Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST II. Jésus-Christ et les documents de l'âge apostolique 2. Manifestation humaine de J-C

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 579-595).

II. Manifestation humaine de Jési s-Christ.

Des le début de la manifestation « lu Sauveur, le caractère transcendant et divin de sa personnalité est marqué. Et c’est par là précisément « pic ! « Nouveau Testament, « -n nous présentant l’Hommc-l >icu. se différencie de l’Ancien des ses premières pays. Toutefois, la révélation de la divinité du Christ m’produit à travers un développement normal « ! « son humanité.

(’.' « si par celle-ci que nous pouvons al teindre celle-là, et c’est pourquoi la connaissance « le la personnalité transcendante et divine du Sauveur suppose déjà connue celle de son humanité.

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    1. IÉSUS-CHRIST##


IÉSUS-CHRIST. SA MANIFESTATION HUMAINE

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I. MASIFSSTATWS DO HAUVXUR JÉSUS DANS l.’llï masitê. i" Naissance ù Bethléem. Michée, v, 2, avait clairement déclaré que le Messie tutur sortirait de Bethléem. Or, Jésus-Christ est né effectivement dans cette bourgade, Matth., i, 6 ; Luc, n. l ; cf. Joa.. vu. 42 ; I Reg., . 6. Los efforts faits par le critique rationaliste pour placer la naissance de Jésus à Nazareth, ou pour révoquer en doute le fait de sa naissance à Bethléem, doivent être considérés comme n’ayant aucune portée. Pour ne citer que quelques exemples. La naissance est placée à Nazareth par Renan, Vie (populaire) de Jésus. Paris, 1871, p. 8-9 : Keim, Geschichte Jésus von Nazara, Zurich. 1867, t. î. p. 325 ; 388-394 ; Pfleiderer, Die Entstehung des Christentums, Munich. 1905, p.l97 ; H.J. IIoltznniiin.Dje Synoptiker, 3° édi t..Leipzig. 1893. p. -1$1-$21 : Guignebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, p. 161. D’autres sont plus modestes et se contentent de révoquer en doute le fait de la naissance à Bethléem : Heitmûller, Die Religion in Geschichte und Gegenwart, Tubiague, 1912, t. iii, p. 365 : tNon liquett, dit Harnack, Neue Untersuchungen zur Apostelgeschichle, Leipzig, 1911, p. 105-106. Ces critiques allèguent les nombreux passages des évangiles où Notre-Seigneur est formellement appelé « Jésus de Nazareth », Matth.. xxi, 11 ; Marc., i, 24 ; x, 37 ; xiv. 67 ; xvi. 6 ; Luc, iv. 34 ; xviii. 37 : xxix, 19 ; Joa., i. 46-17 ; xviii. 5, 7 : xrx, 19 ; Act.. ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi.9 ; « Jésus le Galilcen », Matth.. xxvi, 69, 71 ; où l’on affirme que Nazareth était sa « patrie », Matth.. xiii. 54 ; vi, 1 ; où ses disciples sont appelés « Galiléens », Marc, xiv, 70 ; Joa., vu. 52 ; cf. Act., xxiv, 5 ; et même plusieurs textes du Talmud, Jésus « de Nazareth », ha-Notseri, Sanhedr., 43 a ; 107 b ; Sota, 47 a. Mais ces expressions sont amplement justifiées par tous les liens qui attachent Jésus à la ville où se sont écoulées les années de sa vie cachée, où il < a été élevé », Luc, iv, 16 ; elles ne signifient nullement qu’il y est né. Si Jésus a désigné lui-même Nazareth comme sa « patrie », Marc, vi. 4, il n’a jamais dit qu’elle fut son lieu d’origine. La croyance populaire, faisant venir Jésus de Galilée, et tout spécialement de Nazareth, cf. Joa., vn, 40-42 ; i, 46, était fausse, tout comme celle qui faisait de Joseph, le père de Jésus, et nous n’avons pas à en tenir compte. A l’erreur prétendue de Matthieu et de Luc, on ajoute gratuitement une contradiction ; d’après le troisième évangile, « c’est Nazareth en Galilée qui est indiquée comme la résidence habituelle de Joseph et de Marie ; ce qui ne concorde pas avec la donnée du premier évangile, qui ne fait arriver Joseph et Marie a Nazareth que plusieurs années après la naissance de Jésus ». A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 370. Cf. Scholten, Dos paulinische Evangelium, Elberfeld, 1881, p. 294-295 :.1. Weiss, Die Schriften des Xeuen Testaments, Gœttinguc, 1905, 1. 1, p. 46 ; etc. Mais saint Matthieu n’a jamais dit qu’avant Noël, la demeure habituelle de Joseph et de Marie fut Bethléem. Luc ne fait que compléter les données incomplètes de Matthieu. Donc, la naissance de Jésus à Bethléem n’est pas « un produit de la réflexion dogmatique », comme l’écrit Th. Keim, op. cit., p. 392 ; une « invention de la dogmatique messianique », comme le dit Heitmûller, .Irsus. 191 3 ; et comme le pensent de nombreux rationalistes. Volkmar, Jésus Nuzarenus, Zurich, 1882, p. 4 1 - 12 ; I L J.l loi tzmann, Die Synoptiker, p.52 ; K.Clemen, Dergeschichlliche Jésus, Giessen, 1911, p. 59-60. C’est par crainte du surnaturel que de telles affirmations sont avancées : on veut ne pas voir dans la naissance a Bethléem une réalisation de la prophétie de Michée et l’on veut du coup ruiner la véracité des chapitres évangéliques relatifs a l’enfance de Jésus-Christ. Cf. O. i loltzmaim, Leben Jesu, Tubingue, 1901, p. 68, Mais rien ne saurait prévaloir contre l’affir mation dos deux consciencieux historiens de.lésus, affirmai ion corroborée par le fait que l’empereur Adrien profana, eu 132, à Jérusalem, les s, tes traditionnels du crucifiement et de la passion, à Bethléem. l’emplacement de la naissance du Sauveur. Cf. Franz Delitzsch, M essianische Weissagungen, 2e édit., 1889, p. 129. Sur l’année exacte et le jour de la naissance du Christ, problème purement historique, qui n’intéresse la théologie ni directement, ni indirectement, on consultera E, Mangenot, art. Chronologie biblique, ix. dans le Dictionnaire de la Bible de M. VigOUTOUX, t. ii, col. 731-736. Sur le recensement de Quirinlus, qui esl l’occasion de tant de discussions, on se reportera à Lagrange, Où en est lu question du recensement de Quirinius, dans la Renie biblique. 1911, p. 60-34 et a L.-Cl.l’illion, Vie de N.-S. Jésus-Chris !, t. i, appendice xv.

2° L’origine dauidique du Sauveur est une question que le théologien ne peut négliger, car elle touche à la réalisation des prophéties messianiques les plus anciennes ; cf. Gen., xii, 3 ; xxii, IX ; xxvi, 1 ; xxviii, 11 : xi.ix, cS-12 ; I Par., xvii, 11-13 ; xxii, 10 ; xxviii, 6 ; Ps., lxxxviii. 21, 27, etc. « Il est impossible, écrit Renan, … de rechercher quel sang coulait dans les veines de Jésus. » Vie (populaire) de Jésus, p. 10. Quelques auteurs ont affirmé que le Sauveur appartenait non à la race juive, comme l’accepte encore A. Réville, Jésus de Nazareth, t. i, p. 417, mais soit à la race aryenne ou indo-germanique, S. Chamberlain, Grundlagen des neunzehnten Iahrhunderts, t. i, p. 210220 ; et Eric Haupt. dans Open Court, avril 1909 ; soit à la grande famille babylonienne, Fried. Delitzsch, Babel und Bibel. Leipzig, 1905, p. 11. Sans aller aussi loin, la plupart des rationalistes contemporains affirment que certainement Jésus n’est pas de race davidique ; la croyance de l’Église sur ce point remonte sans doute à la plus haute antiquité, puisqu’elle est constatée par saint Marc et par saint Paul ; et cependant cette croyance est erronée, Jésus ayant témoigné lui-même qu’ « il ne se considérait pas comme de la race de David », Matth., xxii, 41-45 ; cf. Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Ainsi parlent en substance Loisy, Les Évangiles synoptiques, Cefïonds, 1907, 1. 1, p. 329-330 ; A. Réville, Jésus de Nazareth, p. 381-382 ; J. Weiss, Die Schriften des N. T., loc. cit., O. Holtzmann, Leben Jesu, p. 164 ; V.Bousset, Jésus, Tubingue, 1904, p. 88 ; H. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 3840 ; etc. Mais la croyance des contemporains de Jésus n’étaitpas erronée et Jésus ne l’a point déclarée fausse dans l’épisode qu’on cite avec tant de complaisance. Toutd’abord la croyance primitive de l’Eglise, Matth., i, l ; i, 6-16 ; Luc, i, 32 ; iii, 31 : Joa, vu. 12 ; Rom..i, 3 : II Tim., ii, 8, est corroborée par ce fait que les Juifs, contemporains de Jésus, ne l’auraient très certainement pas appelé « Fils de David », Matth.. i, 20 ; ix, 27 ; xv, 22 ; xx, 30, 31 ; xxi, 9, 15 ; Marc, , 17, 48 ; Luc, xviii, 38, 39, s’ils n’avaient pas été convaincus de cette filiation. Cette persuasion dont la trace se retrouve à mainte page de l’Évangile, Matth., xii, 23 ; xxii, 12 : Marc, xii, 35 ; Luc, i, 69, etc., était telle que le peuple n’aurait jamais consenti a regarder comme Messie un prétendant, quel que lût d’ailleurs son mérite, qui n’aurait pas rempli celle condition, indispensable et facile à vérifier. De plus, Jésus n’a jamais nié son origine davidique : une telle négation eût été

incompréhensible de la pari de celui qui se présentait au peuple juif en qualité de Messie. L’épisode qu’on signale n’a pas du tout la signilu ation qu’on fin prête, veut simplement affirmer que la filial ion davidique n’explique pas les relations qu’il possède avec Bien dans la partie transcendante de sa personnalité. c’est-à-dire dans la filiation divine. Ainsi l’entendent, non seulement tous les catholiques, mais bon nombre

de protestants, II. Wendt, Die Lehre Jesu, 2e édit., Gœttingue L901, p, 124 ; Dalman, Die WorteJesu, Leipzig, 1898, t. i. p. 202-204 ; 231 : Spilta, Streitfragen der hichteJesu, Gœttingue, 1907, p. 157-172, et même Keim, Geschichte Jesu, 1. 1. p. 326-328

Mais comment devons-nous établir la filiation davidique de Jésus-Christ ? Devons-nous accepter les généalogies dressées par saint Matthieu et par saint Luc.’Les rationalistes ont accumulé contre elles tant d’objections : on les dit contradictoires, parce qu’elles ne concordent pas entre elles : Inutiles, parce qu’elles aboutissent à Joseph, qui n’est pas le vrai père de Jésus, ou, si Jésus doit être dit lils de David par Joseph, inconciliables avec le dogme de la conception virginale <lu Sauveur : impossibles à vérifier et, somme toute, établies après coup pour justifier devant la conscience chrétienne la descendance davidique de Jésus-Christ. Nous retrouvons ici encore les noms de l.oisy. a. Réville, 0. Holtzmann, .J. Weiss, etc. Il n’appartient pas au théologien de discuter dans le détail ces objections, aussi vieilles que l’Église et déjà proposées par Celse, Julien l’Apostat et Fauste le manichéen. On se reportera à l’art. Généalogie de JéSUS-Christ dans le Dictionnaire de la Bible, t. III, col. 166, pour avoir les solutions des diverses dillicultés. Ce qu’il importe de remarquer, au point de vue de la réalisation des prophéties, c’est que, même en admettant que les deux généalogies de Matthieu et de Luc soient par Joseph et n’indiquent pour le père légal qu’une filiation davidique légale, il n’en est pas moins vrai que Jésus, par Marie, possède une filiation davidique naturelle. Une tradition très ancienne, reçue par saint Ignace d’Antioche, Ad Eph., xviii, 2 : Ad Trall., ix, 1 ; Ad Snujrn., i, 1, éclit. Funk. Paires apostoliei, Tubingue, 1901, p. 227, 249, 277 ; par saint I renée, Conl. Hsereses, t. III, c. xvi, n. 2 ; c. xvii, n. 1 ; P. G., t. vii, col. 921, 929 ; par saint Justin. Dialog., n. 43, 15, 100, 120, P. (, .. t. vi. col. 567, 572, 709, 753 ; par Tatien, Dia/essaron, 5, 13 ; parTertullien, Adi>. Marcionem, 1, III, c. xvii, xx ; l. IV, ci ; I. V, c. viii ; De came Christ Lc. xxii.P. L., t. ii, col. 373, 378, 391, 521, 831 ; et plus tard, par Eusèbe, Demonsl. evang., I. VII, e. iii, n. 10, P. G., t. xxii. col. 565, nous atteste que Jésus, par M arie, est, selon lu chair, de la race royale de David. S’il n’est point probable que les mots èÇ otxou Aa’jelS Luc, i, 27, tombent sur la Vierge ou sur Joseph et la Vierge conjointement, il est certain que Luc suppose à la vierge Marie une origine royale, i, 32, (> !  : et saint Paul l’insinue également, Rom., i. 3 : II Tim., ii, .S ; Ileb.. vii, 14. il semble donc que soit condamnée d’avance la thèse des néo-critiques, rattachant Marie à la tribu de Lévi. II. Kwald, Die drei ersten Evangelien, 1850, p. 180 ; F. Spitta, Der Brief des Julius A/ricanns. Halle. 1877, p. II ; il. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 310 ; J. Weiss, Die Schriften des S. T., t. i. p. Ilii, etc. La parenté de Marie avec Elisabeth, Luc, i, 36, laquelle comptait parmi les filles d’Aaron, prouve simplement qu’un mariage avait été contracté auparavant par un membre de la famille de David et de la Vierge et une descendante d’Aaron. Depuis longtemps, saint Augustin, Contra Fauslum, I. XX III. c. hv, i. avait réfuté ce sophisme de Fauste. P. /… t. m.ii. col. 1(17. 471.

Les textes du’testament îles douze patriarches, Siméon, 7 ; (.ad. 8 ; l.évi. 2 ; Dan..". : Joseph. 19, rattachant le Sauveur à la tribu de Lévi, attribuent à Jésus une

origine lévitique au sens spirituel, pour désigner qu’il sera aussi prêtre. Mais il est selon la chair de la tribu

de Juda. Juda, 19, La double origine est bien exprl mée dans le Testament de Siméon : Le Seigneur fera sortir de Lévi un prêtre, et de Juda, un roi, Dieu

et homme. Sutla convenance de l’origine davidique

du Sauveur, et, par elle, de l’incarnation par voie de

génération humaine, voir Incarnation, t. vii, col. 1 170.

3° Jésus homme, soumis aux lois qui régissent le déneloppement de l’humanité. — Notre-Seigneux Jésus-Christ, dès les premiers instants de son existence, apparaît homme comme les (mires hommes soumis aux mêmes développements. — 1. Conçu par la vierge Marie, il naît a Bethléem, après les neuf mois de gestation exigés par les lois naturelles. Dès l’instant de la conception et de la naissance se vérifie la parole de saint Paul, habita inventas ut homo. l’hil.. n. 7. Cette parole se vérifie aussi dans la marche de la croissance humaine de Jésus, mieux relatée par saint Luc que par les autres évangélistes. Avant même de signaler les progrès intellectuels et moraux de l’Kufanl-Dieu, Luc indique les différentes phases de son développement physique, nous le montrant tour à tour à l’état d’embryon dans le sein de sa mère, i, 42, ppécpoç èv rf) y.oiXta ; petit enfant, tô raiStov, ii, 17.27, 40 ; cf. Matth., ii, 13-14 ; 20-21 ; et enfant, jracïç, ii, 13. La croissance physique est expressément marquée pour Jésus, ii, 40, comme elle avait été marquée pour. Jean-Baptiste, i. 8, réalisant la prophétie d’Isaïe. i.iu, 2. Jésus grandit donc et se développe d’après les conditions ordinaires.

2. Bien plus l’évangéliste parle d’un accroissement analogue dans sa vie intellectuelle et morale. Au v. 10, il avait simplement affirmé que « le petit enfant croissait et se fortifiait, plein de sagesse, et [que] la grâce de Dieu était en lui ; » mais au t. 25, avec plus de netteté, il affirme que Jésus avançait en sagesse et en âge (en taille) et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » Les paroles de Luc ne peuvent s’entendre que d’un développement réel, progressa : et cette affirmation, sous un certain rapport, marque mieux, semble-t-il. la réalité de l’incarnation du Verbe, Dieu sans doute, mais homme aussi. Mais, sous un autre rapport, cet accroissement intellectuel et moral ne va pas sans faire difficulté, car, en raison de l’union hypostatique, l’intelligence du Christ n’at-elle pas obtenu du premier coup, la plénitude de son objet, la sainteté de Jésus n’a-t-elle pas été parfaite ? Nous aurons â résoudre plus loin le problème théologique que soulève cette difficulté ; mais retenons, comme acquise, l’assertion d’un’progrès réel dans la science expérimentale du Christ, et dans l’exercice extérieur des vertus. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III », q. xii, a. 2, ad 1° » >. Cette solution, provisoirement retenue, il devient facile d’exposer, au point de vue historique et exégétique, à la lumière de l’évangile, interprété par les l’ères et par les théologiens, ce que fut le progrès intellectuel et moral du Christ enfant. Problème délicat entre tous, que jusqu’ici, aucune pensée humaine n’a pu résoudre d’une manière complètement satisfaisante, » avoue un protestant orthodoxe plein de foi, le D r Keil, Kommentar aber die Evangelien tics Mariais und des Lukas, Leipzig, 1879, p. 244.

3. Sans doute, une âme aussi parfaite que celle du Christ n’a pas eu réellement de maître, selon l’aeccplion habituelle du mot. Cependant comment ne pus admettre, sur le développement de sa science expérimentale, l’influence du milieu dans lequel Jésus a vécu et grandi, l’influence de la Palestine en général, de la Galilée et de Nazareth plus particulièrement, de Nazareth où devait s’abriter et se recueillir toute la vie cachée du Sauveur. celle influence qui explique l’amour de Jésus pour son peuple et sa patrie ? D’autre part, que de sujets de comparaisons, ulilisés

plus tard dans les discours du Maître, et empruntés a la nature, si riante et si riche, des environs de Naza

reth. Partout, dans la nature. Jésus contemple les vestiges du Dieu tout puissant et infiniment bon.

Mat th., vi, 26-30. Le monde des plantes et des anl1 1 15

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maux lui fournil la solution des problèmes les plus graves. Matth., un, 24-30 ; 31-32. Ses paraboles surtout dévoilent à quel degré il était attentif aux détails les plus insignifiants en apparence, de la vie végétale

et animale… [Qui ] ne se rappelle pas avec sympathie le lis des champs et sa splendeur éphémère, le blé qui lève doucement, l’ivraie semée dans le champ par l’homme ennemi, le figuier verdoyant, mais stérile, la vigne qui a besoin d’être émondée pour produire plus de fruits, les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent et que Dieu nourrit avec libéralité, les petits du corbeau qui reçoivent providentiellement aussi leur pâture, la poule qui cache ses poussins sous ses ailes, le chant régulier du coq à certaines heures de la nuit, les renards qui ont leur tanière tandis que le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête, la brebis qui suit son pasteur ; et aussi, dans la nature inanimée, le coucher rutilant du soleil, le vent brûlant du sud, le lac et les montagnes, et cent autres traits analogues’? En vérité, nous ne comprendrions pas complètement l’âme, l’intelligence et le caractère personnel de Jésus, si nous ne remarquions pas les impressions que la nature a produites sur lui pendant son adolescence et sa jeunesse. » Fillion, Vie de X.-S. Jésus-Christ, t. i, ]). 365-366.

4. Les faits quotidiens de la vie contribuèrent aussi â l’éducation expérimentale de Jésus. Dans la vie domestique, sociale ou politique, cette influence apparaît manifeste : i En se contentant d’ouvrir les yeux, que n’a-t-il pas appris peu à peu ? Les cérémonies de la cour royale, aussi bien que celles des noces villageoises ; les vêtements précieux qui deviennent promptement la proie des mites ; les règles du raccommodage le plus vulgaire ; l’administration des grandes propriétés ; la lampe sur le chandelier ; le sel qui préserve les aliments de la corruption ; les lois du marché (deux passereaux pour un as : cinq pour deux as) ; les relations des ouvriers et des propriétaires ; les jeux des enfants, tels qu’il les avait sans doute pratiqués lui-même ; les murs des maisons percés par les voleurs ; la nécessité de bâtir sur un terrain solide, les prières interminables des païens, les travaux du berger, du laboureur, du pêcheur… : il a tout observé. il connaît tout, il profite de tout pour en orner et en fortifier son enseignement. C’est donc en pleine exactitude qu’on peut parler de l’éducation de Jésus par les sens et par l’expérience. » Id., ibid., p. 360-307.

">. Il faut également noter l’influence de Marie et de Joseph sur l’enfant confié â leurs soins. L’Évangile nous la signale d’un mot : et erat subdilus Mis. Luc, n. 51. C’est de sa mère que Jésus apprit à balbutier les premières prières, à lire quelques psaumes et le décalogue ; c’esl elle qui raconta à son divin Fils les principaux épisodes de l’histoire des Israélites, lui parlant du l’ère céleste et de son rôle futur de Messie. Et, en agissant ainsi, la Mère du Christ savait qui il était et, chargée du devoir de l’instruire, elle n’oublia jamais de l’adorer. » C. Fouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. i, p. 107. C’est sous l’influence de ses parents que Jésus-Christ acquit le développement relatif â l’étude du langage courant, l’araméen, et sans doute aussi du langage liturgique, l’hébreu. Il put aussi apprendre le grec, couramment parlé en Galilée, langue dans laquelle deux de ses i frères », Jacques le Mineur et Jude devaient écrire leurs épîtres. vraisemblablement en grec que Jésus s’entretint avec le centurion romain. Matth., viii, 5-13 ; avec les Hellènes i dont parle Jean, xii, 21. avec Pilate et d’autres encore.

C’est encore un progrès dans la science expérimentale qui s’affirme dans l’apprentissage de Jésus comme charpentier. Il est le lils du charpentier, Matth., xiii, 55, ou encore, plus simplement, « le char pentier, i Mare., m. 3. Saint Justin nous le montre fabriquant des charrues et des jougs. Dialog., n. 88, P. G., t. vi, col. 088. Aux yeux îles Juifs contempo-i rains du Sauveur, le travail manuel était d’ailleurs en haute estime, et de nombreux rabbins pratiquaient toutes sorles de métiers. Matth.. îv. 18-29 : xx. 1-11, Luc, xxiu. 33 ; Marc, ii, 21 ; VI, 3 ; ix. 3 ; Joa., XIX, 29 ; xxi, 3-4 ; Ad., xviii, 3, relatent différentes professions ; cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif, Paris, 1910, p. 206-221 ; 242-246 ; 303-304, etc. Le Talmud surtout nous tait connaître la vie du peuple juif â ce point de vue, nous rappelant les pressantes exhortations des docteurs de la Loi en laveur du travail manuel. Cf. F. Delitzsch, Handwerkerleben zur Zcit Christi. ein Beitrag zur neutestamentlichen Zeitesgeschichte, Leipzig, 1868 ; L.-Cl. Fillion, Essuis d’exégèse, Paris, 1884, p. 239-200. Rien d’étonnant donc, que Jésus ait travaillé, simple et laborieux artisan, subvenant, par son labeur quotidien, aux besoins de sa mère et aux siens propres, après la mort de saint Joseph.

6. Dans un autre ordre de choses, il ne semble pas qu’à l’exemple îles jeunes Israélites, qui se proposaient d’embrasser la carrière alors si glorieuse de docteur de la Loi, Jésus-Christ, après quelques leçons reçues peut-être dans l’humble école (attenante à lasynagogue de la bourgade), ait suivi pendant plusieurs années les cours des académies rabbiniques de Jérusalemou d’autres villes de Palestine. Saul avait reçu cette éducation, Act., xxii, 3. Mais de Jésus, on savait pertinemment à Jérusalem qu’il n’avait pas fréquenté les écoles supérieures, Joa., vii, 15 ; et à Nazareth, où s’écoula toute la jeunesse du Sauveur, on ne comprenait pas, lorsqu’il sortit de son obscurité, d’où lui venait une sagesse si extraordinaire. Matth., xiii, 54 ; Marc, vi, 2-3. Si Jésus reçoit plus tard les titres de rabbi ou de rubboni, .Matth., xxvi, 25, 49 ; Marc, ix, 4 ; x, 51 ; xi, 21 ; xiv, 45 ; Joa., iii, 2 ; iv, 31 ; ix, 2 ; xi, 8 ; xx. 10. c’est uniquement à cause de sa science étonnante des Écritures et de la Loi. Si Jésus devait à une influence humaine quelque progrès intellectuel de ce chef, ce serait bien plutôt à ses fréquentations assidues aux pieux exercices des synagogues, aux jours de sabbat et de fête, Matth.. iv, 23 ; ix, 35 ; xii.ll ; xiii, 54 ; et à ses lectures de la Bible, le livre éducateur par excellence. Les formules qu’il emploiera pour introduire ses citations : « N’avez-vous pas lu ?… Comment est-il écrit’?… Comment lis-tu ?… » Matth., xii, 3. 5 ; xix, 4 ; xxi, 16, 42 ; xxii, 31 ; Marc, ii, 25 ; xii, lu. 26 ; Luc, vi, 3 ; x, 20, prouvent à elles seules à quel point il connaissait la Bible. Et les emprunts qu’il fera a la Bible montrent retendue, la sûreté, la pénétration dises connaissances.

7. Pourrait-on dire que Jésus ait été redevable d’une partie de son développement moral à la tentation, à l’épreuve ? Il fut tenté, certes — les évangélisles le disent en toutes lettres, Matth., iv #, 1-11 ; Marc, i, 12-13 ; Luc, iv, 1-13, — mais sans péi Heb., iv, 15, car il n’était pas possible que le mal moral effleurât jamais de son souille celui qui est né saint >. Luc, i, 37. Ces tentations du moins et les victoires réitérées dont elles furent l’occasion, on ! contribué pour leur part a faire croître.lesus en sagesse et en grâce. I)es tentai ions, on peut dire déjà ce que l’auteur

de l’épître aux Hébreux affirme <les souffrances par rapport a l’obéissance du Christ. Certes. Jésus pi dail la vertu d’obéissance, aussi parfaite dès le premier instant de sa Vie qu’à l’heure de sa mort ; mais l’exercice de cette vertu s’esl manifesté dans l’expérience concrète des difficultés de l’existence ; cum essei F Mus Dei, didicit, aUs qum passus est, obedientiam, I leb.. v, 8,

4° Insuffisance absolue de ces explications. Et 1 18

cependant, il faut avouer que toutes ces raisons humaines ne suffisent pas à expliquer le développement intellectuel et moral de Jésus. Elles n’en révèlent qu’un aspeet. celui par lequel le développement se trouve en relation avec Ks événements extérieurs dans lesquels évolue l’existence humaine de Jésus : i Un résultat beaucoup plus grand, écrit encore fort à propos M. Fillion, op. cit., p. 367-368, fut produit, dès sa première jeunesse, par ses réflexions personnelles sur ce qu’il voyait et entendait, spécialement sur son rôle de.Messie et sur ses relations avec Dieu. En vérité, c’est avant tout dans cette direction, du côté de la personnalité de Jésus, que nous devons chercher la raison la plus efficace et la cause essentielle de son développement. Le reste ne pouvait être qu’accessoire et superficiel. Rendons cette justice à la plupart des néo-critiques : ils admettent eux-mêmes qu’il en fut ainsi, et ils le disent parfois en termes excellents : Nous venons, écrivait Auguste Sabatier, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. viii, p. 366-367, de marquer toutes les influences au milieu desquelles grandit Jésus….Mais il serait bien vain de vouloir expliquer sa personnalité comme le produit naturel de leur action combinée. Cette explication mécanique ou physiologique ne suffit jamais à expliquer un grand génie… Il reste, dans cette grande individualité, à côté des actions extérieures qui l’ont formée au dehors, une force intime, un nescio quid divinum qui vient du dedans et qui échappe à toute appréciation. Or, cet élément primitif, spontané et divin, a fait l’originalité de Jésus… De quel élément veut-on parler ici ? « La marque distinctive de Jésus est d’avoir apporté dans le monde et conservé jusqu’à la fin une conscience pleine de Dieu et qui ne s’en est jamais sentie séparée. S’il trouvait Dieu si sûrement dans l’Ancien Testament ; s’il le voyait si clairement dans la nature ; c’est qu’il l’avait en lui-même et qu’il vivait intimement avec lui dans un perpétuel entretien. » Il y a, dans ces lignes, quelques idées très justes, et il nous plait de constater que nos adversaires les plus éminents reconnaissent que c’est dans la nature exceptionnelle et unique de Notre-Seigneur qu’on doit chercher le vrai principe de sa croissance. Voir aussi Stapfer, Jésus-Christ avant son ministère, Paris, 1896, p. 186-187 ; Th. Keim, Geschichte Jesu, 1. 1, p. 150. Mais que l’aveu est incomplet, imparfait ! C’est qu’on ne consent à voir en Jésus-Christ que de l’humain, du relatif par conséquent, tandis qu’il possédait de l’absolu, du divin. In divinité même. »

En effet, les relations étroites que Jésus avait avec Dieu n’étaient pas seulement celles que la prière et la méditation établissent entre le Seigneur et ses amis lidèles, — et que « lire de la ferveur, de l’extase des

oraisons du Verbe incarné, des lumières que son esprit’I sou âme y puisaient incessament ! mais celles d’une identité de nature, d’une génération et d’une

filiation* strictement divines. N’allons doue pas chercher sur la terre, dans les hommes ou dans les choses, dans la nature ou dans l’histoire, la raison dernière du développement, de la formation du Christ Jésus. Cherchons-la dans son origine céleste. N’a-t-il pas dit un jour, Joa., vii, 16, que son enseignement était celui du Père qui l’avait envoyé, et n’est-ce pas dans le sens

le plus littéral qu’il (’tait le Fils de ce grand Dieu ? Son éducateur véritable, c’est donc le Dieu vivant ; c’est par conséquent lui-même. Le milieu c’est-à-dire le pays, la famille, l’école, la synagogue, les

i, de l’expérience et des choses, la lecture de la

Bible a certainement contribué quelque peu à

l’éducation morale du Sauveur ; mais son instruction principale, c’est le Verbe. Et nous en arrivons ainsi h la formule théologique que nous trouverons chez les Pères ci les grands docteurs de l’Église et que Mgr Le

Camus a condensée très exactement en ces paroles : « L’homme ne se séparait pas de Dieu au fond de cette personnalité divine. Il ouvrait progressivement, et selon les occasions diverses, l’œil de son âme à la lumière du Verbe qu’il portait essentiellement présente en lui. Il y lisait l’œuvre à accomplir ou la parole à prononcer. Ainsi, à la science naturelle et humaine, S’ajoutait la science divine, à laquelle il avait recours dans les proportions requises par les événements, et d’après les lois prudentes que la Providence traçait elle-même. Or, ces événements étaient toujours conformes aux phases régulières de la vie humaine ; voilà pourquoi l’évangélisle observe que l’enfant croissait en sagesse devant Dieu et devant les hommes, c’est-à-dire cpie, tout en ayant la science infinie de Dieu à son service, l’homme en Jésus-Christ ne s’en servait que proportionnellement à ses besoins, selon les lois du développement de sa nature humaine et de sa mission divine. » La vie de N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1883, t. i, ]>. 215.


II. L’IIUMAXITÉ DU SAUVEUR JÉSUS. — Il faut

maintenant reconstituer, d’après les données de l’Évangile et dans la mesure du possible, la physionomie et les caractères de cette humanité qui. depuis l’instant de la conception virginale, appartient au Verbe incarné et s’est développée en lui selon les lois de la croissance normale, habitu inventus ut homo. Toutefois, avant d’aborder cet aspect nouveau de notre élude, il convient d’éliminer une expression peu acceptable et que néanmoins on est souvent tenté d’accepter. On parle parfois de la i personnalité humaine de Jésus » : le sens que recouvre cette expression est, chez les catholiques, très certainement orthodoxe. On veut signifier la physionomie, la nature humaine du Christ. Théologiquement, puisqu’il n’y a, en Jésus-Christ, qu’une seule personne, la personne même du Verbe, voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 438, il ne peut y avoir, en Jésus-Christ, qu’une seule personnalité, et ce serait par un abus manifeste de langage quon parlerait de sa personnalité divine et de sa personnalité humaine. Éliminons donc à tout jamais de notre langage théologique une expression dangereuse et impropre, et ne discourons que de l’humanité du Sauveur Jésus, humanité complète, faite de corps et d’âme comme la nôtre, avec toutes les propriétés de l’âme et du corps. Rappelons toutefois que notre étude, présentement, se borne à rechercher dans l’Évangile, la physionomie de cette hum i.iité et laisse délibérément de côté les précisions comme les erreurs qui s’ajoutèrent ou s’opposèrent, au cours des controverses théologiques des âges postérieurs, à la révélation évangélique.

1° L’humanité complète et parfaite du Sauveur Jésus.

— 1. Après ce que nous avons déjà recueilli dans les synoptiques louchant la conception, la naissance, la croissance phj Sique, intellectuelle et morale du Christ, il est impossible de douter de la réalité de Jésus comme homme. Avec saint Luc, nous avons suivi les transformations de Celui qui, d’abord embryon dans le sein de sa mère, est devenu petit enfant, puis enfant, avant de parvenir a l’âgé de la maturité, iii, ’22 : àvTjp. L’humanité complète et parfaite du Sauveur est si manifeste dans tous les faits dont la trame de son existence est formée que les synoptiques ne songent pas a en proposer la vérité d’une manière particulière. Cette vérité éclate manifestement en ce que le Christ est né, a grandi, a vécu comme un homme au milieu des autres hommes, mangeant, buvant, donnant, conversant avec eux. a souffert et dans son âme et

dans son corps les tourments de sa passion douloureuse, est mort très réellement cl. dans sa résurrection, a 1res réellement réuni son âme à son corps, donnant, de la vérité de cette humanité reconstituée, L149

J] £S1 S-l KRIST. L’HUMANITÉ Dl SAUVEUR

L150

maints témoignages sensibles. Marc., wi, ; ». il ; Luc, nmv. 30, 39 ; 43. Et déjà, rien qu’a la lecture dos synoptiques, on peut formuler la conclusion qui sera

plus tard celle de Tertullien. Si le Christ ne fut pas homme, toute sa vie n’est que mensonge. Adversus Marcianem, 1. 111. c. viii. Cf. De carne Christi, c. v,

I’. L. t. h. col. 360, 805.

Il convient toutefois d’insister sur une expression qu’on retrouve maintes fois chez les synoptiques et dans saint Jean : Fils de l’homme (31 fois dans saint Matthieu. 1-1 dans saint Mari-. 25 dans saint Lue. 12 dans saint Jean : on la lit encore dans Act., vii, 5C et Apoc, i. 13 : xiv, 14). Malgré l’assertion contraire de plusieurs critiques, notamment de Lietzmann, Der M. nschensohn, Fribôurg-en-Brisgau, 1896, J. Wellhausen. Ski ::en und Yorarb’iten, t. vi (1899), p. 202, cf. N. Schmidt, art. Son of mon, dans YEncijclopsedia biblica. de Cheyne, t. iv, col. 4732, c’est bien Notre-Seigneur Jésus-Christ qui s’est donné à lui-même ce titre de Ris de l’homme. Cf. Dalman. Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 210. En quel sens Jésus se donnait-il ce titre ? Nous le rappellerons brièvement plus loin, voir col. 12".’!. Pour le moment, il nous suffit de retenir que Jésus s’est appelé le Fils de l’homme, ce qu’il n’aurait pu faire en tonte vérité s’il n’avait pas été un homme. Et donc l’expression Fils de l’homme est un excellent argument en faveur du caractère réel de l’humanité de Jésus. Ch. Pesch, Prxlectiones dogmatiete, I-ïibourg-en-Brisgau, 1909, t. iv, n. 29 ; Sanday, art. Jesus-Christ, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, t. n. p. 025. Aussi bien, c’est par son humanité, personnellement unie à sa divinité, que Jésus agit, souffre et triomphe : c’est pourquoi il apparaît comme le « Fils de l’homme » dans tous les textes qui se rapportent à son rôle de Rédempteur, de Dieu fait homme. On lira, avec les textes à l’appui, la démonstration de cette vérité dans l’art. Fils de l’homme du Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 2259.

2. Mais, en se plaçant au point de vue du mystère de Ja rédemption, saint Paul sera amené, à plusieurs reprises, à formuler la doctrine révélée touchant l’humanité parfaite de Jésus-Christ, en tous points semblable à la nôtre. « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin de nous faire recevoir la filiation adoptive. » Gal., iv, 4. Le mode de la rédemption est indiquée par la brève formule yev6|i£VOv éx. ywoixéç, yevâtievov ô— ô v6jxov. L’expression yev6[vevov lx Yuvaixôç, rappelle yevàyjsvoç ïv.n-.ïyyj.-.^z ÂotuslS Lyr.% oxpxa, Rom., i, 3, et, comme cette dernière, signifie la formation de l’humanité du Christ selon les lois de la conception ordinaire, du moins quant au principe passif, de cette conception. Il s’agit clone bien d’une humanité réelle et parfaite. Quant à l’autre expression Yev6p.evov ôto vôfzov, elle signifie que le Christ naît sujet de la Loi, en tant qu’il naît membre du peuple hébreu soumis a la Loi. Il le fallait pour mieux faire ressortir le but de la venue du Christ : racheter les sujets du joug de la Loi et de plus, pour répondre à la filiation naturelle que le Christ acquiert dans l’humanité, conférer à tous la filiation adoptive. Avec plus de précision encore, saint Paul, dans un autre texte « aussi fameux par sa difficulté intrinsèque que par les divagations sans nombre des exégètes » (Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 214), marque que l’humanité prise par le Sauveur n’a point la souillure du péché : Ce qui était impossible à la Loi, vu qu’elle était alîaiblie par la chair, Dieu envoyant son propre Fils dans la ressemblance de la chair de péché et en vue du péché, condamna le péché dans la chair, afin que le juste commandement de la Loi s’accomplit en nous. » Rom., viii, 3. La Loi montrait a l’homme le chemin de la justice et devait l’y conduire ; mais elle avait été

entravée et paralysée par la chair, c’est-à-dire par le

penchant au mal qui vicie la nature humaine. Pour vaincre et anéantir le péché dans son propre domaine. Dieu envoie son Fils dans la ressemblance d’une chair de péché, Paul ne dit pas : « Dans la ressemblance de la chair » ; car, s’il parlait ainsi, il laisserait entendre ou que le Christ n’a pas de chair véritable ou que sa chair était d’une nature différente de la nôtre. Mais il ne dit pas non plus > dans une chair de péché, i car il ne faut pas qu’on comprenne que le Christ a revêtu une chair de péché. Il dit donc, avec un rare bonheur d’expression : « Dans la ressemblance d’une chair de péché ; i car la chair du Christ est bien une chaire réelle que rien physiquement ne distingue de la nôtre mais elle n’est qu’en apparence une chair de péché, n’ayant rien de commun avec le péché. Cf. Prat, op. ciï., p. 244-245.

C’est donc parce qu’il doit être le nouvel Adam, restaurateur de l’ordre bouleversé par notre premier père, médiateur entre Dieu et les hommes, que le Verbe deviendra homme et réparera pour tous ceux qui participent à la nature humaine : Le premier Adam est un homme terrestre et grâce à la filiation que nous avons par rapport à lui, nous portons en nous l’image de l’homme terrestre ; mais le Christ est l’homme céleste et, par la filiation adoptive, nous communiquera l’image de l’homme céleste et la vie. Cette opposition entre l’œuvre de mort accomplie dans l’humanité par l’homme Adam et l’œuvre de vie accomplie par l’homme Jésus est reprise par saint Paul sous différentes formes ; mais toujours le terme moyen des comparaisons est l’homme qui existe aussi bien dans le premier Adam que dans le second : ’O — çwto ; a10p(O710ç… ô ScÛTspoç av0pcù7TOç, I Cor., xv, 47 :  ; 1. v. lô : ôr : pà>TOç ; l/Qzo)~ r jq’ASàf.y., ô ëayaTGç’ASocu et aussiꝟ. 21-22 : « Par un homme est venue la mort, et par un homme la résurrection des morts ; et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ. » Quant à l’épître aux Romains, elle est encore plus précise. Rom., v, 12-19 : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme… ; si par le péché d’un seul (homme) beaucoup sont morts, bien plus abondamment la grâce et le don de Dieu, par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus sur un grand nombre… Si, par le péché d’un seul, la mort a régné par un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de 1 ? grâce, et du don, et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus-Christ. Comme donc c’est par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c’est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie. Car, de même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, de même aussi, par l’obéissance d’un seul, beaucoup sont constitués justes. » De tous ces textes, il ressort que Notre-Seigneur, nouvel Adam, fut homme comme le premier : le premier Adam loutefois n’était qu’un homme ; Jésus-Christ, au contraire, tout en possédant l’humanité, possède aussi un nom qui est au-dessus de tout nom. Phil., il, 9. Si Jésus n’était pas homme, mensonge serait donc la rédemption tout entière : En effet, si Jésus-Christ n’élail pas vraiment homme, il ne serait l>as notre frère ; s’il n’était pas notre frère, il ne serait pas notre chef au sens strict du mot, s’il n’était pas notre chef, il ne serait pas notre représentant ; sa grâce lui serait personnelle et sa justice ne serait la nôtre à aucun titre. Ainsi s’explique l’insistance avec laquelle Paul inculque sans cesse la réalité de la nature humaine du Christ. » Prat., op. cit., p. 250. Mais, homme parfait, Jésus ne cessera pas d’être Dieu. « En lui habite corpoicllcinent la plénitude de la divinité. » Col., ii, 9. « Existant en la loi me de I lieu, il ne regarde

pas l’égalité divine comme une proie, niais il se dépouille lui-même, | en] prenant la forme de l’esclave et devenant semblable aux hommes : et reconnu homme, par ses dehors (lesquels manifestaient la réalité de sa nature), il s’abaissa, se faisant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix, i I’hil.. h. 6-8. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 447-4 19.

La formule : èv a’J7Ô> xoCTOUceï -âv -6 7r).Tjpw[ix tîjç 0sôt/ ; to ; a<o[iaTixwç, Col., n. 9, est significative par l’emploi d’une part du mot ->.r, p<ou.’z si en vogue plus tard parmi les gnostiques et d’autre part de l’adverbe si énergique uojjxaTixûç. Elle montre que saint Paul, en affirmant la réalité de l’humanité du Christ, par rapport à notre rédemption, entendait fermer la bouche au docétisme. auquel il fait une évidente allusion dans I Tim., vi, 20. ("est contre cette « science qui n’en mérite pas le nom, » qu’il affirme solennellement « qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus (fait) homme : i |1, Sc(t7)Ç ©sou xal àvôpcoTTcov avGpcorcoç Xpurràç’Lqaoûç, I Tim., a, 5.

3. Cette préoccupation antidocète, nous la retrouvons plus accusée encore, chez saint Jean. L’affirmation solennelle du début de son évangile : Le Verbe s’est fait chair (c’est-à-dire : homme) et il a habité parmi nous, i vise nettement et explicitement la réalité de l’humanité du Sauveur. Voir Incarnation, t. vii, col. 1446-1447, et Hypostatique (Union), ibid., col. 446-447. Mais dans les épîlres, c’est bien le docétisme qui est combattu : « Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Ant ichrist. i I Joa., IV, 3. « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde ; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair : c’est là le séducteur et l’Antichrist. » II Joa., 7. Ces allusions au docétisme naissant font comprendre le début île la l r’épître : Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nus yeux, ce que mais avons contemple et ce que nos mains ont touché du Verbe île pie. » C’est encore une attestation de la réalité de l’incarnation qu’on trouve dans ce verset : » C’est lui qui est venu par l’eau et le sang. Jésus-Christ, non dans l’eau seulement, mais dans l’eau et dans le sang, i 1 Joa., v, (i : allusion évidente au baptême du Christ et à sa passion non moins qu’à l’eau et au sang sortis du côté de Jésus en croix. Cf. Lebreton, Les origines du dogme île la Trinité, Paris. L910, p. I27-I2.S. D’ailleurs le réalisme intransigeant de saint Jean, en ce qui concerne la chair du Christ, est une des notes caractéristiques de son évangile spirituel. Le chapitre vi, dans le discours eucharistique qu’il contient, est significatif à cet égard. Saint Jean y accentue le caractère physique de l’union du fidèle au Christ : » Si VOUS ne mangez la chair du Fils de l’homme et si ous ne buvez sou sang. VOUS n’avez pas la vie en vous, i Joa.. VI, 54. Et la chair du Christ est pour la chair de l’homme le gage d’une i ésurreel ion glorieuse.. 55. I.’eucharistie est une telle preuve de la réalité de la chair du Christ que précisément les doceles s’abstiendront de prendre part au banquet sacré, parce qu’ils ne croient pas a l’humanité du Sauveur. S. limace. Snu/rn., vii, 1. Cf. Lebreton, <>i>. cit.. p. 10$1-$205.

Entrons dans quelques détails particuliers, plus significatifs, pour mieux marquer la realité de l’humanité du Christ, soit dans son corps, soit dans son aine.

1 ! " Le corps du Christ. 1. C’est par le mot chair

que saini Jean, nous lavons vii, désigne l’humanité,

puce que la chair est la portion visible de celle humanité ; saiul Paul nous dit également que le Christ pacifie par le sang de sa croix, » réconcilie - dans le COrpS de Sa chair.’Col., I, 20, 22 ; Jésus n’a 1 il pas

participé i à la chair et au sang » afin de détruire par la mort celui qui avait l’empire de la mort’? lleb., Il, 14. Nier la réalité du corps du Christ, ce ne serait pas seulement rejeter la réalité de son humanité complète et parfaite dont nous venons, en traits généraux, de démontrer l’existence, ce serait encore s’inscrire en faux contre la multitude des détails relevés par les évangélistes touchant les gestes habituels, les mouvements familiers du Sauveur.

2. Ils nous le montrent. en elïcl. dans diverses attitudes ; tantôt debout, Marc, iv, 39 ; Luc, viii, 24 : Joa.. vii, 27 : xiv..’il : tantôt assis. Mat th.. v. 1 ; xin. 2 ; xxiv, 5 : XXVI, 55 ; Marc, iv, 1 ; xii. Il : xiii, 3 ; Luc, IV, 20 : v, 17 ; Joa.. îv. Il : nui. 2. Parfois, il est étendu sur un divan, selon la coutume d’alors, pour prendre ses repas, Matth.. xxvi, 7 : Marc, xiv, 3 ; Luc, vii, 37 ; xi. 37 : Joa.. xiii, 1-1 ; ou bien il dort allongé sur le pont d’une barque, la tête appuyée sur un coussin. Marc, iv, 36. S’il prie, il est ou agenouillé, Luc, xxii, 41, ou prosterné par terre. Matth., xxvi. 30 : Marc. xiv. 35. Ses mains rompent les pains avant de les distribuer. Matth.. xiv.ltl : xv, 36 : XXVI, 26 et passades parallèles de Marc et de Luc ; Luc, xxiv. 30 ; prennent la coupe consacrée et la liassent aux apôtres, Mal th.. xxvi. 27 : Marc. xiv. 29 ; Luc, xxii. 17 : bénissent les petits enfants. Matth., xix, 13, 15 : Marc, x, 16 ; Luc, xviii, l.">, et les disciples, Luc, xxiv, 50 ; louchent les malades pour les guérir, Matth.. viii. 3 ; 15 ; ix. 29 ; xx. 34 ; Marc, i. 31 : viii, 23 ; Luc. iv. 10 ; v, 13 ; xxii, 51, etc. : et les morts pour les ressusciter, Matth.. ix. 5 : Marc, ix, 41 ; Luc, vu. Il : viii. 5 1 ; chassent les vendeurs du temple et renversent les tables des changeurs, Matth., xxi, 12 ; Marc, xi. 15 ; Joa., ii, 15 ; lavent humblement les pieds des apôtres. Joa., xiii. 5. Son corps tout entier se meut. « soit lorsqu’il se baisse et saisit saint Pierre qui s’enfonçait dans les eaux courroucées du lac, Matth., XXV, 31 ; soit lorsqu’il place à ses côtés, pour donner une leçon aux Douze, un petit enfant qu’il baise affectueusement, Matth.. xviu. 2 : Marc, ix. 35 ; xiii, l(i ; Luc. ix..17 : soit lorsqu’il se penche et écrit avec son doigt sur le sol, en face des accusateurs de la femme adultère. Joa., %iu. S ; soit lorsqu’il tourne le dos vivement à l’un de ses interlocuteurs, pour marquer son mécon teiitement, Matth., XVI, 23 ; Marc. viii. 33 : Luc. îx. 55 ; ou qu’il se retourne vers ses auditeurs pour donner plus de poids à ses paroles. Luc. vu. 9 ; x. 23 : xiv. 25 ; xxui, 28 ; cf. Matth.. ix, 22 : Luc. vii. Il : Joa., i. 38. Le plus émouvant de lous ses gestes fut certainement celui qu’il lit sur la croix, en inclinant la tête au moment où il exhalait son dernier soupir. Joa.. xix. 30. Que de fois aussi, les évangélistes ont noté les regards de Jésus ! Regard droit et bien en face, sur Simon, la première fois que Jésus le rencontra. Joa.. i. 42 ; regard pénétrant et douloureux sur le même apôtre dans la cour du palais de Caïphe après le reniement, Luc. xxii, 61 ; regard rempli de tendresse sur le jeune homme riche, mais lâche. Marc. x. 21 ; regard brillant de colère sur ceux qu’aveugle l’incrédulité, Marc, m. 5 ; regard aimable SUT Zacliéc. Luc. xix. 15 ; regard bon sur l’hémorrhoïsse, Marc.. 32 ; regard mélangé de tristesse et d’admiration sur les riches qui jettent avec ostentation leurs aumônes et la pauvre veuve qui dépose timidement son obole. Maie., xii. Il 12 ; regards pleins d’une muette indiquai ion. au soir de son entrée triomphale, condamnant les abus qui s’étaient Introduits dans les parvis

du temple, Marc, xi. 1 1 : regards admirables d’extase, quand le Christ levait les yeux au ciel pour prier Dieu. Matth., xiv, 19 ; Marc.vi, 11 : vu. 31 : Joa.. xi. Il : x

. i. Jésus aimait a regarder ses apôtres et ses, i ciples avant de leur parler, Matth., xix. 26 ;.Marc. m. 51 ; iii, :  ;  ; i ; x, 27 : Luc. VI, 20 ; et il regardait ainsi la 1 5’.

foule, avant de commencer son discours sur la montagne. Luc, vi. 20. La voix de Jésus savait prendre

les diverses intonations humaines, traduisant ainsi les sentiments cle l’âme humaine « lu Sauveur : i tour à tour, elle se faisait ferme et sévère, lorsque Jésus était contraint d’adresser un reproche, Matth., iv, l.

G, 10 ; xvi. l-l. 23 ; ou d’intimer un ordre à l’accomplissement duquel il tenait. Mare., i. 25, 43 ; i. 39 ; terrible pour prononcer un réquisitoire, Matth.. xxiii. ou une sentence de damnation, id., xxv, 41 ; en d’autres circonstances, ironique et méprisante. Matth.. iv. 1-10 : xxi. 27 ; Mare., m. 17 ; Lue., xiii. 15-16, 32 : autoritaire. Matth.. xxi. 1’.' : Mare., v. Il : Luc. vu. 1 I ; Joa., xi. 43 ; joyeuse. Matth.. vin. 10-11 ; Mare… 20-31. ou triste. Matth.. xi. 20 : Mare., x. 23-25 ; Joa., xiii. 27. infiniment tendre. Matth.. xxv. 31-40 ; Joa., i. 20-27. l-’illion, op. cit., p. 386-390.

3. Quant aux traits physkjues de Jésus-Christ, nous en sommes réduits aux conjectures ; à cause dis., lu. 13-liii. 12. voir eol. 1121. un assez, grand nombre d’auteurs des premiers siècles avaient imaginé que Jésus était laid de visage, petit, sans aucune distinction extérieure. Ainsi pensaient saint Justin. Dialog., n. 11. P. G., t. vi. col. 505 ; Clément d’Alexandrie, Strom.. 1. VI. c. xvii : Psedag., 1. III. c. 1, n. 3. P. G., t. ix. col. 381 ; t. vin. col. 557 ; Tertullien, De carne Christi. c. m : Adv. Judœos, c. xiv, P. L.. t. ii, col. 801, 679 ; et plus tard saint Basile et saint Cyrille « l’Alexandrie. Au cours des siècles, l’opinion contraire a prévalu, s’autorisant de Ps., xliv, 3, epai déclare le Messie le plus beau des fils des hommes, > et après saint Jérôme. Epist. lxv ad Principiam uirginem, n. S ; Comm. in Matth.. I. IX.c.ix. v 9, P. L., t.xxii, col. 627 ; t. xxvi. col. 57 : saint Augustin, De Trinilate, I. VIII, c. iv. n. 7. P. /… t. xlii. col.’.1.51 ; et, chez les grecs, saint Jean Chrysostome, In Mtdlhxum homilix, xxvii. n 2 P.’L. t. i.vii. eol. 310. les grands théologiens l’ont accueillie presque unanimement. Cf. S. Thomas. Sum. theol., UL. q. xiv. a. 4, et Comm. in ps. xliv-, Suarez, De incarnatione, disp. xxxii, sect. 2. D’après Legrand, De incarnatione, rliss. ix, le Christ n’était ni beau ni laid. Thomassin, De incarnatione, I. IV, c. vu. est partisan de la laideur. L’évangile nous dit simplement « iue le Verbe incarné nous est apparu i plein de grâce et de vérité », Joa., i, 14, que les foules l’entouraient, pleine d’admiration pour. « les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ►. Luc. iv. 22. Faut-il entendre ce mot grâce, en un sens plénier, qui inclue la grâce corporelle ? L’ascendant exercé par Jésus sur les foules semble bien suggérer cette interprétation. Voir Mgr Landriot, Le Christ et la tradition, Paris, 1865, t. ii, p. 291-294. F. Vigouroux, Le nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, p. 402-405 ; J. A. Van Steenkiste, De pidchriludine Jesu corporali, dans son Evangelium sec. Matth.. Bruges, 1882, t. iv, p. 1464-1468. Il est inutile de rappeler que nous ne possédons aucun portrait authentique de Jésus-Christ : les plus anciennes images peintes dans les catacombes sont des œuvres d’imagination, et, d’ailleurs ne sont pas antérieures au iv siècle ; voir Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. Catacombes (Art des), t. n. col. 2777. Il « si pareillement difficile de dire quel élément historique peut exister dans la légende de la face de Jésus-Christ reproduite sur le voile de Véronique, ou de l’empreinte laissée par le corps du Sauveur sur le sain ! suaire. Même en ne reconnaissant pas l’authenticité d « -s reliques « pion nous présente sous ces noms, notre piété envers Jésus-Christ n’a rien a perdre. Par ailleurs il n’esl pas besoin d’être un critique bien audacieux pour déclarer apocryphes, le portrait et la lettre envoyés par Noli c-Seigneui a Abgar, les images attribuées a Nicodème, ; i saint

DICT. DE THÉOL. (A 1 11’. I..

Luc et les achéropita. MarUCChi, Eléments d’archéologie chrétienne, 1. 1, Paris-Rome, 1900, p. 31 1. Voir

ABGAR, t. 1, eol. 07-73 et dans le Dictionnaire d’archëo logie, l’article Abgar ( Légende « P). Les descriptions de la physionomie « le Notre-Seigneur, celle « le saint Jean Damascène, Epist. ad Theophilum, n. 3-4, P. G., t.xcv col. 319 : celle de Nicéphore Callisle. Hisl., 1. I. e. i. ; cꝟ. 1. 11. c. vu. xi.iii : I. VI, C. xv. P. G’., t. c.xi.v.eol.747 ; et celle, très certainement apocryphe, de Publius Lentulus, cf. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, t. i, p. 301-310, semblent, à cause de leur ressemblance, procéder d’une source commune antérieure. La statue, élevée par l’hémorrhoïsse de l’évangile, â Panéas, en l’honneur du Christ, au dire d’Eusèbe, H. E., t. I, c. xiii, P. G., t. x, col, 120 sq., si tant est que celle statue ait représenté le Christ, a pu servir de modèle aux images orientales et aux nouvelles images introduites en Occident â la fin du ive siècle.

Sur la physionomie de Jésus : Philpin de Ri 1ère, La physiologie du Christ, Paris, 1899, p. 250-270 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2 édit., p. 386-388 ; E. von Dobschiltz, Christusbilder. Untersuchungen zur christlichen Légende, dans les Texte und Untcrsucliungen, t. xviii, 1899 ; F. X. Kraus, Real-Encyklopâdie der christlichen Alterthùmer, t. ii, p. 7-28 ; Hastiuns, Dictionary of Christ and the Gospels, t. i, p. 308-31 G ; Gliiekselig, Studien ùber Jésus Clu-istus und sein wahres Ebenbild, Prague, 1863 ; Ch. Mariamis, Jésus und Maria in ihrer àusscren Gesialt und Schônheit, Cologne, 1870 ; G. -A. Muller, Die leibliche Gestalt Jesu Christi, Graz, 1909. Voir également, parmi les rationalistes, K. Hase, Geschichte Jesu, Leipzig, 1891, p. 321-330 ; Th. Keim, Geschichte Jesu von Naxara, Zurich, 1867, t. i, p. 459-464 ; et Farrar, The Life o/ Christ in Art, Londres, 1894 ; J. L. French, Christ in sacred Art, Londres, 1900.

1. Il convient d’ajouter ici quelques traits relatifs â la vie journalière du Christ. — a) A l’annonciation Marie habitait Xazareth : c’est donc là qu’eut lieu l’incarnation ; la naissance du Sauveur doit être placée â Bethléem, cf. col. 1141. Après le retour d’Egypte, Joseph lixa le séjour de la sainte famille à Nazareth, Matth., ii, 12-13, où Jésus vécut jusqu’au moment de sa vie publique. Pendant sa vie publique, le Sauveur n’a plus de demeure fixe : Capharnaùm, que saint Matthieu, ix, 1, appelle < sa ville » était le centre principal d’où rayonnait son activité. Joa., ii, 12 : Matth., iv, 13. Sans doute, un disciple y avait-il mis une maison â sa disposition. Mais le divin Maître dut recevoir fréquemment l’hospitalité. L’Évangile nous en cite quelques exemples : Simon le pharisien, Luc, vii, 36-50 ; Simon le lépreux, Matth., xxvi, 67 ; Marc, xiv, 3 ; Joa., xii, 1-3 ; Zachée, Luc, xix, 1-10 ; le propriétaire du Cénacle. Matth., xxvi, 18 ; Marc, xiv, 13-15 ; Luc, xxii, 11, 12. Mais, dans ces exemples, il ne s’agit pas d’une hospitalité prolongée, telle qu’on la soupçonne exister là où Nicodème vint trouver Jésus « de nuit », Joa., iii, 2, et surtout chez Lazare et ses sœurs. Souvent aussi, quand le Maître se retirait loin des villes et des bourgades, il pouvait dire « pie le Fils de l’homme n’avait pas où reposer sa tête, tandis « pie les chacals ont leur tanière el 1rs oiseaux leur nid. Matth. vin, 20 ; Luc, ix, 58. — b) Le costume du Sauveur ressemblait a celui du commun des Galiléens, avec le turban Ilot tant d’usage invariable parmi ses compatriotes et indispensable sous le climat de Palestine, surtout en voyage. Jésus avail uni’tunique sans couture. Joa., iii, 2. ;. Pour tout le reste, couleur, forme, non, en sommes réduits.< de simples probabilités. Les chaussures étaient des sandales retenues par des cour-Matth. , iii, 1 1 ; Marc, t, 7 : Luc, m. 16 ; Jo

27. Nous sommes certain toutefois « pie la plus grande

simplicité régnait dans le vêtement du Christ : il avail dû mettre pour son compte personnel en pratique les

Vlll. 37

1155

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. L’AME Dl CHRIST

1156

recommandations qu’il avait faites à se*, apôtres,

de s’en aller prêcher dans le plus simple appareil : ni bâton, ni provisions, ni d’argent, pas de rechange pour la tunique ni les sandales. Mat th.. x, 9 ; Marc., vi, 8, 9 ; Luc, ix, 3 ; x, 4. — c) La nourriture de Jésu : Christ devait se composer des aliments les plus communs, ceux qu’il nomme lui-même dans une île ses instructions, le pain d’orge, le poisson, les œufs. Matth., vii, 9, 10 ; Luc. xi, 11, 12. Les apôtres allaient quelquefois eux-mêmes chercher ces provisions, Joa., iv. 8 ; et ils les emportaient avec eux quand c’était nécessaire, Marc. vin. M : mais ordinairement de saintes femmes pourvoyaient à ce soin. Luc. vin. 3. Les apôtres disposaient de quelque argent pour acheter le nécessaire Joa., VI, (>, 7 : mais Judas fut chargé de tenir la bourse et de faire certains achats. Joa.. Mil, 29. Noire-Seigneur accepta parfois des invitations à des festins. Matth., ix, 9-17 ; Luc, vii, 36 ; xiv. 1 : xix, 1-10 ; Joa., ii, 2 ; xii, 1-10 ; certains esprits étroits ont pu s’en scandaliser et l’appeler ( gourmand et buveur de vin ». Matth.. xi, 19 ; Luc, vu. 34. d) L’Évangile ne parle pas souvent du repos de Jésus. Une lois, fatigué du chemin, il s’assied près du puits de Jacob, Joa., iv, 6 ; pendant une traversée du lac de Tibériade, il dort dans la barque, la tête appuyée sur un coussin. Matth., viii, 21 ; Marc, iv, 38 ; Luc, vm, 23. Mais, par contre, l’Évangile relate les nuits fréquemment passées en prière, Luc, vi, 12 : cf. v, 1(5 ; xi. 1 ; Marc, i, 35.

5. Enfin, la réalité du corps de Kotre-Seigneur est encore al testée par les infirmités corporelles qui sont requises pour que le Christ pût réparer en souffrant pour nous. Cf. Luc, ix, 22 ; xvii, 15 ; xxiv, 26, 40 ; AcL. xvii, 3 ; 1 Pet., ii, 21 ; iv, 1, etc. Il ne s’agit pas, évidemment, des infirmités qui, en conséquence du péché originel, amènent une déformation dans la nature humaine, mais simplement des conditions physiques qui rendent possible la souffrance. Le Sauveur, en conséquence, de son humanité, a connu la faim, Matth., iv, 2 : Marc, iii, 2d et vi, 31, la soif, Joa.. iv. 7 et xix. 28, la fatigue après une longue marche, Joa., iv. Ci. le besoin de sommeil. Matth.. viii. 21 : Mari’., iv, 38 ; Luc, viii, 23. Comme nous, il a aussi été’sujet à la mort, dont la vue anticipée lui a causé une vive

répugi : e, Matth., xxvi, 37-42 ; Marc, xiv, 33-39 ;

Luc. xmi. 11-11. Toutes ces indications seront plus tard exploitées par la théologie. Voir col. 1327.

; " L’âme du christ. 1, A plusieurs reprises, le

divin Mailre. parle de son âme : Joa., xii, 27 : < mon ànie I L//, ) est troublée i ; Matth., XX, 28 : « le Fils de l’homme est venu donner son âme (<ja>x^1 v) " c’est-à-dire, sa vie ; Matth., XXVI, 38 : ( mon aine est triste jusqu’à la mort » ; Luc, xxxiii, 46 : < je remets mon esprit (7TveG(uc) entre vos mains. » Les écrivains sacrés la mentionnent directement, racontant que Jésus connut dans sou esprit t (tô> TTVEÛfvaTl), Marc, il, 8 ; qu’il frémit, qu’il fut troublé < dans son esprit Joa.. m, . ;  :  ;  : xiii, 21 ; qu’il gémit < dans son esprit Marc, viii, 12 ; qu’il < rendit l’esprit (to 77Vïôu.a). Matth.. xxvii, 50 ; Joa., i. 30. Mais c’est surtout indirectement que nous connaissons [’existence de l’âme de Jésus, par les manifestations de son activité naturelle et surnaturelle.’J. La sensibilité de son âme se inanité- le. par les émotions, joeuscs ou tristes, douces ou pénibles, et SUTtOUt par les émotions douloureuses qu’a ressenties le Christ.- n) Disons tout d’abord que, nonobstant les émotions même les plus vives, l’âme tle Jésus

se i édail toujours pleinement ; rien d’excessif n’y

isait, et tout y était dans l’ordre. Tel se mollira JésUS a (icthséinanC, où les émoi ions de son âme furent

pourtant si viveSJ Cf. Matth., xxvi, 36 16 ; Marc,

xrv, ꝟ. 12 : Luc, wii, .".’.t 16. Et Jésus lui-même

montre comme il contrôle et domine immédiatement sa sensibilité. Joa., xii, 27-28. Le calme de Jésus est toujours parfait et admirable : calme au milieu de la tempête, Matth.. viii. 24-26 ; Marc, iv, 37-39 ; Luc, vm. 23-25 : calme en face des démoniaques qui interrompent sis discours, Marc, i, 22-26 ; Luc, iv, 3335, etc. ; calme devant ses adversaires qui l’insultent ièrement, Matth., ix, 3 ; Luc, vii, 49 ; xi, 45 ; xiii. 14 ; Joa., vii, 20, etc., ou qui veulent le frapper. Luc. i. 28-30 ; Joa., vii, 30 ; viii, 59, etc. On pourrait citer d’autres exemples, la réponse du Sauveur aux menaces du tétrarque llérode Antipas, Luc, xiii, 3233 ; sa réponse à l’orgueilleux Pilate, Joa., xix, 11 ; le calme serein avec lequel il s’avance à la rencontre de ses bourreaux. Matth., xxvi. 45-46 ; la paix dans laquelle il rend son dernier soupir. Luc, xxiii. 1(>, etc.

lis ovations populaires ne l’atteignent pas plus que l’ingratitude des hommes. Il n’est point sans ressentir les unes et les autres… ; mais sa belle âme planait au-dessus… A son entrée triomphale à Jérusalem, il se possède comme devant les tribunaux, et l’Hosanna au lils de David ne trouble pas plus sa sérénité que les cris tumultueux de la foule au prétoire. » Mgr Landriot, Le Christ de la tradition, t. ii, ]). 348-349. — b) Néanmoins, Jésus a connu dans une certaine mesure les émotions violentes et douloureuses. lue lois, saint Marc, iii, 5, lui attribue un sentiment de colère ; mais plusieurs fois l’indignation paraît dans les menaces proférées par le Messie, Matth., ix, 30 ; xi. 2(1-21 ; xvi. 23 ; xxi, 19 : xxiii, 1-39 ; Marc, i, 25 ; vm, 33 ; ix, 21 ; x, 14 ; xi, 14 ; Luc, IV, 35 ; ix. 55 ; xi. 39-52 ; xiii. 15, ou encore dans les actes de répression ouverte auxquels il se livre sur les vendeurs du temple. Matth., xxi, 12-13. C’est surtout â Gethsémani et au Calvaire que le Sauveur fait la douloureuse expérience de la crainte, de l’effroi, de la tristesse et du dégoût : ccepit contrislari et mœstus esse, Matth., xxvi, 38 ; ccepit paverc et lœdcrc, Marc, xiv, 33 ; factus in agonia, Luc, xxii, 43. « Mon âme est triste jusqu’à la mort », s’écrie Jésus lui-même. Matth., xxvi, 38. Et c’est un cri de détresse qui s’échappe de ses lèvres, au moment d’expirer : Eli, EU, lamma sabacthanif Matth., xxvii, 16. Com ment de tels sentiments de tristesse pouvaient-ils s’accorder avec l’état de bonheur que l’union hypostatique devait créer dans l’âme de Jésus ? La théologie devra répondre à cette question. — c) D’autres sentiments très humains et d’ordre sensible paraissent encore dans l’âme du Sauveur : la joie. Luc, x, 21 ; l’admiration et l’étonnement. Matth., viii, 10 ; Marc, vi, 0. C’est la meilleure preuve que la présence de la divinité, bypostatiquement unie â l’humanité, n’entravait nullement le cours normal des phénomènes humains dans l’âme de Jésus.

3. L’intelligence du Sauveur. - a) Le divin Maître s’est proclame la - lumière du monde », Joa., viii, 12 ; il esi la vraie lumière qui éclaire tout homme venant eu ce monde, i. 9. A la lumière du Christ s’opposent les ténèbres de l’erreur et du mal, Joa., i, 5 ; iii, 19 ; cf. Matth., vi. 22-23 ; Luc. xxii, 53. L’intelligence humaine du Sauveur a été le phare de cette lumière de vérité. La science du Christ a été aussi parfaite que le requérait sa mission. II est venu sur terre i plein de grâce et de vérité. » Joa., i. 14. Et lui-même déclare à Nicodème : Nous parlons de ce que nous savons, nous attestons ce que nous avons vu. » Joa., iii, 11. Il s’agit ici des hauts mystères, cachés dans la science divine elle-même. Et Jésus atteste qu’il a reçu communication de ces mystères : i Personne n’a jamais vu Dieu, dit-il : le Fils unique, qui est dans le sein du l’ère, a lin même révélé les mystères divins. » Joa., i, 18. D’ailleurs le prophète lsaïe avait prédit que se reposerait sur le Messie l l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et l’esprit de science… » 1157

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. PHYSIONOMIE MORALE Hl CHRIST

L158

[s., xi. 2 ; que le Messie serait i donné comme un témoin aux peuples, comme un chef et un docteur aux

nation-, id.. îv. 1. El Jésus atteste i qu’il est né et venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, i Joa., xviii, 37. routefois si parfaite que soit la science du Christ, la théologie devra expliquer comment le Christ a pu dire du jour du jugement : i Personne ne comiait ce jour, pas même le Fils, mais seulement le Père. Marc xiii. 32. L’intelligence de Jésus vit donc en contact avec les grandes idées et fait de Jésus un profond penseur, mais sans toutefois l’empêcher de demeurer un très fin et très attentif observateur. — b) Cet esprit d’observation se manifeste par rapport même aux détails en apparence insignifiants : les comparaisons qu’il emploie, les enseignements qu’il donne sont émaillés de traits pittoresques que seule explique une attentive observation. Entre cent exemples, relevons le royaume des cieux comparé au tîlet jeté à la mer. Mat th., xiii, 17 : la parabole de la brebis perdue vers laquelle le bon pasteur dirige ses recherches, abandonnant les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne, xviii. f2 : les paraboles du semeur, Matth., xiii. 3-9 ; 24-30, et des dix vierges, xxv, 1-12 ; les détails relatifs au bon et au mauvais serviteur. Matth., xxiv, 15-51 : la parabole des talents, id., xxv, 14-30 ; du mauvais riche et du pauvre Lazare. Luc., xvi, 19-22. Il observe qu’un père de famille qui prévoit l’avenir met de côté dans son trésor nova et Datera, Matth., xiii, 52 ; que les pharisiens orgueilleux recherchent les premières places dans les festins. Luc, xiv, 7. Il répond différemment, selon les nécessités, à la même question posée, Luc., ix, 57-62. Intelligence vive et affinée, l’esprit du Christ passe des tableaux les plus réalistes, dans le bon sens du mot, Matth., vu. 8 : xi. 7-8 ; xix, 10-12 ; Marc, vii, 1819 : Luc. xv, 8-9 ; xvi, 19-31, aux conceptions les plus idéalistes. Quel royaume idéal que celui qu’il est venu fonder ! quelles idéales vertus n’exige-t-il pas des citoyens de ce royaume ! Et c’est par cet aspect d’idéalisme très relevé que l’intelligence de Jésus-Christ illumine sa physionomie morale si parfaite. — c) L’imagination du Christ est remarquable. Dans son enseignement, le divin Maître a souvent recours aux figures et celles-ci sont toujours belles, vraies, saisissantes : la marche rapide et mystérieuse du vent, Joa., m. 8 ; la source d’eau vive, Joa., iv, 10 ; le verre d’eau fraîche, Matth.. x. 42 ; la laboureur dirigeant sa charrue, Luc, ix, 02 ; l’homme fort et armé qui garde la maison, Luc, xi, 21 ; les serviteurs attendant, la lampe à la main, Je retour de leur maître bien avant dans la nuit, Luc, xii, 35-35 ; le mauvais riche vêtu de pourpre et de lin très fin, Luc, xvi, 19 ; la robe nuptiale, Matth., xxii, 11 ; l’aveugle conduit par un autre aveugle, Luc, vi, 39 ; les pêcheurs d’hommes, Marc, i, 17 ; la description de la fin des temps, Matth., xxrv-xxv ; les hypocrites, sépulcres blanchis, Matth., xxui, 27 ; la foi qui transporte les montagnes, Luc, xvi, G ; les disciples du Christ portant leur croix à la suite du Maître, Matth., x, 38 ; les surnoms si parfaitement appropriés donnés à plusieurs disciples, Kéfd, Boanergès. — d) La sagesse et l’habile prudence de Jésus éclatent en cent reparties, faisant l’admiration de ses ennemis eux-mêmes, cf. Luc, xx, 26, et charmant les foules, Matth., xxii, 46 ; Marc, xii, 37. A Jean-Baptiste qui hésite à le baptiser, Jésus répond simplement : « Il convient que nous accomplissions toute justice. et l’hésitation cesse, Matth., iii, 1 5. Trois fois il réduit au silence le démon tentateur, par des ripostes empruntées a l’Écriture. Mal th.. iv. l, 7, 10. Et a l’égard des pharisiens, quels arguments irrésistibles ! Matth., xv. 3-10 ; Marc, vii, 1-12. Dan-, maintes autres occasions, sa parole, tantôt digne t ferme, tantôt Ironique, tantôt douce et calme, adn

à des ennemis ou à des amis, produisait les résultats les plus frappants. Cf. Matth., xvi. 2-1 : i. 16, 24 ; xxii. 15-21, 29-32 ; XXVI, 64 ; Marc. n. 8-11 ; vi, 5 ; x, 42-45 ; Luc.. il- 12 ; Joa., wili, 33-37 ; xi, 11, etc. M. Fillion, à qui nous avons, à peu de choses près, emprunté cette analyse de la physionomie intellectuelle de Jésus, conclut fort justement : i De toutes ers réflexions, il résulte que le Sauveur a possédé, mais à un degré suprême de perfection, des facultés intellectuelles analogues aux nôtres, soumises aux mêmes lois générales que les nôtres, et dont il s’est servi comme d’instruments précieux et dociles pour accomplir sa mission. Op. cil., t. i. p. 105. On aurait mauvaise grâce, à vouloir comparer comme l’ont fait certains néo-critiques, l’intelligence humaine de Jésus avec celle des grands génies qui ont paru sur la terre. Sans doute, l’Évangile ne nous donne pas d’indications positives permettant d’établir l’incontestable supériorité du Christ sur tous ; niais des données fournies par lui, le théologien saura tirer, avec une rigoureuse logique, le caractère incontestable de cette supériorité.

4. Physionomie morale du Christ.

a) La s tinleté du Christ est affirmée dès l’instant de sa conception : quod nascetur ex te sanctum. Luc, I, 35. Et Jésus, convaincu de sa valeur morale, n’hésite pas à lancer ce défi à ses adversaires : « Qui de vous m’accusera de péché ? » Joa., viii, 46. Au moment de sa passion, on ne trouve contre lui aucun chef sérieux d’accusation. Matth., xxvii, 24 ; cf. I Pet., ii, 22 ; Ileb., iv, 15. Le divin Maître exaltera la virginité, Matth., xix, 10-11 ; cf. xxii, 30 ; Marc, xii, 25 ; Luc, xx, 36 ; c’est qu’il est vierge lui-même. — b) Cette sainteté s’aflirme tout d’abord par la pratique des vertus de renoncement, de sacrifice, de pauvreté, d’abnégation, sans toutefois que ces vertus, en Jésus, s’enveloppent d’une austérité exceptionnelle, que le Maître n’entendait pas imposer au commun de ses disciples. Du renoncement de Jésus, saint Paul a dit avec force : Christus non sibi placuit, Rom., xv, 3, et, de fait, Jésus n’a jamais recherché que la satisfaction du devoir, par exemple dans la façon dont il rejette la triple tentation au désert, et dont il formule la loi qu’il impose à ceux qui veulent être ses disciples : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à soi-même et qu’il porte sa croix et qu’il me suive. » Marc, viii, 34 ; cf. Matth., x, 34-38 ; Luc, ix, 55-62 ; xiv, 26-27 ; xviii, 22, 28-29, etc. L’atelier de Nazareth fut le témoin de sa pauvreté. La vertu de pauvreté lui était particulièrement chère ; il l’exalte dans la première des béatitudes, Matth., v, 3 ; Luc, vi, 20 ; les avertissements aux riches abondent, signalant le danger des richesses pour le salut éternel, Matth., xix, 23-26 ; Marc, x, 23-27 ; Luc, vi, 24 ; xvi, 9-13 ; xviii, 24-27, etc. ; l’amour de la richesse est, dit-il, un vice païen, Matth., vi, 32 ; et trois des plus belles paraboles mettent en relief le péril moral que crée la fortune, Luc, xvi, 19-31 ; 1-13 : xii, 13-21. Plusieurs fois même, malgré le dévouement des Galiléennes qui subvenaient aux besoins matériels du Maître et des disciples, Luc, viii, 2-3 ; xxiii, 49, 45-56, la petite troupe manqua du nécessaire, Matth., xii, 1 ; Marc, xii. 23 ; Luc, vi, l. Il est à remarquer cependant que, malgré son amour de la pauvreté, ! < Christ n’a jamais jugé nécessaire Je mener une vie exceptionnellement

austère : il dispensa es apôtres des jeûnes. Matth., ix, 15 17 : Marc, ii, 19-22 ; Luc, v, :  ! 1 -39, et il est donc probable qu’il ne les pratiquait pas lui-même. Il acceptait parfois’des Invitations à dîner chez les riches, .Matth.. XXVI, 6 ; Marc, xii, 3 : Luc., 38-42 ; Joa., xii, 2. publlcains, Matth., IN, 10-11 : Maie., ii, 15-16 ; Luc, V, i’i 30, ou pharisiens, Luc. vii.3lt ; i. 37 ; XIV, 1, etc. Ses ennemis l’accusèrent même d’être glouton et l.uxcur de v n. Matth., xi, 19 ; Luc. vii, 31. Il permit, 100

en deux circonstances, qu’on répandit sur lui des parfums. Mal th.. xxvi. 7 : Marc, xiv. : i : Luc. vu. 36 ; Joa., xii. 3. Cela s’explique par son plan religieux : il n’avait pas l’intention d’imposer les grandes austérités comme règle générale à L’ensemble des chrétiens. Du reste, il laissa a ses apôtres ci à leurs successeurs le soin d’organiser sous ce rapport la vie de l’Église,

après son ascension (c’est le sens des mois postea jejuiuibiinl. Mat th.. ne, 15). Quant à lui, il ne recula, surtout durant les années de son ministère inauguré par Un jeune de quarante jours, devant aucune privation, devant aucune fatigue, dépensant ses forces sans mesure, se privant fréquemment de sommeil, Marc, vi, 45-51 ; Luc, vi, 12 ; xxii. 39 ; Joa., xviii", 2, refusant, avant de se laisser attacher à la croix, le breuvage narcotique qui aurait pu alléger ses horribles souffrances, Mat th., xxvii, 34 ; Marc, xv, 2 : 5. > Pillion, op. cit.. p. 409-410.- c) L’humilité, vertu inconnue des païens et médiocrement pratiquée par les Juifs, est une des plus apparentes qualités morales de l’âme du Christ. Axant de la prêcher, il la met en pratique ; il invile les hommes à venir à sou école, car il est « doux et humble de cœur. » Mail h., xi, 29. Son humilité éclate des son apparition en ce monde, dans le choix de ses parents, dans le lieu de sa naissance, dans sa fuite en Egypte, dans les moindres détails de sa vie cachée. Il s’est vraiment i anéanti ». Cf. Phil., ii, 7. Maître de ses disciples, il se fait leur serviteur. Mat th., x, 24-25 ; Luc. xxii, 24-27 ; Joa., xii, 13, et. pour témoigner ses sentiments, leur lave les pieds, Joa., xii, 1-11. Sa passion lut une longue série d’humiliations, vivement ressenties, mais subies sans plainte. Matth., xxvi. 55 ; Marc, iv. 48 ; Luc, xxii, 52. Son humilité s’affirme jusque dans les éloges qu’il reçoit et qu’il rapporte à Dieu. Matth., xix. 10-17 : Marc. x. 17-LS : Luc, xviii. 18-19, et dans les triomphes dont il est l’objet, Matth., xxi. 2.". ; cꝟ. 17 ; Marc, xi, 11. Il n’a jamais recherché sa propre gloire. Matth., VI, 2, 5, 16 ; xviii, 1-1 : xxiii. 5-12 ; Luc. xiv, 7-11 ; xviii, 9-1 I. etc. Mais l’humilité, en Jésus, n’était pas l’insensibilité à la courtoisie et au dévouement, cf. Luc. vu, 44-46 ; Marc. xiv. s. pas plus qu’aux outrages auxquels parfois il lui arriva d’opposer une fière protestation, Joa.. xviii, 23, un silence méprisant et plein de majesté, Matth., xxvi, 62-63 ; xxvii. 12-14 ; Marc. iv. 18-49, 60-61 ; XV, I 5 ; Luc. u. 52-53, 67 69 ; x m. 9 ; Joa.. xix, 9 ; une attitude noble ou une 1er me réponse, Mal th.. xxvi, 55-56 ; Joa.. xviii, 19 21, 34, 30-37. Cf. Mgr l.andriot. l.c Christ de lu tradition, t. ii, p. 350. — (I) L’obéissance de Jésus va de pair avec son humilité, car cette obéissance lait partie inté grante de son sacrifice. Nous aurons tOUt à l’heure l’occasion de le rappeler plus explicitement, en parlant de la volonté du Sauveur, il suffit de marquer ici

combien cette obéissance a été constante et forte en

face <les adversités. Rien ne l’arrêta, rien ne le découragea, pas même les lenteurs de ses apôtres à comprendre sa mission. Mail h., xv, 16 ; xvi, 8-11 ; 22-23 ;

Luc. ix, 55, etc. C’est surtout dans la passion que se manifeste la patiente obéissance de Jésus, réalisant pleinement l’oracle d’Isaïe, un. Cf. col. 1121. Saint Pierre résume d’un mol celle admirable constance : Outragé, il ne rendait pas l’outrage ; maltraité, il

ne taisait pas de menaces. [ Pet., ii, 23. Sans don le. le

divin Maiirc éprouvaii une généreuse Impatience

d’accomplir sa mission, Luc. XH, 50 ; mais son aine

possédait assez pour ne pas devancer l’heure

m trquée par Dieu, Cf. Marc. xi. Il ; Joa.. n. I ; i.

21. 23 ;. 2 :.. 28 ; vu. 30 ; viii, 20 ; xii. 23, 27 ; xui. 2 ; wii. 1. et Jésus n’hésitait pas a s’éloigner pour un

temps des embûches de ses ennemis, alin de ne se

ni d’eux que lorsque sérail venu

le moment. Matth., xi. 13 ; Marc, rn, 7 ; vii, 24 ; Joa.,

vu. l ; mu. 59 ; x. 39-40 ; xi. 54-56. <, Il faut signaler

encore parmi les vertus de Jésus, son amour du recueillement et de lu solitude. Matth.. xvii. 1 ; Marc. 1. 35, 45 ; iv.. ;.") : vi. 31. 46 ; vu. 21 : vin. 27 : Luc. vi. 2 ; ix. 18 ; xi. 1. etc. Il était, dit saint Luc. en employant une expression qui désigne un état habituel, ô-o^copôv èv -rxi ; ipf, uo’. ; xoci 7rpoa£’j/ôu.svo ::. v. 10. Cet amour de la solitude, s’explique en effet par l’amour de la prière et du silence. j) lui lin. ajoutons un dernier trait à ce portrait moral du Sauveur, en rappelant ses deux qualités de simplicité et de sérénité. Il a en horreur l’hypocrisie des pharisiens. Matth.. vi, 1-18 ; vu. 15-20 ; xxiii, 23-28 ; Luc. xui, 17, et ses ennemis eux-mêmes proclament sa rare sincérité. Matth.. xxii, l(i ; cf. Marc, xii, 11 : Luc. xx. 21. U est venu, proclanie-t-il devant Pilate, rendre témoignage à la vérité. Joa., xviii, 37 : et n’est-ce pas là toute sa mission. résumée dans la prédication du nouvel évangile ? Non inuentus est dolus in ore ejus, dit saint Lierre, I Pet., u. 22. Voir un beau développement dans Mgr l.andriot, Le Christ de lu tradition, t. 11. p. 307

— g) Lu rassemblant et comparant toutes ces qualités morales, on découvre toute une série de contrastes, dont la somme équivaut à une perfection nouvelle. 1 Jésus est humble jusqu’à l’excès, et sa fierté s’indigne par moments. Tendrement fidèle à ses affections, il rompt les liens les plus légitimes et les plus étroits, lorsqu’ils se mettent en travers du devoir. Il est né seigneur et maître, et il se fait avec une grâce charmante le serviteur de tous. Sa vaillance est celle des héros, et il lui arrive de se troubler. Il est soumis à l’autorité et il agit avec indépendance ; pacifique, il apporte la guerre. Il se délie des hommes, dont il connaît l’instabilité et il les aime jusqu’à mourir pour eux sur une croix. Il veut quon obéisse à la loi mosaïque, et il porte de rudes coups aux traditions qui prétendaient l’expliquer, la compléter. Il recherche la solitude et il fréquente le monde. Sa vie est extrêmement mortifiée, et il assiste, sans se faire prier, à de grands repas. Il veut attirer tout à lui. et il congédie d’un mol ceux qui hésitent a le suivre. Détaché de tout, il exige qu’on quitte tout pour s’attacher à sa personne. Il esi contemplatif, en même temps qu’homme d’action. » Fillion, op. cit., p. 414-415. Ces contrastes ne sont pas des conflits de vertus ; ils manifestent seulement la multiplicité des perfections qui ornaient l’âme de Jésus-Christ. Ils fournissent, au contraire, un fondement solide, sur lequel le théologien peut appuyer une psychologie surnaturelle du Christ. Cf. Mgr Chollet. La psychologie du Christ. I’aris. L903, c. viii.

5. Volonté humaine et amour humain de Jésus. — Ce nouvel aspect de la psychologie naturelle du Christ doit être soigneusement mis en relief par le théologien, car il est à la base des définitions conciliaires relatives à la double volonté et au double vouloir en JésusChrist. Cf. CONSTANTINOPLE ( 1 1 / cône lie de). t. 111. col. 1259 127.", . a) L’existence en Jésus-Christ d’une volonté humaine, bien plus, d’un vouloir humain, distincts l’un et l’autre de la volonté et du vouloir divins, apparaît clairement dans toutes les affirmations évangéliques. où la vertu d’obéissance es ! attribuée au Christ. Et Noire Seigneur, à plusieurs reprises, affirme la parfaite conformité de sa volonté a la volonté du Père, de sa volonté humaine par conséquent a la volonté divine : qu : e placila suid ei fado semper, dit-il. Joa.. viii. 20. De même Joa.. îv. 31 : 1 Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ; 1 cl encore. V, 30 : Je ne cherche pas ma volonté, mais

1.1 volonté de Celui qui m’a envoyé. 1 Cette obéissance,

il l’a poussée jusqu’à l’acceptation de la inorl que lui Imposait le précepte du l’ère. Joa., XIV, 31. On pourra discuter sur le sens de ce précepte, voir plus Util

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. VOLONTÉ HUMAINE Dl CHRIST

L162

loin. col. 1297 >q. : on ne pourra pas révoquer en doute le fait tic l’obéissance absolue du Christ, que saint Paul mettra en relie ! dans une saisissante parole de l’épître

aux Philippiens, 11. s : il s’esi fait obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix ; que l’auleui’de l’épître aux Hébreux soulignera par l’attribution faite à Jésus de la prière du psalmiste, Ps.. xxxix. 7-9 : Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation : mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocauste, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici : … je viens, ô Dieu, pour accomplir votre volonté. C’est bien d’ailleurs ce que Jésus, insistant sur la distinction de sa volonté humaine d’avec la volonté divine, affirme de lui-même dans le quatrième évangile, vi. 38 : Je suis descendu du ciel, pour faire. non nui volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. La dualité des vouloirs s’affirme en une circonstance significative. C’est à Gethsémani : i Mon Père, s’écrie Jésus, en prévoyant les tourments de la passion, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi : toutefois non ma volonté, mais la vôtre… Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive. que votre volonté se fasse, i Mattb.. xxvi, 39, 12 : cf. Marc. xiv. 30 : Luc. xxii. 12. Ce commencement de lutte entre la volonté divine et la volonté humaine, lutte rapide qui se termine aussitôt par le triomphe du divin vouloir, posera même dans la théologie du Christ le grave problème de la possibilité du dissentiment, dans le vouloir humain, par rapport au divin vouloir, en un sujet où la volonté humaine était parfaitement et en toutes choses d’accord avec la volonté divine. — b) Dans la volonté de Jésus se manifeste une énergie sans pareille : sans doute, il n’apparaît pas dans les textes bibliques que Jésus ait eu à lutter contre les passions mauvaises de l’esprit ou de la chair. mais il a dû, à tout instant, contre les obstacles extérieurs, faire acte de volonté énergique ; contre le démon, aux heures de la tentation dans le désert, Matth., iv, 3-10 ; Luc, iv, 3-12 ; contre Pierre, essayant de le détourner du devoir, Matth., xvi, 20-23 ; contre frères », prétendant lui imposer un plan qui n’était pas celui de Dieu, Joa.. vii, 1, 10 ; contre ses ennemis, ses juges, ses bourreaux. Personne ne peut lui faire apporter la modification la plus légère aux desseins providentiels : i Il faut que je marche. Luc. xui. 33. — c) L’amour humain de Jésus est incomparable, et le mettre en relief dans la physionomie morale du Sauveur, c’est établir en partie sur les fondements évangéliques la dévotion au Cœur de Jésus. L’amour que professa Jésus fut d’abord pour Dieu, pour son Père céleste. C’est ce Dieu très bon qu’il faut aimer « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit. » Matth., x.xii, 37. Cet amour se manifeste dans le nom de « Père Abba, nom très doux qu’il avait constamment sur les lèvres, au dire des évangélistes et notamment de saint Jean. On devine cet amour dans les descriptions que Jésus donne de Dieu, représenté par lui comme le meilleur et le plus miséricordieux des Pères. Cf. Matth.. v, 1.") : vi, i. 6, 18, 26-33 ; x. 29-32 ; xi. 2.") ; xviii, 10, 14, etc. Et son obéissance parfaite n’est que la manifestation extérieure de cet amour. Cet amour de Dieu se traduit aussi par une union intime de son âme a Dieu : de là ces prières fréquentes et débordantes d’amour, que mentionnent les évangélistes et spécialement saint Luc. ni, 21 : vi. 12 : ix. 18 ; xi. 1 : xxii. 11-46 ; xxiii. 34 ; cf. Marc. i. 3."> : Joa. xi, 11-12 : xvii. 1-26, etc. La confiance absolue du Fils vis à-vis de son Père se manifeste a la résurrection de Lazare, Joa., xi, 11-42 ; dans la prière sacerdotale. Joa.. xvii, 1-20 ; a (ielhsimani. Marc. xiv. 36 ; a l’heure de la mort, Luc. xxiii. 46. Le cri échappé au Christ agonisant : Eli, Eli, lamnvi sabachthani, Matth.. xxvii. Ui. pourrait un

instant nous laisser croire que la confiance filiale s’est obscurcie dans le cœur de Jésus. L’apparent désespoir de Jésuspeut s’expliquer par la substitution qu’il avait faite en expiant sur la croix, de sa personne à la personne du pécheur. Il ressentait alors, par substitution, l’effroyable abandon qui est celui du pécheur en face de Dieu que son péché a offensé : Jésus devenu péché pour nous, fait i malédiction, exécration selon l’expression de saint Paul. Cal.. m. 13, Jésus soutirait de la paît de Dieu je ne sais quoi d’effroyable qu’aucune parole humaine ne peut décrire. La pensée du petit nombre de ceux qui profiteraient de sa passion ajoutait à ce désespoir humain. Cf. C. l’ouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, t. u. Paris. L904, p. 388-389. On pourrait encore plus simplement diie que i Matthieu avait une raison spéciale de reproduire cette parole de Jésus. Ktanl tirée d’un psaume, elle donnait à entendre que la situation cruelle qu’il décrivait était réalisée en Jésus. Dans les deux cas, l’abandon n’est pas le rejet, encore moins la réprobation ; aussi le juste ne laisse-t-il pas d’appeler Lieu, son Dieu, ce qui donne à sa plainte l’accent de la confiance plutôt que celui du reproche. Dieu l’abandonne aux mains de.ses ennemis, par un dessein mystérieux qui aboutissait au triomphe dans le psaume, comme il aboutira dans l’évangile à la résurrection. > Lagrange, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1923, p. 530. La vraie difficulté est ailleurs : comment concilier, en Jésus, cet apparent désespoir avec la béatitude essentielle à sa personne divine et à sa nature humaine béatifiée ? C’est là un problème que pose, sans le résoudre, l’Évangile. — L’amour humain de Jésus fut ensuite pour les hommes : c’est la quX<xv6pcû7ua de notre Sauveur, comme dit saint Paul. Tit., iii, 4. Jésus avait rappelé que le second précepte du Décalogue : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est « semblable au premier ». Matth., xxii, 39 ; Marc, xii, 31. Aussi il en fait son précepte et se propose comme exemple : « Hoc est prseceptum meum ut diligatis invicem, sicut dilexi vos. » Joa., xv, 24. L’incarnation est bien le miracle de l’amour du Fils de Dieu pour nous. « amour… qui dépasse toute science. » Eph., vi, 18-19. Mais c’est la passion qui manifeste surtout l’amour de Jésus pour les hommes : « personne, dit Jésus lui-même, ne peut avoir une plus grande affection que de donner sa vie pour ceux cpi’il aime. » Joa., xv, 13. Et Jésus est le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Joa., x, 11 ; cꝟ. 15, 17, 18 ; Matth., x. 45, etc. Les œuvres de sa vie publique, ses miracles, en particulier, ont été la plupart du temps des actes d’amour du Sauveur envers ses concitoyens. Ses appels sont pleins de tendresse : Venez à moi. vous tous qui êtes las et trop chargés, et je vous donnerai le repos. » Matth., xi, 28. Ses recommandations en faveur de l’amour mutuel sont pressantes : « Aimez-vous les uns les autres ; soyez miséricordieux : aimez vos ennemis ; donnez et prêtez sans en rien espérer ; ne jugez pas ; pardonnez sans cesse, etc. i Cf. Matth.. v. 21-24 ; 3$1-$27 ; xviii. 23-33 ; Marc. xi. 25 ; Luc. vi, .".I. 38 ; x, 2737, etc. Jésus, compatissant pour toutes sortes de souffrances, se laissait arracher a leur vue clés gémissements, des larmes, des sanglots, Marc, vii, .’î I ; Luc. xix. Il : Joa., xi, 39 ; il eu était remué jusqu’aux entrailles. èo-’/, y.y/yLrj()r r Matth.. ix. 36 ; xix. 1 I ; xv, 32 ; xx, 34 ; Marc, i, il ; Luc. vii, 17 : x, 33. Donnant l’exemple a tous. Jésus pardonna généreusement a ses ennemis. Luc, xxiii, 34. Il convient toutefois d’insister sur deux caractères particuliers de son amour pour les hommes : sa miséricorde infinie a l’égard’/es pécheurs ; i’s amitiés sûres et fidèles. (’encontre des prescriptions pharisalques, Jésus n’hésite pas, pour

samer fini aine a fréquenter les pécheurs : on lui reproche même comme un crime cette altitude pleine 11(13

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1164

de mansuétude. Matth., i, 10-13 ; xi, 19 ; Luc, vii, 31>. etc. i Divers incidents de sa vie : son entretien avecla Samaritaine, Joa., iv. 7-20 ; l’épisode de la pécheresse, Luc., vu. 30-50 ; celui de la femme adultère, Joa., viii, 7-11 : celui de Zachée, Luc, xix, 1-10 ; et plusieurs de ses paraboles, celle de la brebis égarée, Matth., xviii, 12-14 ; Luc. xv, 3-7. et de l’enfant prodigue. Luc, xv, 1 1-32, sont caractéristiques a ce point de vue et nous révèlent le fond de son cœur. Comme l’avait prédit Isaïc, xlii, 3 ; cf. Matth., xii, 20, il se gardait bien de briser entièrement le roseau ployé et d’éteindre la mèche qui fumait encore ; mais il redressait doucement celui-là et se hâtait de rallumer celle-ci. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 423. Les amitiés de Jésus méritent que nous les considérions avec toute l’attention possible. Certains groupes semblaient avoir un titre spécial à sa sympathie : sa patrie, ses disciples, le collège apostolique, les petits enfants. — Bien que venu pour sauver tous les hommes il s’attache tout d’abord et personnellement au salut d’Israël. Matth., xv, 24. Sans cette préoccupation du Sauveur, on comprendrait mal certains textes relatifs à ceux qui sont appelés à faire partie du royaume des deux et qui, en raison de leur mauvaise volonté, ne sont pas élus. La plupart des paraboles concernant le royaume des cieux ne sont intelligibles qu’à la condition de présupposer la vocation toute particulière du peuple juif et la mission spéciale que Jésus se proposait de remplir près de lui. Et l’on comprend bien, au contraire, la tendre sollicitude du Sauveur pour ces brebis sans pasteur, Matth., ix, 36 ; Marc, vi, 34, et ses regrets amers sur Jérusalem infidèle. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34 ; cf. xix, 41-44. — Ses disciples et ses apôtres étaient pour lui comme une famille. C’est sur eux que le Christ étendait sa main bénissante en prononçant cette aimable parole : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, est mon frère, et ma sœur, et ma mère, i Matth., xii, 49-50. C’est à ses apôtres tout particulièrement que Jésus dira dans son discours d’adieu : « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés… Je vous ai appelés amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Joa., xv, 9, 15. « Ayant aimé les siens, dit saint Jean, il les aima jusqu’à la fin, » c’est-à-dire jusqu’à l’excès. Joa., xiii, 1. Et parmi les apôtres, Notre-Seigneur eut ses plus intimes, Pierre, Jacques le Majeur et Jean, qu’en plusieurs circonstances importantes nous trouvons seuls près de lui : résurrection de la fille île Jaïre, Marc, v, 37 ; Luc, vin, 51 ; transfiguration, Matth., xvii, l, sq. ; agonie, Matth., xxvi. 37 : Mare., xiv. 33 ; ef. xiii. 3-36. Puis, le cœur de Jésus a voulu connaître de plus près encore les délicatesses et les joies de l’amitié humaine. Les amitiés de Jésus ! Quel beau thème, sur lequel se sont penchés avec complaisance deux de nos meilleurs orateurs contemporains, le P. Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895 et le P. Lacordaire, MarieMadeleine. Voici tout d’abord « le disciple que Jésus aimait », Joa., xiii, 23 ; xix, 26 ; xx, 2 ; xxi, 7, 20, si familier avec le Maître qu’il appuie sa tête sur la poitrine de Jésus, Joa., mu, 33, et eu qui Jésus a tant de confiance qu’il lui confie, au moment « le mourir, sa propre mère, Joa., xix, 26-27. Sur l’amitié de Jésus pour Jean, voir Bossuet, Panégyrique de l’apôtre saint Jeun, édit. Lebarcq. L ii, p. 533, sq. Voici ensuite La/are : * Celui que vous aimez est malade », disent a Jésus en parlant de leur frère, Mail lie et Marie Madeleine. Joa., M, 3. E1 les deux sceurs. elles aussi, eurent une large pari dans l’affection de Jésus : « Jésus aimait Mail lie et Marie sa sieur et La/are. Joa., xi. 5 ; Luc. i, 38 12. El a côté de Marie de

Béthanie, commen ! ne pas rappeler le souvenir de

Marie de Magdala, associée aux fatigues apostoliques du Sauveur, Luc, viii, 2, aux douleurs de sa passion Joa., xix, 25, aux triomphe de sa résurrection. Joa., xx, 1, 11-18 ; cf. Matth.. xxvii. 56 ; Marc, xv, 40 ; Luc, xxiii, 49. Jésus aima aussi le jeune homme riche de l’évangile. Marc, x, 21, et voulut se l’attacher ; mais l’affection de Jésus fut ici déçue, comme elle le fut dans la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la fuite des apôtres à Gethsémani. Enfin. Jésus aima les petits enfants les attirant à lui. prenant à plusieurs reprises, leur défense, et exaltant la pureté de leur âme. Matth.. xix. 14 ; Marc, x, 15-10 : cf. ix, 35-36 ; Matth., xxi, 16 : interdisant qu’on les scandalise, Matth., xviii, 6. Et les petits enfants lui rendaient bien son affection. Matth., xxi, 16.

Si nous voulions résumer en quelques mots les trésors d’affection renfermés dans le cœur de Jésus, nous dirions que la sympathie du Sauveur s’est étendue à tous, sans exception, à tous ceux qui, même en dehors de la nation juive, méritaient d’être au nombre de ses amis. Les Samaritains, Luc, x, 29-37, les païens même, Matth., viii, 10 ; Luc, vii, 9, ne sont pas repoussés. Nous dirions qu’à l’égard des pécheurs, il fut avant tout miséricordieux, qu’à l’égard des malheureux et de ceux qui souffrent, il fut toujours bon et compatissant. Cette douceur et cette bonté du cœur, ne les recommande-t-il pas dans le sermon sur la montagne ? Matth., v, 4. Il a prêché la miséricorde en demandant à son Père le pardon de ses bourreaux. Luc, xxiii, 34. Et Bossuet, dans son admirable panégyrique sur l’apôtre saint Jean (3e point) nous livre le secret profond de cet amour du Christ pour les hommes. Le cœur de Jésus, nous dit le grand orateur, est « un cœur, s’il se peut dire, tout pétri d’amour : toutes les palpitations, tous les battements de ce cœur, c’est la charité qui les produit… C’est l’amour qui l’a fait descendre du ciel pour se revêtir de la nature humaine. Mais quel cœur aura-t-il donné à cette nature humaine, sinon un cœur tout pétri d’amour ? C’est Dieu qui fait tous les cœurs, ainsi qu’il lui plaît. « Le cœur du roi est dans sa main, comme celui de tous les autres : Cor régis in manu Dei est, Prov., xxi, 1. Régis, du roi Sauveur. Quel autre cœur a été plus dans la main de Dieu ? C’était le cœur d’un Dieu, qu’il réglait de près, dont il conduisait tous les mouvements. Qu’aura donc fait le Verbe divin, en se faisant homme, sinon de se former un cœur sur lequel il imprimât cette charité infinie qui l’obligeait à venir au monde ? Donnez-moi tout ce qu’il y a de tendre, tout ce qu’il y a île doux et d’humain : il faut faire un Sauveur qui ne puisse souffrir les misères sans être saisi de douleur : qui, voyant les brebis perdues, ne puisse supporter leurs égarements. Il lui faut un amour qui le fasse courir au péril de sa vie, qui lui fasse baisser les épaules pour charger dessus sa brebis perdue, qui lui fasse crier : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne a moi. t Joa., vii, 37. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, i Matth., xi. 28. Venez, pécheurs : c’est vous que je cherche. Enfin, il lui faut un cœur qui lui fasse dire :. Je donne ma vie, parce que je le veux : ego pono eam a meipso. » Joa., x, 1.x. C’est moi. qui ai un cœur amoureux, qui dévoue mon corps et mon âme a toutes sortes de tourments. »

Edit. Lebarcq, i. n. p. 510-550.

4° La famille du Christ, les « frères du Seigneur ». — Avant de terminer noire étude sur les données évangéliques relatives à la nature humaine de Jésus, il con lent tout au moins de signaler les problèmes historiques et exégétiques que soulèvent les parentés et les alliances du Sauveur selon la chair. 1. Les ques tions relatives a la vierge Marie, Mère de Jésus-Christ, Seront traitées a MARIE. Un article spécial sera consacré à Joseph (saint), où seront étudiées ses relations d’époux et de père par rapport à Marie et à Jésus. L165

JÉSUS » CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1166

2. En divers endroits des écrits du Nouveau Testament, Matth.,

, 16 ; xiii, 55 ; Mare. m. 31 ; vi.

3 ; Lue., viii, 19 : Joa., n. 12 : vu. 3 : Aet.. t, 14 ; 1 Cor.. i. 5 ; Gal., i. 19, on trouve la mention des t frères de Jésus, dont Matth.. m. 55 et Mare., vi, 3, nous citent les noms. Jacques, Josepb (Josës d’après Mare). Simon et Judas. Ces deux évangélistes nous parlent même des « sœurs de Jésus, id., ibid. ; Saint Epiphane, Hær.. Lxxviii, n. 7. P. G., t. xi.vni, eol. OIS. en signale deux qui se seraient appelées Salonié et Marie. D’autre auteurs les nomment Anna et Salonié, ou encore Esther et Thamar. Cf. Théophylacte, In Matthxum, c. xui, ꝟ. 55, P. (, ’.. t. c.xxiii. col. 293-294 : In Epist. ad Galalas, c. î. v. 19. P. G., t. c.xxiv. eol. 968. De plus, Flavius Josèphe, Antiquitates jud., 1. XX. c. ix. n. 1. rapporte que, vers l’an 02, « fut mis à mort Jacques, le frère de Jésus, qui est appelé le Christ. » Eusèbe lait mention, à la suite d’Hégésippe des descendants de Jude, qui était, selon la chair frère du Sauveur. II. E.. I. III, c. xix, xx. P. < ;., t. xx, eol. 251. Mais pour interpréter correctement cette appellation, il faut tenir compte d’autres données évangéliques. Parmi les saintes femmes qui se tiennent au pied de la croix se trouve Marie, mère de Jacques, Luc, xxiv, 10, que saint Matthieu dit être mère de Jacques et de Joseph, xxvii, 50, et plus expressément encore saint Marc, mère de Jacques le mineur et de Joseph, xv, 40. D’autre part, saint Jean affirme de cette même Marie qu’elle était la sœur de la mère de Jésus, xix, 25, et pour la désigner plus expressément il la nomme Mapîoc T) Toù KXcorâ. Ce Cléophas est vraisemblablement le même qu’Alphéc, Luc., vi. 15 : cf. Act., i, 13 ; Matth., x, 3 : Marc. m. 18. Voir ci-dessus, col. 273. Mais « Marie de Cléophas » signifie-t-il Marie épouse de Cléophas ? Quand les évangélistes énumèrent les apôtres, ils groupent invariablement trois noms qui font penser aux < frères du Seigneur », Jacques d’Alphée, Jude de Jacques (S. Matthieu et S. Marc : ’Thaddée, Lebbée) et Siméon le Cananéen ou le Zélote. Siméon est désigné par Hégésippe, comme un fils de Cléophas, et, ajoute l’historien, « il fut constitué évêque de Jérusalem ; à l’unanimité, on lui donna la préférence, parce qu’il était un autre cousin du Seigneur. > Eusèbe, II. P., t. III, c. xi, et 1. IV. e. xxii. P. G., t. xx, coi. 245 et 380. Il semblerait doue, d’après ces documents, que les frères du Seigneur, enfants de Marie, femme de Cléophas, sœur de la sainte Vierge, fussent des cousins de Jésus-Christ. Cette explication, n’est pas acceptée par tous.

a) Signalons d’abord, bien qu’elle ne soit fias, dans l’ordre chronologique, la première, l’explication d’Helvidius, que nous connaissons surtout par saint Jérôme, De perpétua virginilale beulu* Maria advenus Helvidium, P.L., t. xxiii, col. 193-206, et par saint Augustin. Hær., lxxxiv, P. /… t. xi.ii, col. 46. Helvidius, voir t. vi, col. 2141-2141, niait purement et simplement la virginité perpétuelle de Marie, et entendait en son sens littéral et strict l’expression : frères et sœurs de Jésus. Helvidius se réclamait de Tertullien et de Vietorin de Pettau. Sur la doctrine de Tertullien, voir d’Alès, La Théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 196. Il est bien difficile de défendre Tertullien avec.1. B. Lightfoot, dans son commentaire sur l’épître aux Calâtes, The Brethren of the Lord, Londres, 1900, p. 252, et saint Jérôme l’abandonne comme hérétique. Quant à saint Vietorin de l’ettau, nous ne connaissons sa doctrine sur ce point que par Helvidius et saint Jérôme : or, ce dernier nie catégoriquement que l’évêque de l’ettau ait parlé des enfants de Marie ; il s’est servi uniquement de l’expression évangélique : l’es fi du Seigneur. ( m n’a pas de raisons de révoquer en doute l’assertion de saint Jérôme. Quani à Hégésippe que Zahn, Brader und Vetter Jesu, dans Forschungen

ur Geschichle dus S. T. Kanons, t. vi, fasc. 2, 1900,

et Herzog, La virginité de Marie après l’enfantement. dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1907,

p. 321, veulent interpréter dans le sens d’I lelvidius, il est impossible de démontrer positivement que, cet écrivain ait enseigné celle erreur : bien plus, certaines île ses expressions conduisent à une conclusion tout opposée. Voir Neubert, Marie dans V Église anlénicéenne, Paris, 1908, p. 198 sq. Quelques années après Helvidius, la même thèse fut reprise par un moine romain, nommé Jovinien. Voir Haller, Texte und Untersuchungen, t. xvii, fasc. 2, 1899. Au iv siècle, saint Ambroise qui réfuta Jovinien, De irai, virg., c. v-xv, P. L., t. xvi, col. 313-318. taxe de sacrilège l’entreprise de l’évêque hérétique Bonose pour accréditer les idées dl lelvidius. Voir t. ii, col. 1028. Jovinien avait été condamné dans un synode de Milan, et le pape saint Silice avait aussitôt ratifié la condamnation et excommunié l’hérétique et ses adhérents. Bonose, l’année suivante (391) fut condamné au concile de Capoue. Denzinger-Bannwart, n. 91. Cf. P. L., t. xvi, col. 1123, 1125, 1172. De nos jours, la thèse d’I lelvidius est, à des degrés divers, reprise par un certain nombre d’auteurs non catholiques. Voir en particulier, A. Edersheim, The Life and limes of Jésus the Messlah, t. i, p. 251, 304 ; J. B. Mayor, The Brethren of the Lard, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, 1. 1, p. 320, et, du même auteur, Epislle of S. James, 1892 et deux articles dans The Expositor, 1908, p. 16, 163 ; Realencgclopadie fur protest. Théologie, art. Maria, t. xii, p. 309 et Joseph, t. ix, p. 361. K. Hase, Geschichle Jesu, 2e édit., p. 07 ; Reuss, Histoire évangélique. Paris. 1X70. p. 137 ; A. Loisy, Evangiles synoptiques, Ceffonds, 191)7. 1. 1, p. 291 ; et Quelques lettres, Paris, 1908, p. 155 ; Maurenbrecher, Weihnachtsgeschichten, Berlin, 1910, p. G ; S. Reinach, Orpheus, Paris, p. 329 ; Pfannmuller, Jésus im Urleil der Jahrhunderte, Leipzig, 1908, p. 0 ; B. Weiss, Leben Jesu, Berlin, 1882, t. i, p. 270-271, etc. Quelques auteurs cependant, comme Renan, Lightfoot et Harris, sans admettre la virginité de Marie post partum, ne retiennent pas la solution d’Helvidius pour vraie. Le point particulier de la virginité de Marie post partum sera étudié à Marie,

b) Une solution, qui eut, pendant quelques siècles, droit de cité dans la théologie catholique, est celle que popularisa d’abord le Protévangile de Jacques et qui fut reprise par Or i gène. Les frères de Jésus seraient des enfants que saint Joseph aurait eus d’un premier mariage. Le document apocryphe fait, en effet, dire à Joseph : « J’ai des fils et je suis vieux ; elle (Marie) est jeune, » ix, 2 ; cf. xvii, 1-2 ; xviii, 1. Cette affirmation a pour objet de sauvegarder la virginité de Marie. Il en était de même, au témoignage d’Origène, In Matth., e. xiii, ꝟ. 55, tome X, v. xvii, P. G., t. xui, col. 876-877, pour l’Évangile de Pierre, aujourd’hui perdu. Le grand exégète d’Alexandrie crut devoir se rallier à ce sentiment : il a, ce faisant, le désir de mettre hors de cause la perpétuelle virginité de la mère de Jésus. Lue. <it.. et In Lucam, homil. vii, P. ( ;., t. xiii, col. 877-878. On retrouve ce sentiment un siècle plus tard, dans saint Hilaire, Comm. in Matthseum, c. i. n. 3-4, P. L., I. ix, col. 922 ; puis chez saint Epiphane, Hær. Lxxviii, n. 7, P. G., t. xi.ii. eol. 7H9 : clieI. saint Grégoire diNysse, In Christi resurrectionem, Orat. a, P.’/'.. t. xi.vm. col. 618 ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, in Joannem, t. VII, c. ui-v. P. r, ., ’t. i.xxiii, col. 636-637.

Chez ces auteurs, la pensée est sans ambiguïté. Il n’en esi pas de même chez Clément d’Alexandrie, Eusèbe et saint Justin. Busèbe, II. E., I. il. c. i, P. <’, ., t. xx, roi. 133, rappelant que Jacques, dil le frère du Seigneur, était appelé (ils de Joseph, i n’entend pas

ment parler d’une filiation naturelle ; bien in :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

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plus, la tournure adoptée semble l’écarter et suggérer de préférence un lien d’ordre légal ou putatif comme celui qui unissait Jésus lui-même à Joseph. La pensée de Clément d’Alexandrie est plus difficile à préciser. D’une pari dans un fragment des Hypotyposes, conservé par Eusèbe, il semble identifier Jacques le frère du Seigneur avec Jacques l’apôtre, lils d’Alphée ; Eusèbe, II. E., I. II. c. i. P. ( ;.. t. x. col. 136 ; et d’autre part, dans un autre fragment, il fait de Jude, le frère de Jacques et le lils de Joseph. P. G., t. ix. col. 731. < M peut se taire que la contradiction ne soit

ici qu’apparente. Les frères de Jésus sont appelés les lils de Joseph. A quel titre".’Il n’est ni impossible, ni invraisemblable qu’aux yeux de Clément d’Alexandrie, ils aient été seulement les neveux des enfants dont Clopas son frère ou Alphée son beau-frère, lui auront, en mourant, laissé la tutelle. R. Durand. Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la P"/ catholique, t. n. col. 134. Saint Justin, dans un passage connu seulement par une traduction syriaque, et sur l’authenticité duquel on n’est pas d’accord, aurait écrit : Marie la Galiléennc. qui a enfanté le.Messie crucifié à Jérusalem, n’a appartenu à aucun homme et Joscpb ne la répudia pas non plus, mais Joseph demeura pur, sans femme, lui et ses Cinq lils d’une première femme, et Marie reste sans homme. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc, p. 83.

A partir du v° siècle, un revirement se produit dans l’opinion catholique relative à un premier mariage de saint Joseph. C’est que saint Jérôme, en combat ! an ! les erreurs d’IIelvidius, s’est posé en champion résolu non seulement de la perpétuelle intégrité de Marie, mais encore de la virginité de saint Joseph : Tu dicis Mariant virginem non permansisse ; ego mini » lns vindico, etiam ipsum Joseph virginem lujsse per Mariam, ut ex virginali conjugio virgo filins nasceretur. De perpétua virgihitate, P. h., t. xxiii, col. 202. I.e revirement d’opinion est fortement accusé chez saint Jean (Jirysostome, qui, ayant d’abord suivi l’opinion des apocryphes et d’Origène dans le Comment, in Matlh., homil. v. n. 3, P. (’, .. t. i.n. col. 58, adhère ensuite a l’opinion de saint Jérôme dans le Comment, in Epist. ad Galatas, c î, y. in. P.’L. t. lx, col. 632. Il est tout aussi net chez saint Augustin, dont le premier sentiment se trouve dans les Tract, in Joannem, tract, x, n. 2, P. I… I. xxv, col. 1468, et le second se lit dans l’Expositio in Epistolamad Calalas. c. i. t. lll. P. L., t. xxxv, col. 211d. Désormais, c’est fini chez les latins de l’explication des

frères du Seigneur > par un premier mariage de saint Joseph. Chez les grecs. Théophylacte qui la garde, y voit l’accomplissement du devoir légal du lévirat et les enfants de cette union seront réputés lils de Clopas. In Matthœum, c. xiii, ꝟ. 55 ; m Epist. ad Galatas, c. t, ꝟ. 19, P. (, .. I. cxxiii, col. 293-294 ; cxxiv, col. 968. Voir aussi Théodoret, In Epist. ail Galatas, c. i. P. a., t. i.xxxii, col. 168.

Ce n’est pas seulement pour sauvegarder la croj ance à la virginité perpétuelle de Joseph que nous ne pouvons admettre cette explication du terme : frères île Seigneur, c’esl encore et surtout pour défendre avec saint Jérôme la doctrine qu’on peut à bon droit, nonobstant les apparences contraires, qualifier de traditionnelle dans l’Église. Il J a ici. en effet, deux idées distinctes, quoique connexes : celle de la virginité de saint Joseph, voir Joseph (saint), que saint Jérôme a été effectivement le premier a proclamer ci a défendre : hujus (opinionts) forlissimus

stipulatnr sea potius auctor 1 1 ieroiwmns (Haronius) ; puis celle de la parenté plus ou moins éloignée des

res de Jésus i par rapport au Sauveur. Et, sur ce

(Ici nui point, saint Jérôme a bien conscience de

représenter le sentiment généralement reçu, pulsqu’en

398, il écrivait dans son commentaire In Muttluvum, c. xii. v. l ! i-, ")(i : Certains conjecturent que les frères du Seigneur sont des enfants que Joseph aurait eus d’une autre femme, suivant en cela les rêves des apocryphes. > De fait, l’appellation frères du Seigneur » devait être, a l’origine, comprise de tous et. dans le fragment qu’Eusèbe nous a conservé, Hégésippe ne faisait que dire ce que tout le monde savait : i Après que Jacques le Juste eut subi le martyre, comme le Seigneur, pour la même cause, à son tour, le lils de son oncle paternel. Siniéon, lils de Clopas, fut établi évêque : à l’unanimité on lui donna la préférence, à cause qu’il était an antre cousin du Seigneur, ovtoc àvj’yiov toû X’jpiou ScJTzpov. II. P.'.. I. IV. C. XXIV. t. IV,

c. xxii et l. III, c.xi. Sur ce texte, voir Lagrange, op. cit.,

et Durand. Revue biblique. 1908, p. 11. note 2.

Comment donc l’hypothèse d’un premier mariage de Joseph a-t-elle fait son entrée dans la pensée catholique ? Les premiers témoins de cette hypothèse sont, nous avons dit. le Protévangile de Jacques et [’Évangile de Pierre. I.e caractère apocryphe de ces deux documents commande la réserve : cet le réserve s’accentuera encore lorsque nous examinerons la manière dont se produit l’affirmation du Prolévangile de Jacques, le seul de ces écrits sur lequel nous puissions porter un jugement. Or. il est évident, pour quiconque lit sans parti pris, que l’histoire du mariage de Joseph avec une première femme a été inventé de toutes pièces pour sauvegarder la Virginité de Marie et expliquer d’une manière facile la parenté entre le Seigneur et sou frère t Jacques. Cf. E. Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 36-39 ; L’explication eut du succès ; Origène le constate et en donne la raison. Lui-même l’accepte. sans grande conviction », a-t-on écrit. Cf. Durand, op. cit.. p. 26. Et c’esl vrai si l’on en juge par les paroles du commentaire sur saint Matthieu. Il semble clair que le grand exégète n’est pas très assuré de la valeur historique de la tradition qu’il rappelle ; niais convaincu de la virginité post partum de Marie, il accepte le premier mariage de saint Joseph comme une solution naturelle, vraisemblable, de la difficulté soulevée par lese frères du Seigneur. » Même proposé avec cette réserve, le sentiment d’Origène fut accueilli par les écrivains postérieurs et peut-être renforcé par l’adjonction de certaines données de provenances différentes, par exemple le témoignage de saint Justin, s’il était authentique.

Quoi qu’il en soii 4es affirmations patristiques, dérivées des deux apocryphes par Origène, dont l’affirmation est si réservée, ne sauraient fournir à l’historien les éléments d’une information recevable autrement qu’à titre conjectural et provisoire. Au point de vue théologique, les conditions de la tradition dogmatique ne sont pas réunies : on est en présence d’une simple explication exégétique à laquelle des avantages certains et une vraisemblance d’abord indiscutée, ont assure un succès de plusieurs siècles. Mais le jour où l’on se demanda si celle solution correspondait bien aux exigences des lexles sacrés et où il fut démontré qu’une telle solution était improbable, elle se trouva condamnée. Celle condamnation fut l’œuvre de saint Jérôme qui n’innova rien et ne lit que rappeler, au sujet des frères du Seigneur la solut ion d’1 légésippe. Mais il y a plus. Des raisons d’ordre scripturaire

militent expressément contre la solution du Protévangile de Jacques ci d’Origène. Et voici, brièvement exposées, les raisons de ce rejet :

". Puisque les frères du Seigneur ne sont pas lils de Marie, a moins de périphrases sans lin. le seul terme utilisable, pour qualifier un groupe de cousins d’origine différentes, était âh, (heb.) ou ahd (aram) dont la signification commande celle de la traduction à8e).ç6ç.

L169

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1170

Cette signification, assez compréhensive pour envelopper les diverses relations de proche parente en ligne collatérale, est justifiée par les emplois que la Dible fait elle-même du terme âh. que les Septante traduisent par à^îXçoç : on le trouve, en effet, désignant non seulement les frères, les demi-frères, Gen., xxxvii, 16, mais encore les neveux, lien.. m. 8 ; xiv. Il ; les cousins germains, 1 Par., xxiii. 21 : les cousins plus éloignés, I evit.. x. i : les parents en général, IV Reg., x. 13, et même île simples congénlres, tien., xix. 6. Renan a certainement exagéré en affirmant quee la signification du mot (SA est identiquement la même que celle du mot i frère ». Vie de Jcsus. 13° édit., p. 25. Cf. Lagrange, op. cit., p. 72-7 1. Bien qu’en grec, le mot àSrÀçoçait un sens plus restreint, et qui se rapproche du sens du mot français frères. cependant, dans le cas présent, parce qu’il n’est qu’une traduction du mot hébreu âh. il en emprunte forcément la signification plus étendue.

b. Bien que le terme àôîLooi. puisse être entendu de simples cousins, il pourrait cependant désigner de véritables frères : accordons aux adversaires qu’il crée une présomption en faveur île cette solution. Toutefois, pour engendrer la certitude ou même une réelle probabilité, il faudrait que cette présomption fût appuyée par des arguments positifs, et confirmée de quelque façon. La confirmation naturelle serait une mention quelconque de la paternité de saint Joseph à l’endroit des < frères du Seigneur i ou tout au moins de l’un d’entre eux. Le nombre des textes. le rappel fait du patriarche en plusieurs de ces passages, mettent les lecteurs en droit d’attendre une indication de ce genre. Or. le silence de l’Écriture est absolu. Les auteurs sacrés évitent également de donner les frères de Jésus, soit comme fils de.Marie, soit comme fils de Joseph. Ce silence ne laisse pas d’être significatif. Mais, contre la présomption créée par les ternies àèso r A, nous avons des arguments positifs.

y.) Ce sont d’abord les indications scripturaires positives sur l’origine de l’un ou l’autre des « frères du Seigneur. Certains exégètes font remarquer qu’il est probable que Jacques 6 nvLzoç est un apôtre. On le déduit avec une très grande vraisemblance soit de Marc. xv. 10 : cf. Lagrange, op. cit., p. 60, 79, 410, soit de (.al., i. 19 ; cf. Cornely, Comment, in episl. ad Corinthios alleram et ad Galalas, Paris, 1892, p. 411113 et plus spécialement Inlroduclio, t. iii, p. 593-601. Voir aussi ci-dessus, col. 274. Or Jacques le mineur est liN d’Alphée : il n’est donc pas né de Joseph. A cette conclusion rigoureuse, on ne peut qu’objecter, avec Théophylacte, la possibilité d’une union léviratique de saint Joseph avec la veuve d’Alphée. Mais cette possibilité elle-même est détruite par divers passages évangéliques. Quoi qu’il en soit, en effet, du caractère ou même de l’existence de la paternité d’Alphée a l’égard de Jacques le mineur, la mère de ce dernier nous est présentée par Matth., xxvii, 56, Marc, xv, 40, ! 7 : xvi, 1 : Luc. xxiv, 10 : elle a nom Marie, comme la mère de Jésus, el le texte sacré lui donne comme fils Jacques et José et Joseph. Si cette femme, mariée ou non d’abord a Alphée (ce dernier à identifier peut être avec Clopas)aété l’épouse de saint Joseph et lui a donné des enfants selon la chair, il faut admettre que le Juste providentiellement choisi comme chef de la sainte famille a gardé simultanément, durant de longues années, deux épouses à son foyer. Le seul moyen d’échapper a cette impasse est de nier l’identité de Jacques le Mineur et de José avec les personnages de même nom mentionnés parmi les frères du Sauveur. Mais cette identité tout la suggère : deux hommes, dans le même ordre et avec la même orthographe, dans Marc les deux fois José, dans Matthieu, les deux fois Joseph I Mal th.. xiii. 55 ; xxvii,

56), ne soni-ils pas les deux premiers nommés îles frères de Jésus’.' Un lecteur de Marc est tout naturellement porté à le croire. S’il n’y avait qu’un nom, ce pourrait être un hasard. Il n’est déjà pas si commun que les deux premiers frères aient les mêmes noms dans deux familles ; quand un auteur qui a nommé Jacques et José désigne une femme comme mère de Jacques et de José, il y a presque certitude que ce sont les mêmes personnes. » Lagrange. op. cit.. p. 76. Sur le développement de cet argument, les objections qu’on y peut faire, el les réponses possibles à ces objections, voir Ami du Clergé, LU 2, p. 293 sq. — Toute cette argumentation repose sur l’identité de Jacques l’apôtre et Jacques, frère du Seigneur. Or. cette identité n’est pas absolument prouvée, car elle cadre assez mal soit avec Joa.. vu. 1."> et Marc, m. 21. où il est dil que les i frères du Seigneur étaient incrédules à sa mission, et avec Act.. i. 1 I. dans lequel les Erères du Seigneur > font un groupe distinct de celui des apôtres. Le texte de l’épîtrc aux Galales. i, 11), peut d’ailleurs s’interpréter dans les deux hypothèses. Cf. A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire A pologétique, t. ii, col. 1 17. Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que l’hypothèse d’un premier mariage de saint Joseph reste plausible, car cette hypothèse a contre elle d’autres arguments plus positifs et plus directs.

P) Deux évangélistes ont un récit de l’enfance du Sauveur. Qu’on parcoure leur narration d’un regard attentif, en en notant les nuances : une impression très nette s’en dégage : Jésus est le seul objet de la sollicitude paternelle de Joseph comme de la tendresse maternelle de Marie, le seul enfant au foyer de Nazareth. Matth., ii, 11, 13, 14, 30, 21 ; Luc, ii, 16-19, 22, 27, 33, 39, 41, 52. L’épisode de la fuite en Egypte et celui de la recouvrance au temple sont particulièrement significatifs sous ce rapport. Si saint Joseph a eu des enfants d’un premier mariage, leur place est auprès de lui. Leur présence doit laisser quelques traces dans sa vie de famille, surtout vu leur nombre. Si Jésus, à douze ans, l’accompagne au temple, les fils issus de la première union doivent pareillement l’y suivre, d’autant que leur âge plus avancé leur en fait un devoir plus strict. Or, manifestement ni Matthieu ni Luc ne soupçonnent rien de cette première union féconde, de l’époux de Marie, et la teneur même des faits qu’ils racontent semble bien l’exclure. Ceci devient bien plus sensible si l’on rapproche des narrations canoniques les récits apocryphes. Le Protcvangile de Jacques ayant donné des fils à Joseph, les fait naturellement reparaître dans la suite de son histoire par ex. : xvii, 1, 2 ; xviii. 1. Cf. Lagrange, op. cit., p. 75. Pour échapper à la logique de cette argumentation, il faudrait supposer comme le fait d’ailleurs le Protévangile, que les fils du premier mariage de saint Joseph, a l’époque de la naissance de Jésus-Christ, étaient déjà d’un âge suffisamment avancé pour pouvoir se passer de leur père et vivre indépendants. Mais l’histoire ne s’harmonise pas avec cette échappatoire. Les données d’Eusèbe, II. / :., I. [II, c. nmi et c. xi, P. G., t. xx, col. 281-282, 248, fixant la mort de Simeon (le même que Siméon, dont parle Hégésippe, cité par Eusèbe) à l’âge de cent vingt ans. reportent la naissance île ce lils de Joseph, frère du Seigneur a

quelque treize ans avant l’ère chrétienne. Ce qui détruit la supposition de lils déjà adultes au moment

de la naissance du Sau eur.

C) Peste l’unique solution possible : ceux que le titre de frères > el de sœurs du Seigneur pourrait faire croire nés de sain ! Joseph, ne sont eu réalité que des cousins du Sauveur. C’esl la conclusion de tout ce qui précède, Quanl à déterminer le degré de parenté des frères du Seigneur, le problème devient extrê memi’iit compliqué. Plusieurs sentiments se sont fait

jour chez le* exégètes. Tout d’abord, on peut parler de quatre cousins maternels, (ils de Marie et de Clopas-Alphée, cette Marie étant sœur de la sainte Vierge. Mais il faut pour cela identifier Clopas et Alphée, admettre que deux sœurs aient pu porter le même nom dans la même famille, et traduire dans Joa., xix. 2.">, Mapia r, toû KLw— à comme une apposition de r) àSeXqjr ; T/jç [x/jTpôç aÙTOÛ. D’autres auteurs. insistant sur ce fait que lorsque la mère des « frères du Seigneur » est expressément nommée, Matth., xxvii, 56 ; Marc. xv. 40, on ne trouve plus que deux noms : Jacques et Joseph, déduisent que les frères du Seigneur n’étaient pas tous parents au même degré, lit. à cause de la difficulté d’admettre deux sœurs portant le même nom, on fait des frères du Seigneur des cousins paternels, en dissociant, dans Joa.. xix, 25, Marie de Clopas et la sœur de la sainte Vierge. Et l’on émet l’hypothèse, que i Joseph (époux de la sainte Vierge) avait un frère : Clopas et une sœur : Marie, femme d’Alphée. Dans cette hypothèse. Mapfa f) toû KXw7îà est à traduire Marie sœur de Clopas, et Map (a 7) toû’Iaxoj(30u, Marie, mère de Jacques. On voit que ce sentiment n’admet pas l’identification de Clopas et d’Alphée. De Clopas seraient nés Siméon et Jude, tandis que de Marie seraient nés Jacques et Joseph. (Test la combinaison suggérée par le témoignage d’Hégésippc. celle aussi qui donne le plus facilement satisfaction aux textes du Nouveau Testament. » A. Durand, art. cité, col. 146.

3. Un mot. pour terminer la question de la famille de Jésus, est nécessaire au sujet de la parenté de Marie et d’Élisaheth, mère de Jean le Précurseur. Nous avons déjà effleuré la question à propos de l’origine davidique du Sauveur. Voir col. 1112. Elisabeth était de Famille sacerdotale, « des Biles d’Aaron ►, Luc, i. 5. Elle est cependant parente de Marie, mère de Jésus, Luc. i, 3(>. Les lévites ayant le droit de prendre femme dans toutes les tribus, on conçoit facilement qu’Elisabeth, de la tribu de Lévi et de la descendance d’Aaron par son père, pouvait être du côté maternel, parente de la sainte Vierge : il suffit, pour expliquer ce fait, que leurs mères ou leurs grand’nièrcs aient épousé, l’une un membre de la tribu de Juda, l’autre, un membre de la famille sacerdotale Voir Dictionnaire de la Bible, art. Elisabeth, l. ii, col. 1689.

Sur les « Frères du Seigneur : S. Thomas, Suin. theol., III 1, q. xxviii, a. 3, ad.’i "" ; /n IV Sent.A. IV.dist. xxx, q.n, a. 3, ad I "" ; Compendium théologies, c. i l x.wn ; In enang. Matilm-i. v. xii. One ; Jn Joannts evangel., en, lect.n ; c. vii, lect. i ; In epist. ad Galatas, lect., On ; Suarez, De mgsteriii vitee Christi, disp. Y, sect. i. édit, Vives, t. i. p. 9097 ; Denya Petau, De incarnatione Verbi, I. XIV, <-. m ; Ch. Pesch, Preelectiones dogmaticee, t. iv, Fribourg-en-Brisgau, 1909, n. 606 ; Janssens, Tractatus de Deo homlne, part. II. Fribourg-en-B., 1902, p. 294-298 ; a. Sanda, Synopsis théologies dogmalicee specialis, t. ii, Fribourg-en-B., 1922, §243 ; Van Noort, De Deo redemptore.n. 209 ; Lépicier, Trait, de sancto Joseph, Paris, 1908, part. II, a. 7, q.n ; Tanquerey, Synopsis théologies dogmaticee specialis, Paris, 1913, t. i, n. 1250, etc.

P. Corluy, Les frères de N.-S. Jésus-Christ, dan-, les Études, 1878, i, p..">, 1 15 ; Cornely, Introductio specialis in Itbros. T., Paris, 1885, t. iii, p. 595-602 ; F. Vigouroux, Les frères du Seigneur, dans Les Livres saints et lu critique rationaliste, Paris, 5’édit., 1901, t. v, p. 397-420 ; Schegg, Jacobus der Brader des Herrn und sein Brie/, Munich, 1883 ; Th. Calmes, U évangile selon S. demi, Pari’.. 1904, ». 175 ; Neubert, ’Marie dans l’Église anténlcéenne, Paris, 1908, p. 190-208 ; A. Durand, Les Frères <iu Seigneur, dans la Revue biblique, 1908, p. 8-35 et, en appendice, dans l’JSnfanee de Jésus-Christ tTaprt < les Évangiles canoniques, Pai is, 1908 ; Lagrange, Évangile selon s, uni Mure. Paris, 1911, note, p. 72-89 ; Ami du Clergé, 1912, p. 289-301 ; Fouard, La VU de. s. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. t, p. 145-448 ; Flllion, Évangile telon S. Matthieu, Paris, 1898, p. 283 ; VU PV.-.s. Jésus-Christ, Paris, l’.rj^, (. i, ]). 379-383 ; et

appendice XXV, p. 553-555. Voir également A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 131-148 ; et, dans le Dictionnaire

de ta Bible, les articles Alphée, t. i, col. 418-419 ; Cléophas, t. H, col. SOT ; Frères de Jésus, col. 2 103-2405 ; Jacques (saint) le mineur, t. iii, col. 1084-1088 ; Joseph (saint), col. 16731674 ; Jade, col. 1806-1807. Voir IIii.viuius, t. vi, col. 21412111, et JACQUES (Epttrede saint), ci-dessus, col. 272-274. On a cité au cours de l’article, les auteurs protestants et rationalistes qui ont renouvelé de nos jours l’hérésie belvidienne, Citons, à rencontre, mais avec la thèse d’Origène, Renan, Les Frères du Seigneur, dans Les Évangiles, Paris, 1877, p. 537 sq. ; J. B. Lightfool, dans son commentaire sur l’épîtreauxGalates, Brelhren 0/ Oie Lard, Londres, 1900, p. 252 sq. ; Harris, The Brethren u/ the Lord, dans le Dictionary o/ Christ and the Gospels, t. i, p. 232 sq.