Dictionnaire de théologie catholique/IRÉNÉE (Saint), évêque de Lyon III. Doctrine

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.2 : IMPANATION - IRVINGIENSp. 580-642).

III. Doctrine.

I. Synthése doctrinale d’Irénée

De tous les anciens écrivains ecclésiastiques, Irénée est le seul qui ait écrit une dogmatique relativement complète. La plupart des œuvres de l’antiquité chrétienne sont nées des circonstances, selon les besoins de la polémique, en vue d’un résultat partiel. Deux fois Irénée a tracé une somme de la doctrine catholique. Dans la Démonstration il l’a fait directement, mais d’une façon brève. C. i, P. 0., t. xii, p. 659. Le Contra hæreses est directement l’exposition et la réfutation du gnosticisme ; mais, parce que le gnosticisme avait dénaturé tout l’enseignement chrétien, Irénée en vient à défendre contre lui tout cet enseignement. Il nous avertit que c’est du « corps entier de la vérité » qu’il s’agit. L. I, c. ix, n. 4 ; t. II, c. « xxvii, n., P. G., l. VI, col. 548, 802.

A coup sûr, cet ensemble il ne l’expose selon un plan rigoureux ni dans le Contra hæreses, où le caractère polémique de l'œuvre explique cette absence d’un développement méthodique, ni dans la Démonstration, où l’on s’attendrait davantage à le rencontrer. La pensée irénéenne se plaît aux méandres les plus imprévus. Avec un peu d’attention, parmi des détours et des retours sans fin, on arrive à la suivre. Quæcumque… dixerint omnes liasretici in nltimum ad hoc deveniunt ut blasphèment fabricatorcm, et contradicant saluti plasmatis Dei quod qiiidem est caro, propter quam omnem disposilioncm fecisse Filium Dei multis modis ostendimus, dit-il, t. IV, præf., n. 4, col. 975. Négation d’un seul Dieu créateur, négation du Verbe incarné et rédempteur, négation du salut de l’homme dans sa chair, à cela se ramène le gnosticisme. Toute la doctrine de vérité se réduit, au contraire, à admettre qu’il y a un seul Dieu créateur, un seul Christ, Fils de Dieu, incarné pour nous racheter, et le salut de l’homme total, corps et âme, salut qui vient du Christ et qu’on reçoit par le Saint-Esprit : integrum corpus operis Filii Dei ostendens, semper eumdem Deum sciens, et semper eumdem Vcrbiim Dei cognoscciis eliamsi nunc nobis mani/estalus est : et semper eumdem Spiritum Dei cognoscens, etiamsi in novissimis temporibus noue efjusus est in nos, et a conditione mundi usque ad finem in ipsum humanum genus, ex quo qui credunt Dec et sequuntur Verbum ejus pencipiunt eam qùæ est ab eo salutem. L. IV, c. xxxiii, n. 15 ; cf. c. vi, n. 7 ; t. V, c. XX, n. 1, col. 1083, 990, 1177. C’est le cadre de ce qu’on nomme maintenant la théologie spéciale. Irénée nous offre également une partie importante de la théologie fondamentale. A rencontre des gnostiques, qui appuient leurs doctrines fausses et changeantes sur l'Écriture, puis, se sentant battus sur le terrain de l'Écriture, en appellent à la tradition, et finissent par rejeter la tradition et se déclarer supérieurs à elle, t. III, c. II, col. 846-847, Irénée, dans chacun des cinq

livres du Contra hæreses, même dans le t. I, qu’il donne pour un simple exposé des doctrines gnostiques, t. I, c. XXXI, n. 4 ; t. II, præt., col. 706, 707-709, même dans le t. II, qui est une réfutation du gnosticisme par la raison, t. II, c. xi, n. 2 ; c. xxv, n. 1 ; t. V, prref., col. 737, 798, 1119, établit que la règle de foi nécessaire, sûre et inébranlable, est dans l’Écriture et dans la tradition, l’une et l’autre possédées et garanties par l’Égli e, c’est-à-dire, en langage moderne, que la règle de foi immédiate est le magistère de l’Église, et que l’Écriture et la tradition sont les règles de foi éloignées principales, la raison étant la règle de foi éloignée, subsidiaire. Avec celle du magistère de l’Église, il aborde les diverses questions qui se posent au sujet de celle-ci. Mêmes indications dans la Démonstralion en ce qui regarde la théologie tant fondamentale, c. xcvra, que spéciale, c. vi, xax, p. 730, 664, 730-731. Voici donc les grandes lignes de sa synthèse doctrinale. I. Th<’-ologic fondamentale. 1° Règle de foi immédiate : l’Église, Cont. hær., t. I, c. x ; t. II, c. ix ; t. III, c. m-iv ; t. IV, c. xxvi, xxxi-xxxiii ; l. V, c. xx ; Dem., c. xcvm. — 2 » Règles de foi éloignées. 1. Principales, a) L’Écriture, Cont. hær., t. I, c. ra, xvin-xx, xxvii-xxviii ; 1. III-V ; Dem., c. XGViii. — b) La tradition, Cont. hær., t. I, c. x, n. 2 ; L II, c. ix ; t. III, c. i-iv ; L IV, c. xxxi, n. 1 ; c. xxxii, n. 1 ; t. V, c. xx, n. 1. — 2. Subsidiaire : la raison, Cont. liner., t. II, en particulier, c. xi, n. 2. — II. Théologie spéciale. 1° Le Dieu unique et créateur, t. II, c. i-xxvin, xxx-xxxii, xxxv ; t. III, c. v-xv, xxv, n. 1 ; t. IV, c. i-vi, IX, xiv-xvii, xix-xx, xxix-xxxii, xxxiv-xxxvi ; t. V, c. iv ; Dem., c. iv-xxx. — 2° Le Verbe incarné et rédempteur, t. II, c. xx-xxin, xxxii ; t. III, c. xvi-xxii ; t. IV, c. vi-xiii, xvii-xviii, xx-xxvi, xxxm-xxxiv ; t. V, c. i-ii, vii, xvi-xix, xxi, xxm-xxiv, XXXI, xxxra ; Dem., c. xxx, xxxvii, xl-xcvi. — 3° L’Esprit Saint sanctificateur et le salut de l’homme, t. II, c. XIX, xxxm-xxxiv ; t. III, c. xxiii, xxv, xxxiii, n. 15 ; t. IV, c. vii-vin, xxi-xxii, xxvii-xxvin, xxxviixLi ; t. V, c. i^xvii, xxv-xxvi ; Dem., c. v-vii, xxxviixxxix, xcvn-c.

Sur l’ensemble de la doctrine, voir, en plus des travaux d’ensemble sur saint Irénée Indiqués plus haut, J. Schwane, Dogmengeschichle, Munster, 1862, t. i, trad. française par P. Bélet, Paris, 1886, p. 121-135, 283-299, 442-454, 658-676 ; The wilness of St. Irenæus to catholic doctrine, dans la Dublin review, Dublin, 1876, t. xxvii, p. 117-155 ; F. Bonifas, Histoire des dogmes de l’Église chrétienne, publiée par C.Bois, Paris, 1886, 1. 1, p. 161-163 ; cf. l’index alphabétique, p. 380 ; A. Hamack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894-1897, 1. 1, p. 507-583 ; cf. le Sachregister, t. iii, p. 827 ; A. Domer, Grundriss der Dogmengesc /iic/i(e, Berlin, 1899, p. 66-71 ; V.Courdaveaux, Sami Irénée, dans la Reuue de l’histoire des religions, Paris, 1890, t. xxi, p. 149-175 ; F. Cabrol, La doctrine de S. Irénée et la critique de M. Courdaveaux, dans La science catholique, Paris, 18901891, t. vii, p. 97-117, 241-256, 304-315 ; J. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1905, t. i, p. 247-262 ; F. Loofs, Leitfaden fàr seine Vorlesungen iiber Dogmengeschichte, 4e édit.. Halle, 1906, p. 139-151 ; R. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 2e édit. ; Leipzig, 1908, t. i, p. 285-382 ; P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, Paris, 1908, cf. U. Mannucci, dans la Riuisla storico-critica délie scienze teologiche, Rome, 1909, t. v, p. 613-614 ; P. Galtier, L’évêque docteur ; saint Irénée de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 5-28, 211-223- ; les ouvrages qui traitent de l’histoire des dogmes.

II. LA RÈGLE DE FOI ET L’ÊOLISE. — l" La règle de foi. — « L’alTalre de notre salut dépend de la foi ; » il faut donc avoir « une règle de foi inaltérable, » « règle de notre salut. » D ?/n., c. ni, xcviii, p. 662, 730. L’expression « règle de foi » ne se retrouve pas dans le Conlra hæreses. L’expression « règle de vérité » y est fréquente. Quel en est le sens ? Irénée oppose la « règle de vérité t à la i règle » ou aux « règles » des gnostiques. Or, il entend par là leurs doctrines, instables, infirmes, vaines, fausses, blasphématoires. L. II, præf., n. 2, c. xix, n. 8 ; c. xxxv, n. 1 ; t. III, c. xi, n. 3 ; c. xvi, ii, 1, 5 ; t. IV, prsef., n. 2, 3 ; c. xxxv, n. 2, col. 709, 775, 837, 882, 920, 924, 973, 974, 1087. Le synonyme est yvwfo. sententia, t. I, c. xi, n. 1 ; c. xxxi, n. 3 ; t. III, c. xi, n. 3, à quoi s’oppose sententia aposlolorum, t. IV, prsef., n. 3, col. 560,.705, 882, 974. Un autre synonyme, c’est argumenta, argumentatio, ùtzôQsgk ;, t. I, c. viii, n. 1 ; c. ix, n. 2, 3, 4 ; ex, n. 3 ; c. xx, n. 3, col. 520, 540, 541, 544, 545, 553, 556, 656. Cꝟ. t. IV, prsef., n. 2, col. 973-974 : régulas sive argumenta ipsorum.., regulam ipsorum.., doctrinam eorum.., omnibus qui sant malse sententiic. Par contraste, la règle de vérité, c’est la doctrine chrétienne, ferme et véritable.

Cette « règle immobile de vérité a été reçue au baptême. » L. I, c. IX, n. 4, col. 545. La Démonstralion nous livrerait-elle le canon baptismal connu d’Irénée, quand elle dit, c. iii, p. 662, que la foi « tout d’abord nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui s’est incarné, est mort et est ressuscité, et dans l’Esprit Saint de Dieu ? » Peut-être. Cf. Apôtres (Symbole des), 1. 1, col. 1670, la formule de saint Cyrille de Jérusalem. Quoi qu’il en soit, la règle de vérité n’est pas seulement le canon baptismal. Irénée dit, t. I, c. IX, n. 4, col. 545-548, que, quand les gnostiques cousent bout à bout des passages épars dans l’Écriture et les détournent de leur sens naturel pour les tirer à eux, celui qui garde immobile la règle de vérité reçue au baptême reconnaît les mots, les phrases, les paraboles scripturaircs, mais n’y reconnaît pas l’enseignement impie des gnostiques, et, remettant chaque texte à sa place et l’accommodant au corps de la vérité, Ttpocyapjxéaaç xiii ttjç àXyjÔeCaç a(ùJ.(x.Tel<ù, découvre la fiction et montre son inconsistance. Cela suppose plus que la connaissance du canon baptismal. Ailleurs manifestement la « règle de vérité » est la foi chrétienne, la foi véritable, t. I, c. xxii, n. 1 ; c. xxvii, n. 2 ; t. III, c. II, n. 1 ; c. XI, n. 1 : c. xii, n. 6, l’ensemble des vérités de foi, la vérité tout court, t. II, c. xxviii, n. 1 ; cf. c. xxv, n. 1 ; t. III, c. iv, n. 1, col. 669, 803, 847, 880, 898, 804, 798, 855. Et cette vérité, c’est celle qui est enseignée par l’Église, !. I, c. ix, n. 5, col. 549 ; c’est la foi que l’Église, répandue par toute la terre, a reçue des apôtres et de leurs disciples, t. I, c. x, n. 1 ; t. IV, c. XXVI, n. 2-6, col. 549, 1053-1056 ; c’est la tradition des apôtres, t. III, c. iii, n. 1, 3, col. 848, 849, la foi qui a été livrée par les apôtres, qui vient des apôtres, t. II, c. IX, n. 1 ; t. III, prsef. ; c. ni, n. 3 ; c. v, n. 1 ; i. V, prœf. ; c. XX, n. 1, col. 734, 843, 850, 857, 1119, 1177 ; Dem., c. iii, xcvni, p. 662, 730 ; c’est la tradition de la vérité, Cont. hær., t. III, c. iii, n. 3, 4, col. 851, 852 ; c’est la tradition apostolique de l’Église, t. III, c. iii, n. 3, col. 850 ; c’est l’enseignement, la proclamation de l’Église, L III, c. xii, n. 13 ; t. V, præf. ; c. xx, n. 1, col. îhO, 1119, 1177 ; c’est « la prédication de la vérité… Les prophètes l’ont annoncée, le Christ l’a établie, le> apôtres l’ont transmise, partout l’Église l’olïre à se^ enfants. » JDem., c. xcvaii, p. 730 ; cf. Cont. hær., t. ii, c. xxx, n. 9, si bien qu’être hors de l’ÉgLse, c’est être hors de la vérité, t. IV, c. xxiii, n. 7, col. 1076.

Des principaux points de cette règle de la vérité Irénée a fait, à plusieurs reprises, t. I, c. x, n. 1 ; t. III, c. IV, n. 2, col. 549-552, 855-856 ; Dem., c. v-vi, p. 663664, un exposé global qui ressemble passablement au symbole des apôtres. La question des origines de la formule romaine du symbole des apôtres et de ses rapports avec saint Irénée a été débattue, durant ces dernières années, sans aboutir, semble-t-il, à des conclusions fermes. Cf. t. i, col. 1669-1670 ; A. Harnack, article Apostolisches Sgmbohim, dans la Realencyktopadie, 3e édit., Leipzig, 1896, t. i, p. 751-752 ; E. Va

candard, Les origine.t du sfimbole des apôtres, dans ses Études de critique et d’histoire religieuse, Paris, 1905, t. I, p. 39-10, etc. Certaines expressions d’Irénc^e se rapprochent, plus que celles de ses prédécesseurs, du symbole romain. Par contre, d’autres, et plus caractéristiques, se rapproclient du texte oriental du symbole. La variété de ces exposés prouve qu’Irénéc ne s’attaclie pas à reproduire tel quel un symbole ayant cours dans son milieu. En plus de ces exposés d’ensemble, Irénée a des exposés moins complets, moins méthodiques : t. I, c. xxii, a. 1 ; t. III, c. i, n. 2 : ciii, n. 3 ; c. xvi, n. 6 ; t. IV, c.xxxiii, n. 15 ; t. V, c. xx, n. 1, col. 669-670, 845-846, 850, 925, 1083, 1177. Sous des divergences le fond est le même, et le cadre est toujours fourni par le canon baptismal. La chose apparaît plus nettement encore, dans Dem., c. vi, p. 664. « Voici l’enseignoment méthodique de notre foi… Dieu le Père.., créateur de tout, c’est le premier article de notre foi. Quant au second article, le voici : c’est le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui… Quant au troisicnae article, c’est le Saint-Esprit, qui…. » Cf. c. xcix-c, p. 730-731. G. Voisin, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1901, t. ii, p. 96, a justement maintenu, contre Kattenbusch, Das apostolische Symbol, Leipzig, 1897-1900, t. ii, que la formule trinitaire du baptême est le cadre du symbole ; saint Irénée, dans le Contra hsreses, menait à cette conclusion, et les textes de la Démonstration la confirment. Du reste, Irénée va par de la les formules du symbole des apôtres. F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdumim, Cambridge, 1914, p. 340-341, a tiré du Contra hærcses un Credo très riche, qui çà et là est une anticipation du symbole de Nicée.

Aurions-nous, dans l’œuvre d’Irénée, l’écho d’une catéchèse ancienne, superposée au symbole, qui se serait transmise, par l’enseignement officiel, oralement et fixée en partie dans la littérature patristique ? On l’a pensé, dès avant la publication de la Démonstration. Voirt. I, col. 1670 ; t. ii, col. 1877-1881. La 13emom/ration a paru appuyer cette hypothèse. U. Mannucci, La didasealia délia Chiesa primiiiva, dans la Rivista storico-critica délie scienze tenlogiche, Rome, 1907, t. iii, p. 137-139, a émis la supposition que cette catéchèse ou didascalie aurait compris « une large application de passages de l’Ancien Testament aux articles du symbole « et constituerait la trame de la Démonstration. Mais l’existence même de cette catéchèse traditionnelle n’est pas sûre. En tout cas, la Démonstration n’est ni une simple catéchèse ni un exposé intégral de ce qui aurait été l’objet de la catéchèse : le thème de Ci que l’on prêchait aux fidèles « comprenait certainement, sur les sacrements et la liturgie, sur la morale et la vie chrétienne surtout, des instructions qui, pour n’être pas complètement omises ici, n’y sont touchées qu’en passant. » J. Tixeront, P. 0., t. xii, p. 752. Le passage du Contra liœrescs, t. I, c. x, n. 3, col. 553-558, où Mannucci, p. 136, a signalé ingénieusement l’idée et comme la canevas de la Dénwnstration est, en toute hypothèse, d’extrême importance. Irénée dit que l’Église, répandue partout, a partout la même et unique règle de foi, et donc que celui qui peut en parler longuement n’y ajoute pas et que celui qui saurait moins en parler n’y retranche rien, car le plus ou le moins de connaissance en cette matière ne consiste pas à changer ce qui est de foi, mais uniquement à creuser le sens des vérités de foi et à exposer les desseins et la conduite de Dieu envers le genre humain. Et Irénée énumère quinze questions parmi celles qui peuvent se poser aux doctes, questions, comme l’a bien vu Mannucci, qu’il développe, à peu près dans le même ordre, au cours de cette Démonstration de la prédication apostolique, qui est destinée, y lisons-nous, c. I, p. 659, non seulement à présenter l’ensemble’du

corps de la vérité, mais encore à « fournir les preuves des dogmes divins. » En d’autres termes, la foi du théologien est la même que celle du simple fidèle, car I’celle qui est l’Église universelle a une seule et même foi dans tout le monde. » Cont. hær., t. I, c. x, n. 3, col. 560.

S. Baiimer, Da.s apostolisctie Glaubensbekennlniss, seine Gexchichte und sein Inhalt, Mayence, 1893 ; C. Blume, Das aposiolische G/aufcensfceve ; in/ni.'>2, Fribourg-en-Brisgau, 1893 ; T. Zahn, Das apostolisctie Sumbolum. Eine Skizze veiner Geschiclite und cine PrUfung seines Inhaltes, Leipzig, 1893 ; A. Harnack, article AposioUsches Sijmbolum, dans la Realencylwpatlic, 3e édit., Leipzig, 1896, t. i, p. 741-755 ; Materialicn ziir Geschichle und Erl<làriing des alten rômiscben Symbols ans der christlichen Litcratur der zwei ersten Jahrhunderten, en appendice à A. Hahn, Diblinthet : der Symbole und Glaubensregel der aposloliscb-kaiholischenKircbe, 3’édit. Breslau, 1897, p. 364-390. A. Burn, An introduction to the Credo and to the TeDeum, Londres, 1899, p. 41-44 ; J. Kimze, Glaiibensregel, Ileilige Scliri/t und Taufbcl<enntniss. Uniersuchungen iibcr die dogmaliselie Autoritài. ibr Werden und ilire Geschichle, uornelimlicli in der ollen Kirche, Leipzig, 1899 ; F. Kattenbusch, Das apostoUscbe Symbol, Leipzig, 18971900, t. ii, p. 25-53. Das f7f.)(j, aTsïov -r, ; àXrfii’.s. ; bci Irenàus, dans la Zeitschrift /tir die neutestamentliche Wissenscltafl, Giesscn, 1909, t. x, p. 331 ; T. Barnes, A studg on the rriarcosian lieresy dans The journal o/ iheological studies, Cambridge, 1906, p. 304-411 ; F. R. M. Hitchcock, Creeds of SS. Irenæus and Palrik, dans’Hermathena, Londres, 1907, t. xxi, p. 168-182 ; U. Mannucci, La didasealia délia Chiesa primiiiva. A proposito di un’opéra reeeniemenle scoperta di S. Ireneo, dans la Rivista storico-critica délie scienze teologiclie, Rome, 1907, t. iii, p. 134-140 ; A. Becker, ’O xavwv tf, ; àArfitiaç, Régula veritalis ellcr Sandhedens Regel et Bidrag til Bely.’ining of dette Udtryks Forekomst og Belydning hos Irenæos, Copenhague, 1910.

L’Écriture.

Les gnostiques, simulateurs des

catholiques, dit Irénée, simulantes nostrum Iractatum, t. III, c. XV, n. 2, col. 918, se servent de l’Écriture, mais abusivement. Ils rejettent des parties de l’Écriture et ils donnent comme étant de l’Écriture des écrits qui n’en sont pas. Valentin et son école ont un Évangile qui ne.s’accorde point avec celui des apôtres et qu’ils appellent « l’Évangile de vérité. » L. III, c. XI, n. 9, col. 891. Les marcosiens apportent une multitude d’Écritures bâtardes et apociyphes, qu’ils ont fabriquées eux-mêmes. L. I, c. xx, n. 1, col. 653. Voir t. I, col. 1498-1500 ; cf. E. Jacquier, Z, e Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, Paris, 1911, 1. 1, p. 2932. Un de leurs récits sur Jésus enfant est probablement puisé dans l’Évangile de Thomas. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 68. Marcion rejette en bloc l’Ancien Testament, et, sans exclure positivement les écriis du Nouveau Testament, opère parmi eux un triage, ne f.’ardant que ce qu’il croit pouvoir accommoder à ses doctrines ; sa Bible comprend deux parties : l’Évangile, qui n’est qu’une édition mutilée de saint Luc, et le « livre apostolique, 1) édition abrégée et incomplète de saint Paul. L. I, c. xxNTT, n. 2, 4 ; t. III, c. xi, n. 7, 9 ; c. xii, n. 12 ; c. xiii, n. 1 ; c. xiv, n..3-4, col. 688-689, 884, 890, 906. 910, 916. Voir t. v, col. 1034-1C35. Les ébionites ne gardent que saint Matthieu ou plutôt l’Évangile aux Hébreux et récusent saint Paul. L. I, c. xxvi, n.’2 ; t. III, c. XI, n. 7, col. 686-687, 884. Voir t. iv, col. 19911992 ; t.v, col. 1633. Quant à ceux qui, « séparant Jésus du Christ, et, disant que le Christ est resté impassible pendant que Jésus était passible, préfèrent l’Évangile selon Marc, » t. III, c. xi, n. 7, col. 884, il n’est pas sur cpie ce soient des cérinthiens, comme on l’a supposé, et ils demeurent énigmatiques. Au contraire, le passage sur ceux qui n’admettent pas cette forme d’Évangile, dite « selon saint Jean », t. III, c. xi, n. 9, col. 890-891, a été éclairci. Cf. P. de Labriollc, La crise montanistc, Paris, 1913, p, 231-238. Il n’y est question 241 :

IRENÉE (SAINT^

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ni des opliiles, mis en avant par R. A. Lipsius, Die Quellen dcr cMcslen Kctzergeschichte, Leipzig, 1875, p. 21-J, noie 1, ni des montanistes, mais des aloges. Voir t. I, col. 899-901. Sur ce que, d’après Irénce, les ophites admettaient des Écritures, cf. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 77-78. Les cainites se réclamaient d’un Évangile de Judas. L. I, c. XXXI, n. 1, col. 704. Voir t. ii, col. 1308. En second lieu, les gnostiques altèrent le sens des Écritures qu’ils gardent ; ils les « calomnient » et les « diffament ». L. L c. ix, ii, 1, 3, col. 537, 543. Ils prennent des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, et en particulier les paraboles et les prophéties, et les adaptent à leurs fictions. L. I, c. i, n. 3 ; c. m ; c. viii, n. 1, col. 449-451, 465-478, 521. Ou bien ils assemblent des textes épars et leur prêtent, par l’assemblage, un sens qu’ils n’ont pas. Cf., pour les valentiniens, t. I, c. viii, col. 519-538 ; pour les marcosiens, I. I, c. XVI, n. 1, c. XX, n. 2-3, col. 628-629, 653-658. Ou encore ces derniers jonglent avec les nombres qui sont mentionnés dans l'Écriture et en tirent leurs rêveries doctrinales. L. I, c. xviii, col. 641-650. Cf. encore, sur les carpocratiens, t. I, c. xxv, n. 4, col. 682684 ; sur les barbéliotes, t. I, c. xxjx, n. 4, col. 694 ; sur les ophites, t. I, c. xxx, n. 6-14, col. 697-703 ; sur les cérintiniens et les ébionites, t. I, c. xx^^, n. 1-2, col. 686-687. Voir t. ii, col. 384, 1801, 2155. Certains gnostiques opposent les divers noms que l'Écriture donne à Dieu et en concluent l’existence de vertus diverses ou de plusieurs dieux, à moins qu’Irénée se borne à prévenir cette objection comme possible : si auiem quidam… opponani. L. ii, c. xxxv, n. 3, col. 838. Il y a plus fort encore. Quand ils sont embarrassés par les Écritures, les gnostiques en deviennent les accusateurs : elles se trompent, elles sont sans autorité, leur enseignement n’est pas uniforme, les apôtres auraient mêlé aux paroles du Seigneur des idées légalistes. L. III, c. ii, n. 1-2, col. 846-847. Jésus aurait eu un enseignement ésotérique, au dire des carpocratiens. L. I, c. xxv, n. 5, col. 685. Le Seigneur et les apôtres, d’après les « très vains sophistes » que sont les gnostiques, auraient enseigné non pas conformément à la vérité, mais conformément à la capacité des auditeurs. L. III, c. v, n. 1, col. 858. Saint Paul, selon quelquesuns, aurait seul connu la vérité complète, et cette vérité aurait été connue seulement en partie de son disciple Luc. L. III, c. xiii, n. 1 ; c. xiv, n. 3, col. 910-911, 915. Enfin, le Seigneur aurait parlé tantôt au nom du démiurge, tantôt au nom du Dieu suprême, tantôt au nom des éons intermédiaires, et ce seraient les gnostiques qui connaîtraient certainement, exactement, sincèrement, le mvstère caché. L. III, c. ii, n. 2, col. 847.

1. Le canon des Écritures.

Contre ces errements gnostiques Irénéc défend, d’abord, les véritables Écritures. Ni il n’a le mot « canon des Écritures » ni il ne trace le canon de l’Ancien et du Nouveau Testament. Mais cett’j liste nous pouvons l’extraire de ses œuvres ; il y cite de nombreux passages de presque tous les Livres saints. Pour l’Ancien Testament, il accepte le récit légendaire du IV^ livre d’Esdras, voir t. ii, col. 1569-1570, tout comme l’authenticité de la lettre d’Aristée sur la traduction des Septante, faite, d’après lui, sous Ptolémée fils de Lagus, et qui aurait embrassé toute l'Écriture et non pas seulement le Pentateuque. L. III, c. XXI, n. 2, col. 947-948. Il cite tous les livres, sauf Judith, Estlier, les Paralipomènes, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, l’Ecclésiastique, Job, Tobie, Abdias, Naimm, Sophonie, Aggée et les Macchabées ; encore mentionne-t-il Tobie, Nahum, Sophonie et Aggée, de manière à montrer qu’on les classai ! parmi les » prophètes ». L. I, c. xxx, n. 11, col. 701. Il ne met pas de distinction entre les deutérocanoniques '

et les protocanoniques, et cite la Sagesse, l’histoire de Susanne et celle de Bel et du dragon, et Baruch sous le nom de Jérémie. I, . IV, c. xxvi, n. 3 ; c. xxxviii, n. 3 ; t. V, c. v, n. 2 : c. xxxv, n. 1, col. 1054, 1108, 1135^ 1209 ; Dem., c. xc-n, p. 729. Important surtout est son témoignage sur les écrits du Nouveau Testament. Dans le Contra hæreses il le cite plus d’un millier de fois. Voir les chiffres, légèrement différents, à cause de l’incertitude de plusieurs emprunts, donnés par F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 221, et par E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l'Églist chrétienne, Paris, 1911-1913, t. i, p. 181-182 ; t. ii, p. 309. Cf., pour les citations de la Démonstration de la prédication apostolique, P. O., t. xii, p. 802, et, pour la lettre des Églises de Lyon et de Vienne, E. Jacquier, op. cit., 1. 1, p. 178. Irénée atteste l’existence des quatre Évangiles, ou plutôt de l'Évangile unique à quatre faces, du « tétramorphe, » et déclare qu’il n’y en a pas davantage. L. III, c. i, n. 1 ; c. xi, n. 8-11, col. 844-845, 855-891. Ce n’est pas le moment d’insister sur son témoignage capital pour l’attribution à saint Jean du IV « Évangile. Voir Jean (Évangile selon saint). Quoi qu’on en ait dit, le passage sur l'Évangile de saint Marc, 1. lU, c. i, n. 1, col. 845, met la composition de ( ; et Évangile après la mort des apôtres Pierre et Paul. Cf. la note de Massuet et M. J. Lagrange, Évangile selon saint Marc, Paris, 1911, p. xxii-xxiii, xxx-xxxi. A côté des Évangiles, Irénée place « la doctrine des apôtres, » « les lettres des apôtres, » surtout de saint Paul. L. IV, c. xli, n. 4 ; t. V, præf., col. 1117, 1119. Peut-être apostolus, qui s’apphque d’ordinaire à la collection des Épîtres pauliniennes, a-t-il parfois un sens plus ample et signifie-t-il, par opposition à Dominus, qui désigne l’Evangile, toute la seconde partie du Nouveau Testament. Cf. E. Jacquier, op. cit., t. I, p. 185. Sûrement cette seconde partie est bien connue de lui. Il en cite tous les livres, à l’exception de la lettre de Paul à Philémon, de celle de Jude, de la IW de saint Jean ; un emprunt à la II" lettre de Pierre et deux emprunts à celle de Jacques sont douteux. L'Épître aux Hébreux est utilisée, mais peu littéralement, ilixfois, sans être nommée. Eusèbe, H.E., . V, c. XXVI, P. G., t. XX, col. 510, nous apprend qu’Irénée la mentionnait et l’utilisait, ainsi que la Sagesse, dans le livre perdu des Discours ou Traités variés ; au dire de Photius, Bibliotheca, cod. ccxxxii, P. G., t. ciii, col. 1104, il niait que l'Épître fût de saint Paul. En ce qui regarde les Actes des apôtres et l’Apocalypse, Irénée, le premier, désigne Luc, disciple de Paul et auteur du Ille" Évangile, pour auteur des Actes t. III, c. XIV, n. 1, col. 913-914, et Jean, disciple du Seigneur, pour auteur de l’Apocalypse, t. V, c. xxvi, n. 1, col. 1192. Ajoutons qu’il cite, entre la Genèse et Malachie, sous cette forme : « l'Écriture dit, » le Pasteur d’Hermas, ainsi que beaucoup le firent jusqu'à la fin du ive siècle. L. IV, c. xx, n. 2, col. 1032. Dem., c. IV, p. 662-663, il l’utilise sans en avertir. Cf. A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, dans H. Hemmer et P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris, 1912, t. iv, p. Lxxxix-xcn. Quant à la lettre de saint Clément aux Corinthiens, qui fut, elle aussi, parfois considérée comme une « Écriture sainte, » il ne semble pas qu’Irénée l’ait tenue pour telle, en dépit de VEx ipsa scriptura du traducteur. L. III, c. iii, n. 3, col. 849-850. « Irénée dit, en cet endroit, que l'Église romaine écrivit aux Corinthiens txavcoTâTYjv ypacpyjv, ce que l’ancien interprète latin traduit par : potentissimas litteras. Quelques lignes plus loin, Irénée renvoyait à la mémeÉpître ; mais c tte fois l’interprète a traduit Ypatpr) par scriptura : ex ipsa scriptura qui velini discerv passant. Cela né prouve pas que l'Église de Lyon ait regardé alors cette Épître comme Écriture di^'ine. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament,

Paris, 1891, p. 107, n. 4. Qu’Irénée n’ait pas connu les écrits des deux Testaments à l'état de dispersion, mais recueillis ensemble, c’est ce qu’on pourrait conclure des passages où il distingue quatre groupes d'écrits, d’un côté les évangéliques et les apostoliques. Nouveau Testament, et, de l’autre, la loi et les prophètes. Ancien Testament. Cꝟ. t. I, c. iii, n. 6 ; t. II, c. XXX, n. 9 ; c. xxxv, n. 4, col. 477, 822-823, 841, etc. I La mise en face de l’un avec l’autre prouve que le premier était dans le même état que le second, c’està-dire réuni en collection. » E. Jacquier, op. cit., 1. 1, p. 84.

2. Le texte et les citations des Écritures.

Il n’est pas possible de connaître avec certitude le texte scripturaire d’irénée ; les citations que nous avons en grec ont pu être modifiées par ceux qui nous ont conservé des fragments de son œuvre et les traducteurs latin du traité Contre les hérésies et arménien de la Démonstration de la prédication apostolique ont pu ne pas suivre de près l’original ou se conformer au texte des versions latines ou arméniennes de leur temps. Pour l’Ancien Testament Irénée suit généralement les Septante ; parfois il se rapproche davantage de l’original iiébreu. Il connaît et cite, pour leur reprocher leur traduction d’Is., vii, 14, les versions de Théodotion et d’Aquila. L. III, c. xxi, n. 1, col. 946. Pour le Nouveau Testament, il semble supposer que les textes autographes ne subsistent pas, au moins en entier : dans sa discussion sur le chin’re 666, Apoc, xiii, 18, désignant le nom de la bête, il oppose à des copies, altérées ut fieri solet, les copies anciennes et exactes, in omnibus antiquis et probatissimis et veteribus scripturis, t. V, c. xxx, n. 1, col. 1203-1204, non les textes autographes. Autant qu’on peut en juger, les citations du Nouveau Testament qu’on relève dans ses œuvres représentent un texte du type dit occidental, non intluencé par leDiatessaron grec de Tatien. Cf. E. Jaoquier. Le Nouveau Testament dans l'Église chrétienne, t. II, p. 297, 303, 345, 362-363, 519, 526. Le vieux traducteur latin d’irénée est indépendant de tout texte latin connu. On ne sait si les nombreuses citations ntotestamentaires ont été traduites directement sur le grec ou empruntées à une version latine. Elles ont des rapports avec le texte du Vercellensis, et on a remarqué leur affinité plus grande avec la version latine africaine qu’avec l’européenne. " Faut-il conclure que la version africaine était prépondérante même en Gaule…, ou plutôt que le traité de saint Irénée a été traduit en Afrique et que le traducteur a conformé son texte néotestamentaire à celui qui était courant en Afrique ? » E. Jacquier, op. cit., t. ii, p. 362 ; cꝟ. 131, 151. Irénée allègue deux agrapha, t. V, c. xxxiii, n. 3-4 (d’après Papias), c. xxxvi, n. 2 (inspiré de Matth., xxv, 15). Cf. E. Jacquier, Les sentences du Seigneur extracanoniques (les Agrapha), dans la Revue biblique, 11= série, Paris, 1918, p. 129-131. Il ne se sert pas des apocryphes, sauf peut-être du livre d’Hénoch. L. IV, c. xxi, n. 2, col. 1016 ; cf. la note de Massuet.

Comme tous les anciens, Irénée cite parfois de mémoire. Par là s’expliquent des transpositions, des combinaisons de textes, des changements de construction, l’usage de mots équivalents, des variantes dans les citations successives d’un même texte. Ces variantes, quand il s’agit des citations latines, peuvent être le fait du traducteur. Voici quelques-unes de ses citations intéressantes à divers points de vue. De deux citations données comme de Jérémie, Dem., c. xliit, p. 692, l’une est, en réalité, du psaume cix, 3, l’autre n’a pu être identifiée. Irénée prête à Jérémie deux longs passages de Baruch. Dem., c. xcii, p. 729 ; Cont. hier., t. V, c. xxxv, n. 1, col. 1219. Il a jusqu'à six fois, et presque toujours avec des variantes, dues peut-être au traducteur, deux fois sous le nom de Jérémie, Dem., c. Lxxvin, p. 717 ; Cont. hær., t. IV, c. xxii, n. 1,

col. 1046, une fois.'ous le nom d’Isaie, t. III, c. xx, n. 4, col. 945, trois fois avec une attribution imprécise aux prophètes, t. IV, c. xxxiii, n. 2, 12 ; t. V, c. xxxi, n. 1, col. 1072, 1081, 1208-1209, un texte apocryphe sur la descente du Christ aux enfers, voir t. iv, col. 579, qui est de ceux que saint Justin, Dialogus cum Tryphone judœo, c. lxxii, P. G., t. vi, col. 645, déclarait disparus de l'Écriture parla fraude des Juifs. Cf. Justin, Dialogue avec Tryphon, édit. G. Archi.mbault, Paris, 1909, t. i, p. 349-350, note. Il applique au fils de Marie, t. III, c. xxiii, n. 7 ; t. IV, c. xl, n. 3 ; t. V, c. xxi, n. 1, col. 964, 1114, 1179, le Conterdcaput tuum de Gen. iii, 15. Il transporte quatre fois, Dem., c. XX, XXI, p. 673-674 ; Cont. hær., L IV, c. xxxi, n. 1, col. 1068, à Cham la malédiction de Canaan, qui se lit Gen., IX, 25-27. Un mot écrit < dans les douze prophètes, » cité dans la Démonstration c. lxxvii, a été identifié, P. 0., t. xii, p. 717, avec Os., x, 6, texte des Septante. Irénée, parlant de la généalogie du Christ, dit que Matth., i, 18, ne dit pas : Jesu vero generaiio sic erat, mais : Christi auiem generatio sic erat, t. III, c. XVI, n. 2, col. 921, en quoi il s’accorde avec la Vulgate, non avec nos manuscrits grecs. Il connaît et utilise, comme parties intégrantes du texte, les généalogies et les récits de l’enfance qui sont propres à saint Luc, t. III, c. ix, n. 2 ; c. x, n. 1-5 ; c. xxii, n. 3, col. 870-871, 872-878, 958. et aussi la finale de Marc, t. III, c. X, n. 6, col. 879. Sur la manière dont il cite Marc, I, 1, cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l'Église chrétienne, t. ii, p. 363. Il cite, t. III, c. xvii, n. 1, col. 929, Matth., xxviii, 19, sur la formule trinitaire du baptême. Dans un même chapitre, I. IV, c. vi, n. 1, 3, 7, col. 986, 988, 990, il cite de trois manières le verset sur la connaissance que le Fils a du Père, Matth., XI, 27 ; Luc, x, 22, dit que ce verset se lisait aussi dans Marc (qui ne l’a plus aujourd’hui, si tant est qu’il l’ait jamais eu), et combat le texte qu’alléguaient les gnostiques, n. 1, col. 986-987. Cf. J. Lebreton. Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, t. I, p. 474-475. Il parle de la sueur de sang. L. III, c. xii, *n. 2, col. 957 ; voir t. i, col. 617, 618. Il cite Joa., i, 3-4, 12-13, 14, 18, autrement que la Vulgate. L. I, c. VIII, n. 5 ; t. III, c. xi, n. 1 ; c. xvi, n. 2 ; c. xix, n. 2, col. 533-537, 880, 921-922, 940. Il rapporte ainsi le décret du concile de Jérusalem, Act., xv, 29 : Ut absiineatis ab idolothytis, et sanguine, et fornicatione, et quæcumque non vultis fieri vobis aliis ne faciatis, a quihus custodientes vos ipsos bene agelis, ambulantes inSpiritu Sanclo, ]. III, c. xii, n. 14, col. 9( f-'-9(j9. L. III, c. IX, n. 1 ; c. XII, n. 15 ; col. 868-910, Irénée a manifestement sous les yeux un codex, qu’il feuillette pour .en extraire les textes qui prouvent qu’il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Seigneur, Fils de Dieu. Or, dans son manuscrit, les Évangiles sont disposés dans l’ordre suivant : Matthieu, c.ix, n. 1-3 ; Luc, ex, n. 1-5 ; Marc, c. x, n. 6 ; Jean, c. xi, n. 1-6. Cet ordre est encore marqué, t. III, c. xi, n.7 ; t. IV, c. ^^, n.l, col. 884, 986. Le livre des Actes, dont sont cités des versets ajijjartenant aux quatorze premiers chapitres t. III, c. xii, n. 1-15, col. 892-910, suit immédiatement le quatrième Évangile. Enfin, au c. xiv, n. 1, col. 913-914, Irénée mentionne ou analyse, de la seconde partie de ce livre de saint Luc, tous les passages, que les modernes appellent les Wirsiûcke. Il fait commencer le premier Wirstùck à Act., XVI, 8. Il n’en résulte pas que Luc ait été témoin oculaire de tous les événements qui suivent dans son récit, car, au n. 2, col. 914-915, Ircnce rapporte le discours que saint Paul avait prononcé à Milet comme un fait que Luc avait appris des autres. Les Épîtres homonymes n'étaient sans doute pas séparées dans son texte. Cont. hær., t. I, c. viii, n. 2, col. 523-524, la traduction latine a : in prima ad Corinthios, mais le gn c a simplement : èv tji nçbc, Kopiv6bu< ;. Il y a des cliances pour que Vin secundo ad Corinthios, qui se lit plus loin, t. iii, c. vii, n. 1, col. 864, soit également du traducteur. Ce qui invite à le croire, c’est que, t. III, c. xiii, n. 5, S, col. 925, 927, les expressions : Joanncs… in epistola sua, Joannes in prædida epislola, et rursus in epistola, rursus in epistola clamai (cette fois nous avons l’original : èv tî] ètticttoXy) <pY)cî). désignent, la seconde fois, la II « lettre de saint Jean, et les trois autres fois la P* lettre. C’est donc que les Épi très homonj’mes n'étaient pas distinguées. Dans Gal., iii, 5, Irénée, t. III, c. xiii, n. 3, col. 912, supprime la négation : neque ad horam cessimus, admise par Marcion et les principaux manuscrits et réclamée par le contexte. Cf. A. d’Alès, La théologie de TertulUen, Paris, 1905, p. 240-241. Cf., sur quelques autres citations, F. R. M. Hitchcock, Irenacus of Lugdnnum, p. 353-357.

3. L’interprétation des Écritures. —

Si, dans les choses humaines, tout ne nous est pas connu, il n’est pas étonnant que les Écritures, toutes spirituelles, nous échappent en partie. Il faut se contenter de ce que nous atteignons et, pour le reste, s’en remettre à Dieu et pour ce monde et pour le monde futur, en telle sorte que Dieu enseigne toujours et que l’homme apprenne toujours ce qui est de Dieu. L. II, c. xxvra, n. 3, col. 805-806. Un esprit sain, ferme, religieux et ami de la vérité, que Dieu a livrée au pouvoir des hommes et soumise à notre science, est celui qui profitera. Il ne faut pas expliquer l’obscur par l’obscur, mais par ce qui est clair. Et donc les paraboles, qui sont susceptibles de sens divers, ne doivent pas être adaptées à des choses douteuses au gré des rêveries de chacun, sinon il n’y a pas de règle de vérité possible, mais autant de prétendues vérités contradictoires que de fabricateurs de dogmes, et l’homme, cherchant toujours, ne trouvera jamais eo quod ipsam inventionis abjeccrit disciplinam. L. II, c. x, n. 1 ; c. xxvii, col. 735, 802-804. Mieux vaut l’ignorance aimante que des prétentions scientifiques impies.L. II, c. xxvi, n. 1, col. 800. Pour coniiaître Dieu, il n’y a pas à jongler avec les nombres, les syllabes et les lettres, mentionnés par l'Écriture, car on peut leur faire dire tout ce qu’on veut, mais à rapporter les nombres et tout ce qui a été fait à la doctrine de vérité, non enim régula ex numeris sed numeri ex régula nec Deus ex factis sed ea quæ. facta sunt ex Deo. L. II, c. xxv, n. 1, col. 798 ; cf. c. xx-xxvi, col. 776-802. Défense encore de combiner des textes épars et disparates et de les détourner de leur sens naturel ; respect du sens naturel et attachement au texte. L. I, c. ix, col. 537-550. Tenir compte des procédés de style, par exemple, des hyperbates dont saint Paul use fréquemment propter velocitatem sermonum suorum et propter impctum qui in ipso est Spiritus. L. III, c. vii, n. 1-2, col. 864-865. Tenir compte aussi de la ponctuation. Ibid. En un mot, i avoir pour règle la vérité même. » L. II, c. xxviii, n. 1, col. 804.

Tout cela est sagesse. Ce n’est pas que, dans le détail, Irénée ne se soit trompé plus d’une fois. Précisément dans le chapitre où il dehiande de tenir compte des procédés de style, Irénée voit une hyperbate là où elle n’existe pas. Cf. A. d’Alès, La théologie de TertulUen, p. 247 ; J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 16. Çà et là son exégèse p(Ul s 'inbler aventureuse, par exemple, quand, d’accord avec laui d’autres, il voit des anges dans les « fils de Dieu » de Gen., vi, 2. Nous retrouverons le texte sur l'âge du Christ, t. II, c. xxii, n. 3-6, col. 782-786, où il conclut bien, de saint Jean, que le ministère public a duré plus d’une année, mais mal que le Christ mourut vers cinxjuante ans. Mais pour ce dernier point il invoque la tradition des presbytres d'.^sie. Ne pourrait-on pas surtout lui reprocher de tomber dans des travers qu’il condamne chez les gnostiques, d’abuser de l’allégorisme, d’accorder trop d’importance aux nombres, de subtiliser à l’excès ? La critique ne serait pas tout. à fait injuste, à condition toutefois de s’appuyer sur le sens véritable du texte irénéen. Quand J. Pédézert, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, p. 213, dit qu’Irénée semble avoir pour le nombre cinq « une préférence fondée sur l'Écriture, » et cite, en preuve, t. ii, c. xxiv, n. 4, col. 794, il ne s’est pas aperçu qu’Irénée affirme seulement que l’usage des nombres par les gnostiques n’est pas justifié, et que tout autre nombre dont ils ne se servent pas, par exemple, cinq, si on admettait leurs procédés d’exégèse, paraîtrait avoir une grande valeur d’après l'Écriture, et alla quoque multa millia hujusmodi et in hoc numéro et in quo quis voluerit sive ex Scriptura sive ex subj’acentibus naturse operibus coUigere potest, col. 795. Mais ailleurs, par exemple, t. V, c. XXIX, n. 2, col. 1202-1203, il attribue aux nombres une valeur de signification fantaisiste. Et, un peu partout, partant de cette idée très juste que l’Ancitn Testament est la figure dy Nouveau, que « le Christ est le trésor caché dans les Écritures, que signifiaient les types et les paraboles, » il en fait — lui et d’autres Pères — une application inconsistante et tout au plus valable contre les gnostiques comme argument ad hominem. Où il excède encore, c’est quand, sous le couvert d’un presbytre et sous le prétexte que rien n’est inutile dans l'Écriture et que, là où elle raconte sans blâme des choses inexcusables, nous ne devons pas devenir accusateurs, sed typum quærere, il excuse Lot et ses filles, Gen., xix, 31-38, en ce que per verba earum signiftcabatur neminem esse alterum qui possit flliorum generalionem majori et minori synagogæ priestare quam Patrcm nostrum. L. IV, c. xxxi, n. 2, col. 1 069. Nous verrons tout à l’heure que cet allégorisme intempérant a été influencé, sinon produit, par la notion défectueuse qu’avait Irénée de l’inspiration de l’Ancien Testament. Les gnostiques n’avaient pas à s’en plaindre, car il était conforme à leurs principes. Et Irénée avait autre chose que ces allégories ténues. Son procédé le plus habituel de démonstration fut aussi simple qu’efficace. Il consista à rapporter les textes de l’Ancien Testament cités parles auteurs inspirés, ainsi que les endroits où Notre-Seigneur avait invoqué l’autorité des Écritures et à montrer aux gnostiques, opposant le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau, que le Sauveur lui-même et les apôtres identifiaient le Dieu créateur avec le Dieu rédempteur, et qu’ainsi le dualisme gnostique, qui se réclamait de l'Écriture, était condamné par elle.

Ajouterons-nous que les protestants allégueraient à faux saint Irénée pour soutenir que l'Écriture se suffit, qu’elle est parfaitement claire ? Il en est qui l’ont prétendu, tel P. du Moulin, Le bouclier de la foij, Sedan, 1621 ; cf. J. Jaubert de Barrault, Bouclier de la foy catholique, Paris, 1626, t. i, p. 177-179 ; tels encore Grabe, cL P. G., t. vii, col. 255-256, et, plus récemment, des auteurs attardés l’ont répété, tel F. Bonifas, Histoire des dogmes de l'Église chrétienne, publiée par C. Bois, Paris, 1886, 1. 1, p. 227, qui appelle Irénée « le représentant le plus fidèle du principe protestant. » Cont. hær., t. II, c. xxvii, n. 2, col. 803, ne signifie pas, ainsi que le paraphrase F. Bonifas, p. 226 : « Le sens des Écritures est facilement intelligible pour tout esprit droit et simple. S’il est des passages obscurs, ils s’expliquent par d’autres plus clairs, de telle sorte que l'Écriture s’explique par l'Écriture, et n’a besoin, pour être interprétée, d’aucun secours étranger, > Irénée n’affirme pas que toutes les Écritures ont cette clarté — ^il affirme plusieurs fois le contraire, notamment au chapitre suivant, c. xxviii, col. 804-812 — mais qu’elles enseignent avec cette clarté que le Dieu unique a fait toutes choses par son Verbe. F, Bonifas, p. 227, cite de la S

sorte un second texte d’Irénée, t. III, c. iv, n. 1, col. 855 : t S’il y a quelque question secondaire, modica quæstio, que l'Écriture ne puisse résoudre, il faut s’en rapporter à la tradition des plus anciennes Églises apostoliques. Mais, sur les grandes questions de la foi et du salut, il n’y a pas d’incertitude possible : la Bible est claire et la tradition la confirme. » Voilà une traduction bien large et bien tendancieuse 1 Irénée dit que les apôtres » ont déposé dans l'Église la plénitude de la vérité, qu’en dehors d’elle tous sont des voleurs et des brigands, qu’il faut donc éviter ceux-ci, aimer extrêmement celle-là et saisir la tradition de la vérité, et que, si quelque petite question provoque une querelle, il n’y a qu'à recourir aux Églises les plus antiques et, sur la question débattue, prendre les certitudes qu’elles ont. Pourquoi ? Parce que les apôtres y ont vécu et leur ont livré ce qui est certain. S’ils ne nous avaient pas laissés des textes écrits, n’aurait-il pas fallu suivre l’ordre de la tradition qu’ils ont communiqué à ceux auxquels ils confiaient les Églises ? » Dans ce remarquable passage l'Écriture, loin d'ôtre au premier plan, n’intervient que d’une façon incidente. L’idée exposée par Irénée, c’est que toute la vérité est dans l'Église ; que, sur les grandes questions de la foi et du salut, l’enseignement de l'Église et la tradition de la vérité ne font pas de doute, mais que, des doutes pouvant s'élever sur des questions moins importantes, pour les trancher on a le recours aux Églises d’origine apostolique ; que, à la rigueur, les apôtres auraient pu ne pas écrire, mais que dans tous les cas il est nécessaire et il suffit de suivre l’ordre de la tradition, à preuve » les nations barbares devenues chrétiennes, qui n’ont pas les Écritures, mais qui gardent diligemment la vieille tradition, et, sans livres, ont la foi et plaisent à Dieu. » Cꝟ. t. IV, c. XXVI, n. 5, col. 1056. Sommes-nous à distance du principe protestant !

4. L'Écriture et la règle de foi. — Irénée professe l’inspiration des Écritures. Il a deux fois le mot « inspiration, pour caractériser l'œuvre des Septante et celle d’Esdras ; Dieu, dit-il, inspira, èvéTcveuæv, à celui-ci de recueillir les écrits des prophètes et la Loi, et ceuxlà traduisirent les Écritures par l’inspiration de Dieu, xaT' èTtÎTcvoiav toG Geoû. L. III, c. xxi, n. 2, col. 949, 948. Aussi Dieu fut-il glorifié et les Écritures — non pas seulement la traduction des Septante, mais les écrits qu’ils traduisirent — furent-elles « crues vraiment divines. » Que les livres de l’Ancien Testament aient été tenus pour divinement inspirés par Irénée, comme par tous ses contemporains, cela ne fait pas de doute. Quant à sa notion de l’inspiration de l’Ancien Testament, nulle part elle n’est formulée d’une manière complète et précise. Autant qu’on peut la dégager de l’ensemble des textes, il semble que, pour lui, l'écrivain sacré de l’Ancien Testament, aussi bien celui du Pentateuque et des livres sapientiaux ou historiques que celui des livres prophétiques proprement dits, est un.< prophète i-. De là vient que, s’il distingue la Loi et les prophètes dans l’Ancien Testament, par opposition à l'Évangile et aux écrits des apôtres dans le Nouveau, plus souvent il englobe tous lei Écrivains de l’Ancien Testament sous l’appellation de prophètes, et il se plaît à la trilogie : prophétie. Dominas, apostoli. L. I, c. VI, n. 6 ; c. viii, n. 1 ; t. II, c. ii, n. 6 ; c. xxxv, n. 4 ; t. V, pra ; f., col. 477, 520, 716, 841, 1119 ; Dem., c. xcvni, p. 730, etc. La conséquence, c’est que l'écrivain de l’Ancien Testament est l’organe deDieu dans ses écrits de la même manière qu’il l’est dans les discours prophétiques, et il n’y a pas de distinction entre l’inspiration et la révélation. C’est dire que le rôle de la personnalité humaine du prophète est tout à fait secondaire ; qu’il n’y a pas à se préoccuper de la limitation donnée à ses paroles par le milieu qu’elles traversent et les circonstances de temps et de lieu où elles

furent écrites ; que Dieu parlait non pas tant aux contemporains du prophète qu'à tous les hommes, et, en particulier, aux chrétiens à qui la croix a livré la clef du mystère ; que nous avons dans les prophètes tout ce qu’il y a dans l'Évangile écrit par les apôtres, toute l’action, toute la doctrine, toute la passion du Christ, annoncées d’avance : legite diligentius id quod ab aposloUs est Evangeliiim nobis datum et legite diligentius prophctas, et invenietis uniuersam actionem, et omnem doctrinam et omnem passionem Domini nostri preedictaminipsis.L. IV, c. xxxiv, n. l, col. 1083. Cela explique avec quelle assurance Irénée allégorise, « avec quelle facilité il trouve dans l’Ancien Testament des textes se rapportant au Père, au Fils et au Saint-Esprit, ou à la condition du Fils avant et après l’incarnation. » W. S. Reilly, L’inspiration de l’Ancien Testament chez saint Irénée, dans la Revue biblique, 1917, p. 499 sq. Évidemment, avec de tels principes, Irénée sera un guide peu sûr quand il s’agit de déterminer le sens historique exact de l’Ancien Testament. L’allégorie érigée à ce point en système aura de la valeur comme argument ad hominem ; mais c’est tout.

Il en va tout autrement du Nouveau Testament. Ici nous avons la distinction entre la révélation et l’inspiration. L’inspiration accordée à l'écrivain sacré n’est pas accompagnée de révélation. Elle n’en vient pas moins de Dieu, et l’autorité des écrits du Nouveau Testament est identique à celle des écrits de l’Ancien, étant divine. Dans saint Irénée, les mots t Ancien Testament » et « Nouveau Testament » désignent directement les deux révélations, les deux alliances : duo testamenta dicit, vêtus quidem, quod ante fuerat, legisdatio ; novum autem, quæ secundum Evangelium est, conversatio. L. IV, c. ix, n. 1, col. 996. Pour désigner les deux parties de la Bible, tantôt il oppose la Loi et les prophètes aux Évangiles et aux écrits des apôtres, ou les prophètes au Seigneur et aux apôtres ; tantôt Il oppose simplement les prophètes et les apôtres. L. III, c. XXIV, n. 1, col. 966. Quelle que soit l’appellation employée, elle se rapporte clairement à un corps d'écrits apostoliques placé au même rang que le corps des anciens livres juifs inspirés. Les uns et les autres sont compris sous le nom commun d' « Écriture » ou « Écritures ». Introduits de la même façon : Il est écrit », " selon qu’il est écrit », « l'Écriture dit », ils ont la même force probante : omnes clamant Scriptural. L. II, c. IX, n. 1 ; cf. c. xxx, n. 7, col. 733, 818. Cf. c. xxvii, n. 2, col. 803 : universæ Scripturæ et prophétise et Evangelia ; c. xxviii, n. 7, col. 810 : Dominas manifeste docuit et reliquæ demonstrant Scripturæ, etc. Us sont également parfaits, Scripturæ quidem perfectæ sunt, quippe a Verbo Dei et Spiriiu ejus dictæ. L. II, c. xxviii, n. 2, col. 805. Ils sont également la parole du Saint-Esprit, unus enim et idem Spiritus Dei, qui in prophetis quidem præconavil.., ipse et in apostolis nuntiavit. L. III, c. xxi, n. 4, col. 950. Les apôtres ont d’abord prêché l'Évangile de vive voix, postca vero, per Dei voluntatem, in Scripturis nobis tradiderunt. L. III, c. I, n. 1, col. 844. Le Verbe nous a donné l'Évangile tétramorphe évl Se ^v£U[J^aTl, cuvex6(i.evov ; le Christ réside, èYxaOéî^ETat, dans les Évangiles. L. III, c. XI, n. 8, col. 885, 887. En eux pas de fausseté ni d'ésotérisme, ni de la part du Christ, qui ne ment pas, ni de la part des apôtres et de saint Paul, qui ont reçu du Saint-Esprit la connaissance parfaite et qui ne sont pas menteurs. L. III, c. i, n. 1, c. v, n. 1 ; c. XIV, n. 2-4 ; c. xv, n. 1, col. 844, 857-858, 914-918. D’un mot, toutes les Écritures sont divines, t. II, c. XXVII, n. 1, col. 802 (le mot « divines », absent de la traduction, est dans l’original grec), les écrits du Nouveau Testament comme ceux de l’Ancien, c. xxxv, n. 4, col. 842. Voir Inspiration de la sainte Écriture, col. 2()80 sq. IRÉNÉE (SAINT)

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Divines, les Écritures sont la règle de la loi. Les gnosliques, qui enseignent une doctrine non contenue dans l'Écriture, se réclament èÇ àypâçwv, ou faisant, selon la formule consacrée, des tissus, des ficelles, avec des grains de sable, appliquent l'Écriture à leurs imaginations, afin que celles-ci ne paraissent pas sans témoignage. L. I, c. viii, n. 1 ; cf. c. x, n. 1, col. 520-523, 735. Mais l'Écriture est contre eux. C’est elle qu’il faut croire, « non les gnostiques, qui ne disent rien de sain et délirent avec une instabilité continuelle. » L. II, c. XXIX, n. 6, col. 818. Et Irénée consacre les 1. III-V à recueillir contre eux le témoignage des Écritures, « fondement et colonne de notre foi. » L. IV, c. i, n. 1, col. 844.

E. A. Frommaiin, Inlerpretaliones J’ovi Testamenti ex Irenii’o, CohouTg, 1766 ; J. G. Taust, Summa probabilitatum lujpotliesis sancti Ircnœi de numéro Apocahjpsis 660 argumento adslruitur. Halle, 1769 ; H. Ziegler, Des Ircnàus Lehre von dcr Autoritat der Schrift, der Tradition und der Kirche, Berlin, 1868 ; T. Zahn, Die Tiersijmbole der Euangelislen, dans ses Forsclmngen ziir Geschichte des neuieslamentlichen Kanons und altkirchliclien Lileratur, Erlangen, 1883, t. ii, p. 257-27, 5 ; Geschichte des neuieslamentlichen Kanons, t. i, Das Neuc Testament vor Origenes, Leipzig. 1888 1889 ; ai-t. Kanon der Neuen Testaments, dans la Realencyklopàdie, 3e édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 768-796 ; J. Werner, Der Paulinismus des Irenàus. Eine kirchen-und dogmengeschichiliche Unlersuchung ùber das Verhàllniss des Irenàus zu dcr paulinischen Brie/sàmmlung und Théologie (Texte und Untersuçhungen, t. vi, 2), Leipzig, 1891 ; A. Loisy, Hi’stoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 64-81, 102-107, 124 ; Le quatrième Évangile, Paris, 1903, p. 7-14, 24-28 ; A. Camerlynck, Saint Irénée et le canon du Nouveau Testament, Louvain, 1896 ; J. Labourt, De la valeur du témoignage de saint Irénée dans la question johannine, dans la Revue biblique, Paris, 1898, t. vii, p. 59-73 = Compte rendu du IV congrès scientirique international des catlioliques tenu àFribourg r-SuisseJ, Paris, 1898, t. ii, p. 118-131 ; J. Belser, Zur Dalierung der Evangelien, dans Theologisehe Quartalschri /t, Tubingue, 1898 ; H. von Soden, Die Sc/iri/Zen des Neuen Testaments in ihrer àltesten erreichbaren Textgeslalt, Berlin, 1902-1910, t. i, p. 1615-1620 ; J. Tunnel, Histoire de la théologieposilivedepuisl’origine jusqu’au concilede Trente, Paris, 1904, p. 497 (table analytique) ; J.Leipoldt, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, Leipzig, 1907, t. i ; M. Lepin, L’originedu quatrième Évangile, Paris, 1907, p. 77-82, 96-99, 116-118, 155-1 64, 190-192, 223-228 ; U.Mannucci.Êin un 6eachtetes Irendusfragment, dans Théologie und Glaube, Paderborn, 1909, t. i, p.291 ; J. Denlc, Das « unbeachtetes Irendusfragment » Mannucci’sund Itala, dans Théologie und Glaube, Paderborn, 1909, t. i, p. 648-649 ; E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l'Église chrétienne, Paris, 1911-1913, t. i, p. 148-162, 178-189 ; t. ii, passim (utilise le travail de W. Sanday sur les citations du Nouveau Testament par Irénée, dont la partie imprimée lui a été communiquée par l’auteur, cf. p. 297) ; ce Novum Testamentum S. Irenœi, dont la publication a été retardée par la divergence de vue siula date de la traduction latine du Contra hæreses, est annoncé par H. Turner, The siudij of the New Testament, 1883 and 1920, Oxford, 1920 ; cf. Revue biblique, 1921, p. 409 ; V. S. Reilly, L’mspira(îon de l’Ancien Testament chez saint Irénée, dans la Revue biblique. Paris, 1917, p. 489-507 ;.1. Chapman, St. Irenœus on the dates of the Gospels, dans The journal of theological studies, Cambridge, 1905, t. vi, p. 563-569 ; A. Ilamack, Neue Untersuchungen zur Aposlelgeschichtc, Leipzig, 1911, p. 90-92 ; Die Entstehung des Neuen Testaments und die wichtigsten Folgen der neuen Schôpfung, Leipzig, 1914, p. 15, 64 ; J. Hoh, Die Lehre des heil. Irenàus uber das^Neue Testament, Munster, 1919 ; W. S. Reiily, Le canon du Nouveau Testament et la critère de la canonicité, dans la Revue biblique, Paris, 1921, p. 195-205 (à contrôler et à rectifier) ; E. Mangenot, Le témoignage de S. Irénée sur saint Luc et le livre des Actes des apôtres et son auteur, dans la Revue des sciences religieuses, Paris, 1921, t. i, p. 97-117.

La tradition.

Les gnostiques ajoutent la tradition à l'Écriture, ou en appellent de l'Écriture à la

tradition orale, tradition demeurée secrète et qui serait en leur possession, tradition dont ils font un Évangile, tradition arbitraire et fantasque, variant

sans fin. L. I, c. viii, n. 1 ; c. xxi, n. 1, 5 ; c. xxviii, n. 1 ; t. III, c. II, n. 1 ; c. XI, n. 9 ; t. IV, c. xxxv, n. 4, col. 520, 657, (368, 690, 846, 891, 1089. Irénée, lui aussi, se réclame de la tradition ; il n’a pas inventé l’argument de tradition, « mais il en a déterminé le principe, défini l’emploi et expliqué la valeur. » A. Dufourcq, Sam ; /renée (collection Les sa/n^s), 2'= édit., Paris, 1904, p. 113. La tradition dérive des apôtres, répète-t-il souvent, ab apostolis traditionem. L. V, c. xx, n. 1, col. 1177. L'Écriture n’est pas toujours claire ; la tradition l’interprète. L'Écriture ne dit pas tout, la tradition supplée à son silence. L’enseignement oral est an^térieur aux textes écrits ; ceux qui nous ont transmis l'Évangile l’ont prêché, « et c’est plus tard que, par la volonté de Dieu, ils l’ont confié à l'écriture. » S’ils n’avaient pas écrit, nous ne serions pas absolument deshérités pour cela ; il suffirait de suivre l’ordre de la tradition qu’ils laissaient à ceux qu’ils préposaient aux Églises. « De fait, c’est la règle que suivent beaucoup de nations barbares qui croient au Christ, ayant la doctrine du salut écrite dans leurs cœurs par le Saint-Esprit, sans papier ni encre, et gardant fidèlement l’ancienne tradition. » La tradition orale peut donc remplacer l'Écriture là où elle manque, la compléter là où elle est insumsante, se substituer à elle auprès des illettrés. Conl. hær.. t. III, c. i, n. 1 ; c. iv, n. 1-2, col. 844, 855-856. P. Beuzart, Essai sur la théologied’Irénée, Paris, 1908, p. 143-145. En d’autres termes, la tradition est une règle de foi distincte et, comme on le diralongtemps après Irénée, un lieu théologique distinct d l'É ritnre. Irénée ne traite pas ex professo la question de la manière dont la tradition est représentée et maintenue. On ne sera point surpris qu’il mentionne à peine les Pères ; mais il met en avant les presbytres, qui étaient pour ses contemporains à peu près ce que les Pères sont pour nous. « Voici ce que nous assure la foi, telle que les presbytres, disciples des apôtres, nous l’ont transmise, » dit-il, Dem., c. iii, p. 662. Cf. la lettre à Florinuf, dans Eusèbe, H. E., t. V, c. xx, P. G., t. xx, col. 485, et ce que nous dirons des presbytres en nous occupant des sources d' Irénée. Surtout il demande la tradition à la succession apostolique, il l’aperçoit dans l'Église. Traditionem itaque apostolorum, in toto miindo manijeslatam, in omni Ecclesia adest respicere omnibus qui vera velinl viderc, et habemus anmimcrare eos qui ab apostolis instituti sunt episcopi et succcssores eorum usque ad nos.Cnnl.hær., . III, ciii, n. 1, col. 848. L'Église détient la pensée et l’enseignement apostoliques ; aux yeux d' Irénée, nous le verrons, le magistère de l'Église est la règle de foi immédiate et suprême.

H. Dodwell, Dissertationes iii, Irenœum, p. 1-218 ; H. Ziegler, cf. la bibliographie de l'Écriture ; M. Winkler, Der Traditionsbegriff des Urchristentums bis Tertullian, Munich, 1897 ; J. Kunze, cf. la bibliographie de la règle de foi.

La raison.

Irénée, qui a très bien saisi que le

gnosticisme est une combinaison de christianisme et d’hellénisme, dénonce, dans les philosophies païennes, l’origine partielle de la gnose. L. II, c. xi, n. 1-6, col. 749-754. Il semble éprouver quelque embarras devant le problème des rapports de la philosophie avec la foi. Cf. A. Dufourcq, op. cit., p. 119-120. Du moins, ni il n’anathématise les philosophes, comme l’a fait Tertullien, ni il ne s’applique à intégrer la philosophie dans la foi, comme flic ni saint Justin et Clément d’Alexandrie. Il ne se sert guère de la philosophie pour construire, mais il y recourt pour démolir les théories de ses adversaires. Il ne montre pas directement les harmonies qui existent entre le dogme catholique et la raison, si ce n’est, çà et là, d’un mot, par exemple, quand il dit, à propos de la création, t. II, c. xv, n. 3, col. 758 : quam quidem (consonationcm) nos de conditione cnunliantes, aplabilia dicimus… huic rhytlimizationi. En revanche, MOf

IRÉNÉE (saint ;

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il multiplie les formules qui taxent de déraison les I très vains sophistes » du gnosticisnie, t. II, c. xvii, n. 10 : t. III, c. V, n. 1, col. 766, 858 : irrationabile est,

I. II, c. XXH, n. G, col. 785 : irrationabile est et impium… ; impiiimestsimiliter et démens, l. II, c. viii, n. 3, col. 733 ; perqiuim irriitionale est, t. II, c. x, n. 1, col. 734 ; miitis aninuilibus irrationabiliores, t. II, c. vi, n. 3, col. 725 ; ridiculiun vero apparebil, ibid. ; diqna irrisione et vere ridicnla…, et incredibile et fatuiim et impossibile et inconslans, t. II, c. x, n. 3, 4, col. 736 ; irrationabile est et omnino rusticanum, t. II, c. xxiv, n. 3, col. 793 ; in vanum Uiborans et delirus et irrationabilis.., insanus et stupidus tanquuni /iilmine perciissus, t. II, c. xxvi, n. 3, col. 802 ; irralionabiliter inflati, t. II, c. xxviii,

II. 6, col. 808 ; impiidonde aiident dicere, t. II, c. xii, n. 3, col. 739 ; vanissimuni est quod dicunt, t. II, c. xix, n. 4, col. 772 ; féroces et horribiles et irralionabiles, t. II, c. xxxr, n. 1, col. 824, etc. Puisqu’il s’agit des vérités religieuses, il les combattra principalement sur le terrain de la foi, et il renversera par l'Écriture leurs fausses interprétations scripturaires : telle sera la tâche des livres III-V. Mais, au préalable, parce (ue les gnostiques sont des ergoteurs et des sophistes, bene hxc arbitrait sii/n(is, dit-il, primo interrogare eose contrario de sais dogmatibus, et quod non est verisimile ipsorum ostenderc, et temeritatem ipsorum excidere…, ut…, propter hoc quod non possint ad ea qiiæ interrogantur ratione respondere, dissolutam suam videnles argumentât ionem, aul, revertentes ad vcritatem, et semetipsos humiliantes et cessantes a multifaria sua phantasia, plaçantes Deum de his quæ adversus eum blasphemaverunl, salventur, aut, si pcrseveraverint in ea quæ prœoccupavit animum ipsorum vana gloria, argumentationem suam immutent. L. II, c. xi, n. 2, col. 737. Et Irénée consacre à cette discussion tout le livre II, qu’il résumera de la sorte, t. V, prsef., col. 1119 : eversis quoque his qui irreligiosas adinvenerunt sententias, aliquid quidem e.v propria uniuscujusque illorum doctrina quam in suis conscriptis reliquerunt, aliqnid autem ex ratione unioersis ostensionibus procedenle. La place qu’il accorde à la raison est donc assez considérable ; mais elle ne vient qu’en seconde ligne, à titre subsidiaire, et le rôle qu’il lui attribue consiste surtout à établir ce que l’erreur a d’invraisemblable et d’absurde.

5° L'Église. — Finalement les gnostiques rejettent et l'Écriture et la tradition, evenit itaque ncque Scripturis jani nequc traditioni consenlire eos. L. III, c. ii, n. 2, col. 847. L'Écriture et la tradition, c’est euxmêmes, eux qui sont supérieurs aux presbytres et aux apùlres, et même au Seigiieur, lequel n’a pas toujours parlé parfaitement, tandis qu’eux ils connaissent le mystère sacré indubitale et intaminate et sincère. Et, ramenant tout à leur sens propre, se livrant à des spéculations déraisonnables, toujours en quête de nouveautés, chacun se faisant à soi-même sa doctrine, ils vont chereliant, cherchant toujours, sans trouver jamais. « L’inconstance des doctrines est le lot des gnostiques : sophistes à jamais condamnés à toutes les variations, roulés par les flots de leurs erreurs, sans pierre où fonder leur édifice, rien que du sable mouvant. Cꝟ. t. III, c. xxiv, n. 2, col. 967. Irénée esquisse déjà l’histoire des variations. » P. Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, 3'^ édit., Paris, 1909, p. 255.

Dans ces conditions, les gnostiques n’ont que faire de l'Église. Ils blessent son enseignement, pneconium Ecclesiæ lœdunt. L. I, c. xxvii, n. 4, col. 689. Ils se séparent d’elle, absislunt ab Ecclesia. L. I, c. xvi, n. 3 ; cf. c. XXVIII, II. 1, col. 633, 690. Ils méprisent, sauf à tenter de les séduire, ceux qui « S3nt d'Église, » et les appellent « gens du commun, communes ecclesiasiicos, grossiers, nsychiques, ne comprenant rien à la vérité, » pendant qu’eux sont les « pneumatiques, parfaits et

semence d'élection. » L. I, c.vi, n. 2, 4 ; t. III, c. xv, n.2, col. 506, 509, 918. Ils discréditent l'ÉgUse. L. I, c. xxv, n. 3, col. 682. Ils faussent sa notion. Dans l'école de Valentin, elle devient un éon, le dernier terme de l’ogdoade, invisible, comme toute l’ogdoade, qui est dansleplérôme, et dont l'Église visible est l’image. L. I, c. I, n. 1 ; c. V, n. 6 ; c. iii, n. 4 ; c. ix, n. 2 ; c. xi, n. 1 ; t. II, c. xii, n. 5 ; c. xiii, n. 10, col. 448-449, 501, 513518, 540, 561-564, 740,. 748-749. Voir t. I, cf. xii, n. 3, col. 573-576, une variante introduite par ceux des disciples de Valentin qui prudentiores putantur. Pour les ophites, l’union du Père et du Fils et du Christ (fils du Pçre et du Fils) est la vraie et sainte Église. L. I, c. XXX, n. 2, col. 695. Pour les disciples de Marc enfin, l'éon Église est l’archétype de la Vierge, mère de Jésus par l’opération de la virtus Altissimi qui est l'éon Homme conjoint à l'éon Église dans le plérôme. L. I, c. XV, n. 3 ; cf. c. xiv, n. 5 ; c. xv, ji. 1 ; c. xvii, n. 1, col. 620-621, 604, 613, 637. Vraie notion de l'Église, rôle de son magistère, nécessité de lui appartenir, autant de points que le gnosticisme méconnaît et que l'évêque de Lyon expose fortement. L’ecclésiologie est une des maîtresses pièces de la théologie irénéenne. 1. Les notes de l'Église.' — La théorie des notes de l'Église a été formulée plus tard ; les éléments de cette théorie existent chez Irénée.

a) La sainteté. — Elle est tellement caractéristique de l'Église véritable que les gnostiques appellent sainte leur pseudo-Église. L. I, c. xxx, n. 2, col. 695. Les prêtres doivent être saints. L. IV, c.xxvi, n. 4, col. 1055. La vraie Église a l’amour « plus précieux que la science, plus glorieux que la prophétie, plus excellent que tous les autres charismes. » L. IV, c. xxiii, n. 8, col. 1077-1078. Du reste, ces autres charismes elle les possède également. L. ii, c. xxxi, n. 2 ; t. V, c. vi, n. 1, co. 82-4825, 1137. A cause de son amour pour Dieu, seule l'Église chrétienne a des martyrs. L. IV, c. xxxiii, n. 9, col. 1078. Seule elle a les miracles. Les gnostiques se livrent à des incantations magiques et peuvent, par là, illusionner ; ils accomplissent des prestiges, mais non in virtute Dei, neque in veritate, neque ut benefici. L. II, c. xxxi, n. 2, col. 824. Cf., sur le gnostique Marc, t. I, c. xiii, col. 577-592 ; sur Simon le magicien, c. xxiii, n. 1, 4, col. 670, 672-673 ; sur Basilide, c. xxiv, n. 5, col. 678 ; sur Carpocrate, c. xxv, n. 3, col. 681-682. Les miracles de l'Église sont réels, utiles, compatissants, gratuits. L. II, c. xxxi, n. 3, col. 825. Les gnostiques, soi-disant pneumatiques et non susceptibles de souillure, s’autorisent tous les crimes, — au moins théoriquement, car Irénée refuse decroire, quandil traite des carpocratiens, t. I, c. xxv, n. 5, col. 684, qu’ils commettent tous ces méfaits, — ils déclarent que la retenue ne s’impose qu’aux psychiques. L. I, c. vi, n. 3 ; c. xiii, xxiii, n. 2-4 ; c. xxv, n. 3, 5 ; c. xxvi, n. 3 ; c. xxvii, n. 3 ; c. xxviii, n. 1-2, c. XXXI, n. 1, col. 508-509, 577-592, 672, 682, 685, 687, 689, 691, 704. Les enfants de l'Église craignent de pécher non seulement en actes, mais encore en pensées et en paroles. L. I, c. vi, n.4, col. 509. b) L’unité. — L'Église est une dans sa foi et dans son organisation. A la différence des gnostiques, « qui n’ont jamais pu présenter un corps de doctrines uniforme et harmonique, » des gnostiques, « débris épars sans lien d’unité, qui n’ont jamais les mêmes sentiments sur une même chose, » l'Église professe partout et toujours la même foi, comme si, « dispersée dans le monde, elle habitait une maison unique. » Elle n’a « qu’un cœur, qu’une âme, qu’une voix, qu’une bouche. Le soleil est le même pour l’univers entier ; ainsi de la prédication de la vérité. » L. I, c. x, n. 2 ; t. III, c. xxiv, n. 2 ; t. V, c. v, n. '^ col. 552-553, 967, 1178. l'Église est un corps organique ; elle a le caractère du corps du Christ ! Malheur aux schismatiques, qui n’ont pas l’amour de Dieu et qui, considérant leur utilité plutôt 242' ;

IRENEE (SAINT'

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que l’unité de l'Église, lacèrent et, pour autant qu’il dépend d’eux, tuent le grand et glorieux corps du Christ. L. IV, c. xxxiii, n. 7-8, col. 1076-1077. Les hérétiques aveugles, qui laissent la parole de l'Église et s’abandonnent à des doctrines changeantes et contradictoires, font fausse route. Il faut les fuir, et se réfugier auprès de l'Église, paradis terrestre. L. V, c. XX, n. 2, col. ; Dem., c. ii, p. 661.

c) La catholicité. — Irénée n’a pas l’expression « Église catholique, » employée dans les Actes de saint Polj’carpe. H. Hemmer et P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris. 1910, t. iii, p. 128, 138, 150, 154, cf. p. Lxxi-Lxxiii. KaGoXi>c6ç appartient à.la langue d’Irénée, mais n’a point passé dans la traduction latine sous la forme catlwlicus. Le traducteur rend Téoaapa xaôoXixà TcvôùfiaTa, par quatuor principales spiritus, et TÉacrapeç èSoGigaav xaGoXixal StaO^xai, par quatuor data saut testamenta. L. III, c. xi, n. 8, col. 885, 889. Il est possible que communes ecclesiasticos, ]. III, c. XV, n. 2, col. 918, corresponde au grec (perdu) xaOoXtxoùç èx>ù..-qGiacsTixoù( ;. Cf. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894, 1. 1, p. 371, note. L’idte de l'Église catholique apparaîf fortement, t. I, c. x, n. 1, col. 549, et presque le mot : 'H (Jièv yàp 'ExxXTjejîa xalnsp xa6' ôXr)ç tîîç oîxou(j.£V7)ç. L'Ég) se a la double catholicité de temps et d’espace. Elle a existé déjà dans l’Ancien Testament. C’est la vigne du genre humain, que Dieu planta d’abord per plasmationem Adæ et electionem patrum ; c’est la semence d’Abraham. L. IV, c. viii, n. 1 ; c. xxxvi, n. 2 ; t. V, c. xxxiv, n. 1, col. 993, 1091, 1215. Disséminée dans le monde, sur toute la terre, elle parle des langues diverses, mais a une seule et même foi, une seule et même tradition. L. I, c. X, n. 2-3 ; t. II, c. ix, n. 1 ; c. xxxi, n. 2 ; L III, c. iii, n. 1 ; c. XI, n. 8 ; c. xv, n. 1, col. 552-553, 560, 734, 825, 848, 885, 918. Cette doctrine est pour tous. Elle n’est pas cachée à certains, à la différence de ce qui se produit dans le gnosticisme. L. IV, c. xxxra, n. 9 ; c. xxxvi, n. 2 ; t. V, prasf. ; c. xx, n. 1, col. 1078, 1091, 1119, 1177 ; Dem., c. xcnhu. p. 730. Voir t. ii, col. 2001. d) Uapostolicité. — L'Église est apostolique. Les apôtres sont le support à douz* colonnes, firmamentum duodecastylum, de l'Église. L. IV, c. xxi, n. 3, col. 1045. D’eux elle a reçu la foi qu’elle garde avec soin et distribue à ses enfants. L. I, c. x, n. 1 ; t. III, prsef. ; c. iii, n. 3 ; I. V, præf., col. 549, 843, 849-850, 1119. Sa doctrine est la doctrine des apôtres. L. IV, c. xxvi, n. 4. c. xxxii, n. 1 ; c. xxxiii, n. 8, col. 1055, 1071, 1077. A elle il faut demander la vérité, car les apôtres la lui ont livrée. L. III, c. iii, n. 4 ; c. iv, n. 1, col. 852, 855. Tradition de la vérité, traditio ab apostolis, t. II, c. ix ; n. 1 ; t. III, c. II, n. 2 ; c. ni, n. 1, 2, 3, 4 ; c. v, n. 1 ; t. V, c. XX, n. 1, col. 734, 847, 84 8, 850, 851, 852, 857, 1 1 77 ; traditio apostolorum, t. III, c. iii, n. 1, 3, 4, col. 848, 855 ; apostolica Ecdesiæ traditio, t. III, c. iii, n. 3, col. 850 ; ancienne tradition des apôtres, I. III, c. iv, n. 2, col. 856 ; enseignement de l'Église que les apôtres ont livré, t. V, præt., col. 1119, autant de synonymes. En même temps que de l’enseignement oral des apôtres, l'Église est la gardienne des Écritures, cette tradition écrite. Il faut lire l'Écriture apud eos qui in Ecclesia sunt presbijteri, apud quos est apostolica docirina. L. IV, c. xxxii, n. 1, col. 1071. On doit fuir les hérétiques, se réfugier auprès de l'Église, y être nourri des Écritures du Seigneur. « En recherchant la pensée d' Irénée sur la tradition, observe P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, Paris, 1908, p. 144, nous voyons poindre très nettement la doctrine catholique qu’en définitive c’est l'Église qui garantit l'Écriture sainte. Au premier abord, l'Écriture sainte paraît reposer sur elle-même : elle est inspirée, possède l’autorité et la majesté divines, que peut-on demander de plus ?

En y regardant de plus près, on s’aperçoit que l’origine et l’inspiration divine de l'Écriture sainte sont affirmées par l'Église, de sorte qu’elle repose sur l'Église.. C’est l'Église qui, par l’organe des successeurs des apôtres, nous transmet les Écritures et nous livre leur véritable sens. L. IV, c. xxxiii, n. 8, col. 1 077.

2. La hiérarchie ecclésiastique.

La tradition des apôtres est venue par leurs successeurs, par leurs disciples immédiats, puis par les disciples de leurs disciples. Ces disciples peuvent n'être pas des chefs ecclésiastiques ; c’est le cas de tel ou tel de ces prestiytres dont Irénée invoque le témoignage. Cf. I. II, c. xxii, n. 5 ; L IV, c. xxvii, n. 1 ; I. V, c. xxx, n. 1, col. 785, 1056, 1203. Mais il n’y a pas seulement, pour transmettre l’enseignement des apôtres, des individualités isolées, malgré tout failHbles ; il y a la succession épiscopale dans l'Église, il y a l'Église infaillible par l’assistance du Saint-Esprit. L. III, c. iii, n. 1, col. 848 : traditionem itaque apostolorum in toto mundo maniftstatam in omni Ecclesia adest respicere omnibus qui vera velint videre, et habemus annumerare eos qui ab apostolis instituti sunt episcopi et successorcs eorum usque ad nos…, suum ipsorum locum magisterii tradentes. Cꝟ. t. III, c. iv, n. 1 ; î. IV, c. xxxvi, n. 5, col. 855, 1056. C’est là-dessus qu' Irénée insiste.

Il emploie, pour désigner les successeurs des apôtres, les mots STriaxoTTioç, t. III, c. iii, n. 3, 4 ; c. iv, n. 3 ; t. IV, c. xx^, n. 2, 5 ; c. xxxiii, n. 8 ; t. V, c. xx, n. 1, col. 849, 851, 852, 857, 1053-1054, 1055, 1077, et 7tpsc|3ÛT£poç, L III, c. ii, n. 2 ; L IV, c. xxvi, n. 2, 5 ; c. xxxii, n. 1 ; t. V, c. XX, n. 2, col. 847, 1053, 1055, 1071, 1077, et lettres à Florinus et au pape Victor, dans Eusèbe, H. E., ]. V, c. XX, xxiv, P. G., t. XX, col. 486, 506. Chez lui, la distinction du sens entre ces deux termes n’est pas encore faite. Nous lisons, t. IV, c. xx, n. 2, col. 1053-1054 : Quapropter iis qui in Ecclesia sunt presbyteris obaudire oportet, his qui successionem habent ab apostolis, sicut oslendimus, qui nunc cpiscopatus successione charisma veritatis certum…. acceperunt. Cꝟ. t. V, c. XX, n. -i, 2, col. 1177. Dans la lettre à Victor, il appelle TtpeapÛTepoi. les évêques de Rome qu’il appelle èn’iGxo-KOi, t. III, c. iii, n. 3 ; c. iv, n. 3, col. 849, 851, 857, et, dans la lettre à Florinus, il range parmi les 7tp£o(3ÛTepoi Polycarpe, nommé ÈTTiaxoTTOç. Cont. hier., t. III, c. iii, n. 4, col. 852. 'ETTÎaxoTOç et TipeajEÛTepoç sont donc interchangeables. Cf. C. de Smedt, L’organisation des églises chrétiennes jusqu’au milieu du ni'e siècle, dans le Compte rendu du congrès scientifique international des catholiques tenu à Paris (1888), Paris, 1889, t. ii, p. 334.

Mais, si la distinction de l'épiscopat et du presbytérat ne ressort point de l’emploi de ces noms, elle résulte de toute l’argumentation d’Irénée. Ce ne sont pas tous les prêtres qui sont dépositaires, au même titre, de la tradition apostolique, mais ceux qui, dans les Églises, sont les successeurs des apôtres, ce sont les chefs ; ce sont, à Rome, les papes dont Irénée dresse la liste, t. III, c. iii, n. 3, col. 849-851, et, dans les plus anciennes Églises, ceux dont il pourrait donner la liste, ce qu’il ne fait pas pour ne pas être trop long, n. 2, col. 848, se bornant, après avoir établi celle de Rome, à mentionner celles de Smyrne et d'Éphèse, ii, 4, col. 852-853. Irénée détache ceux qui commandent dans les Éghses. L. I, c. x, n. 2 ; t. IV, c. xxvi, col. 553, 1055-1056. Par opposition aux successeurs authentiques des apôtres, il signale et stigmatise ceux qui absistunt a principali successione. L. IV, c. xxvi, n. 2 ; cf. n. 3, col. 1054. La traduction latine rend TO’jç TrpeaPuTÉpouç tyjç 'ExxXrialaç, Act., xx, 17, par convocatis episcopis et presbyteris qui erant ab Epheso et a rcliquis pro.vimis civitatibus ; ici la distinction même des noms se dessine. L. III, c. xiv, n. 2, col. 914. Nous avons déjà rencontré le texte, t. IV, c. xxxiii.

II. 8, col. 1077, où apparaissent le caractère d’ensemble oi’fîanisc de l'Église et le rôle, dans cette organisation, de l’cpiscopat : agniiio vcra est aposlolorum doctrina, et antiquus Ecclesiæ status, in universo mundo, et characlcr corporis Christi sccundiim siicccssiunes episcoporurn, quibus illi eam, quæ in unoquoque loco est, Ëcdesiain tradiderunl. Cꝟ. t. III, c. iv, n. 2 ; t. V, c. xx, n. 1, col. 855, 1177. Est-il besoin d’ajouter que la distinction entre évêques et prêtres s’afïîrme dans la vie d’Irénée, comme dans ses écrits ? Nous lisons que « le bienheureux Pothin administre l’cpiscopat de l'Église de Lyon, » qu’Irénée est alors prêtre, lettre des Églises de Lyon et de Vienne, dans Eusèbe, H. E., t. V, c. i, IV, P. G., t. XX, col. 420, 440, et, dit Eusèbe, « Irénée succède à Pothin dans l’cpiscopat, » c. v, col. 444.

A plus forte raison Irênée ne confond pas le clergé et les simples fidèles. Massuet, Dissert., III, a. 7, n. lOO-lOî, col. 354-356 ; cf. col. 995, dut réfuter, sur ce point, la thèse tendancieuse de Grabe. P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, p. 158, et F. R. M. Hitilicoclc, Irenæus of Lugdunum, p. 261-262, sans aller aussi loin que Grabe, ont vu dans les textes d’Irénée un acheminement vers la thèse protestante. C’est une erreur. Certes, l’idée que tous les fidèles exercent, dans un certain sens, le sacerdoce n’est pas étrangère à Irénée, comme elle est familière au Nouveau Testament et à l'Église de tous les siècles. Cf., pour les temps anciens, P. de Labriolle, Tertullien était-il prêtre ? dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’arcliéologie chrétiennes, Paris, 1913, t. iii, p. 167-168. Mais, quand Irénée la formule de la sorte, t. IV, c. viii, n. 3, col. 995 : ITâ ; PaaiXeùç Sîxatoç (onines enim justi dans la traduction) lepaTix^v syrst, TdcÇiv, ce texte n’a « qu’une valeur mystique, où n’est impliquée aucune revendication proprement juridique, dit P. de Labriolle, p. 175-176. Irénée, soucieux de défendre contre Marcion la continuité entre l'Évangile et la Loi, veut simplement démontrer à l’hérésiarque, à propos de Luc, vi, 3-4, que, dans la pensée du Ch^-ist, tout fidèle doit savoir s’aflranchir des contraintes littérales et agir selon l’esprit des préceptes divins, usant ainsi de la liberté que la Loi reconnaissait en certains cas aux prêtres. » Sous l’ancienne Loi tous n'étaient pas prêtres au sens strict du mot, à commencer par David, qui est dit pourtant sacerdos scitus apud Deum et qui mangea les pains de proposition, cliose permise aux prêtres seuls. Il y a plus. « A la même page où il parle des offrandes que font à Dieu tous les justes, Irénée affirme le sacerdoce éminent des apôtres, isolés par le choix du Clirist pour le ministère de l’autel, et fait pressentir le prolongement de ce mi listère dans une lignée sacerdotale : Sacerdotes autem sunt omnes Domini apostoli, qui ncque agros nequc domos hæredilant hic, sed semper altari et Deo seruiunt. » A. d’Alès, Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 127. Il n’y a pas davantage à objecter le texte, t. V, c. ^^, n. 1, col. 1137, sur les charism s reçus en dehors de la hiérarchie. Irénée précise que, là où sont les charismes, il faut apprendre la vérité apud quos est ea quee est ab aposlolis Ecclesiæ successio, t. IV, c. xxvi, n. 5, col. 1056, et, quelques lignes auparavant, n. 3, 4, col. 1054, 1055, après avoir invité à s'éloigner des mauvais prêtres qui et principalis concessionis (lire consessionis) tumore elati sunt et in absconsis agunt mala, il a demandé qu’oit adhère à ceux qui gardent la doctrine des apôtres et, cum presbyterii ordine, sermoncm sanum et conversationcm sine offensa præslant. Sur les mots ordo et consessus (ou consessio) désignant, le premier, le clergé et, 1 second, « la préséance spéciale départie au clergé dans les réunions des fidèles », cf. P. de Labriolle, loc. cit., p. 167-168, note. Enfin, c’est à tort que P. Beuzart allègue les pages, t. IV, c. xxxiii, col. 1072-1083, sur l’attitude du a disciple

spirituel, » dont rien ne permet de supposer que ce ne soit pas un fidèle quelconque et qui, cependant, " juge, examine et décide en toute souveraineté. » Deux textes encadrent ce portrait du « disciple spirituel », qui prouvent l’existence de la hiérarchie. L. IV, c. xxxii, n. 1, col. 1071, nous trouvons : Omnis sermo ei constabit si et Scripturas diligenier legerit apud eos qui in Ecclesia sunt presbyteri, apud quos est apostolica doctrina. Et, c. xxxiii, n. 8, col. 1077 : Agnitio vera est aposlolorum doctrina, ei antiquus Ecclesiæ status, in universo mundo, el charactcr corporis Christi seeundum succcssiones episcoporum. La haute importance qu’Irénée accorde à l’Ancien Testament, où les prêtres étaient distincts du peuple, et sa conviction que le judaïsme était l’image de l'Église, tout ce que nous avons vu sur le rôle qu’il assigne à l'épiscopat et au presbytérat, et tels autres textes, par exemple, celui sur l'Évangile tétramorphe, t. III, c. xi, n. 8, col. 886, où il dit que le deuxième animal, semblable à un veau, signifie sacrificulem ci sacerdotalem ordinationem, ne laissïut pas de doute sur la pensée de l' évoque de Lyon : il reconnaît la hiérarchie ecclésiastique.

3. La primauté de l'Église romaine. — a) État de la question. — Voici, d’abord, le texte d’Irénée sur la primauté de l'Église romaine. Il vient de dire, t. III, c. ni, n. 1, col. 848, que la tradition des apôtres est visible dans toute l'Église et qu’on peut énumérer ceux qui ont été institués évêques par les apôtres et par leurs successeurs. Il poursuit, n. 2, col. 848-849 : Serf, quoniam valde longum est, in hoc t’ali volumine, omnium Ecclesiarum enumerare succcssiones, maximae et antiquissimx, et omnibus cognitæ, a gloriosissimis duobus aposlolis Peiro et Paulo Romæ fundatæ el constitutæ Ecclesiæ, eam quam habct ab aposlolis traditionem et annuniiatam hominibus fidem, per successiones aposlolorum pervenienlem usque ad nos indicantes, confundimus omnes eos qui quoquo modo, vel per sibi placentia, vel vanam gloriam, vel per cœ^itatem et malam sententiam, præterquam quod oportet colligunt. Ad hanc enim Ecclesiarn, propler potiorem principalitatem, necesse est omnem convenire Ecclesiarn, hoc est eos qui sunt undique fidèles, in qua semper ab his qui sunt undique conservata est ea quæ est ab aposlolis tradilio.

Nous n’avons pas l’original grec. Le texte du traducteur est assuré, sauf quatre expressions. Antiquissimæ ne signi fie pas « la plus ancienne, s Irénée lui-même rappelle, t. III, c. xii, n. 5, col. 897, que l'église de Jérusalem fut celle où toute l'Église commença, métropole, en ce sens, des citoyens du Nouveau Testament. Massuet, Dissert., III, a. 4, n. 31, P. G., t. vii, col. 278, pense que le grec devait être àpx « i.0TàT7]ç, mal traduit par antiquissimæ au lieu de præcipuæ ac principis. Peut-être serait-il préférable de garder antiquissimx, en traduisant, avec Bossuet, Sermon sur l’unité de l'Église, II « point, dans Œuvres, édit. F. Lâchât, Paris, 1863, t. xi, p. 610, par « très ancienne n. Sur la foi du Claromontanus, qui porte pontiorem, corrigé par une main ancienne en potiorem, Massuet, col. 849, n., a lu potiorem principalitatem, au lieu de potentiorem principalitatem que portent les autres manuscrits ; c’est cette dernière lecture qui doit être maintenue. Eos manque dans le manuscrit d* Arundel. U. Mannucci, dans la Rivisla storico-critica délie scienze teologiche, Rome, 1908, t. iv, p. 613, avait émis l’hypothèse que le second qui sunt undique est une répétition du premier, due aune inadvertance de copiste. Dom G. Morin, Une erreur de copiste dans le texte d’Irénée sur l'Église romaine, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1908, t. XXV, p. 515-520, a développé une supposition identique « Tout porte à croire, conclut-il, que le second sunt undique est une répétition maladroite de celui qui se lit une ligne auparavant. Il est possible, probable même, que ces deux mots en ont remplacé d’autres

désignant d’une façon quelconque les chefs d'Église, ceux dont Faction vigilante assura la conservation de la tradition apostolique au sein de la communauté romaine. » Ces mots, d’après un prêtre français de Saint-Pétersbourg, qui suggéra cette hypothèse à dom G. Morin, pourraient être : qui ibi præfucrunt. M. Dôrholt, Theologische Revue, Munster, 1909, col. 94-95, a signalé avec sympathie cette hypothèse ; mais, voyant dans les mots ab his la traduction littérale du grec olv : q toûtwv, , il leur a donné le sens de deinceps, poslea, abhinc : dès lors, nul besoin d’ajouter d’autres mots pour remplacer le second sunt undiquc. M. d’Herbigny, Revue bénédictine, Maredsous, 1910, t. xxvii, p. 103-108, a regardé comme vraisembable que la traduction primitive portait : ab his qui suni undecim. devenus ab his qui suni undiquc par l’incurie d’un copiste. Toute une série d’hypothèses et de corrections ont été proposées encore. Cf. U. Mannucci, dans la Rivisla storico-critica dclle scienze teologiche, Rome, 1909-1910. t. v, p. 609, t. vi, p. 619-620. Des critiques se sont rangés à l’opinion telle quelle de dom G. Morin. Cf. P. Batiflol, L'Église naissante et le catholicisme, 3e édit., Paris, 1909, p. 251. F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. Ti, p. 41-42, note, la rejette, ainsi que celle de M. d’Herbigny.

La phrase capitale : Ad hanc enim… est susceptible de sens divers très intelligemment étudiés dans un article posthume (inachevé) de F. X. Roiron, Sur l’interprétation d’un passage de saint Irénée, Contra hæreses, II i, ///, 2, dans es Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. vii, p. 36-51. Principalitas peut désigner la suprématie impériale de Rome ou la prééminence de l'Église romaine ; celle-ci, à son tour, peut être une primauté purement honorifique ou une primauté de juridiction. Necesse est peut indiquer une nécessité logique : si, de part et d’autre, on a reçu et gardé une tradition unique, il faudra bien que l’on soit d’accord, — ou physique, matérielle : il ne s’agirait pas de ce qu’on a le devoir de faire, mais de ce que la force des choses impose, — ou morale. Convenire s’offre au double sens de rendez-vous ou d’accord. In qua peut se rapporter à omnem Ecclesiani ou à ad hanc Ecclesiam (l'Église de Rome), et, dans ce dernier cas, plusieurs sens sont possibles. Agençant entre elles ces diverses acceptions, F. X. Roiron a abouti à ce résultat que, défalcation faite de celles qui sont contradictoires en elles-mêmes ou déraisonnables, on obtient 116 combinaisons, dont cinq principalement sont, à première vue, défendables et ont été défendues. Cf. p. 38-39, note.

b) Histoire de l’interprétation du texte. — L’importance du texte d' Irénée apparaît au cours de la controverse protestante. Dans son édition d' Irénée, Cologne, 1625 (1e édit.on en 1575), p. 234-236 = P. G., t. vii, col. 1605-1609, Feuardent le commente. Bellarmin, De romano pontifice, t. II, c. xv, dans le De controversiis christiance fidei, Paris, 1620, t. i (1e édit.on en 1586), col. 641, cite ce texte capital, et invite à noter les expressions significatives, nam Ireneeus probat passe nos confundere omnes hæreticos ex doctrina Romanae Ecclesise, quia necesse est ad hanc Ecclesiam omnes convenire et ab ipsa tanquam a capile et jonle pendere (ces derniers mots amplifient le sens d' Irénée). Cf. J. Gretser, Dejensio Bellarmini, Ingolstadt, 1609, t. I, p. 676-677. Baronius, Annal, ecclesiast., an. 180, n. 5 ; cf. an. 179, n. 54, Rome, 1588, t. ii, p. 168, 167, renvoie au même texte. J. Coccius l’enregistre dans son Thésaurus catholicus in quo controversise fidei…. cxplicantur, Cologne, 1010, t. i, p. 826. De plus en plus le texte d’Irénée pénétre dans la circulaLion théologique. Les protestants, gênés par lui, tâchent de s’en débarrasser. Cf. F. du Jon (J uni us Biturigis =-né à Bourges),

Animadversiones ad R. Bellarmini Societatis Jesu ul vacant controversiam III, t. II, c. xv, dans ses Openi theologica, Genève, 1607, t. ii, col. 729 ; P. du Moulin, ^ Le bouclier de la foij, Charenton, 1617, édit. de Sedan ! fl 1621, p. 433 ; D. Chamier (Chamierus), le o grand Chamier, » De œcumenico pontifice, c. xxii, n. 12 sq., dans Panslraliæ catholicæ libri XIII, Genève, 1626 ; cf. Chamierus contractus sive Panstratiie catholicæ D. Chamicri epifome, Genève, 1642, p. 551 ; Cl. de Saumaise (Salmasius), De primaiu papse, c. v, Leyde, 1645, p. 65, plus proche des catholiques. Sur les traces de Chamier, l'éditeur protestant d’Irénée, J. E. Grabe recourut à une interprétation réservée à un brillant destin : le texte d’Irénée vise l’afiluence des gens envoyés de toute l'Église à Rome pour y trailer la cause des chrétiens auprès des empereurs, lesquels avaient le pouvoir suprême. Massuet, Dissert., III, a. 4, n. 33-35, P. G., t. vii, col. 280-283. montra ce que cette explication a de factice et d’impossible, et, n. 31, col. 278-279, expliqua de la sorte le passage d’Irénée : l'Église romaine est 1° la plus grande de toutes ; 2° celle qui est à la tête de toutes ; 3° qui est connue de tous ; 4 » qui a été fondée par les apôtres Pierre et Paul ; 5° avec laquelle il est nécessaire que s’accordent les fidèles du monde entier, à cause de son autorité souveraine, car, bien que les autres, dans leurs limites, exercent la principauté sur les fidèles qui leur sont soumis, bien plus excellente est la principauté de l'ÉgUse romaine. utpole quæ principatus ac primatus jure omnibus dominctur, omnibus præsii omnesques ibi subdilas habeat ; 6° dans cette Église a toujours été conservée, par ceux qui sont de partout, la tradition apostolique en ce sens que, les fidèles de l’univers entier étant tenus d’adhérer à sa doctrine, la tradition apostolique confiée à cette Église a pu s’y conserver beaucoup plus sûrement et facilement que dans les autres Églises considérées séparément, dont la juridiction avait des limites plus restreintes.

Avec des nuances, tantôt atténuées, tantôt renforcées, les interprétations de Massuet et de Grabe se sont partagé les esprits jusque vers la fin du xix'e siècle. Bossuet, Sermon sur l’unité de l'Église, IF point. Œuvres, t. xi, p. 610, traduisit : « C’est avec cette Église que toutes les Églises et tous les fidèles, qui son^. par toute la terre, doivent s’accorder, à cause de sa principale et excellente principauté, et… c’est en elle que ces mêmes fidèles répandus par toute la terre ont conservé la tradition qui vient des apôtres. » Cf. sa Defensio dcclarationis cleri gallicani, part. III, t. X, c. VI, XIV, dans ses Œuvres, Paris, 1879, t. xxii, p. 269, 289 ; P. de Marca, De concordia sacerdotii et imperii, t. I, c. II, n. 6 ; 2e édit., Paris, 1669, p. 8 ; dom R. Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 156. Si les gallicans ont admis que le texte d’Irénée prouve la primauté de l'Église romaine, les ultramontains, allant au delà, l’ont employé pour établir l’infaillbiilité du pape, alors que Bossuet, Defensio, p. 290, affirmait concludi causas fidei ad eam sedem rcferendas non autem proptcrea infallibili judicio finiendas. Saint Alphonse de Liguori prouve par ce texte rinfaillibihté du pape, dans saDissertatio de R. pontificis auctoritate, parue en 1748. Il le cite exactement, § 2, De auctoritate pontificis supra concilium, dans sa Theolagia moralis, édit. L. Gaudé, Rome, 1905, t. i, p. 113, en réponse à l’objection tirée de Math, xviii, 17 ; mais, là où il traite ex professa de l’infaillibilité, § 1, De infallibilitide papæ, p. 96, ne prenant pas garde que les mots qu’il allègue sont non pas ceux d’Irénée, mais la glose de Bellarmin, il fait dire à saint Irénée : Omnes a Romana Ecclesia necesse est ul pendcant tanquam a fonte et capite. Les frères Ballorini, De vi ac ratione primatus R. pontificum, Vérone, 1766, reproduit dans Migne, J433

IRENEE (SAINT 2434

Theologiæ cursus completus, Paris, 1839, t. iii, s’appuient fréquemment sur le texte d’Irénée, col. 10141019, 1135, 1138-1139, 1144-1145, 1146, 1155, 1157, llGl-1162, 1165, 1171, 1172, 1181, 1228, 1237-1239, 1242, 1245. Cf. Maur Capellari (Grégoire XVI), Triomphe du saint-siège et de l’Église, c. xti, n. 1, paru en 1799, trad. Jammes, dans Migne, Démonstrations éixingéliques, Paris, 1843, t. xvi, col. 942 ; J. de Maistre, Du pape, t. I, c. vi, 8^ édit., Lyon, 1845, p. 47 : il forge bravement le mot grec perdu traduit par principali-Idtem, disant qu’Irénée « en a|ipelait déjà à la chaire de saint Pierre comme à la règle de la foi et confessait cette princijiauté régissante, y)Y£(i.ovta, devenue si célèbre dans l’Église, » Freppel, .Soi’/U /réne’e, 2e édit., Paris, 1870, p. 429, 432-437, 441, etc. Du côté des protestants, mentionnons J. L. Mosheim, Institutiones hislorise christianæ antiquioris, n sæc, § 21, Helmstadt, 1738 ; cf. Bergier, Dictionnaire de théologie, Toulouse, 1819, t. IV, p. 349-351 ; A. Neander, Allgemeine Geschichte der christlichen Religion und Kirche, Gotha, 1856, t. I, p. 111-112 ; G. Graul, Dic christliche Kirche an der Schwelle des ircnàischen Zeitalters, Leipzig, 1860, p. 138, etc.

Le concile du Vatican donna au texte un regain d’actualité. Infaillibilistes et anti-infalllibilistes le discutèrent. Les premiers en élargirent parfois la signi-Tication véritable ; les autres s’obstinèrent à l’amoindrir. Saint Alphonse de Liguori fut accusé de l’avoir falsifié. La publication, par le rédemptoriste Jules Jacques, sous le titre : Du pape et du concile, Tournay, 1870, de la Dissertatio de R. pontificis auctoritate, traduite et complétée par des extraits des autres ouvrages du saint, fournit un aliment à la discussion. On objecta que Liguori attribuait à Irénée le passage où Bellarmin conclut du texte d’Irénée qu’il est nécessaire que tous dépendent de l’Église romaine ainsi que de la source et de la tête ; à quoi, pour corser l’accusation de fraude, on ajouta que le texte d’Irénée est mutilé dans le bréviaire romain, qui supprime les derniers mots, limitatifs de sa portée. Le bréviaire, Olp-cium S. Irenæi, lect. VI, arrête sa citation à : eos qui sunt undique fidèles. Grâce à la suppression de ce qui suit, « il faut en appeler à l’Église de Rome non pas seulement, comme le veut Irénée, pour établir la vraie tradition, mais pour tout, » dit J. Pédézert, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, p. 43-44, écho des anti-infaillibilistes, notamment du P. Gratry, Mgr l’évêque d’Orléans et Mgr l’archevêque de Matines, ii<’lettre, Paris, 1870, p. 35-47. Or, les derniers mots ne limitent pas le àens du texte, et jamais l’Église n’a prétendu qu’on doive recourir à Rome « pour tout ». Quant à saint Alphonse, nous savons que, s’il a pris la glose de Bellarmin pour la lettre même du texte d’Irénée, une seconde fois il a reproduit avec exactitude le texte du Contra hæreses. Mais ce n’est pas tout ; Dœllinger, Der Miinchener Hirtenbrief vom 5. Januar 1871, dans VAllgemeine Zcitung, n. 22, 1871, reproduit dans ses Kleinere Schriften, publiés par F. H. Reusch, Stuttgart, 1890, p. 427-428, 432-433, prétendit que le texte d’Irénée, n l’Achille du parti, » « le seul témoignage des premiers siècles qui, au premier coup d’œil et détaché du contexte, se laisse employer au service du nouveau dogme, » loin d’être favorable à l’infaillibilité pontificale, lui serait contraire, « la tradition apostolique n’y apparaissant pas conservée à Rome par les évoques, mais par les fidèles venus de tout l’univers et conduits par leurs affaires à la capitale, qui était le grand emporium et le centre du monde connu. » Ce retour à l’interiîrétation surannée de Grabe, s’il était impuissant à sauver une cause perdue, indiquait de moins l’importance exceptionnelle du témoignage d’Irénée. Dans son De Ecclesia Christi, 2e édit., Paris, 1878 (1"= édition en 1873), p. 118, note, L. F. Brugère

DICT. DE THÉOl. CATIIOL.

caractérisa cette importance avec force en disant que les211n-tol. delaB(6Z(o// ! eca pon/i’/îcîa niaxima de Roccaberti, in hac S. Irenœi phrasi implicite contincntur et ab ealogice quoad substantiam fluunt. La phrase d’Irénée eut la plus haute des consécraiions. Le concile du Vatican, sess. IV c. ii, affirma la perpétuité de la primauté dans les successeurs de Pierre, et déclara que, pour ce motif, ad Romanam Ecclesiam, proplcr potentiorem principalilalem, necesse semper fuit omnem conuenire Ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique fidi’les. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1824.

L’agitation tomba peu à peu et, avec le progrès des études historiques, l’interprétation du texte d’Irénée entra dans une phase nouvelle. L’initiative vint d’A. Harnack qui, sur ce point comme sur plusieurs autres, a montré que la position historique du protestantisme ne tenait pas. Le mémoire qu’il publia sous ce titre : Das Zcugniss des Irenàus ûber das Ansehen der rôniischen /firc/ic, dans les Sitzungsberichte der kôn. preussischen Akademie der Wissenscha/ten, Berlin, 1893, p. 939-955, a fait date. Cf. son excursus : Katholisch und rômisch, dans le Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894, 1. 1, p. 446, note. Toute une série d’études, de catholiques et de protestants, ont paru depuis lors. L’unanimité n’existe pas sur toute la ligne ; mais dès à présent, si’on néglige des essais retardataires ou aventureux comme celui de L. Salvatorelli, La « principalitas » délia Chiesa romana in Ireneo ed in Cipriano, liome, 1910, certains résultats sont acquis et l’on conteste de moins en moins que l’évêque de Lyon affirme la primauté de l’Église romaine.

c) Critique. — En premier lieu, convenire, c’est bien « s’accorder avec » et non « se rendre à ». La traduction : « Chaque église doit venir à l’Église romaine » n’est « pas supportable, » dit A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. i, p. 446, note. Les efforts de F. X. Funk, Der Primat der rômischen Kirche nach Ignatius und Irenàus, dans s ; es Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Untersuchungen, Paderborn, 1897, t. I, p. 19, pour la légitimer sont vains. Ce qui décide F"unk à rejeter la traduction « s’accorder avec », qui serait de tout point la plus satisfaisante, c’est la difficulté que présente, dans ce cas, la finale : in qua semper… ; nous verrons que cette difficulté n’est pas insurmontable. Les chrétiens venus à Rome pour affaires religieuses étaient en trop petit nombre pour vérifier le omnçm Ecclesiam hoc est eos qui sunt undique fidèles ; quant à ceux qui venaient pour leurs affaires temporelles, ils sont en dehors de la question. Ce qu’Irénée dit, t. III, c. III, n. 3, col. 849-850, immédiatement après notre texte, de saint Clément et de sa lettre aux Corinthiens est manifestement un exemple du rôle constant attribué en général à l’Église romaine : or, les Corinthiens ne sont pas venus à Rome, mais l’Église romaine, reparans fidem eorum et annunlians quam in recenli ab apostolis acceperat traditionem, a maintenu l’accord de leur croyance avec la sienne. Trois expressions parallèles, et qui s’expliquent mutuellement, se lisent dans Irénée. D’abord, oportel conjugere ad Ecclesiam, et il s’agit de l’Église qui embrasse le monde entier, circumiens mundum universum, quippe firmam habens ab apostolis traditionem, t. V, c. xx, n. 2, 1, col. 1178, 1177. Puis, L III, c. iv, n. 1, col. 855 : Non oportel adhuc quærere apud alios veritatem quam facile est ab Ecclesia sumere, et la suite : Et, si de uliqua modica quæstionc disceptatio esset, nonne oporleret in anliquissimas recurrere ecclesias, in quibus apostoli conversati sunt ? Ou, plus simplement — et c’est notre texte — il n’y a qu’à se réfugier auprès de l’Église romaine, qu’à chercher auprès d’elle la vérité, qu’à recourir à elle, qu’à s’accorder avec elle, onmem conrcj nire Ecclesiam.

VII. — 77  :  ; (i

En outre, il est désonnais admis que la potentior principalitas ne vise pas l’autorité ci ile, mais le principal, l’aiif orité de l'Église romaine. Convenire marque l’unanimité de la foi, qui doit se réaliser dans tout le monde à cause de cette autorité. La cause ne peut être que du même ordre que son effet, spirituelle comme lui. Cette autorité est « principale. » Toutes les Églises apostoliques ont la principalilas. Cꝟ. t. IV, c. xx^^, n. 2, col. 1053-1054 : Obaudirc oportet his qui successionemhabent ab aposiolis…. qui absistunt a principalisuccessione… Ce qui distingue l'Église romaine, c’est que sa principalilas est potentior. Pourrait-on préciser la nature de cette principalilas ? Le mot grec le permettrait sans doute, mais nous ne le connaissons pas. 11 est impossible de savoir si c'était aùGsvTÎa, cf. Harnack, op. cil., t. I, p. 446 ; P. Batifïol, L' Église naissante et le catholicisme, p. 252 ; ou KpwTsta, comme L IV, c. xxx^^^, n. 3, col. 1108 ; ou ^yejjiovta, comme t. III, c. XI, n. 8, col. 886 (ces deux derniers mots sont rejetés par P. Batiffol, op. cit., p. 252) ; ou àpx'^, cf. F. R. M. Hitchcock, Ircnæus of Lugdunum, p. 252-253. Le mot principalitas figure aussi dans des passages de la traduction latine. Il y désigne le plérôme gnostique, t. I, c. xxi, n. 1 ; c. xxxi, n. 1 ; t. IV, c. xxxv, n. 2, 4, col. 686, 704, 1087, 1089 ; ou les j quatre esprits principaux, » c’est-à-dire les quatre vents, t. III, c. xi, n. 8, col. 885 ; ou, t. IV, c. xxxvi, n. 1, col. 1090, « l’autorité principale » du Fils qui, venant du Père, s’exprimait de la sorte : Ego autem dico vobis ; tandis que les serviteurs disent servililer, au nom du Seigneur : Hœc dicit Dominas » ; ou l’antériorité chronologique, t. V, v. xiv, n. 1, 2, col. 1161, 1162. Les trois premières acceptions impliquent une excellence qui, pour n'être pas sur le même plan que celle de la principauté de l'Église de Rome, n’en invite pas moins à concevoir une grande idée de cette dernière. La quatrième acception ne convient pas à l'Église de Rome : la priorité chronologique et le prestige qui en résultent appartiennent à l'Église de Jérusalem, qu’Irénée nomme, t. III, c. xii, n. 5, col. 897, « l'Église de laquelle toute Église a eu son commencement, la métropole des citoyens du Testament Nouveau. » Le sens de ces paroles, inexactement rendu par F. R. M. Hitchcock, op. cit., p. 252, et par L. Salvatorelli, op. cit., n’est pas douteux. Elles ont une valeur purement historique : o relatives aux origines du christianisme et visant le rôle de Jérusalem avant que la foi fût prêchée à Rome, elles constatent dans le passé un fait, sans y fonder pour l’avenir aucun droit ; ce serait le cas de parler de prestige ou de dignité, » non d’autre chose. C’est de tout autre chose qu’il est question pour l'Église de Rome. Le contexte implique « une primauté effective, pas seulement de prestige et de dignité, puisque saint Irénée en fait le ressort du gouvernement ecclésiastique, » A.^ d’Alès, dans les Recherches de scienc religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 127, puisqu’elle oblige tous les fidèles du monde entier à conformer leur croyance à celle de l'Église romaine, que seule l'Église romaine jouit de cette prérogative. En effet, ôtez cette primauté effective ; il n’est pas plus nécessaire de se mettre d’accord avec l'Église de Rome qu’avec celles de Smyrne et d'Éphèse, par exemple, dont saint Irénée parle immédiatement après. Or, lui qui a puisé la foi dans l'Église de Smyrne, auprès des disciples de saint Jean, dit que les fidèles du monde entier, y compris conséquemment ceux d'Éphèse et de Smyrne, doivent nécessairement convenir dans la foi avec l'Église de Rome. C’est donc que la primauté de l'Église de Rome renferme le pouvoir de garantir dans son intégrité la tradition apostolique. Cf. Freppel, Saint Irénée, p. 434, 438-439. Un raisonnement esquissé par J. Chapman, Le témoignage de saint Irénée en faveur de 4a primauté romaine, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1895,

t. XII, p. 56, achève de trancher la question de la nature de la suprématie romaine. Irénée veut « faire admettre aux gnostiques, sans autre vérification, que la foi romaine est identique en fait aux traditions de toutes les autres Églises, que tout désaccord entre eux et la foi romaine équivaudra donc à un désaccord avec l'Église universelle… Il faut donc que la nécessité de l’accord entre Rome et les autres Églises soit une nécessité rigoureuse et, pour cela, il faut que la raison de cette nécessité ne soit pas une bienséance, mais une autorité. » F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. i, p. 48-49.

La troisième expression discutée est Vin qua de la l)hrase finale. Communément on l’a rapportée à l'Église romaine, ad hanc Ecclesiam. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichle, t. i, p. 446, note ; L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Églises séparées, 2e édit., Paris, 1905, p. 119 ; F. X. Funk, Kirchengeschichlliche Abhandlungenund.Unlersuchungen, t.j, p. 19 ; P. Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, p. 251, etc., pensent, au contraire, que in qua se rapporte aux autres Églises, omnem Ecclesiam. Dès lors, on pourrait traduire de la sorte : « Avec cette Église (romaine), à cause de son autorité principale, il est nécessaire que s’accorde toute Église (c’est-à-dire les fidèles qui sont de partout), dans laquelle a toujours été conservée, par ces fidèles qui sont de partout, la tradition apostolique. » Et l’argument d’Irénée serait celui-ci. La tradition apostolique est visible dans toute l'Église, in omni Ecclesia. On la connaîtrait en consultant les listes des évêques qui se sont succédé dans les différentes Églises, in ecclesiis, à partir des apôtres, et en recueillant leurs enseignements. Mais, parce qu’il serait trop long d'énumérer les successions épiscopales de toutes les Églises, omnium ccclesiarum, il suffira de citer une Église, celle de Rome, qui a une prééminence telle que nécessairement l'Église entière, omnem Ecclesiam, s’accorde avec elle, que savoir ce qu’elle croit, c’est savoir ce que croit l'Éghse entière dans laquelle a été conservée la tradition apostolique. L’argument est parlai, ement conduit, et la phrase, un peu chargée, comme il arrive souvent à la phrase irénéenne, est grammaticalement irréprochable. Que si l’on réfère in qua à l'Église romaine, on traduira : « Il est nécessaire que toute l'Église (c’est-à-dire les fidèles qui sont de partout) s’accorde avec cette Église (romaine), grâce à qui a toujours été conservée, par les fidèles qui sont de partout, la tradition apostolique. » Ce qui signifie que « les fidèles de tous pays ont toujours conservé la tradition des apôtres dans l'Église de Rome, comme dans rÉt, lise centrale, qui en a la garde et le dépôt ; absolument comme l’on dirait : C’est dans la royauté, dans le pouvoir central, que la France a conservé pendant des siècles ce qui a fait son unité et sa force. » Freppel, Saint Irénée, p. 441. Ce sens est acceptable, un peu tiré toutefois et moins naturel grammaticalement, le relatif s’y rapportant non au substantif le plus proche, mais à un antécédent lointain. Encore convient-il d’observer que ce ne serait pas le seul exemple d’une reprise en un relatif d’un mot déjà lointain qui porte l’idée maîtresse. Cf. F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, t. vii, p. 42, note. Et, si in qua désigne l'Église romaine, la plirase qui vient après, n. 3, col. 849, et où l'Église tout court est l'Église romaine, n’est-elle pas meilleure grammaticalement que si in qua concerne les autres Églises : Fundardes igitur et instruentes beati aposloli Ecclesiam, Lino episcopalum administrandse Ecelesix tradiderunfl Bref, les deux traductions sont plausibles. La première paraît préférable.

Selon qu’on adopte l’une ou l’autre, le sens de necesse est varie. Dans le premier cas, la nécessi é est logique : il ne peut pas se faire que les autres Églises, où est

conservée la tradition apostolique, ne s’accordent pas avec l'Église romaine. Dans le second cas, la nécessité est morale : les autres Églises ont le devoir de s’accorder avec l'Église de Rome.

Pouvons-nous avancer plus loin ? La primauté de l'Église de Rome est elTective. Est-elle souveraine ? Irénée ne le dit pas explicitement ; il oriente vers cette conclusion. S’il est nécessaire que toutes les Églises particulières s’accordent avec celle de Rome à cause de sa primauté, c’est que la croyance de Rome est la règle suprême de la foi universelle. Indiquer la fol qu’elle annonce aux hommes, c’est confondre tous les fauteurs d’hérésie ou de schisme, omnes eos qui quoquo modo… præterquam oporlel colligunt. N. 2, col. 849 ; cꝟ. 1. I V, c. XXVI, n. 2, col. 1 054. Et si une Église fondée par les apôtres entrait en conflit avec Rome ? L’hypothèse est étrangère à la perspective irénéenne ; chez lui aucune allusion à la possibilité d’un désaccord doctrinal de ce genre. Mais, si le cas se présentait — en fait il s’est produit dans l’histoire — Irénée sûrement n’hésiterait pas à donner la préférence à Rome ; l’accord qu’il conçoit ne consiste point en ce que Rome aille vers les autres Églises, mais en ce que les autres Églises aillent vers Rome. C’est Rome qui aurait le dernier mot. Cf. G. Semeria, Dogma, gerarchiae culto nclla Chirsa primiliva, Rome, 1902, i. 304.

Enfin, quand il parle du principat spécial de l'Église romaine, Irénée entend qu’il réside dam le pape, son chef. C’est de la succession épiscopale, qui va des apôtres à nous, eos qui ab aposiolis insliiuli sunt episcopi et successores eorum usque ad nos, col. 848. que dépend la transmission de la tradition apostolique. Aussi, à défaut des autres listes qu’il serait trop long de dresser, Irénée donne-t-il la liste des chefs de l'Église qui a cette autorité princijiale et qui a été fondée par les apôtres Pierre et Paul. Il n’y a pas à s’arrêter i -i à son témoignage sur la venue de saint Pierre à Rome, ni à montrer que la place qi"'il tait à saint Paul n’est pas au détriment de la primauté de saint Pierre, quoi qu’en ait dit, après tant d’autres, J. Vrai (C. de Meissas), Éphémérides de la papauté, Paris, 1904, p. 160, 213, 343. Voir Pape. Relevons seulement qu’il souligne que, par les successeurs des apôtres Pierre et Paul, la foi prèchée par les apôtres est parvenue jusqu'à nous, eain quam habet ab aposiolis traditionem et annuniialam iiominibus fldem per successionem episcoporum pervenientem usque ad nos. N. 2, col. 848. Et, quand il a terminé ce catalogre des évoques de Rome, depuis Lin jusqu'à Éleuthère, Irénée conclut, n. 3, col. 851 : « C’est de cet ordre et par cette succession qu’est arrivée jusqu'à nous la tradition des apôtres et l’enseignement de la vérité. El est plenissiina hœc ostensio unam et eamdem vivificatricem fidem esse quæ in Ecclesia ab aposiolis usque nunc sil conservata et trad.la in veritate. » N’est-ce pas dire équivalemment que le pape est le gardien suprême de la fol véritable ?

En résumé, la supériorité que saint Irénée proclame n’est point due à l’importance civile de Rome ni à l’importance de l'Église romaine en tant qu’elle résulte de l’importance de la ville de Rome ; c’est une supériorité de l'Église romaine due à un caractère intrinsèque. Ce n’est pas seulement une prééminence commune aux Églises apostoliques en raison de leur origine, qui serait potentior dans l'Église de Rome, une prééminence honorifique qui la rendrait prima inter pares. Ce n’est pas même seulement une supériorité de primauté indéterminée, et nous n’avons pas une affirmation seulement implicite de la primauté juridique de l'Église de Rome. Mais nous avons une afiirmation explicite, affirmation qui, parce qu' Irénée traite une question d’ordre doctrinal, porte uniquement sur la primauté juridique envisagée au point de vue doctrinal. Cf. Flamion, Rapport sur les travaux du séminaire historique

(1898-1899), dans V Annuaire de V Université catholique de Louvain, Louvain, 1900, p. 384-389. Saint Irénée aiïirme, en termes clairs, une primauté effective. De son texte il est légitime de conclure qu’elle est souveraine et qu’elle réside dans le pape.

d) La conduite d' Irénée envers le pape. — On a cru saisir, dans la conduite d* Irénée lors de la controverse pascale, la preuve que pratiquement il n’aurait pas reconnu la primauté du pontife romain et l’indice que le texte du Contra hæreses n’attribuerait pas à l'évêque de Rome une autorité souveraine. Cf., entre autres, J.-J. Ampère, Histoire littéraire de la France sous Charlemagne et durant les x » et xie siècles, 2e édit., Paris, 1868, 1. 1, p. 177 ; C. Graul, Die christliche Kirche an der Schivelle des irenaischen Zeitalters, Leipzig, 1860, p. 138 ; Jean Vrai, Éphémérides de la papauté, p. 88. Il faut avoir lu bien distraitement les textes pour attribuer à l'évêque de Lyon une pareille indépendance. Sans doute, le pape Victor ayant entrepris de séparer les Asiates de la communion catholique à cause de leur attachement à l’usage de célébrer la Pâque le 14 nisan, Irénée lui écrivit une lettre où il lui remontrait que l’observance de la Pâque dominicale n'était pas un de ces articles pour lesquels on doive repousser quelqu’un ; il écrivit dans le même sens aux évêques. Cf. Eusèbe, H. E., t. V, c. xxiv, P. G., t. xx, col. 500508. Pure question d’opportunité. Sur le fond du débat, lui, Irénée, disciple de Polycarpe, attaché par ses origines au rite oriental, il se rangea au parti du pape, et, dans les mêmes lettres aux évêques qui réclamaient contre l’opportunité de la sentence de Victor, il ne songea pas à protester contre le pouvoir du pape de prononcer l’excommunication, mais demanda qu’on célébrât la Pâque comme Victor le voulait. Eusèbe, col. 500. N'était-ce pas reconnaître la primauté du pape, et « comment veut-on que nous parlions si l’on nous interdit de désigner par le nom de chef de l'Église le dépositaire d’une pareille autorité? » L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Églises séparées, 2e édit., Paris, 1905, p. 144. Cf. M. Capellari (Grégoire XVI), Triomphe du Saint-Siège et de l'Église, c. xix, n. 5, trad. Jammes, dans Migne, Démonstrations évangéliques, Paris, 1843, t. xvi, col. 991-992. La conduite d' Irénée ne contredit pas ses paroles.

4. L’injaillibilité de l'Église et la règle de foi. — Puisqu’il est nécessaire que toutes les Églises se conforment à l’enseignement de l'Église de Rome, il faut que l'Église de Rome soit infaillible, sinon toutes les Églises pourraient se trouver dans l’obligation d’embrasser l’erreur. L’indéfectibilité de l'Église, implicitement contenue dans le necesse est omnem convenire Ecclesiam, est énoncée ailleurs d’une façon plus directe. Irénée compare l'Église à la femme de Lot changée en statue de sel, laquelle, d’après la tradition juive, retrouvait ses membres à mesure qu’on les coupait ; de môme, l'Église, sel de la terre, dum sœpe auferuntur membra, intégra persévérât statua salis, quod est firmamentum fidei, flrmans et prtemittens filios ad Patrem ipsorum. L. IV, c. xxxi, n. 3 ; cf. c. xxxii, n. 9, col. 1070, 1078. La route de ceux qui sont d'Église est sûre, quippe firmam habens ab aposiolis traditionem… Et Ecclesiæ quidem preedicatio vera et firma, apud quam una et eadem salutis via in universo mundo ostenditur. L. V, c. XX, n. 1, col. 1177 ; cf. Dem., c. xxvi, p. 680. C’est qu’elle est « l'Église de Dieu. » L. I, c. vi, n. 3 ; c. xiit, n. 5, col. 508, 588. La foi cjue nous tenons de l'Église échappe à toutes les vicissitudes, à tous les changements, car « elle vient du Saint-Esprit qui la rajeunit sans cesse, comme un dépôt du plus grand prix conservé dans un vase précieux et qui rajeunit le vase lui-même. » L. III, c. xxiv, n. 1, col. 966. Cette foi est un don de Dieu, continue Irénée, comme le fut le souffle donné à Adam pour vivifier tous ses

membres. En elle (P.'Batifîol, L'Église naissante et le catholicisme, p. 247, n. 4, propose de lire in ea, entendu de l'Église, au lieu de in eo que porte le texte de Massuet et qui se rapporte à hoc enim Ecclesiæ creditum est Dci mnnus) a été déposée la communication du Christ, c’est-à-dire l’Esprit Saint, arrhes de l’incorruptibilité, confirmation de notre foi, échelle de notre ascension à Dieu. Car dans l'Église Dieu a établi… toute l’opération de l’Esprit. Ubi enim Ecclesia ibi et Spirilus Dei, et ubi Spirilus Dei illic Ecclesia et omnis (jratia ; Spirilus autem writas. » Ce n’est pas tout à fait la définition du concile du Vatican ; c’en est la préparation. L'Église possède le charisme de la vérité, charisma veritatis certum. L. IV, c. xxvi, n. 2, col. 1053. Cf. H. Bôhmer, Zu deni Zeugnisse des Irenaus von dem Ansehen der rômischen Kirche, dans la Zcitsehrijt fiir ncutesiam’jntliche Wissenscha/t, Gicsscn, 1906, t. vii, p. 193-201 ; U. Mannucci, dans lu Rivista storico-critica délie seienie teologiche, Rome, 1907, t. iii, p. 699-700. Le mot veritatis et fldei nanquam deficientis charisma se lit dans le concile du Vatican, const. Pastor œternus, sess. IV, c. m. Cf. Denzinger-Bannvart, Enr.hiridion, n. 1837.

Tout cela étant, l'Église est lu critère suprême de la vérité, la règle de foi ultime. Pas de règle de la vérité possible chez les hérétiques qui suivent leurs pensées propres, leurs opinions particulières et aboutissent, de la sorte, à une incroyable diversité de doctrines. L. III, c. xii, n. 6, col. 898. « La prédication de la vérité, la règle de notre salut, la voie qui mène à la vie, les prophètes l’ont annoncée, le Christ l’a établie, les apôtres l’ont transmise, partout l'Église l’oflre à ses enfants. « Dem., c. xcviii, p. 730. « Là donc où ont été placés les charismes du Seigneur, c’est là qu’il faut apprendre la vérité, chez ceux qui ont dans l'Église la succession apostolique… Ils gardent notre foi au Dieu unique, créateur de toutes choses ; ils augmentent notre amour pour le Fils de Dieu, qui pour nous a disposé de si merveilleuses choses ; ils nous exposent les Écritures sans péril d’erreur, sans blasphémer Dieu, sans insulter les patriarclies, sans mépriser les prophètes. » Conl. hier., t. IV, c. xxvi, n. 5, col. 1056. Non oportet adhuc quærere apud alios veritatem quam facile est ah Ecclesia sumere, cum apostoli, quasi in depositoriam dives, plenissime in eam contulerint omnia qusa sint veritatis, uti omnis quicumque velit sumat ex. ea potum vilse. L. III, c. iv, n. 1, col. 855.

5. Nécessité d’appartenir à l'Église. — Elle découle de tout ce qui précède, notamment de l’Ubi Spirilus Dei illic Ecclesia et omnis gratia, Spirilus autem Veritas

Être hors de l'Église, c’est être hors de la vérité, omnes cos qui sunt extra veritatem, id est qui sunt extra Ecclesiam. L. IV, c. xxxiii, n. 7, col. 1076. Quotquot autem absistunt ab Ecclesia…. vere a semetipsis sunt damnati. L. I, c. xvi, n. 3, col. 633. Et, t. IV, c. xxvi, n. 2, col. 1054 : Omnes autem hi deciderunt a veritatc. E' hxretici quidem…. a cœlesti igné comburentur, quemadmodum Nadab et Abiud. Qui vero exsurgunt (contra) veritatem et altéras adhorlantur adversus Ecclesiam Dei rémanent apud inferos. voragine lerræ absorpti, quemadmodum qui cirea Corc, Dathan et Abiron. Qui autem scindunt et séparant unitalem Ecclesiæ eamdem quam Jéroboam pcenam percipiunt a Deo. Cꝟ. t. iii, c. IV, n. 1 ; t. V, c. xx, col. 855, 1177-1178. Hors de l'Église, pas de salut. Elle est la seule mère légitime des fidèles. L. III, c. xxiv, n. 1, col. 966 : Cujus (Spirilus) non sunt participes omnes qui non currunt ad Ecclesiam, scd semetipsos fraudant a vila per sententiam malam et operationem pessimam… Quapropter qui non participant eum, neque a mamillis matris nutriuntur in vitam, neque percipiunt de corpore Christi procedenlin nitidissinuim fonlem. Cf., sur

VEcclesia mater, A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 1. 1, p. 373, note ; J. Lebreton, Mater Ecclesia, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. II, p. 572-573 : P. de L(abriolle), Le style de la lettre des chrétiens de Lyon, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1913, t. iii, p. 199 ; P. Galtier, La Vierge qui nous régénère, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1914, t., p. 138 ; H. Leclcrcq, dans le Dictionnaire d’arehéolngir chrétienne et de liturgie, Paris, 1921, t. iv, col. 223r2238. Elle est le paradis du monde présent, le paradis dans lequel on fructifie, hors duquel on n’est bon que pour le feu. L. V, c. xx, n. 2 ; cf. c. x, n. 1, col. 117<s, 1147-1148.

6. L'Église et l'État. — Une théorie complète des rapports entre l'Église et l'État n’entrait pas dans le sujet d’Irénée. Il en esquisse pourtant quelque chose. Lui, contemporain de la persécution de Marc-Aurèle, il parle de l’autorité impériale en des termes qui, pour n’avoir pas la chaleur de ceux des apologistes du iiie siècle, n’en témoignent pas moins d’un respect et d’un loyalisme impeccables. « L’empereur notre maître, » dit-il, t. II, c. VI, n. 2, col. 725. Le pouvoir vient de Dieu, non du démon. L. IV, c. xxxvi, n. 6 ; t. V, c. XXIV, n. 1, col. 1096-1097, 1180-1187 ; cf. Bossuet, Defensio dcclarationis cleri gallicani, part. 1, t. I, sect. i, c. x ; sect. ii, c. m. Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1879, p. 161, 190-191. L’autorité civile a des droits et des devoirs. « Les magistrats qui suivent la justice ne seront pas punis pour ce qu’ils auront prescrit de juste et de légitime ; mais tout ce qu’ils auront fait d’injuste, d’inique, d’impie, contre la loi, à la manière des tyrans, les perdra, le juste jugement de Dieu parvenant également à tous et ne manquant jamais. » L. V, c. XXIV, n. 2, col. 1187. « L’homme, éloigné de Dieu, est devenu furieux^ comme il ne connaissait ^ pas la crainte divine. Dieu lui a imposé la crainte humaine, afin que, soumis aux hommes, contraint par leurs lois, il atteignît quelque justice et quelque modération envers les autres. Le royaume terrestre a donc été constitué pour l’utilité des gentils, par Dieu (non par le diable, qui nunquam omnino quieius est, imo qui ncc ipsas quidem gentes vult intranquillo agere), en telle sorte que, craignant l’autorité, les hommes ne se mangent pas entre eux vice piseium, mais par la vigueur des lois repoussent la multiple injustice des gentils. Et, en cela, ceux qui exigent de nous les tributs sont, d’après le mot de saint Paul, Rom., xui, 6, Us ministres de Dieu et le servent. » L. V, c. xxiv, n. 1, col. 1187. Irénée assimile les princes à des agents de police ; « un peu plus il dirait que les princes sont faits pour les seuls païens, comme chez nous les agents de police servent seulement à maintenir les coquins en respect. » Était-ce là, au fond, l’idée de saint Irénée, connexe avec son millénarisme qui lui aurait fait regarder l’empire « comme une construction provisoire destinée à s'écrouler bientôt pour laisser la place au règne du Christ et des élus ? » P. Allard, Histoire des persécutions pendant la première moitié du il Je siècle, Paris, 1886, p. 152. Peut-être. En tout cas, la phrase suivante, n. 3, col. 1187-1188 : Cujus jussu homines nascuntur hufus jussu et reges constiluuntur apti his qui illo tempore ab ipsis regnantnr, formule heureusement la thèse de l’origine divine du pouvoir. Jamais Irène e n’a, à la différence d’autres partisans du millénarisme, une parole de colère ou de résistance contre l’autorité impériale. Et même il vante, dans un chapitre fort curieux, t. IV, c. xxx, n. 3, col. 1060, les bienfaits de la civilisation romaine : « par les Romains le monde a la paix et nous pouvons sans crainte voyager pai terre et par mer partout où nous voulons. » Voir les textes d' Irénée dans E. Preuschen, Analekta. Kiirzere Texte zur Geschichte der alten Kirche und des Kanons, IRÉNEE (SAINT)

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1. 1, Slaat uncl Christentum bis ouf Konslanlin. Kalendurien, 2- édil., Tubinguc, 1909.

1° La notion de l'Église. — G. R. van Hoëvell, De Ireniei dogmale de unitate Ecclesiæ cum Pauli noiione comparata, Groningue, 1836 ; A. Ritschl, Die Entsteliung der altkatliolischen Kirclie, 2e édit., 1 857, Bonn, 1. 1, p. 312 sq. ; Hagemann, Die roniisclie Kirche in der ersten drei Jahrlmnderien, Fiibourg-en-Biisgau, 1864, p. 598-627 ; H. Ziegler, cf. la bibliographie des travaux d’ensemble et celle de l'Écriture ; Rambouillet, Saint Irénéc et rin/aillibilite Paris, 1870 ; J. CozzaLuzi, i'. Ireneo, Stadi sull' autorità del R. ponlefice, Rome, 1870 ; K. Hackenschmidt.Di’e An/dnge des katliolischen Kirchenbegriffs, 1874, 1. 1, p. 83 ; R. Seeberg, Der Bcgriff der cliristliclien /v(rc/ie, 1885, t. i, p. 16 ; J. Werner, cf. la bibliographie de l'Écriture ; H. Monnier, La notion de l’apostolat des origines à Irénée, Paris, 1903 ; J. Turmel, Histoire de la titéologie positive du concile de Trente au concile du Vatican, Paris, 1906, p. 15-16, 24, 29, 40, 115, 116, 118, 126, 224, 226 ; P. Batiffol, Le gnosiicisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 167-175 ; L'Église naissante et le catholicisme', c. iv. Le catholicisme de saint Irénée, 3e édit., Paris, 1909, p. 195-276 ; N. Bonvvestoh, Der Schriftbeweis fiir die Kirche aus den Heiden als das walire Lsræl bis au) Hippolyt, Leipzig, 1908. — 2° Le texte sur la primauté de l'Église romaine. — Freppel, Saint Irénée et la primauté du pape, Rome, 1870 ; G. Schneemann, S. Ircnœi de Ecclesiæ romanæ principatu testimonium commentatum et defensum, Fribourg-en-Brisgau, 1870 ; Acta et décréta concil. récent., Fribourg-en-Brisgau, 1873, t. iv, p. v-xxxiv ; anonyme, Das Zeugniss des Irenàus fiir den Primat und die normgebende Lehrautoritàt der rômischen Kirche, dans les Hislorischpolitische Blàtter fiir das katholische Dentschland, Munich, 1874, t. Lxxiii, p. 253-266, 333-360 ; H., Das Zeugniss des heil. Irenàus fiir den Primat des rômischen Bischofs, ibid., 1884, t. xciv, p. 875-896 ; A. Harnack, Das Zeugniss des Irenàus iiber das Ansehen der rômischen Kirche, dans les Silzungsberichte der kôn. preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1893, p. 939-955 ; J. Chapman, Le témoignage de.S. Irénée en faveur de la primauté romaine, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1895, t. xii, p. 49-64 ; F. X. Funk, Der Primat der rômischen Kirche nach Ignatius und Irenàus, dans ses Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Untersuchungen, Paderborn, 1897, t. i, p. 12-13 ; Flamion, Rapport sur les travau.v duséminnire historique f 1898-1899) ; dans l’Annuaire de l’Université catltolique de Louvain, Louvain, 1900, p. 384-389 ; G. Semeria, Dogma, gerarehiae culto nella Chiesa primitiva, Rome, 1902, p. 297-304 ; L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Églises séparées, 2'- édit., 1905, Paris, p. 118-121 ; cf. p. 141-145 ; H. Bôhmer, Zii dem Zeugnisse des Irenàus, von dem Ansehen der rômischen Kirche, dans la Zeitschrift fiir die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urcliristentums, Giessen, 1906, t. vii, p. 193-201 ; (Sinthern), Il testimonio di S. Ireneo sulla Chiesa romanae sull’autorità del R. ponlefice, dans la Civiltà cattolica, Rome, 1908, t. ii, p. 291-306 ; t. iii, p. 33-47 ; J. Turmel, Histoire du dogme de la papauté des origines à la fin du /F" siée/c, Paris, 1908, p. 39-44 ; cf. p. 73-79 ; G. Morin, Une erreur de copiste dans le texte d' Irénée sur l'Église romaine, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1908, t. xxv, p. 515-520 ; G. A. KneIler, Der/ie17. Irenàus luid die rômische Kirche, dans les Stimmen aus Maria-Laaclx, Fribourg-enBrisgau, 1909, t. Lxxvi, p. 402-421 ; Dorlholt, dans la Theologische Revue, Munster, 1909, col. 94-95 ; Peters et Mausbach, ibid., col. 126 ; Goussen, ibid., col. 190 ; Dorholt, ibid., 1910, col. 255-256 (sur l’hypothèse de G. Morin) ; J. Stiglmayr, Irenàus Adv. Iiœr., III, JU, 2, immer noch crux interpretum, dans Der Kalliolik, Mayence, 1909, t. XL, p. 401-405 ; Gutberlet, ibid., 1910, t. XLi, p. 2, 37-238 ; M. d' Herbigny, Sur le second « Qui sunt undiquetdans Irénée, TIf, III, 2, dans la Revue ftén^dicfine, Maredsous, 1910, t. xxvii, p. 103-108 ; L. Salvatorelli, La principalità délia Chiesa romana in Ireneo ed in Cipriano, Rome, 1910 ; B. Walkley, The testimony of S. Irenæus in favour o/ the roiHan primacy, dans The irish theological Quarterly, Dublin, 1913, t. viii, p. 284299 ; F. X. Roiron, Sur l’interprétation d’un passage de S. Irénée, Cont. hxr.. Il 1, 1 II, 2, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. vii, p. 36-51 ; G. Esser, Das Irenàuszeugniss fiir den Primat der rômischen Kirche, dans Der Katholik, Mayence, 1917 ; L. Saltet, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1920, p. 180-186. — 3° La liste des papes et les anciennes listes épiscopales des grands sièges. — A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Littera tur bis Eusebius, Leipzig, 1897, t. lia, p. 70-260 : A. Michiels L’origine de l'épiscopal, Louvain, 1900, p. 306-336 ; J. Flamion, Les anciennes listes épiscopales des quatre grands sièges, dans la Revue d’histoire ecclé.^iastique, Louvair, 19001901, t. I, p. 045-678 ; t. ii, p. 209-238, 503-528 ; J. Chapman, La chronologie des premières listes épiscopales de Rome, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1901-1902, t. xviii, p. 399-417 ; t. xix, p. 13-37, 145-170 ; H. Bôhmer, Zur altrômischen Bischofsliste, dans la Zeitschrift fiir die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, Giessen, 1906, t. vii, p. 333-389. Voir t. v, col. 1675-1676.

/II. LE mis U UNIQUE ET CRÉATEUR. — 1° DicU Un.

— Voir t. IV, col. 1036-1039, 1054.

20 Dieu trine. — 1. État de la question. — La doctrine trinitaire d' Irénée a été souvent présentée comme en désaccord plus ou moins accentué avec l’orthodoxie catholique. Cf., par exemple, les centuriateurs de Magdehourg, Ecclesiastica fiistoria, cent. II, c. x, Bâle, 1559, t. ii, col. 227 ; parmi les modernes, V. Courdaveaux, Saint Irénée, dans la Revue de l’histoire des religions, Paris, 1890, t. xxi, p. 172 ; J. Pédézert, Le lémoignaç/edes Pères, Paris, 1892, p. 234-235 ; A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengescliichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1. 1, p. 539-542 ; Des heil. Irenàus Schrift zum Erweise der apostoUsehen Verkùndigung, Leipzig, 1917, p. 61, etc. On a dit qu' Irénée fait le Fils inférieur au Père et le Saint-Esprit au Fils ; qu’il professe une sorte de modalisme ; que la personnalité du Verbe et surtout celle du Saint-Esprit sont atténuées ou même disparaissent. Voir encore t. v, col. 697, sur Nosgen, Geschichte der Lehre vom Heiligen Geiste, Gutersloh, 1899 ; A. Dupin, La Trinité et la théologie des hrjposlases dans les trois premiers siècles, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1906, t. XI, p. 355.

Une étude attentive et complète des textes conduit à des conclusions tout autres. Irénée nomme fréquemment la Trinité, sans en excepter le Saint-Esprit, quoi que prétendent les centuriateurs de Magdehourg. Comme tous les Pères grecs, il met au premier plan les trois personnes et non l’imité divine, à la différence des Pères latins qui insistent sur l’unité divine et mohis sur les personnes. A coup sûr, dans une matière où l’esprit humain ne pourra jamais que balbutier, il n'évite pas les balbutiements. Quelques expressions, faute d’avoir eu leur sens défmi, comme il le fut plus tard, sont quelque peu flottantes et seraient tenues aujourd’hui pour incorrectes. D. Pelau, De Trinitate, præt., c. i, n. 1 2, dans ses Dogrnata theologica, édit. J.-B. Fournials, Paris, 1865, t. ii, p. 259, l’avait classé entre les Pères anténicéens qui, in omnibus re consentientes, loquendi dumtaxat modo dissident ub usitata præscriplione. Et L. Duchesne, Les témoins anténicéens du dogme de la Trinité, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, Amiens, 1882, t. xlvi, p. 512 ; cf. p. 523-524, le place parmi ceux qui, tout en ne présentant pas toutes les précisions et tous les développements qui vinrent dans la suite, ont une notion saine du dogme de la Trinité. F. Bonifas lui-même. Histoire des dogmes, Paris, 1886, t. i, p. 289-290, 293-294, 299, s’il n'évite pas toute équivoque, estime que dans Irénée « le fait ontologique de la Trinité est déjà implicitement affirmé. » Nous constaterons que c’est exact : la doctrine trinitaire d' Irénée est remarquable, plus complète et satisfaisante qe chez ses prédécesseurs.

2. L’existence des trois personnes.

Le mot trinitas se trouve une fois, Cont. h : er., t. II, c. xv, n. 1, col. 758, à propos des éons du gnosticisme, non pour désigner la Trinité chrétienne. Mais les trois personnes occupent une grande place dans la théologie d' Irénée. Le point de départ est évidemment la formule du baptême. Cꝟ. t. I, c. IX, n. 4 ; c. X, n. 1, col. 545, 549 ; Dem., c. iii, vn, c, p. 662, 664, 731 ; K. Passaglia, De ratione divinm ^

Trinitatis cuiusmodi in christianis symbolis vetustisque eorumdem commentariis exhibetur, c. xxii, dans ses Commentarii theologici, Rome, 1 850, p. 38-40 (2<' pagination). Les « trois articles principaux de notre baptême :. Dieu le Père, le Verbe de Dieu, le Saint-Esprit, le développent dans cette règle de foi dont Irénée trace la formule avec des variantes qui n’altèrent pas l’identité du fond, t. I, c. x, n. 1 ; c. xxii, n. 1 ; t. IV, c. VI, n. 7 ; c. ix, n. 9 ; c. xxxiii, n. 15 ; l.V, c xx n l' col. 549-552, 669, 990, 997-998, 1083, 1177 ; surtout Dem., où, coup sur coup, il la donne d’abord sous sa forme baptismale, c. iii, puis sous deux formes plus complètes, c. y-vi, et, enfui, la reprend au moment de clore sa démonstration, c. c, p. 662, 663-664, 731. Nous avons vu qu’elle sert de cadre au Contra hæreses. Il ramène constamment l’attention sur les trois personnes divines. Cꝟ. t. III, c. vi, n. 1, 4 ; c. xvii n 3c. xviii, n. 3 ; 1. IV. c. i, n. 1 ; c. xx, n. 1, 3, 5 : c. xxxm', n. 7 ; c. xxxviii, n. 3 ; t. V, c. viii, n. 3 ; c. xviii, n. 2 : c. xxxvi, n. 2 (fmale du traité), col. 860, 863, 930, 934, 975, 1032, 1033, 1035, 1077, 1108, 1 143-1 144, 1173, 1223. Il voit la Trinité dans le Faciamus hominem de la Genèse, i, 26. Cꝟ. t. IV, præf., n. 4, c. xx, n. 1 ; t. V, c. I, n.3 ; c. XV, n. 4, col. 975, 1032, 1123, 1166 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 441-442, note. Pour lui, les trois personnes divines sont figurées par les espions que Josué envoya et grâce à qui fut sauvée Rahab qui les avait reçus. L’Ecriture n’en mentionne que deux, Jos., ii, 1 ; Irénée, par inadvertance ou parce qu’il avait en mains un texte différent du nôtre, dit qu’ils étaient trois L. IV, c. XX, n. 12, col. 1043. Le molDominus, qui se lit deux fois, Gen., xix, 24, lui paraît signifier la première fois le Père et la seconde lois le Fils. L. III. c. vi n 1 col. 860. '.

3. Le vie des personnes divines ad intra.

Irénée marque la distinction et la consubstantialité des personnes divines.

Quand il nomme.. Dieu » tout court, il désigne le Père, conformément au langage de l'Écriture et de l’ancienne littérature chrétienne. Il écrit donc : Qui et soins est Deiis et Pater. L. III, c. xxv, n. 7 ; cꝟ. 1. 1, c. x, n. 1 ; 1. : ii, c. VI, n. 4-5, col. 972, 550^ 863 ; Dem., c. iii, p. 662, etc. Le Verbe de Dieu ou Fils de Dieu, car Irénée emploie indistinctement ces noms, cꝟ. t. ii, c. xxviii, n. 6 ; c. xxx, n. 9 ; t. III, c. xviii, n. 1 ; t. IV, c. VI, n.3 ; c.xx, n. 3, col. 809, 823, 932, 987, 1033 ; Dem., c. vii, p. 664-665, etc., est appelé encore Verbe du Père, Fils unique de Dieu. L. I, c. ix, n. 3, col. 541 ; cꝟ. 543. L'Écriture qui ne nomme « Dieu » tout court, définitive et absoluie, que celui qui est vraiment Dieu — ne nommant pas « dieux » tout court, in toliim, ceux qui ne sont pas vraiment dieux, sed cum aliquo addilamento et significatione per quam oslenduntur non esse du — l’appelle Dieu et Seigneur, et n’appelle Dieu et Seigneur que le Dieu et Seigneur de tous et son Fils Jésus-Clirist, notre Seigneur. L. III, c. vi ; cf. c. ix, n. 1 ; c. xvi ; c. xix ; t. V, c. i, n. 1, col. 860-864, 868 ! 919-929, 938-941, 975. Sur l’argument qu’il tire de Rom., IX, 5, cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 317-318, note. Mais, de même que < Dieu » est dit principalement du Père, « Seigneur. est dit ordinairement du Fils. Quant au Saint-Esprit, parce que l'Écriture ne l’appelle pas Dieu, mais n’appelle Dieu que le Père et son Verbe, et, 'dans un sens large, ceux qui reçoivent l’Esprit d’adoption, t. IV, c. i, n. 1, col. 975, Irénée ne l’appelle pas Dieu, mais Esprit de Dieu, Esprit du Père, Esprit du Fils. L. II, c. xxvrn, n. 2 ; t. IV, c. xxxiii, n. 7, 15, col. 805, 1077, 1083, etc. Cette manière de parler fut adoptée par quelques-uns des Pères qui défendirent le plus fortement la divinité du Saint-Esprit. Mais, une fois, Irénée, comme s’il oubliait ses alTirmations sur

l’application exclusive du nom de « Dieu » au Père et ' au Fils, citant Is., lvii, 16, dit que le prophète met' proprement en Dieu l’Esprit, t6 IlTrvsùfxa LStwç èni Tou 0£oG Ta^aç, que, dans les derniers temps, il a répandu, par l’adoption des fils sur le genre humain, l’Esprit sempiternel, l’Esprit qui vivifie. L. V, c. xii, n. 2, col. 1152, 1153. Ailleurs il dit que n le sang que le Christ a reçu dans son incarnation ne vient pas de l’homme, mais de Dieu qui l’a formé, » Dem., c. lvii, disant d’autre pari à trois reprises, c. xl, li, lix, p. 704, 689, 698, 705, que le corps du Christ a été conçu par l’opération du Saint-Esprit.

Le Verbe est engendré par le Père. Comment ? Nul ne le sait. Prolationem istam, sive generationem, sive nuncupationem, sive adapertionem, uut quolibet quis nomine vocaverit generationem ejus inenarrabilem existentem, nemo novit. Irénée repousse, avec l'émission des gnostiques, les explications qui assimilent la production du Verbe à celle de la parole humaine. Ceux qui essayent de raconter l’inénarrable non sunt sui compotes, et ils sont tournés en dérision, quasi ipsi obstetricaverint. L. II, c. xxvrn, n. 6, col. 809 ; cf. Dem., c. Lxx, p. 713- Cette génération est éternelle : semper autem coexistens Filius Patri. L. II, c. xxx, n. 9, col. 823 ; cf. Dem, c. xxx, Lm, p. 683, 699. Non enim infectus es, o homo, neque semper existebas Deo sicut proprium ejus Verbum. L. II, c. xxv, n. 3 ; cꝟ. t. III, c. xviii, n. 1 ; t. IV, c. xiv, n. 1 ; c. xx, n. 3, col. 799, 932, 1010, 1033. Irénée traduit Gen., i, 1 : « Le Fils était au commencement, Dieu créa ensuite le ciel et la terre. » Dem., c. xun, p. 692. Le Verbe est consubstantiel au Père. Le mot ôii-ocûaioç, employé plusieurs fois par Irénée dans l’exposé des théories gnostiques, t. I, c. v, n. 5 ; c. XI, n. 3 ; 1. II. c. xvii, n. 2, 6, 7 (l’original grec manque pour ces trois derniers textes, qui portent, dans la traduction : ejusdem substantiœ) n’est pas appliqué au Verbe ; mais tout ce qui est dit de la divinité du Verbe en inclut l’idée. Citons seulement deux merveilleux textes. Con^/ ! a ; r., l. IV, c.iv, n.2, col. 982 : Et bene qui dixit ipsum immensum Patrem in Filio mensmatum, mensura enim Patris Filius, quoniom capit eum ; sur quoi Petau, De Trinitate, præf., c. ni, n. 2, t. II, p. 267 : Tanta est horum verborum majestas et dignitas ut, ad commendandam Patris et Filii omni ex parte absalutam œqualitatem, instar sint amplissimi voluminis. Nam, si immensus est Pater et infinitus, et hune tamen capit ac metitur Filius, adœquari hune cum illo neeesse est. Et celui-ci : Dem., c. xlvii, p. 695 : « Le Père est Seigneur, et le Fils est Seigneur. Le Père est Dieu, et le Fils est Dieu, car celui qui est né de Dieu est Dieu. Ainsi donc, si nous considérons son être et sa puissance, nous devons confesser un seul Dieu. » Le Père et le Verbe sont l’un dans l’autre jusqu'à l’identité de substance ; Irénée affirme cette inexistence mutuelle des divines personnes, surtout du Père et du Verbe, l’une dans l’autre, la 7T£ptxwpr]ai( ; de saint Jean Damascène, la circumincession des scolastiques. Voici quelques textes. L. III, c. vi, n. 2, col. 861 : Per Filium itaque qui est in Pâtre et habet in se Patrem. L. IV, c. XIV, n.l, tol. 1010 : Ante omnem conditionem glorificabat Verbum Patremsuum manens in eo. L. IV, c. xx, n. 3, col. 1033 : Verbum, id est Filius, semper cum Paire eral… Spiritus crat apud eum ante omnem ^onstitutionem. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2424-2420.

Après cela, il est aisé de comprendre des expressions d’apparence subordinatienne, telles que : Filium, qui dominium accepit a Pâtre suo omnis conditionis, (conditio = création) !. III, c. vi, n. l ; col. 860 ; cf.Denî., c. xLi, p. 690 ; Pater conditionem simul et Verbum suum portons et Verbum portatum a Pâtre, t. V, c. xviii, n. 2, col. 1173 ; Pater major me est, l.II, c. xxviii, n. S. col. 811 (Joa., XIV, 28) ; Ipse Filius Dei ipsum judicii diem et horam concessit scire solum Patrem, t. II, '^^ ;

IRENEE (SAINT

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c. xxviii, n. 6, col. 808 (Marc, xiii, 32) ; le Verbe et le Saint-Esprit sont dits ministres du Père qui conunande dans la création, t. IV, c. vii, n. 4, col. 993, etc. Cf. Ginoulhiac, Histoire du dogme catholique pendant les trois premiers siècles de l'Église, 2e édit., Paris, 1866, t. ii, p. 270-291. Telle ou t. Ile formule d’Irénée a pu être perfectionnée ultérieurement ; mais, en somme, quand il ne se borne à répéter les expressions des Évangiles et de saint Paul, le contexte montre qu’il pense conformément h l’orthodoxie catholique. Le subcrdinatianisme qu’il admet, c’est ou le subordinatianisme qui est réel s’il s’agit du Verbe incarné considéré en tant qu’homme, du Christ « qui, étant le Verbe du Père, était auprès du Père, et qui s’est fait homme et a subi la condition de l’humaine naissance, » Dem., c. LU, p. 699, ou un subordinatianisme nominal qui est inévitable dès que l’on envisage le Père comme source de la Trinité, et qui, tenant à l’indigence de nos pauvres mots incapables d’exprimer l’ineffable, est légitime pourvu qu’il n’entraîne pas l’infériorité de l’une ou l’autre personne et laisse intacte la parfaite possession par chacune d’elles de la nature divine. Au Saint-Esprit pareillement Irénée attribue la personnalité et la consubstantialite divines. Voir t. v, col. 702-704. Ici la terminologie irénéinne pourrait prêter à des confusions qu’il importe d'éviter. Alors que la plupart des Pères ont identifié la Sagesse des Livres sapientiaux avec le Verbe, Irénée, après Théophile d’Antioclic, Ad Autoli/cum, t. I, c. vii, P. G., t. VI, col. 1036, l’identifie non avec la deuxième, mais avec la troisième personne de la Trinité. En soi la chose est explicable, car toute la Trinité n’est pas affirmée dans les textes sapientiaux : " seule la Sagesse se distingue de Dieu, et encore n’a-t-elle point tout le relief d’une per'-onnalité vivante ; l’Esprit ii ? s’en distingue pas plus que le Logos. » J. I^ebreton, Les origines du dogme de la Trinité', p. 1 18. Quand il appelle le Saint Esprit Sagesse, t. II, c. xxx, n. 9 ; t. IV, c. viii, n. 4 ; c.xx, n. 1, 3, col. 822, 993, 1032, 1033 ; Dcm., c. x, p. 667, Irénée, loin d’entendre que le Verbe et le Saint-Esprit soient une personne unique, marque nettement leur distinction : Vcrbum, id est Filius, semper cum Pâtre erat… Et Sapientia, quæ est Spiritus, erat apud euni ante omnem constitutionem. La confusion pourrait provenir encore de ce qu’il arrive à Irénée d’appeler le Fils de Dieu Esprit, t. III, c. x, n. 2, col. 874-875, disant que et salus et Salvator et salutare vere et dicitur et est… ; est enim Saluator quidem quoniam Filius et Verbum Dei, salutare autem quoniam Spiritus, « spiritus enim, inquil, faciei nostrse Christus Dominus, » salus autem quoniam caro. Cf. Dem., c. lxxi, p. 713. Irénce est influencé par la traduction défectueuse du verset des Lamentations, iv, 20, qu’il cite. D’autres qu' Irénée ont appelé Esprit le Fils de Dieu incarné. Cf. L. Tonetti, L’anima di Cristo nella teologia del Nuovo Testamentoe dei Padri, 1, Anima, spirito e dioinità, dans la Rivista storico-critica délie scienzc teologiche, Rome, 1909, t. v, p. 102-103. Quoi qu’il faille penser de la correction théologique de leur langage, en ce qui regarde Irénée, tout se réduit à une indécision fâcheuse de ternainologie ; le fond de son enseignement n’en est pas atteint, et la distinction entre le Verbe et l’Esprit Saint éclate tout le long de son œuvre. C’est à tort également qu’on a conclu la négation de la personnalité du Saint-Esprit de la formule : In Cliristi nominesubauditur qui unxit, et ipse qui unelus est, et ipsa unclio in qua unctus est. Et unxit quidem Pater, unctus est vero Filius in Spiritu, qui est unctio. L. III, c. xviii, n. 3 ; cf. c. ix, n. 3, col. 871-872, 934 ; Dem., c. XLvni, lii, p. 695-696, 700. Bien des Pères dont l’orthodoxie est sûre ont employé cette formule. Ailleurs, t. III, c. vi, n. 2, col. 860-861, Irénée lui-même s’exprime de la sorte ; Utrosque enim Dei appellatione

signavit Spiritus, et eum qui ungitur Filium, et eum quiungit, id est Patrem. Le Saint-Esprit est donc distinct du Père et du Fils. Cꝟ. t. IV, c. xxxiii, n. 15, col. 1083^ Ex quo (Spiritu Dei) qui credunt Deo et sequuntur Verbum ejus percipiunt eam quæ est ab eo salutem ; Dem., c. LUI, p. 700, « il (le Christ) a été oint par Dieu et par l’Esprit de son Père. »

Irénée ne traite pas ex pro/esso des processions divines. Elles sont insinuées ou sous-entendues dans les textes qui nomment, ' d’abord, le Père incréé, inengendré, non fait, infeclum, Dem., c. v, vi, p. 663-664 ; Cont. hier., t. III, c. VIII, n. 3, col. 868 ; puis, le Verbe, son Fils, Fils unique, engendré, non fait, coéternel, t. I, c. ix, n. 2-3 ; t. II, c. xxv, n. 3 ; t. III, c. xvi, n. 9, col. 540541, 799, 929, etc. ; enfin, le Saint-Esprit, Esprit unique, également coéternel. Cet ordre est invariable, et jamais le Saint-Esprit n’est dit engendré : unus Deus Pater, et unum Verbum Filius, et unus Spiritus. L. IV, c. vi, n. 7, col. 990. Un passage difficile de Dem., c. xxvi, pourrait peut-être s’entendre du Saint-Esprit, « doigt de Dieu, » qui « procède du Père ». Cf. la traduction allemande de K. Ter-Mekersttchian et E. Ter-Minassiantz, Des heil. Irenaus Schrijt zum Erweise der apostoli.ichen Verkùndigung, Leipzig, 1907, p. 15, et la traduction anglaise de "Wilson, P. 0., t. xii, p. 679-680. Le traducteur français, J. Barthoulot, ibid., p. 769, note, pense que cette traduction n’est pas justifiée par le contexte, et traduit obscurément : « Par le doigt de Dieu il faut entendre ce qui est étendu par le Père dans le Saint-Esprit. » Un texte, Cont. Iiter., t. IV, c. vii, n. 4, col. 993, où il est dit que Dieu n’avait pas besoin, pour créer, du ministère des anges, car il avait copiosum et inenarrabile ministerium, ministral enim ei ad omnia sua progenies et figuratio sua, id est Filius et Spiritus Sanctus, devrait se lire très probablement : et figuratio eius, et signifierait que le Verbe est le Fils du Père et le Saint-Esprit l’image du Fils. Cf. Massuet, note à ce texte, et Dissert., 111, a. 5, n. 59, col. 308. On a rapporté aux processions divines les textes sur l’onction que le Père fait du Fils dans le Saint-Esprit ; Irénée les entend du Fils de Dieu incarné, Filius Dei filius hominis factus, col. 934, et, col. 871 ; Secundum id quod Verbum Dei homo erat…, ungebatur ad cvangelizandum.

4. Les œunres de la Trinité '^ad extra » et les missions divines. — « Dieu a tout fait par lui-même, c’est-à-dire par le Verbe et sa Sagesse (le Saint-Esprit). » L. II, c. xxx, n. 9, col. S22. Cette phrase exprime énergiquement l’unité de nature danslatrinité des personnes, « le Verbe et le Saint-Esprit sont ce qu’est le Père même ; et cependant les personnes ne sont pas confondues, puisque l’une agit par les autres. » T. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, t. i, p. 350. Dieu a tout fait par le Verbe qui est sa main, par le Verbe et le Saint-Esprit qui sont ses mains. L. I, c. XXII, n. 1 ; t. II, c. xxx, n. 9 ; t. III, c. xxii, n. 1 ; t. IV, præf., n. 4 ; c. xx, n. 1, 4 ; c. xxxii, n. 1 ; t. V, c. I, n.3 ; c. vi, n. 1 ; c. xv, n. 2 ; c. xvi, n. 1 ; c. xxviii, n. 4, col. 009, 822, 956, 975, 1032, 1034, 1070-1071, 1123, 1137, 1165, 1167, 1200. T. de Régnon, op. cit., t. i, p.S350-353, a mis en lumière cette théorie de la criation, commune à Irénée et à beaucoup de Pères grecs. I II semble que le rôle du Père soit de commander, dans ce sens qu’il est la source d’où part l'ébranlement créateur. Quant aux deux personnes procédantes, elles obéissent, dans ce sens qu’elles exécutent, qu’elles eflectuent, qu’elles accomplissent ; car elles sont les deux mains du Père. Mais, de plus, il semble que l’on distingue le rôle de chacune de ses mains, et que, dans l’exécution de l’ordre paternel, chaque personne conserve le caractère de sa procession distincte. » Le Fils est, par sa génération, l’expansion du Père ; il est celui par qui le Père a établi toutes choses, l’ar2^j4 :

IRENÉE (SAINT ;

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liste de toutes clioses. » L. III, c. xi, n. 8. col. 885. Quant à l’Esprit, « fin » de la Trinité » il finit tout, il perfectionne toutes les (cuvres du Créateur. « Dans la création de l’iioinme, dit saint Irénée, t. IV, c. xxxviir, n. 3, col. Il OS, le Père se complaît et ordonne, le Fils opère et fabrique, l’Esprit nourrit et accroît, et l’homme doucement progresse et monte vers la perfection, c’est-à-dire devient proche de l'Éternel. » Et. Dem., c. v, p. 663 : « Ihi s ul Dieu, le Père, incréé, invisible, créateur de tout… Ce Dieu est intelligent, et c’est pourquoi il a fait les créatures par le Verbe. Et Dieu est esprit ; aussi est-ce par l’Esprit qu’il a embelli toutes choses… C’est le Verbe qui pose la base, c’est-à-dire qui travaille pour donner à l'être sa substance et le gratifie de l’existence, et c’est l’Esprit qui procure à ces différentes forces leur forme et leur beauté. » Ou, plus brièvement, t. III, c. xxiv, n. 2, col. 9C7 : Verbo suo confirmans et Sapientia (l’Esprit-Saint) compingens omnia hiv est qui est solus Deus verus. Parce qu’il est le terme, le Saint-Esprit est le principe de repos, de stabilité, de perfection. « Aussi n’est-ce pas Stà nvEUfxaToç, poursuit T. de Régnon, p. 352, mais Iv nveu[i.aTi, , qu’a lieu toute perfection physique, c’est-à-dire toute beauté, et plus spécialement toute perfection morale, c’est-à-dire toute sainteté. » De là les formules des Pères grecs sur le Père faisant tout et donnant tout par le Verbe dans l’Esprit. Ue là ce magnifique passage d' Irénée, t. V, c. xviii, n. 2, col. 1173 : Pater enimconditionem simulet Verbum portans et Verbum porlatum a Pâtre prseslat Spiriium omnibus, qucmadmodum vult Pater, quibusdam quidem secandam conditionem, quod est fadum, quibusdam autem secundum adoptionem, quod est ex Deo, quod est generatio. Et sic unus Deus Pater ostenditur, qui est super omnia, et per omnia, et in omnibus. Super omnia quidem Pater, et ipse est caput Christi ; per omniaautem Verbum, et ipse est caput Ecclesiæ ; in omnibus autem nobis Spiritus, et ipse est aqua viva quam prsestat Dominus in se recte credentibus et diligentibus se.

Dieu s’inclinant vers la créature, il y a cette marche : du Père au Fils, et du Fils au Saint-Esprit. C’est l’ordre des missions divines : le Père envoie le Fils, t. IV, c. XXXVI, n. 1, 2, 5, col. 1090, 1091, 1092, 1094, et le Fils envoie le Saint-Esprit, don du Père, t. III, c. xvii, n. 2, col. 930 : Quod Dominus accipiens munus a Pâtre, ipse quoque his donavit qui ex ipso participantur, in universam terram mittens Spiritum Sanclum. Inversement, pour remonter de nous à Dieu, par l’appropriation du salut, nous allons de l’Esprit au Fils et du Fils au Père, Spiritu quidem pr séparante hominem in Filio (in Filium, d’après certains manuscrits) Dei, Filio autem adducente ad Patrem, Pâtre autem incorruptelnm douante in œternam vitam. L. IV, c. xix, n. 5cf. n. 6 ; t. V, c. yxxvi, n. 2 (finale du traité), col. 1035, 1036, 1223. Les deux ordres, descendant et ascendant, sont décrits, Dem., c. wi, p. 664-665 : « Quand nous sommes régénérés par le baptême, qui nous est donné, au nom de ces trois personnes, nous sommes enrichis, dans cette seconde naissance, des biens qui sont en Dieu le Père, par le moyen de son Fils, avec le Saint-Esprit. Car ceux qui sont baptisés reçoivent l’Esprit de Dieu, qui les donne au Verbe, c’est-à-dire au Fils ; et le Fils les prend et les offre à son Père, et le Père leur communique l’incorruptibilité. »

Le rôle du Verbe n’est pas toujours bien distingué de celui de l’Esprit Saint, ou plutôt il y a forcément rencontre et communauté de rôles, puisque, selon le point de vue où l’on se place, « le Verbe sert de lien à l’Esprit » ou c’est « l’Esprit qui montre le Verbe. » Dem, c. v, p. 663. Par exemple, de même que tantôt il dit que Dieu a tout créé par le Verbj et l’Esprit Saint, tantôt tout par le V^rbe, t. I, c. xxii, n. 1 ; t. II, c. ii, n. 4 ; I. III, e. viii, n. 3, col. 669, 714, 867-868, etc.

tantôt tout par le Saint-Esprit, i. IV, c. xxxi, n. 2, col. 1070, etc., de même, d’une part, Irénée dit que les Écritures ont été dites par le Verbe et l’Esprit Saint, t. II, c. xxviii, n. 2, col. 805, et, d’autre part, il dit tantôt que les prophètes ont reçu du Verbe le charisme prophétique, t. IV, c. xx, n. 4 ; cf. n. 12 ; c. i, n. 6, col. 1034, 1041, 989, tantôt, et plus souvent, que l’Esprit a parlé par les prophètes, t. I, c. x, n. 1 ; t. III, c. VI, n. 5 : c. xi, n. 8 ; c. xxi, n. 4, col. 549, 864, 888, 950, etc. Parfois les deux points de vue alternent dans le même chapitre. L. IV, c. xx, n. 4, col. 1034, nous lisons : Verbum… homo in hominibus factus est ut ftnem conjungcret principio, id est hominem Deo ; et propterea prophetæ, ab eodem Verbo propheticum accipienies charisma, prædicaverunt… uti, complexus homo Spiritum Dei, in gloriam cedat Patris ; c’est l’ordre descendant. Et voici l’ordre ascendant, n. 5, col. 1035 : Deus visus quidem tune per Spiritum prophétise (lire probablement, avec plusieurs manuscrits, prophcticc), visus autem et per Filium adoptive, videbitur autem et in regno cœlorum paternaliter. Voir tout le chapitre ; cf. Dem., c. vi, xlix-l, p. 664, 697, 698.

Dans cette œuvre de descente de Dieu vers l’homme et d'élévation de l’homme vers Dieu, le rôle principal du Verbe est d'être le révélateur du Père. Irénée a été frappé par le texte de Matth., xi, 27, et de Luc., x, 22, sur la parfaite réciprocité de connaissance entre le Père et le Fils. L. IV, c. vi-vii, col. 986-993. Il en déduit la divinité du Fils et sa communauté de nature avec le Père. A. Harnack, Lclirbuch dtr Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. i, p. 539-540 ; cf. jDes heil. Irenaus Schrift zum Erweise der apostolischen Verkùndigung, Leipzig, 1907, p. 61, quaUfie de modalisme la doctrine de la manifestation du Père par le Fils : l’existence du Fils en tant que Fils serait conditionnée par la volonté du Père de se révéler, et le Fils ne serait Fils que dans la sphère de la rédemption, au point de vue de l’homme. Or, nous l’avons vii, Filius et Verbum sont entièrement synonymes. « Pour Dieu, le Fils était au commencement, avant la création du monde. » Dem., c. XLin ; cf. c. xxx, p. 692, 683. Et, c. x, p. 667 : « Dieu est glorifié par son Verbe, qui est son Fils éternel ; » Cont. hær., I. II, c.xxx, n. 9, col. 823 : Semper autem coexistens Filius Patri, olim et ab initia semper révélât Patrem, et angelis, et archangelis et potestatibus, et virtutibus, et omnibus quibus vult revelare Deus. Donc le Fils a toujours coexisté au Père, il a été Fils toujours, et, dès la création, il a été celui qui a révélé le Père aux anges et à tous ceux que le Père a voulus. Quand Irénée dit que le Père est l’invisible du Fils et le Fils le visible du Père, invisibile etenim Filii Pater, visibile autem Patris Filius ; que agnitio Patris est Filii manifestatio ; que agnitio Patris Filius, t. IV, c. VI, n. 6, 3, 7, col. 989, 988, 990, il n’entend pas que le Fils n’a été tel qu'à partir du moment où il a manifesté le Père, mais que, coexistant éternellement avec le Père, à partir du moment où il y a eu des créatures, anges ou hommes, capables de connaître Dieu, c’est lui qui l’a révélé, que Pater… per eum revelatur et manifestatur omnibus quibus revelatur, t. II, c. xxx, n. 9, col. 823, que le Père ne se manifeste que par le Fils.

Le Fils n’a pas attendu de s’incarner pour manifester le Père ; dès le commencement, ah initia assistens Filius suo plasmati, il l’a révélé à sa créature, quibus vult et quando vult et quemadmodum vult Pater.. L. IV, c. VI, n. 7, col. 980. En premier lieu, aux anges, j col. 823 ; ensuite, aux hommes : omnes qui ab inilio i cognitum habuerunt Deum… revelationem acceprrunt ab ipso Filio. C. ti, n. 2, col. 891. Irénée met sur le compte du Fils, selon une opinion courante à cette époque, les théophanies de l’Ancien Testament ; à Adam, à Abraham, à Moïse, aux trois enfants. L. III,

c. XI, n. 9 ; t. IV, c. vu ; c. xx, ii. 9, 11, col. 888-889, 990-992, 1038-1040 ; Dem., c. xii, xxiv, xuv-xLa, p. 668, 677-678, 692-695. Aucune trace, chez lui, d’une révélation naturelle par les philosophes pour les gentils comme par la loi mosaïque pour les juifs. Tout au plus ces affnmations générales que le F"ils du Père glorifie le Père aux yeux du genre humain et dispensafor palernæ graliw fncliis est ad iililitalem hominum, t. IV, c. XX, n. 7, col. 1037 ; que mullis modis componens humanum (jenus ad consonanliam salutis.., pcr omnes illos transiens Verbum, sine invidia uiilitatem pœstabat eis qui subjecti sibi erant, omni conditioni congriientem et aplam legem conscribens. L. IV, c. xiv, n. 2, col. 1011. Pour couronner le tout, le Verbe a révélé le Père par son incarnation, où il a donné davantage, plus autem non quod alterius Falris agnitionem ostendit… sed quia majorem donationem paiernæ graliæ per suum adventum efjudil in humanum genus. L. IV, c. xxxM, n. 4, col. 1093-1094.

Le rôle principal du Saint-Esprit est de sanctifier. Irénée le montre comme sanctificateur dans ses rapports avec le Christ, avec l'Église, avec les fidèles.

Du Christ, par les prophètes, le Saint-Esprit a annoncé la venue et la vie entière. L. I, c. x, n. 1 ; t. III, c. XXI, n. 4 ; t. IV, c. xi, n. 1, col. 549, 950, 1 001. « Le Verbe de Dieu…, par qui tout a été fait, celui quiaparlé avec Moïse, celui-là est venu en Judée, a été divinement conçu par l’opération du Saint-Esprit et est né de la Vierge Marie. » Dem., c. XL ; cf. c. li, Lvn, lix, p. 689, G98, 704, 705. Dans le Contra hscreses, une première fois, t. III, c. XM, n. 2, col. 921, Irénée applique clairement au Saint-Esprit le texte de Mattli., i, 18 : inventa est in utero habens de Spiritu Sanclo. Entendait-il, une deuxième fois, t. V, c. i, n. 3, col. 1122, avec plusieurs anciens Pères, le Fils par le Spiritus Sanctus de Luc, I, 35, et par le superveniet in te l’incarnation ? J. Lebreton. Les origines du dogme de la Trinité, p. 2 2, l’a pensé. A étudier le contexte, on se prend à hésiter. Après avoir dit, n. 1, col. 1121, que le Christ a répandu Spiritum Patris in adunitionem et communioncm Dei et hominis — c’est l’union de Dieu et de l’homme par la grâce — il dit maintenant, n. 3, col. 1122-1123 : Vani autem et ebionwi, unitionem Dei et hominis per fidem non recipientes in suam animam, sed in veteri generationis persévérantes fermento, neque intelligere volentes quoniam Spiritus Sanctus advenit in Mariam et virtas Aliissimi obumbravit eam. L’Esprit Saint, dans les deux, cas, est la même personne, distincte du Fils. La suite le prouve encore : de ces ébionites, qui rejettent l’incarnation et la génération nouvelle qui en résulte pour nous, Irénée dit qu’ils ne voient pas que, quemadmodam, ab initia plasmationis nostrte, in Adam ea quæ fuit a Den aspiratio vitw, unitu plasmati, animavil hominem et animal rationcde ostendit, sic in fine Verbum Patris et Spiritus Dei, adunitus antiquæ substantiæ plasmationis Adæ, viventem et perfectum effecit hominem, capientem pcr/ectum Patrcm. Verbum Patris et Spiritus Dei : toujours le Verbe et l’Esprit distincts. Un dernier trait marque cette distinction : Non enim cf/iigit aliquando Adam manus Dei, ad quas Pater loquens dicit : Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et propter hoc in fine, non ex voliintate carnis neque ex voluntaie viri, sed ex placito Patris, manus ejus vivum perjecerunt hominem, iiti fiat Adam seciindnm imaginem et similitudinem Dei. Nous savons que « les mains » du Père, ce sont le erbe et l’Esprit Saint. Comme dans tout le contexte, le Spiritus Sanctus superveniet in te se rapporte donc à la personne du Saint Esprit, non au Fils. Mais ailleurs, Dem., c. Lxxi ; cf lix, p. 713, 905, Irénée appelle le Christ (I Esprit de Dieu », et, sans doute par allusion à l’obumbrabit tibi de Luc, i, 35, il dit que » par ombre

on doit entendre son corps, car, comme l’ombre vient du corps, ainsi le corps est venu de son Esprit. » Selon qu’il l’avait promis par les prophètes, le Saint-Esprit est descendu sur le Christ, à son baptême, secundum id quod Verbum Dei homo erat, aTui qu’il allât prêcher l'Évangile, ut de abundantia iinctionis ejus nos percipientes salvaremur. L. III, c. ix, n. 3 : c. xvii, n. 1, col. 870-871, 929. Le Saint-Esprit l’a ressuscité. L. III, c. XVI. n. 3, 9, col. 922, 928.

Les textes sur le rôle du Saint-Esprit à l'égard de l'Église ont été utilisés plus haut : il l’assiste, la protège, lui garde une jeunesse toujours renouvelée, lui assure une doctrine Indéfectible et toutes les grâces. Ubi enim Ecclesia ibi et Spiritus Dei, et ubi Spiritus Dei illic Ecclesia et omnis gratia. L. III, c. xxiv, n. 1, col. 966.

Ce qu’il est pour l'Église entière, il l’est pour ses membres : l’Esprit vivificateur. L. V, c. ix, n. 1 ; c. xii, n, 2, col. 1144, 1153. Dès le commencement, dès Adam, a conditione mundi usque ad finem, il est celui ex quo qui crcdunt Deo et sequuntur Verbum ejus percipiunt eam quæ est ab eo saliitem. L. IV, c. xxxiii, n. 15, col. 1083. C’est lui qui, dans tous les temps, « a conduit les justes dans la voie de la justice ; c’est lui qui, dans la plénitude des temps, a été répandu d’une manière nouvelle sur l’humanité. » Dem., c. vi : cf. c. lxxxix, p. 664, 723. Il est descendu sur le Fils de Dieu fait fils de l’homme, cum ipso assuescens habitare in génère humano, et requiescere in hominibus, et habitare in plasmate Dei, voluntatem Patris operans in ipsis et rénovons eos a vetiistate in novitatem Christi. L. III, c. xvii, n. 1, col. 929. Il s’est répandu extérieurement sur les apôtres et l'Église naissante, et cette effusion se continue par les charismes. L. I, c. xiii, n. 4 ; t. II, c. xxxii, n.4 ; t. III, .xi, n.9 ; c.xii ; l.V, c.vi, n. 1, col. 585, 829, 891, 892-910, 1137. Il y a de plus une effusion intérieure dans les âmes, temples du Saint-Esprit. L. V, c. VI, n. 2 ; c. viii, n. 1-2, col. 1138-1139, 1141-1142, etc. « Le Dieu de tous accordera la vie éternelle, par la résurrection des morts, et cela en vue des mérites de celui qui est mort et ressuscité, Jésus-Christ, » à ceux que les apôtres ont instruits à garder leur corps pur pour la résurrection et à conserver leur âme sans souillure. « Mais, pour que les croyants se gardent tels, il faut que l’Esprit Saint reste étroitement uni à eux. Donné ^lar Dieu au baptême, l’Esprit Saint demeure en celui qui le reçoit aussi longtemps que ce dernier vit dans la vérité et la sainteté, dans la justice et la patience. Car c’est par la vertu de cet Esprit que les croyants ressusciteront quand le corps sera de nouveau uni à l'âme et entrera dans le royaume de Dieu. » Dem., c. XLi-XLH, p. 690-691 : cf. Cont. hær., t. V, c. XII, n. 2 ; c. xiii, n. 4, col. 1141, 1159.

Et ainsi, à travers toutes les différences entre le concept grec et la théorie latine des opérations divines ad extra, Irénée aboutit, comme les Pères latins et les scolastiques, à approprier, tout en les déclarant communes aux trois personnes, les œuvres de la puissance au Père, celles de la science au Fils, celles de l’amour au Saint-Esprit. Le Père est créateur par le Verbe et par le Saint-Esprit, ses deux « mains » : voilà pour la puissance. Voici pour la science : le Fils est le révélateur, celui qui sait ; mais le Père et l’Esprit possèdent également et donnent la lumière et le savoir. L. III, c. XXXIV, n. 2 ; t. IV, c. xi, n. 1 ; c. xxxiii, n. 7 ; c. XXXV, n. 2, col. 967, 1001, 1077, 1087-1088. Et, si le salut, œuvre de l’amour divin, est donné par le Saint-Esprit, le Père est bonus, et misericors et patiens, et salvat quos oportet, t. III, c. xxv, n. 3, col. 969 ; le Père per Verbum, per quod Deiis perfeeit conditionem, in hoc et salutem his qui in conditione sunt præsiitit hominibus, t. III, c. xi, n.l, col. 880 ; c[.Dem., c. un, p. 699, sur l’incarnation « œuvre du Père, » etc., et les trois

personnes divines interviennent dans le salul de l’homme.

Dixqiiisilio de sententia Irenœi de Spirilus Sancti divinilate, Gœttingue, 1738 ; Ginoulhiac, Histoire du dogme catholique pendant les troi « premiers siècles de l'Église, 2e édit., Paris, 1866, t. i, p. 321-324 ; t. ii, p. 50-51, 122-132 ; t. iii, p. 311-313, 418-420, et passim ; F. Cabrol, La doctrine de S. Irénée et la critique de M. Courdaveaux, dans La science catholique, Paris, 1890-1891, t. vii, p. 241-251 ; Nôssen, Geschichte der Lettre vom Heiligen Gci.sfe, Gutorsloh, 1891) ; T. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, Paris, 1892, t. i ; G. Legeay, L’ange et les théophanies dans l'Écriture sainte d’après la doctrine des Pères, dans la Revue thomiste, Paris, 1903, t. xi, p. 57-58 ; H. Couget, La sainte Trinité et les doctrines antitrinitaires, Paris, 1905 ; G. Kriiger, Das Dogma von der Dreieinigkeit und Gottmenschheit in seiner geschiclitlichen Entwicklung, Tubingne, 1905 ; F. R. Montgomery Hitchcock, The apostolic Preaching of Irenæus and ils light on the doctrine of the Triniiy, dans VHermathena, Londres, 1907, t. xiv, p.307-337 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910 ; H. Barclay Swete, The Holy Spirit in the ancient Churcb. A study of Christian teaching in the âge of the Fathers, Londres, 1912 ; les ouTages indiqués à l’art. EsPRrr Saint, t. v, col. 753, 754-755.

3° La fr^a/ion. —Voir Création, t. iii, col. 2061-2064. 2110, 2112, 2118, 2119, 2125, 2140, 2153, 2166 ; Conservation, t. iii, col. 1188.

Les anges.

Voir Angélologie, t. i, col. 1195,

1208, 1213, 1219-1220, et Démon, t..v, col. 342, 345346. — La Démonstration de la prédication apostolique apporte un complément à l’angélologie irénéenne. Comme il est dit, 1. 1, col. 1208, Irénée, ConL hær., t. II, c. XXX, n. 6, col. 818, compte sept ordres d’anges ; sa liste, qui ne mentionne pas les chérubins et les séraphins, résulte de la combinaison de Eph., i, 21, et de Col., I, 16. Dans la Démonstration, on croirait d’abord qu’il revient au septénaire angélique^ car il déclare, c. IX, p. 666-667, que « le monde se compose de sept cieux, où habitent les vertus, et les anges et les archanges, qui remplissent lesfonclions du culte envers Dieu, » et il énumère les sept formes du culte, symbolisées par le chandelier à sept brandies. Mais il ajoute bien vite, c. X, p. 667, que « Dieu est glorifié par son Verbe et par l’Esprit Saint » et que « ces deux ont à leur service une armée (d’esprits angéliques) appelée les chérubins et les séraphins, qui glorifient Dieu par leur chant perpétuel. » Nous arrivons ainsi, pour la première fois, à dresser la liste des neuf ordres angéliques.

L’homme.

1. La terminologie d' Irénée. — Irénée

n’a pas un traité systématique sur la création de l’homme, sur la distinction de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel et l'élévation de l’homme à ce decnier, sur la chute de l’homme. Il prend l’homme tel qu’ilfut, en fait, créé par Dieu, et, parce que l’iiomme ne resta pas longtemps sans déchoir, il traite de son état surnaturel moins de façon directe qu’en exposant que le Christ, « récapitulateur universel, » rendit au genre humain ce qu’Adam lui avait fait perdre. Il y a à tenir compte de ces particularités pour reconstituer l’anthropologie de l'évêque de Lyon. Les incertitudes du vocabulaire accroissent la difficulté. Par exemple, les termes « mort » et « vie » sont employés tantôt dans le sens de vie et de mort naturelles, tantôt dans celui de vie surnaturelle, ou vie de la grâce, et de mort surnaturelle, par le péché mortel, tantôt dans celui de vie et de mort éternelles, du corps et de l'âme, tantôt, quand il s’agit de la mort venue par Adam et de la vie donnée par le Christ, dans un sens qui englobe un peu tout cela. Cꝟ. t. III, c. xxiii, n. 1, 6-7 ; t. IV, l. xxxviii, n. 4 ; t. V, c. i, n. 3 ; c. xii, n. 2-3 ; c. xiii, n. 1 ; c. xv, n. 1 ; c. xxiii ; c. xxvii, n. 2, col. 960, 964-965, 1109. 1122-1123, 1153-1154, 1156-1157, 1163-1164, 11841186, 1196 ; Dem., c. xxxi, p. 683-684. D’autres lois le sens est plus difBclle encore à préciser.

Le mot « nature », chez Irénée, pas plus que chez les anciens Pères, n’a le sens d’ordre naturel par opposition à l’ordre surnaturel. Il désigne couramment l.i condition de créature, irraisonnable ou raisonnable, l’origine, la naissance. L. IV, c. v, n. 3, col. 983 : Frumentum qiiidem et palcæ, inanimalia et irrationabilia exisleniia, naliiralitcr talia fada sunt ; telle est leur condition. L. IV, c. xxxviii, n. 4, col. 1108 : Irrationabiks igitur omni modo qui… suæ naturse infirmiialem ascribunt Dco ; la condition de l’homme, c’est d'être imparfait, mortel, libre, capable de péché, ni naturaliter bonus, t. IV, c. xxvii, n. 2, col. 1100, ni naturalilcr similis Dec, I. III, c. xx, n. 1, col. 943. L. V, c. XLi, n. 2, col. 1115 : Secundum naturam, quae est secundum conditionem, ut ita dicam, omnes filii Dei siimus, propter quod a Deo omnes facti sumus ; ici la nature, c’est l’origine. Cꝟ. t. V, c. i, n. 1, col. 1121. Mais, sans opposer expressément la « nature » et la « grâce », Irénée s’achemine vers cette opposition. L. II, c. xxix, n. 1, col. 812-813, natura a pour synonyme subslantia, et s’oppose à juslitia et fldes, qui sauvent seules. Cf. t. IV, c. xxxviii, n. 4 ; t. V, c. viii, n. 2, col. 1109, 1142. Ailleurs, t. II, c. xxxiv, n. 3, col. 836, natura s’oppose même à gratia, non pas, à vrai dire, à la grâce sanctifiante, mais à un don gratuit de Dieu : non enim ex no bis ncque ex noslra natura vita est, sed secundum gratiam Dei datur. Et comme la vie, don de la grâce de Dieu, ce n’est pas seulement la vie terrestre, ni seulement la vie immortelle, mais la vie impcrissable des sauvés. Paire omnium douante et in sœculum sxculi perseverantiuni his qui saloi fiunt ; cꝟ. t. V, c. ii, n. 3 ; c. x, col. 1127, 1147-1149, etc., nous abordons à l’ordre surnaturel. Du reste, gratia, au sens de grâce actuelle et même de grâce sanctifiante, n’est pas inconnu à Irénée. Comment P. Beuzart, Essai sur la théologie d’irénée, p. 104, a-t-il pu prétendre que « le terme grâce, gratia, /âpiç, ne se trouve pas dans son ouvrage ? » La grâce y est souvent nommée, L. I, c. vi, n. 4 (-/àçiic, ) ; t. III, c. xvi, n. 9 ; c. xvii, n. 3 ; c. xix, n. 1 ; c. xx, n. 3 ; c. xxi, n. 3 ; c. xxiii, n. 8 ; c. xxiv, n. 1 ; I. IV, c. IX, n. 2, 3, col. 509, 928, 930, 939, 944, 949, 905, 966, 997, 998, etc.

Une formule fréquente et à signification variable, c’est ad imaginem et similitudinem Dei. Tantôt les deux mots sont rigoureusement synonymes, par exemple, Dem., c. X, p. 667 : « Il imprima sa propre ressemblance à sa créature, afin quel’on vît bien qu’elle est à l’image de Dieu ; » cf. c. xxii, p.676 ; ou bitn l’un des deux termes seulement est employé, en sorte que la synonymie paraît supposée ou est possible : pour imago seul, cꝟ. t. III, c. xvii, n. 3 ; t. IV, c. xx, n. 1 ; I. V, c. XIII, n. 4, col. 930, 1032, 1155, et, pour similitudo seul, l. lV, præf., n. 4 ; t. V, c. i, n. l ; c.v, n. l, coI. 975, 1121, 1137 ; Dem., o. v, p. 663. Tantôt « l’image » et « la ressemblance » conviennent à l’homme naturel, raisonnable et libre : homo ralionabilis, et secundum hoc similis Deo, liber in arbitrio jactus, I. IV, c. iv, n. 3, col. 983 ; cf. c. xxxvii, n. 4, col. 1102 (il n’y est question que de la ressemblance) : t. III, c. xxii, n. 1, col. 956 (il y est question des deux). Tantôt, ainsi que plusieurs Pères, Irénée oppose imago à similitudo, et entend par imago la nature et ses biens, par similitudo la surnature, l’homme surnaturel. L. V, c. VI, n. 1, col. 1138 : si defuerit animse Spirilus, animalis est vere qui est talis.., imaginem quidem habens in plasmate, similitudinem vero non assumens per Spiritum. Cf. c. x^^, n. 2, c. 1168. Tantôt, sans allusion à l’ordre naturel, la formule se réfère aux biens surnaturels accordés à Adam et perdus en lui, à la nouvelle génération qui procure la vie surnaturelle alors que la génération d’Adam entraînait l’héritage de la mort : Filius Dei…. incarnatus est….ul quod perdideramus in Adam, id est secundum imaginem et similitudinem

esse Dei, hoc in Christo Jcsu reciperemus. L. III, c. xviii, n. 1 ; cf. c. XXII, n. 1 ; t. IV, c. xx, n. 1 ; t. V, c. i, n. 3 ; c. II, n. 1 ; c. VI, n. 1 ; c. x, n. 1 ; c. xvi, n. 1 ; c. xxi, n 2 ; c. xxviii, n. 4, col. 932, 956, 1032, 1123, 1124, 1137, 1148, 1167, 1 180, 1200. Tantôt il s’agit non de la grâce, mais de sa consommation cdeste, la gloire : Si igilar nunc, pignus habenles, clamamus : Abba, Pater, quid ftet quando résurgentes facie. adfaciem videbimas eum ?.. Quid jaciel universa Spiritus gratta, quæ hominibns dabitur a Dominai Similes nos ei efficiet.., efficiet enim kominem secundum imaginetn et simililudinem Dei. L. V, c. viii, n. 1 ; c. xxxvi, n. 3, col. 1142, 1224 (dernière phrase du traité). Tantôt enfin divers sens se présentent coup sur coup, en sorte que le lecteur inattentif serait exposé à les confondre Massuet, Dissert., III, a. 9, n. 119, F G., t. vii, col. 376, a vu la similitude d’ordre naturel, placée in cognoscendi vi et libère quidi’is eligendi jacallale, dans un passage où nous lisons, en efl’et : Liberæ sententiæ ab initio est homo et liberæ sententise est Deus cul (des manuscrits ont cujus) ad similitudinem factus est. L. IV, c. xxxvii, n. 4, col. 1102. Mais voici que là-dessus, la liberté pouvant amener le péché et l’ayant amené dans les anges et dans les hommes, n. 6, col. 1103, Irénée répond ù cette question : Dieu n’aurait-il pu créer l’homme parfait dès l’origine, c’est-à-dire à l’abri du péché, confirmé en grâce ? C. xxxviii, n. 1, col. 1105. Dieu pouvait, dit-il, accorder à l’homme cette perfection originelle ; tout lui est possible. Mais l’homme ne pouvait les recevoir, infans enim fuit. Tout ce qui est créé est imparfait et dans un état d’enfance. Dieu nous a donc traités comme des enfants, et propter hoc coin/antiatum est homini Verbum Dei cum esset perfectus, n. 2, col. 1107. Il faut que l’homme aliquando maturus fiât…, ad videndum et capiendum Deum, c. xxxvii, n. 7, col. 1104, et que, pour cela, d’abord il existe, puis qu’il croisse et se fortifie, et corroboratum multiplicari, et multiplicatum convalescere, convah’scenlem vero gloriftcari, et glorificalum vidcie suum Dominum, tout cela par l’action de Dieu par qui factus et plasmatus homo secundum imaginem et similitudinem constituitur infecti Dei. C. xxxviii, n. 3, col. 1108. Évidemment c’est la ressemblance dans l’ordre surnaturel, en attendant la ressemblance meilleure dans la gloire, similes esse factori Deo, quand aura disparu cette différence entre Dieu infectas et l’homme factus, donc imparfait et sujet à déchoir, qui « est maintenant la loi du genre humain. » Alors on aura dépassé la ressemblance avec Dieu qui consiste à être libre, similes sibi suæ potestatis Iiomines fecit ; le mortel sera vaincu et absorbé par l’immortel, le corruptible par l’incorruptible, oportucrat primo naturam apparere, post deinde Vinci eiabsorb(er)i mortale ab immorialitate et corruptibile ab incorruptibilitate, ei ficri hominem secundum imaginem et similitudinem Dei, agnitione accepta boni et mali, n. 4, col. 1109. L’homme a eu une connaissance expérimentale du mal et du bien, il a été soumis à l'éjjreuve, oportei enim primo quidem ordinem hominis custodire, tune deinde participari gloriæ Dei… Præsta autem ei cor tuum molle et tractabilc, et custodi flguram qua te figuravit arlifex, habens in temetipso humorcm ne induralus amittas vestigia digitorum ejus. Custodiens autem compaginationem, ascendes ad perfcctum. C. xxxix, n. 2, col. 1110.

Ici — et c’est un dernier terme qu’il importe de bien entendre — l’homme parfait, c’est l’homme confirmé dans la grâce par la possession du ciel, n’ayant plus à courir le risque glorieux, mais redoutable, du libre arbitre. Plus souvent l’homme parfait, c’est l’homme surnaturel, le chrétien en état de grâce, qu’Irénce définit : un composé de corps, d'âme et du Saint-Esprit. Secundum partiel pationem Spiritus existentes spirituales… Cum autem Spiritus hic, com mislus animæ, unitur plasmati, propter effusionem Spiritus, spiritualis et perfectus homo factus est…Neque enim plasmatio carnis ipsa secundum se homo perfectus est, sed corpus hominis er pars hominis ; neque enim et anima ipsa secundum se homo, sed anima hominis et pars hominis ; neque spiritus homo (spiritus, c’est-àdire la participation de l’Esprit Saint, la grâce), spiritus enim et non liomo vocatur ; commistio autem et unitio horum omnium perfectum hominem efjicil. L. V. c. vi, n. 1, col. 1138 ; cf. c. i, n. 3, col. 1123. Cet homme parfait peut être celui qui a reçu le don des langues et les divers charismes, col. 1137. Ces privilèges ne sont pas nécessaires. L’homme parfait, c’est celui que le Verl>e totum sanum et integrum redinlegravit, perfectum eum sibi præparans ad resurrectionem, 1. V. c. xii, n. 6, col. 1155-1156 ; celui que Dieu rend conforme et consequens suo puero /celui qui est le temple du Saint-Esprit, qui et Spiritum in se perseverantem habuerint Dei, et animas et corpora sine querela servaverint ; Dei, id est illam quæ ad Deum est, fldem servantes, et eam quæ ad proximum est justitiam custodientes. C. vi, n. 1, col. 1137. 1138. L’homme parfait, c’est tout chrétien en état de grâce.

2. La création de l’homme.

L’homme est « un animal raisonnable, )> t. V, c. i, n. 3, col. 1123, un mélange de corps et d'âme, homo est temperatio animée et carnis, qui ad Dei similitudinem formatas est. L. IV, præf., n. 4, col. 975 ; cf. Dem., c. ii, p. 660. Dieu créa le corps du premier liomme « de ses propres mains, en prenant de la terre la plus menue et la plus pure, « de la terre vierge, » c’est-à-dire non encore arrosée par la pluie et non travaillée. Dem., c. xi, xxii, p. 667, 684, Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 10 ; I. V. c. xiv, n. 2, col. 954 955, 1162. La création de la première femme est racontée comme dans la Genèse, avec ce détail que, « pour l’accomplissement de son chef-d'œuvre. Dieu voulut qu’Adam tombât dans le sommeil, qui auparavant n’existait pas au paradis. » Dem., c. xiii, p. 669. Sur l'âme de l’homme, voir Ame, t. i, col. 983-986. L’homnae « fut créé libre et maître de ses actes, et fut destiné par ce même Dieu à commander à tout ce qui serait sur la terre, » car « Dieu fit l’homme maître de la terre et de tout ce qu’elle renferme ; » toute la création était pour lui. Dem., c. xi, xii, p. 667, 668 ; Cont. hær., t. IV, c. V, n. 1 ; c. vii, n. 4, col. 983, 992.

3. L'élévation de l’homme à l'état surnaturel. — Des gnostiques valentiniens, et Valentin lui-même, distinguaient trois catégories d’hommes : les spirituels ou pneumatiques, les psychiques, enfin les terrestres ou hyliques ou choïqucs ; les spirituels destinés au salut, les psychiques susceptibles de salut ou de perdition, les terrestres voués à la ruine. L. I, c. vii, n. 5 ; c. vi, n. 1 ; t. IV, c. XXXVII, n. 6, col. 517-520, 504-505, 1103 ; cf. E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme. Étude critique des documents du gnosticisme chrétien auxli^ et IIIe siècles, Paris, 1913, p. 45-48, 67-76. C'était le trichotomisme platonicien transporté de l’homme individu à l’homme espèce ou humanité. Irénée rejette cette distinction entre pneumatiques, psychiques et hyliques. Voir Ame, t. i, col. 983. Tous les hommes ont même nature. Tous peuvent se sauver ou se perdre. Mais l’homme, composé de corps et d'âme, peut être plus que corps et âme : il peut être spirituel ou pneumatique, c’est-à-dire divin. En termes modernes, la vie rtaturelle peut être complétée par la vie surnaturelle. Notre substance, c’est-à-dire l’union de l'âme et du corps, en recevant l’Esprit de Dieu, constitue l’homme spirituel. » L. V, c. viii, n. 2, col. 1142. Le 7tve0|i.a n’est pas une partie de la nature humaine ; c’est la grâce de l’Esprit-Saint, qui déifie l’homme. L’homme' qui ne fait pas la volonté de Dieu ne l’a pas en lui. « L’homme parfait est composé de chair, d'âme et d’esprit, de l’esprit qui sanctifie et informe, de la chair

qui est unie et formée, de l'âme qui est enlre les deux. » L. V, c. IX, n. 1, col. 1144. Irénce ne parle pas de tous les hommes, mais de l’homme parfait, de celui qui est en état de grâce. T. a preuve, c’est qu’il ajoute aussitôt : " L'âme suit quelquefois l’esprit et est élevée par lui ; quelquefois elle suit la chair et devient esclave des passions sensibles. Or, tous ceux qui n’ont pas le principe qui sauve et informe, et qui n’ont pas l’unité, sont et s’appellent justement chair et sang, car en eux ils n’ont pas l’esprit de Dieu. Le Seigneur a dit qu’ils sont morts, car ils n’ont pas l’esprit qui vivifie l’homme. » Voir la suite du chapitre, n. 2-4, col. 11441147. Une preuve encore, entre plusieurs autres, est ce qu’il écrit de la résurrection générale, t. II, c. xxxiii, n. 5, col. 834 : « Tous ceux qui ont été désignés pour la vie (éternelle) reprendront leur corps propre, leur âme propre, leur esprit propre, dans lesquels ils ont plu à Dieu, tandis que ceux qui méritent le châtiment iront le recevoir en leur âme propre, en leur corpspropre, dans cette âme et dans ce corps qu’ils ont détournés de la grâce de Dieu, » in quibus abstilerunt u Dei bonilale, d’après la traduction, aTTÔ ty^ç toîj ©soù yâpiToç porte l’original. Cf. A. Dufourcq, S’ai/]/ Irénéc (collection Les saints), p. 163-164.

Adam fut élevé à cet état surnaturel. Vérité capitale, ainsi que celle de la déchéance de cet état, qu’Irénée développe surtout de façon indirecte en traitant de la récapitulation par le Christ, qui restitua au genre humain ce qui avait été perdu en Adam, mais qu’il indique aussi directement avec une netteté suthsante. Il le fait, en particulier, quand il s’inspire du Faciamus homincm ad imaginem et simililudinem noslram sans le citer, quand il le cite et le commente. L'étude des passages d’Irénée relatifs à ce verset de la Genèse nous a démontré que si, une fois, il y trouve la simple ressemblance avec Dieu par la possession de la liberté et l’usage de la raison, il y aperçoit d’hal>itude ou, dans l’imago, la ressemblance par les biens naturels, et, dans la siniilitudo, la ressemblance par les biens surnaturels, ou, dans l’une et l’autre, l’image et la ressemblance divines par la grâce. Il ramène l’image et la ressemblance divines, quand il parle du « Fils de Dieu, existant toujours auprès de son Père, qui s’est incarné et, fait homme, a récapitulé en lui la longue suite des hommes, et, résumant en lui l’humanité, nous a donné le salut, afin que nous recouvrions dans le Christ Jésus ce que nous avions perdu en Adam, a savoir d'être à l’image et à la ressemblance de Dieu. > L. III, c. xviii, n.l, col. 932. Les formules analogues se pressent sous la plume d’Irénée. Le Christ nous a rendu l’adoption surnaturelle d’enfants de Dieu, t. II, c. XI, n. 1 ; L III, c. xix, n. 1 ; c. xx, n. 2 ; t. IV, c. 1, n. 1 ; t. V, c. xii, n. 2, col. 737, 939, 943, 975, 1152, non la simple filiation naturelle, qu’Irénée déclare commune à tous de par la création, secimdum naturam quee est secundum condilioncm, ut ila dicam, omnes filii Dei suinus, proptcr quod a Dco omncs facti sumus. L. IV, c. xLi, n. 2-3 ; l V, c. xviii, n. 2, col. 1115-1117, 1173 ; Dcm., c. iii, col. 662. Il a été « médiateur entre Dieu et les hommes, étant avec tous deux chez lui, aliii de rétablir entre eux l’amitié et laconcorde, afin de placer rhoiiiiue près de Dieu, afin de faire connaître Dieu à l’homme. Conunent aurions-nous pu participer à l’adoption lihale, si le Fils ne nous avait pas donné communion avec lui ?… Et c’est pourquoi il a traversé tous les âges rendant à chacun la communion avec Dieu. » L. III, c. xviii, n. 7, col. 937. Par le Christ nous sommes redevenus lils adoptifs de Dieu, ses amis. L. III, c. xix, n. 1 ; c. XX, n. 2 ; t. IV, c. xiii, n. 4 ; c. xl, col. 939, 943, 1009-1010, 1112-1114. Nous sommes parfaitement unis à Dieu. L. IV, c. xx, n. 4 ; t. V, c. i, n. 1, col. 1034. 1121 ; Dvm., c. vi, xxxi, xl, p. 664, 683, 689. Nos corps sont les temples de Dieu, du Christ, de l’Esprit Saint, « des temples purs qui charment l’Esprit de Dieu, comme l'épouse charme l'époux. » L. III, c. xvii, n. 3 ; I. V, c. VI, n. 2 ; c. viii, n. 1 ; c. ix, n. 3 ; c. xii, n. 2 ; c. xiii, n. 4, col 930, 1138-1139, 1141, 1145, 1153, 1159. Par le Christ, « notre lot permanent et continuel est de participer à la vie divine et de nous élever au dessus des choses terrestres. » Dcm., c. iii, p. 662.

Avec le don proprement surnaturel, la grâce, Adam reçut des biens préternaturels. Irénée fournit sur ce point, à défaut d’une thèse rigoureuse comme on la rencontre chez les théologiens modernes, d’utiles indications. Il n’attribue pas à Adam la science parfaite, ou presque parfaite, que lui ont prêté des théologiens. Adam, enseigne-t-il, fut créé enfant, Cont. hær., 1. IIl, c. xxii, n. 4 ; t. IV, c. xxxviii, n. 1, col. 959, 1105 ; Dem., c. XII, p. 668, ce qu’il entend surtout d’une enfance spirituelle, Adam n'étant pas confirmé en grâce, voir Adam, t. i, col. 370, mais aussi d’une certaine enfance intellectuelle et physique : « L’homme était un enfant : il n’avait pas encore le parfait usage de ses facultés, » lisons-nous, Dem., c. xii, p. 668, et, Cont. hær., col. 959 : Paulo ante facti, non intellectum lutbebant filionim generationis, oportebat enim illos primo adolescerc, dehinc sic mulliplicari. Mais si, tandis que les animaux « étaient dans toute leur force, le maître, c’est-à-dire l’homme, était encore petit.., pour qu’il piit vivre et croître dans la joie et le bien être Dieu lui avait préparé » le paradis terrestre. « Le Verbe deDieu s’y rendait tous les jours, s’y promenant, s’entretenant avec l’homme des choses de l’avenir, et s’appliquant avant tout à lui faire comprendre qu’il habiterait et s’entretiendrait avec lui, et qu’il demeurerait avec les hommes pour leur enseigner la justice. » Dem., p. ()68. Adam et Eve furent créés exeinpts de la concupiscence. « Ils étaient nus et ils ne rougissaient pas, car ils étaient innocents et n’avaient que des pensées pures comme celles des enfants. IHien n’entrait dans leur esprit et leur intelligence qui pût faire naître dans l'âme des désirs mauvais et des mouvements lionteux. C’est qu’alors ils gardaient l’intégrité de leur nature, car ce qui leur avait été insufflé au moment de la création était un souftle de vie. Or, tant que ce souffle conservait son intensité et sa force, il mettait leur pensée et leur esprit i-i l’abri du mal. » Dem., c. xiv, p. 669. Ce passage laisse entendre qu’Adam et Eve, s’ils étaient restés fidèles, auraient gardé l’immunité de la concupiscence. Le Contra hæreses, au contraire, semble supposer que l’exemption de la concupiscence tint à la condition d’enfants où ils furent créés et que la fougue de la concupiscence aurait coïncidé avec la perte de Vindolem et puerilem sensum. Cꝟ. t. III, c. xxii, n. 4 ; c. xxiii, n. 5, col. 959, 963. Encore est-il possible que, s’attachant à décrire l’homme historique, Irénée songe à dire ce qui fut, non ce qui se sérail produit si Adam et Eve n’avaient pas désobéi. L’immunité de la douleur concédée à nos premiers parents est affirmée d’un mot, t. V, c. xv, n. 2, col. 1165 : proptcr inobedienlix peccatum subsecuti sunt languorcs hominibus. CL l. III, c. xxiii, n. 3, col. 962 ; Dem., c. xvii, p. 671. Enfin, Adam et Eve étaient immunisés contre la mort. « Dieu traça quelques limites à Adam, afin que, s’il gardait les commandements divins, il pût resler toujours dans l'état où il était, c’est-à-dire immortel, tandis que, s’il n’y restait pas fidèle, il devînt sujet à la mort. » Dem., c. xv, p. 670. Irénée nomme presque toujours à la suite « l’incorruptibilité » et « l’immortalité » sans les distinguer explicitement. Mais cette distinction se dégage de ses textes. « Il ne les sépare pas plus que le péché et la mort ; entre elles, comme entre ceux-ci, existe un rapport de cause à effet. De même que le péché engendre la mort, l’incorruptibilité engendre l’immortalité. » J. Chaîne, Le C/im/ r^denip 1

leur d’apics saint Irénce, Le Puy, 1919, p. 81. L’incorruptibilité s’oppose aux sources du péché, passions ou concupiscence, à tout ce qui mène à la corruption, ainsi que l'étymologie l’indique. Elle n’est pas naturelle à l’homme, nec unqiiamdeDeo contrarium scnsum accipiat homo, propriam naturaliter arbitrans eam quæ circa se esset incorruptclam et, non tenens veritatem, inani supercilio jactaretur, quasi naturaliter similis esset Deo. L’immortalité ne lui est pas davantage naturelle. Dieu a permis la chute, afin que l’iiomme, ' expcrimento discens unde libcratus est, sempcr gratus existât Domino, munus incorruptelai consccutus ab eo…, cognoscat autem semetipsum, quoniam morlulis et infirmas est. L. iii, c. XX, n. 1, col. 942-943. Cꝟ. t. IV, c. XXXIX, n. 2 ; t. V, c. iii, n. 1, col. 1110, 1129 : homo… natura mortalis. Cette fois, le mot même de bien non naturel, de don divin, et non pas seulement la réalité, entre dans la description de l'état primitif d’Adam et d’Eve.

4. La cliute ou le péché originel en Adam.

Ce n’est pas sans raison que le premier homme fut soumis à une épreuve. « Une loi lui fut donnée par Dieu pour lui apprendre qu’il a un maître, le Seigneur de toutes choses. » Dem., c. xv, p. 668. Il ne fallait pas qu’Adam oubliât sa condition de créature. Puis, du choix de son libre arbitre devait résulter le mérite : à lui d’user bien de sa liberté, uti et bonitas ostendatur et justilia perficiatur.., et tandem aliquando matiirus fiât homo, in tantis maturescens, ad videndum et capiendum Dcum. En outre, le bonheur qui a du prix n’est-ce pas celui qu’on a gagné? L. IV, c. xxxvii, n. 7, 6, col. 1104, 1 103. L’homme « désobéit à Dieu et fut égaré par l’ange. Celui-ci, à la vue des nombreuses faveurs que l’homme avait reçues de Dieu, lui porta envie et en fut jaloux ; il causa la ruine de l’homme et le rendit pécheur en le faisant consentir à violer le commandement de Dieu… Or, Dieu maudit le serpent, qui avait servi de suppôt au diable, et cette malédiction atteignit la bête ellemême, ainsi que l’ange ou Satan, qui s'était caché et blotti en elle. » Dem., c. xvi, p. 670-671. Cent, hær, , t. III, c. xxiii, n. 8 ; t. IV, c. xl, n. 3, col. 965, 1113, Irénée parle aussi de cette jalousie du démon et y voit* le principe et la matière de son apostasie. Il y admet la réalité du serpent, instrument de la tentation. L. III, c. xxiii, n. 3, col. 962. Saint Anastase le Sinaïte, Anagogicarum contemplationum in Hexæmeron, t. X, P. G., t. Lxxxix, col. 1013-1014, cite, comme écrit par Irénée contre les ophites, un texte notable à l’appui de cette thèse que le récit de la Genèse sur le serpent ne doit pas être entendu historiquement, mais spirituellement. Massuet a découvert l’original grec de ce fragment. Cf. P. G., t. vii, col. 1236-1237. Les doutes qu’on avait sur son authenticité, cf. A. Harhack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. i, p. 276, se trouvent confirmés par le caractère historique qu' Irénée donne à ce récit dans la Démonstration. Sur ce qu’il dit du serpent dans le système des ophites, t. I, c. xxx, n. 5, 8-9, 15, col. 697, 699-700, 704, cf. E. de Paye, Gnostiques et gnosticisme, Paris, 1913, p. 337-348.

Le châtiment suivit la désobéissance. Dieu chassa Adam et Eve du paradis. Ils « tombèrent dans de nombreuses alllictions de doute et de souffrance, passant en ce monde dans la douleur, les travaux et les gémissements. » Dem, c. XVII, p. 671 ; cf. Cont. hær., t. III, c. XXXIII, n. 3 ; t. V, c. xv, n. 2 ; c. xvii, n. 2 ; c. xxiv, n. 2, col. 962, 1165, 1170, 1187. La. oncupiscence fut déchaînée. L. III, c. xxui, n. 5, col. 963. La mort fit son entrée sur la terre : la mort de l'àme, c’est-à-dire la perte du Saint-Esprit, de l’image et de la ressemblance de Dieu, de l’immortalité bienheureuse, et la mort corporelle. En s'éloignant de Dieu, liomo in iantum efferavit ut eliam consanguineum hostem sibi

putaret. Le meurtre d’Abel par Gain fut le premier épisode de ces luttes homicides. L. V, c. xxiv, n. 2 ; cꝟ. t. III, c. xxiii, n. 4, col. 1187, 962 ; Dem., c. xvii, p. 671-672. Et, selon la menace divine, Gen., ii, 17, Adam mourut le jour de sa désobéissance, ce qu' Irénée entend de diverses façons, t. V, c. xxiii, n. 2, col. 11851186 : ce jour-là il devint débiteur de la mort ; deuxièmement, créé un vendredi, pécheur un vendredi, il mourut un vendredi ; troisièmement, Adam mourut avant l'âge de mille ans, or « mille ans sont devant Dieu comme un jour ; » enfin, la durée du monde, circonscrite entre son soir et son matin, est celle d’un jour, conditionis dies unus, et Adam est mort avant la fin du monde. Vaincu par le démon, l’homme devenait son captif. L. III, c. xxiii, n. 2 ; t. V, c. i, n. 1 ; c. xxi, n. 1, col. 961, 1121, 1179 ; Dem., c. Lxxxiii, p. 719.

5. Le péché originel dans l’humanité.

La doctrine du péché originel est affirmée très fortement par l’ensemble des textes sur la recapitulatio par le Christ, la restitutio in prislinum du genre Irumain. Elle l’est aussi par des textes directs. D’une manière générale, nos omnes ex ipso (Adam), et, quoniam sumus ex ipso, propterea quoquc ipsius hæreditavimus appellationem. L. III, c. xxiii, n. 2, col. 961. De lui nous avons hérité une certaine ignorance de Dieu, I. V, c. xii, n. 4, col. 1155 ; la concupiscence, t. V, c. x, n. 1-2 ; c. xii, n. 3-4, col. 1148-1149, 1154-1155 ; la douleur, t. III, c. xxiii, n. 3 ; t. V, c. xv, n. 2 ; c. xvii, n. 2 ; c. xxiv, n. 2, col. 962, 1165, 1170, 1187 ; la mort, Dem., c. xxxi, p. 683 : « Par notre premier père Adam nous étions tous enveloppés et enchaînés dans la mort à cause de sa désobéissance…. Parce que la mort avait établi son empire sur le corps, il était juste et nécessaire qu’une fois abattue par le corps l’homme fût désormais à l’abri de ses coups. Or, le Verbe s’est fait chair, afin que, par le moyen de cette chair, grâce à laquelle il avait dompté, enchaîné et subjugué le péché, ce péché une fois vaincu ne fût plus en nous. »

Le legs d’Adam, ce n'était donc pas seulement la privation des biens préternaturels, ce n'était pas uniquement la mort du corps ; c'était encore la mort de l'âme, la privation du don surnaturel de la grâce. « Nous étions dans les liens du péché, devant naître coupables et sujets à la mort. » Dem., c. xxxvii, p. 687. L’incarnation a eu lieu uti, quemadmodum per priorem generationcm morlem hæreditavimus, sic per generationcm hanc (la génération nouvelle par le Christ) hxreditaremus vitam, t. V, c. i, n. 3, col. 1122-1123 ; uti, quemadmodum per hominem victum descendit in mortem genus nostrum, sic iterum per hominem vietorem ascendamus in vitam, c. xxi, n. 1, col. 1179 ; ut quod pcrdideramus in Adam, id est sccundum imaginem ej. similitudincm esse Dei, hoc in Christo.Jesu reciperemus, t. iii, c. xviii, n. 1, col. 932. Les formules abondent qui disent que, par le fait d’Adam, nous naissons pécheurs. Voici deux textes allégués par saint Augustin, Contra Julianum, t. I, c. iii, P. L., t. xliv, col. 644, et par Bossuet, Défense de la tradition et des saints Pères, part. II, t. VIII, c. xxi-xxii, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1862, t. iv, p. 307-309. Le premier, par allusion au serpent d’airain, parle de « la plaie de l’ancien serpent » guérie par Jésus-Christ, qui " donne la vie aux morts. » L. IV, c. ii, n. 7, col. 979. « Voudra-t-on dire, remarque Bossuet-, p. 307, que le Fils de Dieu, lorsqu’il donne la vie aux morts, ne guérit que la mort du corps ? N’est-ce pas à l'âme qu’il donne la vie ? C'étaitj^donc à la vie de l'àme que cette plaie de l’ancien serpent portait le coup. » Quant au deuxième texte, t. V, c. XIX, n. 1, col. 1175 : Quemadmodum astrictum est morti genus humanum per virginem (Eve), salvatur per Virginem (Marie), Bossuet dit, p. 308 : « Chicanera-t-on en disant que ce lien nous astreignait à la

peine et non à la coulpe, el que l’obéissance de Marie n’a fait qu'ôter les mauvais effets de la désobéissance d’Eve ? Mais, s’il ne s’agissait que des effets, et que le péché d’Eve ne fût pas le nôtre, pourquoi ce Père avait-il appelé, un peu au-dessus, la désobéissance d’Eve 1 notre désobéissance, » que Marie a guérie en obéissant ? » Et Bossuet renvoie au t. V, c. xvii, où nous lisons, n. ï, col. 1169 : Cujns et præceplum transgredienies, inimici facli sumus cjiis. Et proptcr hoc, in novissimis iemporibus, in amicHiam rcstituit nos Dominus pcr suam incarnalionem, medialor Dei et liominum /actus, propilians quidem pro nobis Patrem in qucm peccavcramas, et nostram inobedientiani per suam obedienliam consolatus. De ce même chapitre Bossuet, p. 380, cite encore cette phrase, n. 3, col. 1170 : uti, quemadmodum per lignum jacli sumus debitores Deo, per lignum accipiamus nostri debili remissioncm, ainsi que ce mot du t. III, c. xxii, n. 4, sur le Christ : initium viven’Aum faclus quoniam Adam initium morientium factus est, et il fait observer, que « toute la suite du discours et l’esprit même de la comparaison entre Jésus-Christ et Adam, tant inculquée par ce saint martyr (Irénée) après saint Paul, fait voir que, comme ce ne sont pas les seuls fruits de la justice, mais la justice elle-même, que nous possédons en JésusChrist, ce ne sont pas aussi seulement les peines du péché, mais le péché même, dont nous héritons en Adam. » L. II, c. xxii, n. 4, col. 784, Irénée dit que le Christ omnes venii per semetipsum salvare, omnes, inquam, qui pcr eum renascuntur in Deum, infantes, et parvulos, et pueros, et juvenes, et seniores. Ideo per omnem venit œtatem, et, injanlibus infans factus, sanctificans infantes. Sauver les enfants 1 « De quoi, argumente Bossuet, p. 307-308, sinon du péché par la grâce du baptême ? Voilà donc un véritable péché, qui ne peut être remis aux enfants qu’en leur donnant le sacrement de renaissance, qu’on ne peut donner et qu’on ne donne jamais qu’en rémission des péchés. » Cꝟ. t. III, c. xviii, n. 7 ; t. IV, c. xxii, n. 1 ; t. V, c. xii, n. 3 ; c. XIV, n. 1 ; c. xvi, n. 3 : Deum, quem in primo quidem Adam ofjendimus, non facientes ejus præceptum, in secundo autem Adam reconciliati sumus, obedientes usque ad morlem facti, neque enim alteri cuidam eramus debitores sed illi cufus et præceptum transgressi fueramus ab initio, t. V, c. xxxiv, n. 2, col. 937-938, 1046, 1154, 1161, 1168, 1216. Quand on a lu ces textes, on se demande comment P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, p. 1 10, a pu écrire : « Nous ne rencontrons pas chez lui l’idée d’hérédité, de transmission du péché par la filiation, de péché d’origine. » Et l’on reconnaît qu’ils incluent non pas seulement une chute en général, un rejaillissement quelconque de la faute d’Adam sur le genre humain, non pas seulement des pénalités auxquelles tous les hommes sont soumis à cause du péché d’Adam et d’Eve, mais encore l’existence d’un péché originel proprement dit. « Nous avons offensé Dieu dans le premier Adam, " « nous avons transgressé son précepte, » « nous avons péché contre le Père, » la désobéissance d’Adam est « notre désobéissance, n par suite de « l’antique désobéissance » nous étions Il dans les liens du péché, devant naître coupables et sujets à la mort : » ces expressions vont au delà de la transmission à la postérité d’Adam des peines encourues par notre premier père. Sur ce point J. Tunnel, Le dogme du péché originel dans saint Augustin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1901, t. vi, p. 425-426, manque d’exactitude.

Très explicite en ce qui regarde l’existence du péché originel, Irénée ne s’attache pas à préciser sa nature. Dans l’ensemble il professe un certain optimisme et, selon la ligne des Pères grecs, il insiste plus sur la l.berlé de l’homme que sur la nécessité de la grâce.

Il n’est pas frappé, au même degré que saint Augustin, par l’emprise de la concupiscence ; suivant saint Paul sur le fait de notre solidarité avec Adam, il s’inspire rarement des textes de l’apôtre sur le caractère tragique de la lutte entre la chair et l’esprit qui se passe en noi : s. Il atténue, plutôt qu’il ne l’aggrave, la culpabilité d’Adam Adam « n’avait pas encore le parfait usage de ses facultés ; aussi fut-il facilement trompé par le séducteur. » Dem., c. xii, p. 668. Le péché commis, Adam se cacha, non point pour fuir Dieu, mais parce qu’il se jugeait indigne de paraître devant lui, et se vêtit de feuilles de figuier, non d’autres feuilles quæ. minus corpus ejus vexare potuissent, par esprit de pénitence. Aussi Dieu maudit-il non pas lui, mais la terre et le serpent. Irénée s’indigne contre Tatien et tous ceux qui refusent d’admettre le salut d’Adam, semper seipsos excludentes a vita in eo quod non crt-dant inventam ovem quæ perierat. Car necesse fuit Dominum ad perditam ovem venientem, et tantæ. dispositionis reeapitulationem facicntem et suum plasma requirentem, illum ipsum homincm salvare qui factus fuerat secundum imaginem et similitudinem ejus, id est Adam.., uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Voir t. III, c. xxiii, col. 960-965. Quant à la postérité d’Adam, Irénée n’est pas de ceux qui supposent qu’elle a été blessée dans sa nature en tant que telle. La descendance d’Adam fidèle aurait-elle hérité des privilèges du premier père ? Oui, d’après Irénée, en ce qui concerne la grâce et l’immortalité, et même, semblet-il, l’exemption de la douleur. Mais, muni de ces privilèges, chacun aurait eu à les conserver par le bon usage de la liberté ; l’abus aurait entraîné leur perte. De par sa nature d'être créé, l’homme ne pouvait naître parfait et confirmé en grâce. L. IV, c. xxxviii, n. 1, col. 1105. En fait, Adam n’a pas été fidèle ; nous héritons de sa désobéissance, et nous naissons privés de la grâce, débiteurs de la mort, condamnés à soulfrir, sujets à la concupiscence, mais libres toujours, et, parce que lipres, patentes retinere et operari bonum et patentes rursum amittere id et non facere. L. IV, c. xxxvii, n. 2, col. 1100. Ainsi le péché n’est pas seulement .héréditaire, mais individuel, pas seulement une conséquence de l’acte d’Adam, mais un acte qui nous est propre, et le devoir nous incombe de faire le bien et d'éviter le mal, de faire certaines choses quasi bona et egregia, de nous abstenir de certaines autres, non solum operibus sed etiam his cogitationibus quæ ad opéra ducunt quasi malis et noeivis et nequam. L. II, c. xxxii, col. 826-827. La liberté n’a pas subi de dommages par suite du péché originel. Il est faux qu’on ait le droit de « taxer de pélagianisme avant la lettre » la doctrine d' Irénée, avec P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, p. 64 ; nous verrons que la nécessité de la grâce n’est pas méconnue par lui. Il est vrai qu’il se prononce fortement en faveur de la liberté. C’est un trait qui lui est commun avec les Pères grecs, et qui s’explique par la nécessité de maintenir le libre arbitre contre la prédestination fataliste des gnostiques. La liberté de l’homme étant restée intacte, dira-t-on que sa nature est amoindrie du fait de la captivité sous l’empire du démon où il est tombé dans la personne d’Adam ? On a cru pouvoir le conclure de ces mots : Non erat possibile eum hominem qui simul victus fuerat et clisus per inobedientiam replasmare et obtinere bravium Victor iæ. L. III, c. xvra, n. 2, col. 932 ; cf. J. Chaîne, Le Christ rédempteur d’après saint Irénée, Le Puy, 1919, p. 57. Mais cet homme vaincu, c’est dans l’ordre surnaturel qu’il ne peut vaincre, c’est l’immortahté, dont il est déchu par sa désobéissance, t. III, c. xx, n. 2, col. 943, qu’il ne peut conquérir par ses propres forces ; il ne s’agit point là d’une atteinte portée à la nature. Ce qu’il ne pouvait par lui-même il le peut par le Christ. Le Christ est

venu, adversus inimicum nostruin bcllum provocans et elidens eum qui, in initio, in Adam captivas duxerat nos, et il a refaçonné l’homme surnaturel, destrucns adversnriiim nostrum et perficiens hominem secundum imagineni et simililudinem Dei L. V, c. xxi, n. 1, 2, col. 1179, 1180. Qu’est-ce donc, au juste, que cette captivité diabolique ? Le péché : quoniam enim in initio homini suasit Iransgredi præceptum Factoris, ideo eum habuit in sua potestat, potestas autem ejus est transgressio, et aposlasia, et his colligavii hominem. Qu’est-ce que la délivrance de cette captivité? La délivrance du péché, le salut : qui ante captivus ductus (uerat homo extractus est a possessoris potestate, secundum miscricordiam Dei Patris, qui miseratus est plasmaii suo, et dédit salutem ei, per Verbum, id est per Cluistum, redintegrans, ut erperimento discal homo quoniam non a semctipso sed donatione Dei accipii incorruptelam, n. 3, col. 1182.

E. Girard, Exposé critique des opinions d’Irénée sur le péché, Strasbourg, 1861 ; E. Klebba, Die Anthropologie des lieil. Irenàus, Leipzig, 1894 ; cf. H. Koch, dans la Theologisclte Quarlalschrift, Tubingue, 1896, t. Lxxvin, p. 325-327.

IV. LE Verbe incarné et rédempteur.

1° Le Verbe incarné. — En combattant les^nostiques, Irénée a réfuté d’avance toutes les hérésies christologiques des premiers siècles. Les gnostiques se classent en deux catégories. Les uns niaient la divinité du Christ et voyaient en lui un homme, supérieur au reste des liommes, mais uniquement homme, né de Joseph et de Marie : c'était le cas de Carpocrate, t. I, c. xxv, n. 1 ; de Cérinthe, t. I, c. xxvi, n. 1 ; des ébionltes, t. I, c. xxvi, n. 2 ; t. III, c. xxi, n. 1 ; t. IV, c.xxxiii, n. 4 ; t. V, c. 1, n. 3, col. 680, 686, 946, 1074-1075, 1122-1123. Les autres refusaient au Christ une humanité véritable. Distinguant de l’hommeJésus le Christ, non divin, intermédiaire entre Dieu et les hommes, ils admettaient, non sans variétés dans la manière d’entendre cette théorie, que le Christ s'était uni à Jésus, pour un certain temps, dans de certaines circonstances, en vue de l'œuvre rédemptrice, mais sans jamais être l’un de nous, vraiment homme et passible ; ou bien, convaincus que le Sauveur n’avait pu s’unir même accidentellement à la matière mauvaise, ils enseignaient que le Christ, souffrant seulement en apparence, n’eut qu’une apparence de corps, ou tout au plus un corps de matière céleste, et qu’ainsi il a pu traverser Marie, mais non point naître d’elle. Cꝟ. t. I, c. VII, n. 2 ; t. III, c. xvi, n. 1 ; t. IV, c. xxxiii, n. 3, col. 513-516, 920, 1073-1074 (Valentin et son école) ; t. I, c. xv, n. 3, col. 620-621 (Marc) ; c. xxiv, n. 2, col. 674 (Saturnil) ; n. 4, 'col. 677 (Basilide) ; c. xxvii, n.2 ; t. IV, c. xxxiii, n. 2, col. 688. 1073 (Marcion) ; 1. 1, c. XXX, n. 12-13, col. 702 (les ophites) ; E. de Paye, Gnostiques et gnoslicisme, Paris, 1913, p. 41, 44-45, 60-66, 86-87, 91-92, 108-109, 111-112, 139-146, 161163, 243-244, 323, 438-443. Contre eux Irénée démontre que le Christ est vraiment Dieu et homme.

1. La nature humaine.

Que le Christ soit homme, c’est un des principaux articles de la foi. » L'Église a reçu des apôtres et de leurs disciples la foi que voici : elle croit en un seul Dieu, Père tout-puissant…, et en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui s’est fait chair pour notre salut. » L. I, c. x, n. 1, col. 549 ; cf. Dem., c. VI, p. 664. Irénée prouve cette vérité par le Nouveau Testament, t. III, c. xa-xxii, col. 919960, et passim : necesse habemus universam apostolorum de Domino nostro Jesu Cliristo sententiam adhibere ei ostendere. L. III, c. xvi, n. 1, col. 920. Il la prouve par l’Ancien Testament ; les prophètes ont annoncé dans tous leurs détails les actes de l’humanité du Christ : legite diligentius id quod ab apostolis est Evangelium nobis datum et legite diligentius prophetas, et

inuenieiis uninersani actionem, et omnem doctrinam et omnem passionem Domini nostri prredictam in ipsis. L. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083 ; cf. c. x, col. 999-1001 ; Dem., c. L-Lxxxvi, p. 698-721. Il la prouve en établissant que l’incarnation est une condition nécessaire de la rédemption. L. III, c. xviii, n. 7 ; c. xix, n. 1 ; t. V, c. XIV, n. 2-3, col. 937-940, 1161-1163. Nous retrouverons cet argument et nous en dirons la valeur quand nous traiterons de la nécessité de l’incarnation et de la rédemption d’après Irénée. Une tendance commune à tous les gnostiques était le besoin de rédemption ; on s’explique qu' Irénée ait considéré l’incarnation du Verbe comme un postulat de l'œuvre rédemptrice. Il la prouve par le dogme de la résurrection : « si donc il n’est pas né, il n’est pas mort non plus, et, s’il n’est pas mort, il n’est pas non plus ressuscité de » morts, et, s’il n’est pas ressuscité des morts, il n’a pas triomphe de la mort et n’en a pas détruit l’empire, et, s’il n’a pas triomphé de la mort, comment pourronsnous nous élever jusqu'à la vie, nous qui, dès les commencements, somines tombes sous les coups de la mort ? Or, ceux qui n’admettent pas le salut de l’homme, qui ne croient pas que Dieu doive les ressusciter d’entre les morts, ceux-là méprisent aussi la naissance de Notre-Seigncur. k Dem., c. xxxix, p. 688-689. Enfin, pour prouver l’existence de la nature humaine du Christ, Irénée part du dogme de l’eucharistie : si le Christ ne s’est pas fait homme, le cal ce de l’eucharistie n’est pas son sang ^t le pain que nous rompons n’est pas son corps. L. IV, c. xviii, n. 4-5 : c. xxxiii, n. 2 ; t. IV, c. i, n. 2 ; c. ii, n. 2, col. 1026-1029, 1075, 1122, 1124-1125. Voir EucHARisTin ;, t. v, col. 1129.

Pas de distinction entre le Christ et Jésus. Il n’y a qu’un Christ Jésus, homme véritable. L. III, c. xvii, n. 6 ; c. xviii, col. 925-926, 932-938. Vrai homme, il eut un corps, comme le nôtre, un corps passible ; et une âme semblable à notre âme. Il eut un vrai corps, né d’une femme comme le nôtre, né de Marie, quæ ex hominibus habebat genus, quie et ipsa erat homo, t. III, c. XIX, n. 3, col. 941, de la race juive, de la famille d’Abraham, de la tribu de Juda, de la maison de David ; sa généalogie est connue, il est né à Bethléem, il a été enfant, dans les langes, il a grandi et passé par tous les âges, il a fui en Egypte, il a subi la condition humaine, parlant, dorman., ayant faim et soif, mangeant et buvant. L. II, c. xxii, n. 4 ; t. III, c. XVI, n. 2-4 ; c. xviii, n. 3, 7 ; c. xix, n. 2 ; c. xx, n. 4 ; c. XXI, n. 3-5 ; c. xxii ; t. IV, c. iv, n. 1 ; c. vi, n. 7 ; c. ix, n. 2 ; c. xxxi, n. 2 ; c. xxxra, n. 2, 11 ; t. V, c. i, n. 2 ; c. XXI, n. 1-2, col. 784, 921-924, 933, 937, 940-941, 945, 949 952, 955-960, 981, 990, 998, 1069, 1073, 1080, 1122, 1179-1181 ; Dem., c. xxx, xxxv-xl, xlv, un, Lvii-i.xvi, p. 683, 686-689, 694, 699-700, 703-709. Son corps était passible : il a été las, il a pleuré, il a soulïert, il a sué le.sang, il a été crucifié sous PoncePilate, il est mort sur la croix, de son côté ouvert ont jailli l’eau et le sang, il a été enseveli. L. I, c. ix, n. 3 ; c. x, n. 1, 3 ; c. xx, n. 2 ; t. II, c. xx ; c. xxxii, n. 4 ; t. III, c. xii, n.9 ; c. xvi, n. 5-9 ; c. xviii ; c. xix, n. 2-3 ; c. XX, n. 4 ; c. xxii, n. 2 ; I. IV, c. ii, n.4 ; c. vii, n.2 ; c. IX, n. 2 ; c. xx, n. 8 ; c. xxiii, n. 2 ; c. xxiv ; c. xxv ; n. 1-2 ; c. xxxiii, n. 1-2, 12 ; t. V, c. vii, n. 1 ; c. xvi, n.2 ; c. x^^lI, n. 1 ; c. xxxi, n. 1-2, col. 541. 549, 553, 653, j 776-779, 829, 902, 921-929, 932-938, 940-941, 945, 957, ! 978. 991, 998, 1038, 1048-1051, 1072-1073, 1081, 1139, 1168, 1172, 1208-1209 ; Dem., c. iii, xxv, xxxix, xii, XLviji, Lxi-Lxxxii, xcv, xcvii, p. 662, 678, 688, 690, 696, 706-719, 726, 728. Le Christ eut une âme humaine, sensible et raisonnable ; puisque « l’homme est composé de corps et d'âme, » t. IV, prjef., n. 4, col. 975, nous saurions, même s’il ne le disait pas, qu' Irénée attribue une âme au Christ. Mais il le dit expressément, t. III, c xxii, n. 1, col. 956 : Nos autem quoniam corpus su

mus de terra acceplum, et anima accipiens a Dto spirilum, omnis quicamqne confitebitur ; hoc itaque factum est Verbum Dei, sniim plasma in semetipsnm recapitulons, et propter hoc filium hominis se confitetur. Cꝟ. t. I, c. XV, n. 1 ; 1. H, c. xxxii, n. 1, 3, col. 680, S26, 828. P. Beiizart, Essai sur la Iheologie d’Jrénce, priHcnd, p. 100, qu' « Irénée ne se rend pas très bien compte de la nécessité d’une àme liumaine, de là une tendance au docctisme qui demeure toute logique et bien inconsciente, » et, p. 98, que « lui qui prend soin d’ajouter l’esprit, Tcveù^a, aux deux composants de l’homme naturel, corps et âme ou esprit, ne parle point de l'âme, anima ou (J'^X'^l' ^^ '^ personne du Christ. » Nous avons constaté qu' Irénée est très hostile à tout docétisme et parle de l'âme du Christ, anima. Le mot 'i^xh se lit dans deux tragmenls grecs du Contra hxreses : dans l’un, t. V, c. i, n. 1, col. 1121, il dit que le Christ « a donné son âme, 'iuj_-l]v, pour nos âmes, t] ; ux"^ ; " dans l’autre, t. III, c. xxii, n. 2, col. 957, il cite Matth, xxvi, 38 : i Mon âme, <li^X']> est triste. » Il a cette formule saisissante, t. V, c. xiv, n. 3, col. 1162 : Si quis igitur sccundum hoc alteram dieit Domini carnem a nostra carne quoniam ille quidem non peccauil, ncqac inventas est dolus in anima ejus, nos autem peccatores, recte dieit. S’il n’a point péché, le Christ a connu la tentation.' L. III, c.xix, n. 3 ; t. V, c. xxi, n. 2, col. 941, 1180-1181. Et même, d’après Irénée, si étroite est la similitude, sauf le péché, entre le Christ et nous, entre l'âme du Christ et la nôtre, que le Christ, dans sa nature humaine, n’a pas été exempt d’ignorance ; Irénée, t. II, c. xxvi, n. (5-8, col. 808-811, entend au pied de la lettre Marc., xiii, 32, sur l’ignorance du jour du jugement. Cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 449. Notons enfin, avec D. L. Tonetti, L’anima di Cristo nella teologia del Nuovo Testamentoe dei Padri, lll, Verbum caro factum est, dans la Riuista storico-critica dclle scienze teologiche, Rome, 1910, t. vi, p. 262, que l’existence parfaite de l'âme, être spirituel, raisonnable, doué de volonté, est très évidente dans la doctrine de la descente ad inféras ; nous trouverons cette doctrine chez Irénée.

Ne quittons pas ce sujet sans nous arrêter à la chronologie de la vie du Christ. Irénée met sa naissance vers la 41'= année d’Auguste, t. III, c. xxi, n. 3, col. 949, qu’il compte sans doute à partir de la mort de César (donc la 44 « année = 14 del'ère chrélienne !) Plus loin, t. IV, c. VI, n. 2, col. 987, il le fait naître a temporibus T(7)er(( (date sensiblement concordante), mais place encore sous Tibère son ministère, t. IV, c. xxii, n. 2, col. 1047. On connaît aussi l’opinion d' Irénée sur l'âge du Christ à sa mort. L. II, c.xxxii, col. 781-786. A l’encou tre des gnostiques, suivant qui le Christ ne prêcha que pendant une année après son baptême et subi t la Passion le douzième mois, Irénée dit que l'Évangile de saint.Jean commémore trois célébrations de la Pàque par le Seigneur après son baptême et, de la sorte, renverse l’opinion gnostique. L. I, c. iii, n. 2 ; t. II, c. xx, n. 1 ; c. xxii, n. 3, col. 472, 777-778, 782-783. Irénée dit encore que le Chri.stfutbaptiséàtrenteans. L. II, c.xxii, n. 4, col. 783. On s’attendrait àcetteconclusionqu’il mourut troisans après son baptême. Eh bien ! pas du tout. Distinguant cinq âges dans la vie humaine : infantes, et parvulos, et pueros, et juvenes, et seniores, et précisant que triginta annorum a>tas prima indolis est juvenis et extenditur usque ad 'luadragesinmm annum.., a quadragesimo autem et quinquagesimo anno déclinât jam in eetatem seniorem, il avance que cet âge senior était celui qu’avait le Seigneur quand il enseignait, quani habens Dominus noster docebat, n. 4, 5, col. 784, 784. 78.5. Il suppose donc que le Christ n’enseigna pas tout de suite après son baptême, mais qu’il continua sa vie cachée jusqu'à ce qu’il eut atteint l'âge parfait

du maître. Tel serait le sens de ces mots, n. 4, col. 783, 784 : Triginta quidem annorum cxistens (le commencement de l'âge du juvenis) cum ueniret ad baptismnm, dcinde, magistri felatem perfcctam habens, renit Hiernsalem… : magister ergo exislens, magisiri quoque habebat xtalem…, senior insenioribus utsitperfeetus magister in omnibus. Cf. Massuet, Dissert., III, a. 7, n. 72, col. &21322. A l’appui de cette opinion que le Christ enseigna entre 40 et 50 ans, Irénée cite l'Évangile de saint Jean et tous les presbytres réunis en Asie, auprès de Jean, disciple du Seigneur, qui attestent id ipsum tradidisse eis Joannem, n. 5, col. 785. Nous nous expliquerons sur la portée de ce témoignage des presbytres, lorsque nous examinerons les sources d' Irénée. Quant à l'Évangile, Irénée vise le Quinquaginla annos nondnm habes, Joan., viii, 57 : dicitur ei qui jam quadraginta annos excessit, quinquagesimum autem nondum attigit, non tantnm multum a quinquagesimo anno absislat, n. 6, col. 785. Évidemment l’erreur sur l'âge du Christ vient de ce qu’on a donné à ce verset une interprétation stricte. Cette erreur a influé sur une autre erreur d' Irénée, d’après laquelle Ponce Pilate aurait été procurateur de l’empereur Clejudc. Dem., c. i.xxiv, p. 715 ; cf. A. Harnack, Des heil. Irenaus Schrift zum Ermeise der apostolischen Yerkïindigung, Leip71g, 1907, p. 62-63. Ajouterons-nous qu’A. Pagi, Critica historico-chronologica in universos Annales ecclesiasticos Bnronii, Anvers, 1705, t. i, p. 24, a émis, d’une façon purement gratuite, l’hypothèse que le passage d' Irénée sur l'âge du Christ n’est pas authentique ? A. Dufourcq. Saint Irénée (collection Les saints), 2e édition, Paris, 1904, p. 1 30, a élargi le sens de ce passage, quand il écrit qu’Iréîioe a prolongé le ministère du Christ « jusque vers cinquante ou soixante ans. » Il fait également dire, p. 131, à Irénée que le Christ ressuscité passa dix-huit mois avec ses disciples avant de monter au ciel ; c’est là une opinion gnostique rapportée, non approuvée, par l’auteur du Contra hæreses, t. I, c. iii, n. 2, col. 469. Cf. J. Chapman, dans The Journal of llieological studies, 1908, t. ix, p. 42-61 ; J. Hoh, Die Lehre des heil. Irenaus iiber das Neue Testament, Munster, 1919, p. 160-166.

2. La nature divine.

« Voici l’enseignement méthodique de notre foi…. Quant au second article, le

voici : c’est le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus( ; hrist Notre-Seigneur…, par lequel tout a été fait et qui, dans la plénitude des temps, pour récapituler et contenir toutes choses, s’est fait homme, né des hommes, s’est rendu visible et palpable, afin de détruire la mort et de montrer la vie, et de rétablir j’union entre Dieu et l’homme. » Dem., c. . p. 664. Toute la christologie et toute la sotériologie sont dans ces lignes, en particulier l’affirmation de l’existence de la nature divine et de la nature humaine du Christ. Dire que Jésus-Christ, c’est le Verbe de Dieu fait homme, c’est dire, puisque le Verbe est Dieu, consubstantiel au Père, que la nature divine, tout comme la nature humaine, appartient au Christ. Voyons comment Irénée présente cette vérité. « Il faut croire qu’il y a un Fils de Dieu, et qu’il existe non pas seulement au moment où il va paraître au monde, mais même avant la création du monde…. Celui qui, au commencement, était le Verbe auprès du Père, celui par qui tout a été fait, c’est bien le même qui est son Fils. » Dem., c. xun, p. 691-692. Préexistant à son avènement terrestre, préexistant au monde, il est celui par qui le monde a été créé, et il a tout pouvoir sur la création. L. III, c. vi, n. 1 ; t. IV, c. XX, n. 2, col. 860, 1033. Il est le « seul JésusChrist, Fils de Dieu, incarné pour notre salut, » dont les prophètes ont annoncé la naissance, la vie, la mort, la résurrection, l’ascension et le second avènement, dans la gloire du Père, comme juge suprême du monde.

L. I, c. X, n. 1, col. 549-552 ; cf. I. III, c. v, n. 3 ; c. xvi, n. 2, 3 ; c. xix, n.2 ; c. xxi, n. 1, 3 ; t. IV, c. ix, n. 2 ; c. x-xi, xxjii-xxiv, XXVI, n. 1 ; c. xxxiii, col. 859, 92t, 922, 940-941, 946, 949, 098, 999-1003, 1047-1050, 1052-1053, 1072-1086 ; Dem., c. xxv, xxviii, xxx, XXXV, XL, surtout xliv-lxxxvt, où l’argument se déroule avec ampleur et s’achève de la sorte : « Si les prophètes ont annoncé d’avance que le Fils de Dieu se manifesterait sur la terre, en quel lieu du monde, de quelle manière et dans quelles conditions il apparaîtrait ici-bas, si le Seigneur a véritic toutes ces prophéties en sa personne, notre foi en lui repose sur un fondement inébranlable, » c. xcvii, xcviii, p. 679, 682, 683, 686, 689, 692-721, 728, 730. Lui, qui a été prophétisé, il a parlé par les prophètes. Coni. ha^r., I. III, c. xviii, n. 1 ; t. IV, c. xx, n. 4, col. 929, 1034 ; Dem., c. V, xxxiv, p. 664, 685. Il a conduit toute l’histoire d’Israël par ses théophanies (voir les textes plus haut). Dans tout le passé antérieur h son existence terrestre, il a été l’unique révélateur du Père et celui par qui seul les justes étaient sauvés. L. IV, c. v-vii, xi, xxii, n. 2, col. 983-993, 1001-1003, 1047.

Quand il s’est fait homme, il est né d’une Vierge, Marie, conçu non d’un homme, Joseph, mais par l’opération du Saint-Esprit. L. I, c. x, n. 1 : t. III, c. XVI, n.2 ; c. xviii, n. 3 ; c. xix, n. 1, 3 ; c. xx, n. 3 ; .c. x."^ : i-xxii ; t. IV, c. xxiii, n. 1 ; c. xxxiii, n. 4 ; t. V,

  • c. i, n.3 ; c. xix, n. 2 ; c. xxi, n. 1, col ; 519, 921, 933, 938,

941, 944, 946-960, 1048, 1075, 1080, 1122-1123, 1176, 1179' ; Dem., c. xxxii, xxxv-xxxi, xxxix-xl, i.i, un, Liv, Lvii, Lix, Lxiii, p. 684, 686-687, 688-689, 698, 700-701, 703, 704, 705, 708. Il a été reconnu Dieu par Jean-Baptiste, les anges, les mages, Siméon. Dem., c. xii, i.vni, p : 690, 704 ; Cont. Ivmr., t. III, c. xvi, n. 4, col. 9'_3. Il a été appelé Fils de Dieu par les Écritures, il s’est appelé Fils de Dieu lui-même. L. III, c. vi, n. 1-2 ; c. ix-xi, n.1-0 ; c. xii, xvi-xix, col. 860-801, 808-884, 892-910, 919-941. Irénée n’a pas creusé cette notion de « Fils de Dieu » comme l’p fait l’exégèse récente : il n’a pas classé les textes, dégagé toutes les nuances de leur contenu, montré que tantôt la divinité y est sous-entendue et implicite, tantôt expressément affirmée. Mais Il a su mettre à profit quelques-uns des textes les plus probants. Il note soigneusement que le Christ est le Fils par excellence, ipsum soliim esse Filium Dci, t. II, c. xxxii, n. 4, col. 828 ; cf. I. IV, c. xx.Kvi, n. 1, col. 1090-1091, sur la parabole des vignerons : A qiio igitur missiis est Fitius ad eos cclonos, qui inlerjecerunt eiim, ab hoc ci serni ; sed Filius qiiidem, quasi a Pâtre venicns, principali auc.toritute dicebai : Eqo autim dico oobis ; servi autem quasi a Domino serviliter, et propter lioc dicebant : Hœc dicil J^ominus. Il relève la grande nouveauté de la venue du Christ et de son affirmation qu’il est le Fils de Dieu, t. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083 : Si autem subit vos hujusmodi sensiis ut diiatis : Quid iqitur Dominus attulit ocniens ? eoqnoseile quoniam omnem novitatem attulit, semetipsum afjerens qui fueral annuntiatus. Il professe que le Fils est Dieu, comme son Père, et identique au Verbe. Le Clirist a exercé « la vraie et souveraine justice. » Il est, à la fois, « le tout premier-né au conseil du Père, le Verbe parfait, gouvernant tout et réglant tout par lui-même sur la terre, » et « le premier-né de la Vierge, homme juste, saint, adorateur de Dieu, bon, agréable à Dieu, parfait en tout. » Dem., c. i.x, xxxix, p. 706, 689. Il remettait les pécliés, ConI. /ier., t. V, c. xvii, n. 1, col. 1169. Il faisait des miracles et le soleil s’est miraculeusement obscurci à sa mort. Cont. hn-r., t. II, c. XXXI, n. 2 ; t. IV, c. xxvii, n. 2 ; c. xxxiii, n. 12 ; 1. V ; c. xvii, n. 2, col. 824-825. 1058, 1081, 1169-1170. Dem., c. Lxvii, p. 709-710. Il est descendu aux enfers. Cont. Iiœr., t. III, c. xx, n.4 ; t. IV, c. xxii, n. 1. ; c. xxvii, n. 2 ; c. xx.xiii, n. 1 ; L Y, c. xxxi, n. 1-2, col. 945, 1046 DICT. DE THÉOL. CATHOL.

1047, 1058, 1072, 1081, 1208-1209 ; Dem., c. Lxxvin. p. 71 7. Voir icit. IV, col. 579-580, 603.Il est ressuscité, in carne, corporaliter, d’entre les morts, le troisième jour. L. 1, c. X, n. 1 ; t. II, c. xxxii, n. 3 ; t. III, c. xvi, n. 3, 5, 6, 9 ; c. xviii, n. 3 ; c. xix, n. 3 ; t. IV, c. ii, n. 4 ; c. IX, n. 2 ; c. xxvi, n. 1 ; c. xxxii, n.2 ; c. xxxiii, n. 13 ; t. V, c. VII, n. 1 ; c. xxxj, col. 549, 822, 922, 924, 925, 928, 929, 933, 934, 941, 978, 997, 1053, 1073, 1082, 1139, 1208-1210 ; Dem., c. iii, xxxviii-xxxix, Lxii, Lxxii-Lxxiii, I, xx^^, i.xxxiii, p. 662, 687-689, 707708, 714-715, 716, 719. Il a donné à ses disciples le pouvoir de régénérer les âmes. L. III, c. xvii, n. 1, col. 929. Il est monté au ciel. L. I, ex, n. 1 (in carne in Cielos nscensionem) ; t. II, c. xxxii, n. 3 ; t. III, c. xvi, n. 8 (carnalem assumptionem), 9 ; c. xviii, n. 3 ; c. xix, n. 3 ; I. IV, c. xxxii, n. 3 ; t. V, c. xxxi, n. 1, 2, col. 549550, 828, 927, 928, 934, 941, 1082, 1092, 1210 ; Dem., c. XLi, Lxxxiii. LxxxvTii, p. 690, 719, 722. Il est assis à la droite du Père. L. III, c. xvi, n. 3, 9, col. 923, 929 ; Dem., c. Lxxxv, p. 720. Il a envoyé le Saint-Esprit aux apôtres, et il l’envoie à toute la terre. Cont. hær., t. III, c. XVII, n. 2-3, col. 929-930 ; Dem., c. xli, p. 690. Il est la résurrection, lui, le premier-né des morts, il est la paix et le rafraîchissement des morts, le prince de la vie de Dieu. Cont. Iiœr., t. II, c. xxii, n. 4 ; t. III, c. XVI, n.4 ; c. xix.n.3 ; l. IV, c.v, n. 2 ; c.xx, n.2 ;.c. xxiv, n. 1 ; t. V, c. XXXI, n. 2, col. 784, 923, 941. 985, 1033, 1049, 1209 ; Dem., c. xxxvin-xxxix, p. 687-690. Son nom triomphe des démons, des esprits mauvais et de toutes les forces rebelles, Dem., c. xcvi-xcvii, p. 728, et procure les charismes. Cont. hær., t. II, c. xxxii, n. 4, col. 829. Il donne la vie éternelle ; le salut vient de lui. L. IV, c. X, n. 1 ; c. xxii, n. 2, col. 1000, 1048 ; Dem., c. Li, p. 698. Il a la primauté en toutes choses, au ciel et sur la terre. Cont. har., L III, c. xvi, n. 3, 6 ; t. IV, c. XX, n. 2, col. 922, 926, 1033 ; Dem., c. xl, xLanr, p. 689, 696. Il est le maître de l’heure. L. III, c. xvi, n. 7, col. 926. Il est la lumière du monde. L. III, c. xvi, n. 4, col. 925. Sa présence remplit le monde, il a changé le monde, il est le roi de l’univers, le Seigneur de tous, le roi de tous les sauvés, kroi de tous, le roi éternel. Dcm., c. xxxiv, XLI, xlix, li, lii, L^^, lviii, lxi, lxvi, xcv. p. 677, 690, 697, 698-699, 701-702, 704, 706-707, 709, 726 ; Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 9, col. 954. II est l'Être. Dem., c. xcv, p. 726. Il est exalté au-dessus de tout. Dem., c. lxxxviii, p. 722. Il reviendra, dans la gloire, juger legenre humain, vivants et morts. Cont. hær., t. I, c. X, n. 1 ; t. III, c. xvi, n. 6, 8 ; c. xix, n. 2 ; t. IV, c. XX, n. 2 ; c. xxii. n.2 ; c. xxx, n. 1, col. 549, 925, 928, 1033, 1047, 1073 ; Dem., c. xli, Lxii, lxxxv, p. 090, 708, 720. Son règne n’aura pas de lin. Coni. hær., t. IV, c. xx, n. 11, col. 1040 ; Dem., c. xxxvi, Lxiv, p. 687, 708. Pourrait-on marquer avec plus de force la nature divine du Christ ?

3. L’union hijpostatique.

Irénée n’a pas la formule « union hypostatique », mais il en expose la réalité mystérieuse. Voir Hvpostase, cul. 374 ; Hypi statique (Uni< N), col. 451-452, non seulement à rencontre de ce qui sera le monopliysisme, mais aussi de manière à battre en brèche les futures affirmations de Nestorius, que, dans certains milieux, on se complaît à rattacher à Irénée. Cf. P. Galtier, L'éve’que docteur : saint Ircnce de Lyon, dans les.É/iides, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 213-214.

Irénée emploie le mot « incarnation, » oâpxwoiç. L. I, c. IX, n. 3 ; c. x, n. 1 ; t. III, c. xvii, n. 4 ; c. xviii, n. 3. c. XIX, n. 1 ; t. V, c. v, n. 1 ; c. xahi, n. 1, col. 541, 549, 931, 933, 939, 1121, 1169 (I. III, c. xxi, n. 8, col. 953, il parle de la verge de Moïse incarnala) : Dem., c. IX, xxxii, lui, xcvii, p. 666, 684, 699, 728. Il dit que le Verbe, le Verbe de Dieu, s’est incarné, est chair, est né dans la chair, s’est fait chair, est venu dans la chair. Cont. I^œr., 1. 111, c. ix, n. 1 ; c. xviii, n. 7 ; c. xix,

VII.

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IRENÉE (saint ;

n. 9 ; I, IV, c. xx, n. 2-4, c. xxxiii, n. 1 ; t. V, c. xiv, n. 1, coi. 869, 937, 940, 1033, 1034, 1080, 1161 ; Dem., c. Lin, XGV, p. 699, 725-726. Ou encore que Dieu s’est fait homme, Con^ /lar., !. III, c. XXI, n. l, coI. 946 ; que le Fils de Dieu s’est fait ce que nous sommes, quod et nos, t. IV, c. xxxiii, n. 1, col. 1080 ; qu’il s’est fait homme, t. IV, c. xx, n. 8, col. 1038 ; qu’il s’est fait fîls de l’iiomm ?, t. III, c. xi, n. 3, 8 ; l. IV, c. xxxiii, n. 11, col. 9'^6, 929, 1080 ; Dem., c. xxxi, xcii, p. 687, 725 ; qu’il est fils du Très-Haut et de David, Cont. huer., t. III, c. xT, n. 3, col. 923 ; que le Fils de Dieu, qui est le Verbe du Père, s’est fait fils de l’homme, t. III, c. xviii, n. 6 ; c. xix, n. 3, col. 936, 941 ; que le Verbe, le Verbe de Dieu, le Verbe de Dieu le Père, s’est fait hommi ?, t. III, c. xvi, n.6 ; c. xvtii, n. 7 ; c. xix, n. 1 ; c. XX, n. 2 ; t. V, c. xiv, n. 2 ; c. xvi, n. 2 ; c. xvii, n. 3, col. 926, 938, 939, 944, 1162, 1167, 1170 ; Dem., c. vi, Lxvi, p. 664, 709 ; qu’il s’est fait homme parmi les hommes, Cont. hær., t. IV, c. xx, n. 4, col. 1034 ; qu’il s’est fait la substance de l’homme, t. V, c. ii, n. 2, col. 1125. Ou bien que Dieu s’est répandu, effudit semetipsum, t. V, c. ii, n. 1, col. 1124 ; qu’il y a eu avènement du Seigneur selon l’homme, t. IV, c. xx, n. 11, col. 1093 ; avènement du Fils de Dieu selon l’homine. t. IV, c. xxvi, n. 1, col. 1053 (lire : v] xax' av6pco7TOv (non : oùpavov) Tcapouaîa toù Ttoù toO Qeoû) : avènement du Verbe du Père comme homme, Dem., c. Lin, p. 699-700 ; avènement visible de NotreSeigneur, c. xcvii, p. 728 ; avènement du Fils de Dieu et économie de son incarnation, c. xax, p. 730, 731. Le mot a économie, » olxovo[i.ta, est familier à Irénée et, en général, aux Pères grecs ; il désigne la grâce de l’int-arnation et l’ensemble du plan divin pour le salut des hommes par le Verbe incarné. La traduction latine le rend par dispositio. Cf. Dem., c. vi, xlvii, p. 664, 695 ; Cont. hær., t. I, c. x, n. 1, 3 ; 1. IH, c. xvi, n. 6, 8 ; c. xvii, n. 1, 4, col. 549, 556, 925, 926, 929, 931, etc. Une particularité de cette traduction, extrêmement curieuse au point de vue de la langue, c’est qu’habituellement elle met au masculin les mots qui se rapportent au Verbe incarné. Cf., par exemple, t. III, c. XVI, n. 2, col. 921 : Quoniam Joannes unum et cumdem novit Verbiim Dei, et hune esse Unigenitum, et hune incarnatum esse pro sainte nostra Jesum Christum Dominum nostrum sufficienter… démo nstravi mus. Il a même, n. 7, col. 926 : Dominus noster.., cum sit ipse, et Unigenitus Palris, et Christus qui pr^dicalus est, et Verbum Dei incarnatus. La raison de cette anomalie « st sans doute qu’il calque le relatif du mot Verbum sur le grec, où il est masculin ; cf., par exemple, t. III, c. XIX, n. 1, col. 939, oii Vcrbo Dei qui incarnatus est traduit tw oapxcoGsvxi Aoyw toû 0eoû. Parfois le relatif du mot Verbum s’accorde en genre avec lui, par exemple, t. V, c. xviii, n. 1, col. 1172 : Ipsum Verbum Dei incarnatum suspensum est super lignum. Cette dernière phrase, comme toutes celles qui précèdent, et bien d’autres, contient l’idée de l’union hypostatique. Celui qui est le Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, éternel, celui-là, dans le temps, sans cesser d'être le Verbe de Dieu, s’est fait homme, a grandi, mangé, parlé, souffert et a été cloué à une croix. L’union de l’clement divin et de l’Llément humain dans le personnage unique du Verbe est affirmée sans ambages. Aux gnostiques distinguant Jésus, le Christ, le Sauveur, le Verbe ou Logos, le Fils unique ou Monogène, le Principe, 1. 1, c. ix, n. 2 ; t. IV, præf., n. 3, col. 539, 974, Irénée dit, t. I, c. ix, n. 2, col. 539, qu’ils dénaturent la pensée de saint Jean unum Deum exponcnte et unum Unigenitum Christum Jesum annuntiante, per quem omnia facta esse dicit, Ixunc Verbum Dei, hune Unigenitum, hune jaclorem omnium, hune lumen verum illuminons onuiem homincm, hune mundi Jabricatorem. hune in sua venisse, tutne eumdem car nem jactum, et inhabitasse in nobis. Et il conclut ssi réfutation des gnostiques, n. 3, col. 543 : Unus et iden ostenditur Logos, et Monogenes, et Zoe, et Phos, et Soter, ' et Cltristus Filius Dei, et hic idem incarnatus pro nobis. Plus loin, t. IV, c. VI, n. 7, col. 990 : Unus et idem, omnia subjicienle ei Pâtre, et ab omnibus accipiens teslimonium, quoniam vere homo, et quoniam vere Deus. Et, t. III, c. XVI, col. 919-929, notamment le passage déjà cité, n. 2, col. 921 : Joannes unum et eumdem novit Verbum Dei.., et hune incarnatum esse… demonstravimus ; et, n. 7, col. 926 : Dominus noster, unus quidem et idem existens, dives autem et multus, diviti enim et mullse voluntati Palris deservit, cum sit ipse Salvator.., et Dominas.., et Deus.., et Unigenitus Palris, et Christus qui prœdicalus est, et Verbum Dei incarnatus, cum advenisset plenitudo temporis in quo filium hominis fieri oporlebat Filium Dei. Cf., entre beaucoup de beaux textes, t. III, c. xviii, n. 6-7 ; c. xix, n. 2-3 ; c. xxi, n. 4 (la prophétie d’Isaïe), col. 936-938, 940-941, 950-951, et tous ceux, déjà mentionnés, où l’on voit que « sa sotériologie détermine sa christologie, » qu' « il veut sauvegarder avant tout la possibilité et la réalité du salut ; or, le salut n’est possible et réel qu’avec un Christ qui appartienne à la fois à la divinité et à l’humanité. » P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, p. 85 ; cf., p. 85-94. Une citation de Dem., c. Lxii, p. 707-708 ; suffira : « Tous ces témoignages de l'Écriture établissent donc que le Christ qui, selon la chair, doit être de la race de David, sera le Fils de Dieu, qu’après être mort il ressuscitera, qu’avec la forme et l’aspect d’un homme il sera cependant le Dieu tout-puissant, qu’il jugera lui-même tout l’univers. » Cf. c. xxx, xxxix, XLviii, LU, Lxxi, Lxxxiv, xcii, p. 683, 689, 696, 699, 713, 720, 725.

L’idée qu’exprimera plus tard la formule de l’unité de personne dans la dualité des natures, est ainsi rendue, t. III, c. xa, n. 6, col. 925 : hujusVerbum unigenitus, qui semper humano generi adest, unitus et consparsus suo plasmati secundum placitum Palris, et caro foetus. Consparsus aurait été, dans le grec, 7rE<pup(i.évoç, c’est-à-dire commistus, id est intime unilus, d’après la conjecture de Grabe, acceptée par Massuet. L. III, c. xix, n. 1, col. 939, la traduction latine porte : Propler hoc enim Verbum Dei homo et qui Filius Dei est filius hominis factus est, commistus Verbo Dei, ut. adoptionem percipiens, fiai filius Dei, ce qui n’of[re guère de sens à moins de lire : factus est ut homo, commistus Verbo Dei et adoptionem percipiens, fiat filius Dei. Théodoret cite ce passage autrement, 7Jranis/cs, D.alogus I, Immutabilis, P. G., t. lxxxiii, col. 85-86, et donne le texte grec : Propterea enim Verbum Dei est homo ut homo, Verbum capiens (/opyjaaç) adoptionemque consecutus, filius.Dei efficiatur. Il y a des chances pour que Théodoret ne cite pr.s de mémoire ni d’après un manuscrit interpolé, mais fournisse le vrai texte d' Irénée ; la supposition contraire de Massuet, P. G., t. VII, col. 939-940, semble arbitraire et inutile et l’expression : homo capiens Deum ou Verbum est dans le style irénéen. Cꝟ. t. II, c. xiii, n. 5 ; t. III, c. xvi, n. 3 ; t. IV, c. XX, n. 2, 5, c. xxxviiii, n. 1 ; t. V, c. i, n. 3, col. 745, 922, 1033, 1035, 1107, 1123. Du reste, qu’il faille lire : commistus Verbo Dei, ou : ut homo commistus Verbo Dei, ou : ut homo Verbum capiens, il ne s’agit pas de l’union hypostatique des deux natures dans le Verbe incarné, mais de l’union du chrétien avec Dieu et de sa filiation divine ; Érasme, dans son Argumen tum du IIP livre, Bàle, 1534, p. 136 = P. G., t. vii, col. 1328, a donc été inexact en disant que, dans ce passage, Irénée dicit Christum juxta Immanam naturam adoptalum. De même les mots commislio et communia Dei et hominis, t. IV, c. xx, n. 4, col. 1034, ont été indûment appliqués à l’union du Verbe et de l’humanité dans le Christ ; ils visent l’union de Dieu et de

l’homme opérée par le Christ. Mais un passage qui se rapporte bien à l’union hypostatique est celui, t. IV,

0. xxxiii, n. l, col. 1080, où Irénéedil que les prophètes, annonçant la naissance d’Emmanuel d’une Vierge, manifestaient tïjv ëvcoaiv toO Aôyou toû ©eoû repôç t6 7TXàcr(i, a aÙToû. Cf. Théodoret, Eranisles, Dialogus 11, Inconfusus, P. G., t. Lxxxiii, col. 172. Le même mot,

t. III, c. xviii, n. 7, col. 937 : Hierere ilaque fecit et iidunivit, î^vwæv, hominem Deo, s’entend de l’union de l’homme à Dieu par la grâce. Bref, Irénée ne nous donne pas la formule de l’union hypostatique ; mais il nous en donne la doctrine.

Irénée est étranger au kénotisme que G. Thomasius, Chrisd Persan und Werk, 2e édit., Erlangen, 1857, et d’autres théologiens protestants ont cru découvrir dans saint Paul et les anciens Pères. Il dit, t. III, c. XIX, n. 3, *col. 941, que le Christ fut homme pour être tenté, Verbe pour être glorifié, requiescente (YjCRixâî^ovT’oç) quidem Verbo ut possel tentari, et inhonorari, et crucifigi et mori. Si le Verbe » se repose », ce n’est pas qu’en devenant vrai homme il ait cessé d'être ce qu’il était ou qu’il ait abdiqué de façon temporaire ses attributs divins ; c’est qu’il a pris une nature humaine véritable, donc capable de souffrance et de tentation, invisibilis uisibilis factus, et incomprehensihilis factus comprehensibilis, et impassibilis passibilis, et Verbumhomo. L. III, c. xvi, n. 6, col. 925-926. C’est f[u’il s’accommode à notre faiblesse et cache sa gloire que nous ne pourrions supporter. L. IV, c. xxviii, n. 1-2, col. 1105-1107. Cf. Loofs, art. Kenosis, dans la Realencyklopadie, 3^ édit., Leipzig, 1901, t. x, p. 252.

2' Le Verbe rédempteur. — Les gnostiques ont formé un rêve de rédemption. Ils avaient l’idée « qu’il y a dans le cosmos, notamment chez certains hommes, un principe divin. Cette étincelle divine est comme une étrangère ici-bas. Elle s’est égarée dans un monde de ténèbres. Le problème est de savoir comment elle pourra remonter aux régions supérieures d’où elle est venue. La rédemption consistera dans le retour à Dieu, » retour non pas simplement individuel, mais aussi cosmique. E. de Paye, Gnostiques et gnosticisme, p. 433-434 ; cf. p. 45-46, 62, 67-78, 106, 139-146, 163164, 217-218, 239-240. Irénée relève la théorie rédemptrice du gnosticisme. L. I, c. vi, n. 1-2 ; c. xiii, n. 6 ; c. XXI, col. 504-508, 588-589, 657-669. A la conception du gnosticisme il oppose la conception orthodoxe. Il y a donc à tenir compte de ses préoccupations de combat et du contraste qu’il vise à faire éclater entre le rédempteur des orthodoxes et celui des hérétiques pour comprendre la sotériologie d' Irénée. Cf. P. Galtier, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherchts de science religieuse, Paris, 1911, t. II, p. 5sq. : J. YMy’ièTe, La doctrine de saint I renée sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Bulletin (l’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, t. I, p. 178, 188. Mais la pensée de l'évêque de Lyon déborde cette polémique. Nulle part peut-être clic n’est si riche et si originale que dans cette question. Pour la saisir tout entière, voyons comment il envisage la rédemption du côté du Christ, du côté de l’homme, du côté de Dieu, du côté du démon.

1. Du côté du Christ.

La théologie de la rédemption s’est développée selon deux directions maîtresses. Les uns, surtout quelques Pères grecs, s’inspirant particulièrement de saint Jean, laissent la mort du Christ au second plan, insistent sur le mystère de l’incarnation et expliquent par la vertu du contact du Verbe divin avec la nature humaine la résurrection du genre humain ; sur ce fondement s'élève la théorie dite physique ou mystique de la rédemption. D’autres, surtout parmi les Latins, s’inspirant davantage de saint Paul, mettent l’accent plutôt sur la mort rédemptrice et sur le grand effort d’amour par lequel le Fils de Dieu s’est

livré pour nous et s’est acquis d’infinis mérites qu’il déverse sur le genre humain : d’où la théorie dite morale ou réaliste de la rédemption. Ces appellations ne sont pas également heureuses Peut-être serait-Il préférable de ne garder que l'épithète " mystique » pour la première, et « réaliste » pour la seconde théories. Les deux tendances coexistent dans Irénée. C’est à tort qu’A. RitschI, Die I.ehre von der Tiechtlertigung und Versôhnung, 3e édit., Bon-i, 1889, l. i, p. 7, a prétendu qu' Irénée, d’accord avec ses prédécesseurs, ne voit dans le Christ que son rôle de docl eur et l’exemple qu’il donne. Parmi ceux qui ont adhéré aux idées de RitschI, P. Beuzart, Essai sur la théologie d' f renée, p. 93, 102, 104, 148, opposant l’incarnation à la rédemption, comme si la première n'était pas pour la seconde, dit qu' Irénée n’emploie pas souvent les mots rcdemplio et redimere et qu’ils sont loin de sa pensée, qu’il « n’attache pas indissolublement à la personne de Jésus-Christ la notion de salut ou de rédemption. »

a) La théorie mystique de la rédemption. — Pourquoi le Verbe de Dieu s’est-il incarné? Les réponses d' Irénée se ramènent à quatre formules. — a. Il s’est incarné pournous, pour l’homme, pour les hommes. L. I, c. ix, n. 3 ; t. III, t. XVII, n. 4 ; c. xix, n. 1 ; t. IV, c. xxii, n. 2, col. 541, 544, 931, 939, 1047 ; Dem. c. xxxi, p. 683. —

b. Il s’est incarné pour nous unir à Dieu, factus est quod sumus nos uti nos perficerct esse quod est ipse, I. V, prief., col. 1120 ; ad hoc utethomo fieret plias Dei, I. III,

c. X, n. 2, col. 873 ; ut et homo fieret particeps Dei, I. IV, c. xxviii, n. 1, col. 1062 ; quomodo homo transiet in Deum si non Deus in hominem ? t. IV, c. xxxiii, n. 4, col. 1074 ; ut adoptionem percipiamus, I. III, c. xvi, n. 3 ; c. xviii, n. 7 ; c. xix, n. l, col. 922, 937, 939, etc. ; ut quod perdideramus in Adam, id est secundum imaginem et similitudincm esse Dei, hoc in Christo Jesu reciperemus, t. III, c. xviii, n. l, col. 932, etc. ; Dem., c. XXII, xcvii, p. 676, 729 ; pour offrir à son P-^re eum hominem qui fuerat inventus, primitias resurrectionis hominis in semetipso faciens, l. Ill.c. xix, n. 3, col. 941 ; in adunitionem et communionem Dei et hominis, l. V, c. I, n. 1, col. 1121 ; ut nos colligeret in sinum Patris, t. V, c. II, n. 1, col. 1124 ; nobis donans eam quæ est ad factorcm nostrum convcrsationcm et subjectionem, I. V, c. XVII, n. 1, col. 1169 ; ut finem conjungerct principio, id est hominem Deo, I. IV, c. xx, n. 2, col. 1033 ; omnibus restituens eam quæ est ad Deum communionem, t. III, c. xviii, n. 7, col. 937 ; Dem., c. vi, xxxi, xl, xcvii, p. 664, 683, 689, 729 ; pour enlever à l’homme son ignorance et lui donner la connaissance de ce qui est de Dieu, t. III, c. xvi, n. 4 ; t. IV, c. vi, n. 5-7 ; c. viiix ; t. V, c. i, n. 1, col. 923, 989-998, 1119-1121 ; ut assuesceret hominem percipere Deum et assuesceret Deum habilare in homine, t. III, c. xx, n. 2, col. 944 ; hominibus quidem ostendens Deum, Deo autem exhibens hominem, . IV, c. xx, n. 7, col. 1037 ; pour nous rendre l’ami ié de Dieu, oportuerat enim mediatorem Dei et hominum, per suam ad utrosque domesticitalem, in amicitiam et concordiam utrosque reducere, et facere ut et Deus assumerct hominem et homo se dederet Deo, t. iii, c. xviii, n. 7, col. 937 ; pour nous réconcilier avec Dieu, t. V, c. xiv, n. 3, col. 1162-1163 ; ukpretiosus homo fiât Patri, I. V, c. xvi, n. 2, col. 1167 ; pour notre ascension quæ est ad Dominum, t. III, c. xix, n. 1, col. 939 ; pour nous donner la vie, nous montrer la vie, la vie éternelle, l’incorruptibilité, l’immortalité, t. III, c. XIX, n. 1 ; c. xxiii, n. 1, 7 ; t. IV, c. x, n. 2, c. xx, n. 2, 5 ; 1. V. c. i, n. 1, col. 938, 939, 960, 964-965, 1001, 1033, 1035, 1121 ; Dem., c. xxxi, xl, p. 683, 689 ; pour nous donner l’héritage, t. IV, c. xxi, n. 3 ; c. xxii, n. 1 ; c. XXVI, n. 1, col. 1046, 1053 ; pour nous donner la vision béatiflque, t. IV, c. xx, n. 4-11, col. 1034-1041 ; pour que, apponens semetipsum caput Ecclesiæ, uni

versa aitrahat ad semetipsum apto in temporc, t. III, c. XVI, n. : cf. c. xix, n. 3, col. 926, 941. Donc le Verbe incarné est médiateur :  ; /i amicitiam restitua nos Dominus pcr suani incanuilionem metliator Dei et hominum laclus, 1. Y, c. xvii, n. 1, col. 1169. Cꝟ. t. III, c. XVII, n. 7, col. 937, cité plus haut. — c. Il s’est incarné pour notre salut, pour notre rachat. Pour notre salut, t. I, c. IX, n. 3 ; c. x, n. 1 ; t. III, c. xvi, n. 2, col. 541, 549, 921 ; pour nous sauver, pour nous sauver tous, t. II, c. XXII, n. 4, col. 784 ; Dem., c. xxxviii, p. 687 ; pour le salut des hommes, de l’humanité, 1. IH, c. xviii, n. 7 ; t. IV, c. xxxiii, n. 1 ; t. V, c. xvii, n. 2, col. 938, 1 072, 1 1 70 ; D-m. c. xcix, p.730 ; quia per senietipsos non Imbebanl salitari, t. III, c. xx, n. 3, col. 944 ; pour apporter le salut aux justes détenus dans les limbes, t. IV, c. xxxiii, n. 1, col. 1072. Pour notre rachat, pour ramener au bercail la brebis perdue, t. III, c. XIX, n. 3 ; c. xxx, n. 1, 8 ; cꝟ. t. I, c. viii, n. 4, col. 941, 960, 965, 529, etc. ; Dem., c. xxxiii, p. 684 ; pour donner l’eau de la vie éternelle à la Samaritaine prévaricatrice, t. III, c. xvii, n. 2, c. 930 ; pour la guérison du Idessé de Jéricho, t. III, c. xxxiii, n.3, col.930 ; pour nous purifier, t. IV, c xxii, n. 1 ; c. xxvii, n. 1, col. 1046, 1057 ; pour détruire le péché et la mort et, par son obéissance, donner la rémission des péchés et le salut et réparer la désobéissance qui nous valut la morl, t. iii, c. xviii, n. 7 ; c. xx, n. 2 ; c. x.>ci, n. 10 ; c. xxii.n. 4 ; c. xxiii. n. 6, col. 937-938, 944, 954, 959, 964, etc. ; Dem., c. vi, xxxi, xxxiv, xxxxvii, p. 664, 683, 68-'i, 687 : pour met Ire fin à notre exil, I. iii, c. xviii, n. 6, coi. 904 : pour triomplier du démon, arracher l’homme à son pouvoir, a la captivité dans laquelle il eémis ; -ait, l. III, c. xviii, n. 7 ; c. xxiii, n. 1, 2 ; t. IV, c. IV, n 1 ; c. xxii, n. 1 ; I. V. c. xxi, col. 938, 960961, 981, 1046, 1179-1182 ; Dem., c. xxxi, p. 684 ; pour Je salut de la chair, qui avait péri en Adîun, I. I, c. x, n. 1 ; 1. 111, c. xi, n. 6 ; t. IV, pr-ef., n. 4 ; t. V, c. xiv, n. 1, col. 549, 925, 975, 1101 Ainsi le Verbe incarné est sauveur, rédempteur. Le mot Sauveur » est fréquent : qui et salus et Salvalor vcre et dicitur et est. h. III, c. X, n. 2 ; cf. c. xvi, n. 7 ; c. xvii, n. 4 ; c. xviii, n. 4, col. 874 875, 926, 929, 935, etc. Irénée dit que les valentiniens donnaient à l'éon Horus le nom de « rédemjileur. » L. 1, c. ii, n. 4 ; c. iii, n. 1, col. 460, 465. Il applique au Verbe incarné les mots ndimere et rcdempiio, mais toujours unis à l’idée de la passion et de la mort. — d. Le Verbe s’est incarné pour » récaiiiluler toutes choses, » s7tl t6 àvaxEçaXaic)oaaOai xà TtàvTa. C’est le mot desaint Paul, L| h., 1, 10, qu’Ircnée elle encore en exposant l’erreur gnostique, c. iii, n. 4, col. 476, et, pour son propre compte, t. V, c. XX, n. 2, col. 1178. Il trouve également ce mot dans un texte de saint Justin qui ne nous est connu que par le Contra liareses, t. IV, c. vi. n. 2, col. 987. On a dit qu'" Il en a fait l’axe de sa sotériologie ». A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Reclierclies de science reliijieusr, Paris, 1916, t. vi, p. 185. Ce mot, comme il arrive si souvent dans la terminologie d' Irénée, est complexe et de signilication variable. C’est, d’abord « répéter » s’il s’agit des tel mes, par exemple, t. V, c. xxxiii, n. 4, col. 1214, ou « reproduire » s’il s’agit des choses, par exemple, t. IV, c. XL, n. 3 ; I. V, c. xxi, n. 2, col. 1114, 1179. C’est, en outre « résumer » par exemple, l. V, c. xxv, n. 1 ; c. xxix, n. 2, col. 1189, 1201 : en ce sens le gnosticisme est la récapitulation de toutes les hérésies. » L. IV, præf., n.2, col. 973. C’est aussi » reproduire « non plus en répétant, ou en résumant, mais en restaurant, en rendant à une chose ce qu’elle a perdu. Ap)liqué à l'œuvre du Christ, ce mot la désigne parl’ois tout entière d’une façon générale, parexemple, t. IV, c. xx, n. 8, col. 1038 : ejus recapituldtionis dispositiones, l'économie de l'œuvre du Christ. Parfois il la présente sous l’un ou

l’autre aspect : le Christ récapitule l’humanité en ce sens qu’il la reproduit, qu’il la résume, par exemple, t. V, c. xiv, n. 1, 2, col. 1161-1102 ; ou bien il la récapitule en ce sens qu’il ramène l’humanité à son premier état et la restaure, par exemide, t. III, c. xviii, n. 7 ; t. V, c. XXI, n. 1, col. 938, 1179 ; Dem., c. xxxii, xxxiii, xxxvii, p. 684, 685, 687. Les principaux synonmes, dans ce dernier sens, sont re/ormarc, t. IV, c. xxiv, n. 1, col. 1049 ; suscipere, c. xxxiii, n. 4, col. 1075 ; resluurare, t. V, c. ii, n. 1, col. 1121 ; reconciliare, c. xiv, n. 3, col. 1162 : redintegrarc, c. xxi, n. 3, col. 1182. Parfois les acceptions diverses se mêlent et se fondent si intimement que l’on perdrait son temps à vouloir les dissocier, par exemple, 1. 111, c. xviii, n. 1, col. 932 : Quando incarnalus est, et homo factus, lonyam hominum expositionem in seipso recapitnluvit in compendio nobis prccsttins ut quod peruideraimis in Adam, id est secundum imaqincm et siniilitudinem esse Dei, fioc in Clirislo Jesu reciperemus. En déiinitive, le mot de » récajiitulation » désigne ce travail de reconstitution et de restauration de l’humanité selon le plan primilif de Dieu, dont le Verbe incarné est lui-même l’exemplaire parfait, avant de devenir le principe et l’instrument d’un semblable travail accompli par Dieu dans les individus. A. d’Alès, Icc. cit., p. 189. Une doctrine, moins propre à saint Irénée que celle de la récapitulation, et qui lui est connexe, est celle du Christ nouvel Adam, chef de l’humanit'^ selon Dieu, restaurant en lui. ette parfaite su|élion de la chair à l’esprit que comportait le plan primitif du créateur, restituant à l’homme cette ressemblance avec Dieu que le péclié du premier Adam nous avait fait perdre. Cl. 1. 111, c. xvi, n. 0 ; c. xviii, n. 7 ; t. xix, n. 1 ; c. xxi, n. 10 ; c. xxii, n. 1-3 ; t. IV, c. VI, n. 2 ; c. xx, n 4 ; c. xxxiii, n. 4 ; c. xl, n. 3 ; t. V, c. I, n. 2-3 ; c. xvi, n. 3 ; c. xmi, n. 1-3 ; c. xx, n. 2, col. 925-926, 937-938, 939-940, 954-955, 956-958, 987, 1034, 1074-1075, 1113-1114, 1122-1123, 1168, 11691170, 1178, etc. ; Dem., c. xxxi-xx.m. p. 683-685. Le Christ est venu pour nous unir à Dieu, pour nous sauver, pour nous racheter : autant d’autres aspects de la doctrine de la récapitulation. Médiateur de Dieu et des hommes, étant de la maison des deux, il les ramène tous les deux à l’amitié et à la concorde, pour qu’il puisse présenter l’homme à Dieu et Dieu à l’homme. » L. 111, c. xviii, n. 7, col. 937. Verbe fait homme, il récapitule tout en lui, Verbum homo, universa in semetipsum récapitulons, uti, sicut in supercœleslibus, et spiritalibus, et inoisibilibus princeps est Verbum Dei, sic et in visibilibus et corpuralibus principatum habeat, in semetipsum primatum assumens et apponens semetipsum caput Ecclesiæ, uniuersa aitrahat ad semetipsum apto in tempore. L. III, c. xvi, n. 6, col. 926. Sauveur, il se fait ce qui avait péri : homme. Nunc autem quod fuit qui perlerai homo hoc sulutare jaclum est Verbum, per semetipsum eam quæ esset ad eum (le Père) communionem et exquisltlonem salutis ejus efjicicns. Quod autem perlerai sangulnem et carnem hdbebal… Hubult ergo et ipse carnem et sangulnem, non alteram quamdam sed lllam princlpalem Patrls plasmationem in se rccapitulans, exquirens Id quod perlerai. L. V, c. XIV, n. 2, col. 1162. CL c. i, n. 2, col. 1122. b) La théorle réaliste de la rédemption. — - Jusqu’ici il n’a pas été question de la passion du Christ et de sa mort sur la croix. Sans doute elles sont à l’arrièreplan de la pensée d' Irénée alors qu’il ne parle que de l’incarnation et de la vie ; le salut et la rédemption ne résultent-ils pas de la vie totale, couronnée par les douleurs de la semaine sanalante"? Mais Irénée ne se borne pas à les sous-entendre. Il les nomme à chaque instant, et non point à part de l’incarnation, comme si les souOrances du Christ étaient chose adventice, purement occasionnelle, qu’on pût détaclier de l’incarnation sans altérer son économie, mais en même

temps que l’incarnation, de manière à laisser comprendre que celle-ci est pourcelles-lii.a Le Fils de Dieu, dit-il, Dem., c. lxxxvi, p. 721, est venu pour subir la passion. » Incarnatus et passus sont à peu près synonymes dans des passasses tels que les suivants. L. I, c. IX, n. 3, col. 542 : Jésus, qui passus est pro nobis, qui inhabilavil in nobis, idem ipse est Verbum Dci ; si enim alius ex œonibns pro nostra sahite caro /aclus est, œstimanduni erat de altero dixisse apostolum, si antem Verbum Patris qui descendit ipse est et qui ascendil, ab uno Deo unigenitus Filius, secundum Patris placitum incarnatus pro hominibus…. Et, t. III, c. xviii, n. 3, col. 933 : Paulus attcrum CItristum nescit nisi hune solum qui et passas est, et sepaltus est, et resurrexit, qui et nalus est, quem et hominem dixit. Cum enim dixisset : « Si autem Christus unnuntiatur quoniam a mortuis resurrexit, » intulit, ralioncm reddens incarnationis ejus : « Quoniam per hominem mors et pcr hominem resurrectio mortuorum. »

Aussi bien Irénèe a-t-il recours, pour donner la raison d'être des soulîranccs du (Uirisl, aux mêmes quatre Tormules par lesquelles il donne la raison d'être de l’incarnation du Verlie. — a. Il a souiïert pour nous, il a verso son sang, il ost mort pour nous. L. I. c. ix, n. 3 ; 1. III ; c. xvi, n. 9 ; c. xx, n. 4, col. 541, 928, 945. — b. U a soulïert, il est mort pour nous unir ; i Dieu : passas est ut eos qui erraverunt a Pâtre ad agnitionem et juxta eum adduceret, I. II, c. xx, n. 3, col. Ill-n9> ; per passioncm nos rcconciliavil Deo, t. III, c. xvi, n. 9, col. 929 ; « le Fils de Dieu est venu pour supir la passion, il nous a réconciliés avte Dieu et rendus capables de lui plaire. » Dem., c. lxxxvi, p. 721. — c. Il a soulîert, il est mort pour notre, salut, pour notre rachat. Pour notre salut, c. Lxxii, p. 714 ; il nous a sauvés par son sanf{, par sa mort volontaire, Lvn, Lxix, Lxxxqn, p. 703-704, 712, 722 ; nobis autem Dominas passus, agnitionem Patris eonferens, salutem donarit, Cont. hseer., t. II, c. xx, n. 3, col. 778 ; dispensationem eonsummans snlutis nostrv, . III, c. xviii, n. 2, col. 932 ; il a enduré toutes ses soutl’ranccs pour descendre vers les justes détenus dans les limbes, uti erigerel, ad sa[vandum illos, t. IV, c. xxxiii, n. 12, col. 1081 ; cf. Dem., c. Lxxviii, p. 717 : F^a cause de sa mort est indiquée ; sa descente ans. enfers était le salut des trépassés. » Nous avons vu qu’il a dit exactement la même chose d’un motif de son avènement en ce monde par l’incarnation. Pour notre rachat, « pour abolir la mort et nous ressusciter un jour, » Dem., c. i.xxxvi, p. 721 ; afin, ayant pris un corps semblable h celui de notre premier père, « de le sacrifier dans sa lutte en faveur de nos premiers parents, et de triompher ainsi en Adam de celui qu. en Adam nous avait mortellement frappés, 'Dem., c. xxxi, p. 683 ; afin de nous apprendre à soulïrir, lui qui u souHcrt, lutté, vaincu, erat enim Iwmo pro patribus certans et per obedientiam inobedientiampersolvens, alligavit enim (ortem, et soli>il infirmas, et salutem donavil plasmati siio, destruens pcccatum, Cont. ha-r., t. III, c. xviii, n. 6, col. 930-937 ; afin de nous racheter par son sang, Christiim passum, et ipsiim esse Filium Dci, qui pro nobis mortiius est et sanguine suo redemil nos, . III, c. xvi, n. 9, col. 928 ; cꝟ. 1. Itl, c. x(i, n. 7 ; t. IV, c. xx, n. 2, 12 : c. x.xv, n. 2 ; J. V, ci, n. 1, 2 ; c. ii, n. 1, 2 ; c. xiv, n. 3, col. 900, 1033, 1043, 1051, 11?.1-1122, 1124-1125, 1163 ; afin de terminer notre exil, 1. ÏV, c. viii, n. 2, col. 994. — d. Il a souiTert, il est mort « pour récapituler toutes choses. » L. I, r. x, n. 1. col. 549. Kt, t. V, c. XIV, n. 1, col. 1161 : Rccapitulationem efjusionis snnguinis ab initia omnium justorum et prophetarurn in semetipsum fiituram indicans, et exquisitionem sanguinis ipsorum per semetipsum ; non autem exquireretur hoc nisi et salDari haberct, ncc in semetipsum recapilulatus esset h ; ve Dominus nisi et ipse earo et sanguis secundum principalem plasmatio ncm faclus fuisset, satuans in semctipso in fine illud quod perieral in principio in Adam. F.t, un peu plus loin, n. 4, col. 1103 : Memor igitur, dikctissime, quoniam carne Domini nostri redemptus es et sanguine ejus redhibitus, et tenens capul ex quo universum corpus Eccli’sioi compaginatum augescil, hoc est carnalem adventum Filii Dei…. Dans ce texte les deux théories, mystique et réaliste, sont associées : le Verbe de Dieu est venu nous sauver par son incarnation ; c’est tout spécialement par l’clïusion de son sang qu’il a opéré notre rédemption.

c) Le sacrifice de la croix. — Nous sauvant ec nous rachetant par sa venue en ce monde, le Christ l’a fait tout particulièrement par ses souffrances et son sang répandu ; nous sauvant et nous rachetant par sa passion, il l’a fait surtout par son obéissance jusqu'à la mort de la croix, par l’eflusion du sang sur la croix, parle sacrifice de la croix. D’admirables textes 'offrent à nous. Prenons, d’abord, la Démonstration de ta prédication apostolique, c. xxxiv, p. 685-686 : « Par l’obéissance qu’il a pratiquée jusqu'à la mort en étant attaché sur le bois, il a expié l’antique désobéissance occasionnée par le bois… Par le Verbe de Dieu tout est sous l’influence de l'économie rédemptrice, et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de la croix sur toutes choses. » Et, c. xlv, p. 693 : « C’est par la croix que ceux qui croient en lui montent au ciel. » Cf. c. xlvi, i, vi, p. 695, 70.. De même, Cont. hier., 1. IV. c. ii, n. 7, col. 979 : Non aliter salnari homincs ab antiqua serpentis plaga nisi credant in eum qui, secundum similitudinem Garnis pcccati, in loco martijrii cxallutur a terra, et nmnio trahit ad se, et violficat morluos. Et, t. V, c. xvi, n. 3, col. 1 1 63 : Dissnlt’ens enim cam quæ ab initio in ligno facta fuerat liominis inobedientiam, pcr eam qme in tigno fuerat obedientiam sanans. Cꝟ. t. III, c. xviii, n.5 ; t. IV, ex, n.2 : c. xxviii, n. 3 ; t. V, c. xvir, n. 4, col. 935-936, 1001, 1003, 1171-1172. Ailleurs, t. IV, c. xx^^, n. 1. col. 1053, du trésor de la parabole, qui a été caché dans un champ, il dit que cruce Christi levelatiis est, et explanatus, et ditans sensus Imniinum, et ostendens sapienliam Dei, et eas quæ sunt erga hominem dispositiones ejus manifestons, et Christi regniim præformans, et hæri-ditalem sanrt.v Hieriisalem præevangclizans, et prœnuntians quoniam in lantum homo diligens Deum proficiet lit ctiam vidcat Dciim. Nous ne citofis pas le fragment sur la vraie gnose, laquelle est « la science de la croix, » P. G., t. vir, col. 1 247-1 2.ï4 ; c’est le premier des fragments pseudo-irtnéens publiés par PfalT, .Sur ja difficile question de l’obéissance du Christ dans la mort et sur la conception irénéenne de l’attitude du Oirist, cf. P. Galtier, « Obéissant jusqu'à la mort, » dans la Revue d’ascétique et de mgstiqiie, 'l’oulouse, 1 920, t. I, p. 125, 133-149.

Le salut vient de la croix. La mort sur la croix est un sacrifice. Le Christ oITrc le sacrifice, il est prêtre ; le Christ s’offre en sacrifice.ilest victime. Il est prêtre : Jean, disciple du Seigneur, in.Apocalijpsi sacerdotalem et gloriosum regni ejus videns cdventiim, a vii, dans une première vision, i, 13, similem Filio Iwminis indutum poderem (ou podere), et, dans une seconde, v, 6, in medio presbijterorum agnum stantem quasi occisum. L. IV, c. XIX, n. 11, col. 1040, 1041. Ilest prêtre encore parce que siimmi sacerdotii operam perficiens, propilians pro hominibus Devm, et cmundans leprosos, infirmas curans, et ipse moriens uti exsiliatus homo exiret de condemnatione et reverleretur intrépide ad suam hæreditatem. L. IV, c. viii, n. 2, col. 994. Il est donc juste que, aj’ant la même foi qu’Abraham, portant la croix, à la ressemblance des bois qui devaient servir au sacrifice d’Isaac, nous suivions le Christ ; en Abraham l’homme avait préappris.-^t s'était accoutumé k suivre le Verbe Dieu, car Abraham, suivant, selon sa foi, le

précepte du Verbe de Dieu, livra prompteinent son | fils unique et aimé en sacrifice à Dieu, ut et Dcus benephciliim haf’eat, pro universo scniine ejus, dilntum el unigenitum Filium suiim pr.vstarc sacri fÏKium in nostram redemptioncm… IV c. v, n. 4, coi. 986.

Concluons. Dieu et homme, le Christ est médiateur, sauveur, rédempteur, récapitulateur, par sa vie, par ses soullrances. Il est tout cela excellemment, prêtre et victime, par le sacrifice de la croix.

2. Da côté de l’homme.

Parle péché originel l’homme avait contracté une dette envers Dieu. Le Christ en fournit le payement ; c’est la satisfaction. Le mot manque dans Irénée, et il y manque aussi les développements de la théologie ultérieure sur l’expiation du péché et la substitution pénale du Christ innocent à l’homme pécheur. Mais Irénée a l’idée, et pose les prémisses d’une conclusion que d’autres tireront. L’homme était incapable de se sauver par ses propres moyens ; « il n'était pas possil>le que celui qui était tombé sous le péché opérât son salut. » L. III, c. xvra, n. 2, col. 9 : ^2. C’est la première prémisse. La seconde est tirée de la soulTrance et de la mort que le Christ a endurées pour nous. Il a été l’homme de douleurs annoncé par Isaie, ui-i.ni, « bafoué, tourmenté et à la fin mis à mort, » mai.., comme l’ajoutait le pi’ophètc, nous avons été guéris par ses plaies : « il est évident que cela lui est arrivé par la volonté de son Père pour notre salut. Il est allô volontairement h la mort. » Dem., c. Lxviii-Lxix, p. 710-712. Et Cont. hær., t. V, c. I, n. 1, col. 1121 : Qiioniam Verbum potens et homo verus, sanguine suo ralionabiliter redisnens nos, ledempiionem semeplisum dédit pro his qui in captivitatem ducti sunt. « De ces deux prémisses la conclusion logique, dit fort bien J. Chaîne, Le Christ rédempteur d’après saint Irénée, Le Puy, 1919, p. 87-88, étant donnée notre solidarité avec le Sauveur, est que Jésus a pris notre place et a olTcrt à Dieu pour nous la véritable expiation. Mais saint Irénée ne pousse pas si loin son raisonnement ; il se contente de dire que Jésus a soulîert et est mort pour nous, à notre profit. Si on met cette vérité en regard de l’insuffisance de l’homme à opérer son salut, on a les deux éléments de la substitution ; mais Irénée ne les relie pas entre eux et ne nous montre pas comment ! e Christ expie à notre place. » Il est plus explicite sur la réparation du péché. Le péché consiste dans un déni d’obéissance à Dieu ; la réparation doit consister dans une parfaite obéissance. Irénée revient indéfiniment sur la satisfaction que le Christ olt’re à son Père par la soumission à sa volonté. Il le montre obéissant au désert, triomphant trois fois du tentateur, et soluta est ea quee fuerat in Adam præcepti Dei prævaricatio per præteptum legis quod servavit Filius honiinis, non transgrediens prreceptam Dei. L. V, c. xxT, n. 2, col. 1181. Cf., sur le sens juridique du mot prævaricatio, H. E. Oxenham, Histoire du dogme de In rédemption, trad. J. Hruneau, Paris, 1909, p. 143, n. 3. Surtout le Christ a obéi sur la croix, dissoluens enim eam quæ ab initia in ligna facta fuerat linminis inobedienliam, obediens factus est usquc ad mortem, mortem nutem crucis, eam, qux in ligna facta fneral inobedienliam, per eam qnæ in ligno fuerat obedientiam sanans. L. V, c. xvi, n. 3, col. 1168. Et, parce que nous avons hérité du péché d’Adam, parce que nous sommes solidaires avec lui, avec celle d’Adam il répare toute désobéissance : per obedientiam inobedienliam persnlvens.., sahilem donavit plasmali suo, destruens pcccatum ; mediator Dei et hominum factus, propilians quidem pro nobis Patrem in quem peccai’eramus, et nostram inobedienliam per suam obedieniiam consolalus. L. III, c. xviii, n. 6 ; t. V, c. xvii, n. 1, col. 937, 1169.

L’homme pécheur, en même temps qu’il avait contracté une dette envers Dieu, avait perdu les biens

surnaturels. Le Christ les lui restitue ; c'^st le mérite. 1 A ceux qui croient, qui aiment le Seigneur et qui vivent dans la sainteté, la justice et la patience, le Dieu de tous accordera la vie éternelle par la résurrection des morts, et cela en vue des mérites de celui qui est mort et ressuscité, .lésus-Christ, auquel il a donné la royauté univeuelle et le pouvoir de juger les vivants et les morts. » Dem., c. xi i, p. 690-691. Kt Cont. hxr., t. III, c. xviii, n. 1, col. 932 : Verbun… unitum suo plasmali, passibilem hominem faclum…, ut quod perdideramus in Adam, id est secundum imaginem et similitudinem esse Dei, hoc in Christo Jesu reciperemus. Ici nous pourrions reprendre les textes dans lesquels Irénée montre que, par suite de notre union avec Dieu dans le Christ, la chair est sauvée, l’incorruptibilité et l’immortalité nous sont rendues, l’homme reconquiert la ressemblance divine, redevient fils adoptif de Dieu.

En fin, en péchant, l’homme était tombé, jusqu'à un certain point, au pouvoir du démon et réduit en captivité. Le Christ nous libère ; c’est la rédemption. Le mot « rédemption n ou « rachat » n’est pas pris par Irénée au sens strict d’une rançon à payer à une tierce personne ; nous verrons qu’il n’y a pas à strictement parler, de rançon payée à Satan, et donc, « si l’on voulait pousser la métaphore jusqu’au bout c’est à Dieu lui-même que serait acquitté le prix de notre rachat, car c’est Dieu que l'œuvre rédemptrice apaise et rend propice, mais rien ne permet d’affirmer que la métaphore soit poussée si loin, » pas plus chez Irénée que dans saint Paul. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. II, p. 280. En style biblique, « racheter*, c’est il délivrer » ; « sauver ». De même dans l’ancienne littérature patristique. « A une époque où régnait partout l’esclavage, dit J. Rivière, Le dogme de la rédemption. Étude théoiogique, Paris, 1914, p. 193, 11 était assez naturel de se représenter sous cette forme le malheur de l’humanité et, par conséquent, de considérer la délivrance des âmes sous l’image d’un rachat.Voir plus loin, col. 2479. Ainsi les expressions « satisfaction », i mérite », « rédemption », sont à peu pi es synonymes. Ce sont trois métaphores qui expriment l’un ou l’autre des aspects de l'œuvre du Christ. Distinguée de la satisfaction et du mérite, la rédemption désigne la libération de l’homme captif du démon, c’est-à-dire, ainsi que nous l’avons vii, la délivrance du péché : parce que le démon in initio homini suasit transgredi præceptum Facloris, ideo eum habuit in sua potestate ; potestas autem ejus est transgressio, el apostasia, et his colligavil hominem. L. Y, c. xxi, n. 3, col. 1182. CL P. Galtier, Les droits du démon et la mort du Christ, dans les Hccherches de science religieuse, Paris, 1912, t. iii, p. 347349. Tout ce chapitre xxi, qui commence, n. 1, col. 1179, par : Omnia ergo recapilulans recapitulatus est, montre bien ces trois aspects de l'œuvre de salut accomplie par l’effasion du sang du Christ. Ils y apparaissent dans une série de textes fort remarquables, par exemple, n. 2, col. 1 1 80, 1181 : Pr.Tcepium ejus perfecit Dominus, factus ex muliere, el destruens adversarium noslrum (rédemption), el perpeiens hominem secundum imaginem et similitudinem Dei (mérite)… ; et solula est ea, quæ fuerat in Adam, pracepti Dei pnvvaricatio, per præceptum legis quod servavit Filius liominis non transgrediens præceptum Dei ^satisfaction). A neuf reprises, n. 2-3, col. 1179-1182, Irénée souligne l’obéissance du Christ rédempteur au précepte du Père. Arrêtons-nous à ce point de vue, qui complète toute l’exphcation possible du mystère.

3. Du côté de Dieu.

Deux attributs diviuo expliquent la Passion rédemptrice : ce sont la bonté et la sagesse de Dieu.

a) La bonté de Dieu. — Irénée met en rel’ef la bonté divine. Il n’y a pas de Dieu où il n’y a pas de bonté.

dit-il, t. III, c. XXV, n. 3, col. 968, Dcus non est cui bonitas desil. « Un Dieu bon, des êtres libres, c’est à quoi se ramène pour lui le problème de l'évolution morale et religieuse du monde. L’iiistoire en est l’histoire des bienveillances divines pour la créature. P. Galtiîr, L'évîqiie dodeur : saint Irénée de Li/on, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 21. Où la bonté de Dieu, son amour, sa miséricorde, sa bénignité, sa patience, sa longanimité, sa magnanimité — autant de mots à peu près synonymes — éclatent surtout, c’est dans la cliute et le relèvement de riioinme. Cꝟ. t. III, c. xx, n. 1-2 ; c. xxiii, n. G-7 ; t. IV, c. xxxvii-xxxix ; t. V, c. xxi, u. 3 ; c. xxii, n. 2, col. 912 944, 964-965, 1056-1064, 1181-1182, 11831184, et, parmi de nombreux textes, t. III, c. xviii, notamment, n. 5, 6, col. 936, 937 : Lonyanimitas, et patientia, et misericordia it bonitas Chrisii ostenditur, ut et ipse paterctur, et ipse excusaret eos qui se maie tractassent… Vere magistcr Doniinus nosler, et bonus vere Filius Dei, et patiens Verbum Dei Patris filius hominis jactus… Est eniin piissimus et niisericors Dominus et amans humanum genus ; t. V, prsef., col. 1 120 : Qui, propter immensam suam dilectionem jactus est quod sumus nos, uti nos perficeret esse quod est ipse. Parce qu’il aime le genre humain, i ! prend en main sa cause contre celui qui se l'était asservi ; le Verbe se fait chair pour procurer à l’homme sa revanche contre le démon. L. III, c. xan, n. 2 ; c. xx, n. 1, col. 932, 942. « Le Clirist a restauré sa créature selon la première institution de l’iiomme, h l’image et à la ressemblance de Dieu, non pas en ravissant perfidement le bien d' autrui, mais en reprenant son bien en toute justice et bonté : justice à l'égard de l’apostasie, dont il nous racheta par son sang ; bonté à l'égard de nousmêmes, qu’il racheta. Nous ne lui avions rien donné, il n’attend non plus rien de nous, comme s’il éprouvait quelque besoin ; c’est nous qui avons besoin de lui être unis. C’est pourquoi il s’est prodigué, afin de nous réunir dans le sein du Père. » L. V, c. ii, n. 1, col. 1124. C’est bien l’amour de Dieu qui, par son Verbe, achemine l’homme jusqu'à lui, secundum dilectionem ejus, ha’C est enini quæ nos per Verbum ejus perducit ad Denm. !.. IV, c. xx, n. 1, col. 1032.

Tant de bonté divine doit aboutir h la gloire de Dieu. Non que Dieu ait besoin de nous ; il n’en a aucunement besoin. Mais l’homme a besoin de Dieu, et Dieu veut que l’homme se sauve, étant soumis i Dieu, reconnaissant eL aimant envers lui, et le glorifiant. Cꝟ. t. IV, c. II, surtout n. 2, col. 1002 : Exceptorium enim bonitatis, et organum clarificationis ejus, homo gratus ei qui se fccit ; et le beau c. iv, surtout n.l, col. 101 : Seruitus erga Denm Deo quidem nihil prnstat, nec opus est Deo humano obsequio.., est enim dives, pcrfectus, et sine indigentia. Propter hoc autem cxqnirit Deus ab hominibus seroitutem ut, quoniam est bonus et misericors, bencfuciat eis qui persévérant in servitute ejus. In quantum enimDeus nullius indigens, in tantum homo eget Dei communione. Hœc enim gloria hominis persevcrare ac pernianere in servitute ejus. Ces quelques mots résument l’histoire du monde dans l’Ancien Testament, c. xiv-xvii, n. 4, col. 1010-1 023, surtout dans le Nouveau, oii Dieu et l’homme sont glori fiés par le Christ, quod est autem aliud nomen quod in gentibus glori ftcafur, quam quod est Domini nostri, pcrqu('m glorificatur Pater et glori p.catur homo ? c. xvii, n.0, col. 1024 ; où nous offrons le sacri flce du corps et du sang du ChrisI, puret agréable à Dieu, non quod indigent a nobis sacrificium, sed quoniam is qui ofjert glorificatur ipse in eo quod offert si acccptctur munus ejus, per munus enim erga regem et honos et uffeelio ostenditur…. Offerimus enim ei, non quasi indigenti, sed gratias agentes dominationi (des manuscrits port°iit donationi) ejus, et sanctificantes crenluram…, qui enim inil'.ius indigens

est Deus in se assumit bonas operationes noslras, ad hoc ut preestet nobis rctributioncm bonorum suorum. C. xiii, n. 1, 0, col. 1024, 1029. Dieu magnanime a préparé, dès le commencement, le salut de l’homme par le Verbe, ut, insprrabilem homo a Deo percipiens salutem, resurgat a mortuis, et clarificct Deum.., et semper permaneat glori fteans Deum, et sine intermissionc gratias rejerens pro ea salute quam consecutus est ab eo. Le résultat de la magnanimité divine doit être que l’homme, cxperimento discens unde libcratus est, semper gratus existât Domino, munus ineorruptelæ consecutus ab eo, ut plus diligeret eum, cui enim plus dimittitur plus diligit…. Gloria enim hominis Deus : operationes (lire operationis) vero Dei, et omnis sapientiæ Dei et virtutis re eptaculum homo. Quemadmodum medicus in his qui œgrolant probatur, sic et Deus in hominibus probedur…. Et l’homme manens in dilectione ejus, et subjedione, et gratiarum adione, majorem ab eo gloriam percipiet, provedus acc’piens, dum consimilis fiât ejus qui pro eo mortuus est. L. III, c. XX, n. 1, 2, col. 942-944. Il faut lire en entier ce chapitre. Rarement on a exposé en aussi bons termes ce qui est sans doute l’explication la meilleure du mystère : la rédemption est l'œuvre de l’amour de Dieu qui a voulu conquérir l’amour de l’homme, et, par là, elle prépare la béatitude de l’homme et procure la gloire de Dieu.

h) La sagesse de Dieu. — La justice et la bonté Interviennent dans l'œuvre rédemptrice. Pro nobis igitur omnia hœc sustinuit Dominus.., uti et bonitas ostendatur et justitia perficiatur. L. IV, c. xxxvii, n. 7 ; cꝟ. t. V, c. H, n. 1, col. 1104, 1124. Ici, et dans les passages parallèles, Irénée entend la justice dans un sens large, non dans un sens juridique quelconque : est juste ce qui est conforme à l’ordre, à la nature de l’homme, ce qui est convenable, ce qui est en harmonie avec la raison, ralionabile. Là-dessus nous avons un texte capital, t. III, c. xxxiii, n. 1-2, col. 961-962, où Irénée dit que « toute l'économie du saiut de l’homme s’accomplit selon le bon plaisir du Père, en telle sorte que Dieu ne fût pas vaincu et que son art ne fût pas en défaut. Si l’homme, que Dieu avait fait pour la vie, avait été totalement jeté à la mort, Dieu aurait été vaincu et la méchanceté du serpent aurait triomphé de la volonté divine. MaisDieu est invaincu et magnanime. C’est pourquoi, par le nouvel Adam, il enchaîna le démon et vivifia l’homme qui était mort. » Cela étant, il ne serait pas raisonnable, nimis irrationabile est, de libérer les fils d’Adam nés dans la captivité et non Adam lui-même. Dans ce cas, l’ennemi ne semblerait pas pleinement vaincu. Ce ne serait pas agir justement, non tamen juste jaciet. Or ncque inflrmus est Deus ncque injustus, qui opitulalus est Iwmini ei in suam libcrtatem restauravit eum. Cette justice n’est pas une justice rigoureuse ; en rigueur de droit le liLérateur ne doit rien à ceux qu’il libère. Mais le rôle de libérateur veut qu’il fasse grandement les choses, il se doit à lui-même de ne pas s’arrêter à mi-chemin. Qu’Adam soit sauvé, c’est donc « juste » et « raisonnable. » Sur le mot « raisonnable, » cf. encore t. IV, c. xxxvii, n. 7 ; t. V, c. i, n. 1, 3 ; c. xviii, n. 3, col. 1104, 1121, 1123, 1174 ; P. Galtier, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 15-22 ; J. Rivière, La doctrine de saint Irénée sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétieiuies, Paris, 1911, t. i, p. 173-174, 193, 196-197 ; A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 204-206. Sur le sens du mot « justice, » cf. J. Wirtz, Die Lehre von der Apolgirosis, Trêves, 1906, p. 104-105 ; H. E. Oxenham. Histoire du dogme de la rédemption, trad. J. Bruneau, Paris, 1909, p. 99-101 ; P. Galtier, loc. cit., p. 3

15, 22-24 ; J. Rivière, loc. cit., p. 173, 176-178, 197-198, 200 ; A. d’Alès, loc. cit., p. 206-210. En somme, avec des nuances que le contexte permet de déterminer, « ce terme, conclut J. Rivière, p. 200, n’a jamais, dans la langue et l’esprit de saint Irénée, que le sens moral de sagesse. »

4. Du côté du démon.

Ircnce paspe communément pour être le père de la théorie des droits du démon. Quand on lit, par exemple, t. V, c. i, n. 1, col. 1121, que Dieu non deflcicns insuajusliliaJOSTEeliam adversus ipsam conversas est apostasiam (e démon), ea quæ suntsuarcdimens abea, el cacorcc. xxi.n. 1, col. 1179 : nequc cnim JUSTE uic.lus fuisset inimicus nisiexmuliere homo essei qui vieil eum, on peut se demander si, dans l'œuvre de la rédemption, Irénée n’accorde pas au démon des droits en stricte justice, ou, tout au moins s’il ne le présente pas comme traité par Dieu selon les règles d’une justice au sens large du mot, d’une haute convenance, qui n’existerait pas seulement du côté de Dieu et de l’homme, mais aussi du côté du démon lui-même.

a) Le démon a-t-il des droits en justice stricte ? — On a prétendu qu' Irénée les lui reconnaît. D’aucuns lui prêtent l’idée d’une entente préalable et bénévole entre le Christ et le démon. Développée jadis par M. Miinscher et réfutée aisément par le vieil ouvrage de K. Bâhr, Die Lelire der Kirche vom Tode Jesu in den ersten dfei Jahrtiunderien, Sulzbach, 1832, p. 65-60, cette hypothèse a été reprise denos jourspar A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, Paris, 1903, p. 47-49. D’après lui, Irénée imagine entre Dieu et le démon un contrat d'échange, « lui offrant à titre de rançon l'âme de son Fils en échange des âmes humaines… » Le diable se laissa prendre au piège, il accepta le marché ; il relâcha les hommes pour recevoir à leur place l'âme du Fils de Dieu. Mais il ne fut pas assez fort pour la retenir. Le Fils de Dieu sortit de l’enfer après en avoir brisé les portes. Le contrat n’en restait pas moins valable. Ce n’est pas la faute de Dieu. Le grand dupeur s'était dupé lui-même. » — Sans aller aussi loin, bon nombre de critiques prêtent à Irénée la théorie de la rançon que l’on retrouve chez des écrivains postérieurs : la mort du Christ serait comme une rançon payée à Satan pour l’humanité captive, de sorte que Satan put se convaincre que la justice n’avait pas été violée à son endroit. Telle est l’opinion de quelques catholiques, entre autres de H. E. Oxenham, Histoire du dogme de la Rédemption, p. 142-143. Vo’r Descente DE Jésus aux enfers, t. iii, col. 603. Elle est commune chez les protestants. Voir Rédemption.

Cette théorie suppose au démon des droits en stricto justice. Or Irénée a grand soin de dire que, de même que, en la personne du premier Adam, le genre liumain avait offensé Dieu, par la mort du second Adam, Il s’acquitta à l'égard de Dieu : « Nous n’avions contracté de dette qu’envers celui-là même dont nous avions transgressé le précepte à l’origine. » L. V, c. XVI, n. 3, col. 1168. C’est dire nettement que le démon n’a pas de droit proprement dit. Quant à la construction théologique d’A. Sabatier, c’est un pur roman qui a bien moins encore de fondement dans les textes. Il reste néanmoins que, dans son œuvre de rachat, le Christ use non de contrainte, njais de persuasion, à la différence de l’apostasie (c’est-à-dire Satan). Non cum vi, qucmadmodum illa (apostasia) initio dominabatar noslri, ea quæ njn erantsua insaliabiliter rapiens, sed secundumsuadelam, quemadmodum dccebat Dcum suadentem, et non vim afjerentem, accipcrc qme vellel. L. V, c. i, n. 1, col. 1121. Mais qui est celui que le (Christ entend persuader ? Est-ce l’apostasie (la puissance satanique) elle-même ? L’idée serait déraisonnable ; que pourrait-on lui per suader ? Mais il s’agit des hommes victimes de la puissance apostate, et qui sont accessibles à la persuasion.

b) Le démon a-t-il des droits au sens large du moi ? — Dans Le dogme de la rédemption. Essai d'étude historique, Paris, 1905, J. Rivière, étudiant « la question des droits du démon, » montra, p. 373-380, que la doctrine des droits du démon ne fut ni exclusive chez uii seul des Pères de l'Étilise ni prédominante chez ceuxlà même qui l’ont le plus complètement adoptée. Irénée, le premier, aurait accordé au démon « une sorte de droit sur les hommes, exposé le principe que le démon devait être traité selon les règles de la justice, et tiré les deux principales conséquences : qu’il devait être vaincu par un homme et, d’une certaine façon, dédommagé de ses droits, » et ainsi Irénée ne serait pas tombé dans l’erreur grossière qui prétend que le sang du Christ fut donné au démon comme prix de notre rachat, mais « il était difficile d’en côtoyer plus dangereusement les bords, » p. 376, 377 ; cꝟ. 381, 386. P. Gallier, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 1-24, reprit cette question. « Saint Irénée, dit-il, p. 24, proclame la justice de l'œuvre du Christ. Mais, à l’endroit du démon, cette justice n’est qu’objective et négative : » en arrachant les hommes à sa tyrannie, il ne lui fait point de tort, car il met fin seulement à l’injuste détention d’un bien usurpé. « Qu’on ne parle donc pas ici de ménagement, de dédommagement ou de persuasion. Du Christ au démon saint Irénée ne conçoit pas d’autres rapports que ceux du maître à l’esclave contraint' d’avouer son larcin.L’idée d’un arrangement ou d’une entente quelconque est aux antipodes de sa pensée. » Continuant à tenir que l’idée de justice purement négative ne suffit pas à rendre compte des expressions d’Irénée, J. Rivière exposa que la justice, dont parle Irénée, « ne signifie pas une sorte de contrat ou de transaction quelconque entre le Christ et Satan, mais un des aspects de la loi providentielle qui préside à toute l'économie de notre salut » et signifie tout simplement (1 sagesse », « haute convenance ». La doctrine de saint Irénée sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chré^zennes, Paris, 1911, 1. 1, p. 199-200 : Lc démon dans la théologie rédemptrice de saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t iv, p. 269-270. Voir aussi Le dogme de la rédemption. Étude théologique, Paris, 1914, p. 91-19. De son côté, P. Galtier dans l’article cité plus haut interprète la justice dont parle Irénée dans le sens de « suprême convenance. » Que « justice » soit synonyme de « convenance, » convenance par rapport à Dieu, qui sans cela serait vaincu par le démon, convenance par rapport à l’homme, qui prend de la sorte sur le démon une noble revanche, telle est la conclusion commune aux deux théologiens et le gain assuré de la controverse. Mais que signifie cette justice à l'égard du démon, dont parle très certainement Irénée ? Pour J. Rivière, Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, t. 1, p. 196-199 ; cf. Recherches de science religieuse, t.iv, p. 267-269, Irénée envisage une convenance positive par rapport au démon en ce que Dieu voulut tenir compte de lui dans toute l'économie du plan rédempteur ; en ce que le Christ, en consentant pour nous une rédemption onéreuse à laquelle il n'était pas tenu, voulut opposer sa générosité à la perfidie de Satan, peut-être même en ce que la mort est comme une province de l’empire de Satan ; « dès lors, soulïrir la mort corporelle, n’est-ce pas tomber, au moins matériellement, en la puissance du démon ? Voilà pourquoi Jésus, en acceptant de mourir, se soumettait jusqu'à un certain point au prince de la mort.

Cette dernière conclusion paraît inacceptable à P. Galtier. Loin d’admettre que l’acceptation spontanée d’une rédemption onéreuse constitue, aux yeux d’irénée, d’une façon quelconque, même purement matérielle et passive, une soumission à l’empire de Satan, il pense que « la théorie rédemptrice qu’on attribue au yrand docteur de Lyon aurait froissé son sens du Christ. » Recherches de science religieuse, t. iv, p. 71.

La question est délicate pour qui la considère dans son ensemble. Il semble bien, d’une part, que toute la justice observée par Dieu dans la défaite de Satan soit une justice qui s’exerce contre lui. D’autre part, Irénée concevait comme on l’a dit que le Rédempteur en faisant rendre gorge au voleur ' y avait mis des. formes », A. d’Alès, Recherches de science religieuse, 1916, p. 209-210. En tout cas il ne saurait être question de droits stricts du démon. Il faut reconnaître néanmoins que les formules embarrassées d’irénée où entre le mot « justice », ont pu, mal comprises, influer sur la théorie des droits du démon, élaborée dans la suite par certains Pères.

3° La nécessité de l’incarnation et de la rédemption. — 1. La nécessité de l’incarnation. — Le Verbe se serait-il incarné si Adam n’avait point péché? Irénée ne traite pas directement ce suiet. Mais des trois classes auxquelles les théologiens ramènent les motifs de l’incarnation : glorification de Dieu, bien de l’homme, victoire sur Satan, les deux premières, remarque H. E. Oxenham, Histoire du dogme de la rédemption, trad..1. Bruneau, Paris, 1909, p. 108, ne perdraient rien, ou à peu près, de leur valeur, même si Adam n’avait pas désobéi ; le bien de l’homme, en particulier, serait toujours procuré par l’exemple et la doclrine du Christ et, sinon la rédemption du genre humain, du moins la sanctification et la rédemption de l’homme individuel. Or, Irénée insiste sur la nécessité du Verbe incarné comme docteur, sanctificateur et déificateur des hommes. L. V, c. i, n. 1, col. 1120, 1121 : Non enim aliter nos discere poteramus quiB sunt Dei nisi magister nostcr Vcrbum existens homo factus fuisset… Neque rursus nos aliter discere poteramus nisi, magistrum nostrum videntes et per anditum nostrum vocem ejus percipienies, uti, imitalores quidem operum factores autem sermonum ejus jacli, communionem habeamus cum ipso. L. III, c. xx, n. 2, col. 944 : Capere Patrem donans Vcrbum Dei quod hubitavit in homine, et filius hominis factus est ut assuesceret hominem percipere Deum et assuesceret Deum habitare in homine, secundum placitum Patris. L. IV, c. xxxviii, n. 1-3, col. 1105-1107 : Quasi in/antibus ille qui erat panis per/ectus Patris lac nobis semetipsam præslavit, quod erat secundum hominem ejus advenlus…. Et propler hoc coinjantiatum est homini Verbum Dei, cum essct perlecius, non propter se, scd proptcr hominis infantiam, sic capax ejfectus qucmadmodum homo illum capeer potuit. L. IV, c. XX, n. 4, col. 1034 : Homo factus est ut finem conjungeret principio, id est hominem Deo. Dans le même ordre d’idées se présentent les textes sur le primat du Christ, surtout t. III, c. xxii, n. 3, col. 958. Il affirme que le Sauveur précède, par ordre de dignité, ceux qui lui devront le salut, et en tire cette conséquence : loin d'être conditionné par le fait de la chute, le décret de l’incarnation commande toute l'économie actuelle de la Providence. Ayant voulu le Sauveur, Dieu décida de lui donner des hommes à sauver ; avant même d'être le type d’une humanité régénérée, le Christ est le prototype d’une humanité parfaite selon Dieu. « Ici, dit A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 191, nous reconnaissons les futures positions de l'école scotiste. »

Mais, ailleurs, Irénée dit expressément que, si la chair n’avait pas eu besoin de salut, le Verbe ne se fût pas incarné : si enim non haberet caro salvari, nequaquam Vcrbum Dei caro factum esset.L.Y, c. xjv, n. 1, col. 1161. Voir le chapitre entier. Et il est à noter que, même dans les passages les plus favoraules à l’opinion scotiste, intervient d’ordinaire la question de salut tout de même que de l'œuvre de la rédemption ne se sépare pas celle de l’incarnation. Faut-il en conclure à un certain fiottement de pensées dans une question mystérieuse et qui, du reste, n'était pas atiordée ex professa ? Peut-être. Peut-être aussi pourrait-on supposer qu' Irénée distingue dans les conseils divins plusieurs plans et plusieurs ordres, à savoir, dit A. d’Alès, loc. cit., p. 192, « d’abord un ordre idéal ou d’intention première, selon lequel le type du Verbe incarné, présent à la pensée divine, domine la conception de l’humanité possible, et puis un ordre réel ou d’exécution, selon lequel le décret efficace de l’incarnation est subordonné à la prévision du péché. Et l’on expliquerait, par la superposition de ces deux plans de persjiective divine, qu’en préludant, par l’ensemble de ses déclarations, à l’enseignement de saint Thomas, saint Irénée ait pu exceptionnellement parler comme Duns Scot. »

2. La nécessité de la rédemption.

- Irénée expose que l’homme ne pouvait, de lui-même, parvenir à l’adoption divine et, mortel et corruptible, être uni à l’immortalité et à l’incorruptibilité, et que le Verbe s’est fait homme pour lui donner l’incorruptibilité et l’adoption de fds de Dieu. L. III, c. xix, n. 1, col. 939940. Cela pourrait convenir à l'élévation de l’homme à l'état surnaturel aussi bien qu'à la reprise de l'état surnaturel perdu. C’est de la réintégration dans l'état surnaturel seule qu’il parle quand il dit que l’homme déchu ne pouvait, livré à ses propres ressources, se sauver et retrouver ce qu’il avait perdu en Adam, et que le Verbe s’est incarné pour suppléer à notre insuffisance. L. III, c. XVIII, n. 1, col. 932. L’homme était incapable de remonter, de lui-même, à l'état surnaturel. Irénée ne se demande pas si Dieu aurait eu d’autres moyens pour le relever ; il se borne à constater que Dieu l’a relevé par l’incarnation du Verbe.

Mais voici une autre question : le relèvement de l’homme était-il nécessaire ? Irénée ne l’a guère abordée, de façon directe, pour l’ensemble de l’humanité, si ce n’est d’un mot, en passant, Dem., c. xxxiv, p. 685 : « Par le Verbe de Dieu, tout est sous l’inlluence de l'économie rédemptrice, et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de croix sur toutes choses. Car il était juste et nécessaire que celui qui s’est rendu visible amenât toutes les choses visibles à participer à sa croix. » Mais il pose directement la question à propos d’Adam, et les motifs pour lesquels il revendique le salut d’Adam « semblent bien avoir une portée générale, » selon la remarque de J. Rivière, Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, 1. 1, p. 173. Or, il n’hésite pas à employer le mot de nécessité, tant dans la Démonstration, c. xxxii, p. 685 : « il était juste et nécessaire qu’Adam fût restauré dans le Christ, » que dans le Contra hæreses, t. III, c. xxiii, n. 1, col. 960 : Necesse fuit Dominum, ad perditam ovem venienlem et lantx dispositionis recapitulalionem facienlem…, illum ipsum hominem salvare qui factus juerat secundum imaginent etsimilitudinem ejus, id est Adam.., quoniam et omnis dispositio salutis, qux circa hominem fuit, secundum placitum ficbat Patris, uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Si enim qui factus fueral a Deo liomo ut viveret hic, amittens vilam Ixsus a serpente.., jam non reverterctur ad vitam…, victus esset Deus et superasset serpentis ncquitia voluntatem Dei, Ce passage est à rapprocher de celui qui se lit un

peu plus bas, n. 2, col. 961 : Cum salvetur homo, oportct salvari eum qui prior formalus est homo. Quonlam nimis irrationabile est illum qitidem qui vehemenfer ab inimico lœsus est… dicerenon eripi ab eoqui vicerit inimicum, erepios vero filios ejus…. Nequc cnim infirmus est Deus, neque injuslus, qui opitulalus est homini et in suam libertatem restauravit eum. « Les tennes positifs qui traduisent la logique divine, dit J. Rivière, p. 173-174, s'éclairent par les termes négatifs destinés à la faire ressortir par contraste : necesse fuit = oporlet, quoniamnimis irralionabilecsl =non juste. Et cette question de vocabulaire peut avoir son importance pour l’interprétation de textes semblables. Il suffit de retenir ici qu’aucune de ces formules ne signifie une nécessité proprement dite et que l’idée de présomption rationnelle, de haute convenance, épuise parfaitement le contenu des plus vigoureuses. » Dans l'économie providentielle de la rédemption, dispositio salutis quæ circa hominem fuit, l’explication ultime est celle du bon plaisir de Dieu, secundum placitum fiebcit Palris ; cf. encore t. III, c. xx, n. 2 ; t. IV, c. xx, n. 4, col. 944, 1034. Et Dieu agit, en même temps que par amour, conformément à sa sagesse : le mot « nécessaire » est un nouveau synonyme des mots " juste » et raisonnable » et « désigne les dispositions de la sagesse divine. Notons, toutefois, que, s’il n’enseigne pas la nécessité stricte de la rédemption, Irénée a des expressions qui, pour peu qu’on les presse, impliquent, plus que les convenances, les exigences de la sagesse de Dieu. Quand il assigne à la rédemption ce motif : uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus, il est tout proche d’engager l’honneur de Dieu aussi fortement que saint Anselme le fera plus tard, Cur Deus homo, t. I, c. xi-xin, P. L., t. CLvin, col. 376379 ; cf. J. Rivière, Le dogme de la rédemption. Essai d'étude historique, p. 295 ; Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, 1. 1, p. 174 ; et il n’y aurait pas beaucoup à faire pour aboutir à la nécessité de l’incarnation rédemptrice préconisée par Anselme. Voir Dietionnaire de Théologie, art. Anselme, du P. Bainvel, 1. 1, col. 1346.

La ehristologie et la sotériologie.

F. C. Baur, Die

christliche Lehre von der Versôtiniing in ihrer (jeschichiliclien Enlwickclimf), Tubingue, 1838 ; L. Diinker, Des Iteil. Ireniius ehristologie in Zusammenhange mil dessen theologisclien und anthropologischen Grundlehren dorgesïcHf, Gœttingue, 1843 ; I. A. Dorner, Entivickhingsgescliichte der Lelire von der Person Cttristi von den àltesten Zeiten, 3e édit., Berlin, 1853-1856 ; A. Chantre, Exposition des opinions d’Irénée, Terlullien, Clément d’Alexandrie et Origène sur l'œuvre rédemptrice de Jésus-Christ, Genève, 1860 ; T. Zahn, Morcei/us von Ancyra. Ein Beitrag zur Gescliichte der Théologie, Gotha, 1867, p. 235-244 ; G. Molwitz, De à'/aL£cpa).aiwcr£(.]Ç in Irenœi theologia potestate, Dresde. 1874 ; A. RitschI, Die Lehre von der Rechtfertigung und Versohnung, 3e édit., Bonn, 18881889 ; B. Dorlhôlt, Die Lettre von der Genugluung Clirisli, Paderborn, 1891 ; H. E. Oxcnham, The cathoUc doctrine o/ the atonement, 4e édit., Londres, 1895, trad. J. Bruneau, sous ce titre : Histoire du dogme de la rédemption. Essai historique et apologétique, Paris, 1909 ; A. Sabatier, la doctrine de l’expiation et son évolution historigue, Paris, 1903 ; J. Rivière, Le dogme de la rédemption. Essai d'éludé Iiistorique, Paris, 1905 ; Le dogme de la rédemption. Étude théologique, Paris, 1914 ; F. StoU, Die Lettre des heil ! Ireniius von der Erlôsung und Heiligiing, dans DerKatholil !, Mayence, 1905, t. XXXI, p. 46-71, 87-109, 181-201, 264-289 ; F. Scliubert, Das Zeugnis des Ireniius iiber die iiffentliclte Tatigkeit, Jesudans la Biblische Zeifst/îri/f.Fribourg-en-BrisgaUiigoe, t. IV, p. 39-48 ; K. Staab, Die Lehre von der stellvertretenden Genugluung Chrisii, Paderborn, 1908 ; J. Laminne, La rédemption. Étude dogmatiqtie, Bruxelles, 1911 ; A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Reclterehes de seienee religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 185-211 ; H. Rashdall, T/ie idea of tite atonement in eltristian theology, Londres, 1919 ; cf. J. Rivière, dans la Revue du clergé français, Paris, 1920, t. cii, p. 20.3-206 ; J. Chaîne, Le Christ rédempteur d’après saint Irénée, Le Puy, 1919 ; P. Galtior,

'Obéissant jusqu'à la mort, » dans la Revue d’ascétique et Je miistique. Toulouse, 1920, t. i, p. 133-149. — 2° La question des droits du démon. — J. Rivière, La dogme de la rédemption. Essai d'étude historique, p. 375-377 ; La doctrine de saint Irénée sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, t. i, p. 169-200 ; Le démon dans la théologie rédemptrice de saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t. iv, p. 57-60, 203-270 ; P. Galtier, La rédemption et tes droits du démon dans saint Irénée, dans les Reclterches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 1-24 ; Les droits du démon et la mort du Christ, ibid., 1912, t. iii, p. 345355 ; La mort du Christ et la justice envers le démon, ibid., 1914, p. 60-73 ; 263-270, en notes.

La vierge Marie.

1. Marie mère de Dieu.  —

Contre le docétisme gnostique, Irénée défend la maternité de Marie, la naissance véritable de Jésus. Il tire ses preuves de l'Écriture, t. III, c. xxii, n. 1-2 ; t. IV, c. xxxiii, n. 2, col. 955-956, 1073 ; de réconomie de la rédemption, qui ne serait pas réelle si Jésus n'était né de Marie réellement, t. III, c. xviii, n. 7 ; c. xxi, n. 10 ; c. xxii, n. 1 ; t. V, c. 1, n. 2, col. 937, 955-956, 1122 ; Dem., c. xxxiii, xxxviii-xxxix, p. 684-685, 688689 ; de la foi traditionnelle de l'Église, Cont. hær., t. I, c. X, n. 1 ; t. III, c. IV, n. 2 ; t. IV, c. ix, n. 2, col. 549, 856, 998. L’expression « maternité divine » ne se lit pas dans Irénée, mais bien l’affirmalion que ces mots enveloppent. Il établit souvent et longuement que l’enfant né de la Vierge est Dieu, ce qui revient à dire que la Vierge est mère de Dieu. Cf. E. Neubert, Marie dans l'Église anténicéenne, Paris, 1908, p. 125. Le mot ŒoTQXOç, absent de l'œuvre irénéenne, y a des équivalents. Des expressions telles que : « Le Fils de Dieu est né de la Vierge, » « le Christ né de Marie est l’Emmanuel, » « il n’y a qu’un seul et même JésusChrist Notre-Seigneur, celui qui est né de Marie, » t. III, c. XVI, n. 2-3, col. 921, 922, sont, « non seulement, par rapport à l’union hypostatique, dit E. Neubert, op. cit., p. 130, mais même par rapport à la maternité divine, tout aussi compréhensives que l’expression « mère de Dieu. » Ailleurs, t. V, c. xix, n. 1, col. 1175, saint Irénée écrit : < L’ange annonça à Marie qu’elle porterait Dieu, ut porlaret Deum, expression qui est manifestement synonyme, pour la question qui nous occupe, de celle d' « enfanter Dieu, » 6eoT6xoç, Dcipara. » Irénée démontre que la maternité divine s’harmonise avec la mission du Sauveur, et, dit, J.-B. Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes d’après les Pères et la théologie, Paris (1900), 1. 1, p. 72 ; cf. p. 68, 69, 73, 80, il est « celui des Pères qui a peut être le plus fortement exposé ces hautes harmonies. »

La virginité perpétuelle de Marie est pareillement admise par Irénée. Saint Jérôme, De perpétua virginitate B. Maria :, c. xvii, P. L., t. xxiii, col. 201, alléguait, contre Helvidius, son autorité et celle d’Ignace, de Polycarpe, de Justin, et de beaucoup d’autres hommes apostoliques et éloquents Nous avons eu l’occasion d’indiquer les textes d’Irénée sur la conception virginale. L’enfantement virginal est affirmé dans le commentaire de l’oracle de l’Emmanuel, Is., vii, 14. Cf. Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 4-6, col. 950-953 ; Dem., c. Lui-Liv, p. 699-701. G. Herzog, La sainte Vierge dans l’histoire, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1907, t. xii, p. 484, note, prétend qu' Irénée soumit la naissance du Christ à la loi commune, et s’appuie sur le passage suivant : Filius Dci filius hominis purus pure puram apericns vulvam, 1. ï, c. xxxiii, n. 11, col. 1080, reproduit dans le VIP fragment publié par Karapet Ter-Mekerttschian, P. 0.. t. xii, p. 744. Or, remarque A. d’Alès, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1916, t. ui, col. 201, « ces mots purus pure puram forment un bloc homogène, et malaisé à disjoindre. Surnaturel est l’enfant, d’après la pensée incontestable d’Irénée ;

surnaturelle sa conception dans le sein virginal ; donc surnaturel aussi, sauf preuve évidente du contraire, le mode d’enfantement. Le sens très clair des adjectifs parus, puram, dicte l’interprétation de l’adverbe qu’ils encadrent. » Non seulement la « preuve évidente du contraire » n’existe pas ; mais encore le commentaire du verset d’Isaïe sur l’enfantement virginal et la place qu’Irénée assigne à la naissance du Christ ex Virgine entre l’incarnation du Verbe et le passion, la résurrection d’entre les morts et l’ascension corporelle. Cont.hær., t. I, 'c. x, n. 1, col. 549, ce qui indique que ce sont là, pour lui, événements de même ordre, également surnaturels, tout confirme que l’adverbe pure désigne la virginité de Marie in parla. Sans doute il y a les mots aperiens vulvam, qui, pris tels qu’ils sonnent et isolément du reste, feraient croire que la naissance du Christ a subi la loi commune. Mais il faut se rappeler que les Pères, du iv « au vie siècle, habitués à confesser très nettement la virginité in partit, sur laquelle on ne discutait plus entre catholiques, employaient sans aucun embarras la même expression, consacrée par la citation de Luc, ii, 23 ; ils rattachaient à la loi de l’Exode, xju, 2, 1 2, rappelée par saint Luc, la présentation au temple de Marie, exempte, dans leur pensée, du rite purificatoire imposé aux mères Israélites, mais qui voulut s’y soumettre. Pourquoi Irénée ne serait-il point dans le même cas ? Aurait-il tant appuyé sur la pureté transcendante de cet enfantement, parus pure puram, pour lui attribuer, tout de suite après, la souillure légale commune ? <. A tout le moins, dit A. d’Alès, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 202, une accumulation de mots si extraordinaire nous ayertit qu’il y a là une question réservée, que le texte présente une nuance délicate, et qu'à y vouloir appliquer une exégèse brutale, nous le fausserons infailliblement. Ou l’adverbe pure ne signifie absolument rien, ou Irénée a voulu faire entendre que cette naissance ne ressemble pas à toutes les naissances. » Un mot seulement sur la sainteté de Marie. Massuet n’a pas eu de peine à démontrer, Dissert., III, a. 6, n. 69, col. 319, contre Grabe, qu’Irénée ne taxe pas Marie d’imperfection, quand il écrit, à propos du miracle de Cana, t. III, c. xvi, n. 7, col. 926 : Properante Maria ad admirabile vini signum et ante tempus volente participare compendii poculo. Dominas, repellens ejus intempestivam festinalionem, dixit… Le sens est que la demande de Marie était préftiaturée : ne sachant pas l’heure marquée par le miracle, elle la croyait venue, et intempestivam festinalionem repète l’idée contenue dans les mots : properante… ante tempus.

2. Marie mère des hommes.

Trois textes ou groupes de textes mettent en relief le rôle de Marie. D’abord s’offre à nous un parallèle entre Marie et Eve. Voir Eve, t. V, col. 1652 ; Immaculée conception, t. vii, col. 859-86 1. De même que le Chri st est le nouvel Adam, qui récapitule en lui l’humanité tout entière et répare l'œuvre du premier Adam, Marie est l’Eve nouvelle, associée à la rédemption. Sa virginité s’accorde avec la mission du second Adam. « Comme le premier-né Adam a tiré sa substance d’une terre nouvelle et encore vierge, car Dieu n’y avait pas encore versé sa pluie et l’homme ne l’avait pas encore travaillée, ainsi, en naissant de Marie qui était encore vierge, le Verbe, qui allait récapituler en lui Adam, a justement choisi la naissance d’Adam. » L. III, c. xxi, n. 10 ; cf. c. xviii, n. 7, col. 954-955, 938 ; Dem., c. xxxii, p. 684. Ce n’est pas tout. Marie a une part directe à l’oeuvre rédemptrice. Il n’est pas exact, ainsi que l’avait prétendu Pusey, An Eirenicon, in a letter td the author of « The Christian y car, » Oxford, 1865, p. 155-156, qu’Irénée et les anciens Pères « parlent de la sainte Vierge comme de l’instrument de notre

salut en ce qu’elle donna naissance au rédempteur » et uniquement en cela. Newman, dans sa lettre, à Pusey à l’occasion de ï'Eirenicon de ce dernier, nouvelle édition de la traduction parue sous ce titre : ' Du culte de la sainte Vierge dans l'Église catholique, Paris, 1908, p. 54-56, montre que, pour Irénée — et aussi pour Justin et Tertullien — Marie ne fut pas un simple instrument physique de la rédemption, mais coopéra positivement à notre salut. Voici quelques passages caractéristiques. L. III, c. xxii, n. 4, col. 959 : « Comme Eve, ayant Adam pour époux, mais vierge encore, fut, par sa désobéissance, pour elle-même et pour tout le genre humain, une cause de mort, inobediens fada, et sibi et universo humano generi causa facta est mortis, ainsi Marie, ayant un époux prédestiné et cependant vierge, fut, par son obéissance, pour elle-même et pour tout le genre humain, une cause de salut, obediens et sibi et universo generi humano causa facta est salutis. » Et, col. 959960 : « Le Seigneur est devenu le principe de ceux qui vivent, comme Adam était devenu le principe de ceux qui meurent. Ainsi le nœud de la désobéissance d’Eve a été défait par l’obéissance de Marie, car ce que la vierge Eve avait lie par son incrédulité la vierge Marie l’a délié par sa foi, quod enim alligavit virgo Eva per incredulitatem hoc virgo Maria solvii per fidem. » L. V, c. xix, n. 1, col. 1175-1176 : « De même que le genre humain a été lié à la mort par une vierge (Eve), c’est par une Vierge qu’il est sauvé. Ainsi les plateaux sont en équilibre : la désobéissance virginale est contrebalancée par l’obéissance virginale ; le péché du premier-né est réparé par le premier-né ; la prudence du serpent est vaincue par la simplicité de la colombe, et les liens sont défaits qui nous enchaînaient à la mort. » Massuet lit la première phrase, d’après le Claromontanas et d’autres manuscrits ; Quemadmodum astrictum est morti genus humanum per virginem, salvatur per Virginem. Certains manuscrits portent : solvatur, au lieu de salvatur, et c’est ainsi que la lisait saint Augustin, Contra Jalianum, t. I, c. III, P. L., t. XLiv, col. 644. Le sens est le même. Cf. encore Dem., c. xxxiii, p. 684-685.

Dans ce dernier passage, Cont. hær., col. 1175 ; Dem., p. 685, un mot se détache qui mérite qu’on s’y arrête un instant : Et si ea (Eve) inobedierat Deo, scd hsec (Marie) suasa est obedire Deo, ati virginis Evæ virgo Maria fieret advocata. Massuet, Dissert., III, a. 6, n. 65-68, col. 316-319, a vii, dans ce mot adyocata, le pouvoir d’intercession de Marie au ciel. C’est vraisemblablement à tort. Advocatus emporte, dans Irénée, soit l’idée de consoler, t. III, c. ix, n. 3, col. 871, soit, plus souvent, celle de venir au secours, t. III, c. xviii, n. 7 ; c. xxiii, n. 8 ; t. IV, c. xxxiv, n. 4, col. 937, 965, 1085. Cette dernière signification est la véritable : Marie est venue au secours d’Eve en réparant ce que la première femme avait détruit. Cf. E. Neubert, Marie dans l'Église anténicéenne, p. 263-264. Que si l’original était « paraclet » au lieu d' « avocate, » comme l’ont supposé Grabe et plusieurs critiques, « on devrait se rappeler, fait observer Newman, op. cit., p. 56, quand on nous accuse d’attribuer à la sainte Vierge les titres et le rôle de son Fils, que saint Irénée lui attribue le propre rôle et le nom même du Saint-Esprit. » Cf. O. Bardenhewer, Geschichte der altkir' chlichen Literatur, 2^ édit., Frlbourg-en-Brisgau, 1913, t. I, p. 428.

Irénée, enfin, ne redoute pas de parler de notre régénération par la mère du Christ, t. IV, c. xxxiii, n. 4, col. 1074-1075 : datam, quae est ex Virgine per fidem, regenerationem ; n. 11, col. 1080 : parus pure puram aperiens vulvam, eam qaæ régénérât homineS in Deum, quam ipse puram fecit ; Dem., c. xxxiii, p. 684. Cf. P. Galtier, L'évêque docteur : saint Irénée

de Li/on, dans les Étude/ ;, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 215 ; La Vierge qui nous régénère, dans les Recherches de science religieuse. Pans, 1914, t. v, p. 136-145. A rencontre de JMassuet, col. 1074, note, pour qui c’est l'Église qui, dans les deux phrases du Contra bœrescs, est désignée comme la Vierge qui nous régénère, P. Galtier tient. Recherches, p. 136-139, que cette Vierge est la mère du Ciirist. Le passage parallèle de la Démonstration met hors de doute cette interprétation. Qu’elle soit en parfait accord avec l’enseignement de saint Irénée sur la manière dont s’est accomplie notre restauration dans le Christ, c’est ce que P. Galtier prouve clairement. Si l'œuvre de notre régénération s’est consommée dans la mort et la résurrection du Christ, elle a été commencée à l’heure même de sa conception virginale. « Dans le Christ qui naît de Marie, c’est toute l’humanité qui renaît à la vie ; par suite de la solidarité établie entre le Christ et les hommes, sa conception et sa naissance à lui, c’est déjà leur régénération à eux, » et donc la mère qui l’enfante les régénère. En acceptant de devenir la mère du nouvel Adam, » Marie a engendre à la vie tous ceux qui la recouvrent en lui et avec lui. » P. 141, 143. Cf., entre autres textes, t. III, c. xix, n. 1 ; t. IV, c. xxxiii, n. 4 ; t. V, c. i, n. 3, col. 938-939, 10741075, 1122-1123. « Toute cette théologie mariale complète lieureusement la doctrine du Verbe incarné et rédempteur. » Saint Irénée, dit A. d’Alès, Dictionnaire apologétique t. iii, col. 160, l’emporte sur ses contemporains et ouvre à la pensée chrétienne des voies fécondes ; il est vraiment, en même temps que le preinier théologien de la rédemption. Je premier théologien de la Vierge mère. »

J. H. Newman, Certain difficiillics fell bii Anglicans in calholic teaching considered in a lellcr lo Ihe Rev. E. B. Puseg on occasion oj liis Eirenicon o/ 1864, nouv. édit., Londres, 1900 ; tiad. par G. du Pré de Saint-Maur, sous ce titre : Du culte de la sainte Vierge dans l'Église catholique, Paris, 1866 ; nouv. édition de la traduction revue et corrigée par un bénédictin (dom H. Cotlineau), Paris, 1908, p. 48-59, 212214 ; A. Riguet, Les principales dates de la vie de saint Irénée. Sa théologie mariale, dans les Annales de philosophie chrétienne. Paris, 1905, VI<'série, t.vi, p. 111-125 ; A. d’Alès, Pour l’honneur de Notre-Dame, dans les Éludes, Paris, 1908, t. cxiv, p. 462-464 ; Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1917, t. iii, col. 159-160, 201-202 ; E. Neubert, Marie dans l'Église anténicéenne, Paris, 1908, p. 19-24, 9194, 124-130, 172-17.3, 215-215, 241-247, 263-267. Voir, en outre, les ouvrages indiqués à la bibliographie de Neubert, p. XIV-XV.

V. LE SALVT.

Les moyens de salut.

1. La

grâce. — a) Nécessité de la grâce. — Le salut des hommes a été voulu de Dieu. L. IV, c. xiv, n. 2, col. 1011. Détruit par le péché, il a été rendu par le Christ rédempteur, quia per semetipsos non habebant saluari. L. III, c. xx, n. 3, col. 944 ; cf. Dem., c. xcvii, p. 728. Il nous est conféré par le Saint-Esprit, et par sa grâce, qui s'épanouira en gloire. Cont. hier., t. V, c. viii, n. 1 ; c. IX, n. 3, col. 1141-1142, 1145. Cf. L. Atzberger, Gcschichte der christlichen Eschatologie innerhalb dervornicànischenZeil, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 231-233.

Irénée affirme la nécessité de la grâce, implicitement et explicitement, dans tout ce qu’il dit de l'œuvre rédemptrice et du Verbe incarné, hominis antiquam plasmationem in se recapitulans, ut occideret ejusdem peccatum, evacuaret autem mortem et viuificaret hominem. L. III, c. xviii, n. 7, col. 938 ; cf. le contexte, et c. XX, n. 2-3, col. 943-944 : quoniam non a nobis scd a Dei adjumento ftabuimus salvari, qu’il conclut de Rom., VII, 24-25. Comment en serait-il autrement ? La vie de Dieu ne peut être donnée à l’homme que par Dieu. « C’est Dieu, dit-il, t. V, c. ii, n. 3, col. 1127-1128, qui donne gratuitement à l’homme mortel l’immor talité, à l’homme corruptible l’incorruptibilité ; aussi ne devons-nous pas croire que c’est de nous-mêmes que nous avons la vie, poussés par un mouvement d’orgueil, d’iiostilite ou d’ingratitude : l’expérience nous apprend que c’est la grandeur de Dieu, et non notre nature, qui nous donne la persévérance éternelle. Loin de priver Dieu de la gloire qui lui appartient ou d’ignorer notre nature, sachons donc voir et quelle est la puissance de Dieu et quels bienfaits l’homme reçoit. Ne nous trompojis pas sur la vraie nature de ce qui est, ni en ce qui concerne l’homme ni en ce qui concerne Dieu. » A cette idée reviennent les nombreux textes sur cette différence caractéristique entre Dieu et l’homme : Dieu n’a besoin de rien ni de personne et l’homme a besoin de Dieu dans l’ordre du salut et en toutes choses. Cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), 2e édit., Paris, 1904, p. 140. Autant qu’il est nécessaire, le don divin qui procure le salut est gratuit. L. II, c. xxxiv, n. 3 col. 836 : Pâtre omnium donante et in sœculum sœculi perseveranliam his qui salui fiant ; non enim ex nobis neque ex nostra natura vila est, sed secundum gratiam Dei datur. L. IV, c. xxxvi, n. 6, col. 1096 : Graluito quidem donat in quos oportet, secundum autem meritum dignissime distribua aduersus ingratos et non sentientes benignitatem ejus, justissimus retributor. C. xxx n, n. 3, col. 1108 : Deo gratuito donante eis sempiternam perseverationem. L. V, c. ii, n. 3, col. 1127 : Corruplibiti incorruptelam gratuito donat. Irénée distingue, quoique les mots de « grâce sanctifiante » et de « grâce actuelle » lui manquent, la grâce qui nous conforme à l’image et à la ressemblance divines, la grâce qui « donne la vie » divine, grâce habituelle ou sanctifiante, de celle, grâce actuelle, qui fait produire des « fruits de vie. » Cꝟ. t. III, c. xvii, n. 2-3, col. 929931. Aussi imp ! ore-t-il la grâce de Dieu, pour résoudre les difficultés qu’opposent les gnostiques. L. I, præf., n. 2 ; t. II, c. xxviii, n. 3 ; I. III, c. vi, n. 4, col. 444, 806, 802-863. Sur les dons du Saint-Esprit, voir t. iv. col. 1756.

b) Les charismes. — Avec la grâce qui vivifie et rend capable d’accomplir les œuvres de salut, il y a les charismes, les gratiæ gratis datas des théologiens. Ils étaient communs aux origines de l'Église ; Irénée rapporte qu’ils n'étaient pas inconnus de son temps. Cꝟ. t. I, c. xiii, n. 4 ; t. II, c. xxxii, n. 4 ; t. III, c. xi, n. 9 ; c. XXIV, n. 1 ; t. IV, c. xxvi, n. 5 ; c. xxxvii, n. 2 ; t. V, c. VI, n. 1, col. 585, 829, 891, 966, 1056, 1101, 1137. On sait la grande place des charismes dans le sj’stème montaniste, et l’on connaît, Tinterveition des martyrs lyonnais dans la crise montaniste. Sur ce fait les divergences d’appréciation ont été profondes. Plusieurs critiques ont admis une approbation formelle du montanisme par les Églises des Gaules. D’autres croient à une désapprobation expresse. D’autres enfin adoptent un moyen terme : approbation mitigée ou critique adoucie. Cf., sur les tenants de ces diverses opinions, P. de Labriolle, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 221, n. 3. Les premiers arguent du choix du négociateur chargé de porter au pape Éleuthère les lettres des martyrs. Irénée, disent-ils, était l’ami des solutions bénignes, et le Contra liœreses témoigne de ménagements extrêmes à l'égard du montanisme et même de certaines affinités doctrinales avec lui. P. de Labriolle, op. cit., t. II, c. i, a repris l’examen de la question, et conclu, p. 243, que les martyrs de Lyon désapprouvèrent très nettement le mouvement montaniste, " mais sans colère, sans appel aux sévérités de la hiérarchie, » dans un esprit de pacification. Eusèbe qualifie leur consultation de « pieuse et très orthodoxe, » et il n’aurait pas décerné « un tel brevet à une décision donnant gain de cause aux partisans du « réveil » cataphrygien, lui qui le jugeait d’essence

démoniaque. Quant au jugement d’Ircnée, P. de Labriolle étudie, p. 231-240 : cf. Les sources de l’histoire du monlanismc, Fribourg, Paris, 1913, p. 6-8 (texte et traduction), le texte capital du t. III, c. xi, n. 9, col. 890-891. Ce texte controversé lui paraît exiger une correction, qui, » paicograpliiquement, n’a rien de choquant » et que la structure de la phrase, le parallélisme des deux exemples cités, la suite du raisonnement, l’esprit général du morceau, imposent d’une façon évidente. Là où les éditions portent : inicliccs vero qui pseudoprnphrtæ quidem esse volunt, propiulicam vero gratium repcllnnl ab Ecclesia, le texte véritable serait : qui psendoprophctas esse nolunt. Il ne saurait être question, dans ce passage, quoi qu’on en ait dit, des montanistes, qui ne rejetaient pas l'Évangile de saint Jean, et, loin d’exclure la grâce propliélique, l’exaltaient outre mesure, ni des ophites, dont les doctrines exposées ailleurs par Irénée ne cadrent pas avec celles qui sont indiquées ici. Irénée viserait les aloges ; contre eux il se poserait en champion du charisme prophétique, et le sens de son admonestation serait que ce n’est pas une raison, parce qu’il y a de faux prophètes, pour récuser toute prophétie, de même que ce n’est pas une raison, parce c|u’il y a des hypocrites, pour récuser les lois de la confraternité chrétienne. Cf. Dtm., c. xcix-c, col. 730-731. L’argumentation de P. de Labriolle est impressionnante. En tout cas, rien, dans ce chapitre, ne trahit une sympathie spéciale à l’endroit du prophétisme montanisle ; rien, à plus forte raison, ne laisse découvrir une adhésion implicite. Et volontiers en dirait-on autant du Contra liœrcscs tout entier. Un adepte du montanisme n’aurait pas excité les catholiques contre les faux prophètes, t. IV, c. xxxiii, n. 6, col. 1076, en un temps où les catholiques dénonçaient le mensonge de la prophétie montaniste. Il n’aurait pas stigmatisé les schismatiques, t. IV, c. xxxiii, n. 7, col. 1076, alors que l’attitude de l'Église tendait à acculer les montanistes au scliisme. Il n’aurait ni expliqué le rôle du Paraclet sans nommer celui en qui on voulait que le Paraclet se fût incarné, t. III, c. xvii, n. 2-3, col. 930, ni cité avec honneur le Pasteur d’Hcrmas, I. IV, c. xx, n. 2, col. 1032, suspect aux montanistes à cause de certaines de ses indulgences. Aussi TertuUien, tnumérant ceux qui, avant lui, ont combattu l’hérésie gnostique, Adoersus valentinianos, c. v, P. L., t. ii, col. 548549, mentionne-t-il le montaniste Proculus, Proculus noster, et, immédiatement avant, Irénée omnium doctrinarum curiosissimus explorator, sans insinuer qu’il le considère comme sien. Cf. P. de Labriolle, op. cit., p. 241-242.

c) Uniuersalité de la grâce. — Le salut est pour tous ; Dieu est « le Dieu de tous. » Dem., c. viii, p. C65. Le Christ est venu pour sauver tous les hommes : omnes enim venil per semelipsum salvarc…, ideo per omnem venit ictatem.., princcps vitw, prior omnium et prxcedens omnes. Cont. hier., t. II, c. xxii, n. 4, col. 784. « Comme il est, lui, le Verbe du Dieu tout-puissant, dont la présence invisible est répandue en nous et remplit le monde entier, il continue encore (son inlluence dans le monde) dans toute sa longueur, sa largeur, sa hauteur et sa profondeur ; car par le Verbe de Dieu tout est sous l’influence de l'économie rédemptrice, et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de croix sur toutes choses… C’est lui qui illumine les hauteurs, c’est-à-dire les cieux, c’est lui qui pénètre les profondeurs des lieux inférieurs, lui qui parcourt la longue étendue de l’Orient à l’Occident, lui qui atteint l’immense espace du nord au midi, appelant à la connaissance de son Père les hommes dispersés en tous lieux. » Dem., c. xxxiv, p. 685-G86. Sur la vague idée d’un autre continent, dans Irénée, t. II, c. xxviii, n. 2, col. 805, cf. L. Capé ran. Le problème du salut des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 219, note.

Que le salut ait été possible toujours, ab initio, par le Christ, par le Saint-Esprit, c’est ce qu' Irénée affirme avec insistance : non enim proptcr eos solos qui, lemporibus Tiberii Cœsaris, crcdiderunt ei venit Christus, nec propter eos solos qui nunc sunt homines providentiam fecit Pater, sed propter omnes omnino homines qui ab initio, propter virtutem suam, in sua gencratione et limuerunt et dilexerunt Deum, et juste et pie <onversati sunt erga proximos et concupierunt videre Cliristum et audire voeem ejus. L. IV, c. xxii, n. 2, col. 1047 ; cf. c. v, n. 5 ; c. vi-vu ; c. xii, n. 5 ; c. xiv, n. 2-3 ; c. xvi, n. 1-2 ; c. XX, n. 7 ; c. xxii ; c. xxv, n. 1, 3 ; c. xxvii, n. 2 ; c. xxxiii, n. 1, 7, 15 ; c. xxxiv, n. 1 ; I. V, c. xv, n. 4 ; c. xvi ; c. xxviii, n. 4, col. 986-993, 1006, 1011-1012, 1016-1017, 1037, 1046-1047, 1050, 1052, 1058-1059, 1072, 1077, 1083-1084, 1166, 1168, 1200 ; Z)em., c. xlvXLVi, Lvi, p. 694-695, 702. En montrant les rapports qui unissent les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, ces deux versants de l’histoire, « saint Irénée, dit A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Lis saints), 2e édit., Paris, 1904, p. 106, cf. p. 106-110, résout le problème capital dont l’obscurité tourmente la conscience chrétienne ; et la double solution qu’il propose, à la suite de saint Paul, est celle dont nous vivons encore. » Il enseigne, d’abord, que l’Ancien Testament est une ample prophétie, annonçant d’avance l'œuvre du Christ, ensuite que l'Écriture est l’histoire du relèvement progressif de l’humanité. « Il n’y a qu’un salut, dit-il, t. IV, c. ix, n. 3, col. 998, comme il n’y a qu’un Dieu ; mais nombreux sont les préceptes qui forment l’homme et nombreux les degrés qui le font monter jusqu'à Dieu. « Dans cette histoire Irénée distingue, t. III, c. xi, n. 8, col. 889-890, par parallélisme avec les quatre Évangiles, une quadruple disposition » ou économie divine, quatre testaments, d’Adam, de Noé, de Moïse, du Christ. A Adam, Dieu donne la loi naturelle, formulée dans le décalogue. Irénée ne parle guère du testament de Noé. Ce qu’il a de plus explicite se lit, Dem., c. xxii, p. 675-676. Sa caractéristique est, avec l’engagement de Dieu de ne plus détruire par un déluge ce qui naîtrait sur la terre, la permission de se nourrir de la viande interdite jusqu’au déluge. N'était qu’il a voulu que l'Évangile tétramorphe eût sa correspondance dans « une disposition létramorphe du Seigneur, » col. 890, il n’aurait sans doute pas distingue les testaments d’Adam et de Noé. Au point de vue du salut, il les confond, I. IV, c. XVI, n. 2 ; cL c. xxxvi, n. 4, col. 1016-1017, 1093, mettant sur la même ligne omnis multitudo eorum qui ante Abraliam fuerunt justi et eorum patriarcharum qui ante Moijsem fuerunt, col. 1017. Et il ne compte que trois temps, t. IV, c. xxxvi, n. 2, col. 1091 : celui de lu plasmatio Adee et de Velectio Putrum ; celui de la législation mosaïque, qu’il appelle « le milieu des temps, » Dem., c. viii, p. 665 ; Cont. hier., t. III, c. XXIV, n. 1 ; t. IV, c. xxv, n. 1, col. 966, 1051 ; celui du Christ, qu’il nomme, avec l'Écriture, les anciens auleurs ecclésiastiques et les gnostiques, « la plénitude des temps, » « la fin, » « les derniers temps. » Cont. Itœr., . I, c. viii, n. 2 ; c. x, n. 3 ; t. IV, c. xxii, n. 1 ; c. xxv, n. 1 ; c. XXXIII, n. 15 ; t. V, c. xv, n. 4, col. 524, 557, 1046, 1051, 1083, 1 166, etc. ; Dem., c. xxii, xxx, lxxxix, p. 676, 683, 723. La législation mosaïque aggrave, pour les juiis qui ont oublié Dieu et se sont révoltés contre lui, la loi naturelle. Cont. hær., t. IV, c. xv-xvi, col.10121019 ; Dem., c. viii, xxvi, xxviii, p. 665, 680, 682. Quant aux gentils, non soumis à la loi mosaïque, on pourrait croire qu' Irénée considère leur salut comme impossible, à lire Dem., c. lxxxix, p. 723 : » Avant la vocation des gentils, c'était un désert aride ; le Verbe n’avait pas encore passé parmi eux ; l’Esprit

Saint ne les avait pas encore abreuvés. » Mais ce texte contredit ce qui se lit un peu partout ailleurs : que Jésus-Christ n’est pas mort seulement pour ses contemporains et ceux qui naissent sous l'ère chrétienne, mais pour les hommes de toutes les générations, « pour tous ceux, sans exception, qui dès le commencement, par son secours, craignirent et aimèrent Dieu, pratiquèrent la justice et la bonté envsrs le prochain, désirèrent voir le Christ et entendre sa voix, » que < le même Dieu dirigea les patriarches en ses desseins et justifia les circoncis et les incirconcis. » Conl. hær., t. IV, c. xxii, n. 2 ; cf.c. XIV, n. 2, col. 1047, 1011 ; Dem., c. LVi, p. 702 ; cf. L. Capéran, Le problème du salul des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 69-70, 512. Pour les mêmes raisons il semble conforme à l’esprit d’Irénée d’admettre le salut des infidèles de bonne foi après le Christ. Les païens qu’il écarte du salut sont ceux qui ne voulurent point voir la lumière de la vérité, neque lumen verilatis videre voluerunt, sed si(Ul mures cœci absconditi in profundo sapientiæ. L. V, c. XXIX, n. 1, col. 1201. Il dit que Dieu « est le Dieu de tous » et que, pour les gentils comme pour les juifs et les croyants, il est » Providence, (Père) nourricier, roi et juge. » Dem., c. viii, p. 665. Il parle des préceptes de la loi naturelle, pcr quæ homo jusliflcatur, quæ etiam ante legisdalioncm custodicbant qui fide juslificabantur et placebanl Deo. Conl. hær., t. IV, c. xiii, n. 1, col. 10061007. N’est-ce pas, en germe, la thèse développée dans la suite par les théologiens, que l’observation de la loi naturelle, suffisante pour tous avant la loi mosaïque, est restée suffisante pour les infidèles et après Moïse et après l'Évangile ? Le difficile est d’expliquer comment ces infidèles peuvent atteindre au minimum de foi indispensable au salut et, selon l’expression d’Irénée « désirer de voir le Christ et d’entendre sa voix. » L’accord n’est pas encore fait là-dessus entre théologiens. Il n’est donc pas étonnant que saint Irénée n’offre pas une solution définitive. Voir, plus loin, son opinion sur la descente du Christ aux enfers, en ce qui concerne les justes morts avant lui. Revenons aux croyants. Dans les derniers temps, le Christ est apparu. A la loi de crainte a succédé la loi d’amour. Les serviteurs ont été des enfants. La vocation des gentils, annoncée par les prophètes, a eu finalement sa réalisation : « à ceux qui croient, qui aiment le Seigneur et qui vivent dans la sainteté, la justice et la patience, le Dieu de tous accordera la vie éternelle par la résurrection des morts, et cela en vue des mérites de celui qui est mort et ressuscité, Jésus-Christ. » Dem., c. XLi ; cf. lxxxvi-xcvii, p. 690, 720-729 ; Cent, hier., t. IV, c. iv, viii-ix, xiii, col. 981-983, 993-999, 1006-1010, etc. Ce que le Christ a apporté ce sont moins des vérités nouvelles — Irénée minimise les nouveautés dogmatiques du Nouveau Testament — que de nouvelles richesses d’amour, de nouvelles effusions de grâces. Quid i : jitur Dominus allulil veniens ? Cognoseite quoniam omncm novilalem ailulit, semeiipsum ufjei ens, qui j ueral annanlialus… Semeiipsum enimallulit, et ea quæ prædicta sunt bona, in quæ concupiscebant angeli intendere, donavit hominibus. L. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083, 1084. Cf., entre autres textes, t. IV, c. XI, n. 3, 4 ; c. xxxvi, n. 4, col. 1002-1003, 1094 : majorcm donalionem palernie graliæ pcr suum adventum ejjudil in humanum genus. Plus de grâce, c’est plus de facilité pour le salut ; mais c’est aussi plus d’invitation à aimer, plus de responsabilité, une obligation morale plus impérieuse, et, pour les contempteurs de l’avènement du Christ, pour ceux qui meurent dans leur péclic, une punition plus sévère. L. IV, c. xiii, n. 3 ; c. xxvii, n. 2-4 ; c. xxviii ; c. xxxvi, n. 4, col. 1009, 1058-1063, 1093.

De même que Sa doctrine de la récapitulation a conduit saint Irénée à considérer comme une vérité

catholique le salut d’Adam, père du genre humain, t. I, c. xxviii, n. 1 ; t. III, c. xxiii, col. 690, 960-965, de même qu’elle l’a jeté dans la chimère millénariste, elle devrait, en bonne logique, aboutir à la théorie du salut universel, toujours, dans ce dernier cas ainsi que dans les précédents, au nom de l’honneur de Dieu, qui se doit à lui-même de faire triompher ses desseins et de ne pas céder au mal. Mais, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, Paris, 1908, p. 110, « l’instinct ecclésiastique, la règle de foi, la tradition, l'évêque enfin, l’empêchent d’aboutir à la conclusion logique. Irénée professe qu’il y a des damnés. Godts, De paucitate salvandorum, 3e édit., Bruxelles, 1899, le range même parmi les partisans du petit nombre des élus ; mais les textes qu’il allègue à l’appui de cette opinion ne sont pas probants. Voir Élus (Nombre des), t. iv, col. 2364, 2369. Et Irénée admet, t. II, c. xxviii, n. 7, col. 809, que, si des créatures transgressent la loi de Dieu, quædam, imo plurima, perseveraverunt et persévérant in subjectione ejus.

K. Passaglia, De parlitione divinee volantatis in primam et secundam deque univcrsali reparati ordinis amplitudine, c. cxvii-cxxi, dans ses Commentar. théologie, part. III, Rome, 1851, p. 276-294 ; J. Korber, Sanctiis Irenœus de gralia sanctificante, Bamberg, 1866 ; L. Atzberger, Geschichle der citristlichen Eschatologie innerhalb der vornicànischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 231-236 ; L. Fonck, Irenàus ùber die Sprachengabe, dans la Zeitschrift fiir die katholische Théologie, Inspruck, 1895, t. xix, p. 377-380 ; P. de LabrioUe, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 207-244.

2. Les conditions subjectives du salut.

Sauvés par les mérites du Christ, nous ne le sommes pas sans des dispositions personnelles, qui se ramènent à deux : la foi et l’amour avec ses œuvres, « l’unité simple de la foi et de la charité. » 'Dem., c. lxxxvii ; cf. xii, Lxxxix, xcv, p. 721, 690, 723, 726-727.

a) La foi. — a. Nécessite de la foi. — Elle est explicitement indiquée à propos de la foi d’Abraham : fldes cnim, quæ est ad Deum altissimum, justificat hominem. L. iv, c. v, n. 4. 5 ; c. xxviii ; t. V, c. xxxii, n. 2, " col. 985, 1061-1063, 1211, etc. ; Dem., prol., notamment c. ii, p. 660 : « L’homme étant un être vivant, composé d’une âme et d’un corps, il est juste et nécessaire de tenir compte de ces deux éléments. Et, comme de ces deux côtés peuvent provenir des chutes, on distingue la sainteté du corps, consistant dans la continence, qui réprime tous les appétits honteux et proscrit tous les actes mauvais, et la sainteté de l'âme, laquelle consiste dans l’intégrité de la foi en Dieu, sans y rien ajouter ni en rien retrancher ; » c. iii, p. 662 : Comme l’affaire de notre salut dépend de la foi, il est juste et nécessaire que nous mettions tous nos soins à la défendre ; » c. xxxv, xciii, p. 686, 725, etc. Cf. ce qui a été dit, plus haut, de l’unité de l'Église et des hérétiques.

b. La notion de la foi. — « Si nous prenons la notion de la foi que nous a laissée la réformation, et qui se décompose en nolitia, assensus et fiducia, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, Paris, 1908, p. 125, nous voyons que, chez Irénée, la foi ne comprend guère que les deux premiers éléments et que c’est la nolitia qui l’emporte. La foi est, avant tout, créance. » La foi est, en cITet, avant tout, un assentiment à la vérité révélée par Dieu, annoncée par les prophètes, établie par ie Christ, transmise par les apôtres et offerte par l'Église à ses enfants ; or « en toutes choses il est juste et nécessaire de croire à la parole de Dieu, car Dieu est véridique en tout. » Dem., c. iii, xLin, xcviii, p. 662, 691, 730. La volonté a sa part dans l’acte de foi. Irénée l’afFirme dans une formule qui, à première vue, semblerait pélagienne, t. IV, c. xxxix, n. 2, col. 1110 : Si igitur trad.dcris ei (à Dieu) quod est luum, id est fidem in eum et subjectionem, recipics ejus artem

cl eris perfecliim opus Dei. Le contexte immédiat et les pages qui précèdent montrent qu’Irénée entend par là seulement que la foi est libre. Cf. c. xxxvii, n. 3, col. 1101 : Dcus adhorlans nos ad subjectionem sibi et avertens ab incrcdulitale, non lamen de vioknlia cogens. Et, n 5, col. 1102 : El non lantum in operibus sed etiam in fide libcrum et suæ potestatis arbitrium hominis servavit Dominus. Irénée n’a garde de méconnaître le rôle de la grâce dans la possession de la foi. La foi est un don de Dieu, Dei munus, 1. IH, c. xxiv, n. 1 ; cf. t. IV, c. XXIX, n. 1 ; c. xxxix, n. 3, col. 966, 1063-1064, 1110-1111.

c. Le progrès de la connaissance de la foi. — La foi est assentiment et connaissance. Par suite de sa théorie sur l’inspiration des livres de l’Ancien Testament, Irénée avance que, non seulement la vie, mais encore la doctrine entière du Christ sont annoncées par les prophètes. L. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083. Souvent il parle d’Abraham et de sa foi, à cause de Joa., viii, 56, et de Rom., iv, 3, cités ensemble, t. IV, c. v, n. 3, col. 985 ; il appelle Abraham palriarcha nostræ fidei et veut que una et eadem illius et nostra sit fides, c. XXI, n. 1, col. 1043, 1044. Non moins souvent il proclame que, dès le commencement, le salut ne fut ])0ssible que parle Verbe, qu’Abraham suivit le Verbe, que les apôtres le suivirent et que nous aussi, qui avons la même foi qu’Abraham et les apôtres, nous suivons le Seigneur, per quem ipse quoque, et omnes qui similiter ut ipse credidit credunt Deo, salvari inciperenl. L. IV, c. v, n. 3-5, col. 985-986. Il semblerait, dès lors, qu’il n’y a pas à parler du progrès de la connaissance de la foi. Pourtant Irénée en parle. Le Christ est partout dans les Écritures, inseminatus est ubique in Scripturis ejus Filius Dei, t. IV, c. x, n. 1, col. 1000 ; c’est un trésor déposé dans les Écritures, mais caché, unde non paierai hoc quoi sccundum hominem est intelligi priusquam consummatio eorum quae consummata sunt venirel, quæ est aduenlus Christi. La prophétie n’a un sens clair qu’après l'événement qui la réalise. Thésaurus est absconsus in agro, cruce vero Christi revelalus est, el explanatus, el ditans sensus hominum, ft ostendens sapientiam Dei, et eas quæ sunt erga hominem disposiliones ejus manifestons. C. xxvi, n. 1, col. 1052, 1053. Avec le Nouveau Testament l’objet de la foi s’est donc augmenté : in Novo Testamento quae est ad Deum fides hominum aucta est, addilamentum accipiens Filium Dei. C. xxviii, n. 2 ; cf. c. xiii, n. 1 ; c. xxxiii, n. 14, col. 1061-1062, 1007, 1082. L’accroissement de la foi ne consisterait, en conséquence, qu’en deux points : croire que le Christ est venu, et atteindre la connaissance des vérités cachées dans l’Ancien Testament.

Un texte d' Irénée, t. II, c. xxviii, n. 3, col. 806, paraît entendre I Cor., xiii, 13, de la permanence, dans le ciel, de la foi et de l’espérance, ainsi que de la charité. Le contexte montre que la foi n’implique pas ici obscurité ni l’espérance absence de l’objet, mais seulement, dit Massuet, Dissert., III, a. 8, n. 107, col. 364, que allera firmus est rébus cognilis assensus, altéra certa in Deum fiducia. ^

b) L’amour et ses œuvres. — a. Les œuvres. — La foi justifie, non la foi seule, mais la foi et l’obéissance, la foi et les œuvres. Les gnostiques prétendaient que les bonnes œuvres, inutiles pour eux spirituels, étaient nécessaires pour les chrétiens orthodoxes qu’ils qualifiaient de psychiques. Cꝟ. t. I, c. vi, n. 4 ; c. xxv, n. 5, col. 512, 685. Et Simon le magicien aurait enseigné secundum ipsius gratiam salvari homincs sed non sccundum opéras justas, c. xxiii, n. 3, col. 672. Cf. E. de Faye, Gnosliqucs et gnoslicisme. Étude critique des documents du gnoslicisme chrétien aux il' el iw^siècles, Paris, 1913, p. 10, 34, 106, 394-396, 409-410. Quoi qu’en ait dit le protestant Hennann Hamebnann, De unanimi

consensu Palrum de sola fide justificanle, cité par F. Feuardent, P. G., t. viii, col. 1599, dans saint Irénée « la connaissance, la foi et les œuvres sont étroitement unies… La foi et l’action sont également indispensables au salut. » P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée. p. 127. Citons t. IV, c. vi, n. 5, col. 989 : Credere ci (à Dieu) est facere ejus voluntatem. C. xxviii, n. 3, col. 1063 : Quibus ergo est (le Christ) odor mortis in morlem nisi lus qui non credunt neque subjecti sunt Verbo Dei ? C. xxxiii, n. 15, col. 1083 : Qui credunt Deo el sequuntur Verbum ejus percipiunt eam quæ est ab eo salulem ; qui vero abscedunt ab eo, et contemnunt præcepta ejus, el per opéra sua inhonorant eum qui se fecit…, juslissimum advcrsus se coacervant judicium. C. xli, col. 1116, 1117 : Apud Deum qui non obediunt ei, abdicali ab eo, desicrunt filii ejus esse… Verum, quando credunt et subjecti esse Deo persévérant, et doctrinam ejus cuslodiunt, filii sunt Dei. Dem., c. ii-ni, p. 660-662 : « C’est la foi qui mène à l’action. » Voir encore les textes sur le Christ confirmant et étendant les prescriptions de la loi naturelle, t. IV, c. xin ; c. xvi, n. 5 ; c. xviii, n.3 ; c. xxan, n. 2-3, col. 1006-1010, 1019, 1025-1026, 1062-1063. Toute la morale d’Irénée pourrait être étudiée à cette place. Voir, sur le décalogue, t. iv, col. 167, 169 ; sur les idolothytes, t. vii, col. 679, sur le carême, t. ii, col. 1725 ; sur le jeûne, un passage obscur de la lettre à Florinus, P. G., t. vii, col. 1229 ; cꝟ. 2018 ; sur divers reproches faits par Barbeyrac, Traité de la morale des Pères de l'Église, Amsterdam, 1728, à la morale d’Irénée, Bergier, Dictionnaire de théologie, Toulouse, 1819, t. iv, p. 352353, 613-614. Sur l’interdiction de la prière à genoux le dimanche, dont il parlait, d’après le pseudo-Justin, Responsiones ad orthodoxos, c. xv, P. G., t. vi, col. 1364, dans son livre De la Pâque, cf. H. Dumaine, art. Dimanche, dans le Diction, d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1920, t. iv, col. 959. D’autre part Dem., c. xcvi, p. 728. « La Loi… n’a pas à commander de chômer un jour fixe à celui qui observe chaque jour la sabbat, « confirme ce que nous savions par ailleurs, cf. H. Dumaine, toc. cit. col. 943, à savoir que le chômage du dimanche n'était pas encore d’un usage général ; cL Cont. hær., t. IV, c. xvi, n. 1, col. 1015-1016 : Cf encore Dumaine, col. 925, sur les œuvres serviles prohibées le jour du sabbat. Sur l’esclavage, voir t. v, col. 464.

b. L’amour. — Les œuvres, pas plus que la foi, ne doivent aller sans l’amour. Le grand commandement est d’aimer. Dem., c. xcv, p. 727 ; Cont. hær., t. IV, c. XVI, n. 3-5, col. 1017-1019. Le salut est pour les Justes et præeepla ejus servantibus, el in dileclione ejus perseveranlibus, quibusdam quidem ab initia, quibusdam autem ex pœnilenlia. L. I, c. x, n. 1, col. 551. Et Dem., c. III, p. 601 : « Tel ne sera pas notre sort (il vient de parler des hérétiques) si nous avons une règle de foi inaltérable, et si nous observons les commandements de Dieu, croyant en lui, le craignant parce qu’il est maître, l’aimant parce qu’il est père. « Le résumé de la Loi nouvelle, continuation et perfectionnement de la Loi ancienne, est le suivant, t. IV, c. xiii, n. 4, col. 1009 : assentire Deo, el scqui ejus Verbum, et super omnia diligere eum, et proximum sicut seipsum, homo autem homini proximus, el abslinere ab omni mala operatione. Cf.- t. III, c. xx, n. 2 ; t. IV, c. vi, n. 2 ; c. xii, n. 2 ; c. XXVI, n 1, 5 ; c. xxviii, n. 2, 3 ; c. xxxiii, n. 7 ; c. xxxvii, n. 7 ; t. V, c. ni, n. 1, col. 943, 987, 10041005, 1053, 1056, 1062, 1063, 1076, 1104, 1129, etc. ; Dem., c. Lxxxvii, lxxxix, p. 722, 723 : « C’est par la foi et l’amour envers le Fils de Dieu qu’il faut désormais vivre d’une vie nouvelle avec l’aide du Verbe. » Tout ce langage est d’un authentique disciple de saint Jean. Irénée qui estime tant la connaissance déclare, t. IV, c. xxxiii, n. 8. col. 1077-1078, que l’amour est

meilleur, et, c. xii, n. 2, col. 1003, que sans l’amour tout est vain et inutile, dilcclioncm vero pcrficere perfectum hominem, et eum qui dilii/it Deum esse perjcclum et in hoc scvo et in jutiiro. Nunquam enim desinimus diligentes Deum ; sed, quanto plus eum. inluiti fucrimus, lanlo plus eum diligemus.

L. Atzberger, Geschichle der cbristlichen Eschatologie tnnerltalb dcr vornicànischen Zeil, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 224-231 ; V. Ammunsen, The nile o/ truth in Irenæus, dans TIte journal of theological studies, Cambridge, 1912, t. xiii, p. 574-580.

3. Les sacrements.

La doctrine des sacrements est relativement elïacée dans la théologie d’Irénée. Il en dit assez pour montrer qu’il « leur donne une grande Importance » et qu’il admet « trois moyens d’appropriation du salut : le salut par la foi, le salut par les œuvres et le salut par le rite. Ces trois moyens ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, n’opèrent que dans l'Église et avec son concours. » P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, p. 128, 124. La grâce sauve ceux qui ont les dispositions requises, et les sacrements communiquent la grâce. Quant au mot « sacrement, » on ne sera pas surpris qu’Irénée lui prête seulement le sens d’opération mystérieuse. L II, e. XXX, n. 7 ; t. IV, c. xxxv, n. 3, coi 820, 1088. E. Renan, Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 3^ édit., Paris, 1882, p. 144, a prétendu que les sacrements furent en grande partie la création des gnostiqucs. Iténée signale certains rites gnosliques qui ont des analogies avec le baptême, la contirmalion, l’eucharistie, l’extrême-onction, mais ne laisse pas supposer que les sacrements de l'Église en dépendent d’aucune façon.

a) Le baptême. — Irénée s’occupe du baptême surtout à l’occasion du baptême et de la rédemption des gnostiqucs, qui sont, à ses yeux, une invention de Satan ad negationem bnptismatis, ejus quæ est in Deum regencrationis et universse fidei destractionem. L. I, c. XI, n. 1, col. 658. T. Barnes, A studij on the mareosian heresy, dans The journal oj theological studies, Cambridge, 1906, p. 394-411, a vu dans la formule baptismale adoptée par les marcosiens et rapporiée par Irénée, t. I, c. xxi, n. 3, col. 661, une contrefaçon de la formule catholique, laquolle aurait eu, en conséquence, SIX membres, alTirmant le Père, le Fils, le Saint-Esprit, une Église, la rémission des péchés, la communion des saint « . U. Mannucci, Riuista sloricocrilicu dclle scienze teologiche, Rome, 1906, t. ii, p. 706, a objei’té que, dans la formule marcosienne, l’unité, la rédemption et la communion sont des concei’ts étroitemenlliés et se réfèrent tous au même sujet, sôç êvcùoiv xal àTToXÙTpwaiv xal xoivœvîav twv Suvâpisuv, tandis que, dans notre symbole, elles se réfèrent ù des sujets différents, l’unité à l’Iiglise, la rémission aux péihés et la communion aux saints. Nous avons dit, à propos de la règle de foi, que le canon baptismal connu d’Irénée pourrait bien avoir été conseré dans la Dcmonslration de la prédication apostolique, c. iii, p. 662. Cf. Conl. Iiœr., t. III, c. xvii, n. 1, col. 929. Irénée indique la matière, le sujet, les eflets du baptême. La matière est l’eau. Cf. Dem., c. xli, p. 690, et, sur la matière du baptême gnostique, Cont. hier., t. I, c. xxj, n. 3, 4, col. 661, 664. Les enfants peuvent recevoir le bapteme ; Irénée le suppose, t. II, c. xxii, n. 4, col. 784, cꝟ. t. V, c. xv, n. 3, col. 1166, quand il dit que le Christ est venu sauver tous les hommes, tmnes, inquam, qui per eum renascuntur in Deum, infantes, et parvulos, et pucros, et juvenes, et scniores. Or, c’est par le liaptônic que se produit cette régénéraiion. Donc le bapleme est pour les enfants comme pour les adultes. Le baptême, en effet, régénère, remet les péchés, purifie le corps et l'âme, fait l’homme enfant

de Dieu, lui donne le Saint-Esprit. L. III, c. xvii, n. 1-2. col. 929-930 ; Dem., c. iii, vai, XLn, p. 662, 664665, 691. Cf. P. G., t. ^^I, col. 1248, le fragment xxxv. Les gnostiqucs admettaient l’efficacité régénératrice de leur baptême. Cf. I. I, c. xxi, n. 2, col. 658-659. Sur le baptême par le feu et le baptême pour les morts, voir t. ii, col. 355-362.

b) La confirmation. - — Voir Confirmation, t. iii, col. 1028-1029 ; Chuème (Saint), t. ii, col. 2396, 2403.

c) L’eucharistie. — Voir Eucharistie, t. v, col. 1 1281130 ; Eucharistiques (Accidents), t. v, col. 13701371 ; Épiclèse, t. v, col. 233.

d) La pénitence. — La pénitence est nécessaire aux pécheurs. Irénée distingue deux catégories de sauvés ; les uns n’ont jamais perdu la vie de la grâce, les autres l’ont recouvrée par la pénitence. Cf. I. I, c. x, n. 1 ; 1. ÎV, c. XL, n. 1 ; t. V, c. xi, n. 1, col. 552, 1112, 1159. Quant à ceux qui persévèrent dans les opérations de la chair, dans l’apostasie, c’est-à-dire dans l’inlidélité à Dieu, le feu éternel les attend. Cꝟ. t. III, c. xiv, n. 4 ; c. XXIII, n. 3 ; t. V, c. xi, n. 1 ; c. xxvi, n. 2, col. 917, 962, 1150, 1194, 1195. Y a-t-il des péchés irrémissibles endroit ? On pourrait le croire si on lisait superficiellement, t. IV, c. xxviii, col. 1056-1001, les pages où Irénée rapporte les paroles d’un presbytre qu’il avait entendu et qui avait lui-même entendu des contemporains des apôtres. Ce presbytre disait que les péchés commis avant le Christ eurent leur guèrison et leur rémission dans la mort du Christ, mais que propter eos vero qui nunc peccunt Christus jam non morietur, sed veniet Filius in gloria Putris, exquirens ab actoribus et dispensatoribus suis pecuniam quam eis credidit, eum usuris, et quibus plurimum dédit plurimum ab eis exiget ; non debemus ergo, inquit ille senior, superbi esse neque reprehendere veleres, sed ipsi timcre, ne forte, post agnitionem Cliristi agentes atiquid quod non placeat Dco, remissioncm ultra non habeamus delictorum, sed excludamur a regno ejus. Faut-il en conclure que certains péchés ne peuvent être remis ? Non, car ce texte vise tous les péchés commis après la connaissance du Christ, et Irénée enseigne qu’on arrive au salut par la pénitence, même après le péché d’apostasie que pourtant il accable des anathèmes de l'Écriture, t. V, c. XXVI, n. 2, col. 1 195 : Post autem aduentum Do/nini ex sermonibus Christi… discens m nij este quoniam ignis œternus præparalus est ex sua voiuntute abscedenti u Dco et omnibus qui sine pœnitentia perscnerant in upostasia. Quelle est donc l’idée de saint Irénée et du presbytre qu’il allègue ? Contre les marcionites qui discréditaient l’Ancien Testament, opposaient au Dieu de l’Ancien Testament celui du Nouveau et ne parlaient que de la miséricorde du dernier, gardant le silence sur son jugement, cꝟ. t. IV, c. xxvi, n. 5 ; c. xxviii, n. 1, col. 1056, 1061, Irénée maintient qu’il n’y a qu’un Dieu auteurde l’un et de l’autre Testament et déclare, en se réclamant de l’autorité du presbytre. que nous ne devons pas infliger aux pécheurs de l’Ancien Testament un blâme plus sévère que celui qui se trouve dans l'Écriture, laquelle raconte leurs fautes pour notre amendement, que les péchés, parce que nous avons plus de lumière et recevons plus d’amour, ont une malice plus grande et qu’un compte plus rigoureux en sera rendu sous le Nouveau Testament que sous l’Ancien, que maintenant, comme alors, l’injustice, l’idolâtrie, la fornication entraînent la perte des hommes, que le jugement de Dieu est encore plus à craindre. Le mol d’Irénée, à propos de la descente aux enfers, n. 2, col. 1058 : remissione pcccatorum exislente his qui credunt in eum, a une portée générale ; les mérites du Christ valent pour la remise de tous les péchés.

Jusqu’ici aucune allusion au ministère de l'Église dans la rémission des péchés. Voici des textes qui se

rapportent à la pénitence sacramentelle. Irénée raconte, t. III, c. iii, n. 4 ; c. iv, n. 3, col. 852, 856-857, que Polycarpe, lors de son séjour à Rome, ramena à l'Église de nombreux hérétiques, et que Cerdon, étant revenu à l'Église, ébaucha à plusieurs reprises une exomologèse, ou pénitence, qui ne s’acheva jamais. Voir Confession, t. ii, col. 860. Il parle, t. I, c. vi, n. 3, col. 508, de femmes qui tombèrent dans le valentinianisme et, avec la foi, perdirent les mœurs, ainsi que beaucoup le confessèrent dans leur exomologèse, après leur retour à l'Église de Dieu : il peut s’agir de péchés secrets avoués par ces femmes. Des femmes pareillement furent séduites par les marcosiens. Les unes, dit Irénée, t. I, c. xiii, n. 5, 7, col. 588, 592, avouaient leurs fautes cachées ; d’autres, qui n’avaient pas ce courage, « désespéraient de la vie de Dieu » et se retiraient de la communauté chrétienne ou adoptaient une attitude équivoque. Irénée ne mentionne pas le pardon accordé aux premières. On peut néanmoins conclure de tout ce qu’il dit, que ce pardon leur a été donné, au moins au moment de la mort, qu’elles ont été réconcihées avec Dieu et avec l'Église. Cf. J. Tixeront, Le sacrement de pénitence dans Vantiquité chrétienne, Paris, 1914, p. 28. Ce dernier texte a' trait à la pénitence publique, et sans doute il faut en dire autant du texte relatif aux adeptes du valentinianisme, puisque c’est des mêmes faits qu’il parle ici et là. Irénée témoigne de l’existence « d’une pénitence publique à base de confession, » selon l’expression de P. Galtier, Uévêque docteur : saint Irénée de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 211 ; mais on ne voit pas qu’il témoigne de la pratique de la confession secrète, quoi qu’en ait pensé Massuet, Dissert., III, a. 7, n. 75, col. 324.

e) L’extrême-onction. — "Voir Extrême-onction, t. V, col. 1931-1932.

/) L’ordre. — Nous avons vu ce qu' Irénée a de plus important sur ce point, en traitant de la hiérarchie ecclésiastique. Voir col. 2 128.

g) Le mariage. — Irénée défend la sainteté du mariage quand il condamne les débauches de certains gnostiques. L. I, c. vi, n. 4 ; c. xxviii, col. 509-512, 690691. Sur l’accusation d’avoir rabaissé le mariage, formulée par Barbeyrac, Traité de la morale des Pérès de l'Église, Amsterdam, 1728, p. 22, et reprise par J. Pédézert, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, p. 313, cf. Bergier, Dictionnaire de théologie, Toulouse, 1819, t. IV, p. 352-353. Qu' Irénée se soit aOlrmé défavorable à la réitération des noces, t. I, c. xviii, n. 2, col. 691, c’est ce qu’on a dit et ce qui est loin d'être clair. Cf. P. de Labriolle, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 240-241, n.

Des sacramentaux il n’est guère question dans l'œuvre d' Irénée. A signaler ce qu’il a sur les exorcismes, t. II, c. vi, n. 2 ; c. xxxii, n. 4, col. 725, 829 ; cf. la note de Feuardent, col. 1535-1536 ; Dem., c. xcvi-xcvn, p. 728, cf. la note de J. Tixeront, p. 798.

1 » Les sept sacrements. — F. Feuardent, D. Ircnœi adversiis Valentini et similium gnosticorum hwreses libri V, Cologne, 1625, p. 113-114 = P. G., t. vii, col. 1492-1493. — 2 » Le baptême. — C. F. Wemsdurf, De Irenœi testimonio pro pœdobaptismo, Leipzig, 1775 ; W. R. Powers.SI. Irenæus and infant bardism, dans l’American presbyU-rian rewiew New York, 1867, t. xvi, p. 2.39 ; T. Barnes, A study on the marcosian Iieresy, dans The journal of theological studies. Cambridge, 1906, p. 394-411 ; H.Windisch. Tau/e und Siinde im àltesten Cliristentiim bis auf Origenes, Tubinsue, 1909, cf. U. Mannucci. dans la Rivista storico-crilica délie scienze teologiche, Rome, 1909, t. v, p 632-635. — 3° L’eucharistie. — Voir Eucharistie, t. v, col. 1130, 1182-1183, et, en outre, E. Aubertin, L’eucharistie de l’ancienne Église, Genève, 1633, p. 65-87 ; Thiersch, Die Lehre des Irenàus von der Eucharistie, dans la Zeitschrift fur die gesamte lulherische Théologie und Kirche, 1841, p. 40 sq. ; J. W. F. Hôlling, Die Lehre des Irenàus uoni Opfer des christlichen Cultus',

DICT. DE TUÉOL. CATHOL.

Erlangen, 1840 ; Die Lehre der àltesten Kirche vom Opfer im Leben und Cultus der Christen, Erlangen, 1851, p. 71-107 ; A. Ebrard, Das Dogma vom heil. Abendmahl und seine Gesc/i ic/ ! <e, Francfort-sur-le-Mein, 1845 ; K. F. A. Kahnis, 131e Lehre vom Abendmahl, Leipzig, 1851 ; L. J. Rûckert, Das Abendmahl. Sein Wesen und seine Geschichte in der alten Kirche, Leipzig, 1856 ; L. Hopf enmûller, Sanctus Irenœus de eucharistia, Bamberg, 1867 ; et. J. B. Kraus, dans Theologisclies Literalurblatt, Bonn, 1868, t. iii, p. 466-471 ; A. Vacant, La conception du sacrifice de la messe dans la tradition de l'Église latine, dans L’Université catholique, Lyon, IIsérie, 1894, t. xvi, p. 197-204 ; F. S. Renz, Die Geschichte des Messopfer-Begriffes, FTeising, 1901 1. 1, p. 209219 ; J. Brinktrine, Der Messopferbegriff in den ersten zwei JaftrftundeHen, Fribourg-en-Brisgau, 1908 ; F. Wieland.Der vorineràische Opferbegriff, Munich, 1909 ; D. Stone, A history of the doctrine of the holy eucharist, Londres, 1909, t. i. — 4° La pénitence. — Voir Confession, t. iii, col. 893-894, et, en outre, H. Koch, Die Sùndenvergebung bei Irenàus, dans la Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, Giessen, 1908, t. ix, p.3546 ; J. Stufler, Die Sùndenvergebung bei Irenàus, dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, Inspruck, 1908, t. xxxi, p. 488-497 ; Z. Garcia, El perdôn de los pecados en la primitiva Iglesia, dans Razôn y fe, Madrid, 1909 ; A. d’Alès, La discipline pénitentielle au 11e siècle en dehors d’Hermas, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t iv, p. 207211 ; L'édit de Calliste. Étude sur les origines de la pénitence chrétienne, Paris, 1914, p. 120-124.

2 » Les fins dernières. — i. En attendant le second avènement du Christ. — a) L’immortalité de l'âme. — L'âme est immortelle. Cꝟ. t. II, c. xxxiii, n. 5 ; c. xxxiv ; t. V, c. IV, n. 1 ; c. vii, n. 1 ; c. xiii, n. 3, col. 834-837, 1133, 1140, 1158-1159. On a prétendu que, d’après Irénée, elle ne l’est pas par sa nature, mais par la grâce de Dieu ; que les âmes des méchants seront finalement anéanties et que celles-là seules jouiront de la vie sans fin qui auront reçu le Saint-Esprit dans le baptême et auront persévéré dans la justice. Tel a été le sentiment de Dodwell, cL Massuet, Disserl., III, a. 8, n. 104-106, col. 358-364 ; de Ellies du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1686, t. I, p. 121-123 ; cf. M. Petitdidier, Remarques sur la Bibliotltèque ecclésiastique de M. du Pin, Paris, 1691, p. 157, et Tillemont, Mémoires, Paris, 1695, t. iii, p. 626-628 ; de M. Kirchner, Die Eschatologie des Irenàus, dans les Theologische Sludien und Kritilcen, Hambourg, 1863, p. 321, etc. C’est une erreur, due à un examen trop rapide des textes d’Irénée. Tillemont, op. cit., p. 626-627, a rétabli la véritable pensée d' Irénée. Il y a une double immortalité, observe-t-il : celle de l'être et celle du bonheur, laquelle, « selon le langage de l'Écriture, est la seule immortalité et la seule vie. » Dans le chapitre qu’on objecte, il est d’abord question de l’immortalité de l'être. L’intention d’Irénte est de réfuter les adversaires disant que les âmes qui ont commencé d'être doivent mourir avec le corps. L. II, c. XXXIV, n. 2, col. 835. Il répond que la volonté de Dieu est maîtresse de toutes choses, que, différentes de Dieu immortel essentiellement et par lui-même, les âmes ne sont pas immortelles par elles-mêmes ; que les âmes et tous les êtres vivent et persévèrent ce que Dieu veut qu’ils vivent et persévèrent. Sur quoi il allègue le ps. cxLvm, 5-6 : Ipse mandavit et creuta sunt , slatuil ea in sipculum et in s&'culum sseculi. « U paraît assez par là avoir voulu attribuer l’immortalité à toutes les âmes : au moins jusque-là il ne dit rien qui y soit contraire.. Puis, il passe de l’immortalité de l'être à l’immorlalité bienheureuse, de salvando homine, n. 3, col. 836, et allègue le ps. xx, 5 : Vilam petiil a te et tribuisti ci longitudincm dicrum in sitculum sn’culi, qu’il commente de la sorte : tanquam Pâtre omnium douante et in sœculum sa’culi prrseveranliamhis qui suivi fiunt, non enim ex nubis neque ex nuslru nuluru viUi est sed secundum gruliam Dei datur ; ceux qui sont fidéks, ajoute-t-il, recevront cette immor Vn. — 79

talité bienheureuse, mais ceux qui sont ingrats à leur créateur s’en privent par leur faute, ipse se privât in sœculum sœculi perseveranlia. De l’immortalité bienheureuse il revient ensuite, n. 4, col. 837, à l’immortalité de l'être, et, bien loin d’y faire aucune exception, il s’exprime en des termes qui attribuent également l’immortalité à toutes les âmes aussi bien que l'être : Dco ilaque vitam et perpetuam perseveranliam donanie, capii et animas primum non exsistentes dehinc perseoerare, cum eas Deus et esse et subsistere volucrit, prineipari enim débet in omnibus et dominari voluntas Dei. Cꝟ. t. IV, c. xxxvra, n. 3, col. 1107-1108. Ce qui pourrait subsister d’imprécision dans ce passage s'éclaire, d’une part, des textes où Irénée affirme, tout court, que les âmes sont immortelles, et même immortelles par leur nature que Dieu vivifie, t. V, c. iv, n. 1, col. 1133, immortalia… quoniam vioiftcantur a Paire…, natura immortalia ; cf. Massuet, col. 359-360, sur l’abus queDodwell a fait de ce texte, et, d’autre part, des textes sur l'éternité des peines de l’enfer. Bref, sur l’immortalité de l'âme la doctrine d' Irénée se réduit aux points suivants. L'âme est naturellement 'immortelle, en ce sens que Dieu l’a dotée d’immortalité ; elle n’a point l’immortalité par sa nature, en ce sens qu’elle n’a point par elle-même le pouvoir de persévérer toujours dans son existence. Les élus auront, avec l’immortalité de l'être, l’immortalité de la béatitude. Les damnés n’auront pas l’immortalité du bonheur, mais garderont l'éternité de l'être. C’est ce que reconnut Ellies du Pin, à la suite des observations que lui valut son opinion sur l’anéantissement des âmes coupables ; dans la 3e édit. de la Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1698, 1. 1, p. 173, il ne prête plus cette croyance à Irénée, et se contente d'écrire qu' Irénée « prouve que les âmes subsistent après la mort et qu’elles sont immortelles. »

b)Le jugement particulier. — Le mot ne se lit pas dans Irénée. Chez lui, le « jugement », c’est le jugement universel. Mais l’idée du jugement particulier n’est pas absente. L’homme, dit-il, a été crée libre pour se faire, en collaboration avec la grâce divine, l’artisan de son sort éternel. En attendant le j ugement universel, le t juste jugement » de Dieu à la fin du monde, il passe sur cette terre et, après la mort, subit les conséquences de son libre choix. Merito omnes justum jadicium incident Dei…. Alii quidem laudantur et dignum percipiunt teslimonium elcctionis bonx et perseverantiæ, alii vero accusantur et dignum percipiunt damnum eo quod justum et bonum reprobaverint. L. IV, c. xxxvii, n. 1, 2, col. 1100. Irénée marque deux temps : celui du jugement universel, celui d’u ; ie « louange » ou d’une « accusation > qui le précédera et qui correspond au jugement particulier. Dans le récit du riche et de Lazare il note, t. II, c. xxxiv, n. 1, col. 835, manere in suo ordine unumquemque ipsorum : chacun a ce qui lui convient, Lazare les opulences de la table et le mauvais riche la punition, locum pienm, ce qui démontre que l'âme a une immortalité individuelle et dignam habitationem unamquamque gentem percipere eliam ante judicium. Donc, dès avant le jugement universel, chacun recevra le juste châtiment ou la juste récompense de ses actes. Donc un jugement particulier sera intervenu.

c) L'état des âmes des justes en attendant le second avènement du Christ. — Le salut commence en ce monde. L. V, c. xxviii, n. 1, col.l 197-1 198. Son achèvement ne se réalise point ici-bas, ni tout de suite après la mort. Irénée enseigne que les âmes des justes ne seront admises à la béatitude qu’après le jugement dernier. La tentative de Bellarmin, De Ecclesia Iriumphante, t. I, c. iv, dans le De controuersiis christianx fidei, Paris, 1020, t. ii, p. 686 : cf. J. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p.299, de mettre

la doctrine d' Irénée d’accord avec les définitions ultérieures de l'Église a été malheureuse : prorsus infeliciter, dit Massuet, Dissert., III, a. 10, n. 121, col. 379, tam aperta siquidem Irenœiopinioest…. ut eam ad receptam hodic in tota Ecclesia catholica senientiam revocare vclle laterem crudiim lavare sit. Cf. D. Petau, De Deo Deiqne proprietatibus, t. VII, c. xiv, n. 1-5, dans ses Dogmata theologica, édit. J.-B. Fournials, Paris, 1865, t. I, p. 617-619. Voir Benoit XII, t. ii, col. 672-676. Vain également l’essai de justification de F. Feuardent, P. G., t. vii, col. 1835-1836. C’est en réfutant le gnosticisme qu' Irénée a dévié. L. V, c. xxxi, col. 1208-1210. Les gnostiques méprisent la créature de Dieu et n’admettent pas le salut de la chair ; aussi disent-ils que, dès la mort, se supergredi cselos et demiurgum, et ire ad Matrem vel ad eum, qui ab ipsis ajfmgitur, Patrem. Ce n’est pas étonnant qu’ils ignorent « l’ordre de la résurrection, » puisqu’ils réprouvent toute résurrection, et, autant qu’il dépend d’eux, la suppriment. Mais, de l’avis d' Irénée, ceux-là aussi ont hæreticos sensus qui méconnaissent l’ordre de la promotion à la béatitude et ignorent les degrés par lesquels on s'élève à la vision bienheureuse, et motus meditationis ad incorruptelam ignorant. Le Christ a gardé la loi des morts ; après avoir expiré sur la croix, il n’est pas allé de suite au ciel, mais il est descendu aux enfers, puis, ressuscité le troisième jour, il est resté avec les apôtres avant de monter au Père. De même les âmes de ses disciples, après la mort, vont dans un lieu invisible, fixé par Dieu, et y séjourneront dans l’attente de la résurrection ; lors de la résurrection, elles seront unies à leur corps, comme le Christ est ressuscité, et viendront en la présence de Dieu. Le disciple n’est pas au-dessus du Maître. Le délai que le Christ a consenti pour luimême s’impose à nous. La « digne habitation déterminée par Dieu pour les justes en attendant la résurrection n’est pas le paradis terrestre de l'Église, habité par les justes de la terre, t. V, c. x, n. 1 ; c. xx, n. 2, col. 1147, 1178, ni le paradis supramondial, mais un lieu inframondial, le i sein d’Abraham. » Ayant conclu de la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche l’immortalité de l'âme, t. II, c. xxxiv, n. 1, col. 835, Irénée dit que les âmes se souviennent, et propheticum quoque adesse Abrahæ, et dignam habitationem unamquamque gentem percipere etiam ante judicium. C’est supposer que le « sein d’Abraham » sera le séjour des justes d’après comme d’avant le Christ. L'état des justes qui attendent la résurrection semble susceptible de progrès. Le progrès est la loi de la vie présente et de la vie future. Ut semper quidem Deus doceat, homo autemsemper discal quæsunt a Deo, cette formule, t. II, c. xxviii, n. 3, col. 806, et la suivante, t. IV, c. xxxvii, n. 7, col. 1104 : uti… tandem aliquando maturus fiât homo, in tantis maturescens ad videndum et capiendum Deum, s’appliquent à tout le déroulement de la vie humaine. Les motus meditationis ad incorruptelam et ce mystère de la résurrection des justes et du royaume, quod est principium incorruptelæ, per quod regnum qui digni fuerint paulatim assuescunt capere Deum, . V, c. xxxi, n. 1 ; c. xxxii, n. 1, col. 12)71210, paraissent désigner des ascensions d'âme continuelles. Enfin, le salut est inamissible ; ce n’est pas encore la réalité de la vision béatifique, c’est le droit à l’obtenir. Irénée l’affirme indirectement par sa doctrine de la nécessité et de l’efficacité de la pénitence. Cf. L. Atzberger, Gcscliichte der chrisUichen Eschatologie innerhalb der vornicùnischen Zeit, p. 245-246. Du délai de la vision béatifique sont exempts les martyrs que l'Église omni tempore præmittit ad Patrem, t. IV, c. xxiii, n. 9 ; cf. c. xxxi, n. 3, col. 1078, 1070 ; parmi eux les saints Innocents, 1. 111, c. xvi, n. 4, col. 924. En quoi consiste leur bonlieur ? Sur ce point Irénée ne donne pas de réponse ferme.

L’opinion du délai de la béatitude admise, la descente du Christ aux enfers ne pouvait avoir pour effet la délivrance immédiate des âmes. Conformément au texte apocryphe de l'Écriture qu’il cite six fois, Irénée lui donne comme buL l’annonce de la rémission des péchés et du salut levangelizare salulem quæ est ab co ut salvaret eos ; evangelizantem et illis adventum suum, remissione peccatoriim cxistenté his qui credunt in eum. L. III. c. XX, n.4 ; t. IV, c. xxv-n, n. 2, col. 945, 1058 ; cꝟ. t. IV, c. xxii, n. 1 ; c. xxxiii, n. 1, 12 ; t. V, c. xxxi, n.l, col. 1040-1047, 1072, 1081, 1208-1209 ; /)em., c. Lxxviii, p. 717. La théorie est donc celle de l'évangélisation des justes de l’Ancien Testament. Voir Descente de JÉSUS AUX ENFERS, t. IV, col. 597. Ces justes seraientils non seulement ceux, qui avaient cru en lui de leur vivant, mais encore les infidèles qui avaient bien vécu et qui auraient cru en lui lors de la descente aux enfers ? On serait tenté de répondre affirmativement, à lire Dcm., c. Lvi, p. 702 : « Pour ceux qui sont morts avant l’avènement du Christ, il y a espoir qu'à leur résurrection, au jugement, ils arriveront au salut, ceu.x-là du moins qui, tout en craignant Dieu, sont morts dans la justice et ont reçu intérieurement l’Esprit de Dieu, comme les patriarches, les prophètes et les justes. Quant à ceux qui, après l’avènement du Christ, n’ont pas cru en lui… » Mais un texte parallèle du Cont. hær., t. IV, c. xxvii, n. 2, col. 1058, dont nous avons cité le commencement : evangelizantem et illis adventum suum, remissione peccaiorum existente bis qui credunt in eum, exige la foi au Christ avant la descente aux enfers : crediderunt autem in eum omncs qui sperabant in eum, id est qui adventum ejus prænuntiaverunt, et disposilionibus ejus servienint, justi, et prophétie et patriarchx. Cf. F. Bonifas, Histoire des dogmes de l'Église chrétienne, Paris, 1886, 1. 1, p. 352.

(/) L'état des âmes des pécheurs en attendant le second avènement du Christ. — Dieu a préparé aux bons et aux mécliants un séjour convenable, aptas habitationes, dit Irénée, t. IV, c. xxxix, n. 4, col. 1111 : aux ennemis de la lumière les ténèbres ; à ceux qui fuient Dieu, en qui sont tous les biens, la privation de tous les biens. Cꝟ. t. V, c. xxvii, n. 2, col. 1196. En outre, il y aura une punition positive : le feu éternel. La privation des biens, inaugurée, dès la vie présente, par le fait même qui ; le pécheur fuit Dieu, sera consommée à la mort. Quant à la peine du feu, elle sera inévitable, fraudati autem omnibus erga Deum bonis conscquenter in Dci justum judicium incident, col. 1111, mais, semble-t-il, liée au jugement universel, non immédiate. Voir Démon d’après les Pères, t. iv, col. 345 ; Enfer d’après LES PÈRES, t. V, col. 54, 93.

2. A partir du second avènement du Christ.

a) Le second avènement du Christ. — Après le déluge de feu et l’anéantissement de l’Antéchrist, le Christ reviendra dans la gloire, avec le même corps qu’il eut à son premier avènement. Cꝟ. t. III, c. iv, n. 2 ; c. xvi, n. G, 8 ; c. xix, n. 2 ; t. IV, c. xxxiii, n. 1, 11, 13 ; t. V, c. xxx, n. 4, col. 856, 925, 927, 941, 1073, 1079, 1082, 1207 ; Fin du monde, t.v, col. 2519. La fin ne sera pas immédiate, du moins si l’on accepte le texte de Massuet, t. V, c. XXVI, n. 1, col. 1192, ^ur les dix rois de l’Apocalypse, xvii, 12 : manifestum est itaque quoniam ex his très inler/icit ille qui venturus. est (l’Antéchrist), et reliqui subjicicntur ei, et ipse octavus in eis ; une variante de deux manuscrits : et subjiciuntur, si elle représentait le texte ^véritable, avancerait l'événement. En tout cas la fin est relativement proche. Nunc autem, dit-il, t. IV, prsef., n. 4, coi. 975, quoniam novissima sunt tempora, extenditur malum in homines, non solum aposlatas eos faciens, scd et blasphemos in plasmatorem instituit multis macliinationibus, id est per omnes hærelicos qui prædicli sunt. L’expression novissima tempora, à elle seule, ne serait pas probante, puisqu’elle

désigne tout le temps qui court depuis le Christ. Mais la recrudescence du mal qui est signalée restreint sa signification à la période finale du monde. Ailleurs encore, t. I, c. xiii, n. 1, col. 580, il voit, dans un des chefs de ces gnostiques qui blasphèment leur créateur, un vrai précurseur de l’Antéchrist. Créé en six jours, dit-il encore, t. V, c. xxviii, n. 3 ; c. xxix, n. 2, col. 1200, 1201, 1203, le monde doit durer six mille ans, et la bête qui vient, l’Antéchrist, résume les six mille ans d’apostasie, d’injustice, de perversité, de fausse prophétie. Voir Antécheust, 1. 1, col. 1363. Irénée a bien interprété l’Apocalypse, xiii, 18, en disant que le nombre du nom de la bête est 666, c. xxix, n. 2 ; c. xxx, col. 1202-1208. Cf. T. Calmes, L’Apocalypse devant la tradition et devant la critique, Paris, 1905, p. 14. II constate que plusieurs noms s’adaptent à ce chiffre, mais renonce à déterminer le nom véritable, puisque saint Jean l’a tu. « Si saint Jean avait voulu que la connaissance en fût donnée au temps présent, il s’en serait expliqué plus clairement. Il a indiqué le nombre du nom, afin que nous nous tenions en garde contre celui qui vient, sachant qui Il est. Il a tu ce nom, parce que ce nom n’est pas digne d'être prononcé par l’Esprit Saint. Car, s’il avait été prononcé par l’Esprit Saint, peut-être tarderait-il beaucoup de venir, /ortassis et in multum permaneret. » Le début de la lettre des Églises de Lyon et de Vienne, dans Eusèbe, H. E., t. V, c. I, P. G., t. XX, col. 609, témoigne de la même persuasion que la venue de l’Antéchrist s’approche : (I De toutes ses forces se jeta contre nous l’adversaire, préludant déjà à sa parousie, dans laquelle il ravagera le monde. »

b) La résurrection de la chair. — C’est, Ici, une dei thèses capitales d' Irénée contre l’erreur capitale du gnosticisme que la matière est essentiellement mauvaise et ne peut, par conséquent, , être l'œuvre d’un Dieu bon. L. I, c. vi, n. 2 ; c. xxii, n. 1 ; c. xxvii, n. 3 ; t. V, c. I, n. 2, col. 505, 669-670, 689, 1122. Irénée établit fortement l’idintité du Dieu de la révélation chrétienne et du créateur du monde sensible, et prouve que le monde des corps est du domaine du Verbe, que « la matière est susceptible de salut. » L. I, c. vi, n. 1 ; t. V, c. ii, n. 2, 3 ; c. xx, n. 1, col. 505, 1124, 1126, 1177. Contre les hérésies nées et à naître, Irénée maintient « le salut di ; l’homme total, corps et âme, » col. 1177. La résurrection de la chair, don de Dieu, 1. Il 1, c. xx, n. 2, col. 943, est l'œuvre de la puissance et de la justice divines. Le corps, formé de la terre, « retourne à la terre, à l’instar d’une très bonne semence « qui germe par l’action de Dieu. Fragment conservé dans les Sacra parallela attribués à saint Jean Damascène, P. G., t. VII, col. 1236 ; cf. Cont. hær., t. V, c. vii, n. 2, col. 1140-1141. Nos corps ressusciteront non ex sua subslantia scd ex Dci virtuie, c. vi, n. 2, col. 1139, car « Dieu, meilleur que la nature, a le vouloir, le pouvoir et le parfaire. » L. II, c. xxix, n. 2, col. 813-814. Tirer l’homme de la terre était plus difficile que de le ressusciter. La puissance divine éclate à vivifier non seulement l'âme, qui de sa nature est immortelle, mais aussi le corps naturellement mortel. La longévité donnée par Dieu aux patriarches, ce qu’il a fait pour Élie et Hénoch, Jonas et les trois entants dans la fournaise, attestent qu’il peut ressusciter nos corps. L. V, c. iii-v, col. 1128-1136. Puis, n’est-il pas juste que le corps, qui a participé, avec l'âme, au mérite, ait sa part de la récompense ? Les attributs divins appellent la résurrection des corps. L. II, c. xxix, n. 2, col. 81.3-814.

Les Écritures l’affirment : l’Ancien Testament, t. V, c. XV, n. 1, col. 1163-1164 ; cf. le fragment xxxvi, P. G., t. vii, col. 1248, et le Nouveau. Nous avons les paroles du Christ et ses actes. Les paroles : celles, par exemple, qu’il adresse aux sadducéens. L. IV, c. v.

n. 2, col. 984-985. Irénée fait bonne justice de l’argument que les gaostiques tiraient de I Cor., xv, 50 : Caro et sangiiis regnum Dei hæredilare non passant, t. V, c. ix-xii, col. 1144-1156 ; « la chair et le sang » doivent s’entendre de ceux qui pèchent en s’adonnant à des œuvres charnelles, et le sens est que les pécheurs n’entreront pas au ciel. Les actes du Christ : d’abord, les guérisons et les résurrections qu’il opère, c. xii, n. 5 ; c. xiii, n. 1, col. 1155-1157 : elles laissent pressentir la résurrection générale. Ensuite, sa propre ré ;, urrection, qui garantit la nôtre, c. vii, n. 1 ; cꝟ. t. IV, c. ii, n. 4, 7 ; c. v, n. 2, col. 1139-1140, 978, 979, 985. La preuve fondamentale est dans l’incarnation. Si le Verbe a pris notre chair, c’est pour la sauver. L. V, c. XIV, col. 1160-1163. Il a institué l’eucharistie ; nourris du corps et du sang du Christ, nos corps sont divinement immortels. L. IV, c. xviiii, n. 5 ; t. V, c. ii, col. 1027-1029, 1123-1128. Enfin, l'Écriture nous apprend que nous sommes les membres du Christ, lequel est notre tête ; comme la tête est ressuscitée, les membres ressusciteront. L. III, c. xix, n. 3, col. 941. Nos corps sont les temples du Christ, les temples du Saint-Esprit, les temples de Dieu. Templum igitur Dei, in quo Spirilus inhabiiat Palris, el membra Christi non participare sulutem sed in pcrditionem redigi dicere, quomodo non maximæ est blasphemiœ? L. V, c. vi, n. 2, col. 1139 ; c. xiii, n. 4, 1159-1160.

En quoi consistera la résurrection ? Il y aura identité personnelle. L'âme retrouvera son corps, le corps son âme, non enim aliud est quod moritur et aliud quod viviftcatur. L. V, c. xii, n. 3, col. 1153 ; cꝟ. t. II, c. xxxiii, n. 5 ; I. V, c. iii, n. 2 ; c. xiii, n. 3 ; fragment xii, col. 833834. 1130, 1158-1159, 1235. La résurrection sera générale, ad… ressuscitandam omnem carnem. L. I, c. x, n. 1, col. 549 ; cf. c. xxii, n. 1 ; t. ii, c. xxxiii, n. 5 ; L III, c. xvi, n. 6, eol. 669-670, 834, 925, etc. Mais elle ne sera pas simultanée. Les justes ressusciteront, en premier lieu, au début du royaume terrestre du Christ ; les méchants ressusciteront, à leur tour, à la fin du royaume. L. V, c. xxvi, n. 2 ; c. xxii, n. 2 ; c. xxxiii, n. 4 ; c. XXXIV, n. 1 ; c. xxxv, n. 1, 2, col. 1194, 1211, 1214, 1215, 1218, 1220 ; Dem., c. xli, xui, p. 690, 691.

c) Le nii/aunie terrestre du Christ. — La résurrection des justes n’est pas le dernier stade de la fin des choses. Il faut qu’ils s’accoutument peu à peu à contenir Dieu, pualatim assuescunt capere Deum ; que, dans cette création renouvelée, ramenée à l'état primitif, ipsam condilionem reintegralam ad pristiniim, ils reçoivent la récompense des efforts et des peines dont la création fut le théâtre ; qu’ils aient l’héritage de la terre promis à Abraham et, en lui, à tous ceux qui seront ses fils par la foi, accipient autem eam in résurrection' juslorum. Coiit. hær., t. V, c. xxxii, col. 12101211. Le Christ a annoncé qu’il boira, avec ses disciples, du vin nouveau dans le royaume de son Père, Malt h., xxvi, 29, ce qui indique et la résurrection de la chair et l’héritage de la terre, car, on ne Ijoit pas du viii, au ciel, ni sansunrorps C xxxiii.n. l.col 1212. Ceux qui ont tout laissé pour lui auront le centuple en ce siècle et la vie éternelle au sièclf futur, Matth., XIX, 12 ; ils auront ce centuple dans le temps du royaume, c’est - ; i dire au septième jour, jour sonctitié où le Seigneur s’est reposé de toutes ses a-uvres, vrai sabbat des justes pendant lequel ils ne se livreront à aucun travail terrestre, mais seront assis à une table préparée par Dieu même et servie de tous les mets les plus délicieux. » C. xxxiii, n. 2, col. 1212. Ce septième jour, vrai sabt)at des justes, représente un millénaire d’aimées, comme aux six jours de la création correspon(leiit les six mille ans de la durée du monde actuel ; Papias, de qui saint Irénèe se réclame, dit expressément que le règne temporel du Christ durera mille ans. Cf. Eusôbe, H. E., t. III, c. xxxix, P. G.,

t. XX, col. 300. Irénée, en effet, allègue, c. xxxiii, n. 3, 4, col. 1213, 1214, l’autorité des « presbytres qui ont vu Jean, le disciple du Seigneur.. Partant de cette tradition, qu’il croit apostoUque, il interprète dans le sens millénariste la prophétie d’isaac bénissant Jacob, et de nombreux passages des prophètes qui se rapportent au Messie. C. xxxiii, 3-xxxv, col. 1213-1220. Il se refuse à entendre ces passages allégoriquement : niliil allegorizari potest, sed omnia firma, et vera, et subslantiam habentia, col. 1220. Voici les principaux traits de la description du royaume. Irénée n’imagine pas un grossier paradis, tel que celui qui hanta l’esprit de plus d’un millénariste. Son rêve comporte toutefois des festins, col. 1212, 1217, et il admet, col. 1213, sur la foi de Papias, l’authenticité du discours du Seigneur annonçant des vignes, du froment, des arbres fruitiers merveilleux : « des vignes naîtront, dont chacune contiendra dix mille ceps, et dans chaque cep il y aura dix mille bras, et dans chaque bras dix mille rejetons, et dans chaque rejeton dix mille grains, et chaque grain pressé donnera vingt-cinq mille muids de vin ; et, quand un des saints saisira une des grappes, une autre criera : « Je suis meilleure, prends-moi, et bénis Dieu à mon sujet. Les anim’aux, devenus herbivores et pacifiques, seront soumis à l’homme, col. 1214, 1215. Plus de douleur. Les justes seront rois, col. 1210, 1213, 1218. Ils croîtront en grâce et en force par la vision du Seigneur, et, par son secours, ils se prépareront à porter la gloire de Dieu le Père ; ils vivront dans la communion et la société des anges et des justes, en la ville de Jérusalem réédifiée à la ressemblance de la Jérusalem du ciel, col. 1218-1220.

Certes voilà un millénarisme qui n’est pas timide. Mais la pensée d' Irénée a connu des fluctuations. L’exception en faveur des martyrs passant directement au Père après leur supplice posait, au point de vue du millénarisme, un problème ardu, car, dit L. Laguier, La résurrection de la chair dans saint Irénée, dans la Revue du clergé français, Paris, 1905, t. xun, p. 234, si, comme les justes et avec eux, ils ressuscitent, vont-ils jouir en corps et en âme de la vision béatiflque ou en faire sur terre un apprentissage qui serait superflu ? « Ce problème Irénée avait évité de le résoudre. Puis, il avait donné, t. IV, c. xxxiii, n. 14 ; c. xxxiv, n. 4, col. 1082, 1086, pour des textes analogues à ceux qu’il cite en faveur du millénarisme une interprétation étrangère au millénarisme. En outre, là même où Il prend parti ex professo pour le royaume terrestre de mille ans, il y a, non pas la « sourdine » à ses alTirmations, que L. Laguier, op. cit., p. 235, a cru y découvrir — Irénée dit nettement, c xxxv, n. 1, 2, col 1 21 8, 1220 : si autem quidam tenlaverint allegorizare hsec quæ ejusmodi sunt, neque de omnibus polerunt consonantes sibimclipsis inveniri, et conuincenlur… Et nihit allegorizari potest — mais cet aveu que le mill narisme est rejeté par des chrétiens qui putantur recte crrdidisse, c. xxxi, n. 1, col. 1208. Cf. J.-B. Franzelin, Traclatus de divina traditione et Scriptura, Rome, 1870, p. 102. Irénée n’est pas de leur avis ; à l’en croire, ils ont des « sentiments hérétiques, » car nier cet élat intermédiaire de résurrection, c’est fournir des armes aux gnosliques et dénaturer la résurrection de la chair. Telle est « la seconde raison qui, avec son respect pour l’autorité prétendue apostolique de Papias, l’a rendu millénaire, et cette raison est une erreur. L. Lescœur, Le règne temporel de Jésu.t-Christ. Étude sur le millénarisme, Paris, 1868, p. 220. Or, ni cette erreur ni le millénarisme ne reparaissent dans la Démonstralion de la prédication apostolique. Irénée y retrouve, r. lxi, p. 706-707, les textes qui lui avaient paru imposer le millénarisme. Cette fois il n’accorde pas mêmeune mention à l’interprétation littérale ; il ne voit dans les

textes qu’une chose, qui est l’annonce du « changement qu’opère la foi de Jésus-Christ, Fils de Dieu, dans ceux qui croient en lui » et du pouvoir que le Christ ressuscité a exercé sur les gentils. Si l’eschatologie d’irénée et, en particulier, son millénarisme sont en connexion avec le reste de sa théologie, le millénarisme et les parties défectueuses de l’eschatologie peuvent disparaître sans que la théologie soit compromise. Le millénarisme se présente contre les gnostiques, qui nient tout retour du Christ, et résulte de la récapitulation, telle qu’Irénée l’a entendue. Mais, de même qu’il a pu, parce qu’il maintenait la liberté de l’honnne, abandonner la thèse du salut universel, autre conséquence de la récapitulation irénéenne, il a pu renoncer au millénium terrestre et s’en tenir au triomphe des desseins de Dieu et à la restauration des choses dans la vie future, qui suivront le retour du Christ à la consommation des siècles.

d) Le jugement universel. — Rien de très saillant. Les principaux textes sont : t. I, c. x, n. 1 ; t. II, c. xxii, n. 2 ; c. xxxviii, n. 7 ; t. III, c. v, n. 3 ; c. xii, n. 7, 9 ; c. xxv, n. 2, 4 ; t. IV, c. iv, n. 3 ; c. vi, n. 5, 7 ; c. XV, n. 2 ; c. xx^^I, n. 1, 4 ; c. xxxiii, n. 1, 3, 11, 13 ; c. xxx^^, n. 3-4 ; c. xxxvii. n. 1 ; c. xxxix, n. 4 ; c. xl, n. 1-2 ; t. V, c. xxiv, n. 2 ; c. xxvi, n. 2 ; c. xxvii, n. 1 ; c. xxxii, n. 1 ; c. xxxv, n. 2, col. 549, 781-782, 810, 860, 901, 903, 968, 969, 983, 989-990, 1014, 1058, 1060, 1061, 1073, 1074, 1079, 1082, 1092-1093, 1099-1100, 1111-1113, 1187, 1194-1196, 1210, 1220 ; Dem., c. viii, Lvi, Lxxxv, p. 665, 702, 720. Sur l’incendie de la fin des temps, t. IV, c. xx, n. 11, col. 1041, voir Fin du MONDE, t. V, col. 2519. La date du jugement dernier est inconnue. Le juge sera le Dieu bon, notre créateur et Père, jugeant par le Christ, Seigneur et rédempteur. Tous les hommes, tous les actes des hommes seront jugés. Le but du jugement est que chacun reçoive son dû solennellement, publiquement, pour sa gloire ou sa confusion et pour l’exaltation du Christ.

e) Les damnés. — Voir Dam, t. iv, p. 13 ; Enfer d’après les Pères, t. v, col. 53-55 ; cꝟ. 93, 102 ; Feu DE l’enfer, t. v, col. 2200. Irénée a trois mots pour désigner l’enfer : tartarus, inferi, gêhenna. L. II, c. vi, n. 3 ; t. IV, c. xxiii, n. 2 ; L V, c. xxxv, n. 2, col. 725, 1054, 1220.

/) Les élus. — Voir Béatitude, t. ii, col. 504 ; Ciel, t. ii, col. 2480 ; Corps glorieux, t. iii, col. 1894 ; Gloire céleste, t. i, col. 1397. Le monde sera détruit, non la substance ni lamatière, mais la figure du monde, voir Fin du monde, t. v, col. 2507, et il y aura des cieux nouveaux et une terre nouvelle, à l’instar de l’homme renouvelé, et hxc scmper perseverabunt sine fine. L. V. c. xxxvi, n. 1 ; cꝟ. t. IV, c. iii, n. 1, col. 12211222, 980. Les élus vivront sans fin, avec Dieu, dans ces nouveaux cieux et cette nouvelle terre. Voir Dieu, c’est vivre, c’est participer à sa gloire ; les élus verront Dieu, et la vision intuitive, naturellement impossible à l’homme, sera le lot des élus rendus capables de cette vision et trouvant en elle leur béatitude. Dieu s’est fait voir prophétiquement par l’Esprit, dans l’Ancien Testament, et, dans le Nouveau Testament, adoptivement par le Fils ; il sera vu dans le royaume des cieux paternellement et la vie éternelle résultera de ce qu’il sera vu. Homo a se non videt Deum. Ille autem volens videtur hominibus, quibus vult, et quando vult, et quemadmodum vult. Potens est cnim in omnibus Deus : visus quidem tune per Spiritum prophetix (ou prophetice), visus autem et per Filium adoptive, videbitur autem et in regno cœlorum paternaliter, Spiritu quidem prœparante hominem in Filio Dei (Massuet note que quelques manuscrits portent à tort : in Filium, le sens étant que, dans le Fils de Dieu incarné, qu’il lui a été permis de voir de ses yeux, ou par la vision du Fils incarné, l’homme s’est préparé à voir le Père intuiti vement dans le royaume des cieux), Filio autem adducente ad Patrem, Paire autem incorruptelam douante in seternam vitam, quæ unicuique evenil ex eo quod videat Deum. L. IV, c. xx, n. 5 ; cf. n. 6-7 ; c. xxxvii, n. 7 ; c. xxxviii, n. 3 ; t. V, c. xxxi, n. 2, col. 1035-1037, 1104, 1108, 1209. Tous ne verront pas Dieu, de la même manière ; la mesure de notre amour sera celle de notre gloire céleste, col. ft04. Il y a « beaucoup de demeures » auprès du Père ; selon qu’ils auront produit cent, soixante ou trente pour un, quidam in cselum assumentur, alii in paradiso eonversabuntur, alii in civitate intiabitabunt. L. V, c. xxxvi, n. 2, col. 1223 ; cf. n. 1, col. 1222, surtout dans le texte plus complet, et qui a des chances d'être le texte véritable, conservé par Anastase le Sinaïte, Interrogationes et responsiones de diversis capitibus, q. lxxiv, P. G., t. Lxxxix, col. 701. Il y a donc trois séjours pour les élus : le ciel proprement dit, le paradis terrestre, la Jérusalem nouvelle. Le paradis terrestre, « d’où Adam a été chassé pour habiter ce monde, » et où auraient été transférés Hénoch et Élie, qui ne jsassèrent point par la mort, et saint Paul dans son ravissement. L. V, c. v, n. 1, col. 1134-1135. La Jérusalem nouvelle, figurée par « la première Jérusalem, dans laquelle les justes préméditaient l’incorporation et se préparaient au salut, » c. xxxv, n. 2, col. 1220, et qu’Irénée place au centre du monde. L. I, c. x, n. 2, col. 553 (voir la note de Massuet). Le ciel proprement dit, que Dém., c. ix, p. 666-667, distribue en « sept tieux où habitent les vertus, et les anges, et les archanges, qui remplissent les fonctions du culte envers Dieu tout-puissant et auteur de toutes choses, » et qui correspondent aux caractères du Messie d’après Isaïe, xi, 2. « Tout ce dont les cieux sont composés, ajoute-t-il, c. X, p. 667, doit rendre gloire à Dieu, le Père de tous, i N’est-ce pas indiquer que les élus feront dans le ciel, après le jugement, ce que font de tout temps les anges, « qui glorifient Dieu par leur chant perpétuel ? » La Jérusalem nouvelle, le paradis terrestre et le ciel proprement dit seront trois séjours distincts, et non pas seulement trois degrés de béatitude dans un séjour unique ; mais ce seront des séjours non séparés, semble-t-il, par la distance, et comme des provinces contiguës de ce « royaume des vieux, » col. t035, qui englobe tous les élus. Ce qui invite à le croire, c’est qu’Irénée accompagne, col. 1223, l'énumération des trois séjours de cette allusion au festin qui symbolise le royaume des vieux, Matth., xxii, 2-14 : Et txoc est Iriclinium, in quo recumbent ii qui epulantur vocati ad nuplias. Et il précise, col. 1222 (au moins dans le texte grec conservé par Anastase le Sinaïte, car la version latine porte : ubique autem Deus videbitur) que partout les élus verront le Sauveur, Travtaxoù yàp à SoTY)P ôpaôrjæxai. Le Christ, à son ascension, est monté au ciel, où il séjourne à la droite du Père. L. I, c. X, n. 1 ; t. III, c. XII, n. 3 ; c. xvi, n. 9, col. 549, 895, 929. Ni son humanité n’occupe des lieux différents, ni la béatitude ne peut se concevoir sans lui. Il faut donc que les trois séjours des élus, tout en ne se confondant pas, se continuent l’un l’autre et participent à l’irradiation du Christ. Tout cela Irénée ne le dit pas explicitement ; il le suppose. Les élus pourront-ils s'élever de la ville sainte au paradis terrestre et de celuici au ciel ? L'évêque de Lyon ne s’explique point làdessus. Mais il admet que la béatitude, loin d'être stationnaire, sera toujours en progrés, t. IV, c. xxxth, n. 3, col. 1062 : hi semper percipiunt regnum et proflciunt. Cꝟ. t. II, c. xxviii, n. 3, col. 806 : quædam commendamus Deo, et non solum in Iwe sxculo sed et in futuro, ut semper quidem Deus doceat, tionio autem semper discal quæ sunt a Deo. Le passage d’un séjour de félicité inférieure à un séjour de féhcité supérieure serait assez bien dans la logique de cette croyance.

Telle est l’eschatologie d’Irénée : un mélange d’idées intéressantes, d’affirmations qui contiennent la substance de l’enseignement de l'Église, et de théories contestables ou même franchement erronées. C’est la partie la plus faible de son œuvre. Le millénarisme et l’opinion, aujourd’hui hérétique, du délai de la vision béatifique, qu’il eut en commun avec un certain nombre de Pères, lui viennent surtout d’un excès de confiance aux dires, réels ou prétendus, de quelques presbytres. Ses vues sur le travail de préparation graduelle requis pour que l’homme soit rendu capable de voir Dieu ont contribué à le maintenir dans une fausse route Tout ce qu’il y a de beau dans cette doctrine de la « maturation, » qui précède l’entrée au ciel et la vision de Dieu, se retrouve, sans l’alliage qui la dépare en saint Irénée, dans le dogme du purgatoire. Irénée ne nomme pas le purgatoire ; le « lieu invisible » où les âmes des justes attendent le royaume terrestre du Christ, qui disposera lui-même à la vision de Dieu, n’est pas sans lui ressembler, et nombre de ses textes seraient suffisants à le fonder en raison théologique, celui-ci, par exemple, t. IV, c. xxxvii, n. 7, col. 1104 : uti… landem aliquando maturus fiât homo, in tantis maturcscens ad videndum ci eapiendum Deutn.

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IV.La place de saint Irénée dans l’histoire de la théologie

I. Les Sources.

Sources païennes. —

Irénée fut un grand liseur. Son livre est la Bible. Mais il n’est pas indiflérent à la littérature profane. Tertullien, Adversus valentinianos, c. v, P. L., t. II, col. 548, l’appelle t explorateur très curieux de toutes les doctrines. Il cite volontiers les écrivains grecs, littérateurs et philosophes. Il a pu ne connaître tel ou tel d’entre eux qu'à travers un manuel. De plusieurs il a certainement une connaissance directe. C’est le cas d’Homère, qu’il allègue à plusieurs reprises en homme qui le connaît, ô S' ëjjLTieipoç t^ç ô|i.y)piXTJç Û7to6ÉCT£Cûç èTîiyvwasTai ; pour montrer que les gnostiques altèrent l'Écriture en cousant bout à bout des textes épars, il donne un centon de vers homériques choisis de manière à leur faire raconter l’envoi d’Hercule par Eurysthée à Cerbère, le chien infernal. L. I, c. ix, n. 4 ; c. xii, n. 2 ; t. II, c. v, n. 4 ; c. xiv, n. 2 ; c. xxii, n. 6 ;

L IV, c. xxxiii, n. 3, col. 544-545, 572, 724, 751, 786, 1074. C’est le cas encore de Platon ; il en parle pertinemment et avec chaleur, sauf à contredire sa doctrine de la métempsycose. L. II, c. xiv, n. 3, 4 ; c. xxxiii, n. 2 ; t. III, c. xxv, n. 5, col. 751-752, 831-832, 969-970. En revanche, le mot sur Aristote, t. II, c. xiv, n. 5, col. 752, dont la philosophie subissait alors une éclipse, contient un jugement par trop sommaire et injuste : « Aristote, dit-il aux gnostiques, vous a enseigné l’art de noyer toutes les questions dans un amas de subtilités OU de paroles oiseuses. » Les autres philosophes mentionnés sont Anaxagore, Anaximandre, Démocrite, Empédocle, Thaïes, Pythagore et les pythagoriciens, Épicure, et, en général, les stoïciens et les cyniques. L. II, c. xiv, n. 2-6 ; c. xxxii, n. 2 ; t. III, c. XXIV, n. 2, col. 750-754, 828, 967. Parmi les poètes, Hésiode, Pindare, Antiphane, Ménandre, Sophocle, Stésichore, et, en général, les comiques, et poetse et conscriptores. L. I, c. xxiii, n. 2 ; t. II, c. xiv, n. 1, 2, 4-5 ; c. xviii, n. 5 ; c. xxi, n. 2 ; t. V, c. xiii, n. 2, col. 672, 749-750, 752, 770, 780-781, 1157. En outre, une allusion à une fable d'Ésope, t. II, c. xi, n. 1, col. 737, et aux ludicra d’Anaxilaiis, sans doute le médecin et magicien, t. I, c. xiii, n. 1, col. 580. Cl. la note de Massuet.

Irénée est un chrétien de race grecque. Son hellénisme se marque moins par son attrait pour la spéculation abstraite — encore pénètre-t-il intelligemment dans les spéculations abstruses des gnostiques — qu’il ne se reconnaît « à son savoureux bon sens, à son amour du fait concret, du détail précis, à son horreur des songe-creux. » A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), 2e édit., Paris, 1904, p. 66. Quant à préciser les limites dans lesquelles il s’inspire de l’hellénisme, ce n’est pas chose aisée. A. Dufourcq, op. cz7., p. 68, note, pense qu'à la philosophie aristotélicienne « il ne doit peut-être que l’idée d'éducation progressive, dont il a, du reste, si heureusement tiré parti lorsqu’il a rattaché l’Ancien Testament au Nouveau, » et qu'à la philosophie de l'époque suivante il doit « peut-être l’idée qu’il se fait de la bonté de Dieu, les grandes lignes de son anthropologie, et le sentiment très vif qu’il a de la transcendance absolue de Dieu, n Mais tout cela il le trouvait, plus ou moins, dans l'Écriture, et ce qu’il a pu en emprunter à la philosophie grecque a été transformé sous l’influence de sa foi.

Sources juives.

Irénée a quelque connaissance de l’hébreu. CL t. I, c. xxi, n. 3 ; t. II, c. xxiv, n. 2 ; c. XXXV, n. 3 ; t. V, c. xxi, n. 2, col. 661, 664, 788, 789, 791, 838-840, 1181 ; Dem., c.XLin, liii, p. 692, 700. Ce n’est pas assez pour rendre plausible l’hypothèse de W. Harvey, dans son édition d’Irénée, 1. 1, p. v. cliii, que l'évoque de Lyon aurait une origine sémitique. "Tout au plus pourrait-on en conclure, avec T. Zahn, Realencyklopàdie, 3e édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 407, à la vraisemblance que, parmi les Asiates qui l’initièrent à la foi chrétienne, il y en eut qui étaient juifs de naissance. Lui-même dit, col. 788, que le nom de Jésus, dans la langue hébraïque, a deux lettres et demi, sicut periti eorum dicunt, ce qui le classe hors de la nationalité juive. Il tient compte du texte hébreu de la Bible ; Z)em., c. XLra, p. 692, ilciteuntexte probablement corrompu. Il connaît les versions des juifs Théodotion et Aquila. L. III, c. xxi, n. 1, col. 946. Il cite Josèphe. Fragment xxxiii, P. G., t. vii, col. 1245. Il utilise, à l’instar de saint Justin et de la plupart des exégètes de cette époque, les croyances haggadiques. Conl. hær., t. IV, c. xxxi, n. 3, col. 1070, sur la femme de Lot ; Dem., c. ix, sur le chandelier à sept branches et les sept cieux ; c. xviii, sur les maléfices et recettes magiques que les » fils de Dieu » auraient appris aux « filles des hommes ; » c. xxiv, sur le rôle donné à

Abraham. Cf. A. Harnack, Des heiligen Irenâus Schrift zum Erweise der apostolischen Verkùndigung, Leipzig, 1907, p. 58 ; J. Lebreton, Le nouveau traité de saint îrénée sur la Démonstration de la prédication apostolique, dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 136-138. J. Lebreton note que l’exégèse d' Irénée, c. ix, xxiv, est apparentée à celle de Philon. Nous avons signalé, en traitant de la règle de foi, l’hypothèse d’U. Mannucci sur le caractère catéchi tique de la Démonstration ; celui-ci a supposé, La didascalia délia Chiesa primitiva, dans la Rivista storicocritica délie scienze feologiche, Rome, 1907, t. iii, p. 139, que cette catéchèse ou didascalie primitive, dont la Démonstration ne serait qu’un développement, pourrait bien avoir son origine dans le judaïsme, « comme on y trouve désormais avec certitude celle des Deux voies par où commence la AiSccyri', » dans l’attente du Messie, aurait été élaborée peu à peu une sorte de récapitulation de la tradition biblique, mise à profit plus tard par les chrétiens.

Sources gnostiques.

1. Emprunts doctrinaux au gnosticisme. — Le gnosticisme a-t-il exercé une action directe sur la pensée et sur la liturgie de l'Église, par exemple, sur les rites eucharistiques, comme l’a cru E. Buonaiuti, Lo gnosticismo. Sloria di antiche lotte religiose, Rome, 1907, p. 264? Cf. P. Batifïol, Le gnosticisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 174. La preuve n’est pas faite qu’il ait eu une influence sérieuse, surtout avant le iiie siècle. Sur le « levain gnostique » qui imprégnerait t toute la littérature chrétienne du iiie siècle, » lire, avec des réserves, E. de Paye, Gnostiques et gnosticisme. Étude critique des documents du gnosticisme chrétien aux w et iii' siàcies, Paris, 1913, p. 471-494. Avant le nie siècle, et tout spécialement chez saint Irénée, certaines idées de ses docteurs ont pu être adaptées à l’exposition ou à la défense de la doctrine catholique. Encore ne faut-il pas soupçonner trop vite l’action du gnosticisme là où tout s’explique aisément par l’utihsation de l'Écriture et de la tradition patristique. Quand Irénée montre, dans Jésus-Christ, le docteur céleste qui apporte enfin la connaissance, la gnose, à ses disciples, ou quand il désigne par le mot de connaissance, agnitio, la révélation du Christ et se réfère aux paroles d’un presbytre sur la connaissance du Christ, il ne dit rien dont on ne trouve l'équivalent dans l'Évangile et dans saint Paul ou dans saint Justin ; évoquer à ce sujet le gnosticisme et supposer, avec A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 124, qu’il a pu suivre les leçons d’un maître <t quelque peu teinté de gnosticisme, » c’est se lancer en plein arbitraire. De même, quand il se rencontre, t. IV, c. tcvi, n. 2 ; c. xxxvi, n. 4, col. 1016, 1093, avec Héracléon, P. G., t. vii, col. 1316, pour voir des anges dans les i fils de Dieu » de Gen., vi, 2, ou quand il développe, Dem., c. ix, p. 666, la conception des sept cieux chère aux valentiniens, cela n’atteste point une influence gnostique ; Irénée et les gnostiques ont pu s’inspirer directement ici de la littérature rabbinique, là de Josèphe, de Philon, de saint Justin. Cf. A. d’Alès, La théologie de Terlullien, Paris, 1905, p. 156-157, note ; J. Lebreton, dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 137. Les ressemblances notées par A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), Paris, 1905, p. 182, 192, 193, entre Irénée, t. IV, c. xii, n. 1, 4 ; c. xv, n. 2, col. 1004, 1005, 1013, et Ptolémée, dans son épître à Flora, P. G., t. vii, col. 1284, ne sont pas très caractéristiques ; Irénée n’avait pas besoin d’emprunter au docteur gnostique ce que l'Évangile lui fournissait clairement. La phrase : « Celui qui est né de Dieu est Dieu, Dem., c. XLvn, p. 695, avait été énoncée par Ptolémée. Il est évident qu' Irénée avait pu faire de lui-même un

raisonnement aussi simple. L’influence gnostique est possible, non établie.

2. Emploi des sources gnostiques pour la connaissance du gnosticisme. — Pour combattre utilement et convaincre les gnostiques, il était nécessaire de les connaître : adversus eos Victoria est sententix eorum manifestatio. L. I, c. xxxi, n. 3, col. 705. Faute de cette connaissance, dit-il, t. IV, prsef., n. 2, col. 973, « ceux qui ont été avant nous et meilleurs que nous n’ont pu sufiisamment contredire les valentiniens. » Irénée a conversé avec des hérétiques, il a lu leurs livres. Cꝟ. t. I, prsef., n. 2 ; c. xxv, n. 2 ; c. xxxvii, n. 4 ; 1. V. prsef., col. 441, 684-685, 689, 1119. Il ne nomme ni les livres qu’il a lus ni les gnostiques qu’il a interrogés. Particulièrement documenté sur l'école de Valentin, il multiplie, dans sa notice, t. I, c. i-xii, les indications matéi’ielles de ses diverses sources d’information. Le mot Xéyouai. revient à chaque instant, et il introduit les paragraphes par ces formules : Xéyouai, è'vtoi, [xu60XoYoijat.v, çâaxouotv, etc. Deux de ces formules, mal comprises, ont entraîné dans l’erreur saint Épiphane, Panarium, hær. xxxii, c. ni, P. G., c. xli, col. 548, Théodoret, Hærelicarum fabularum compendium, t. I, c. V, P. G., t. Lxxxiii, col. 352, et, à leur suite, une foule d’hérésiologues, par exemple, Massuet, Dissert., I, a. 2, n. 78-80, col. 103-105. Là où Irénée parle de alius qui clarus est magister ipsorum, selon la version latine, ils ont transformé en nom propre l'épithète èraçavrjç, que rend le mot clarus, et ce docteur valentinien anonyme est devenu Épiphane, fils de Carpocrate. Non content de ces désignations générales, Irénée expose l’enseignement de Valentin, c. XI, n. 1, col. 560 ; de Secundus, n. 2, col. 564 ; des disciples de Ptolémée, prsef., n. 4 ; c. xii, n. 1, 3, col. 441, 569, 574 ; il reproduit peut-être un passage important de Ptolémée sur le prologue de saint Jean, à s’en rapporter aux mots : Et Ptolemœus quidem ita, c. vra, n. 5, col. 538, qui manquent dans ce que nous possédons du texte grec. Plus d’un trait de l’exposé de la doctrine des marcosiens donne à croire qu’il s’inspire d’un document écrit. Il se pourrait même qu’il fournisse le titre de cet écrit : Le silence de Marc, sans doute une sorte de livre des révélations de Marc, quand 11 dit, c. XIV, n. 7, col. 608, cꝟ. 609 : coç cpYjatv tj Mâpxou Siyr). Il connaît des écrits de Marcion et la Bible des marcionites, t. I, c. xxvii, n. 3 ; t. III, c. xii, n. 12, col. 689, 906, et, à peu près sûrement, un écrit hérétique de Tatien, t. I, c. xxviii, n. 1, col. 690-691. Il a eu entre les mains quelques-uns des livres des caïnites, c. XXXI, n. 2, col. 704. La notice qu’il consacre aux barbéliotes, c. xxix, col. 691-694, avait donné l’impression d’avoir été composée à l’aide d’un document, et cette impression a été confirmée par la découverte du document lui-même, l'Évangile de Marie. Cf. C. Schmidt, Ein vorirenàisches Originalwerk in koplischcr Sprache, dans les Sitzungberichte der k. preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1896, p. 839 sq. (sera publié dans le t. n des Kopiisch-gnostische Schriften). Enfin les renseignements, c. xxx, col. 694704, sur une secte, non nommée, de séthiens ou d’ophites, d’après Théodoret, Hæreticarum fabularum compendium, t. I, c. xiv, P. G., t. Lxxxiii, col. 364, et pour laquelle E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, p. 363, propose l’appellation d' « adeptes de la Mère, » sont dus certainement à un ou à plusieurs documents gnostiques. Cf. E. de Faye, p. 361.

Que vaut la documentation d' Irénée. et quelle est la portée de son témoignage sur les gnostiques ? La question a été longuement débattue au cours de ces dernières années. Un exposé exact et clair des opinions émises est l’Introduction à l'étude du gnosticisme au II' et au IIIe siècles, par E. de Faye, dans la Revue de l’histoire des religions, Paris, 1912, t. xlv, p. 299-312, 2511

IRÉNÉE (SAINT'

t. XLi, p. 31-57, 145-172, 363-399. L’auteur a dégagé, p. 369-399, ce qui lui paraissait résulter de cette vaste enquête. Il a repris ces conclusions dans Gnostiques et gnosticisme. Paris, 1913. Cet ouvrage remarquable, mais beaucoup trop favorable aux gnostiques, est loin de pécher par excès de bienveillance envers Irénée, et quelques-unes de ses critiques de détail ne portent pas ; le jugement d’ensemble est juste. Irénée, passionné, mais non haineux, d’une loyauté non suspecte, nous fait bien connaître les gnostiques ses contemporains, moins bien ceux des générations antérieures. Les gnostiques qu’il a sous les yeux sont les disciples des disciples des grands fondateurs des sectes gnostiques. « Il est naturel que les défenseurs de l'Église soient surtout préoccupés des gnostiques qu’ils voient à l'œuvre…, qu’ils aient ce penchant de voir les ancêtres des sectes gnostiques à travers les épigones. Comment ne leur arriverait-Il pas, sans même s’en douter, de confondre les temps, d’attribuer aux fondateurs les idées de leurs successeurs, de rajeunir de deux ou trois générations certaines doctrines que professaient des gnostiques de la fin du n » siècle ?. P. 9-10 ; cf. p. 113-115, 314, 321. De la notice, importante entre toutes, 1. 1, c. i-xii, sur le valentinianisme, E. de Paye conclut l’examen, p. 85-117, par cette appréciation :. Telle qu’elle est, la notice d' Irénée est fort précieuse. On y trouve en partie la spéculation de Valentin, des échos de l’enseignement de Ptolémée et d’Héracléon, et enfin les élucubratlons des valentiniens du temps d' Irénée. On peut dire que trois générations ont déposé leur alluvion dans cette notice. On y entrevoit soixante ans d’histoire.. Ce n’est pas peu de chose. Et, en somme, Irénée a réalisé son programme, præf., n. 2, col. 441, qui était surtout de manifester la doctrine des valentiniens de l'école de Ptolémée, eomm qui sunt circa Ptolemseum. Sur les rapports entre la théologie qu' Irénée attribue à l'école de Ptolémée et la théologie de la lettre de Ptolémée à Flore, cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), p. 82-84. La notice la plus complète, après celle du valentinianisme, est celle du marcosianisme, c. xm-xxi ; riche, mais moins sûre en ce qui regarde Marc, elle mérité confiance en ce qu’elle nous apprend des disciples de l’hérésiarque. Cf. E. de Paye, p. 321. Les notices sur Marcion, les caïnites, les ophites ou « adeptes de la Mère, . les barbéliotes, sont puisées à de bonnes sources. Cf. E. de Paye, p. 124, 127, 350, 361, 374. Les notices sur les anciens gnostiques : Basihde, Carpocrate, Sunon le magicien, Satornil, Cérinthe, Cerdon, n’offrent pas les mêmes garanties ; elles aident à bien connaître, sinon toujours ces hérétiques, du moins leurs successeurs. Cf. E. de Paye, p. 37, 395, 409, 411, 414. Relevons seulement, c. xxiir, n. 1, col. 671, l’erreur, provenant de Justin relative à la statue de Simon le magicien qui aurait été érigée à Rome. Sur une erreur attribuée à Irénée concernant l’existence du gnostique Colorbasus, voir Colorbasus, t. iii, col. 378. Concluons : la connaissance qu' Irénée eut et l’usage qu’il fit des sources gnostiques rendent le Contra liœreses très utile pour l'étude du gnosticisme ; mais tout n’y est pas d'égale valeur ni sans lacunes ! 4° Sources chrétiennes.

1. L'Écriture. — D’abord et par-dessus tout, Irénée s’inspire de l'Écriture. Saint Jean et saint Paul lui sont particulièrement famihers. « A vrai dire, on a l’impression, observe A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 185, noie, que saint Irénée est plus près de saint Jean que de saint Paul, » ce qui n’est pas pour surprendre de la part d’un disciple de Polycarpe ; mais la doctrine paulinienne du second Adam s’associe étroitement, dans son œuvre, à la doctrine johannique du Verbe fait chair et de la déification de l’homme par l’Esprit de

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Jésus et du Père, et la place qu’il assigne à la double théorie, mystique et réaliste, de la rédemption, prouve qu’il dépend à la fois des deux apôtres. Il a fallu les entraînements de l’esprit de système pour amener J.yeTnei, DerPaulinismusdesIrenqus, Leipzig, 1889 à soutenir que, malgré les ressemblances extérieures, malgré les formules et les citations pauliniennes, aucun lien réel n’unit l'évêque de Lyon à saint Paul.

2. En dehors de l'Écriture. — a) Ceux qu’il cite.

Irénée cite saint Polycarpe, des presbytres et des anonymes distincts, des presbytres, Paplàs, saint Clément, Hermas, saint Ignace, saint Justin, Tatien.

a. Saint Polycarpe. — Cont. hær., t. III, c. iii, n 4 col. 851-855 ; lettres à Florinus et au pape Victor', dans Eusèbe, H. E., t. V, c. xx, xxiv, P. G., t. xx, col. 484-485, 508, Irénée cite des paroles de Polycarpe et vante son épître aux Philippiens. Bien qu’il -fût relativement jeune quand il le connut, il a gardé tout vivant l’enseignement de Polycarpe : « il me semble, dit-il à Florinus, encore l’entendre nous raconter de quelle manière il avait conversé avec Jean et avec les autres qui avaient vu le Seigneur, nous rapporter leurs paroles et tout ce qu’ils avaient appris touchant JésusChrist, ses miracles et sa doctrine. » Une pareille infiuencemarque pour la vie. Cf., sur les citations de saint Paul par Polycarpe et par Irénée, F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 24 ; sur Irénée et Polycarpe, l’appendice des Actes de Polycarpe dans le manuscrit de Moscou (xme siècle), dans H. Hemmer et P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris, 1910, t. iii, .p. 158, 160 ; sur les ressemblances entre les Actes de Polycarpe et la lettre des martyrs de Lyon, œuvre probable d' Irénée, A. Lelong, dans H. Hemmer et P. Lejay, op. cit., p. lxix. — b. Les presbytres. — Un peu partout Irénée se réfère aux vénérables pn sbytres, qui avaient vécu avec les apôtres ou avec leurs disciples. Le mot grec est upeapûxepoç.et, une fois, TirpeapÛTTiç ; ce dernier mot saint Épiphane l’applique à Irénée. Panarium, hær. xxxi, c. 33 ; hær. xxxiv, c. 21, P. G., t. xLi, col. 538, 623. La vieille traduction latine a les mots : presbyier, senior, velus homo, veteres. Parmi ces presbytres, il en est qu' Irénée a connus lui-même. C’est le cas, très probablement, de « cet homme meilleur que nous, . supérieur à nous, » dont il parle, t. I, præf., n. 2 ; c.xiii, n. 3 ; t. III, c. xvii, n. 4, col. 440, 584, 931-932, avec un accent qu’on n’a pas quand il s’agit d’un étranger, et dont on s’est demandé si ce ne serait pas saint Polycarpe ou saint Pothin. Cf. Tillemont, Mémoires, t. iii, p. 89, note. C’est sûrement le cas du presbytre — serart-ce le même ? — qu’il a entendu, qui avait entendu les apôtres, et dont il invoque l’autorité sept fois de suite. L. IV, c. xxvra, n. 1, 2 ; c. XXX, n. 1 ; c. XXXI, n. 1 ; c. xxxii, n. 1, col. 1056, 1058, 1059, 1064, 1068, 1070. Il en est qu’Irénée n’a peut-être pas connus personnellement. D’abord, ce mystérieux poète, irpeaPuTï]. ; dans le grec, senior dans le latin, qui a écrit contre le gnostique Marc, t. I, c. XV, n. 5, col. 628, et ceux qu’Irénée caractérise simplement comme les transmetteurs de la vraie foi, t. III, c. xxiii, n. 3 ; t. IV, c. xxviiii, n. 1 ; t. V, t. xvii, n. 4, col. 961, 1061, 1 171 ; lettre à Florinus, dans Eusèbe, P. G., t. XX, col. 485 ; Dem., c. iii, lxi, p. 662, 706, Ensuite, le groupe des presbytres asiates, qui se trouvaient auprès de saint Jean, « qui le virent face à face, » et dont plusieurs virent d’autres apôtres. L. 1 1, c. xxxii, n. 5 ; t. V, c. v, n. 1 ; c. xxxiii, n. 3 ; c. xxxvi, n. 1, 2, col. 785, 1135, 1203, 1213, 1223. On a souvent dit qu’Irénée avait conversé avec eux. Rien ne le prouve. Il semble plutôt qu’Irénée ait eu en mains un recueil écrit de leurs témoignages, ainsi que l’indique la manière dont il les présente : « ils disent, . « ils attestent. » Cf. W. S. Reilly, Les presbytres asiates de saint Irénée, dans la Revue biblique, Paris, 1919,

p. 216. Ce recueil fut sans doute les Exégèses des discours du Seigneur, de Papias, que nous savons avoir été un assemblage de traditions des presbytres au sujet des paroles du Christ. Irénée, en efïet, après avoir cité le témoignage de ces presbytres, t. V, c. xxxiii, n. 3, col. 1213-1214, dit, n. 4, col. 1214 : « Tout cela aussi Papias, auditeur de Jean et compagnon de Polycarpe, un homme des anciens temps, l’atteste, l’ayant consigné par écrit au livre IV de son ouvrage, car il en a écrit cinq, raÛTa Se xal IlaTirtaç… êyYpâçuç ÈTnfjiapupTer. » N’est-ce pas laisser entendre qu’il connaît les dires des presbytres asiates à travers Papias, et n’est-il pas permis d’en conclure qu’il en est de même des autres passages où il se réclame de ces presbytres, tant avant (sur le chiffre de la bète) qu’après (sur les diverses demeures de la maison du Père) ce passage, col. 1203, 1222, 1223, cꝟ. 1135, et, beaucoup plus haut (sur l'âge du Christ), col. 785? — c. Papias. — On s’est trompé en faisant d' Irénée un disciple de Papias, au même titre que de Polycarpe. Deux textes de saint Jérôme ont donné lieu à cette méprise : celui du De viris illustribus, c. xxxv, P. L., t. xxiii, col. G49 : constat autem Polycarpi…. hune fuisse discipulum, et cet autre, Epist., lxxv, P. L., t. xxii, col. G87 : Irenœus.., Papiæ, audiioris evangelistce Joannis, discipulus. Massuet, Dissert., II, a. 1, n. 3, col. 176, a inféré de ces textes de Jérôme qu' Irénée, après le martyre de Polycarpe, n’ayant pu fréquenter longuement l'école du saint vieillard, se rendit auprès de Papias, autre disciple de saint Jean, et se confia à sa discipline. En réalité, le passage d' Irénée, col. 1214, duquel dépendent et le mot de Jérôme et l’interprétation de Massuet, prouve uniquement qu' Irénée fut disciple de Papias dans un sens large : il fut un lecteur, non un auditeur de Papias. Irénée, le premier, s'était trompé sur le compte de Papias, quand il en avait fait un auditeur de saint Jean, confondant l’apôtre Jean avec Jean le presbytre. Eusèbe, H. E., t. III, c. xxxix, P. G., t. XX, col. 296-297, fait observer qu' Irénée a mal lu Papias ; que, dans la préface de son ouvrage, Papias ne se dit pas auditeur des apôtres, mais de leurs disciples, ovi, mieux, des disciples de leurs disciples. Que ce soit parce qu’il a lu Papias rapidement, qu’il le cite de mémoire, ou que, citant le livre IV des Exégèses, il n’ait pas un souvenir exact de la déclaration du préambule, impressionné qu’il est, sinon hypnotisé, par le grand nom des presbytres, quelle que soit l’explication de l’erreur d' Irénée, l’erreur n’est pas douteuse. Impossible quand il affirme que saint Polycarpe, qu’il a vu et entendu, a connu l’apôtre saint Jean, elle s’est produite en ce qui regarde Papias, qu’il n’a ni vu ni entendu, à la suite d’une lecture insuffisamment attentive. Par là, disparaît cette véritable impossibilité qu’il y avait à prêter à l’apôtre saint Jean, parlant « de la part du Seigneur, le millénarisme effréné qu' Irénée lui attribue, ainsi que la fausseté sur l'âge du Christ. Ce n’est pas de l’apôtre saint Jean, mais des auditeurs des presbytres auxquels s'était fié Papias, homme crédule et « très petit esprit, autant qu’on peut en juger par son ouvrage, » dit Eusèbe, que venaient ces imaginations. Irénée les accueillit parce qu’il les croyait de l’apôtre. — d.Des anonymes distincts des presbytres.- — Il n’y a pas de raison qui oblige d’inscrire parmi les presbytres, avec A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. i, p. 65, l’anonyme dont Irénée cite, t. IV, c. iv, n. 2, col. 982, la belle parole sur le Fils mesure du Père immense : et bene qui dixit…, ni celui qu’il cite sous cette forme, c. xli, n. 2, col. 1115 : quemadmodum et quidam ante nos dixit, pas plus que ceux qui ante nos fuerunt, et quidem multo nobis meliores, t. IV, prsef., n. 2, col. 973, et qui ont combattu le valentinianisme avec une connaissance

insuffisante de sa doctrine. Dem., c. Lvra, p. 704, suppose une tradition particulière sur l'étoile des mages : « elle pénétra dans la maison où se trouvait l’enfant enveloppé de langes et vint se reposer sur sa tête, pour montrer aux mages le Fils de Dieu, le Christ. » — e. Saint Clément. — Nous avons vu qu' Irénée cite la lettre aux Corinthiens en des termes qui ont paru, mais à tort, impliquer qu’il la considérait comme une partie de l'Écriture. Serait-ce à Clément, / Cor., c. xii, n. 7, ou à Justin, Dialogus, c. cxi, P. G., t. ii, col. 733, qu' Irénée emprunte, t. IV, c. xx, n. 12, col. 1043, l’idée de la cordelette rouge de Rahab, figure du sang rédempteur du Christ ? Plutôt à Justin, d’après le contexte ; mais Justin a dû utiliser saint Clément. La vision d’Ezéchiel est invoquée comme témoignage en faveur de la résurrection par Clément, / Cor., c. L, par Justin, Apol., l, c. lii, P. G., t. vi, col. 406, par Irénée, t. V, c. xv, n. 1, col. 1164 ; l’application était si naturelle qu’il n’y a pas à supposer qu' Irénée dépende ici de Justin ou de Clément. — I. Hermas. — Voir ce qui a été dit à propos du canon des Écritures et, sur des ressemblances entre Hermas et Irénée, A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, t. I, p. 5r. Par ailleurs J. Lebreton, Le nouveau traité de saint Irénée dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 139, pense qu’on peut retrouver, dans l’archange, « chiliarque administrateur » et chef de la milice céleste, Dem., c. xi, p. 468, « l’ange très vénérable » du Pasteur, Vis., V, ii ; Mand., V, i, 7. La conjecture est ingénieuse ; si elle était fondée, elle appuyerait l’hypothèse qui identifie « l’ange vénérable, » t l’ange saint, « l’ange illustre » du Pasteur avec saint Michel. — g. Saint Ignace. — Irénée cite, t. V, c. xxviii, n. 4, col. 12001201, sous cette désignation : t comme l’a dit l’un des nôtres, » une phrase d' Ignace, Ad Rom., ïv, 1. — h. Saint Justin. — Déjà Eusèbe avait noté, H. E., t. IV, c. xviii, P. G., t. XX, col. 376, que les écrits de Justin furent tenus en si haute estime par les anciens qu' Irénée s’est parfois servi de son témoignage, ainsi que l’attestent deux passages où l’auteur du Contra hæreses introduit, par ces mots : xaJ^wç 'Iouotïvoç, t. IV, c. vi, n. 2 ; t. V, C- XXVI, n. 2, col. 987, 1194, des citations de deux traités perdus de Justin, l’une d’un traité contre Marcion, l’autre d’un écrit inconnu. Irénée dépend des Apologies et du Dialogue un peu partout dans le Contra hæreses. Cf. l’index des auvres de Justin, édit. Otto, dans le Corpus apologetarum christianorum sœculi sccundi, léna, 1877, t. ii, p. 595-596, et aussi dans la Démonstration de la prédiccdion apostolique, cf. J. Lebreton, Le nouveau traité de saint Irénée dans la Revue de V Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 133-130. Il a vraisemblablement mis à profit le traité perdu de Justin contre les hérésies. Enfin, Il a pu suivre les leçons de Justin à Rome. Quoi qu’il en soit de cette dernière considération purementhypothétique, il est manifeste qu' Irénée doit beaucoup à Justin. Il a en commun avec lui et sans doute il lui emprunte plusieurs particularités du texte scripturaire, notamment le texte apocryphe sur la descente du Christ aux enfers. Il relève grandement de lui dans sa preuve de la religion chrétienne par les prophéties de l’Ancien Testament qui occupe une bonne moitié de la Démonstration, et, en général, dans ses interprétations de l'Écriture. Sa christologle, très supérieure à celle de Justin, n’est pas sans la rappeler. Peut-être est-ll tributaire du traité perdu contre Marcion pour sa doctrine de la récapitulation ; du moins le fragment qu’il donne de ce livre, col. 987, parle de la venue du Fils de Dieu en terre pour récapituler en lui-même sa créature. L’eschatologie d' Irénée a des traits de famille avec celle de Justin, plus même qu’il ne faudrait : le délai de la vision béatifique et le millénarisme appa251Î

IRÉNÉE (saint ;

raissent chez l’un et chez l’autre. Cf., sur d’autres ressemblances, F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugduniim, Cambridge, 1904, p. 27-30. Du reste, Irénée ne reproduit pas Justin de façon servile. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2426 ; cf. J. Lebreton, loc. cit., p. 134. — i. Taiien. — Si Tatien n'était qu’un chrétien ordinaire tombé dans le gnosticisme et dans l’encratisme, il suffirait de la mention que nous lui avons accordée parmi les sources gnostiques. Mais il a été d’abord un disciple de Justin, t. I, c. xxviii, n. 1 ; cꝟ. t. III, c. xxiii, n. 8, col. 690, 965, dévoyé après le martyre de son maître, et l'âpreté des critiques d' Irénée se concilierait assez bien avec l’hypothèse d’après laquelle il aurait été lui aussi le disciple de Justin ; ce serait la protestation indignée de l'élève fidèle à la pensée du maître contre le renégat. Dans son Discours aux Grecs, Tatien parle de l'âme en des termes qui l’ont fait passer pour un adepte du trichotomisme, et on a prêté ces mêmes idées trichotomistes à Justin et à Irénée. Voir Ame, t. I, col. 981, 984-985. Irénée présente quelques ressemblances, mais ausoi des différences marquées, avec Tatien. Cf. J. Leblanc, Entre la mort et la parousie avant Origène, dans les Annales de philosophie chrétienne, Paris, 1904, III « série, t. iii, p. 389-394.

b) Ceux qu’il ne cite pas. — Nous avons ici en vue quelques écrits qu' Irénée ne cite point, mais avec lesquels il offre des ressemblances. Ces ressemblances, parfois assez vagues, ne prouvent pas qu’il les ait lus ; il peut se faire que les auteurs de ces écrits et Irénée aient puisé à une source commune, ou qu’ils se soient rencontrés dans l’interprétation d’un texte biblique. — a. Le pseudo-Barnabe. — Voir Barnabe (Épître dite de saint), t. ii, col. 416 ; cf. F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 21-22. — b. La Didachè. — Les rapports signalés entre la Didachè et Irénée ne sont pas très caractéristiques. Sur l’usage fait par l’une et l’autre, Did., xiv, 3, et Cent, hær., t. IV, c. xvii, n. 5, col. 1023, de la prophétie de Malachie, i' 11, 14, cf. E. Jacquier, La Doctrine des douze apôtres et ses enseignements, Lyon, 1891, p. 20-21. L’affinité signalée par E. Buonaiuti, // millenarismo di Ireneo, dans la Riuista storico-critica délie scienze teologiche, Rome, 1906, t. ii, p. 91], entre Did., ix, 4, et Cont. hser., t. V, c. ii, n. 3, col. 1127, n’est pas telle qu’on soit autorisé à admettre une influence de la Didachè sur le Contra lisereses. — c. La lettre à Diognète. — A. Dorner, Die Lchre von der Person Christi, 2^ édit., Stuttgart, 1845, 1. 1, p. 478, a cru voir dans cette lettre, c. vii, P. G., t. II, col. 1177, une source d' Irénée. Cf. A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, t. i, p. 758. — d. Méliton de Sardes. — Irénée rclèvc-t-il de Méliton, cf. son texte dans Eusèbe, H. E., t. IV, c. xxvi, P. G., t. xx, col. 395, quand il dit, t. IV, c. xxxiv, n. 4, col. 1086, que le Christ est l’auteur véritable de la paix romaine ? A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), p. 199, n., pense que oui. — e. Théophile d’Antioche. — A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 65, avance également qu' Irénée a lu Théophile d’Antioche. C’est possible, mais non certain. Un indice en faveur de cette hypothèse, c’est que Théophile, avant lui, ainsi que nous l’avons noté, a identifié la Sagesse de l’Ancien Testament avec le

Saint-Esprit, non avec le Verbe. — I. Hégésippe.

Faut-il, avec P. Batifîol, Anciennes liltéralures chrétiennes. La littérature grecque, 2e édit., Paris, 1898, p. 107, compter, parmi les sources d' Irénée, les Commentaires : d’Hégésippc, ou dire, avec A. Dufourcq, Sciinl Irénée (collection Les saints), p. 78-79, qu’ils « ne lui ont été peut-être d’aucun secours ? Ils viennent à peine de paraître (vers 170-180) en Palestine ou en Syrie ; ils mentionnent sept sectes juives… dont Irénée ne souffle mot ; ils énumèrent sept sectes chrétiennes

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dans un ordre qu' Irénée semble ne pas connaître. » — g. Un recueil de textes de l’Ancien Testament. -- On se souvient qu’U. Mannucci a admis l’existence d’un recueil de ce genre, mais en lui assignant une origine juive. J. R. Harris avait, le premier, supposé qu’il exista, aux premiers siècles, un recueil de preuves tirées de l’Ancien Testament, en usage dans la polémique antijuive. Cf. R. Harris et W. Burch, Tesdmonies, Cambridge, 1920. La Démonstration de la prédication apostolique lui parut confirmer cette hypothèse. La similitude de documentation scripturaire, l’emploi des mêmes passages des prophéties messianiques dans Justin, Irénée, Hippolyte, etc., et même dans des écrivains ultérieurs, tel Athanase, forment le principal étai de cette supposition. F. C. Burkitt est venu, à son tour, qui a conjecturé hardiment que ce recueil primitif ne serait autre que le livre perdu de Papias. Cf. Rivista storico-critica délie scienze teologiche, Rome, 191 0, t. vi, p. 492-493. Sous la forme que lui ont donnée U. Mannucci et F. C. Burkitt, la supposition est peu vraisemblable. Elle l’est davantage, telle que l’a développée J. R. Harris. Jusqu'à preuve du contraire pourtant, tout s’explique assez bien sans ce recueil, avec le seul Justin : dans le Dialogue avec Trijphon, celui-ci a comme imprimé sa forme classique à l’argument prophétique, et Irénée, Athanase, etc., n’auront qu'à s’inspirer de lui. Cf. M. J. Lagrange, Saint Justin, Paris, 1914, p. 51.

La question des sources d' Irénée se ramène donc aux données suivantes. Au point de départ, une et même deux influences décisives : celle de Polycarpe, disciple de saint Jean, et celle d’un presbytre, très' probablement distinct de Polycarpe, qui avait entendu les apôtres. Ceux-ci ne l’ont sans doute pas initié à tous les détails du dogme ; mais ils l’ont marqué à leur empreinte, ils lui ont fait une âme capable de tous les enrichissements doctrinaux. On a souvent parlé d’une école asiatique, d’une évolution théologique propre à l’Asie Mineure, dont Irénée serait le représentant le plus connu. L’existence de cette école est un mythe, et, en tout cas, Irénée n’a, avec l’Asie, d’attaches constatables que celles que nous venons de dire. Les autres presbytres asiates n’ont pas été ses maîtres ; il les cite à travers Papias. Vraisemblablement il quitta l’Asie de bonne heure, vint à Rome avec Polycarpe, y séjourna ; il y suivit peut-être les leçons de Justin. Ce qui est sûr, c’est que Justin, que ce soit uniquement par ses écrits ou encore par son enseignement oral, a exercé sur lui une influence considérable, qui fut un peu en étendue ce que celles de Polycarpe et des presbytres avaient été en profondeur. La lutte avec le gnosticisme détermina l’orientation de ses idées théologiques. La Bible, lue, méditée, convertie en sang et nourriture, « lui fournit, selon le mot heureux d’A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 63, la substance et la forme de sa pensée. » Il procède surtout de saint Paul et, plus encore de saint Jean. Les deux grands écrivains bibliques sont ses vrais maîtres.

Sources païennes.

J. A. Fabricius, Bibliolheca græca, édit. J. C. Harles, Hambourg, 1801, t. vii, p. 83-85 ; P. G., t. VII, col. 2019-2220 (les renvois se réfèrent aux chapitres des éditions antérieures à celle de Massuet). — 2° Sources gnostiques. — R. A. Lipsius, Zur Quellenkritik des Epiphanios. Vienne, 1863 ; D/e Quellen der altesten Ketzergeschichte, Leipzig, 1875 ; A. Harnack, Zur Quellenkritik der Geschichte des Gnosticismus, Leipzig, 1873 ; Zur Quellenkritik der Geschichte des Gnosticismus, dans la Zcitschrift fur die historische T/ieo/ogie, Leipzig, 1874, t. xliv, p. 143-226 ; Geschichte der altchristlichen. Lilteratur bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. I, p. 145 ; A. Hilgenfeld, Die Ketzergeschichte des Urchristentums, Leipzig, 1884 ; J. Kunze, De liistoriæ gnosticismi fontibus novæ quæstiones crilicæ, Leipzig, 1894, p. 1-40 ; W. Anz, Zur Frage nach dem Ursprung des Gnosli

cismus (Texte und Unlcrsuchiingen, t. xv, fasc. 4), Leipzig, 1897 ; E. Buonaiuti, Lo gnoslicismo. Storia d’antiche lotte religiose, Rome, 1907 ; W. Bousset, Haiipipro blême der

Gnosis, œttingue, 1907 ; O. Dibelius, Studien zur Geichlchte der V alenlinianer. I. Die Excerpta ex Theodoto und Irenàus, dans la Zeitschrift /ùr die neutestamentliche Wissensclmft und die Kunde des Urch’rislentums, Giessen, 1908, t. IX, p. 230-247 ; E. de Paye, Introduction à l'étude du gnos icfsme au W et au IIIe siècles, Paris, 1913, extrait de la Revue de l’histoire des religions. Paris, 1912, t. xlv, p. 299312 ; t. XLVi, p. 31-57, 145-172, 366-399 ; Gnostiques et gnosiictsme. Étude critique des documents du gnosticisme chrétien aux 11' et IIIe siècles, Paris, 1913. — 3° Sources chrétiennes : — Otto, édition de saint Justin, dans l' » Corpii.'îapoZo(7e(arum christianorum sœculisecundi, ïéna, 3°édit., 1877, t. ii, p. 595596. E. Prenschen, Anlilegomena. Die Reste der ausserkanonischen Euangelien undurchristlichen Ueberlieferungen, Giess.en, 1901, p. 54-71 ; M. Lepin, L’origine du quatrième Évangile, Paris, 1907, p. 52-54, 87-99, 132-143 ; G. Arcliambault, Dialogue avec Tryphon, introd., Paris, 1909, t. i, p. LxmLXlv ; W. S. Reilly, Les presbgtres asiates de saint Irénée, dans la Revue biblique, Paris, 1919, 1I « série, t. xvi, p. 217-219.

II. L’INFLUENCE. — Les anciens éditeurs des Pères recueillaient les principaux témoignages historiques qui les concernent. Ils rassemblèrent, d’abord, ce qui avait été dit à leur louange ; ainsi Feuardent groupa, en tête de son édition d' Irénée, vingt-six textes comme la contre-partie de vingL-six griefs articulés par les protestants. Puis, on se préoccupa de réunir non seulement les textes laudatifs, mais encore ceux qui renseignent sur leur personne et leurs œuvres ; ce fut le cas de Massuet. Enfin, A. Harnack, Gesehichte der altchristlichen Litlcratur bis Euscbius, Leipzig, 1893, t. I, p. 266-287, sous la rubrique : Zeugnisse, a fourni l’indication des témoignages indépendants sur l’histoire d' Irénée et des citations de ses œuvres faites jusqu'à la fin du moyen âge. Pour apprécier l’influence de l’auteur du Contra hæreses, il y a lieu de coordonner et de compléter, selon l’ordre approximativement chronologique, ces renseignements divers, renvoyant d’un mot à Harnack pour ceux qu’il offre avec tant de soin.

1° Jusqu'à la scolastique. — 1. Lettre des martyrs de Lijon au pape Éleuthère, dans Eusèbe, H. E., t. V, c. IV, P. G., t. XX, col. 440. Ils lui recommandent Irénée, « zélateur du testament du Christ, qu’ils ont chargé de porter au pape une lettre relative ai' montanisme. — 2. Caius de Rome. — On a parfois donné comme disciples d' Irénée le prêtre Caius et saint Hippolyte. Cf. Tillemont, Mémoires, t. iii, p. 97, 174, 239. En ce qui regarde Caius, on s’appuie sur la finale des Actes de saint Polycarpe, d’après le manuscrit de Moscou (du xiiie siècle), dans H. Hemmer et P. Lejaj', Les Pares apostoliques, 1910, t. iii, p. 158. Or cette finale se compose de deux parties : l’une est censée écrite par Isocrate (celui que Massuet, col. 423-424, nomme Socrate de Corinthe) ; l’autre a pour auteur le pseudo-Pionius, qui pourrait bien avoir écrit aussi la première. En tout cas, cette finale est sans valeur historique. Cf. A. Lelong, dans H. Hemmer et P. Lejay, op. cit., p. lxxy. — 3. Saint Hippolyte. — Photius, Bibliothcca, cod. cxxi, P. G., t. ciii, col. 401, 404, dit qu’Hippolyte fut disciple d' Irénée, et qu’il écrivit une Somme contre toutes les hérésies, les exposant et les réfutant, ô[i.iXoî)VToç Etpyjvaîou. Là-dessus on a admis à peu près universellement qu' Irénée fut le maitre d’Hippolyte au sens propre du mot. R. A. Lipsius, Zur Qucllenkritile des Epiphanios, Leipzig, 1875, p. 303-304, a pensé que, dans ce traité contre les hérésies, antérieur aux PhilosoplDumena et aujourd’hui perdu, Hippolyte se serait inspiré, non du Contra hæreses, mais de ses entretiens avec Irénée. E. de Faj’e, Introduction à l'étude du gnosticisme au il" et au ///e siècles, dans la Revue de l’histoire des religions, Paris, 1912, t. xlvi, p. 155,

admet, à son tour, que le langage de Photius semble supposer qu' Irénée » a groupé autour de lui des jeunes hommes ardents et doués et qu’il leur a dévoilé l’erreur gnostique. Parmi ces jeunes gens s’est trouvé Hippolyte. Il a recueilli la substance des entretiens d' Irénée, il a même pu en conserver des notes abondantes… Son traité représente l’enseignement primitif d' Irénée relatif au gno^sticisme chrétien. » Trente ans environ plus tard, Hippolyte reprend le même sujet dans les Philosophuumena, en s' aidant, cette fois, du Contra hæreses paru dans l’intervalle. Cette exégèse du texte de Photius est loin d'être sûre. L'ô[j !.t, XoijvTTç, alors même qu’on lui donnerait le sens de « discourir, » de « s’entretenir de, » ne révélerait pas l’existence d’une école groupant des « jeunes hommes ardents et doués. » Mais ce sens ne s’impose pas. A. Harnack, Zur Quellenkritik der Gesehichte des Gnosticismus, dans la Zeitschrift fur die historische Théologie, Leipzig, 1874, t. XLiv, p. 174-177, est d’avis que, selon Photius, Hippolyte a composé son traité en se servant de l’ouvrage de son maître : il sous-entend aÙTalç avant ôfxiXoijvToç, ce qui donne : « Irénée s’occupant d’elles (les hérésies). » C’est admissible. Allons plus loin. « Photius, remarque A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 81, n. 1, dit simplement qu’Hippolyte a été disciple d' Irénée. Cela n’implique pas nécessairement qu’ils se soient connus. » Il a pu être disciple dans un sens large, c’est-à-dire tributaire de son enseignement. Allons plus loin encore. Photius entendrait-il strictement le jjiaOvjT-îjç Sa Eîpv)vaiou, son affirmation serait trop tardive pour s’imposer à nous, alors que, par ailleurs, rien ne nous autorise à croire qu’Hippolyte a entendu Irénée en Asie Mineure ou en Gaule, ou qu' Irénée a tenu une école à Rome. Qu’il ait été ou non son disciple, Hippolyte mentionne deux fois le « bienheureux prêtre Irénée, » dans les Philosophoumena, l. VI, c. xui, LV, P. G., t. x, col. 3259, 3291, et lui fait d’importants emprunts. Cf. Harnack, Gesehichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, t. i, p. 266. Il dépend d' Irénée dans son Traité du Christ et de V Anûchrist et dans son commentaire Sur Daniel. Cf. F. C. Overbeck, Qusestionum hippolytearum spécimen, léna, 1864, p. 70. Sur les rapports de sa théologie avec celle d' Irénée en matière d'Écriture et de millénarisme, cf. A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 119, 175-210. — 4. L’auteur du « Petit labyrinthe. » — C’est probablement Hippolyte. Voir Hippolyte (Saint), t. vi, col. 2495. Il allègue les écrits d' Irénée qui affirment que le Christ est à la fois Dieu et homme. Eusèbe, H. E., t. V, c. xxviii, col. 512. — 5. Tertullien. — Il se réfère, dans VAduersus valentinianos, c. v, P. L., t. ii, col. 548, à ses prédécesseurs, parmi lesquels Irénée, omnium doctrinarum curiosissimus explorator, et lui fait de larges emprunts. Cf. Harnack, p. 267 ; Tertullians Bibliothek christlicher Schriften, dans les Silzungsberichte der k. preussischen Atcademie der Wissensclia’ften, Berlin, 1914, p. 303-334. Nous avons vu qu’il utilise à peu près certainement l’ancienne version latine. Il s’inspire souvent d' Irénée dans le De præscriptione hærcticorum, cf. A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 201-213, et un peu dans tous ses écrits, cf. d’Alès, p. 527 (table analytique). — 6. Clément d’Alexandrie. — Mentionnons, pour mémoire, l’argument de J. S. Semler à l’appui de sa thèse saugrenue sur l’inauthenticité du Contra hæreses : il notait trois passages de Clément qui ressemblent à autant de passages du Contra hæreses et en concluait que les prétendus faussaires, qui auraient publié le Contra hæreses sous le nom d' Irénée, les auraient copiés dans Clément. Voir la réfutation de G. F, Walch, Commentatio de « ùGsvtîk librorum Irenœi adversus hæreses, P. G., t. vii, col. 398

404. On trouverait aisément entre Irénée et Clément d’autres ressemblances. A propos, par exemple, du Verbe révélateur du Père, t. IV, c. vi, col. 986-990, A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), p. 212, note, écrit qu' Irénée « donne ici la main à Clément d’Alexandrie. » Les différences non plus ne manquent pas, et A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 182, note, a pu se demander si Clément ne vise pas Irénée, Coni.hær., t. II, c. xxviii, n. 2, col. 805, dans une critique, Slromat., t. VI, c. x, P. G., t. IX, col. 313. Dans un traité De la Pâqiie perdu. Clément citait Irénée et Méliton, au rapport d’Eusèbe, H. E., t. VI, c. xiii, P. G., t. xx, col. 549. — 7. Saint Cyprien. — Un petit emprunt historique possible à Irénée qu’il ne nomme pas, et un mot sur l’incarnation peut-être inspiré de lui. Cf. Harnack, p. 267. — 8. Origène.

Comme Clément d’Alexandrie, mais « plus près d' Irénée que Clément, » Origène, à la suite d' Irénée, fait une grande place à la tradition, attaque la fausse gnose et met la foi à la base de cette vraie gnose qu’il veut reconstruire. S’il s'écarte plus d’une fois, et pas toujours heureusement, d' Irénée, il oflre avec lui des ressemblances intéressantes. Cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 181-182 ; F. R. M. Hitchcoclv, Irenæus of Lugduniim, p. 365 (index). — 9. Saint Denijs (T Alexandrie. — Saint Jérôme, In Isaiam, t. XVIII, præf., P. L., t. xxiv, col. 627, dit que Denj’s composa elegantem librum contre le millénarisme d' Irénée. Dans le De viris illusiribus, c. Lxix, P. L., t. xxiii, col. 679, Jérôme ne mentionne pas ce livre, mais seulement un écrit contre le naillénarisme de Népos. Il est probable que ce fut là un seul et même ouvrage. — 10. Arnobe l’ancien. — Les ressemblances de son enseignement sur l'âme avec celui d' Irénée, et aussi de Justin, s’expliquent-elles par la connaissance d' Irénée ? — 11. Saint Victorin de Pettau. — Un emprunt, immédiat ou médiat, Scholia in Apocalypsin beati Joannis, P. L., t. v, col. 339 ; texte un peu différent dans M. Férotin, Apringius de Béja, Son commentaire de l’Apocalypse, Paris, 1900, p. 50-51. — 12. Saint Méthode d’Olympe. — Cf. Harnack, p. 267 ; G. N. Bonwetsch, Die Théologie des Methodius von Olympus, Berlin, 1903. — 13. Commodien. — Voir Commodien, t. iii, col. 418. — 14. Eusèbe. Une brève notice dans la Chronique, et, dans l’Histoire universelle, de nombreuses mentions et citations, et l'éloge du caractère d' Irénée, » pacifique comme son nom, » t. V, c. xxiv, P. G., t. xx, col. 508, et de sa doctrine, L III, c. xxiii ; t. IV, c. xxi, col. 257, 377. Cf. Harnack, p. 267-270. — 15. Saint Alexandre d’Alexandrie. — Cf. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894, t. ii, p. 192, 201, n. 2. — 16. Saint Athanase. — Cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 183-184, sur n le second Irénée » que fut Athanase ; F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 359 (index). Il est souhaitable qu’on étudie de près les rapports entre les doctrines théologiques des deux saints. L'étude de J. Rendel Harris, Athanasius and the book of testimonies, dans The Expositor, Londres, 1910, p. 530-537, discutable en ce qu’elle affirme de l’existence d’un recueil de textes scripturaircs contre les juifs, montre bien la ressemblance entre Athanase, Irénée et Justin, dans l’emploi de l’argument prophétique. — 17. Marcel d’Ancyre. — Cf. 'i. Zahn, Marcellus von Ancyra, Gotha, 1862, p. 234-245 ; F. Loofs, Die Triniiàtslehre Marcel’s von Ancyra, dans les Sitzungsberichte der k. preussischen Akademie der Wisscnschaften, Berlin, 1902, t. I, p. 764 sq. ; A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 192. — 18. Saint Basile. — Deux citations d' Irénée « voisin des apôtres. » Cf. Harnack, Geschichie der altcliristlichen Litteratur bis Eiisebius, 1. 1, p. 270. — 19. Saint Cyrille de Jérusalem.

— Une citation et plusieurs emprunts. Cf. Harnack, p. 270. — 20. Macarius Magnés. — Lui attribue des miracles. Cf. Harnack, p. 271. — 21. Le pseudoJustin, dans les Responsiones ad orthodoxos. — Une citation du livre perdu sur la Pâque. Cf. Harnack, p. 273. — 22. Les Actes de saint Ignace. — Une citation, dans le texte du Vaticanus S6 5. Cf. Harnack, p. 288.-23. P/iilastre. — Dépend selon toute vraisemblance du Contra hæreses, et peut-être de la lettre à Florinus. Cf. Harnack, p. 263. — 24. Saint Épiphane. — Citations et reproductions considérables du « bienheureux successeur des apôtres, » du « serviteur de Dieu, » du « très saint et très bienheureux » Irénée, du « très bon vieillard, comblé des dons du Saint-Esprit, orné des biens Cclestes, athlète fort, mis en avant par le Seigneur et comme oint pour le combat, muni de foi sincère et de science. » Panarium, hær., Hæres., xxiv, c. 8 ; XXXI, c. 8, 33 ; xxxiv, c. 2, 20 ; P. G., t. xli, col. 316, 490, 538, 583, 623. Cf. Harnack, p. 271. — 25. Apollinaire de Laodicée. — Il a défendu le millénarisme. A-t-il défendu celui d' Irénée attaqué par Denys d’Alexandrie ? C’est le sens naturel du passage de saint Jérôme, In Isaiam, t. XVIII, præf., P. L., t. XXIV, col. 627. Si Jérôme entend parler là de l'écrit de Denys contre Népos, et s’il veut dire que Denys, tout en n’ayant pas inscrit le nom d' Irénée dans son titre, réfutait souvent ses opinions millénaristes, comme le pense l'éditeur, col. 628, note, c’est assez pour qu’Apollinaire figure dans la liste des témoignages irénéens.

— 26. Saint Jérôme. — Il a, d’abord, avec sa traduction de la Chronique d’Eusèbe, P. L., t. xxvii, col. 631-632, la précieuse notice du De viris illustribus, c. XXXV ; cf. c. ix, xviii, P. L., t. xxiii, col. 649-652, 625-626, 637-638. En outre, diverses mentions et citations d' Irénée, « homme apostolique, » « homme des temps apostoliques. » In Is., t. XVII, c. Lxiv ; Epist., Lxxv, P.L., t. xxiv, col. 623 ; t. xxii, col. 687. Cf. Harnack, p. 271-273. — 27. Saint Augustin. — Deux citations d' Irénée sur le péché originel. Cf. Harnack, p. 273. Des emprunts probables ; par exemple, la magnifique formule : <i le Fils de Dieu s’est fait homme afin que l’homme devînt fils de Dieu, » Serm., clxvi, n. 4 ; cxcii, n. 1 ; cxav, n. 2, P. L., t. xxxTn, col. 909, 1012, 1016, se lit plusieurs fois dans Irénée, Cont. hær., l. III, c. x, n. 2 ; t. V, prsef., col. 873, 1120, etc. — 28. Le diacre Basile. — Au concile d'Éphèse, il demanda qu’on défendît la foi des apôtres et des saints : il nomma, en première ligne, Irénée. Cf. Harnack, p. 273. — 29. Théodorct. — Citations et emprunts importants, dans l’Hæreticarum fabularum compendium, les Dialogues et une lettre. Il appelle Irénée « le très heureux Irénée, » « le successeur des apôtres, » « un homme apostolique, » " la lumière des Gaules, » « la lumière de l’Occident, » « l’admirable Irénée, » « une de ces fontaines spirituelles qui nous apportent les eaux et la doctrine du ciel. » Cf. Harnack, p. 273-274. — 30. Timothée jElure. — Citation de trois textes, l’un authentique, les deux autres apocryphes. Cf. F. Cavallera, Le dossier patristique de Timothée yElure, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1909, p. 355. — 31. Saint Prosper d' Aquitaine. — Reproduit la Chronique d’Eusèbe, dans Chronic., P. L., t. li, col. 564. De même saint Isidore, Chronic, P. L., t. lxxxiii, col. 1044. — 32. Gennade.

— Cf. Harnack, p. 272. — 33. Saint Orens d’Auch. — D’après F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 348, n., son Commonitorium dépend d' Irénée. -734. L'école de Lérins. — Hitchcock, ibid., affirme l’influence d' Irénée sur les écrits de Lérins, par exemple, sur les sermons d’Hilaire et d’Honorat. Sur Vincent de Lérins il a pu influer à travers le De pru’icriplione de Tertullien que Vincent utilise. — 35. Saint Patrice.

— Cf. F. R. M. Hitchcock, Creeds of SS. Irenæus and

Patrick, dans VHermathena, Londres, 1907, t. xxxi, p. 168-182 ; Irenæus of Lugdunum, p. 348-358. — 36. Procope de Gaza. — Une citation. Cf. Harnack, p. 274. — 37. André de Césarée. — Voici un relevé des citations du « grand Irénée, » plus complet que celui de Harnack, p. 275 ; elles se trouvent dans le Commentarius tn Apocalijpsin, proL, c. ii, iii, x, xviii, xxxvii, Liv, Lxiv, P. G., t. Gvi, col. 220, 228, 232, 256, 257, 274, 336. 337, 382, 420. Le passage non identifié, col. 382, et les deux passages similaires, col. 228, 232, peuvent maintenant s’identifier avec Z)r/72., c.ix, p. 666667. — 38. Cosmas Indicopleiistes. — Une citation d' Irénée, « homme illustre et de vie éclatante, qui vécut peu après les apôtres. » Cf. Harnack, p. 274-275. — 39. Saint Éphrem. — Deux citations. Il annonce ainsi la reproduction d’une page d' Irénée, De virtute, c. viii, dans les Opéra omnia, trad. G. Vossius, Anvers, 1619, p. 247 : ad quos pulchre et magnifiée quidam sanctonim enuntiaoil. Cf. Harnack, p. 270, 925. — 40. Léonce de Byzance. — Le mentionne parmi les pères et les « maîtres, » après saint Ignace. Cf. Harnack, p. 276. — 41. Etienne Gobar. — Deux mentions, conservées par Photius. Cf. Harnack, p. 275, 276. — 42. Jean Mulalas. — Attribue, Chronographia, t. XI, P. G., t. xcvii, col. 408, à Irénée et à Jules l’africain, € très savants chronographes, » ce détail légendaire que l’apôtre saint Jean disparut et qu’on ne sait pas encore ce qu’il devint. — 43. Grégoire de Tours. — Deux passages, qui ont été cités ol. 2397 en traitant du martyre d' Irénée. Cf. Harnack, p. 274. — 44. Martyrolngium hieronymianum, édit. J.-B. de Rossi et L. Ducliesne, dans les Aeta sanctorum, Bruxelles, 1894, novembre, t. n a, p. (83). — 45. Saint Grégoire le Grand. — A cherché en vain les œuvres d' Irénée. Cf. Harnack, p. 275. — 46. Le morne Antiochius. — Une citation. Cf.* Harnack, p. 275. — 47. Saint Maxime le Confesseur. — Deux citations, l’une de la lettre à Victor, l’autre d’un écrit Sur la foi perdu, attribué à « Irénée, évêque de Lyon, disciple de saint Jean, apôtre et évangéliste. » Cf. Harnack, p. 275-276. F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 13, nomme par erreur Maxime de Turin et se trompe sur la seconde citation. — - 48. Le pseudo-Anatole. — Une mention. Cf. Harnack, p. 596. — 49. Sébéos. — Une mention. Cf. Harnack, t. ua, p. 324. — 50. Saint Anastase le Sinaite. — Citations et emprunts. Cf. Harnack, t. I, p. 276-277. — 51. La Doctrina Patrum de incarnatione Verbi. — Ce florilège, de la fin du vii « ou du commencement du vin » siècle, publié par F. Dickamp, Munster, 1907, contient, p. 265, une citation d' Irénée. — 52. Le pseudoGermain de Constantinople. — Reproduit, en l’abrégeant, mais sans nommer Irénée, Rerum ecclesiasticarum contemplatio, P. G., t. xcvin.col. 413, la page sur l'Évangile tétramorphe, qu’il a connue peut-être à travers Anastase le Sinaite, Interrogiiliones et responsiones, q. cxuv, P. G., t. Lxxxix, col. 797. CL Harnack, p. 284. — 53. Les Actes de saint Irénée. — Trois rédactions, dont la plus ancienne n’est pas antérieure au viie siècle. Aeta sanctorum, 3e édit., Paris, 1868, junii t. vii, p. 699-701. — 54. Saint Jean Damascène. — Une citation. Cf. Harnack, p. 277. — 55. Les Sacra paraltela. — Dans ce florilège, il y a de nombreux textes d' Irénée, pris les uns dans le Contra Iiœreses, les autres dans des écrits perdus, quelques-uns inauthentiques ou d’une authenticité douteuse. Le 1. III ne s’est pas conservé à part. Les manuscrits attribuent le 1. I au « prêtre et moine Jean, » peut-être Jean Damascène (c’est le « prêtre et moine Jean » de Massuet, P. G., t. vii, col. 1111, note), le I. II au prêtre Léonce, sans doute Léonce de Uyzance, ou à Jean. Cf. Harnack, p. 277279, 288 ; K H il. Fragmente vorniciinischer Kirclienvàter aus den Sacra Parallela (Texte und Untersuchungen,

t. xx, fasc. 2), Leipzig, 1899, p. 58-84 (n. 58-82, authentiques, 137-174, douteux ; 175-179, inauthentiques).

— 56. Georges Syncellc, — Une citation et un éloge, Chrnnogr., P. G., t. cviii, col. 1198, 1199. — 57. Le Cfironicon paschale. — Cf. Harnack, p. 279. — 58. Jein de Dara. — Une citation. Cf. Harnack, p. 280.

— 59. Saint Paschase Radbert. — Deux citations, Expositio in Matthœum, t. IV, c. vi ; De partu Virginis, t. I, P. L., t. cxx, col. 307, 1376. La seconde citation : neque ut Spirilus Sanctus sementivum esse credatur carnis (dans l’incarnation du Vtrbe), u/ Irenieus vult, n’est pas exacte. Elle doit se référer à un passage mal compris, Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 5, col. 952. — 6n. Agobard. — Une citation du « très antique et apostolique docteur, et martyr du Christ, et évêque de l'Église de Lyon, Irénée. » Nous en avons parlé col. 2403. Cf. Harnack, p. 279-280. — 61. Le martyrologe du ms. latin 3879 de la Bibliotlièque nationale de Paris. — Composé à Lyon, au commencement du ixe siècle. Voir les notices d' Irénée, des saints de Valence Félix, Fortunat et Achillée, et des saints de Besançon Ferréol et Ferrucion, dans H. Quentin, Les martyrologes historiques du moyen âge. Paris, 1908, p. 175, 168, 205 ; cf. p. 213, 219-220. — 62. Le martyrologe du ms. 925 de la bibliotlièque de l’Université de Bologne. — De provenance lyonnaise, est un des accroissements du ms. latin 3879 de la Bibliothèque nationale de Paris qui ont abouti au martj’rologe de Florus. Voir la notice sur Irénée dans J. Condamin et J.-B. Vanel, Le martyrologe de la sainte Église de Lyon, Lyon, 1902, p. 58. CL H. Quentin, op. cit., p. 222-223, 231-233, 243-244. — 63. Florus de Lyon. — Cf., sur son martyrologe, H. Quentin, op. cit., p. 222-408 ; la notice d' Irénée, p. 309. J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1852, t. I, p. 8-9 ; cL p. ix-x = P. G., t. vii, col. 431-432, a publié le prologue de la traduction du Contra hæreses dans le codex Arundelianus 87 : c’est un résumé de l’ouvrage et un exposé des raisons qui ont décidé à le transcrire. Il pense, à la suite de Sirmond, que l’auteur anonyme du prologue est le diacre Florus. L’attribution reste problématique. — 64. Le pseudo-Bède, dit Bède de Cologne. — P. L., t. xav, col. 960. CL H. Quentin, op. cit., p. 4, 468, n. — 65. Saint Adon de Vienne. — -Brèves notices, Chronic, et MartyroL, P. L., t. cxxra, col. 84, 924-925. La notice du martyrologe reproduit celle du martyrologe de Florus ; de même pour la notice des saints Félix, Fortunat et Achillée, et pour celle des saints Ferréol et Ferrucion, col. 251, 288, qui mentionnent Irénée. Cf. H. Quentin, op. cit., p. 482. — 66. Vsuard. — Abrège, MartyroL, P. L., t. cxxiv, col. 203-204, la notice de Florus. Adon. Cf. Harnack, p. 281. — 67. Méginhard de Fulda. — Un mot contre le millénarisme d' Irénée, dans son De fîde, varielate symboli, ipso symbolo et pestibus ha-resium, publié dans A. Hahn, Bibliotek der Symbole und Glaubensregeln, 3® édit., par L. Hahn, Breslau, 1897, p. 363. — 68. Photius. — Il parle d' Irénée dans ses lettres et dans le De Sancli Spirilus mystagogia, et lui consacre une notice dans la Bibliolhcca, cod. cxx, P. G., t. ciii, col. 401. Cf. Harnack, p. 280. Après avoir analysé le Contra hæreses, il dit que « plusieurs autres écrits variés et lettres de lui circulent, bien que, dans certains d’entre eux, l’exactitude de la vérité des dogmes ecclésiastiques soit altérée par des raisonnements illégitimes, ci xal ïv Tiotv aÙTÔiv T) TÎiç xaxà" ià sxxXrjataaTtxà S6y[Lot.T : ac àXY)6e[a( ; àxpK’eia véÔGiç XoytCTjxoIç xitSsXsûexai. » Conformément à la traduction latine de Photius par le jésuite André Schott : ecclesiaslicorum dogmaium certa veritas spuriis rationibu.'i fucari videtur, Eilies du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1686, 1. 1, p. 199, avait entendu qu’Irénée affaiblit quelquefois les choses certaines en les fondant

sur des raisons peu solides ; cꝟ. 3e édit., Paris, 1698, t. I, p. 176. Tillemont, Mémoires, t. iii, p. 92, suivi par dom R. Ccillicr, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 197, s’accorde mieux avec le texte grec en disant que, ' selon Photius, il y a, dans quelques-uns des écrits d’Irénée, « quelques fautes contre l’exacte vérité de la doctrine de l'Église. » Où Tillemont paraît se tromper, c’est quand il ajoute : « Il peut avoir voulu marquer par là l’opinion des millénaires. » Ce n’est pas probable : la critique de Photius ne porte pas sur le Contra hæreses si carrément millénariste, mais sur les autres écrits qui circulaient sous le nom d’Irénée. Photius aurait-il été trop difficile ? Ou bien Irénée aurait-il donné prise à ce jugement rigoureux par des affirmations qui ne nous sont point connues ? Ou encore, chose plus probable, Photius aurait-il visé des écrits publiés abusivement sous le nom d’Irénée ? Bossuet, Mémoire sur ce qui est à corriger dans la Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de M. du Pin, dans ses Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1864, t. xx, p. 528, avança cette hypothèse, qu’Ellics du Pin, 3e édit., p. 176, accepta comme plausible ; elle a pris quelque consistance maintenant que nous savons que les monophysites se couvrirent de l’autorité d’Irénée et lui prêtèrent des textes de leur fabrication. — 69. Moïse bar Cepha. — Une citation du Coni. hær., t. II, c. xxxiv, n. 1, est donnée par lui, dans son De anima, c. XXV, sous le nom d’Andronic, évêque de Gugran. Cf. O. Braun, A/oses Bar Kepha und sein Buch von der Seele, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 97 ; Harnack, p. 280. — 70. Un manuscrit des Constitutions apostoliques. — Cf. Harnack, p. 280. — 71. Arélas de Césarée. — Plusieurs citations du « grand Irénée, t dans son Commentarius in Apocalypsin, prol., c. ii, x, xviii, P. G., t. cvi, col. 493, 516, 569, 571, 600. Ce commentaire est une sorte de décalque de celui d’André de Césarée, et il se peut qu’Arétas n’ait connu qu'à travers lui les œuvres d' Irénée. Toutefois certains passages semblent attester une lecture directe des sources. Le plus notable est le commentaire de l’Apocalypse, iv, 5, col. 569 ; cf. André, col. 256, où non seulement Arétas allègue, à l’appui de son interprétation. Clément d’Alexandrie non cité par André, mais où il serre encore de plus près que lui le passage de la Démonstration de la prédication apostolique auquel ils se réfèrent l’un et l’autre. Sur la Démonstration, qui n'était connue, que par un mot d’Eusèbe, nous aurions donc, sans parler de l’extrait qui se trouve dans les sept fragments publiés, P. 0., t. xii, p. 733-734 ; cf. p. 683, les deux témoignages d’André et d’Arétas de Césarée. — 72. Simon Métaphrasle. — 73. Le pseudoChrysostome. — 74. Les Actes des saints Félix, Fortunat et Achillée, de Valence. — 75. Les Actes des saints Ferréol et Ferrucion, de Besançon. — 76. Les Actes de saint Timoltiée, d'Éphèse. — 77. Les menées des Grecs. Pour ces six derniers n »  », cf. Harnack, p. 281. — 78. Œcuménius. — Cf. Harnack, p. 282. — 79. Nifétas Serronius. Cf. Harnack, p. 279. — 80. Les Chaînes des Pérès. — Nombreuses citations, d’une authenticité parfois douteuse. Cf. P. G., t. vii, col. 1239-1248, 12571264, 2017-2018 ; Harnack, p. 281-283, 839, 840, 841, etdans le supplément, p. 12 ; P. Batiffol, dans pic/ ; onnaire de la Bible, Paris, 1899, t. ii, col. 486 (chaîne copte). Irénée y est appelé parfois « disciple des apôtres, . P. G., t. vii, col. 2017. — 81. Le Parisinus 854.

— Trois fragments du traité, perdu, Sur la foi, attribués à saint Irénée. Cf. Harnack, p. 283-284. — 82. Antoine Mclissa. — Une citation, probablement à travers les Sacra parallela. Cf. P. G., t. vii, col. 996.

— 83. Traductions. — Nous sommes mal renseignés sur les traductions des œuvres d’Irénée. Le Contra hasre-'es fut traduit en latin, en arménien et, fragmen tairement au moins, en syriaque ; la Démonstration en arménien, peut-être en syriaque. Outre la version latine complète et la version arménienne des 1. IV-V du Contra hæreses et la traduction arménienne de la Démonstration, nous avons des fragments, grecs et syriaques, des œuvres diverses, d’une authenticité parfois douteuse, quelques-unes d’origine hérétique, ainsi que nous l’avons vu en traitant des œuvres d’Irénée. Cf. Harnack, p. 284-288. Irénée y est appelé, çà et là, « disciple » ou « voisin des apôtres. » — 84. Manuscrits. — De la vieille version latine un manuscrit subsiste, le Claromontanus (maintenant Berolinensis), qui est du ixe siècle.

Cette longue liste, quoique certainement incomplète, permet d’arrêter les grandes lignes de l’influence irénéenne. Elle s’affirme de façon manifeste sur les hérésiologues, surtout Hippolyte, Épiphane, Philaslrc et Théodoret. Dogmatiquement elle est considérable sur les Pères grecs. Dans tous les débats trinitaires et christologiques, l’autorité d’Irénée est mise en avant, et les définitions de l'Église, tout de même que le développement de la théologie, sont dans le sens de sa doctrine. Clément a trouvé ou introduit ses œuvres à Alexandrie. Origène, selon toute vraisemblance, lésa utihsées. Saint Alexandre, saint Athanase, saint Basile, saint Cyrille de Jérusalem, saint Épiphane s’inspirent de lui ou s’en réclament. Au concile d'Éphèse, les moines cathohques, dans leur requête contre Nestorius, nomment Irénée et Grégoire le thaumaturge seuls entre les Pères qui composent la tradition. Un Marcel d^Ancyre, un Théodoret, d’une orthodoxie moins sûre, veulent dépendre d’Irénée. Les monophysites le tirent à eux et, au besoin, forgent des textes qu’ils lui attribuent. Les florilèges patristiques et les chaînes bibliques lui font de nombreux emprunts. Tous voient en lui le disciple des apôtres ou le voisirr des temps apostohques, et il apparaît, selon le mot de Théodoret, comme la lumière des Gaules et de l’Occident, comme une de ces fontaines spirituelles qui apportent la lumière du ciel. Son millénarisme, qui suscite quelques réserves, n’amoindrit pas sensiblement son action doctrinale, et il faut descendre jusqu'à Photius pour rencontrer une critique, assez vague du reste, de ses enseignements. Irénée n’est pas connu seulement dans le rayon de la théologie grecque. Cet asiate qui, après avoir probablement vécu à Rome, s’est établi « parmi les Celtes » et parle le plus souvent ce qu’il appelle « une langue barbare, » Cont. hær., t. I, præf., n. 3, col. 444, écrit, en grec, des œuvres qui sont traduites en latin, en arménien, en syriaque, et qui ont des lecteurs, de saint Patrice, en Irlande, à saint Éphrem, dans la lointaine Édesse. Disons, pourtant, que son influence est moindre dans la théologie latine que dans la grecque, malgré qu’il ait été, en quelque sorte, naturalisé latin et que la vieille traduction du traité contre les hérésies ait presque la valeur d’un original. A voir cette traduction utihsée par Tertulhen, peut-être par saint Cyprien, sûrement par saint Augustin, on croirait qu' Irénée va s’emparer des esprits et présider à l’essor théologique. Il n’en fut rien. Augustin relégua dans la pénombre tous ses prédécesseurs. C’est lui qui fut le nuiitre incontesté de la pensée occidentale. Irénée tomba dans un oubli relatif et assurément regrettable. A Lyon même, on n’avait pas ses œuvres. A la fin du vie siècle, l' évêque Éthérius demanda au pape saint Grégoire le Grand de les lui procurer. On n'était pas plus riche à Rome ; Grégoire répondit que, malgré toutes les recherches, les Actes et les écrits d’Irénée étaient restés introuvables. Du temps d' Agobard, la situation n’est guère améliorée. Agobard cite une fois Irénée ; mais il n’a pas son texte, car il en donne un passage, non d’après l’antique version latine, mais d’après la traduction d’Eusèbe par

Ru fin. Le prologue, publié par J.-B. Pitra sous le nom de Florus, indique cinq causes qui ont poussé à transcrire le Contra hssrescs : la première, c’est que perrarus est. Spicilegium Solesmense, t. i, p. 9. Ce prologue, s’il est vraiment de Florus ; deux citations, dont l’une inexacte, de Paschase Radbert ; la transcription, au IX » siècle, du Contra hæreses dans le Claromontanus, voilà, avec quelques textes hagiographiques, les seuls indices de la persistance du souvenir et de l’action d’irénée en Occident.

2° Jusqu'à la Renaissance. — Il est fort probable que saint Anselme n’a point lu Irénée. On a pu écrire, pourtant, qu' « il Renouvelle la réponse d’irénée à l'éternelle question que pose la raison à la foi : Car Deus homo ? « A. Dufourcq, L’atfenir du christianisme. I. Le passé chrétien, 3e édit., Paris, 1911, t. vi, p. 137. Ce qu’il dit de l’honneur de Dieu et d’une certaine nécessité de la rédemption qui en résulte rappelle, en l’accentuant, ce que dit Irénée, et, plus clairement et plus fortement que Irénée, mais un peu tout de même comme lui, Anselme expose la satisfaction du Christ pour l’homme pécheur. Du reste, entre la sotériologie de l’un et de l’autre, s’il y a des ressemblances, les différences ne manquent pas. Cf. F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 173-176. Le rehef de l’idée de l’incarnation est plus atténué dans saint Anselme que dans saint Irénée. Il indique à peine ce qu' Irénée montre si bien, à savoir que l’explication ultime de l'œuvre rédemptrice est dans l’amour de Dieu, qui a voulu se faire connaître de nous et conquérir notre amour à nous. Ni Anselme, ni les auteurs des grandes synthèses théologiques du moyen âge ne lui ont donné la place prépondérante qu' Irénée lui assigne, en vrai disciple de saint Jean.

Le moyen âge ne connaît guère Irénée. Quelques mentions de lui existent, par exemple, dans la littérature syriaque, par Denys Bar Salibi, cf. Harnack p. 280, et, parmi les Grecs, par Georges de Corcyre, Nicétas Acominat, Macaire Clirysocéphale, cf. Harnack, p. 280, 274, et Nicéphore Calliste. On peut se demander si un seul de ces écrivains a une connaissance directe des œuvres d’irénée. Nicétas semble lui faire des emprunts à travers saint Épiphane, et Nicéphore Cal iste, qui en parle longuement, Ecclesiaslica historia, t. IV, c. xin-xv, xxx, xxxix ; cf. c. v, ix, xx, xxi, P. G., t. cxLV, col. 1005-1012, 1049-1052, 1065-1068, 988, 997, 1029, 1032, et lui emprunte, comme Nicétas, des notices sur les gnostiques, c. n-iv, xi, col. 98Q-985, 1001, le fait manifestement d’après Eusèbe. Des scolies lui sont attribuées dans un codex de Moscou, du xie siècle. Cf. Harnack, p. 264. Parmi les Latins, on a, en dehors des martyrologes dérivés d’Adon, en particulier de celui de Notker le Bègue, P. L., t. cxxxi, col. 1111 ; cꝟ. 1069} de maigres notices, inspirées surtout de saint Jérôme : celles, par exemple, de Fréculphe, Chronic, t. II, c. xxH, P. L., t. cvi, col. 1168 ; d’Honorius d’Autun. De scriptoribus ecclesiasticis, t. I, c. xxxvi, P. L., t. CLXxii, col. 201 ; de Jean de Trittenheim (Trithème), De scriptoribus ecclesiasticis, Paris, 1494, fol. 70 ; de La mer des histoires, Lyon, 1491, t. ii, foL 89a. Il n’y a pas une ligne dans les De scriptoribus ecclesiasticis de Sigebert de Gembloux et de l’anonyme de Melk ; et saint Antonin de Florence, pourtant si abondant, se borne à dire un mot de lui, d’après Hélinand, à l’occasion de Papias et du millônarisme, Hislor., I* pars, tit. vri, c. VI, n. 3, Lyon, 1517, fol. clxix a. Les ressemblances entre le texte d’irénée sur la primauté de l'Église romaine et Hugues Eteriano, De hæresibus græcorum, t. III, c. xvi, P. L., t. ccii, col. 376-377, sont trop vagues pour autoriser la supposition de J. Langen, Geschiclite der rômischen Kitche bis zum Pontificale Leo’s I, Bonn, 1881, p. 173, que le passage d’irénée a été exploité par Hugues. Toutefois ce n’est pas l’insou ciance totale. On transcrit les œuvres d’Irén'ée. La traduction arménienne de la Démonstration et des livres IV-V du Contra hæreses nous est parvenue dans un manuscrit du xme siècle, entre 1270 et 1289, et la plupart des manuscrits connus de l’antique traduction latine du Contra heereses sont du moyen âge.

3° Jusqu'à nos jours. — 1. En Orient. — Au xvii » siècle, dans sa Réfutation de la Confession de Cyrille Lucaris, Mélèce Syrigos cita des passages d’irénée sur l’eucharistie. Mais on voit qu’il ne connaissait pas le texte original ; car, au lieu de le reproduire tel quel, il le retraduisit du latin en grec. Cf. P. G., t. vii, col. 429. Plus ou moins oublié dans l'Église grecque, Irénée a bénéficié du retour aux études théologiques et historiques, qui s’est dessiné au xix® siècle. Pour ne parler que d’un ouvrage, qui compte parmi les plus importants de la théologie russe moderne, l’Introduction à la théologie orthodoxe et la Théologie dogmatique orthodoxe de Macaire (Michel Boulgakow), trad. franc., Paris, 1857, 1859-1860, fait une bonne place aux textes d’irénée, « dont le témoignage, est-il dit. Introduction, p. 420, atteste la croyance non seulement de l'Église de Lyon, mais encore de toutes celles d’Occident, et même de presque toutes les Éghses du monde. » Cf. p. 419, 505-506, 559 ; Théologie dogmatique, t. i, p. 45, 46, etc.

2. En Occident.

L'édition princeps du Contra hæreses parut, à Bâle, en 1526, par les soins d'Érasme, qui appelait l’auteur « mon » Irénée : cur enim non meum appellem, disait-il, dans la dédicace à l'évêque de Trente, édit. de 1534, Bâle, foL 2a = P. G., t. vii, col. 1321, quem pêne sepultum, absterso, quantum licuit, situ, luci restituimus, indignum profecto qui perpétua oblivione obsolesceret ? Que l'éloge de ces écrits, spirant enim illius scripta priscum illum Evangelii vigorem, la recommandation que leur vaut leur antiquité, habes Irenœi commendationem ab antiquitate, et le souhait que de nouveaux Irénées surgissent, animés de son esprit de paix, utinam et, in his Ecclesiae tumultibus…, exoriantur aliquot Irenœi qui spiritu evangelico mundum redigant in concordiam, aient couvert la critique de l'Église et des théologiens du temps, c’est possible et même probable. Cf. A. Humbert. Les origines de la théologie moderne. I. La renaissance de l’antiquité chrétienne, Paris, 1911, p. 219-220. Quoi qu’il en soit, Irénée sortait définitivement de l’obscurité où il avait été enseveli. Les protestants, en principe, ne se rattachaient pas aux Pères. C’est ce qui explique les dures paroles de quelques-uns d’entre eux contre la doctrine d’irénée. Cf. P. du Moulin, Le bouclier de la foi], Charenton, 1617 (dix éditions), parmi les calvinistes, et, parmi les luthériens, les centuriateurs de Magdebourg, Ecclesiaslica historia, cent. II, Bâle, 1559, t. II, dans Feuardent, Anlidota aduersus probra et impias criminaliones, en tête de son édition d’irénée '= P. G., t. VII, col. 1341-1352. Mais cette sévérité s’atténua ou disparut chez la plupart des défenseurs du protestantisme. Dès 1570, Nicolas Desgallards ( Gallasius), publia, sous l’inspiration de Théodore de Bèze, une édition d’irénée, où, tout en avançant qu’on trouve, dans les écrits des anciens Pères, impuritatem nonnullam quam labantia jam illa tempora doctrinae christianæ attulerunt, dédicace, P. G., t. vii, col. 1329, il n’aiïirmait pas moins l’utilité d’irénée pour combattre et les anabaptistes, que Desgallards nommait, et les catholiques, qu’il ne nommait point, mais qu’il désignait en termes non douteux. L’année suivante, le pasteur Grynée publia, à son tour, une édition d’irénée et s’efforça de Lfaire servir à la cause protestante. Le cordelier Feuardent, au contraire, dans les préliminaires et dans les notes de son édition d' Irénée ( 1575), le revendiqua, avec fougue et avec une critique en progrès sur celle de Grynée et de Desgallards, mais

encore insuffisante, comme un champion de la foi orthodoxe. Deux savants reformés, H. Dodwell, dans ses JJissertationes in Irenxum. Oxford, 1689, et J. E. Grabe, dans son édition d’Irénée, qu’il prépara avec l’aide de Dodwell, Oxford, 1702, recommencèrent la tentative d’annexer Irénée au protestantisme. Massuet, qui rendait justice par ailleurs aux mérites de Grabe, ne craignit pas de dire, P. G., t. vii, col. 1 1-12 : Ecclesiæ anglicanæ, cui se adjunxit, dam sludel impensius, potius un cura fuisse videtur ut Irenseum eliam invitum et reluctantem anglicanæ seetæ adjungeret, quam ut opus castigatius daret d emendatius. L'édition de Massuet (1710) améliora le texte d’Irénée et donna un exposé de la doctrine exact dans l’ensemble, quoique incomplet. Les catholiques furent armés pour la défense de leurs dogmes. Bossuet qui, plus que personne, utilisa Irénée, résumait ainsi leur pensée sur ce point : « Lisez-le comme un témoignage authentique de la foi de nos ancêtres, puisque c’est la foi d’un saint qui a conversé avec les disciples des apôtres, et qui a illustré le second siècle par sa doctrine et par son martyre : l'Église gallicane a eu l’avantage particulier de l’avoir pour évêque dans une de ses plus anciennes et principales Églises, et ce nous doit être une singuhère consolation de trouver dans ses écrits un monument domestique de notre foi. » // » instruction pastorale sur les promesses de l'Église, c. ccxiv ; cf. /// sermon pour la fête de r Annonciation, 1° point, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1864, 1863, t. xvii, p. 232 ; t. XI, p. 167. En devenant plutôt historique après avoir été purement théologique, la polémique protestante avait également perdu son caractère d’universalité pour se restreindre de préférence aux deux questions de l’eucharistie et de l'Église. Irénée les éclairait l’une et l’autre. Dans L’eucharistie de l’ancienne Église, Genève, 1633, p. 65-87 (la l' « édition avait paru, en 1626, sous ce titre : Conformité de la créance de l'Église et de saint Augustin sur le sacrement de l’eucharistie), un des livres les plus forts écrits par les protestants, le ministre E. Aubertin prétendit, à rencontre du Traité du saint sacrement de l’eucharistie, du cardinal du Perron, Paris, 1622 ; 3e édit., 1633, p. 187-198, confirmer par saint Irénée la thèse de la présence simplement figurative. Tous les controverslstes protestants l’imitèrent. Du côté des catholiques, entre une multitude d’ouvrages, celui qui eut le plus de valeur fut la Perpétuité de la foi de l'Église catholique sur l’eucharistie, Paris, 1669-1674, dû surtout à Nicole. Cf., en ce qui regarde Irénée, III" partie, t. I, c. ii, édit. IMigne, Paris, 1841, t. ii, col. 678-690. Le débat sur l'Église a été résumé quand on a retracé l’histoire de l’interprétation du passage sur la primauté de l'Église romaine. Le Contra hæreses servit à établir la notion de l'Église, non seulement contre les protestants, mais encore contre les jansénistes et les gallicans. Le De vi ac rat iode primalus R. pontifîcum, Vérone, 1766, des frères Ballerini, un des traités qui ont le plus contribué à mettre en lumière le rôle du pape, est tributaire, pour un ? bonne part, de l'évêque de Lyon. Au xixe siècle, la faveur accordée à l'étude des origines chrétiennes et à la théologie positive a ramené de plus en plus l’attenlion sur Irénée. La controverse gallicane a pris fin avec le concile du Vatican, qui introduisit, dans la constitution Pastor seternus, la phrase d’Irénée sur la principauté principale de l'Égfise romaine. Quant aux protestants du xix « et du xxe siècles, il y a eu des retardataires qui ont gardé, ou peu s’en faut, en tout ce qui touciie l’auteur du Contra hæreses, les positions des ancêtres. D’autres les ont abandonnées partiellement, tout en continuant à dénoncer un certain désaccord entre la doctrine d’Irénée et le dév-eioppement dogmatique de l'Église catholique. A. Har- 1

nack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. iii, p. 775, a dit que Luther, plus éloigné, en bien des points, d’Irénée et d’Athanase que les théologiens du xiv^ et du xv siècles, est, à certains égards, plus près d’eux. Et J. Leitpoldt' Der neue armenische Irenâus, dans la Zeitschrift fur Kirchengeschichte, Gotha, 1906, t. xxvii, p. 478-479, a opposé le catholicisme au christianisme primitif qu’il croyait retrouver dans la Démonstration de la prédication apostolique. Ou bien des protestants ont prêté à Irénée des théories qui lui sont étrangères ; qu’on se rappelle, par exemple, les affirmations d' A. Sabatier sur le contrat d'échange entre Dieu et le démon pour la rançon de l’homme pécheur. Ou encore ils ont reconnu — et ceci est d’importance — qu’en somme l'Église catholique continue Irénée ; mais ils ajoutent qu' Irénée n’est pas fidèle à l'Église primitive, que les traditions apostoliques se sont corrompues en passant par ses mains, qu’il s' est écarté des données pauliniennes et évangéliques, que Rome est son but et non le Golgotha. « C’est la thèse de J.Werner, Z)er Paulinimus des Irenàus, Leipzig, 1889, et, avec des nuances, d’A. Harnack et de son école. Cf., en particuHer, L’essence du christianisme, trad. nouvelle, Paris, p. 248256. A tout prendre, les savants protestants rendent mieux justice à Irénée que leurs prédécesseurs. L’Essai sur la théologie d’Irénée de P. Beuzart (1908) etl'/renæuso/LuffrfunumdeF. R. M. Hitchcock(1914) ; cf. ibid., l’introduction de H. B. Swete, tranchent heureusement sur le ton hostile ou chagrin qui était fréquent. L’aveu de l’accord d’Irénée avec Rome n’exclut pas toujours la sympathie. C’est dans une page pleine d’admiration que T. Zahn, Realencyltlopadie, 3e édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 410, écrit qu" Irénée est chez lui à Rome, er ist in Rom wie in Ephesus zu Hause. Et, si A. Harnack avance inexactement, Des heil. Irenàus Schrift zum Erweise der apostotischen Verkûndiguny, Leipzig. 1907, p. 66, que, dans a. Démonstration, « l’autorité de l'Église et la tradition ne sont pas mises en scène, l’argument bibhque suffit, » il a ces mots d’un accent ému : « Tous les traits principaux de la doctrine religieuse de VAdversus hæreses se retrouvent ici : pour Irénée ils n'étaient pas seulement une théologie, mais la religion même, et cela à bon droit, de son point de vue. Chaque membre de la communauté devait les connaître et pouvoir défendre sa foi contre l’hérésie. Irénée vit vraiment avec toute son âme, avec sa tête et son cœur, dans la foi de l'Église… Et c’est une grande impression qu’on ressent à cette lecture : c’est donc ainsi qu'à Lyon, à la fin du ue siècle, le peuple chrétien était instruit et gouverné I »

/II. LES RÉSULTATS IMMÉDIATS. — f Saint Irénée occupe une très grande place dans l’histoire : il a tué le gnosticisme, il a fondé la théologie chrétienne, dit A. Duf ourcq. Saint Irénée (collection Les saints), p. 1 69 1° Il a tué le gnosticisme.

Non pas du coup, ni dans le sens rigoureux du mot. E. de Fay>', Gnostiques et gnosticisme, Paris, 1913, p. 465, est allé trop loin en affirmant que « paganisme populaire, philosophie grecque, gnosticisme et christianisme sont encore, au me siècle, sensiblement de force égale ; » mais il est vrai que le gnosticisme eut, au iiie siècle, comme un sursaut de vie nouvelle, et que la propagande clandestine du gnosticisme remporta encore de beaux succès même au ive siècle. Cf. E. de Faye, p. 460-461. D’autre part, on ne saisit point les preuves d’une action directe de l'œuvre d’Irénée sur les destinées du gnosticisme. Mais il est sûr que le gnosticisme subit alors une transformation, qui marqua sa banqueroute et prépara sa disparition complète, et de cette transformation la chronologie invite à croire qu' Irénée fut la cause principale. Un des attraits du gnosticisme

était le mystère. En exposant au grand jour les doctrines gnostiques, Irénée entamait leur prestige. Un autre élément de sa réussite, c'étaient la complication apparente du système et ses allures scientifiques. Au fond, cette espèce d’histoire de l’univers en proportions colossales, avec multiplication de mondes et multiplication d'êtres divins, était moins extraordinaire qu’elle n’en avait l’air, et il ne faudrait pas que l’abondance des détails abusât sur le caractère simpliste de pareilles conceptions : < enseigner qu’il y a trois cent soixante-cinq cieux et trois cent soixantecinq ordres d’anges, ce n’est pas imposer plus d’efforts à l’intelligence que de lui enseigner qu’il n’y a qu’un ciel et qu’un Dieu. » Mais l’imagination trouvait à se repaître dans ces fantasmagories, » et en même temps l’on avait la flatteuse persuasion d’avoir dépassé le christianisme df la grande Église. » P. Rousselot et J. Huby, Chhstus, 2e édit., Paris, 1916, p. 1054-1055. En soufflant sur ces bulles de savon, Irénée les fit évanouir. Quant aux quelques idées originales qu’il y avait, sous ces travestissements mythologiques du christianisme, Irénée montra non seulement qu’elles ne résistaient pas à l’examen de la raison, mais encore qu’elles n'étaient plus du christianisme : le gnosticisme apparaissait tout au plus comme « une tentative d’intellectuels chrétiens, quelques-uns d’une exceptionnelle vigueur, affirmant leur droit de spéculer et de systématiser, de dogmatiser, au sens propre du mot, à la façon des écoles païennes de philosophie, » et, si l’on veut, comme « la première grande tentative de sécularisation du christianisme. » P. Batifïol, Le gnosticisme, dans le Bulletin de littérature ecclâsiastique, Paris, 1907, p. 167. Les trois points sur lesquels Irénée établit que porte l’erreur gnostique, en plus de la nécessité d’une règle de foi invariable et sûre que fournit l'Église, à savoir l’unité de Dieu créateur du monde (d’où la réfutation du dualisme et du panthéisme), le christocentrisme (péché originel, christologie et sotériologie), le salut de tout l’homme, y compris le corps, c’est le christianisme tout entier. Le gnosticisme a donc fait fausse route sur toute la ligne. La démonstration d' Irénée a été mortelle pour l’hérésie. Irénée écrivit vers 1 80, et c’est peu de temps après que fleurirent Héracléon, Apelle et le rénovateur de l’ophitisme. Nous savons, par ailleurs, que le Contrœhæreses fut traduit en latin, en arménien et, au moins fragmentairement, en syriaque, et cela très vite en ce qui concerne la version latine, qu’il parut livre par livre (sauf les livres I et II) : ce nous est une preuve de l’intérêt qu’il excitait, du retentissement qu’il eut, de l’influence qu’il exerça. L'Église prenait une offensive redoutable. Le gnosticisme se sentit atteint. De là, selon toute vraisemblance, l’effort d’Héracléon, d’Appelle, des ophites. Cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les swm/s), p. 169-1 76 ; (cllection La pensée chrétienne), p. 29-31 : il compare l’influence du Contra hæreses sur cette transformation à celle de V Histoire des variations de Bossuet sur l'évolution du protestantisme. De lii, peut-être, à partir du nie siècle, chez les gnostiques. cette « prédominance de l’idée sacramentelle, » cette initiation aux rites et aux mystères, qui avait prise sur la masse. Cf E. de Faye. Gnostique^ et gniisticismc, p. 456, 460. On atténua la doctrine gnostique, on imita la liturgie de l'Église. Le gnosticisme eut beau faire ; il ne se releva pas de n'être pas du christianisme et de ce qu’on le savait. Le libertinage acheva sa déconsidération. Cf. E. de Faye, p. 458-459. La M’anifeslalion et réfutation de la fausse gnose a réfuté d’avance toutes les hérésies en mettant à sa place l’autorité doctrinale de l'Église ; elle a atteint directement toutes les hérésies plus ou moins gnosticisantes. C’est le cas de certaines sectes du protestantisme, par exemple, les anabaptistes, de l’avis de Des DICT. DE THÊOL. CATHOL.

gallards, l'éditeur protestant d' Irénée, P. G., t. vii, col. 1331. Et même P. Batilïol, Le gnosticisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 166-167, a cru pouvoir expliquer la complaisance des critiques protestants allemands pour le gnosticisme par cette raison que < le gnosticisme est bel et bien l’individualisme, le sectarisme, le libre examen, la libre critique, la libre spéculation, l’indépendance en face de la règle de foi, de la tradition et du magistère ecclésiastique. — d’un mot, le grand ancêtre du protestantisme.

Il a fondé la théologie chrétienne.

D’abord, non pas en innovant, mais en se rattachant au passé, en le continuant, en l’enrichissant, en l’explicitant, surtout en fixant, d’une manière si forte, la règle de foi, qui assure tout. On trouve en lui une doctrine et une méthode. La leçon de méthode est, dit P. Galtier, L'évêque docteur : saint Irénée de Lijen, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 220, « que le mépris ou la haine des novateurs ne suffit pas à la défense de la foi. Il y faut la connaissance de leurs procédés et la pénétration de leurs sytèmes. Mais, l’inconsistance de leurs pensées une fois mise au jour, il importe surtout d’y pouvoir opposer l’harmonieuse simplicité de la doctrine transmise. L’avoir apprise de ceux qui ont mission de l’enseigner, la posséder dans toute son intégrité, la scruter et la méditer sous le regard de l'Église qui en a reçu le dépôt, permet de dépister et de juger tous les docteurs de nouveautés. La confiance au * charisme de vérité qui rend l'Église indéfectible, voilà, en un mot, ce que prêchent la vie et les œuvres de saint Irénée, » et voilà pour la méthode. Voici maintenant pour la doctrine. Le premier, et le seul, de tous les anciens, il a un exposé relativement complet du dogme catholique. Pour ne rien dire de ses écrits non connus et qu’on peut espérer de lire un jour, en particulier de ce traité De la science, qu’Eusèbe quai. fie de t court mais nécessaire, H. E., t. V, c. xxvi, P. G., t. XX, col. 509, le Contra hæreses et la Démonstration de la prédication apostolique constituent une sorte de somme de théologie des origines chrétiennes. Ailleurs on glane ; là on moissonne à mains pleines. Et non seulement Irénée offre des anticipations de la dogmatique ultérieure, non seulement il aborde presque toutes les questions vitales ; mais encore il a eu le mérite de donner au Christ la place à laquelle il a droit. « La doctrine du Christ, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, Paris, 1908, p. 129 ; cf. p. 8384, forme la pierre angulaire de toute construction théologique. Irénée l’a senti suffisamment pour traiter cette partie avec une grande ampleur. Ce point de son système est vraiment original, » et tout le reste en tire son explication, sa solidité et sa splendeur.

IV. L'ÉCRIVAIN, L’HOMME, LE DOCTEVR. 1° Uécvi vain. — Irénée était sans prétentions littéraires. « Nous n’avons pas l’habitude d'écrire, dit-il, Cont. h<er., t. I, prœf., col. 444 ; nous n’avons pas étudié l’art du discours… Demeurant parmi les Celtes, obligé de parler le plus souvent une langue barbare, n’attendez de nous ni l’art de l'éloquence que nous n’avons pas appris, ni la force et les grâces du style que nous ignorons. Recevez avec charité ce que la charité nous a fait écrire sans ornement, dans un langage simple, mais conforme à la vérité. » En dépit de cette modestie d’auleur, plus. ou moins sincère, saint Jérôme, Episl., Lxxv, P. L., t. xxii, col. 688, juge que le Contra hæreses fut écrit doctissimo et cloquentissimo sermone. Nous n’avons pas l’original grec, mais nous en possédons des fragments assez considérables pour constater que l'éloquence, au sens usuel du mot, et l’agrément du style ne sont pas le fait d’Irénée. Son langage est simple, comme il l’a annoncé, et quelque peu terne. Le plan est confus, l’ouvrage médiocrement

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composé, n y a du désordre et des redites. Nous avons vu qu^^nlltcu^ abuse de l’allégorie dans l’interprétation de l'Écriture. Mais ces défauts sont rachetés par des qualités réelles. N’insistons pas sur la lettre des martyrs lyonnais, sortie très probablement de la plume d’Irénée, et qu' E. Renan. Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 3e édit., Paris, 1882, p. 339, 340, a appelée « admirable » et « la perle de la littérature chrétienne au iie siècle. » Le Contra tiœreses se distingue par la force dans l’expression et le raisonnement, et, dans le ton, par le calme, la mesure, la sobriété qui conviennent à une œuvre de controverse. « Chose singulière, dit Freppel, Saint Irénée, p. 477-478, cet homme de l’Orient conduit par la Providence au milieu de la Gaule du n » siècle, a toutes les qualités de l’esprit occidental, et, si je ne craignais le paradoxe, j’ajouterais de l’esprit français : la clarté et la précision. » Assez souvent le style, d’ordinaire simple et uni, s’anime, se colore, sculpte dans un relief très net une pensée heureuse. Voici des exemples, qu’il serait facile de multiplier. Sur Dieu, t. III, c. xxv, n. 3, col. 968 : Deus non est cui bnnitas desit ; t. IV, c. xiv, n. 1, col. 1010 : Initia, non quasi indigens Deua hominis, plasmavit Adam, sed ut haberet in quem collocarct sua bénéficia. Sur le Christ et son œuvre, t. V, prsef., col. 1120 : Propter immensam suam dilcctionem factus est quod sumus nos uti nos perficeret esse quod est ipse ; t. IV, c. XX, n. 2. col. 1 033 : Ul in carne Domini nostri occurrat paterna lux, et a carne ejus rutila uenial in nos, et sic homo deuenial in incorruplelam, circumdatus paterne lamine ; c. xxxiv, n. 1, col. 1083 : Quid igitur Dominas attulit veniens ? Cpgnoscite quoniam omnem novitatem atlulit, semetipsum aljerens. Sur l'Église gardienne de la foi, t. iii, c. x.xjv, n. 1, col. 966 : Quam perceptam ab Eeclesia custodimus et quæ semper a Spirilu Dei, quasi in vase bono eximium quoddam depositum juvenescens et juvenescere faciens ipsam vas in quo est. Sur la vérité et l’erreur, t. III, c. xv, n. 2, col. 918 : Suasorius enim et verisimilis est et exquirens fucos error ; sine, fuco autem est Veritas, et propter hoc pueris crédita est. Sur notre préparation au ciel, t. V, c. vra, n. 1, col. 1141 : Nunc autem parlem aliqaam a Spiritu ejus sumimus, ad perfcclionem et præparationcm incorruptelie, paulatim assuesccntes capere et portare Deum. Sur les progrès de la connaissance en ce monde et en l’autre, I. ll, c. xxviii, col. G06 : Ut semper quidem Deus doccat, homo autem semper discal quæ sunt a Deo.

L’homme.

L’homme ne se révèle-t-il pas dans ce langage ? Et ces beaux mots sur Dieu, le Christ, l’amour, la lumière, n’indiqut’nl-ils pas un disciple de saint Jean ? Disciple de saint Jean il le fut, sinon au sens strict du mot, du moins par l’intermédiaire de saint Polycarpe. Il le fut par tout l'élan de l'âme. Sans doute il a, ainsi, du reste, que saint Jean, de rudes paroles contre les hérétiques. Cf. I. I, præf., n. 2 ; c.xxxi, n. 3 ; l. II, c. x, n. 1 ; c. xiv, n. 5 ; c. xvii, n. 9-10 ; c. XXVI, n. 1 ; c. xxxi, n. 2-3 ; t. III, c. ii, n. 3 ; c. xv, n. 2 ; c. XXIV, n. 2 ; c. xxv, n. G ; t. IV, c. xix, n. 1, 3 ; 1. V, c. viii, n. 2, col. 441, 705, 735, 752, 766, 800, 824825, 847, 920, 931-932, 967, 970, 1030, 1031, 1142-1143. Mais il aime ceux qu’il reprend ; étranger, déclaret-il, I. I, præf., n. 3, col. 444, aux délicatesses du style, il écrit avec amour et il demande que ce soit avec amour qu’on le lise. Parce qu’il les aime, il prie pour eux, t. III, c. xxvi, n. 7, col. 970-972 : « Nous prions Dieu, afin qu’ils ne demeurent pas dans cette fosse qu’ils se sont creusée, qu’ils se séparent de ce qu’ils nomment leur Mère, qu’ils sortent de l’Abîme, qu’ils laissent le Vide, abandonnent l’Ombre, afin qu’ils naissent véritablement en se tournant vers l'Église de Dieu, qu’ils forment le Christ en eux et connaissent l’auteur et créateur de l’univers, le seul vrai Dieu et Seigneur de toutes choses. Voilà notre prière pour

eux, car nous les aimons plus utilement pour leur salut qu’ils ne s’imaginent s’aimer eux-mêmes. Notre amour est véritable… C’est pourquoi par tous les moyens nous tenterons de leur tendre la main, et nous ne nous lasserons pas. » Quelle ferveur d’accent dans la supplication que, au cours d’un exposé sur le mystère de la Trinité, il adresse aux Trois, Père, Fils et Saint-Esprit, t. iii, c. T, n. 4, col. 862-863, pour les lecteurs de son ouvrage : Et ego igitur invoco te. Domine…, da omni legenti hanc scripturam agnoscere te, quia solus Deus es, et conftrmari in te, el absistere ab omni hæretica et, quæ est sine Deo, impia sententia ! Les menées grecques ont admirablement exprimé ce caractère aimant de l'évêque de Lyon : 'EpoTiâ yàp tw Ttpôç oùpavoùç tiôOco. P. G., t. vii, col. 428. Auparavant Eusèbe, H. E., t. V, c. xxiv, p. G., t. XX, col. 508, et saint Jérôme, De viris illustribus, c. xxxv, P. L., t. xxiii, col. 649, avaient noté qu’il fut pacifique comme son nom. E. Renan, J Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 3e édit., Paris, I 1882, p. 341-342, injuste pour les qualités d’esprit d’Irénée, n’hésite pas à lui reconnaître « une conscience morale des plus saines » et le plus rare sens pratique. A une foi exaltée il unit une modération qui étonne ; à une rare simplicité il joint la sc’ence profonde de l’administration ecclésiastique, du gouvernement des âmes… Il a moins de talent que TertuUien ; mais combien il lui est supérieur pour la conduite et le cœuri »

Le docteur.

P. Galtier, L'évêque docteur : saint Irénée de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 220-223, prosente Irénée « à la fois comme le plus ancien et le plus actuel des évêques docteurs, » et poursuit : « Ce n’est pas assez cependant, et nous eussions voulu dire aussi : « le docteur de l'Église. L'Église de France lui donnait ce titre jadis. La messe qui lui est attribuée, le 4 juillet, pro aliquibus locis, dans le missel romain, met uniquement en relief son influence doctrinale… Les deux conditions, par conséquent, requises d’après Benoît XIV, pour recevoir le titre de docteur, cette liturgie les proclame vérifiées dans saint Irénée : l'éminence de la doctrine égale chez lui la sainteté de la vie. » Et il appelle de ses vœux le jour où l'Église romaine insérera le nom d' Irénée au calendrier de l'Église universelle et ornera le front de l'évêque de Lyon de l’auréole des docteurs. On ne peut que le souhaiter et l’espérer avec lui. Pour l’heure, cependant, une difRculté existe. Ce qui la crée, ce n’est pas, semble-t-il, le fait des deux ou trois opinions erronées qui apparaissent dans le Contra hæreses, mais la solution proposée par Benoît XIV. P. Galtier a cité le De servoram Dei bcaliflcatione et bcalorum canonizatione, t. IV, part. II, c. XI, n. 13, Prato, 1841, t. iv, p. 511. Un peu plus loin, c. xii, n. 9, p. 518, Benoît XIV dit que saint Irénée, comme saint Ignace et saint Cyprien, tout en ayant ce qui est exigé pour les docteurs, n’est pas honoré comme tel : statuendum esse videtur… sexto ss. Ignatium, Irenfeum et Cijprianum, habentes requisita doctorum non coli lanquam doctores sed tanquam martyres, cum nunquum scparetur officium doctoris ab officia confessoris. Remarquons l’expre.sion : statuendum esse videtur ; Benoît XIV n’affirme pas carrément. Remarquons encore que, à l’appui de cette affirmation que l’office de docteur n’est jamais séparé de l’office ^ de confesseur, il cite seulement l’autorité de C. Guyet, Ileortologia sive de festis propriis locorum et ecclesiarum, t. II, c. VII. q. 21, qui est celle d’un simple liturgiste. ! Le sentiment de Benoît XIV paraît donc révisable. Il a|)partient à l'Église, si elle le juge utile, de se prononcer là-dessus.

Quoi qu’il en soit, le rôle dogmatique d’Irénée fut de toute première importance. Un des savants protestants, qui ont le mieux connu l’ancienne littérature chrétienne, T. Zahn l’a apprécié de la sorte, Realencyklopâdie/à' édit., Leipzig. 1901, t. ix, p. 410 : t Irénée est le premier écrivain de l’ipoquc subapostolique à qui convienne le nom de théologien. S’il est vrai qu’une étude diligente des éléments et des monuments de la foi chrétienne, comme celle où se sont distingués Euscbe et saint Jérôme, ne suffît pas à faire un théologien, mais qu’il y faut une vue synthétique, harmonieuse et complète, des rapports de Dieu et du monde, il n’y a qu’Origène et saint Augustin qui puissent être comparés à saint Irénée. Ni saint Athanase ni saint Cyrille n’approchent de ces trois génies et, pour ce qui est du dégagement de la théologie de toutes les influences étrangères, c’est saint Irénée qui les dépasse tous. » Cf. A. Harnack, Lelirbnch der Dogmengeschichle, S édit., Fribourg-en-Brisgau, t. i, p. 513. Et, parmi les catholiques, A. Dufourcq a intitulé le t. III de son grand ouvrage sur Le passé chrétien : Le (hristianisme primitif. Saint Paul, saint Jean, saint Irénée. C’est bien cela. Quoique sur un autre plan que saint Jean et saint Paul, et quoique de moindre vigueur intellectuelle qu’un Clément d’Alexandrie ou un Origène, Irénée est, par la richesse de sa doctrine comme par l’orientation qu’il donne à la théologie, le grand nom de l’histoire du dogme entre saint Paul et saint Jean, d’une part, et, del’autre, saint Augustin.

F. Vernet.