuet). Chanoine de l’ordre dos prémontrés, bon théologien et excellent religieux, naquit à Tignacourt, prés de l’abbaye de Flabémont, dans le Barrois, Il entrait au noviciat de l’abbaye de Sainte-Marie de l’ont a Mousson, le S août 1732 ; et deux années après il était admis à y prononcer ses vœux. C’est là qu’il étudia la philosophie et la théologie. Après avoir professé l’une et l’autre à l’abbaye d'Ètival, il se lit recevoir docteur de l’université de Pont-à-Mousson. Il fut d’abord prieur de Sainte-Marie, mais il revint ensuite au monastère d'Ètival. Lu il vécut dans la retraite, au milieu de ses livres et tout occupé de la composition d’ouvrages ; il y avait aussi la charge de prieur.

Nous avons de lui : Histoire critique et apologétique de l’ordre des Chevaliers du temple de Jérusalem, dits Templiers, par le R. P. Mansuet Jeune, prieur d'Ètival, Paris, Guillot, 1789, 2 vol. in-4o, et Paris, an XIII (1805), 2 vol. in-4o. L’auteur se propose d’y raconter l’origine et les développements de l’ordre, d'établir qu’il fut supprimé sans raisons suffisantes, alléguant à l’appui de son opinion un ensemble d’autorités et de preuves qu’il estime convaincantes. L’ouvrage est sérieusement documenté, empreint de modération et écrit dans un style qui ne manque ni de fermeté ni d'élégance. Imprimé à la veille de la grande révolution, qui supprima tous les ordres religieux, il parut à une date qui n’est point banale.

Il faut ajouter une Dissertation pour prouver que l’amour qui est requis dans le sacrement de pénitence, n’est pas seulement un amour d’espérance, mais un véritable et sincère amour de charité.

De Feller, Dictionnaire historique ou Biographie universelle, 2'édit., t. vi, p. 562.

A. Thouvenin.