Dictionnaire de théologie catholique/IMMACULÉE CONCEPTION IV. Dans l'Eglise latine après le concile d'Ephèse. III.Du concile de Bâle au XIXè siècle

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 565-602).

III. Depuis le concile de B.le (1439) jdsqu’a LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE : PÉRIODE DU TRIOMPHE. Pendant les trois siècles et demi que comprend cette étape, l’affirmation théologique du glorieux privilège s’accentue vivement, la dévotion du peuple chrétien envers la "Vierge immaculée se manifeste d’une façon extraordinaire et le magistère ecclésiastique intervient par des actes répétés pour sanctionner et, en mêine temps, modérer le mouvement. Trois de ces actes forment comme autant de triomphes partiels du culte et de la croyance : Sixte IV approuve officiellement la fête de la Conception ; Alexandre VII en détermine l’objet ; Clément XI l’étend à l’Église universelle. De là trois étapes particulières.

I. DU CONCILE DE BALE A SIXTE IV (1439-1484) : VERS LE PREMIER TRIOMPHE. Déuué de Valeur juridique, le décret des Pères de Bâle eut néanmoins une valeur de fait pour les pays qui en admettaient ia légitimité, comme la France et l’Aragon ; ailleurs même, il exerça une grande influence et contribua pour beaucoup à développer en faveur du glorieux privilège un fort courant qui fut comme la préparation prochaine du premier triomphe officiel.

1° Développement doctrinal : fermeté croissante dans l’affirmation du privilège. — Le fait est manifeste en ce qui concerne la France. En septembre 1457, un concile provincial d’Avignon ordonne d’observer inviolablement le décret de Bâle sur la conception de la bienheureuse vierge Marie et défend, sous peine d’excommunication, de rien avancer de contraire, soit dans la prédication, soit dans les disputes publiques. Mansi, Concil., t. xxxii, col. 183. Trois mois plus tard, la Sorbonne eut l’occasion d’ajouter son mot. Avertie qu’en Bretagne un dominicain « avait affirmé, publiquement que Marie avait été conçue dans le péché

originel, » elle ordonna de prendre des information » ^ et, si le délit était réel, de punir l’inculpé comme hérétique, et si ita compererctur, quod puniretur tanguant hureticus. D’Argentré, op. cit., t. i, p. 252.

Le décret de Bâle fut reçu en Espagne avec d’autant plus d’enthousiasme que cette nation avait mis plus de zèle à le provoquer. Trois mois seulement après qu’il eut été porté, la reine Marie, exerçant les fonctions de régente, le fit publier pour les États d’Aragon, 1^’décembre 1439. J. Mir, op. cit., p. 129 sq. ; F. Fita, op. cit., p. 46, 107, 113, 117. Peu auparavant, elle avait réprimé les audaces de langage d’un religieux dominicain, André Etienne, en renouvelant, janvier 1437 et décembre 1438, les édits de Jean I<^’et de Martin I". Fita, op. cit., p. 102-105 ; Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 110.

Quelques écrits de l’époque, nous montrent la pieuse croyance franchement défendue et prêchée en Allemagne ; tels, un sermon de Nicolas de Blonius, Strasbourg, 1438, et un traité du bénédictin Michel de Butzenbach († 1466), publiés par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis anctoribus, t. ii, p. 431, 472. Un auteur plus célèbre, Gabriel Biel, professeur à Tubingue († 1495), soutient aussi le glorieux privilège dans quatre sermons pour la fête de la Conception, et d’autres encore. Roskovâny, 1. 1, p. 273. Mais beaucoup plus important est l’enseignement de ce théologien dans son commentaire sur le IIJ « livre des Sentences, dist. III, q. I : après avoir exposé et défendu la conception sans tache d’après les principes de Scot, il fait intervenir l’autorité du concile de Bâle : Prscterea deteiminatum est in concilio Basiliensi. Il ne s’ensuit pas, ajoute-t-il sagement, qu’on doive blâmer saint Thomas et les autres adversaires ; de leur temps, il était loisible de penser comme ils l’ont fait, puisqu’il n’y avait pas encore eu de décision ni de la part d’un concile ni de la part du siège apostolique.

Ce que Biel disait en Allemagne, un autre auteur célèbre, Denys le Chartreux († 1471), le disait en Belgique vers la même époque et dans son commentaire sur le même livre des Sentences. Il y rapporte longuement les diverses opinions des grands docteurs avec leurs fondements, puis conclut : « Néanmoins, re qu’on doit penser sur ce point, ce n’est pas duns les disputes d’école qu’il faut le chercher, mais dans les décisions de l’Église catholique à laquelle nous sommes tenus d’obéir ; or, dans le dernier concile général, elle a mis fin à ces discussions, quæ in novissimo concilio universali fincm (ut dixi) his dissensionihus imposuit. Docioris exstatici D. Dionijsii Cartusiani opéra omnia. Tournai, 1904, t. xxiii, p. 98. Voir aussi l’écrit De prseconio et dignitate Marias, t. I, a. 13, Tournai, 1908, t. xxxv, p. 486. L’ordre dont Denys était membre, subit lui-même l’influence du décret de Bâle ; dans le chapitre général de 1470, les chartreux abandonnèrent l’espèce de compromis où ils s’étaient engagés par la substitution du terme de sanctification à celui de conception. La formule primitive fut rétablie et passa dans la nouvelle rédaction des statuts : Festum gloriose virginis Marie, quod solemniter celebratur sexto idus decembris, amodo per totum ordinem celebrctur sub nomine conceplionis, iuxta determinationem ecclesie, statuto non obstante de sanctificatione mentionem faciente. Mgr Malon, op. cit., t. i, p. 138, d’après le martyrologe d’Usuard ; cf. Statuta ordinis cartusiensis a domino Guigone priore cartusie édita, Bâle, 1510. Tcrtia compilatio statulorum, c. I, § 46. Les nombreux bréviaires et missels que cite Pierre de Alva, Sol vcrilalis, p. 647 sq., témoignent aussi du changement.

En Italie, la pieuse croyance eut des saints pour apôtres. Si, traitant le problème en théologien, saint Antonin de Florence († 1459) reste fidèle à la doctrine 1117

IMMACULEE CONCEPTION

lllS

des anciens maîtr.cs dominicains, en revanche saint Laurent Justinien, premier de patriarche de Venise († 1455), proclame l’innocence originelle de la bienheureuse Vierge dans plusieurs de ses écrits ascétiques et dans un sermon sur l’Annonciation :.16 ipsa sui cunccplione in bencdiclionibiis est præventa dulcedinis, Clique a damnationis aliéna chiiographo, ab omni peccati labe extranea. Roskovâny, op. cit., t. i, p. 116 ; Mgr Malou, op. cit., t. ii, p. 148. Même note, plus accentuée encore, chez saint Bernardin de Sienne († 1464). Partant de ce texte des Proverbes, viii, 24 : Nondum erant abijssi, et ego jam concepta cram, il ratlache à l’éternelle prédestination de Marie comme future mère du Verbe incarné le glorieux privilège (le son immaculée conception..Suivant la métliode habituelle aux théologiens franciscain » —, il montre d’abord la possibilité et la convenance de l’exemption puis il en établit la réalité par sept preuves composées chacune de sept unités, preuves qu’il compare aux septem signacula de l’Apocalypse, v, 5 : sept saints canoiiisés (y compris saint Bernard, saint Dominique et saint Thomas d’Aquin) ; sept « docteurs fameux » de l’ordre séraphiquc ; sept autorités scripturaires, sept réponses à un nombre égal d’arguments ; sept figures de l’Ancien Testament ; sept exemples tirés de l’ordre naturel ; sept miracles. Synthèse artificielle, mais destinée sans doute à piqucr et à soutenir l’attention des auditeurs. Scrmo scii tracteJii.’; de eonccptione bealie Mariæ virginis, dans Pierre de Alva, Moniimenta antiqua seraphica, p. 1. Mais à des affirmations si fermes s’opposèrent bientôt des dénégations violentes qui provoquèrent, comme on le verra plus loin, l’intervention du saint-siège.

2° Développement cultuel : expression de pins en plus nette et fréquente du sens immaciilisle. - Qu’après le concile de Bâle, la fête de la Conception ait continué à gagner du terrain, c’est là un fait qu’il serait aussi facile qu’inutile d’établir ; ainsi ^Igr X. Barlnr de Montaull a publié L’office de la Conception, à Luçon, nu XVsilcle. Vannes, 1885, (extrait de la Revue du Bas Poitou) : il importe davantage de montrer par quelques exemples comment le sens immacuUste va toujours en s’acccntuanl et en se précisant.

La France nous fournit des témoignages d’une netteté parfaite. Une formule de bénédiction pour le jour de la fêle, contenue dans un pontifical de Sens et de l’aris, énonce en termes exprès la préservation du péché originel : Omnipotens J)ci filius qui beatissimani semperque uirginem Marinm ub originali peccain in sua ronceplione prcscrvavit, vos ab codem per sacri baptismutis laværum purgatos ab omni pcec.ato preseruarc dignetur. Bibiiolhéquc nationale de Paris, ms. lat. 062 ; de même, ms. ! >(>’/, fol. xi.ii r.

L’aPlirmation du privilège se retrouve dans les liynnies sur la Conception fréquemment et sous des formes multiples. D’abord, exclusion du péché originel, considéré comme tel ou comme obstacle à lu grâce sanctifiante.

(^anit virgo : nrcilum ernl (^ulpn^ ninluni, l’ui concepta. G. Drcves. Analeeta liumnicn. t. xxxix, p..’tO. Toulouse, missel de 1490.

Oaudc, virgo singuluris.

Tu quH’sola gencraris

Omni carens vllio.

Ibid., l. xi.ii, p. h’.i, Lourges, missel de 1 19.3.

Virga summi pontificis

N.ira virtute lloruit,

Maria vero oliicis

Gratiaspmpcr cnriiit. Ibid., t. XII, p. }ti. >iarseill(. I)réviairc ic ! i I r « ^rc.s de .Salnl-.Jcan ; BIbli dlièque natioiiale de Paris, nis. lat. 1276, bréviaire parisien.

Singulièrement expressives sont des strophes, où l’idée de préservation est, soit opposée à celle de purification, soit associée à celle d’immunité totale par rapport au péché :

Quam non mundavit Deus,

Sed pra’servavit altlssimus. Ibid., t. XXXIX, p. 10. Nevers, bréviaire imprimé à Paris en 1490.

In tuae matris utero

Te, virso, sanctus spiritus

Sic pripservavit, quod vero

Peecatum nescis penitus.

Ibid., t. XIX, p. 23 Marseille, bréviaire des I-’rèrcs de Saint-Jean.

Appel est fait au miracle et à la puissance divine, pour justifier une telle préservation :

Surgit gi"ata, gratis data.

Prœter rerum ordinem. Caro piira de natiira,

Caro surgit unica. Nubes levis carens nævis

Per diem producitur, Tota candens…

Ibid.. t. XI, i).35. Bibliothèque nationale de Paris, ins, lat. 1032, bréviaire de Touns. Ave, in innocentia

Concepta et prreservata. Nulla labe niaculata, DcxtraDei potentia, Peccati originalis Nec cuiuscjuani aclualis.

Ibid., t. I., ]>. 650. Bibliothèque nationale île Paris, ms. lat. 30, 3 !) : hymne de Jean Tisserand, frère mineur († 1494).

Mais le privilège de l’immaculée conception ne dit pas seulement préservation du péché, il dit aussi jus^ tice et sainteté positive. Marie nous est présentée comme une semence bénie qui doit apporter le salut aux nations, comme un char de feu qui s’allume aux rayons de la grâce sanctifiante :

Exsultct novo carminé l.aurians ca’tus fidoliuni In bencdicto seniino Quo datur salus gentium. Currus ignis accenditur Sanctiricante gratia. Ibid., t. XI, p. 41. Bréviaires d’Avignon et d’Arles. Glorieuse est cette conception ; car, si dans l’ordre naturel elle est charnelle, dans l’ordre spirituel elle est sainte :

Concepta carnaliter, Sancta spintalitcr, Cuius est conceptio Gloriosa. Ibid., t. VIII, p. 45. -Alissel de Troycs, à lu Bibliothèque nationale de l’aris, ms. lat. HGS.

C’est qu’en ce jour le I-ils imiquc du souverain Père se construit un nouveau temple, temple consacré par la grâce du Saint-Esprit :

Novum templum n-dificat Sibi nunc unigenitus Sumnii patris, quod iledical Gratia sancti spiritus. //)/(L, t. XII, p. 53. Bréviaire de Nevers.

Ainsi commence-t-il |iar sa nuTC son œuvre de rénovation, celui qui doit tout renouveler : Nova lacturus omnin Nova matris primnrdia No^o lustrât décore, l’t novitatis gratia Deus honiinein gloria Coronct et honore. Ibid., t. XXIV, p. 1)7. Bréviaire de Tours, à la Biblicthèquc nationale de Paris, ms. lut. 1032.

Sans conipLer les images déjà rencontrées et qui reparaissent, du lis ou de la rose qui surgit du milieu des épines, de l’étoile qui sort des nuages toute brillante, etc. Notable en ce genre est cette strophe d’une hymne irlandaise :

Mellis stilla Sed spinosuni

de spinis exiit, nil stilla sapiiit.

Maris Stella Scd nubosuni

de nube prodiit nil stella, habiiit

tenebrosa. radiosa.

Ibid., t. X, p. C5. Missel de Kilmorc ( Kilormircnse), à Dublin, Trinity Collège.

Les Églises d’Allemagne font écho aux Églises de France. De nouveaux offices contiennent l’invitatoirc, si expressif, que nous connaissons déjà, voir col. 1 105 :

Adoremus Dei patris natum ex para virgiiie. Qui conccptum suæ niatris prseservat a crimine. Ibid., t. V, p. 53. Prague, Olmutz, Cracovie.

Des hymnes et des prières énoncent pareillement, en termes formels, la préservation de ÎNIarie : Conceptio laudabilis

ab angelo nuntiata ; Marise tam amabilis

in conceptu præservata-. … Omni laude dignissima Quæ concepta vitiorum sine labe purissima. Ibid., t. XXX, p. 95, Vienne, Munich.

Sicut très pueros Dominus protexit ab igné, Sic prorsus matrem macula præservat ab onini. Et sicut Movsi rubus arclens non fuit ustus, Sic nec priniorum vitiis est lapsa parcntutii. Ibid., t. XXXI. p. 126. Cologne, cod. 20, pro euant de la Chartreuse de cette ville.

Même portée dans cette salutation adressée à la mère de Dieu :

Ave, quam originalis Non fœdavit macula. Ibid., t. XXXVIII, p. 239. Tegernsee, prière datant de 147(’. Il en est de la Vierge comme de l’astre du jour, inséparable de sa splendeur et de sa beauté :

. Sicut suum sol nitorem Nunquam perdit nec decoreni, Primi patris nec tu labem NuUam sentis nec fœtorcm. Ibid., t. IV, p. 41. Saint-Pierre de Salzhourg et Heiv.ogenbourg.

Jérémie et Jean-Baptiste furent des privilégiés, sanctifiés avant leur naissance ; Dieu a fait davantage pour sa mère, en la créant indemne de toute infection :

Sed amplius hic egit la matre, quam elegit : Supremam liane compegit Ex forma non infecta. Ibid., t. IX, p. 47. Missel cistercien de Neukloster. Tu a Deo fabricata. In conceptu præservata, NuUa trahis scelera. Ibid., t.Liv, p. 282. St-Pierre de Salzbourg et Tegernsee. Et tout cela en conséquence de l’éternel décret qui prédestina Marie à la maternité divine : Tu ex consilio Dei prævisa es Nobis præsidio, placens ut parères Sanctum sine macula Divini patris filium. Hinc ab initie, priusquam fieres, Electa Domino, tanta ne caderes. Es, ut tlbi sisteret Libertas sine crimine… Sancta conciperis, hinc sancta nasceris Legi non subiaces, gratis exempta es. Ibid., t. XII, p. 51, Luheck.

Ce progrès dans l’expression liturgique du glorieux privilège ne fut pas indépendant du décret de Bâic ni, à la fin du siècle, de l’attitude prise parle saintsiège ; quelques hymnes en font foi.

Post sacrum concilium

Basiliense conccptum Maria ;

solemni/at magna la-tilia Kcclesia romana.

Ibid., t. X, ]). GG sq. Prague, hymne franciscaine ; à la suite, une autre presque identique, provenant d’un monastère de carmes.

Un autre document nous montre que la même influence s’exerçait jusqu’en Italie : c’est un bréviaire (franciscain) secundum consueludinem romane curie, conservé à la bibliothèque du Vatican, ms. lai. 476J. Dans l’office de la Conception de la bienheureuse vierge Marie, fol. 362 v, allusion est faite, à la fin de l’antienne du Benedictus, au décret de Bâle, car il y est dit de la fcte que, confirmée par un concile général, elle se célèbre dans l’Église en beaucoui) d’endroits : que in generali concilio confirmata cclebratur par milita ecclesie loca. Paroles qui témoignent d’un fait dont les conséquences allaient se dérouler.

3° Le premier triomphe officiel : les constitutions, eu M PR^SEXCELSA et OR AVE iMMis, de Sixte IV. — Le saint-siège ne restait pas indifférent au large mouvement qui se manifestait en faveur de la fête de la Conception et de la pieuse croyance ; les circonstances l’amenèrent à suivre plus attentivement le débat. Dans la seconde moitié du siècle, fopposition prit en Italie un caractère agressif. Une première attaque vint d’un théologien dominicain, Raphaël de Pornassio, auteur de plusieurs écrits relatifs aux controverses agitées dans le concile de Bâle, en particulier d’un Tractatus de prærogativis Domiiii nostri Jhesu Christi, qui ne semble pas avoir été imprimé. Dédicaceen était faite aux chartreux (c’était avant le chapitre général de 1470), que le frère prêcheur prétendait défendre, ainsi que les religieux de son ordre, contre les embûches et les calomnies dont on les poursuivait. Dans cet ouvrage, soixante-douze témoignages de docteurs, pris en dehors de l’ordre dominicain, étaient apportés contre la pieuse croyance. Voir Doncœur. Les premières interventions du saint-siège, p. 47 (283). En 1465, dans une lettre à l’archevêque et au cierge d’Avignon, le même théologien attaqua, comme illégale et abusive, l’ordonnance portée dans le concile provincial de 1457. Roskovâny, op. c ; 7. t.i, p. 287, n. 2077. Un autre frère prêcheur alla plus loin en 1470 : il ne craignit pas d’employer du haut de la chaire, en parlant de l’opinion favorable au privilège, les termes d’erreur, d’impiété et d’hérésie. Ibid., n. 2079

La situation s’aggrava surtout par l’entrée en scène de Vincent Bandelli, plus tard général des dominicains (1501-1506), alors maître des étudiants de son ordre à Bologne. Il fit paraître à Milan en 1475, sous le voilo de l’anonymat, un premier écrit : Libellas recollectorius auctoritatum de veritaie conceptionis béate virginis gloriose. Après avoir parlé de la justice primitive et du péché originel, l’auteur énonçait en thèse, que c’est une impiété de soustraire à la loi commune la conception de la bienheureuse Vierge : Impium est tencre beatam virginem non fuisse in peccato originali conceptam. Jugement répété à diverses reprises en d’autres termes, par exemple, quand il dit des défenseurs du privilège, qu’ils renversent les fondements de la foi : Qui beatam virginem sine peccato originali fuisse asserit, christianæ fidei fiindamenta subvert il, ou qu’ils contredisent aux décisions de, l’Eglise : Est diccrc oppositnm eius qiiod est per ecclesiam detcrminatum, etc. La thèse est prouvée d’abord par une foule de const

quences erronées que riiypoUièsc tle la préservation entraînerait : injustice de la part de Dieu en laissant Marie soumise à la loi de la mort, Deus esset iniquus qui eam mori permisil ; limitation du caractère d’universalité qui doit convenir à la médiation de Jésus-Christ, non omnium hominum Christus mediator fuisset ; assimilation de Marie à son fils, sous le rapport de la pureté, a’qualis Christo in purilale (uissel, et de sainte Anne à Marie, sous le rapport de la conception active, ejus mater in concipiendo virgo fuisscl, etc., etc. A ces raisons d’ordre théologique, Bandelli ajoutait l’autorité de la sainte Écriture, de nombreux Pères et de « deux cents auteurs très illustres, » famosissimi. C’était la liste de Raphaël de Pornassio, mais notablement allongée.

Quelle était exactement la portée de l’affirmation première : Impium est tenere beatam Virginem non fuisse in originali pcccato conceplam ? S’agissait-il seulement d’une question de principe, entraînant en Marie une dette stricte du péché originel, ou aussi d’une question de fait supposant en elle le péché réellement contracté ? Nul doute possible sur la pensée personnelle de Bandelli ; il voulait les deux choses : Virgo Maria non solum peccavit de débita, sed eliam de facto. Telle est l’assertion qu’il énonce au début de la IV’= partie de son livre et qu’il répète en termes équivalents dans les chapitres qui suivent. Cependant une réserve paraît virtuellement contenue dans la conclusion finale, moins rigoureuse dans les termes que la proposition avancée d’abord, car l’opinion des anciens docteurs est seulement présentée comme plus pieuse et plus sûre : Opinio antiquorum dodnrum est magis pia et securior quam opinio quorumdam modernorum.

L’écrit de Vincent Bandelli ne pouvait passer inaperçu ; il le pouvait d’autant moins que le pontife régnant. Sixte IV ou François de la Rovére, avait été frère mineur. Sous son impulsion, il y eut à Rome, entre des prêtres séculiers et des religieux, une discussion publique où le principal champion du privilège fut le général des franciscains, François Insuber, de Brescia, surnommé Samson. Cette discussion aurait eu lieu dès 1475, d’après Roskovâny, op. cit., t. i, p. 411, et d’après d’autres auteurs, seulement deux ans plus tard. Ce qui est incontestable, c’est que vers l’époque où parut le lvbellus rccollectorius, un frère mineur, Léonard de Xogarole, soumit à l’approbation de Sixte IV un office propre de la Conception qu’il avait composé. C’était l’office Sicut lilium, ainsi dénommé d’après les premiers mots de la première antienne des Vêpres. Une messe, Egredimini et videte, était adjointe. Pierre de Alva, Armomentnrium seraphicum et Regestum universale tuendo titulo immarulatæ conceptionis, Madrid, 1649, col. 214 du Regestum.

Il aurait été difficile de faire une profession plus explicite du glorieux privilège. Dans le verset qui suivait l’hymne de vêpres, l’immaculée conception, l’innocence originelle de la N’icrge étaient acclamées : Jmmarulata conceptio est hodic.sanctir Mariæ. virginis, ruius innocentia indita cunclas illustrât ccclesias. A matines, les fidèles étaient invités h célébrer V immaculée conception de la vierge Marie et à adorer .Notrc-Seigneur Jcsus-Christ qui l’avait préscrvée : Immarulutiim conceptioncm virginis Mariæ celebremus. CMristum cius prn’servalorem udoremus Dominum, La collecte, celle de la fêle actuelle, était surtout remarquable, parce qu’elle n’énonçait pas seulement le privilège, mais le reliait à sa cause méritoire, la mort rédemptrice du Sauveur, et à son motif, la préparalion d’une demeure digne du Verbe incarne : Deus, qui per immaculatam Virginis conceptioncm dignum Filio tuo habitaculum prirparasti : quirsumus, ul qui ex morte eiusdrm Filii lui privvisa cam ab omni labe prw DICT. DK THI^OI, . CATIIOI, .

servasti, nos qaoque mundos eius intercessione ad te pervenirc concédas.

Tel était l’office que Léonard de Nogarole présentait au pape en sollicitant des indulgences pour ceux qui le réciteraient : Hoc saltem postremo obtentum sil, Pater sancte, ut qui hoc a te emendandum, quod humiliter ofjerimus, digna devotione celebraverint conceptionis officium, indulgenliarum tuarum partem, quam ipse l’olueris, captant. Roskovâny, op. cit., t. t. p. 122. La réponse fut la constitution Cum præe.rcelsa, 29 avril 147(). E.xtravagantes communes, t. III, tit. xii, de reliquiis et veneratione sanctorum. c. 1. Sixte l accordait les indulgences concédées au concile de Constance pour la fête du Saint-Sacrement, « à tous les fidèles qui, le huit décembre et pendant l’octave, célébreraient la messe et réciteraient l’office de la conception ou assisteraient aux heures canoniales de cet office, suivant l’ordonnance pieuse, dévote et louable de notre cher fils, Léonard de Nogarole, clerc de Vérone, notre notaire, et conformément à l’institution que nous avons faite de cette messe et de cet office. »

La constitution Cum prwexcelsa ne mit pas fin à la controverse. En 1477, Hercule d’Esté, duc de Ferrare, provoqua une discussion publique qui eut lieu dans cette ville. Les deux principaux champions furent, du côté des frères prêcheurs, Vincent Bandelli, et du côté des mineurs, Bernardin de Feltre, dont les arguments furent publiés en 1502 ; Octo rationes pro immaculata virginis Maria’conceptione. Le résultat fut nul, chacun s’attribuant la victoire. Bientôt, cependant, les défenseurs du privilège obtinrent un second triomplie. L’n nouvel office fut composé et présenté à Sixte IV par Bernardin de Busti, franciscain, auteur d’un Mariale, dont la F^ partie comprend neuf sermons sur l’immaculée conception. Le privilège n’y était pas moins nettement exprimé. Dans l’antienne du Magnificat, Marie chantait Magnificat anima mea Domi- : num, et exsultavii spiritus meus in Deo saluiari meo, Q vi

ME PR.ESEIÎVAVIT AB ORIGINALI PECCATO, allcluia,

alléluia, alléluia. L’invitatoire était : De immaculato CONCEPTV virginis, iubilemus Deo saluiari nostro ; et la collecte : Deus qui immaculatam virginem Mariam, ut digna filii lui mater existeret, AB OM.M LABE

PECVATI IN CONCEPTIONE SUA PR.KSERVASTI, tribuc

qu{Fsumus, ut qui eius innocentie puritatem veracilcr credimus, ipsam pro nobis apud le semper inlercedere sentiamus. Les antiennes étaient à l’avenant, comme celle-ci, la première des secondes Vêpres : Tota pulchra es. Maria, et macula originalis non est in le. Bernardin de Busti, Mariale, Lyon, 1502, à la suite des sermons, p. xi.ix ; cf. Dreves, Analectn lu/mnica, t. xxiii, p. 61 sq. Sixte IV approuva cet office comme il avait approuvé l’autre, quoique d’une façon moins solennelle, bref Libenler ad ca, 4 octobre 1480.

C’est alors que Vincent Bandelli fit paraître, en le dédiant au duc de Ferrare, un second écrit, plus considérable que le premier : Tractatus de singulari puritede et privrogativa Salvatoris nostri Jcsu C.hristi ex auctorilale ducentorum scxaginta doctorum clarissimorum, Bologne, 14H1. Dans une F" partie, après des notions générales sur l’état primitif t lee))éché originel, il aborde et poursuit en dix-neuf chapitres l’cnumération des témoignages « de docteurs illustres » ciu’il prétend favorables à sa première et principale conclusion : « La bienheureuse vierge Marie a été, comme les autres hommes, conçue dans le péché originel. » I-"n tête, l’ierre Lombard ; puis, des textes de Pères, 1 i de saint Augustin, 15 de saint Ambroise, 5 de saint .Jérôme, 6 de saint flrégoire, .’M de divers autres depuis saint Irénée jusqu’à saint Bernard, Il de souverains pontifes, 22 de canonisles émincnts, 47 d’anciens théologiens (y compris Sedulius) ; puis, des textes.

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(le docteurs appartenant à des ordres religieux, 14 cisterciens, 72 dominicains, 32 franciscains, 10 augustins, 2 carmes. A quoi s’ajoutent des textes scripturaires et six raisons théologiques qui ne présentent rien de nouveau, (^ela fait, Bandelli développe, c. xxxiii-XXXIX, cette seconde conclusion : « Dire que la bienheureuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel, c’est avancer une assertion non conforme à la piété, non est piiim : » mais, au cours de la discussion, la formule de négative devient positive : est impium. A l’opposé, une troisième conclusion, c. xi, : " L’opinion suivant laquelle la bienheureuse ^’ierge a contracté le péché originel dans sa conception, est très conforme à la saine piété, maximæ congruil fidei pielati. » Enfin trois conséquences pratiques étaient tirées : 1° « Croire ou affirmer obstinément, perlinaciler, que la bienheureuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel est chose illicite, non est licitum. » 2° « Prêcher d’une façon catégorique, asscrtive, que la bienheureuse Vierge a été exempte du péché originel dans sa conception, est chose illicite, non est licitum. » 3° « Assister aux sermons où l’on prêche que la bienheureuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel, est chose dangereuse, periculosum est. »

Dans la 11’= partie du livre, Bandelli réfutait les arguments que les défenseurs du privilège avaient apportés à la conférence de Ferrare. Deux de ses réponses doivent être signalées. On avait fait appel à la fête de la conception, célébrée par l’Église ; Bandelli soutient qu’il s’agit de la conception spirituelle, de conceptione secundum spiritum, qua fuit conccpla Dec : en d’autres termes, de la sanctification de Marie, distincte et séparée de la conception proprement dite par un intervalle de temps très court et pour ainsi dire imperceptible, modica et quasi imperceptibili morula. On avait allégué les indulgences accordées par le pape à ceux qui réciteraient l’office composé par Léonard de Nogarole ; Bandelli fait la même réponse, en l’accompagnant de cette réflexion hardie : « Si toutefois le seigneur pape a vu cet office, ce que beaucoup contestent, à cause detantdeclioses futiles qu’on y dit, propter mulla verba nuçjaloria qua ; in illo conlinentur. »

Ce n’est pas le lieu de soumettre au creuset de la critique les deux cent soixante témoignages allégués dans cet ouvrage. Ils se ramènent à deux catégories générales, suivant qu’ils sont empruntés aux Livres saints et aux Pères, ou bien aux théologiens scolastiques à partir de saint Anselme. Beaucoup des premiers se réduisent à des affirmations générales sur l’universalité de la rédemption et du péché originel ou sur la connexion entre ce dernier et la concupiscence inhérente à l’acte générateur dans l’ordre actuel. (>cs affirmations prouvent bien que, d’après les Pères, Marie tombait de droit sous la loi commune, mais elles restent en dehors du point précis de la controverse : une préservation de fait, en vertu d’une dérogation spéciale et privilégiée. Sans parler de la question d’authenticité ou d’intégrité ou d’autorité réelle, qui se pose en certains cas, les témoignages des docteurs scolastiques, défavorables à la pieuse croyance, ne tranchaient pas pareux-mêmes le débat, puisqu’à ces témoignages on pouvait opposer des témoignages contraires, de plus en plus nomlireux, et qu’en outre, d’autres éléments de solution intervenaient en ligne de compte, suivant l’idée contenue dans cette remarque humoristique du P. Déodat Marie : « Bandelh, en 1481, citait 260 docteurs très illustres ; les franciscains se défendaient avec l’autorité de 360 livres liturgiques, missels, bréviaires, livres d’heures, calendriers. » Un tournoi theolugique, I-e Havre, 1907, p. 83.

Un autre point de vue était à considérer : la façon dont l’auteur du livre avait traité la pieuse croyance ou ses défenseurs, et l’interprétation qu’il avait donnée

de la constitution Cum præexcelsa. Sixte IV ne goûta ni l’une ni l’autre ; dans une seconde bulle émise en 1482, Grave nimis, il déclara fausses et erronées, jalsas et erroneas ac a oerilUe aliénas, les assertions de ceux qui prétendaient appliquer à la seule conception spirituelle ou sanctification de la glorieuse’ierge la fêle célébrée par l’Église romaine, ou accuser d’hérésie les partisans de la pieuse croyance. Ceux qui oseraient proférer ces assertions seraient, par le fait mêmr, excommuniés. L’année suivante, le 4 septembre, nouvelle bulle, ou plutôt reprise de la précédente, avec cette particularité que la réprobation et les censures ecclésiastiques atteignent aussi quiconque affirmerait qu’il y a péché, soit à célébrer l’office de la Conception, soit à écouter les sermons où l’on prêche le glorieux privilège. C’est sous cette dernière forme que la constitution Grave nimis a été insérée dans le Corpus juris. Extravagantes communes, loc. cit., c. 2.

Cet acte clôt la première étape dans la série des actes officiels du saint-siège en faveur de la pieusecroyance. Un double résultat était acquis : maintenant, la fête de la Conception était non seulement approuvée, mais formellement acceptée par l’Église romaine ; en outre, le saint-siège prenait la défense de la pieuse croyance, en ce sens qu’il ne permettait plus de faire intervenir, à son sujet, les mots d’hérésie ni de péché. Un siècle et demi plus tard, le 31 août 1617, le cardinal Bellarmin émettra dans un vote célèbre cette proposition : Non poiesi de finir i sententiam communiorem (celle qui soutient le privilège) esse hæreticam ; c’est à la constitution de Sixte l qu’il se référera : Probedur, quia Ecclesiu seu sedes apostolica definivit contrarium. Sixtus enim IV in extravaganti grave sjmiîj expresse définit eos qui dicunt hærelicum esse dicere beatam Virginem sine peccato originali esse conceptam. falsiim dicere et excommunicat illos excommunicationc reservata summo pontifici. Le Bachelet, Ven. Servi Dei Roberti card. Bellarmini de immacukda beatæ virginis Mariæ votum, Paris, 1905, p. 29.

Littérature de l’époque : A. de Roskovâny, op. cit., t. i, p. 115 sq., 262 sq., 287 ; Pierre de Al va, ouvrages cités ; Mgr Malou, op. cit., t. ii, p. 146 sq. ; H. Holzapfel, Billiutheca /ranciscana, auteurs franciscains du xv siècle.

Documents liturgiques : G. Dreves, Analecia hymnica, passim ; A. Noyon, dossier ms. ; Passaglia, op. cit., t. ii ;. n. 1687 sq. ; Mgr Malou, op. c17., t.i, p. 142 sq.

Constitutions si.xtines : Roskovâny, op. f17., t.i, p. 122sq. ; Plazza, op. cit., p. 229 sq.

11. DE SIXTE IV A ALEXANDRE VU (1485-1687) : GÉNÉRALISATION DE LA CROYANCE ET DÉTERMINA-TION DE L’OBJET DE LA FÊTE. — Les deux choses sont dans un rapport d’étroite dépendance, car c’est dans la mesure même où la croyance à l’immaculée conception de Marie se généralise, que la fête prend de plus en plus nettement un sens immaculiste ; sens consacré, à la fin de cette période, par la bulle Sollicitudo, d’Alexandre VIL L’opposition persiste de la part d’une minorité qui va toujours en diminuant. Cette circonstance impose aux autres la nécessite de continuer l’ancienne lutte, et même de défendre les actes pontificaux qui favorisent la pieuse croyance ; parallèlement, un travail théologique se poursuit, ayant pour objet divers points relatifs à l’explication du glorieux privilège : degré de certitude qu’on peut attribuer à la pieuse croyance, perfection et moment précis de la sanctification première de la bienheureuse S’ierge, nature de la dette du péché à laquelle elle fui soumise.

1 » Apres les constitutions sixtines : opposition et défense. — L’énergique intervention de Sixte IN" contint les ardeurs de ceux qui attaquaient le privilège mariai, mais seulement pour quelque temps. Dès 1494, parut à’enise un écrit composé par le dominicain 112 :

IMMACULEE CONCEPTION

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Pierre de Vicence : Opusculum de verilate conceplionis beaiissimæ viryinis Marias, s. 1. n. d. Le genre du travail est indiqué à la page 8, où le titre est répété, avec cette addition : in qiio contincntiir dicta ducentorum sexdecim doclorum de conceplione bealæ Virginis. C’était, en somme, une reprise du traité de Bandelli, utilisé dans sa partie positive. Réimprimé à Toulouse deux siècles plus tard, cet opuscule fut condamné en 1040 par la faculté de théologie de cette ville ; peu après, il fut passé au crible d’une juste critique par le jésuite Pierre Poussincs, Viiicenlia uiclus sive conjiilalio libri cui titulus est, Fratris Pétri de Vinrentia opusculum de veritate conceptionis bealissimir virginis Maria’. Montauban, 1660.

Vincent Bandelli, devenu général de son ordre (15011506), rentra lui-même en scène d’une autre façon, s’il est vrai, comme on l’affirme communément, qu’il composa pour la fête du 8 décembre un office, dont la principale originalité consiste dans le remplacement du mot de conception par celui de sanctification. Ainsi lit-on dans l’invitatoire : Saxctificatwnem virginis Maria’cclebremus, Christum eius Filium adoremus Dominum. De même, dans la collecte où la portée de la substitution se révèle nettement : Dcus, qui beatissimam virginem Mariam post unimæ injusionem per copiosum gratiæ munus mirabililer ab omni peccali macula mundasti et in sanctiledis purilale poslea confirmasti, prœsta quæsumus, ut qui in lionorcm suæ SASCTiFlCATioms coiujregamur, eius intercessionibus a le de instantibus periculis eruumur. Pierre de Alva, Regeslum universale, col. 220, d’après un bréviaire dominicain de 1527, où il est dit : // ! sanctificatione bealissimie virginis Muriic, fud ofjicium per i^mum. p. Mag. Vincentium de Castronovo, totius ordinis nosiri olini generalem mugistrum editum.

Les défenseurs du privilège ne firent pas défauL Une vingtaine d’écrits composés à cette occasion, de 148C à 151.3, ont été reproduits par le même compilateur ; quelques noms méritent d’être signalés. Dans les Monumenla antiqua seraphica : p. 377, Louis délia Terre, de Vérone, Traclatus de conceplione beutsc virginis Mariir. adressé « aux vrais dévots de la Vierge et à ceux qui sont affectionnés à sa conception toute bénie, » Brescia, 1186 ; p. 5.33, Antoine Bonito de Cuccaro, évoque d’Acerno (1501-1510), Elucidarius virginis, de conceplione incontaminalie Virginis gloriosæ, dont la première partie énumère tout au long les autorités invoquées par Bandelli, et les deux autres contiennent les preuves de la thèse opposée et la réfutation des arguments adverses. Dans les Monumenla anliqua ex variis auctoribus, t. i : Dominique Bollani, Traclatus de immaculnla Virginis conceplione, avant 1492 ; Jean de Meppis, augustin allemand, qui cite beaucoup d’écrivains de son ordre, Traclatus de immaculalie Virginis conceplione, 1482 ; au t. ii : Paul de Heredia, espagnol, converti du judaïsme, /)c conceplu immuculutic Deipuræ Virginis, présenté au pape Innocent VIII (1484-1492) ; Robert Gaguin, trinilaire († 1501), Traclatus de conceplione beativ virginis Maritc centra Vincentium de Castronovo ; surtout Jean Clichtoue, De purilale conceplionis bcalæ Mariir virginis libri duo, Paris, 1513.

La plupart de ces écrits font peu avancer la question ; les auteurs utilisent les travaux de leurs devanciers et repoussent de leur mieux les attaques portées contre la pieuse croyance ; ils ont surtout l’avantage de la vulgariser. Ils savent reconnaître la liberté d’opinion laissée par le saint-siègc, mais en même temps réclamer le respect dû à la pieuse croyance : Ex lilterarum igitur apuslolicarum lenorc palet, qualiler quæ magis placcl opinio leneri potest, licet non minus patral quam grave sil de hirresi imjiugnarc (eos) qui i mulrcm iJomini de cjus perlecla innocenlia luudare

sludent. Louis délia Torre, loc. cit., p. 438. Ils savent aussi tirer parti du sens que, dans la constitution Grave nimis. Sixte IV avait attribué à la célébration de la fête : Ecclesia sacrosancta agit (estuni CONCEFTiokis, cl non sanctificationis. Bollandi, loc. cit., p. 320.

Généralisation de la croyance.

Simple fait, que

nous constaterons en consultant plusieurs milieux, propres à témoigner du sentiment commun : les universités, les ordres religieux, les simples fidèles et les pasteurs.

1. Adhésion des universités.

Dès 1507, Antoine Benito nomme dans son Elucidarius comme acquises à la pieuse croyance, les universités de Paris, d’Oxford, de Cambridge, de Toulouse, de Bologne : Xec non universitates Parisicnsis, Oxoniensis, Cantabrigensis ac Tolosana, et plures alix idem firmiler asserentes, nobiscum, sicut Bononiensis. Loc. cit., p. 030. Cette adhésion se confirme et se manifeste par des actes éclatants, dont le principal est l’imposition du serment dit « de l’immaculée conception. »

a) La Sorbonne. — Les constitutions sixlines étaient de nature à exciter le zèle de la grande université française dans l’affirmation et la défense du glorieux privilège ; on le vit bientôt. En 1495, un frère mineur, prêchant à Saint-Germain l’Auxerrois, le 8 décembre, eut la singulière idée d’exposer alternativement, matin et soir, les deux opinions relatives à la conception de la Vierge, et d’abord l’opinion contraire au l)rivilège, en se servant aussi malencontreusement que métaphoriquement de ce texte, Joa., viii, 4 : Hac millier modo deprchensa est in adullerio. Le scandale fut considérable, et l’orateur dut faire, publiquement, amende honorable. D’Argentré, CoUeclio, 1. 1 b, p. 332. Deux ans plus tard, un dominicain, Jean Le ^’er, prêchant à Dieppe, avança cette proposition : « La bienheureuse’ierge a été purifiée de la faute originelle », et posa en même temps cette question ; autrement, « comment aurait-elle pu réciter l’oraison dominicale, en particulier ces mots : Dimilie nobis débita nostra ? » Enfin il ajouta qu’il n’y avait « ni péché grave ni hérésie à dire qu’elle a été conçue dans le l)éché originel. » La faculté de théologie censura ces propositions, la première connue fausse, impie et olTcnsive des oreilles pieuses, tendant à écarter les fidèles de la dévotion envers l’immaculée conception de la glorieuse vierge Alarie, mère de Noire-Seigneur Jésus-( ; hrist, et contraire au culte ecclésiastique, à la droite raison, à la sainte Éciiture, et à la foi. » I-^u conséquence, Jean Le ^’er dut faire, le 16 septembre 1497, rétractation et réparation solennelle. D’Argentré, ibid., p. 336 sq.

(^e fut à cette occasion que la Sorbonne prit une mesure d’une grande portée. Le 3 mars de la même année (1496 dans l’ancien style), elle décréta que, désormais, tous ceuxqui voudraient obtenir les grades académiques, devraient s’engager par serment à défendre l’immaculée conception de Marie ; Slaluenles ut nemo deinceps sacro huic nostro rollegiu adscribatur. nisi se liujus religiosiv doctrinæ asscrlorcm strenuumque propugnalorem scmpcr pro viribus fulurum simili inramento profileatur. Ibid., p. 333. Le décret fut publié le 23 août et le serment prêté le 17 scptembrc par 112 docteurs, 82 de rigore promoti dont les noms sont donnés par, Iean Trilhemius, à la fin d’un écrit intitulé : De purissima et immaculaln conceplione virginis .Maria’, et de Icslivitate sancte Anne matris eius, s. I. n. d. On y remarque 47 docteurs appartenant à des ordres religieux : 8 bénédictins, 3 cisterciens, 1 prémontré, L3 dominicains, 8 franciscains, 7 augustins, 5 carmes et 1 servile.

La Sorbonne jiril cet engagement au sérieux ; elle le prouva en plusieurs circonstances notables, (I (l’abord à propos des erreurs de Luther. Sur ce point

comme sur beaucoup d’aulrcs, la doctrine du grand hérésiartiue manque de cohérence. Dans une homélie pour le jour de la conccplion de Marie, mère de Dieu, il enseigne le privilège. Il commence par expliquer ce qu’est le péché originel, la connaissance de ce péché étant nécessaire, dit-il, pour comprendre comment Marie en fut préservée : « be l’avis conunun des docteurs, le péché originel n’est pas autre chose que la privation de la justice originelle, conséquence et punition du premier péché commis par Adam au paradis terrestre. » Il expose ensuite les diverses opinions : puis, après avoir établi la distinction courante entre conception active et conception passive, il conclut : « Je ne parle pas de la première conception. Mais pour l’autre, qui consiste dans l’infusion de l’âme, c’est une pieuse croyance, pie creditur, qu’elle s’est faite sans le péché originel, en sorte qu’au moment même de l’union de son âme et de son corps, Marie a été purifiée du péché originel ; elle a été rachetée par la grâce divine, mais de telle sorte, qu’elle a reçu de Dieu immédiatement une âme sainte. C’est là ce que signifient les paroles de l’ange Gabriel : Vous êtes bénie entre toutes les femmes. On ne pourrait pas lui dire ainsi : Vous êtes bénie, si jamais elle avait été sous le coup de la malédiction. Du reste, n’était-il pas convenable et juste que Dieu préservât du péché d’origine celle qui devait donner au Christ la chair destinée à elïacer tous les péchés ? » Enarrationes seu Postillæ Martini Lutheri in Lectiones quæ ex evangelicis historiis, apostolorum scriptis… per universum annum… recitantur, Strasbourg, 1530, p. 360.

D’autres passages, dans les œuvres de Luther, contiennent une autre doctrine. Roskovâny, op. cit., t. I, p. 136. Ce qui attira l’attention de la Sorbonne, ce fut cette proposition, comprise dans une série d’extraits de divers écrits : « L’opinion contraire à celle qui affirme la conception sans tache, n’est pas réprouvée. Cuntradictoria luijus propositionis : Beata Virgo est concepta sine peccalo oriyinali, non est reprobata. » Ce n’était pas rejeter absolument la pieuse croyance, c’était seulement nier qu’elle s’imposât, et, par conséquent, ne pas tenir compte du décret de Bâle. Le 15 avril 1521, la proposition fut déclarée « fausse et proférée, par ignorance et impiété, contre l’honneur de la Vierge immaculée : falsa, iynoranter et impie contra honorem immaculalæ Virginis asserta. D’Argentré, 1. 1 b, p. 369. Quelque chose d’approchant se retrouve dans la critique d’une assertion d’Érasme, faite en 1528 par un docteur de la faculté de théologie, Noël Bède. Ibid., t. m b, p. 51 ; Roskovâny, op. cit., t. I, p. 383.

La Sorbonne fut plus sévère encore dans deux autres circonstances. Un dominicain ayant insinué en 1543, que la vierge Marie avait eu besoin d’une rédemption libératrice, ereptiva, l’assertion fut condamnée comme « hérétique et injurieuse à la très sainte vieige Marie. » D’Argentré, t. ii a, p. 138. L’autre jugement, porté en 1560, concernait la doctrine soutenue dans les propositions 72 et 73 de Baius. Denzinger, Enchiridion, n. 1072 sq. Doctrine énoncée comme il suit dans le texte sorbonnique :

Nemo, præter Christum,

est absque peccato origlnali ;

hinc beata Virgo mortua est

propter peccatum ex Adam

contractum, omnesque ejus

afllictiones in hac vita, sicut

et aliorum justorum, fuerunt

ultiones peccati actualis vel

originalis. Unde et Job pas sus est, et martyres, propter

pcccata sua.

Personne, hors le Christ,

n’est exempt du péché origi nel ; la sainte Vierge est donc

morte à cause du péché

qu’elle avait contracté d’A dam, et toutes les afllictions

qu’elle a éprouvées ici-bas,

ont été pour elle, comme

pour les autres justes, des

châtiments du péché actuel

ou originel. De même, Job et

les martyrs ont souffert pour

leurs péchés.

Cette proposition fut déclarée « hérétique en toutes ses parties et injurieuse envers la bienheureuse vierge Marie et les saints. « D’Argentré, t. ii a, p. 204. Cf. Baius, t. ii, col. 108-110.

On voit, par ces censures, que l’université de Paris tenait et imposait comme vérité de foi la doctrine del’immaculée conception, en s’appuyant sur le décret de Bâle. Cette prétention occasionna plus tard un conflit entre elle et Maldonat.

b) Universités allemandes. — Plusieurs controverses préludèrent à l’imposition d’un serment, comme à Paris. La première eut lieu à Leipzig, en 1489 et 1490, entre les dominicains, d’une part, et de l’autre, les franciscains soutenus par la faculté de droit. Divers écrits furent publiés, surtout par Georges de Frickenhauser, principal champion des frères prêcheurs, et par le professeur JeanBreitenbach, dans un sens contraire. Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 293. Trois pièces, indiquées à cet endroit, ont été reproduites par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex novem auctoribus : p. 439, Disputatio brevissima de immaculato conceptu Virginis gloriosæ, Leipzig, 1489, mis sous le nom de Sébastien Brand, mais attribué à Breitenbach par Roskovâny ; p. 480, Clypeus contra iacula adversus sacrum et immaculalam virginis Mariée conceplionem volitantia, per modum trium sermonum, Leipzig, 1490 ; p. 509, Quæstio de immaculata conceptione cum sua determinatione : Utrum Virgo davidica in mente divina ab seterno prseordinata, habens esse in Deo secundum rationem idealem, peccati originalis fuerit obnoxia, quando erat concepta secundum communem legem cursumque naturalem ? Cette manière de poser la question indique clairement que le défenseur du privilège rattache l’exemption du péché originel en ]Marie à son éternelle prédestination comme mère de Dieu.

L’autre controverse eut pour point de départ un traité du vénérable abbé de Spanheim, Jean Tritheniius († 1516) : De laudibus S. Annæ malris beatissimæ Dei genitricis et virginis Mariée, Leipzig, 1494. Sur la demande de religieux carmes, il y avait inséré un chapitre sur l’immaculée conception : Quod sancta Anna mater filiam suam benedictam Dei genilricem sine originali macula concepit, c. vu. L’argument tiré du culte était mis à profit : « Voici que l’Église vénère la conception de la mère de Dieu comme pure et sans tache, voici qu’elle en célèbre pieusement la fête chaque année, et des hommes artificieux s’efforcent, par une témérité présomptueuse, de la souiller ! » Passage cité plus complètement par Mgr Alalou, op. cit., t. II, p. 150. Un dominicain de Francfort-sur-le-Mein, Wigand Wirth († 1519), répondit en déclarant hérétique quiconque osait exempter Marie de la tache originelle. Une discussion s’ensuivit, où l’abbé de Spanheim rappela son adversaire à la modération et à une juste appréciation des choses : « Il est vraiment étrange que vous prétendiez diriger l’Église de Dieu dans la défense de la foi ; au lieu de vous réjouir de ce que l’Église ne vous force pas à reconnaître la tache originelle en ISIarie, vous prétendez découvrir en elle cette tache malgré l’Église. » Le recteur et des rhaîtres de l’université de Cologne s’entremirent ; ils obtinrent de Wigand qu’il retirât ce qu’il avait avancé et fît amende honorable à Trithemius. Roskovâny, 1. 1, p. 294 ; d’Argentré, 1. 1 b, p. 331.

Peu après, le même dominicain s’attira, par des paroles dites en chaire, de nouvelles difficultés avec divers personnages, particulièrement avec le curé de Francfort, Conral Hensel, qui lui répliqua vertement. Des plaintes en diffamation contre ce dernier furent portées à l’évêque de Strasbourg par Wirth et ses confrères ; mais Sébastien Brant prit la défense de Hensel et justifia sa conduite. Wirth n’eut pas plus de succès à Rome, où il se rendit pour soutenir sa cause et aussi

pour se soustraire aux dangers que le mécontentement des fidèles lui faisait courir à Francfort. Roskovâny, t. I, p. 294 ; G. Steitz, exposé de toute l’affaire dans Archiv fur Frankfurlen Geschichle and Kunst, 1877, t. VI, p. 1-36.

Ces controverses tournèrent à l’avantage de la pieuse croyance. Les universités de Cologne et de Mayence suivirent, en 1499 et en 1500, l’exemple donné par la Sorbonne : elles inscrivirent dans leurs statuts l’obligation, pour tous leurs membres, de tenir la doctrine de l’immaculée conception. Roskovâny, op. cit., t. i, p. 131 sq. ; Jean de Paltz, augustin, Tradatus pro immaculala conceptione virginis Mariæ, Leipzig, 1510, dans Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. i, p. 398, 401. D’autres universités prirent ensuite la même mesure : Vienne en 1501 et de nouveau en 1649, sur la demande de l’empereur Ferdinand III ; Ingolstadt, 1653 ; Tyrnau, 1656 ; Salzbourg, 1697. En Pologne, Cracovie établit aussi le serment.

c) Universités espagnoles. — Quelques lignes d’un religieux augustin, Jaime Ferez (Jacobus de Valentia), évèquc de Christopolis († 1490), témoignent de la fermeté et de la netteté avec lesquelles le glorieux privilège s’énonçait en Espagne à la fin du xve siècle : Deus Altissimiis sanctificavil et lœtificavit, et flumine gratiæ ornavit Virginem matrem suam in primo instanli sui esse et anima’creationis et infusionis, et per consequens illa sanctissima anima simul fuit unita cl sanctificata et in illo sanctissima cor pore infusa, et corpus simul cum anima sanctificalum. Comment, ps. XLV, Lyon, 1540, fol. 147. Cependant, il n’est pas encore question alors, dans les universités du serment de l’immaculée conception. L’initiative vint de ^’alence, en 1530, à la suite d’un cas semblable à celui qui avait déterminé la Sorbonne. Barcelone et Osuna suivirent à des dates non fixées. A un moment donné, les universités rivalisent de zèle pour établir le serment : en 1617, Grenade, Alcala, Bacza, Santiago, Tolède, Saragosse ; en 1618, Salamanque ; en 1619, Huesca ; d’autres ensuite. Môme mesure fut prise, en Portugal, à Coïmbre et à Evora ; puis, en dehors de la péninsule ibérique, dans des régions soumises à l’influence espagnole : à Naples, 1618, et à Palerme ; dans les Flandres, à Douai, 1662.

L’énumération est loin d’être complète. On a pu dire qu’au milieu du xvii<e siècle, la pieuse croyance était omciellement acceptée par près de 150 universités ou collèges, dont un tiers avait formellement admis le serment. L. Kostcrs, Maria, die unbefleckt Empfangene, Ratisbonne, 1905, p. 125. lue telle adhésion des corps enseignants entraînait pour la doctrine de l’immaculée conception un double avantage : cette doctrine trouvait, dans les membres de ces universités, des apôtres qui la promouvaient en l’enseignant, et les mêmes devenaient, à l’occasion, ses défenseurs, comme tant d’exemples en font foi.

Aug. de Roskovâny, op. cit., t. i, p. 128 sq. ; t. ix, p. 720 sq. ; Mgr Péclicnard, L’immaculée conception et l’ancienne iiniuersité de Paris, toc. cit., p. 386 sq. ; H. Lesétre, L’immaculée conception et l’Uglisc de Paris, p. 82 sq. ; S. Bcissel, Geschichte der Verebrung Maria.t im XVI und X Vil.Jahrhunderl, p. 227 sq. ; Immaculata und Main : er Ilocbschulc, 1497, 1001, dans la revue Der Kattiolik, Mayencc, 1904, p. 240 ; R. Hittmair, Die Lehre von der unbelleckten Hmpfàngniss an der Uniuersitot Salzburg, I.inz, 1800 ; cf. U. Baltus, Le dogme de l’immaculée conception et l’université de Sahbourg, dans la Revue bénédictine, Marodsous, 1896, t. XIII, p. 529 ; R. Pcrkmnnn, Lur Gexchichte tier Wiener Vnioersitat, Leipzig, ise. !, p. 23."$ sq. ;.r. Mir, Lu inmaculada concepciôn, c. xxiil ; M. Ilcrnàdez Villacsnisa, La inmaculada concepciàn y las IJniversidades espapolas, 2’édit., OrSatc, 1901 ; A. Pcréz, La concepcion inmuculada de la Vtrgen y la Universidad de Snlamanca en ri siglo XV, dan «  la revue Haz6n y fc, Madrid, 1904, n" extraordinaire, p. 69 ;

Id., La Universidad de Salamanca y la purisima concepcion, ibid., 1905, p. 133, 452.

2. Adhésion des ordres religieux.

Nul besoin de nommer ceux qui, aux siècles précédents, avaient accepté et défendu la pieuse croyance. Leurs théologiens continuent à marcher dans la même voie ; ils multiplient les livres en faveur de cette cause, soutenue avec non moins de zèle par leurs saints, nombreux alors : chez les franciscains, Pierre d’Alcantara († 1562), Pascal Baylon († 1592)..loseph de Cuportino († 1663) ; chez les carmes, Jean de la Croix († 1591) et Thérèse d’Avila (tl582) ; chez les augustins, Jean de Sahagun ou de Saint-Facond († 1479) et Thomas de Villeneuve († 1555) ; chez les minimes, François de Paule, leur fondateur († 1507). Parfois ces ordres imitent les universités ou les villes qui se consacrent au service de l’Immaculée. L’ordre séraphique s’engage par serment, en 1621, à défendre le privilège ; en 1645, il prend pour patronne la bienheureuse vierge Marie conçue sans péché. Roskovâny, op. cit., t. ii, p. 356, 364. En Espagne, les ordres militaires entrent dans la même voie ; le serment est adopté par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem en 1634, par ceux de Santiago, de Calatrava et d’Alcantara en 1650, 1652 et 1653. A Tolède, une noble dame portugaise, Béatrice de Silva, inaugure la série des congrégations de femmes spécialement consacrées à la Vierge sans tache, en fondant, dès 1484, un ordre de religieuses en l’honneur et sous l’invocation de l’immaculée conception de Notre-Dame. Au même diocèse, en 1()39, un couvent de sœurs dominicaines s’érige sous le titre de l’Immaculée Conception. En Italie, un ordre militaire est institué, à Mantoue, l’an 1623. sous le titre de Milicia crisliana et sous le pal rouage de la Conception de la Vierge immaculée.

Aux anciens religieux s’ajoutent, les clercs réguliers : théatins, barnabites, somasques, jésuites, clercs réguliers mineurs ou de la Mère de Dieu ou des Écoles pies. En outre, des congrégations ecclésiastiques se forment : doctrinaires, oratoriens, pieux ouvriers, inétres de la Mission, eudistes, sulpiciens. Tous, sans exception, adhèrent à la pieuse croyance. Parmi ces nouvelles recrues, la Compagnie de Jésus mérite une mention spéciale, pour le nombre des apôtres qu’elle a fournis à la cause de l’immaculée conception et pour l’inlluence qu’un certain nombre ont exercée dans le progrès et le triomphe définitif de cette cause. Dans les règles sur le choix des opinions, édictées en 1593dans la V « congrégation générale, décr. xi.i, la pieuse croyance devint officiellement doctrine de la Compagnie : De conceptione autem B. Mariœ….tequantur sententiam quai magis hoc temporc communis, magisquc recepla apud Iheologos est. Trois quarts de siècle ne s’étaient pas encore écoulés depuis sa fondation, et la Compagnie avait donné à la cause des champions, tels que Lainez, Sahneron, Canisius, Tolet, Bellarniin, Grégoire de Valence, Vasquez, et Suarcz. Tous ses saints s’étaient signalés par une dévotion spéciale envers Marie immaculée ; tels, parmi les plus humbles, saint.lean Berchmans, signant de son jiropre sangle vœu de soutenir et de défendre toujours le glorieux privilège, et saint Alphonse Rodriguez. récitant chaque jour l’office de la (Conception et propageant de toutes ses forces la dévotion à la Vierge sans tache. Mgr Georges Monchamp, Saint Jean lierchmans et r immaculée conception de la vierge Marie, Liège, 1904 ; J. Mir, La inmaculada concepcion, c. ix. n. 12 sq.

Malgré les attaques, convaincues sans doute, mais trop peu modérées d’un certain nombre de ses membres, l’ordre de Saint-Dominique ne resta pas complètement en deliors du mouvement général. En Italie, Ambroise Catharin († 1553) fut un ardent champion de la pieuse croyance..Six de ses écrits relatifs à la

question ont été groupés par Pierre de Alva, Monumenia dominicana pro immaculata conceptione, Louvain, ICCG. Les principaux sont deux traités, dédiés l’un aux Pères du concile de Trente (il en sera question plus loin) et l’autre à ses confrères, à l’occasion de difficultés qui s’étaient élevées entre eux et les Siennois au sujet de la fête de la Conception : Dispulalio pru prrilate immaculativ ronceplionis beatæ virginis Mariæ, ad Paires et Praires ordinis Prædicalorum, Sienne, 1532. Dans cet écrit, divisé en trois livres, Catharin réfute les arguments et les objections des adversaires (Bandelli, Cajétan et autres), expose d’une façon précise l’opinion qu’il soutient et l’établit par des chefs de preuves multiples : docteurs, universités, fidèles, églises, miracles et révélations, raisons théologiques de convenance, sainte Ecriture. Traité remarquable, dans son ensemble, et qui porte la marque d’un esprit vigoureux. L’auteur fait remarquer aux autres que l’argument d’autorité s’est retourné contre eux : Si nunc jam aiicloritale vclinl contendere, prociil dubiu absorbebunliir. De même pour ce qui concerne l’Église romaine, nettement favorable au privilège ; ce qui amène cette conclusion relativement au docteur angélique : S’il vivait maintenant, il admettrait la pieuse croyance, puisqu’il n’a fait sienne l’opinion contraire que dans la mesure où il croyait y voir la pensée de l’Église. Concludo qiiod opinio Thoinæ contra immaculutam Dominée conceplionem pro tanio est sua, pro quanta sustentari videbatur a sensu Ecclesise, quem tune arbitrabantur.’Loc. cit., p. 150, 181.

Au siècle suivant, un autre dominicain, Thomas Campanella († 1639), composa également en faveur du privilège un écrit, publié par Pierre de Alva dans le môme recueil : Tractatus de immaculata beatæ Virginis conceptione, Naples, 1624. Il exhorte vivement ceux de son ordre à se rallier tous à l’opinion commune, mais il mêle à de justes remarques des assertions étonnantes. D’après lui, la pieuse croyance devrait son origine aux dominicains plutôt qu’aux franciscains, c. VIII : Doctrinam de conceptione beatæ Virginis absque peccato originali non ex franciscanis melioribus ortam esse, sed a dominicanis, licet paulo ante ab episcopo anijlicano. Saint Thomas d’Aquin la soutient dans son commentaire sur le ! « livre des Sentences, et cet enseignement doit être préféré à l’enseignement contraire de la Somme théologique, car c’est son opinion propre que le saint docteur donne dans le premier cas, tandis que, dans le second, il rapporte celle d’autrui, c. xiii : Quod D. Thomas pro conceptionis munditia loquitur ex propriis, contra munditiam ex (dienis. D’autres théologiens dominicains de la même époque, eux aussi partisans du privilège, n’admettaient pas qu’il y eût dans les écrits de saint Thomas divergence de doctrine ; pour tout concilier, ils recouraient à la double distinction déjà signalée : acte et dette du péché originel ; priorité chronologique et priorité de nature ou de raison. Capponi de Porrecta († 1614), Sum. theoL, in III’""part., q. xxir, a. 2 ; Jean de Saint-Thomas († 1644), Tractatus de approbatione et auctoritatc dûctrinæ angelicæ D. Thomæ, disp. II, a. 2, dans Cursus théologiens de cet aut « ur, Paris, 1883, t. i, p. 347 sq.

En France aussi, la pieuse croyance a des défenseurs parmi les dominicains. A Paris, dans les quinze premières années du xvi’e siècle, Guillaume Pépin ( t 1533) prêche à plusieurs reprises sur la conception de Marie et affirme expressément le privilège. L’Église romaine, dit-il au début du premier sermon, ne célèbre que deux conceptions : celle de Jésus-Christ et celle de sa très digne mère ; la raison en est qu’eux seuls ont été conçus saints et sans la tache du péché originel. De cette cité de Dieu qu’est Marie, des choses glorieuses ont été dites par cinq sortes de personnes : patriarches, prophètes, païens (sibylles), anges el

femmes inspirées. Maintenant princes et peuples, unis dans un même concert de louanges, acclament l’immaculée conception de la vierge Marie : Unde fil lauy. una ]>rincipum et populorum in dogmalizatione inle meruliv conceptionis virginis Mariæ. Pierre de Alva, Monumentu dominicana, p. 535, 540, 548. Profession de foi (lui nous dispensera de nous étonner si, dans les Iloræ beatæ Mariæ virginis ad usum Pratrum Pradiralorum ordinis.S’. Dominici, imprimées à Paris en 1529, nous trouvons un office propre de la Conception, où le privilège n’est pas moins nettement exprimé, par exemple, dans la collecte : Deus, qui pro sahiti humant generis carnem gloriosæ virginis Marinassumere dignatus es, el ipsam sine macula concipiendam ante secula in matrem præelegisti… ; ou encore dans l’hymne de sexte : Ave Regina cœlorum, quæ concepta viliorum sine labe purissima. Roskovâny. op. cit., 1. 1, p. 408. Mais il serait illégitime d’attribuer à tous les dominicains de France, à cette époque, l’interprétation donnée par ceux de Paris à la célébration de la fête ; à preuve, les dénégations dont Catharin s’est fait l’écho, dans son écrit : Explanatio errorum in controversia super celebralionem conceptionis immaculalæ Virginis inter Praires nostros et Senenses cives oborla. Loc. cit. Les adversaires du privilège répondaient en parlant de leur ordre et en interprétant à leur guise les sentiments de leurs frères de Paris : Est falsum quod in Prancia célèbrent sub tali titulo, id est conceptionis…, solummodo nec libenti animo in conventu Parisius.

Mais c’est surtout en Espagne que la pieuse croyance compta dès lors de nombreux représentants dans l’ordre de Saint-Dominique. Parmi une dizaine d’orateurs distingués que cite le Père Jean Mir, op. cit., c. xiv, prenons, à titre d’exemple, saint Louis Bertrand († 1581). Dans un sermon prêché en 1563, il rapporte le culte à la conception même et le justifie par l’absence en Marie du péché originel : Quoniam autem in hac infnsione, quando anima corporis possessionem primum adivit, nullius peccati originalissordefuil conspurcala.., ideo jure optimo de beatissimæ Virginis conceptione festum cclebramus. Ce fut là le premier des don’~ privilégiés que la bienheureuse Vierge reçut au début de son existence : quorum primum est maximum gratinbeneficium, qua in sua conceptione ab originali labc prœservata fuit, Roskovâny, 1. 1, p. 415. Dans un appendice à la ie de saint Louis Bertrand qu’il a composée. Jn Vitam Ludovici Bertrandi, c. iii, un religieux du même ordre, Vincent Justinien Antist († 1599), a inséré dix considérations notables qui furent publiées à Madrid, en 1615, sous la forme d’un petit traité : Trcdado de la inmaculada concepciôn de la Virgen Santisima Nuestra Sefiora. Reproduite, en espagnol et en latin, par Pierre de Alva, Monumenta dominicana, p. 493, la pièce fut traduite plus tard en français : Traité de l’immaculée conception de la très sainti vierge Marie, composé en espagnol par le R. P. Vincent Justinien Antist, de l’ordre des Prescheurs, Paris, 1706. On y lit, § 1 : « Saint Louis Bertrand disait que si les saints anciens vivaient maintenant, ils diraient el écriraient la même chose que nous de la conception immaculée de la reine du ciel, parce que les souverains pontifes et presque toute l’Égfise ont témoigné et témoignent encore favoriser beaucoup cette pieuse et sainte doctrine. » Et ailleurs, § 18 : « En beaucouji de couvents de notre ordre, on fait la fête de la Conception autant solennelle qu’en aucune autre église. Et dans la province d’Andalousie, où il y a de très savants prédicateurs, on célèbre cette fête avec des octaves solennelles, nonobstant le temps de l’Avent ; et la principale cloche de l’église de cette maison a pour inscription : Maria virgo ab omni pecccdo originali immunis luit. »

Fait plus expressif encore, le 24 juin 1618, huit dominicains de la province d’Espagne, tous constitués dans les plus hautes charges, y compris le provincial, adressèrent au pape Paul V une supplique où ils lui demandaient « de daigner enjoindre aux religieux de cette province de réciter l’office et de célébrer la fête de la Conception très pure de la mère de Dieu sous la forme où les autres enfants de l’Église le récitent et la célèbrent ; en outre, d’enjoindre aux mêmes religieux lie prêcher en chaire l’opinion soutenant que la’ierge a été conçue sans le péché originel. « Roskovâny, (ip. cit., t. II, p. 16. Ainsi, sans cesser complètement, l’opposition à la pieuse croyance diminuait-elle fortement là où elle avait ses principaux champions.

Pierre de Aîva, op. cit. ; Aug. de RosUovàny, op. cit., t. I, p. 349-441 ; t. iii, p. 103 sq., 272 sq. (franciscains), 349 sq. (dominicains), 435 sq. (jésuites) ; J. Mir, La inmnctilada concepciùn, c. xiii-xiv (dominicains), xxv (autres ordres) ; H. Holzaplel, Bibliolheca franciscana de immaciilata conceptione bealec Mariæ virginis, et autres nionoj ^rauhies citées col. 1129 ; P. M. Rouard, L’ordine dei Fraii Predicalorie l’imwacolato concepimento délia santissima Vcrqine, Noto, 1865 ; C. Sommervogel, Bibliolheca Mariann de la Comp. de Jésus, c. v, Paris, 1885 ; J. Eiig. de Uriarte. Bibliotlteca de jesuilas espafioles que escribieron.tobra la immaculada concepciôn de Nuestra Sefiora antes de la definicion dogmatica de este misterio. Madrid. 1904 ; G. Filiti, // dogma délia concezione imniacolata di Mariae la Compagnia di Gesà in Sicilia, Palerme, 1904.

.3. Adhésion des fidèles et des pasteurs. — Simple fait qu’il s’agit uniquement de constater, au moins dans les pays restés soumis à l’Église romaine ; car là où la Réforme protestante s’implanta, le culte de la mère de Dieu, en particulier celui de son immaculée conception, disparut avec l’ancienne foi. Chez les catholiques, au contraire, ce fut un merveilleux développement de la dévotion et de la croyance : développement qui tire principalement son importance et sa valeur de ce qu’il s’accomplit avec subordination des fidèles aux pasteurs, de l’Église enseignée à l’Église enseignante.

a) Les fidèles : hommages cultuels. — La fondation (le confréries en l’honneur de la Vierge sans tache nous présente un premier genre d’hommages universellement répandu. Nous avons déjà rencontre de ces pieuses associations, notamment en France, à Rouen et à Paris. Aux xvi<^ et xv !  ! *e siècles, elles se nuiltiplient de tous côtés, avec cette circonstance que le vocable primitif de Conception se précise presque toujours en celui d’Immaculée Conception. Telle, à Paris, la Congrégation de l’Immaculée ( ; oncc]ilion de la très sainte vierge Marie Mère de Dieu, et de saint Louis roi de France, » fondée en 1659 par Charles de Saint(iermain. Lcsctre, op. cit., p. 104. Telles, en lîspagne, de nombreuses confréries, par exemple, à Tolàde, 1522, à Grenade, 1()62, à Saragosse, 1()64, à Saint-. Jacques de Conipostelle, 1667. De même, en Italie : archiconfrérie et confréries de l’Immaculée Conception à Rome, 1635, à Fænza, 1655, à Pise, 1661, etc.

A cette époque des confréries de l’Immaculée (lonceptio ! ! (.talent érigées jusque dans de petits villages de la Lorraine. L’une d’elles existait à (iondreville en 1416. Philippe de queidres, veuve du duc René II, se lit Clarisse au couvent de Pont-à-Mousson, au mois de décembre 151 !). Elle fonda, dans l’église du monastère, une chapelle en l’honneur de l’immaculée conception de la vierge Marie. Son fils le cardinal.Jean de Lorraine, évcque de Toul, en 1535, enrichit d’Indulgences la chapelle fondée par sa pieuse mère ; la partie de la ville où elle ! >c trouvait, étant sur la rive gauche de la Moselle, dépendait du diocèse de Toul. l’ne autre chaj )clle en l’honneur du même privilège mariai avait été érigée à Saint-Epore de.Nancy, dès la fondation de la paroisse. Les fidèles y faisaient célébrer beaucoup de

messes, et, en 1649, dans sa Dissertation historique sur la ville de Nancy, demeurée manuscrite, Renel énumérait une vingtaine de fondations qui existaient de son temps. A Lagney, la confrérie de Notre-Dame Conception réunissant les hommes et les femmes du village, était antérieure à 1569. Cette année-là, les statuts furent renouvelés, et on les observa jusqu’en 1737. L’abbé Déblaye les a publiés dans le Journal de la Société d’archéoloç/ie lorraine, novembre 1865. A Senoncourt, les statuts de la Sainte et immaculée Conception Notre-Dame avaient aussi été renouvelés le 14 juillet 1615 et approuvés par Mgr de Maillane, évêque de Toul. Le règlement de la confrérie de la petite ville forte de La Mothe fut confirmé de même en 1616. Archives d’Outremicourt (Haute-Marne). Crévic avait encore alors sa confrérie. Voir Guillaume, Histoire du culte de la très sainte Vierge en Lorraine, Nancy, s. d. (1858), p. 77-102 ; E. Martin, Histoire des diocèses de Toul, de Nancy et de Saint-Dic, Nancy, 1900, t. II, p. 177 sq.

Un des premiers soins de saint Pierre Fourier, nommé curé de Mattaincourt, le 28 mai 1597, fut « de tirer de la poussière » la confrérie de l’innnaculée conception, qui se mourait d’épuisement dans cette « petite Genève ». Il en rédigea le règlement, qui est malheureusement perdu et dont on ne connaît que quelques points, mentionnés dans les lettres du saint. En 1631, il le soumit à l’examen de l’évoque de Toul, qui l’approuva le 25 mars de cette même année. Fondateur de la congrégation enseignante des religieuses (le Notre-Dame, il fit ériger dans leurs monastères, pour leurs anciennes élèves, la Congrégation des filles séculières, dont il dressa les statuts. On y honorait la’ierge immaculée d’un culte spécial. Cette confrérie lui parut être un moyen très efhcace d’entretenir la vie chrétienne parmi toutes les populations lorraines. Aussi voulut-il l’établir dans toutes les paroisses. L’acte d’institution chargeait les chanoines réguliers de Notre-Sauveur, dont Fourier avait été le réformateur, de l’organiser partout « pour les hommes et les grands garçons » et indiquait les moyens à prendre pour réussir. Ainsi le culte de l’immaculée mère de Dieu se répandit de plus en plus dans la Lorraine. P. Rogie, Vie du B. Pierre Fourier, t. i, p. 138 ; t. ii, i). 435 sq. ; Histoire abrégée de B. Pierre Fourier, p. 94, 203, 206, 211-212 ; E. Martin, op. cit., t. ii, p. 178 sq. Un Abrégé des règles de la ronjrérie de l’Immaculée Conception de la bienheureuse vierge Marie fut publié en 1675. Ces confréries oijt persévéré sans modification jusqu’en 1759. Mgr Drouas, évêque de Toul, modifia alors leur règlement et l’uniformisa. Guillaume, op. cit., p. 5764. Aujourd’hui encore, dans presque toutes les paroisses, les congrégations de filles ont pour patronne l’Immaculée Conception, dont elles célèbrent la fête très solennellement.

I-a connexion entre le cidte et la croyance, que manifeste le vocable choisi par les fondateurs et les membres de ces associations, ressort, en outre, des livres de prières dont on se servait. Dans des litanies insérées à la fin d’un O/Jice de la vierge Marie, éi l’usage de l’Église catholique, apostolique et romaine, imprimé à Paris en- 1586, la sainte ierge est saluée, non seulement connue « pleine de la grâce de Dieu, lis entre les épines, miroir sans tache, » mais encore comme « élue de toute éternité, » Sanrta Virgo ab scterno elecla. et "préservée, » Sancta virgo " præscrvata. « Accentuée surtout est rafflrmation de la pieuse croyance dans le petit officc de la Conception, .So/i » e mundi domina, datant, scmble-t-il, de la seconde moitié du xv siècle, mais si répandu aux xvi^ct xyu’, édité à Anvers, 1621, dans VExercitium hebdomadarium de Jean Wilson, et réédité.sous des titres différenls, mais toujours expressifs, comme les suivants : Officium de immaculata

conceplione ex antiqiiis 1 loris acccplum, novo et pio usu receplum, à la suite d’un opuscule intitulé : Typas prœdeslinationis et conceplionis Mctriæ, filiæ Dei immaculatæ, Anvers, 1630. De même ces autres : Officium purissimæ et immaculatæ conceplionis Dciparæ Vir(jinis. Douai, 1632 ; L’O/fice de la sainte et immaculée conception de la glorieuse vierge Marie, Paris, 1()63. Lesêtre, op. cit., p. 107 sq. ; Edm. Waterton, l’ielas Mariana britannica, Londres, 1879, p. 132 sq. ; P. Debuchy, voir la bibliographie.

Un autre genre d’hommages, rendu à la Vierge sans tache, consistait dans des dédicaces ou consécrations. En l’honneur et sous le vocable de l’immaculée conception, on érigeait des lieux de culte, comme, à Paris, des chapelles dans les églises des chanoines de Saint-Victor, des augustins, de l’ancien Saint-Sulpice. Lesctrc, p. 103. Dans l’une de ces chapelles, le Parlement de Paris offrait un cierge chaque année, le 8 décembre. Dans ses écrits et ses lettres, encore inédits, la bse Louise de Marillac parle souvent de la Vierge immaculée dans sa conception et témoigne ainsi de sa dévotion envers ce glorieux privilège de Marie. A Saint-NicoIas-du-Port, en Lorraine, au cours du xviie siècle, régnait une contagion qui faisait périr beaucoup d’hommes et d’animaux. La population en était fort attristée. Saint Pierre Fourier, qui, nous l’avons vii, fut un grand apôtre de la dévotion à l’immaculée conception, vint alors chez les religieuses de Notre-Dame. Renseigné par elles, il leur dit que, si on écrivait sur des billets les paroles : Marie a été conçue sans péché, ceux qui les porteraient avec respect en recevraient du soulagement. Les voisins du couvent demandèrent de ces billets ; nvais, dépassant la pensée du saint, ils les enveloppèrent dans des sortes de sachets d’étoffe et les suspendirent au cou de leurs bestiaux. Plusieurs estimèrent avoir échappe à cette peste par l’emploi de cette sauvegarde. Guillaume, Histoire du culte de la très sainte Vierge en Lorraine, Nancy, s. d. p. SC-SI ; P. Rogie, Histoire abrégée du B. Pierre Fourier, Paris, 1897, p. 212-213 (d’après le P. Bédel). En Espagne et dans les pays soumis à son influence, des villes et des provinces, énumérées dans l’ouvrage de J. Mir et dans les articles de la revue Razôn y fe, indiqués ci-dessous, se mettaient sous le patronage direct de Marie immaculée, ou faisaient le vœu de célébrer solennellement sa fête, ou, à l’instar des universités et de certains ordres religieux, s’engageaient par serment à défendre et à promouvoir la pieuse croyance.

Les chefs d’États n’adhéraient pas seulement à ce mouvement général de dévotion ; ils le favorisaient et le provoquaient. En 1615, Philippe II, roi d’Espagne, commence auprès du saint-siège des démarches, secondées ensuite par l’empereur Ferdinand II et par le roi de Pologne Sigismond III, en vue d’obtenir la définition du glorieux privilège ; démarches dont il sera parlé à propos des actes pontificaux qu’elles amenèrent. En 1629, l’empereur Ferdinand II témoigne publiquement de son attachement à la pieuse croyance ; le 8 décembre, il se rend solennellement à la cathédrale de Saint-Étienne et assiste à l’office célébré par un chapelain de la cour. En même temps il obtient une indulgence plénière pour l’année suivante. Th. Wiedemann, Geschichte der Reformation und Gegenrejormalion im Lande unter der Ems, Prague, 1879, t. i, p. 624 sq. En 1647, son successeur, Ferdinand III, consacre ses États d’Autriche à Marie immaculée et lui fait élever dans sa capitale une statue colossale. En 1646, Jean IV, roi de Portugal, émet avec les grands du royaume le serment de l’immaculée conception. En France, Louis XIV donne, en 1657, une preuve spéciale de son attachement à la même cause.

La fête ayant été, avec plusieurs autres, rayée de hi liste des jours chômés, par Urbain’III, le monarque sollicite pour ses États et obtient d’Alexandre’II de « remettre la feste de l’immaculée conception de la Vierge au nombre de celles qui se font avec obligation. » H. Chérot, Louis XIV et V immaculée conception en 1657, dans les Études, Paris, 1904, t. xcviii, p. 803. Le zèle que le roi mit à poursuivre l’affaire jusqu’au bout, est attesté par une lettre qu’il écrivit, le 17 octobre de la même année, à Mgr de la Guibourgère, évêque de La Rochelle, lettre publiée en 1905 dans le Bulletin religieux de cette ville ; il lui transmet une copie du bref pontifical et l’exhorte vivement à en procurer l’exécution dans son diocèse.

En somme, le culte de la conception était devenu, au milieu du xviie siècle, universel dans les pays catholiques, et, pour le très grand nombre, le culte s’adressait à l’immaculée conception. Le progrès s’était accompli sous la dépendance de l’Église hiérarchique ; car presque tous les hommages dont il a été parlé supposent, par leur nature même, l’intervention des pasteurs. Bien plus, c’étaient souvent ceux-ci qui les avaient provoqués, et plus souvent encore, ils s’étaient unis aux fidèles pour honorer Marie. Et n’était-ce pas de concert avec les évêques de leurs États que les rois d’Espagne faisaient à Rome des démarches pressantes et répétées pour obtenir la définition du privilège ? Mais là ne s’était pas borné le rôle de l’Église enseignante.

b) Les pasteurs. — C’est surtout à l’enseignement public que la pieuse croyance devait son développement. Les sermons sur la conception de Marie, fréquents déjà dans la période antérieure, se multiplient dans la mesure où le culte s’étend et où les confréries surgissent. Pierre de Alva nous en a conservé, pour la fin du xVe siècle et la première moitié du xvi « , un certain nombre : cinq du franciscain Jean Tisserand, dans les Monumenla antiquu seraphica ; trois de Guillaume Pépin, dominicain de Paris, dans les Monunienta dominicana ; toute une série de religieux célestins, Guillaume Vincent, Claude Rapinat, Denis le Fèvre (Faber), Pierre Bard, Antoine Pocquet, dans les Monumenla ex novem auctoribus antiquis. Un écrit de Dominique Carpani, donné dans les Monumenta ilalo-gallica, sous le titre de Tractatus de immaculata virginis Mariæ conceplione, n’est qu’un recueil de douze sermons, avec cette particularité qu’ils sont composés en langue vulgaire : Sermoni de la sanctissima conceplione de la virginc beata et gloriosa dcl cielo Regina Maria… composti alla serenissima Regina del Regno di Napoli, Madonna Johanna de Aragonia, per la sua prsecipua devolione, 1496.

Cette introduction de la langue vulgaire dans la prédication était d’autant plus propre à favoriser le développement de la croyance, que le même fait se produisait dans les écrits, ascétiques ou apologétiques, qui commençaient à s’imprimer. Un des plus anciens livres allemands, Der sicher Ingang der Hymmel, Mayence, 1465, contient un chapitre sur la beauté de Marie, considérée dans son immaculée conception. Der atteste Druck und die Immaculata, dans Der Katholik, Mayence, 1903, t. ii, p. 171 sq. En France, le même souci de vulgarisation apparaît dans Le Défenseur de l’originelle innocence de la glorieuse vierge Marie, traduit du latin de Pierre Thome pur Antoine de Lévis pour Jeanne de France, duchesse de Bourbonnais, Bibliothèque nationale de Paris, ms. franc. 98 ! >, cité par E. Mâle, L’art religieux de la fin du moyen âge en France, Paris, 1908, p. 218. Plus notable est un ouvrage publié par Pierre de Alva, Monumenta ilalogallica, et intitulé : Le Défensoire de la conception de la glorieuse vierge Marie, Rouen, 1514, sous forme de dialogue entre deux personnages, dont l’un « ramaine

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IMMACULEE CONCEPTION

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toutes les autorités de raisons qui sont de la part de ceulx qui disent qu’elle est conçue en péclié originel, » et l’autre « les déclare, glose ou efface selon le cas. » Il eut pour auteur Pierre Fabri ou Lefebvre, curé de Marcy (Eure) et prince du Puy de la Conception de Notre-Dame en 1487. Edouard Frère, Manuel du bibliographe normand, Rouen, 1857, t. i, p. 447. D’autres ouvrages suivirent de près, tous imprimés à Paris : en 1520, Le livre de la toute belle sans pair, qui est la vierç/e Marie ; en 1539, Le grand Mariai de la Mère de vie, dont la* I" partie traite de la prédestination de Marie, et la 11"= « de la très pure et immaculée conception de la vierge sacrée Marie, très digne Mère de Dieu, » voir Lesêtre, op.c ; 7, p. 99 ; avant 1549, Le Bouclier de la Foij, composé par Frère Nicole Grenier, chanoine régulier de Saint-Victor, et dont le ii" volume, publié par Pierre de Alva, loc. cit., contient V Antidote contre les adversaires de la pure conception de la Mère de Dieu.

Assurément, dans cette apologétique populaire comme dans les sermons du même genre, tout n’a pas la valeur d’un enseignement authentique : ni certaines preuves données, ni les révélations et les miracles acceptés de confiance, ni la façon, plus ou moins heureuse, de comprendre et d’expliquer la nature et le mode de la préservation ; mais sous ces broussailles et malgré les divergences, reste l’affirmation ferme du privilège. AfTirmation si commune qu’au siècle suivant saint Vincent de Paul et ses compagnons se contentent, dans leurs sermons populaires, d’énoncer la pieuse croyance : « Nous lisons que Salomon, le plus sage de tous les hommes et la figure de notre vrai Salomon, Jésus-Christ, a beaucoup honoré sa mère. Le Fils de Dieu a incomparablement plus honore la sienne très sainte : Il a été au-devant d’elle, la prévenant des bénédictions de sa douceur, la choisissant pour mère et la préférant au reste des femmes, prévenant et arrêtant en sa faveur le cours du péché originel. » Sermons de saint Vincent de Paul, de ses coopcrateurs et successeurs immédiats pour les missions de campagnes, publiés par l’abbé Jeanmaire, Paris, 1859. Sermon XLViii’, sur la dévotion à la sainte Vierge, t. ii, p.’M'.i.

Les apôtres de Marie immaculée ne sont pas uniquement des simples prêtres ; ce sont des évoques, et particulièrement des évêques saints. « Il convenait que la mère de Dieu fût toute pure, sans tache, sans péché, et que, par conséquent, elle fût toute sainte non seulement dans le sein de sa mère, mais encore toute sainte dans sa conception, et in conceptione sanctissima. Car il ne convenait pas qu’il y eût une tache quelconque dans celle qui fut le sanctuaire de Dieu, la demeure de la Sagesse, le rcliquaire du Saint-Esprit, l’urne de la liianne céleste. » Ainsi parle en Espagne, saint Thomas de’illeneuve, archevêque de Valence († 1555), Ser/n., III, de Naliuitale uirginis Mariæ, cité par J. Mir, op. cit., p. 478. De même, en Italie, saint Charles Borroméc († 1584) ; prêchant dans son église métropolitaine sur la naissance de Notre-Dame, il montre, à ce propos, combien la sanctification première de la bienheureuse Vierge l’emijorta sur celle de saint Jeaii-Haptiste, puisqu’elle reçut dès le début de son existence la plénitude de la grâce : NamJoanncs quidem sexto posl conceplionem mensc fuit in utero sanctificalus, hicc vero ab ip.so stalim conceplionis exordio gratiæ pleniludinem accepil. Plénitude dont la richesse est connue de celui-là seul, qui voulut se préparer dès lors une demeure : Solus lii, Christe, qui cam libi domum parasli, qwililer paraireris, nosti. Ilomil., Lxxii, édit..1. G. Saxii, Augsbourg, 1758, p. G14, 617. En l-’rancc, c’est plus qu’un saint êvêque, c’est un saint docteur de l’Église. I-ondateur d’une confrérie de l’iminaculée conception dans la ville d’.Vnnccy, saint I-’rançois de Sales ne pouvait pas, prêclianl sur ce

mystère le 8 décembre 1622, tenir un autre langage : « Quant à Notre-Dame, la très sainte Vierge, elle fut conçue par voie ordinaire de génération ; mais Dieu l’ayant de toute éternité prédestinée en son idée pour être sa mère, la garda pure et nette de toute souillure, bien que de sa nature elle pouvait pécher… Elle devait avoir ce privilège particulier, parce qu’il n’était pas raisonnable que le diable reprochât à Notre-Seigneur que celle qui l’avait porté en ses entrailles eût été tributaire de lui. » Serm., lxvii, dans Œuvres, Annecy, 1892 sq., t. X, p. 403, 404 ; voir aussi.S’er/ ? !., xxxvii, pour la fête de la Présentation, t. ix, p. 384, 385, et surtout Traite de l’amour de Dieu, I. II, c. vi, t. iv, p. 106.

A ces grands évêques ajoutons-en un autre qui, sans porter au front l’auréole de la sainteté solennellement proclamée, reste l’une des plus hautes personnifications de l’éloquence chrétienne. Hossuet a prêché pour la fête de la Conception à cinq reprises, en 1652, 1656, 1665, 1668 et 1669. Œuvres orcdoires, édit. Lebarq, Paris, 1890 sq., t. i, p. 228 ; t. ii, p. 238 ; t. iv, p. 589 ; t. V, p. 385 (incomplet), 606 (dévotion à la sainte Vierge). Les deux premiers sermons contiennent toute sa doctrine. Il ne traite pas le sujet en théologien positif, soucieux d’établir une thèse par la sainte Écriture ou l’ancienne tradition ; à part Augustin, il n’allègue même pas les Pères, dont il dit seulement, dans une note marginale, t. v, p. 394, qu’ils nous ont donné des « ouvertures. » Il se sert d’un autre procédé, indiqué au début du premier sermon, t. i, >. 229 sq. : « Il y a certaines propositions étranges et difficiles, qui, pour être persuadées, demandent que l’on emploie tous les efforts du raisonnement et toutes les inventions de la rhétorique. Au contraire il y en a d’autres qui jettent au premier aspect un certain éclat dans les âmes, qui fait que souvent on les aime avant même que de les connaître. De telles propositions n’ont presque pas besoin de preuves. Qu’on lève seulement les obstacles, que l’on éclaircisse les objections, l’esprit s’y portera de soi-même, et d’un mouvement volontaire. Je mets en ce rang celle que j’ai à établir aujourd’hui. »

Bossuet s’en prend donc directement aux objections, imitant en cela Duns Scot, et il se trouve que, chez lui comme chez le modèle, les réponses données mettent en relief les hautes convenances du privilège. Que, d’après les saints Livres, la loi du péché et les malédictions divines atteignent, à ses débuts, tout rejeton d’Adam tombé, c’est incontestable ; « mais je dis que ces malédictions si universelles, que toutes ces propositions, si générales qu’elles puissent être, n’emliêchent pas les réserves que peut faire le Souverain, ni les coups d’autorité absolue. Et quand est-ce, à grand Dieu, que vous userez plus à propos de cette puissance qui n’a pas de borne, et cpii est sa loi même ; quand est-ce que vous en uscfez, sinon pour faire grâce à Marie ? » t. i, p. 233. Et si l’on ajoute que « cela tire à conséquence, » d’apporter des restrictions à de telles lois, la réponse vient, péremptoire : < Montrez-moi une autre mère de Dieu, une autre vierge féconde…, et puis dites, si vous voulez, que rexcejjtion que j’apporte à une loi générale, en faveur d’une personne si extraordinaire, a des conséquences fâcheuses. Et combien y a-t-il de lois générales dont.Marie a été dispensée t… Qui pourra croire qu’il n’y ait rien eu de surnaturel dans la conception de cette Princesse, et que ce soit le seul endroit de sa vie qui ne soit poinl marqué de quelque insigne miracle ? » Mais attribuer à la mère une telle innocence, n’est-ce pas ôlcr au fils sa prérogative de Sauveur universel ? Et l’orateur de répondre, en interpellant celui-ci : « A Dieu ne plaise, ô mon Maître, qu’une si téméraire pensée puis^e jamais entrer dans mon âmel Périssent tous mes raisonnements, que tous mes discours soient honteuse

ir.ciît cffacés, s’ils diminuent quelque chose de votre grandeur ! Vous êtes innocent par nature, Marie ne l’est que par grâce ; vous l’êtes par excellence, elle ne l’est que par privilège ; vous l’êtes comme rédempteur, elle l’est comme la première de celles que votre sang a purifiées. » Puis, revenant à ses auditeurs : « Il est certes, tout à fait nécessaire qu’il surpasse sa sainte mère d’une distance infinie. Mais aussi ne jugez-vous pas raisonnable que sa mère ait quelque avantage pardessus le commun de ses serviteurs ? »

Même doctrine dans le second sermon, où Bossuet développe ces trois idées : « que l’autorité souveraine l’a dispensée de la loi commune ; que la Sagesse l’a séparée de la contagion générale : et que l’amour éternel de Dieu a prévenu par miséricorde la colère qui se serait élevée contre elle, » Les considérations mises en avant pour établir la convenance de cette dispense, de cette séparation et de cette miséricordieuse prévenance, avaient d’autant plus de poids aux yeux de l’orateur que, restant attaché à l’opinion commune des anciens scolastiques, il se faisait une idée très sombre de la concupiscence, élément matériel et quasi physique du péché originel, comme on le voit par son Traité de la concupiscence, par sa Défense de la tradition et des saints Pères et par ses sermons eux-mêmes. Si la concupiscence est vraiment un « venin caché, » une « vapeur maligne et contagieuse qui a infesté le genre humain, » si notre nature est blessée et corrompue, si nous portons un sang « impur et rempli de la conception du péché, » d’autant plus évidente et d’autant plus urgente apparaît la nécessité d’une intervention de la toute-puissance divine, et d’une intervention qui se produise non pas seulement après l’infection de la chair, afin que, par miracle, elle ne transmette pas de souillure à l’âme, mais encore et surtout auparavant, afin que la chair elle-même de la Vierge ne soit pas gangrenée. Sous ce rapport, plusieurs des considérations proposées n’ont qu’une valeur relative et hypothétique ; il faut sous-entendre : s’il est vrai que la concupiscence dise corruption physique de la nature ou gangrène de la chair.

Mais il suffit que le péché originel soit une souillure de l’âme et que la concupiscence soit à tout le moins un désordre et un mal moral, pour que les considérations de Bossuet gardent leur efficacité, celle surtout qui est à la base de toutes les autres : je veux dire la convenance tirée de la liaison intime qui existe entre la maternité divine et l’immaculée conception, t. ii, p. 257 : « C’est assez qu’il ait résolu d’être homme, pour en prendre tous les sentiments. Et s’il prend les sentiments d’homme, peut-il oublier ceux de fds, qui sont les plus naturels et les plus humains ? Il a donc toujours aimé Marie comme mère ; il l’a considérée comme telle dès le premier moment qu’elle fut conçue. Et s’il en est ainsi, peût-il la regarder en colère ? » Ainsi l’orateur fait-il comprendre que la raison dernière du glorieux privilège, comme de tous les autres, c’est la maternité divine : Marie, mère de Jésus, fut immaculée dans sa conception, et elle devait l’être, parce que mère de Jésus. Il juge la raison assez convaincante pour ne pas craindre de dire, t. i, p. 241 : « En réalité cette opinion a je ne sais quelle force qui persuade les âmes pieuses. Après les articles de foi, je ne vois guère de chose plus assurée. »

Devenu évêque, Bossuet ne modifia en rien ses sentiments. Il inséra une leçon sur la fête de la Conception dans son Catéchisme de Meaux, imprimé en 1690. Œuvres, édit. Lâchât, t. v, p. 183. On y lit, d’après l’enseignement commun des théologiens, « que par une grâce particulière, (Marie) a été immaculée, c’est-à-dire sans aucune tache et sans le péché originel. » Enseignement dont la raison est « qu’ils trouvent peu convenable à la majesté de Jésus-Christ que sa

sainte mère ait pu être un seul moment sous la puissance de Satan. > Jésus-Christ ne laisse pas, pour cela, d’être son Sauveur, « en la préservant du mal commun du genre humain, et en prévenant par sa grâce la rontagion du péché d’Adam. » Ce n’était pas innover. Déjà Richelieu, évêque de Luçon, avait dans une leçon sur la salutation angélique expliqué de cette sorte les mots (jratia plena : « En l’Écriture on trouve d’autres que la Vierge être dits pleins de grâce ; mais celle-ci l’est bien autrement que tous ceux en faveur desquels les saintes Lettres se servent de ces termes, puisqu’elle en est remplie, non seulement pour avoir été sanctifiée au ventre de sa mère, mais pour n’avoir jamais eu aucune tache de quelque péché que ce soit. Privilège accordé à elle seule avec grande raison, puisque seule elle est mère de notre rédempteur, qui détruit le péché. » Instruction du chrétien, Avignon, 1619, leçon XXIV. De même, dans les Instructions en forme de catéchisme, pour toutes les fêtes et solennités paroissiales, formant la quatrième partie du catéchisme qu’il fit imprimer en 1665, l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, inséra un chapitre sur la fête de la Conception immaculée de Notre-Dame ; Immaculée, était-il expliqué, « parce qu’elle seule d’entre les pures créatures a esté conceue sans péché originel, r Assertion dont il ne sera pas inutile de rapprocher quelques lignes du Martyrologe gallican de 1637, annonçant la fête en ces termes : < La conception de la très sainte vierge Marie, qui, choisie et prédestinée par Dieu dès l’éternité pour être la digne Mère de son fils unique, qu’il a donné au monde pour le racheter, ornée de dons et de privilèges innombrables, au-dessus de toutes les créatures, de sorte que rien ne lui manquât en perfection, en dignité et en gloire, a été prévenue dans sa génération même par la grâce divine afin qu’aucune souillure ne l’atteignît… » Lesêtre, op. cit., p. 112, 139 sq.

En Allemagne et en Italie, le B. Pierre Canisius et le vénérable Robert Bellarmin n’avaient pas fait autrement dans leurs catéchismes fameux. Le premier, expliquant la salutation angélique, proclame Marie non seulement vierge intacte avant, pendant et après l’enfantement, mais encore exempte de toute tache du péché, ab omni peccati labe libéra ; pareille à un lis entre les épines, quæ sicut lilium est inter spinas. Summa doctrina’christianæ, 1554, q. xviii. L’autre, expliquant la même prière, fait rentrer le privilège dans les mots gratta plena, en considérant le premier elTet de la grâce sanctifiante, qui est d’eiïacer le péché, souillure de l’âme : Domina nostra gratta plena est. Nam quantum ad primum effectum attinet, nullius peccati macula nec originalis aut actualis, nec morlalis aut venialis infecta fuit. Christianæ doctrinse copiosa explicatio, c. v, dans les Opéra omnia, Cologne, 1617, t. VII, col. 1262. Or ce catéchisme, composé par Bellarmin en 1598, le pape Clément ^’1II l’approuva cette même année par un bref ; non seulement il l’approuva, mais il exhorta tous les évêques à le recevoir et à l’adopter.

4. Conclusion : preuve tirée du sentiment commun. — De l’ensemble des faits qui précèdent, il ressort que, sans être unanimement admise, la pieuse croyance n’en était pas moins devenue, au milieu du xviie siècle, le sentiment commun, et dans les universités, et dans les ordres religieux, et chez les fidèles, et chez les pasteurs. Les défenseurs du privilège ne manquaient pas de se prévaloir de cette circonstance. « Depuis le temps de Scot, remarquait Vasquez, cette opinion s’est tellement réjjandue non seulement parmi les théologiens scolastiques, mais encore parmi les chrétiens en général, elle s’est peu à peu tellement enracinée dans les esprits, qu’on ne peut plus la faire abandonner à personne, ni l’en détourner, ita percrebuit et cuni hominum

sivcutis iiweleravil. ul imllus jain ab ea deduci vel dimol’cri possit. » In IIl^^’^ partem Siimmæ, disp. CXVII, c. II, Lyon, 1619, p. 20. Le dominicain Vincent Justijiien Anlist faisait éclio en des termes plus énergiques encore, op. cit., § 14 : < A présent dans l’Espagne, dans les Indes, en France, et presque par toute l’Europe, IH’ècher, écrire ou enseigner quelque chose contre cette dévotion, est ressembler à celui qui prétendrait monter une meule de moulin à force de bras au haut d’une montagne. > (lajétan lui-même dans son opuscule De coiiceptione beatw Viryinis, c. v, se voyait obligé de reconnaître le fait ; < Cette opinion est maintenant devenue commune, en sorte que presque tous les catholiques de l’Église latine croient rendre hommage à Dieu en la suivant, ila ut omnes [erc catholici latinæ l’cclciix urbilrentur obsequiuni se præstare Deo in Inijusmodi sequelu opinionis. « En face des froissements, des récriminations, parfois même des tumultes que provoquaient les prédicateurs opposés à la pieuse croyance, on pouvait répéter avec beaucoup plus de force ce que Jean de Ségovie avait dit au concile de Bâie, de l’autre opinion : i Elle est devenue… si désagréable et si odieuse au peuple chrétien, qu’il ne supporte plus de l’entendre. » Ce qui, dès le début du vi<e siècle, suggérait à un auteur italien, Pierre Monti, cette réflexion que, pour éviter les scandales, il faudrait faire cesser l’opinion adverse : Quod ut scandala cuitentur, deberel in hue matériel dominicanorum fralrum opinio cessare. De unius Icgis reritate et sectarum falsilate, c. Lxxxiv, Milan, 1509, dans Pierre de Alva, Mnnumenta antiqua ex variis auctoribus, t. ii.

La valeur du sentiment commun en cette matière n’échappait pas à de bons esprits, que la seule considération des autorités scripturaires et patristiques laissaitperplexes. Tel, entre autres, le docte et grave Petau :

Ce qui m’impressionne le plus et me pousse de ce cêité, c’est le sentiment commun de tous les fidèles c|ui portent fixée au fond de leurs esprits, et qui attestent jiar toute sorte de manifestations et d’hommages, la conviction que parmi les œuvres de Dieu rien n’est l)lus chaste, plus pur, plus innocent, plus en dehors de toute souillure et de toute tache que la Vierge Marie ; qu’il n’y a rien de commun entre elle et le diable ou ses suppôts, et que par conséquent elle a été exempte de toute oITense vis-à-vis de Dieu et de tout sujet de condamnation. « De incarnatione Verbi, I. XIV, c. II, n. 10, édit. ïhomas, t. vii, p. 24.3. En réalité, le peuple chrétien ressentait comme d’Instinct, en face de l’opinion défavorable à la Vierge, ce que Denis le Chartreux a parfaitement exprimé : >. Nous éprouvons un sentiment d’horreur, liorremus, à la pensée qu’à un moment de sa vie, la femme qui devait broyer la tête du serpent, aurait été broyée par lui ; que la mère du Seigneur aurait été la fille du diable ; que la souveraine des anges aurait été la servante du |>éché ; et que la fille très aimée de Dieu le Père aurait été un enfant de colère. » In IV Sent., t. III, dist. III, f[. I, Opéra, t. xxiii, p 98. L’avenir devait confirmer la justesse de ce sentiment.

Mgr Malou, o/>. cit., t. i, c. v ; II. Lcsctre, op. cit., c. m ; l’aul Dcbuchy, S..1., Rcche clics sur le Petit Office de l’immaculalion conception, extrait de la revue des Précis historiques, Hruxelles, 1886 ; cf. Les liymnes du Petit Office de l’immaculée conception, dans les ÏCtudes, Paris, 1905, t. ciii, p. 416.

.1..Mir, op. c17.. c. xxii. xxiv ;.I.-B. Fcrrcrcs, La Iglesia ial6lica aciamando 18, t. Ml, p. 413 ; t. Mil, p. —, .

.1" Les arts an service de V immncnt<’e conception. -In fait s’ajoute au sentiment commun des fidèles,

pour attester la popularité dont la pieuse croyance jouissait aux xvi" et xvii<e siècles : c’est la part notable que les poètes et les artistes font au mystère qu’elle concerne. En même temps il y a là un réel tribut de vénération à l’adresse de la Vierge immaculée.

1. Hommages de la poésie.

Les documents liturgiques nous ont déjà fourni un premier apport ; il s’agit maintenant de témoignages indépendants, ou du moins distincts des hymnes chantées à l’église. Certains pays, comme l’Allemagne et l’Italie, pourraient nous en offrir beaucoup, mais trop isolés ou trop disparates pour qu’il soit opportun et même possible de les présenter en détail. Contentons-nous de remarquer que dans le premier de ces pays, les chants en l’honneur de l’immaculée conception apparaissent dès le début de l’imprimerie. En 1192, Jacques Wimpfeling, de Schlestadt, consacre 2096 vers à dépeindre la triple beauté de Marie, De triplici candnrc Mariæ, en particulier la beauté de son âme au premier instant de sa conception. La poésie en langue vulgaire a son tour, en 1509, dans un poème de Nicolas Manuel sur l’immaculée conception de la Vierge.

Autre est la condition en France : nous y trouvons une institution créée tout exprès pour chanter d’une façon permanente la Vierge sans tache. Il s’agit de la célèbre confrérie rouennaise de la Conception Notre-Dame, considérée non dans sa forme primitive de simple association pieuse, mais dans son développement ultérieur, quand elle prit aussi, en 1486, un caractère littéraire, par la fondation de l’Académie ou Puy des Palinods. en instituant que chaque année des prix seraient donnés à ceux qui auraient le mieux chanté l’immaculée conception. Constituée définitivement en 1515 et installée au couvent des carmes de Rouen, cette confrérie fut confirmée et enrichie d’indulgences par Léon X, bulle Ine/fabilia, 1521, avec spéciale approbation du but principal : ut a viris eruditis per publica cdida invitandi quoi’is anno componantur poemula atque opéra in Unidem sanctissimw conceptionis bcatæ Virginis, inviter chaque année par des annonces publiques les gens érudits à composer des poèmes et d’autres écrits à la louange de la très sainte conception de la bienheureuse Vierge. Que d’hommages rendus pendant les trois siècles que durèrent les Puys des Palinods, celui de Rouen et celui de Cæn et d’autres faits à l’instar ! Et parmi les lauréats ou candidats de ces joutes poétiques, que de noms illustres, ceux, par exemple, des Malherbe, des Jean et Clément ^Iarot, des Fontenellet Pierre Corneille lui-même, composa, en 163.3, des stances pour le concours palinodique de l’Étoile d’argent. Sa pièce, de six strophes, roule tout entière sur l’idée de Marie, nouvelle Eve, par opposition à l’ancienne.

Homme qui que tu sois, regarde ftve et Marie, Et comparant ta mère à celle du Sauveur, Vois lafiuelle des deux en est le plus chérie, Et du Père éternel gagne mieux la faveur. « 

Le poète développe l’antithèse dans les trois strophes qui suivent, puis arrive dans les deux dernières à l’immaculée conception :

Cette Eve cependant qui nous cngaRc aux flammes, Au point qu’elle est formée est sans corruption. Et la Vierge, bénie entre toutes les femmes. Serait-elle moins pure en sa conception ?

Non, non ! N’en croyez rien, et tous, tant que nous som-Publions le contraire i tovite heure, en tout lieu ; [mes. Ce que Dieu donne bien ! ^ la mère des hommes, Ne le refusons pas à la mère de Dieu.

Edouard l-’rère. Une séance des Palinods en 16 40, Rouen, 1867, Appendice, p. 17.

L’Espagne ne pouvait manquer de chanter, elle aussi, la N’ierge immaculée, lui 147 1, la cité de Valence

eut une joute littéraire en l’iionncur de la môrc de Dieu ; dans les poésies composées en catalan, Trobes en lahors de la verge Maria, continuellement l’iminaculce conception revient, comme dans ces vers de Juan Gamiza :

Deu infinit ans quel mon los créât Te préserva purissimae santa.

Par une heureuse coïncidence, le recueil de ces compositions forme le premier livre qui ait été imprimé en Espagne. J. B. Ferreres, La Iglesia catoUca aclamando a Maria inmaculada, loc. cit., p. 50, 51.

Séville eut en 1615, le 26 avril, son tournoi poétique, le premier qui ait eu lieu sur le sol ibérique dans le but direct et précis d’honorer le glorieux privilège : El primer certamen poélico que se celebro en Espana en honor de la Purisinia Concepciôn de Maria, Madré de Dios, patrona de Espafia et de la infanleria espanohi. publié par D. Juan Pérez de Guzmân y Gallo, Madrid, 1904. Trois ans plus tard, quand elle adopta le serment de l’immaculée conception, l’université de Salamanque invita Lope de Vega, le grand dramaturge, à rehausser par quelque composition le triomphe de la Vierge ; la réponse fut la pièce intitulée : Z, aZ, 177jp(er «  no manchaia, La Pureté’sans tache. D’autres poèmes sortirent de sa plume, en particulier une courte romance ; A la concepciôn de Nuestra Senora, dont le titre, à lui seul, est un hommage. Rimas sacras, collect. Sancha, t. xiii, p. 128. Lope de Vega fut pourtant surpassé, comme poète de l’immaculée conception, par un autre grand dramaturge, Calderon de la Barca († 1655). Dans un article publié pour le cinquantième anniversaire de la définition, on a montré à combien de reprises et de quelle manière il s’est inspiré dans ses « Autos sacramentales » ou drames du saintsacrement, de sa croyance au glorieux privilège, soit expressément en traitant six fois le sujet, soit en passant par l’insertion d’un nombre considérable de passages ou d’incises très expressives, comme celle-ci, dans la Nave del Mercader :

La Margarita preciosa,

Mâs neta, pura y sin mucha.

Autour et à la suite de ces deux maîtres ce fut, en Espagne, au cours du xviie siècle, toute une efllorescence d’hommages poétiques en l’honneur de la « Toute-Pure. »

2. Hommages des beaux-arts.

Il serait surprenant que l’intérêt porté par les poètes au mystère de l’immaculée conception n’eût pas été partagé par les artistes contemporains. « Cette doctrine, que le synode de Bâle encourageait dès 1439, que le pape Sixte IV approuvait en 1476, que la Sorbonne acceptait comme un dogme en 1496, ne pouvait manquer de trouver son expression dans l’art. L’art chrétien rendait trop fidèlement alors toutes les nuances de la pensée chrétienne, pour qu’il n’eût pas accueilli une idée qui passionnait tant d’âmes. » E. Mâle, L’art religieux de la fin du moyen âge en France, p. 218. L’idée fut accueillie, mais il y eut, dans la réalisation, des diversités notables, même des étapes dont il faut tenir compte. Je le ferai en me servant d’une classification proposée par S. Beissel et ramenant à quatre groupes généraux les multiples représentations en usage aux xvi « et xviie siècles.

a) 1° groupe. — Le mystère est représenté d’après la légende grecque du Livre de la Nativité de Marie. Voir col. 876, 993. Cette légende était très répandue à cette époque ; elle se trouvait dans un certain nombre de bréviaires, à titre de leçons, et dans des ouvrages composés en faveur de la pieuse croyance ; elle faisait partie intégrante des Mystères vulgarisés et représentés publiquement : Le mystère de la Conception et

Nativité de la glorieuse vierge Marie, mis en rime françoise et par personnuiges, Paris, 1507 ; L. Petit de Jullcvillc, Histoire du liiéâtre en France. Les Mystères, Paris, 1880, t. ii, p. 427 sq. L’ensemble comportait plusieurs scènes : apparition de l’ange à saint Joachim dans la montagne, et à sainte Anne dans son jardin ; rencontre et embrassement des deux époux à Jérusalem, près de la Porte dorée du temple. Les deux apparitions de l’ange ne rappelaient, directement, que l’annonce de la conception et de la prochaine naissance de Marie ; l’autre scène pouvait ne signifier qu’un sentiment de joie et de congratulation de la part des deux époux se rencontrant pour la première fois depuis la révélation reçue. Ainsi trouve-t-on cette gravure dans la Marienleben de A. Durer, sans aucun rapport à l’immaculée conception. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de gens attachèrent un tout autre sens à ces scènes, surtout à la troisième ; celui d’une conception faite en dehors de la loi commune, et par suite immaculée : « On répétait, bien que l’erreur eût été condamnée par les docteurs, que Marie avait été conçue à ce moment du baiser d’Anne et de Joachim. » E. Mâle, L’art religieux du XIIIe siècle en France, p. 282.

Que cette erreur ait existé, non seulement aux xiii «  et xiv<e siècles, mais encore aux xv et xvi", des témoignages positifs et formels l’établissent. Pierre Lefebvre prémunit ses lecteurs contre cette fausse idée : « Xon pas que l’on doive croire que Marie fust conceuë d’un baisier, fait à la porte dorée, comme plusieurs simples gens le croient. » Le Défensoire de la Conception, loc. cit., p. 88. Vers la même époque, Guillaume Pépin affirme d’abord nettement, dans son premier sermon, que Marie fut conçue de père et mère comme les autres hommes, puis il ajoutepar manière de conclusion : « Ils se trompent donc grandement ces gens simples qui croient que la mère de Dieu Marie fut conçue par un simple baiser de Joachim et d’Anne quand ils se rencontrèrent auprès de la porte de Jérusalem qu’on appelait la porte dorée. » Il est encore plus précis dans un second sermon ; car il y attribue cette erreur, qu’il dit être partagée par beaucoup de simples, multi simplices, à une fausse interprétation des représentations qu’ils voyaient dans les églises et les peintures, argumentum sumentes ex eo quod vident in ecclesiis et picturis dictas Joachim et Annam mutuo se osculantes Loc. cit., p. 525, 551, Thomas Campanella nous apprend même qu’il a lu semblable chose dans un sermonnaire franciscain qu’il nomme : Alii dicunt, Annam beatæ Virginis matrem concepisse ex osculo, non ex semine Joachimi, ut quidam Sermonarius franciscanus, vocatus dormi-secvre ; id quod Ecclesia et doctores pro fabulosa hærcsi habent. Loc. cit., p. 578 sq. D’après Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 269, ce sermonnaire avait paru en 1490.

L’erreur, réelle chez de simples fidèles, existait-elle aussi chez les artistes ? Dans une plaquette intitulée : Approbation et confirmation par le pape Léon X des statuts et privilèges de la Confrérie de l’Immaculée Conception, la même gravure se retrouve au début et à la fin, avec cette inscription au-dessous : La conception nostre dame. Ce qui, à tout le moins, ne pouvait que favoriser l’interprétation populaire. En certains cas, il y a davantage, et le doute n’est plus possible, par exemple, dans le tableau dont parle Jean van den Meulen, d’après le témoignage de Robert Caracciolo, évêque d’Aquin († 1483) ; car la gravure est accompagnée de cette inscription : « C’est ainsi que fut conçue la bienheureuse Marie. Taliter concepta est beata Maria. » Jo. Molanus, De historia sacrarum imaginum et picturarum pro vero eorum usu contra abusus, t. III, c. Lv ; Migne, Cursus theologiæ, t. xxvii, col. 293. Il faut donc reconnaître que des artistes ont partagé

l’erreur vulgaire et prélendu représenter la conception (active) de Marie comme s’étant faite à la porte dorée. Mais il serait excessif de généraliser en interprétant dans ce sens toutes les peintures du même genre ; des artistes ont pu, comme A. Diirer, se proposer simplement de reproduire un épisode de la légende grecque.

b) 2^ groupe. — Il comprend les représentations symboliques, ainsi dénommées parce que le glorieux privilège y est signifié, ou du moins insinué par des objets ou des personnages symboliques qui entourent ou accompagnent Marie. Mais cette idée commune laisse place à de grandes diversités de détail. Dès le xve siècle, « on rencontre, dans les manuscrits, une figure de la "Vierge à mi-corps qui semble surgir du croissant de la lune et qui rayonne comme le soleil. [, a gravure s’empara de ce motif et le rendit populaire. On lit sous une de ces images qu’entoure la couronne du rosaire : Concepla sine peccalo, de sorte qu’on ne peut douter que la Vierge au croissant n’ait été la première représentation symbolique de l’immaculée conception. » E. Mâle, op. cit., p. 220. Le fondement scripturaire est manifestement ce verset du Cantique des cantiques, vi, 9 : Quæ est ista quæ progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ul luna, elecla ut sol ? appliqué par l’artiste, comme par la liturgie, à la conception de Marie.

Sur la fin du même siècle, en 1492, le peintre vénitien Carlo Grlvelli nous offre une autre représentation symbolique, mais plus riche. Jja Vierge est debout, les mains jointes, dans une attitude extatique. A gauche, un pot de fleurs : roses et œillets ; à droite, un lis dans un verre. Au sommet du tableau, le buste de Dieu le Père tenant les mains étendues, et, au-dessus, le Saint-Esprit sous forme de colombe. Enfin, pour donner au dessin sa pleine signification, deux anges planant tiennent sur la tête de Marie une couronne et un rouleau portant cette inscription : Ut in mente Dei ab initio concepla fui, ila et fada sum. « Conçue dès le début dans la pensée divine, c’est d’après cette idée que j’ai été faite. » Le tableau est à Londres, National Gallery. Voir G. ^L Ncil Rushforth, Carlo Crivelli, Londres, 1900, p. 91.

Au début du siècle suivant, une autre figure apparaît sous forme de gravure dans les Heures à l’usage de Rome, imprimées à Paris en 150, ") : « C’est une toute jeune fille, presque encore une enfant ; ses longs cheveux couvrent ses épaules. Elle a le geste que Michel.Vnge donne à son Eve apparaissant à la vie : elle joint les mains pour adorer. Cette jeune vierge semble suspendue entre ciel et terre. Elle flotte connne une pensée qui n’a jamais été exprimée ; car elle n’est encore qu’une idée dans l’intelligence divine. Dieu se montre au-dessus d’elle, et il prononce, en la voyant si pure, la parole du Cantique des cantiques : Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Et pour rendre sensible cette beauté et cette pureté de la fiancée que Dieu a choisie, l’artiste a réalisé les plus suaves métaphores de la Bible : il a disposé autour fl’elle le jardin fermé, la tour de David, la fontaine, le lys des vallées, l’étoile, la rose, le miroir sans tache. » E. Mâle, ibid. Ces emblèmes sont au nombre de quinze, représentés et soulignés, par le texte biblique qui leur correspond. A droite de la Vierge : e/ec/a ut sol, pulclira ut luna, porta cali, plantatio rosw, exaltata ccdrus, virga Jessc floruit, puleus aquarum vivenlium, horlus conclusus. A gauche : Stella maris, lilium inter spinas, oliva speciosa, turris David, spéculum sine macula, fons hortorum, ciuitas Dei.

Cette représentation symbolique fut très répandue et populaire au xvi’siècle. Elle se retrouve en substance dans un tableau de Juan Macip, vulgairement appelé Juan de Juanès (vers l.’iGS), qui se conserve

dans l’église des jésuites de Valence, en Espagne. Une particularité méiite d’être relevée : au-dessus de la Vierge, ce n’est pas seulement Dieu le Père qui apparaît, ce sont les trois personnes divines ; le Père et le Fils posent tous deux une couronne sur la tête de la Vierge, tandis que le Saint-Esprit plane au-dessus sous forme de colombe. Dans l’intervalle une banderole se déroule, portant cette inscription : Tola pulchra es, amica mea, et macula non est in te. On voit une reprodution de ce tableau dans iîorôn y /e, Madrid, 1904, n. extraordinaire, p. 152, art. La Purisima de Juan de Juancs, par J. Planella.

Symbolique aussi est la représentation décrite en ces termes par E. Mâle, op. cit., p. 227 : « Au sommet de l’arbre de Jessé s’épanouit un grand lis blanc d’où sort la Vierge qui se distingue à peine de la fleur. Ce lis m.agnifique, c’est évidemment sa pureté merveilleuse. »

Non moins symbolique, mais plus curieuse est une autre représentation, empruntée aux Heures de Simon Vostre à l’usage d’Angers, 1518 et 1530. décrite d’abord dans le Bulletin monumental, 1857, par l’abbé Crosnier, puis par E. Mâle, op. cit., p. 230 : « Sainte Anne est debout et autour d’elle se groupent tous les emblèmes bibliques qui d’ordinaire entourent sa fille : la rose, le jardin, la fontaine, le miroir, l’étoile… Elle écarte son manteau, et on aperçoit, dans son sein ouvert et rayonnant comme une auréole, la Vierge et son fils. Des profondeurs du ciel surgit Dieu le Père qui contemple, non pas son œuvre, mais sa pensée ; car cette mystérieuse figure n’a pas encore reçu l’être. Une inscription grandiose, empruntée à la Bible, est écrite sous les pieds de sainte Anne ; elle s’exprime ainsi : Necduni crant abyssi et jam concepla erum. Les abîmes n’existaient pas encore et j’avais déjà été conçue. »

Pour comprendre cette composition, il faut tenir compte de l’essor extraordinaire que le culte de sainte Anne avait pris à cette époque dans certains pays, l’Allemagne en particulier, et plus spécialement de la doctrine émise par Jean Trithemius dans son traité, déjà cité col. 1128 : De laudibus sanctissimæ matris Anmr. Considérant l’épouse de Joachim comme mère de ISIarie, qui fut mère de Dieu, il l’enveloppe dans un même décret de prédestination, c. v. Quod omnipotens Dcus sanctam Annam matrem suæ genitricis elegerit anle mundi constitationem. D’après le même principe et sous le même rapport, il lui attribue une pureté parfaite dans la conception comme dans l’enfantement de sa fille : Concepit sine originali macula, pepcrit sine culpa ; ce qui, dans sa pensée, exclut la concupiscence. En somme, il soutient la pureté de la conception de Marie, prise intégralement, la pureté de la conception active aussi bien que celle de la conception passive. En cela Trithemius suivait une opinion que nous avons rencontrée chez un certain nombre de théologiens et qui, à l’époque où nous sommes parvenus, avait encore ses partisans, notamment dans l’école scotistico-lulliste. Excmiilc, Jean de Meppis, religieux augustin, dans le traité signalé : Maria quamvis ex.Joachim et Anna fuerit genita vel nata, non tamen ex libidine, sed Spiritus Sancti operationc fuit concepla. Pierre de Alva, Monunirnta antiqua, t. I, p. IL De même Dominique de Carpani : Xon per humana libidine, ma per divino dono et gratin. Serm., i, loc. cit., p. 77. De même Pierre Lefebvrc, Le Dcfensoire de la Conception, Inc. cit., p. 8(>sq., et d’autres. Supposons maintenant que l’auteur de la curieuse représentation se soit inspiré de cette théorie ou ait été sous rinfluence de théologiens qui la soutenaient, le symbolisme de son œuvre est facile à comprendre : ce qu’il voulait rappeler et signifier, c’était l’immaculée conception telle que la comprenaient Trithemius et les

autres, avecriilic do purclé s’ilendant à la conception passive et à lacoiiccplioii active, non pas seulement au moment de ranimalion ou union de l’âme et du corps, mais dès le début du la génération.

L’animal légendaire qu’on appelait la licorne, passait pour aimer extrêmement la pureté. Dès qu’il percevait une jeune fille, vierge, il accourait à ses côtés. Il était, disait-on, très rare, et on pouvait difficilement le capturer. Quand sa présence en un lieu éiait connue, on usait, pour s’en saisir, d’un stratagème : une jeune vierge était placée dans les environs de sa retraite ; des chasseurs s’embusquaient tout autour ; une battue était organisée. Traquée de toutes parts, la licorne ciierchait à fuir, sans pouvoir s’échapper. Aussi, dès qu’elle apercevait la jeune fille, s’élançait-elle auprès d’elle. Les chasseurs la tuaient alors. Le symbolisme chrétien utilisa, dès saint Grégoire le Grand, cette légende profane pour représenter l’incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la vierge Marie. L’iconographie la reproduisit en images au xiiie siècle, comme figure de ce mystère divin, voir L. Hoquet, A propos d’une sculpture représenianl la chasse à la licorne, dans le Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournai], 1889. Au xv » siècle, l’image se développa et reproduisit une scène angélique, comphquée de tout l’appareil de la vénerie du temps. Le chasseur fut l’ange Gabriel. Des banderoles indiquaient que les chiens eux-mêmes figuraient les motifs qui avaient déterminé l’incarnation dans les conseils divins. Au nombre de trois, ils représentaient Fides, Spes, Caritas, au nombre de quatre, Fax, Veritas, Misericordia, Juslilia. La Vierge était assise au milieu d’une enceinte, Vhortus conclusus du Cantique ; elle était entourée des emblèmes signalés plus haut, col. 1145. Le Père éternel prononçait la parole du même Cantique : Tola pulchra es, arnica mea, et macula non est in te. L’ange Gabriel sonnait du cor, et sa fanfare répétait le début de sa salutation à Marie : Ave, gratta plena, Dominus tecum. M. Léon Germain de Maidy estima, le premier, que la chasse à la licorne, avec ces développements, figurait allégoriquement plus que la perpétuelle virginité de la mère du Verbe incarné, et exprimait sa conception immaculée. Le jardin fermé, les paroles de Dieu le Père et de l’ange, les emblèmes ajoutés ne laissent aucun doute sur cette signification symbolique, et ils expliquent la vogue que cette image eut à la fin du xv<e siècle et dans la première moitié du xvi<’, époque à laquelle la croyance à cette conception sans tache était devenue si populaire. La chasse à la licorne et l’immaculée conception (extrait de l’Espérance), Nancy, 1897 ; cf. Les types symboliques de r immaculée conception à l’époque de la Renaissance (extrait de la Semaine religieuse du diocèse de Nancy et de Tout), Nancy, 1914, p. 17-20. Louis CIoquet adopta aussitôt cette ingénieuse interprétation, Revue de l’art chrétien, 1897, p. 532. Léon Maxe-Werly en multiplia les exemples. L’iconographie de l’immaculée conception, Moutiers, 1903.

c) 3e groupe. — Ce sont les représentations « dogmatico-historiques. « Comme dans les précédentes, la Vierge occupe la place d’iionneur, élevée au-dessus de terre ou assise, les mains jointes et, souvent les yeux levés vers le ciel. Mais les symboles ou emblèmes sont remplacés par de saints personnages, qui témoignent en faveur du privilège à l’aide de textes inscrits sur des banderoles. Ainsi, dans une peinture du xvie siècle, qui se rattache à l’école florentine des délia Robbia, trois saints docteurs sont autour de la Vierge : Augustin, Ambroise et Anselme, chacun avec son témoignage. Dans un tableau de Signorelli, 1515, six personnages de l’Ancien Testament interviennent : David et Salomon, deux prophètes, Adam et Eve, avec des textes de la sainte Écriture : Virga Jesse flo ruit ; Ecce Xinjo coiiripict ; Orta est stellu ex.Jacob ; Sicut lilinm inter spinus ; Ab initin et unte ssecula creata sum. Le sujet est encore plus développé dans une toile de Jacopo Chimenti da Empoli C+ ICIO) ; en outre, des anges portent une banderole avec cette inscription : Quos Evw culpa damnavit. Marin’gratta solvit. Le P. Hcissel range sous le même groupe diverses compositions d’artistes connus : Girolamo.Marches ! da Cotignola, de Ferrare, 1513 : à la même ijioque, Francesco Zaganelli Cotignola, avec l’inscription : Tota pulchni es. Maria, et macula oritjiiuUis non est in te ; Dosso Dossi († 1560), plaçant au-dessus de la Vjejge Dieu le Père, qui étend vers elle son sceptre et cette inscription, Esth., XV, 13 : Xon enim pro te. sed pro omnibus hsec lex constituta est ; d’autres encore.

Rapprochons de ces tableaux le triptyque de.Jean Rellegambe, datant de 1521 et conservé (incomplet) au musée d’Amiens : Une sorte de concile œcuménique, composé des plus illustres docteurs de l’Église, remplit les deux ailes : c’est la théologie méditant sur la Vierge. On voit d’abord les Pères de l’Église, saint Augustin, saint Ambroise, saint Jérôme ; chacun d’eux semble prononcer une phrase empruntée à ses œuvres, et chacune de ces phrases témoigne en faveur de la croyance à l’immaculée conception. Voici, maintenant, la plus grave assemblée de la chrétienté, l’université de Paris. Elle aussi parle par la bouche de ses grands docteurs, les Pierre Lombard, les Ronaventure, les Duns Scot : tous s’inclinent devant le mystère d’une Vierge sans tache. Enfin voici le pape lui-même ; Sixte IV apparaît assis sur un trône de marbre, et, au-dessus de sa tête, on lit ce texte emprunte à sa troisième constitution sur l’immaculée conception : Mater Dei, Virgo gloriosa, a peccatu originali semper fuit præservata. L’œuvre, on le voit, est grandement conçue ; c’est, comme la fresque de Raphaël, une Dispute dont la Vierge serait le sujet. » E. Mâle, op. cit., p. 219.

II ne faut pas chercher la valeur de ces représentations « dogmatico-historiques dans les autorités alléguées ; souvent elles manquent de force probante, par exemple, ce texte attribué à saint Ambroise : Hær est virga, in qua nec nodus originalis, nec cortex actualis unquam fuit, ou cet autre donné imperturbablement comme de saint Anselme : Non puto verr esse amatorem Virginis, qui respuit celebrare festum suæ conceptionis. La réelle valeur de ces pièces vient de ce qu’elles nous révèlent la croyance des artistes et, indirectement, celle des milieux où ils vivaient ou dont ils subissaient l’influence. On retrouve même dans les hymnes de leur temps un procédé semblable de recours aux Pères et aux docteurs qu’on fait pour ainsi dire parler en faveur de l’immaculée conception. Exemple, cette seconde strophe <l’une hymne provenant d’un couvent franciscain :

Taiiin conceptum prteclarnm

prœservaliiin et sanctum

laudaui et probant Scriptunc

aique dicta docioniin.

Suivent des noms : sacer Anselmus ; dévolus Bernliardus, Augustinus, avec des textes résumés ou arrangés pour le rythme. De même, dans une hymne presque semblable qui fait suite et qui provient d’un couvent de carmes. G. Dreves, Analccta hymnica, t. x, p, 66. Prague, sœc. xv ; p. 07. Miss. ms. Cremense, sœc. XV.

d) 4° groupe. — Nous arrivons aux représentations qui méritent plus particulièrement l’épithète de « personnelles, » en ce sens que leurs auteurs tendent à exprimer la pureté originelle de Marie sans l’aide de symboles qui la suggèrent à l’esprit ni de garants qui l’attestent. Pour cela, s’atlachant non pas à l’acte.

mais au terme de la conception consommée, la personne même de Marie, ils essaient, soulevés par la vigueur de leur croyance, de la dépeindre sous des traits qui rendent en quelque sorte sensible le glorieux privilège. Au point de départ, nous trouvons « la femme revêtue du soleil, avec la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Apoc, xii, 1. Tel était, en particulier, le sceau de la confrérie des Palinods ; mais la Vierge reposait ses pieds sur un globe en écrasant le serpent. Gen., iii, 15. Par ce détail, le Protévangile et l’Apocalypse étaient reliés, dans l’intention manifeste de présenter Marie comme la femme qui, par mission et comme par notion propre, est l’adversaire et la triomphatrice du démon, impuissant à son égard.

Avançant encore, les artistes dépeignirent la Vierge, élevée au-dessus du sol, les mains jointes ou tendues vers le ciel, parfois entourée et soutenue par les anges, mais dans un tel éclat d’innocence ou dans une union à Dieu si étroite et si profonde, que l’impression nous vient d’une innocence et d’une union à Dieu qui ne sont pas en Marie quelque chose d’accidentel, mais fjui font, pour ainsi dire, partie de son être moral, qui constituent comme une propriété individuelle et, par conséquent, inséparable d’elle, à n’importe quel moment de son existence. C’est « l’Immaculée » ou la

Toute-Pure », telle qu’elle nous a été donnée par des artistes chrétiens comme, en Italie, Dominique Brusasorci († 1567), Louis Caracci († 1619) et surtout Guido Reni, dit le Guide († 1642), en Espagne, Ribera surnommé Spagnoletto († 1556), Juan de Roelas, ( t 1625), puis, pour couronner le tout, Esteban Murillo († 1685), le peintre « par excellence r de l’immaculada ou de la Purisima, dont il n’a pas fait moins de vingt-cinq peintures sans se répéter jamais complètement. Quel hommage à la Vierge sans tache que des toiles comme celles dont s’enorgueillissent, entre autres, les musées du Prado, à Madrid, et du Louvre, à Paris I

A ce dernier groupe de représentations se rattache encore celle qui est signalée et louée dans l’édition citée (le l’Histoire de Jean van der Meulen, loc. cit., col. 294 ; représentation composée par le peintre belge .Vntoine Coypcl, au début du xvine siècle, et souvent reproduite. La ierge foule aux pieds le serpent qui enveloppe la terre de ses immenses replis et fait de vains efforts pour mordre celle qui lui broie la tête. En haut, Dieu le Père, sortant d’un nuage, étend d’un geste protecteur la main sur Marie qui, les mains jointes et la tête modestement baissée, semble recevoir et goûterles divines influences de la grâce. G" est encore la femme du Protévangile, représentée conune remportant une pleine victoire sur le démon, et en même temps comme spécialement et indissolublement unie à Dieu par un effet de sa toute-puissance et de son amour.

r’alinnd.i, chants roiimir, hallartes, romhaiir et épigrnmmes Al’honnrnr de l’Immaculée cnncet>lion de la toute belle mère fie Dieu, Marie, patronne des Xorma’ids, pri-senlés au Puy à Houen composés par scientifiques personnages, etc. (Recueil de Pierre Vidoue), Paris, vers l.>2.j ; Recueil des poésies qui ont été couronnées sur le Puy de V ImmacuUc Conception de la Vierge, tenu à Cæn dans les grandes ficoles de l’I^ninersili, années ir, t ; r, .]795, Cæn, 17 !).t ; lutfm.-ird Frère, Api>rnhation et confirmation par le pape I.éon X des sintnis et prinUges de la confrérie de l’immaculée conception, dite académie des Palinods, instituée à Houen, réimpession d’une ancienne pièce avec’otice liistorique et bibliographique de l’académie des Palinods, Houen, 186 1 ; Jos. André Guiot, /, e « trois siècles palinodiques, rjij histoire générale des palinods de Rouen, Dieppe, etc., publiés pour la première fois par l’abbè A. TouKard, IVouen.Paris, 1808 ;.1. M. Aioardo, Inspiraciôn conception ista en los autos sacramentales de Calderon, dans Raz6n g fr, Madrifl. 1004, 11 » extraordinaire, p. ll.’l ; card. Stcrkx, Courte dissertation sur la manière de représentei par la peinture le mgslère de l’immaculée conception, .Ialincs, 185.5 ; Mgr.Malou, Iconographie de l’immaculée conception.

Bruxelles, 1856 ;.ug. Crosnier, L’immaculée conccpfio/i de Marie proclamée par les iconograplws du moyen àgdans le Bulletin monumental, Cæn, 1857, t. xxiii, p. 57-7.’; Miss A. Jameson, Legends o/ Ihe Mndonna as representm in the fine Arts, 5’édit., Londres, 1872, p. 42 sq. ; Edm. Waterton Pietas Mariana Britannica, Londres, !. I, part. III, ^2, p. 227 sq. ; Mgr X. Barbier de Montault, Traité d’iconographie chrétienne, Paris, 1890, t.ll, p. 204-206 ; L. Cloquct, Éléments d’iconographie chrétienne, types symboliques, Lille, 1890, p. 1 33-142 (qui donne, p. 1 42, une bibliographie plus ancienne) ; IL Schmitz, Die Anna-Bilder in ihrer Beiiehung ztir unbeflecklen Empidngnis Mariae dans Der Kalholik, Mayencc, 1893, t.i, p.l4-37 ;.Ioh. Graus. Conceptio immaculata inalten Darstellungen, Gratz, 1905 ; Maxe-Werly, L’iconographie de r immaculée cepliconon à la /întZiJxvi = s iéc/e (extrait des Notes d’art et d’archéologie), Moutiers, 1903 ; E. ^âe, l’art religieux de la fin du moyen âge en France, Paris, 1908, p. 218 sq. ; Steph. Beisssel, Geschichte der Verehrung Marias in Deutschland in XYI-XVII Jahrhundert, c. xi, FribourR-en-Brisgau, 1910 ; L. Germain de Maidy, La chasse à la licorne et l’immaculée conception, extraitde l’Espérance, Nancy, 1897 ; La rencontre à la Porte dorée, première représentation allégorique de l’immaculée conception (5 articles, dans l’Jîspérance, du 19 mars au 26 mai 1897) ; Les types iconographiques de l’immaculée conception à l’époque de la Renaissance, extrait de lo Semaine religieuse du diocèse de Nancy etde 7 oul, ’Sancy, lÇ>l 1 ; Vnvitraildcla coUcctionDouglas vers 1525, symbolisant V immaculée conceplion (extrait des Mémoires de V Académie de Stanislas, 1915-1916), Nancy, 1916

4° L’élaboration Ihéologique aux XVI’^ et XVW siècles. — Les tenants de la pieuse croyance devaient la défendre contre les ennemis du dehors, les protestants en particulier. Nous avons vu qu’en plusieurs circonstances notables, ils ne manquèrent pas à ce devoir. D’une façon plus générale, qu’il suffise de rappeler le passage des Controverses où le Vénérable cardinal Liellarmin, prenant la croyance et le culte dans l’état où ils les trouvaient alors officiellement, justifie l’un et l’autre et réfute les arguments des adversaires. De ainissiune gratix et statu peccati, t. IV, c. xv-XVII. ! Mais ce ne fut pas dans cette direction que se poursuivit le mouvement théologique propre à cette période. La fermeté croissante de l’affirmation doctrinale et les démarches faites à Rome pour obtenir la définition du privilège amenèrent les théologiens à considérer des aspects nouveaux du problème général. Tout d’abord, ils durent répondre ; i cette question : Quel degré de certitude faut-il attribuer à la jneuse croyance ? Etait-elle déjà ou du moins pouvait-elle devenir vérité de foi catholicpie ? A ceux qui donnaient une réponse affirmative à l’une ou à l’autre de ces deux (luestions, la nécessité s’imposait de concilier l’assertion d’une préservation certaine de la bienheureuse Vierge avec sa rédemption par.lésus-Christ ; cette conciliation ne pouvait se faire qu’en étudiant cxjnoje.sso la question de la dette du péché originel en Marie. Restaient enfin l’objet du culte et celui de la croyance qui n’étaient pas encore nettement fixés, soil en eux-mêmes soit dans leur rapport mutuel.

1. L’immaciilce conccfvion psl-elle une vérité de foi ? - Telle qu’elle se posait au xvii"’siècle, cette question peut être résumée dans l’affaire survenue en 1574-1575, entre l’iniversité de Paris, et Jean Maldonat, professeur de Ihéologie au collège de Clermont, alTairc incxactement ra|)portéc par beaucoup d’auteurs, notamment Crevier disant de ce jésuite : « Il enseigna que la.sainte’ierge a élé conçue en pèche originel. >. Histoire de l’université de Paris, defmis son origine jusqu’en l’année 1660, Paris, 1761, t. vi, p. 294. Tel ne fut pas l’enseignement de Maldonat, comme le démontrent les pièces authentiques <lu procès, réunies dans un dossier qui se conserve à la bibliothèque Valicanc, ms. lai. 643.3. On y trouve d’abord le Uxie dicté dans son cours par le professeur : Dictuta a Muldonoto jesuita, circa roncefUionem imnuiculutarn virginis Mariic. Sur celle question : An rr ipsa feurit

concepla in pecculo orijinali, il dislingue cinq opinions diverses. Suivant la première, la bienheureuse Vierge aurait été conçue non seulement sans le pécliô originel, mais même sans l’intervention de l’homme, par l’opération du Saint-Esprit ; opinion hérétique qui semble avoir été celle des collyridiens, d’après saint Épiphane. Voir t. III, col. 369-370. D’autres tiennent que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, et que c’est là une vérité de foi catholique, id esse habendum pro fide catholica ; Maldonat estime que telle a été la pensée des anciens auteurs, Ambroise, Augustin et autres, celle aussi d’Anselme, de Bernard et du docteur angélique, quand il dit Sum. theoL, 1^-Ilai, q. Lxxxi, a. 3 : Secundum fidem catholicam firmiter est ienendum qiiod omnes homines prseter Christum ex Adam dérivait peccatiim originale ex Adam contralmnt. Mais, après la constituion Grave nimis de Sixte IV, confirmée par le concile de Trente et par saint Pie V, cette opinion n’est plus soutenable. La troisième opinion est complètement opposée à la précédente : Il est de foi catholique que la bienheureuse Vierge a été conçue sans le péché originel. Lefebvre d’Etaples fut de ce sentiment, et c’est encore, semblet-il, celui d’un certain nombre, et nonnulli etiam ex viventibus. Ils apportent, comme arguments, le décret du concile de Bâle, la célébration de la fête avec l’oraison : Deus qui per immaculalam conceptionem, etc., enfin les indulgences accordées à cette occasion. Mais, comme la précédente, cette opinion n’est pas vraie, elle est plutôt téméraire : sed neque hsec opinio est vera, sed potins temeraria. Le concile de Bâle ne fut pas légitime, et ni la célébration d’une fête de la Conception, ni les indulgences annexées n’entraînent nécessairement l’affirmation, encore moins la définition du glorieux privilège. La quatrième opinion pose, comme plus probable, que la bienheureuse Vierge fut conçue dans le péché originel ; ses partisans se servent des raisons alléguées pour la seconde opinion. La cinquième tient que la bienheureuse Vierge fut conçue sans le péché originel, mais nie que ce soit là une vérité de foi catholique. Cette dernière opinion semble un peu plus probable, videtur paulo probabilior, à cause des arguments invoqués pour la troisième, du grand nombre des universités qui l’admettent, celle de Paris en particulier, et de la faveur dont elle jouit auprès des catholiques. Tous les autres arguments qu’on a coutume d’alléguer n’ont à mes yeux, ajoutait Maldonat, que très peu de probabilité, mihi perparum probabilitatis videntur habere.

D’après cet exposé, la position prise par le professeur du collège de Clermont était très nette : il admettait et enseignait la pieuse croyance, mais en refusant d’y voir une vérité de foi et même en ne lui attribuant, de jugement privé, qu’une plus grande probabilité. Cette position, prise telle qu’elle, ne pouvait que déplaire vivement aux membres de l’Université ; à plus forte raison, si elle leur fut d’abord rapportée d’une façon inexacte, comme ce fut le cas à en juger par le résumé des délibérations donné par E. du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, t. vi, p. 742, 744 sq., Maldonat, cité, ne comparut pas devant un tribunal dont il ne dépendait pas. L’Ordinaire, Pierre de Gondy, auquel la cause fut déférée, déclara que l’enseignement incriminé ne contenait rien d’hérétique ni de contraire à la doctrine catholique.

L’affaire alla jusqu’à Rome. Deux pièces nous renseignent sur la position prise par l’Université. La première est intitulée : Disputatio huius quæsiionis, an sit propositio fidei beatam Vircjinem esse conceptam sine peccato. Elle comprend les principaux arguments de ceux qui sont pour l’anirmative, avec réplique à ces arguments, puis les raisons de ceux qui nient, avec réfutation des réponses faites par la partie

adverse. L’autre pièce est un traité sur la croyance de l’Université dans la question engagée : Tractatus de fide sacrosandie facultatis Iheologiie in universitale Parisiensi circu immaculalam Viryinis matris a peccato oriyinali conceptionem, et contentionum circa eandem ortarum. L’immaculée conception de Marie est une vérité de foi : telle est la thèse soutenue. L’Université fait appel au décret du concile de Bâle, à sa propre croyance, au serment imposé à ses maîtres, et même à un passage des statuts synodaux émis en 1515 par Etienne Porcher, évêque de Paris, passage où il était dit de la bienheureuse Vierge : Approbamus etiam absque originali peccato conceptam, et contrarium cemsenles H^RETICOS reputamus. Pour répondre à l’objection tirée du fait qu’en dehors de France, cette affirmation n’était pas communément admise, quelques docteurs distinguaient entre les articles de foi catholique et de foi gallicane, Respondent quidam non esse de fide CATHOLICA, sed de fide GALLlCANA, certa tamen et necessaria. D’autres disaient, en variant les termes, que l’article n’était pas de foi dans les autres pays, mais qu’il l’était en France : non esse quidem de fide, in aliis provinciis, sed esse in Gallia. Et cela, parce que l’Église gallicane avait reçu le bénéfice d’une révélation qui n’avait pas encore été faite aux autres, ob revelationem Ecclesix gallicanse factam quee nondum aliis facta est.

En se plaçant sur ce terrain, les docteurs sorbonnistes facilitèrent à Maldonat sa défense en cour de Rome. Il pouvait invoquer les constitutions de Sixte IV et leur confirmation par le concile de Trente, non moins que l’état actuel de la croyance dans l’Église : Nom etiam hodie in diversis locis et a diversis personis utravis pars libère defenditur salva fide cliristiana et sine crimine hæreseos. On parle de foi gallicane, c’est-à-dire particulariste ou nationale ; mais la vraie foi doit être catholique et universelle : fides proprie dicta non est nisi catholica et universalis. En ce qui concernait le concile de Bâle, Maldonat évitait, par motif de prudence, de revenir sur la question irritante de légitimité ; il se bornait à nier qu’on y eût défini la conception sans tache comme dogme de foi : non enim concilium Basileense dixit esse doctrinam fidei, sed esse FIDEI coNSONAM, quod longe aliud est. Il interprétait dans le même sens le serment imposé par la Faculté, en citant un passage où Josse Clichtoue, De puritate Conceptionis, t. I, c. xvii, se servait de termes équivalents : sententiam veritati consentaneam.

Cette argumentation était irréfutable, du point de vue juridique. Aussi le résultat fut-il, comme le dit Crevier, op. cit., p. 300, « que ce jésuite ne fut point condamné. » Résultat négatif, mais il y en eut un autre, positif celui-là, de la part de l’Université : elle réforma ou modéra sa manière de voir sur le point en litige. Benoît XIV cite cette phrase, extraite du Traité fait à cette occasion : « Le siège de Rome préfère le sentiment des pères de Trente à celui des pères de Bâle ; la Faculté s’y conforme et elle admet, selon le concile de Trente, que l’affirmation de la Conception (sans tache) n’est pas un article de foi catholique, et qu’on ne peut appeler hérétique celui qui pense autrement. » Commentarius de D. N. Jesu Christi malrisqne ejus festis, part. II, n. 210, Bruxelles, 1866, t. ii, p. 420. Cette interprétation sera désormais celle des plus illustres docteurs de Paris, André Duval, Isambert et autres. Dans une lettre écrite à l’abbé Bertin. le 27 mai 1702, Bossuet dira en parlant de la faculté : i( Tous nos docteurs conviennent qu’elle réduit l’ancienne définition de Bâle aux termes du concile da Trente. » Œuvres co7npZè/es, édit. Lachat, t. xxvii.p. 265.

Maldonat, Opéra iiaria theologica, Paris, 1676, t. iii, p. 73 ; J. M. Prat, , MaWonn* et l Université de Paris au XVIII" siMe, Paris, 1856, p. 351, 378 ; E. Lesêtre, op. cit., p. 91 sq. ;

E. (lu Boulay, Thsloria Thiiversilatix Pctrisiensis, Paris, 1665 sq., t. VI, p. 739, 742 sq. ; d’Arsentré, Colleclio judicionim, t. ii, p. 413 sq. ; Roskovâny, op. cit., t. i, p. 428 sq. ; Pierre de Alva, Militici immaciilntæ conceplionis virginis MariTT, Loiivain, 1663, au mot.loannes Maldonalns.

2. L’immaculée conception peut-elle devenir une vérité de foi ? — Cette seconde question s’imposa nécessairement à l’étude des docteurs quand les princes chrétiens commencèrent à faire des instances auprès du Saint-Siège en vue d’obtenir la définition du glorieux privilège. D’ailleurs, pour les théologiens, la meilleure manière de seconder le mouvement, c’était de justifier à l’avance ou de montrer comme faisable ce qu’on demandait de faire. IIais il y avait deux camps. « ) L’opinion négative. — Tous ceux qui niaient la réalité ou la probabilité du privilège niaient du même coup qu’il pût être question de le proposer, à un titre quelconque, comme vérité. Ce genre d’adversaires ne nous intéresse ici que par l’objection formulée. Mclchior Cano l’a nettement résumée, De locis theologicis^ t. VII, c. III, 4’= concl., Bassano, 1776, p. 159 : « Les Livres saints pris à la lettre et dans leur vrai sens, n’alTirment nulle part que la bienheureuse "Vierge ait été totalement exempte du péché originel ; au contraire, ils énoncent en termes généraux, sans exception aucune, la loi du péclié, pour tous ceux qui descendent d’Adam par voie de propagation charnelle. On ne peut pas dire que la croyance nous serait venue des apôtres par la tradition. En effet, les croyances traditionnelles n’ont pu venir des apôtres à nous que par l’intermédiaire des évêques, successeurs des apôtres ; or il est manifeste que les premiers Pères n’ont pas reçu des apôtres la doctrine de l’immaculée conception ; s’ils l’avaient reçue, ils l’auraient transmise à leurs successeurs. »

A ce premier et principal groupe d’adversaires, s’ajoutait celui des théologiens qui admettaient de fait le privilège, qui le jugeaient inéme définissable comme croyance pieuse ou comme conclusion théologique certaine, mais non pas comme vérité de foi. Le plus illustre représentant de cette opinion au xvie siècle est le cardinal Bellarmin, dans le Votum qu’il émit, le 31 août 1617, sur la conception de la bienheureuse Vierge, et qui sera cité plus loin. Il dit, dans sa quatrième conclusion : « On peut définir que tous les fidèles doivent tenir pour pieuse et sainte la croyance en la conception sans tache de la Vierge, en sorte que désormais il ne soit permis à personne d’admettre ou de dire le contraire sans témérité, scandale ou soupçon d’hérésie. ».Mais il avait dit auparavant, dans la seconde conclusion : « On ne peut pas définir que l’opinion opposée soit hérétique. » II n’admettait donc pas qu’on pût définir la pieuse croyance comme vérité de foi, puisque c’eût été définir implicitement que la proposition opposée était hérétique. Pourquoi cette restriction ? Evidemment parce que, au jugement du docte cardinal, on ne trouvait, ni dans la sainte Écriture, ni dans la tradition, tout ce qu’il estimait nécessaire pour que le pieuse croyance fût une doctrine révélée. Telle était aussi, scmble-t-il, la pensée de Maldonat quand il objectait : « Ce qui est de foi a dû être révélé par Dieu immédiatement ou médiatement, explicitement, c’est-à-dire en propres termes, in propria forma verborum, ou implicitement, c’est-à-dire, pour parier comme les théologiens, en vertu d’une conséquence logique ou nécessaire, in neces.^aria et bona consequentiu. Or que la bienheureuse Vierge ail été conçue sans péché, c’est une assertion, qui d’aucune de ces quatre manières, ne nous apparaît comme révélée de Dieu. » Bibliothèque Valicanc, ins. lat. 0433, fol. 11.

b) L’opinion affirmation. - - Il est presque inutile de signaler ceux qui regardaient le privilège comme strictement défini au concile de Bâle ; ceux-là pou DIC. DETIIÉOL. CATIIOI..

valent dire : Ab aclu ad passe valet illatio. En dehors d’eux, la grande majorité des défenseurs de la pieuse croyance la considéraient comme se présentant dans des conditions telles qu’elle pouvait être définie comme vérité de foi. Idpersuasum est niihi citra fidem esse veritatem certissimam, et qux, Deo volente, aliquando, cERTioR erit, écrivait le cardinal Tolet, Sum. theol., llh, q. xxvii, a. 2, concl. 2. Et Suarez : Dico veritatem banc passe definiri ab Ecclesia. quando id expedirc judicaverit. In III^"’part., t. ii, disp. III, sect. vi, n. 4. De même Vasquez, In III^’^ part., t. ii, disp. CXVII, c. xiv ; chez les augustins, Gilles de la Présentation, De immaculala beatæ Virginis conceptione ab omni originali peccato imnmni, Coïmbre, 1017, t. III, c. vin ; chez les carmes, Philippe de la Très-Sainte-Trinité, Maria sicut aurora consurgens, Lyon, 1667, disp. IV. Bientôt ce ne sont plus desimpies assertions émises en passant, mais des livres entiers dans de grands traités, par exemple, J. B. Poza, Elucidarium Deiparse, Lyon, 1627, t. IV, et Jean Ant. ^"elasquez, Dissertationes de Maria immaculate concept<i, Lyon, 1653, t. V, ou même des ouvrages spécialement consacrés à la question, comme ceux des franciscains Christophe Davenport (Franciscus a S. Clara) et Jean Merinero et de l’oratorien Louis Crespi de Borgia, indiques ci-dessous dans la bibliographie.

Parmi les motifs que ces théologiens mettent en avant, il en est qui ne prouvent pas, par eux-mêmes, que le privilège puisse être défini de foi divine ; tels ceux que le dernier auteur énumère dans la conclusion de son Propugnacuhim theologicum, p. 413 : miraculorum adminicula, religionum apostolica approbatio, silentiuni parti oppositæ impositiim, rcligiosorum cœtuiim vota, academiarum celeberrimariim suffragium, maior probabililas, et pielas principum, instantia et populorum desidcria. Ce sont là ce que le même auteur appelle, disp. III, des moyens extrinsèques, cvterna adiumenta, » propres à mouvoir le magistère ecclésiastique dans le sens de la définition, mais sous la condition préalable de motifs ou fondements intrinsèques suffisants. Ceux-là, Crespi les énumère d’abord, disp. II, p. 413 : teslimonia sacræ Scriptura’, traditio ecclesiustica, Patrum auetoritas. Ces fondements ne diffèrent pas de ceux que les théologiens des siècles précédents avaient assignés, col. 1090, mais il y a progrès constant, non chez tous, mais chez beaucoup, dans le choix des témoignages et dans la manière de les présenter.

Relevons quelques particularités. Oux qui proclament le privilège définissable de foi divine reconnaissent c|u’une doctrine ne peut pas devenir objet de foi sans cire contenue dans la sainte Écriture ou dans la Tradition, mais ils font remarc|ucr que l’interprétation de ce principe demande de la discrétion et une certaine largeur de vues, car nous croyons aujourd’hui (les vérités que l’Église ne croyait ]ias auparavant d’une foi explicitc, quoiciu’clles fussent renfermées implicitement dans la doctrine primitive, « et souvent l’Église, en verlu de son autorité et avec le secours du Saint-Esprit qui l’assiste, a décidé des controverses semblables, sans révélation nouvelle, comme on peut le montrer par des exemples manifestes. » Suarez, In 1 1 1^’" part., t. ii, disp. III, sect. vi, n. 4. Dans une note manuscrite sur les conditions requises, dans l’occurence, pour une définition dogmatique, un théologien de l’époque ajoutait qu’à presser trop l’objection tirée de ce que le privilège n’est pas clairement contenu dans la sainte Ecriture et l’antique tradition, ou qu’il n’en est pas clairement déduit, on s’exposait à de nombreuses dimcullés dans la controverse avec les protestants : Parro c(n<cndum, ne quir.Mt Hioini- ; rxigil ad definitiancnu nt c.t.scriptura vcl ex traditionc res depnicnda colligatur, favcal hirrcticis,

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IMMACULEE CONCEPTION

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qui multa definila minoris nvnnenli in se quant sil prœservatio ab originali pccralo, nerjanl et rident, quia non dediicantur ex Scripliira. et de iiadem trciditio incerln sil. Bruxelles, bibliollièque royale, ms. 7280, fol. 136. Un peu auparavant, le même théologien anonyme avait proposé une autre considération de valeur non moindre. Partant de ce fait que les pères du concile de Trenle n’avaient pas voulu inclure la mère de IJieu dans les anathémes généraux qui tombent sur la conception et la naissance de tout fils d’Adam déchu, il remarquait que, pour achever l’œuvre, il suffirait de passer de la non-conclusion à l’exclusion positive ; car, la grande majorité tenant pour celle-ci, l’Église pourrait manifestement user de l’autorité qu’elle possède pour trancher en cas de confiit et déterminer le vrai sens de la sainte Écriture, declarando ulra pars congrual menti Spiritus Sancti.

En ce qui concerne la manière de proposer l’argument de tradition, l’accord manque. Beaucoup de théologiens, surtout en Espagne, supposent qu’il y eut croyance formelle dès le début du christianisme ; les apôtres auraient expressément enseigné le privilège et l’institution de la fête de l’immaculée conception remonterait jusqu’à eux. Telle est la thèse soutenue, pour donner un exemple, dans un ouvrage d’un cistercien de Madrid, François Bivar, De festo immaculutse conceptionis beutæ Virginis in Hispania celebrato a tempore apostolorum, I.yon. 1627. Mais à la base de ces affirmations il y avait des légendes et des pièces apocryphes ou mal interprétées, comme on l’a déjà vu, col. 873. A plus forte raison n’y a-t-il pas lieu de s’arrêter aux inscriptions si nettes, gravées sur les fameux « plombs de Grenade, » découverts en 1595 dans une grotte voisine de cette ville, mais dénués d’autorité. Roskovâny, op. cit., t. i, p. xliii, t. ii, p. xix ; J. Mir, op. cit., c. xXi, p. 392 sq.

D’autres théologiens reconnaissaient qu’on ne pouvait pas établir par des témoignages positifs l’existence d’une tradition orale primitive, mais ils prétendaient conclure à son existence en s’appuyant sur la croyance constante de l’Église ; ainsi raisonnait Christophe Davenport, c. iii, p. 58 : Perpétuas sensus Ecclesise etConcilioruni et Pulram sanctorum cogit fidèles supponerc Iraditionem oris, nbi in scriptis non invenitur. Argument valable dans certains cas, mais inefficace dans le cas actuel, car il n’était pas certain qu’il y eût croyance constante dans l’Église, ni que le privilège eût été révélé d’une façon explicite.

D’autres distinguaient entre la tradition apostolique et la tradition ecclésiaslique ; à défaut de la première, ils invoquaient la seconde ; tel, Crespi de Borgia, disp. II, a. 3, p. 107 : Licet non uusiin dicere, dari primam trad.tionem respecta conceptionis immaculatee, quia sic essel jam negotium de fuie, in quo sensu intelligo Bcrnardum negare traditionem in epist.illa ad Lugdunenses, tamen negari nequit, dari traditionem ecclesiaslicam. quæ respui non débet, sed valde conducit ad definibilitatem. L’argument était bon, il était même beaucoup plus important que ne le soupçonnaient les théologiens d’alors, si pauvrement renseignés sur les monuments de la littérature ecclésiastique postéphésienne, l’orientale surtout. Déjà, cependant, l’attention commençait à s’éveiller de ce côté-là. C’est vers la fin de cette période, de 1648 à 1666, que le franciscain Pierre de Alva publiait ses nombreux ouvrages, de valeur inégale, il est vrai, mais si riches en documents précieux pour l’histoire de la croyance dans l’Église latine. D’un autre côté, en dehors des travaux entrepris par des grecs érudits venus en Europe, la Pielas mariuna græcorum, de Simon Wangnereck, avait paru à Munich, en 16t7, et les théologiens ne manquèrent pas d’utiliser aussitôt ce nouvel apport. Jean Antoine Velasquez parle, t. IV, diss. V, de l’autorité que les

Pères grecs confèrent à la pieuse croyance, et il insiste, Adnol. 1, sur ce fait, que des documents nouveaux ou du moins inconnus jusque-là rendent témoignage à la pieuse Cf/vance : A’o" « sive hactenus non visa Grxcorum Pulrum pro Mariæ immunilate monumenta. La bulle Ineffabilis Deus devait montrer, deux siècles plus tard, quelle était la valeur de cette ancienne littérature, si peu explorée encore, pour établir sur des bases plus larges un argument de tradition générale qui envelopperait, comme une partie dans un tout, comme un détail dans un ensemble, le glorieux privilège de la Mère de Dieu.

Franciscus a S. Clara (Christophe Davenport i, Iranciscain, Disputalin de definihilitate controiicrsiæ immacnlater conceptionis De.i Genilricis, Douai, 1(551 ; Jean Merinero, franciscain, Tractatus de ronceptione Deiparæ virginis Mariir, seu de nujits ariiculi definibililale, Valladolid, 1652 : Ludov. Cris)) ! a Borgia, oralorien, Propugnacuhim llieolog’. ciim (iefinibililatis proxiime sententiæ piar negantis bealissimam virginem Mariam in su.t conceptionis primo instanti originali labe laisse in/ectam. Valence, 1653 ;. Jean Antoine Velasquez, S. J., Disserlaliones et adnotationes de Marin immac-iilate cnncepta, t. V, Lyon, 1653 ; PassajUa, op. cit., t.in, n. 1855 :.1..Mir, op. cit., c..xxvii. — Pour l’ensemble des écrits composés ou publiés par Pierre de Alva, voir plus haut, t. I, col. 925.

3. La dette du péclié originel en Marie. - A supposer que la bienheureuse’ierge ait été préservée, taut-il dire que, fille d’Adam déchu, et issue de lui par voie de propagation naturelle, elle devait encourir le péché originel ? Telle est, en termes généraux, la question théologique du debitum peccati, par opposition à l’acte même du péché. Question abstraite et qui, dans la pratique, est encore compliquée par des divergences non seulement de terminologie, mais de vues sur des points connexes, comme la notion du péché originel, les conditions de la loi de solidarité existant entre Adam et ses descendants, Ja façon dont Marie fut prédestinée à la maternité divine, etc.

a) Origine et dclimiUdion du problème. — Dans son opuscule sur la Conception de Marie, Cajétan émit la distinction entre la dette et l’acte même du péché originel ; il affirma la dette comme un minimum nécessaire pour sauvegarder le dogme de la rédemption universelle par le Clirist. Dans ses Annotediones de Conceptione, bibliothèque Vaticane, ms. lat. 6433, fol. 31, Maldonat reprit la distinction, « inconnue, dit-il, aux anciens, apud veteres inaudita, mais que tous les théologiens ont admise du jour où elle fut énoncée, parce que, la dette écartée, on ne voit pas comment on pourrait encore dire de la bienheureuse Vierge qu’elle aurait été rachetée par Jésus-Christ. » Catharin, opposé à Cajétan sur la question du privilège, s’accorde néanmoins avec lui sur ce point important : Et quod etiam déclarât, quod essel liœrelicum si quis diceret beutam Virginem sic fuisse inimunem ab hoc pcccato ejusquc reatibus. ut non solum non iiabuerit illud, sed nec habere debuerit secundum suæ naturæ condilionem, verissimum est. Annotationes in Conunentaria Cajetani, t. IV, dans Pierre de Alva, Monumenta dominicana, p. 335. Sous ce rapport, la position de Catharin et de ceux qui l’ont suivi diffère essentiellement de celle que tient le franciscain Pierre Colonna, dit Galatin, juif converti, dans son ouvrage De arcanis ccdholicæ veritatis, t. VII, c. iii, Ortona, 1518, à savoir la théorie, plusieurs fois signalée, de la parcelle de chair conservée pure dans Adam et destinée à former le corps du Sauveur et de sa mère. Le fondement sur lequel repose, d’après Catharin, la dette du péché originel en Marie : secundum naturw suæ condilionem. entendu de la nature humaine prise non pas seulement en elle-même, mais encore dans son mode naturel de propagation, disparaît dans la bizarre

théorie d’origine rabbinique. D’ailleurs, Catharin a formellement réprouvé cette théorie, comme vaine et fabuleuse, imna hæc omnino et fabulosa, dans son premier traité, Dispulatio pro veritate immaculatw conceptionis beatæ virginis Alariee, etc. Sienne, 1532, t. I, loc. cit., p. 142.

Le fondement assigne par Catharin n’entraînait la nécessité d’une dette du péché originel que d’une façon générale et indéterminée. On ne tarda pas à en discuter la nature ou la portée : par comparaison au péché comme terme corrélatif, fallait-il l’appeler dette prochaine ou éloignée, dette absolue ou conditionnelle ? A l'époque où nous sommes, tous s’accordent à faire dépendre la réponse de cette autre question, soulevée I)ar le même Catharin : ^Nlarie fut-elle comprise dans la loi de solidarité qui unit Adam et ses descendants, sous le rapport de la communauté du péché originel et, par suite, de la conservation ou, au moins, de la perte de la justice primitive, reçue par Adam à titre non purement personnel, mais comme apanage de la nature humaine ? Suivant la réponse donnée à cette question préalable, les théologiens se prononcent dans un sens ou dans l’autre.

b) l"' opinion : dette prochaine ou absolue. — ÎNIaric, qui devait descendre d’Adam déchu par voie de propagation naturelle, fut comprise dans la loi générale de solidarité ; l’assertion opposée est arbitraire et semble peu conforme aux données de l’ancienne tradition et de la sainte Ecriture, surtout à cause de l’antithèse paulinienne entre l’ancien et le nouvel Adam, considérés comme chefs de l’humanité. Rom. v, 12-18. Dès lors, au premier instant de son existence comme personne humaine, Marie contracta d’une façon réelle et prochaine la dette du jiéché originel, mais comme au même instant sa prédestination à la maternité divine constituait un titre (extrinsèque) à l’amour divin et à une application spéciale des mérites de son I'"ils, elle reçut immédiatement la grâce sanctifiante, et la dette du péché originel fut, par le fait même, éteinte. I.a rédemption privilégiée de la bienheureuse Vierge consiste donc à être délivrée, non de la dette personnelle du péché, mais du péché lui-même ou de la mort spirituelle que cette dette entraînerait, si elle n'était pas immédiatement éteinte. Cette opinion eut pour principaux représentants, à la fin du xvie siècle et au début du xvii<^, Hellarmin, Vasquez, Suarez et (irégoire de Valence, dans la Compagnie de.Jésus ; chez les augustins, Gilles de la Présentation ; plus tard, chez les carmes déchaussés, I’hili])pe de la Très-SainteTrinité et surtout l’auteur du traité De vitiis et peccalis dans le Cursus théologiens des Salmanlicenses.

Ces théologiens ne maruiuent pas d’ajouter que, bien comprise, cette dette n’entraîne ni tache, ni déchéance, ni indignité quelconque : elle tombe sur Marie, considérée d’une façon abstraite et incomplète, c’est-à-dire dans ses rapports avec Adam, chef du genre humain, mais si nous considérons la Vierge « l’une façon concrète et complète, c’est-à-dire en tenant compte des titres qui découlent de sa destinalion à la maternité divine, elle nous apparaît tout aussi pure, tout aussi digne, au premier instant de son existence, que dans l’hypothèse opposée. Qu’elle ait péché en Adam, qu’elle soit morte en Adam, comme les autres hommes compris dans la grande loi de solidarité, ce sont là des conséquences qui n’atteignent directement que la nature, prise dans l'état où la chute originelle l’a mise et qui ne supposent pas de participation personnelle à la faute actuelle du premier ancêtre. Ainsi en est-il, du moins, dans l’explication du péché originel la plus commune et la mieux fondée, celle de saint Thomas marchant sur les traces de saint Anselme, De cnnreptu virginali, c. vii, /'. /, ., t. r.i.viii, col. 411 : In Adamo omnes percavimus quando ille

percavit, non quia tune 'peccavimus ipsi, qui nondum erramus, sed quia de illu fuluri eramus, et tune fada est necessitcts ut, cum essemus, peccaremus. Ce qui s’entend, dans la doctrine du même saint, non pas d’un acte de péché que nous commettrions nécessairement au premier instant de notre existence, mais d’un état de péché qui consiste principalement dans la privation de la grâce sanctiliante. principe de la justice et de la sainteté surnaturelle dans l’ordre présent.

c) 2' opinion : dette éloignée ou conditionnelle. — Marie ne fut pas incluse dans la loi de solidarité qui faisait dépendre d’Adam le sort de ses descendants, en ce qui concerne la transmission, ou du moins la nontransmission de la justice originelle ; et comme l’inclusion dans cette loi constitue le fondement prochain de la dette du péché originel, considérée comme réelle ou absolue, cette dette ne s’attacha jamais à la personne de la bienheureuse Vierge. Cependant, il aurait été dans le cours régulier des choses que, issue d’Adam par voie de génération naturelle, elle fût comprise comme les autres dans la loi générale ; de là naît une dette dont l’inclusion dans la loi de solidarité est l’objet direct, et le péché lui-même, l’objet indirect, éloigné, conditionnel. La rédemption propre à la mère de Dieu, rédemption d’ordre plus relevé, a consisté précisément en ce que, par une application spéciale et privilégiée des mérites de son divin F"ils, elle a été préservée directement de l’inclusion dans la loi de solidarité et indirectement du péché originel. Ambroise Catharin énonça cette théorie en plusieurs endroits de ses écrits, notamment dans son premier traité sur la conception. 1. H, loc. cit., p. 202. Elle fut acceptée par Salmeron, Disputationum in epist. ad Roman.. t. II, disp. XL, Cologne, 160-1, t. xiii, p. 441 : pactum ad beatam Mariam non se extendil. Sans la soutenir d’une façon expresse, le cardinal de Lugo la favorise pratiquement en montrant comment elle peut se concilier avec la doctrine de l’incarnation du Verbe conçue comme dépendante du péché d’Adam. De /nj/s/erio incarnationis, disp. VII, sect. m et iv. II la donne comme étant assez reçue de son temps, hoc iempore a pluribus recepla e.-it. Elle eut, en effet, à partir de 1615 et surtout en Espagne, d’ardents champions, tels, Jacques Cranado, Ferdinand de Salazar, Jean Eusèbe Niercmberg, { ; hristophe de Vega et, plus particulièrement, ceux qui ont composé des traités spéciaux sur le sujet, comme le carme.Jean-Baptiste Lezana et les jésuites Jean Perlin, Ambroise de l’cnalosa et Adam Burghaber.

Ces théologiens tirent leurs principaux arguments de la prédestination de Marie à la maternité divine et de l’excellence qui en résulte, excellence telle, que nous devons écarter de sa personne non seulement le péché proprement dit, mais tout ce qui pourrait le rappeler ou entraîner des conséquences peu dignes de la mère de Dieu, comme d'être subordonnée au premier homme en qualité de membre, d’avoir péché en.dam, d'être morte spirituellement en lui, etc. Chez la plupart de ceux qui la tiennent au xviie siècle, cette théorie suppose des opinions spéciales sur plusieurs points signalés déjà. Ils parlent d’un pacte conclu entre Dieu et le premier homme, pacte en vertu duquel la volonté d’Adam serait, dans un sens inoral, juridique ou interprétatif, la volonté de tous ses descendants, et son péché, leur propre péché : peccatum Adw qualenus mnraliter (cnsebatur peccatum ACTVALE poslcrorum, comme dit de Lugo, loc. cit.. sect. iii, n. 2(i. I^n conséquence, ils parlent du péché originel comme si c'était un péché actuel, le péché même d'.dam moralement nôtre et nous étant, au premier instant de notre existence, personnellement iiuputé. Les expressions : aroir péché dans Adam, être mort rn Adam, prennent dès lors une tout autre signification que dans la doctrine 1159

IMMACULEE CONCEPTION

iieo

de saint Anselme et de saint Thomas d’Aquin. En outre, beaucoup considèrent l’existence de Marie et sa prédestination à la maternité divine comme décrétées avec l’incarnation du Verbe dans un seul et même signe, logiquement antérieur à la prévision de la chute originelle ; c’est même là qu’ils prétendent trouver le premier fondement de la double exemption de la bienheureuse Vierge, exemption du péché originel proprement dit, exemption de la dette prochaine ou absolue de ce même péché.

d) Débats suscités par la théorie de la dette éloignée ou conditionnelle. — Laissons de côté la question de savoir si Marie a été prédestinée avec son divin Fils indépendamment ou dépendamment du péché originel prévu ; question d’école, qui ne semble pas avoir de rapport nécessaire avec la controverse du debitum peccati. Que la prédestination à la maternité divine, dans quelque hypothèse qu’on la suppose faite, constitue au moins moralement un titre à l’immaculée conception, il n’y a pas lieu de le nier ; mais ceci ne préjuge point dans quelles circonstances concrètes la bienheureuse Vierge recevra l’existence ni, par conséquent, quelle sorte de relations, d’obligations ou de dénominations elle pourra contracter en vertu de sa descendance adamique. Aussi trouve-t-on des partitisans de la dette stricte parmi les théologiens qui admettent la prédestination du Verbe et de sa mère comme antérieure à la prévision du péché ; réciproquement, on trouve des partisans de la dette conditionnelle parmi les théologiens qui, conformément à l’opinion plus commune, n’admettent la prédestination du Christ et de sa mère qu’en fonction de la chute originelle. Voir Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. I, p. 610 sq.

D’ailleurs, ce n’est pas sur ce terrain que se posa l’objection, quand la théorie de la dette non réelle, mais conditionnelle, s’affirma expressément et méthodiquement. L’objection devait être et fut celle-ci : Soustraire Marie à la loi générale de solidarité et nier qu’elle ait encouru effectivement la dette du péché originel, n’est-ce pas rendre illusoire cette affirmation dogmatique, qu’elle a été, non pas simplement préservée, mais proprement rachetée par Jésus-Christ ? Les tenants de la dette stricte ne furent pas unanimes dans leurs appréciations. Malgré son peu de sympathie pour la nouvelle opinion, Suarez estima qu’il fallait distinguer en cette matière deux sortes de propositions. D’abord, celles qui porteraient atteinte à l’universalité de la rédemption par Jésus-Christ ; par exemple, si l’on disait : « La bienheureuse Vierge n’a pas été préservée du péché originel en prévision de la mort du Christ, » ou bien : « La bienheureuse Vierge n’a pas été proprement rachetée par la mort du Christ, » ou encore : « La Vierge n’a pas eu besoin, pour son salut éternel, du sang ou de la mort du Christ. » Ces propositions, Suarez les déclarait erronées et condamnables, comme toute autre qui aurait avec elles une connexion nécessaire. Dans l’autre catégorie il rangeait les propositions qui porteraient exclusivement sur le point précis de la dette absolue du péché originel, considérée en elle-même ou dans son fondement ; celle-ci, par exemple : « La bienheureuse Vierge n’a pas péché en Adam, » ou cette autre : « Elle n’a eu ni en elle-même, ni dans un autre, la dette du péché. » De ces propositions Suarez disait : « Je ne les estime pas dignes de censure, parce qu’on peut les défendre indépendamment des précédentes. »

D’autres théologiens se montrèrent plus sévères. Le cardinal Bellarmin ne croyait pas qu’on pût, sans quelque danger, nier que la bienheureuse Vierge eût péché en Adam : non admodum tuta esse videtur. Gilles de la Présentation renchérissait encore sur ce jugement, en parlant d’erreur positive, t. II, q. ni, a. 5 : Ego non

solum cum Bellarmino exislimo non esse lulum in fide…, sed addo esse errorem in fidc. L’opinion nouvelle fut dénoncée à l’Inquisition de Tolède, et ce tribunal inclina d’abord vers la prohibition ; cependant, avant de rien conclure définitivement, il prit l’avis des plus doctes professeurs d’Alcala, de Séville, de Cordoue, de Grenade et d’autres universités. D’après les réponses reçues, il déclara, le 22 janvier 1616, que l’opinion était soutenable. Roskovâny, op. cit., t. ii, p. ix. Vers le milieu du siècle, Philippe de la Ïrès-Sainte-Trinité, général des carmes déchaussés, écrivait, disp. V, dub. L, que l’opinion soutenant la dette personnelle était plus commune, plus probable et plus sûre, mais qu’elle n’était pas de foi et que l’opinion opposée ne méritait pas de censure : Licet sit communias, probabilius et tutius, quod Deipara virgo Maria habuerit in seipsu debitum peccati originalis, non tamen est de fide, nec contraria opinio meretur censuram.

Cette diversité de vues sur la façon dont la dette du péché originel atteint la bienheureuse Vierge, entraîne une conséquence d’une certaine importance pour la manière de répondre aux difficultés que les adversaires de l’immaculée conception tirent des textes scripturaires ou patristiques, relatifs à l’universalité du péché originel, de la mort comme châtiment du péché, etc. Ces lois présupposent la loi plus générale de la solidarité entre Adam et ses descendants. Si Marie est soustraite à cette loi fondamentale, elle ne tombe évidemment pas sous les autres. La réponse aux objections sera, que ces lois ne s’appliquent pas à la mère de Dieu, qu’elle bénéficie d’un régime à part. Si, au contraire, Marie est, par hypothèse, incluse dans la loi de solidarité, elle tombe sous les autres lois, mais seulement en principe ou en droit. La réponse aux difficultés consistera dans une distinction entre la loi prise en elle-même et l’application ou l’effet de la loi : si la bienheureuse Vierge tombe sous la loi elle-même, elle échappe, par faveur spéciale, à l’application de la loi. Distinction qui semble plus efficace pour résoudre certaines difficultés et dont nous avons déjà eu l’occasion de faire usage, col. 870 sq.

Pour la dette réelle et prochaine : l-iellarmin. De amis.tinne gratiic et statu peccati, t. IV, c. xvi ; Vasquez, In JII*’^ part., t. ii, disp. CXV ; Suarez, De vitiis et peccatis, disp. IX, sect. IV, n. 10 sq., édit. Vives, t. iv, p. 614 ; De mysteriis, disp. III, sect. II, t. XIX, p. 28 ; Gregorius de Valentia, Commentar. Vieolog., Lyon, 1603, t.iv.disp. II, q.i ; cf. t.ii, g Tertio objiciiint, col. 128 ;.T^girtiiis de Pi irsentntione, augiisîin. De immacalata beatæ Virginis conceptione ab omni originali pecatn immuni, Coïmhre, 1617, 1. II ; Philippe de la Très-Saiate-Trinité, carme. Maria sicut aurora consiirgens, Lyon, 1667, disp. V ; Collegii Salmaniicensis cursus theologicus, tract. XIII, disp. XV, édit. PalniP, t. tii, p. 85.

Pour la dette éloignée on conditionnelle : Jean-Baptiste de Lezana, carme. Liber apologeticus pro immacalata virginis Mariæ conceptione, ubi non modo caruissc peccato originali, sed negue in Adamo pecca.’ise, nec debitum proximum originalis tiabuisse defenditur, Madrid 1616 ; Ferdinand Chirino de Salazar, S..1., Pro immacalata Deiparæ Virginis conceptione defensio, Alcala, 1618, c. i sq. ; Jean Perlin, S. J., Apologia scholastica, sive controvcrsia ll^eologica, pro magnæ Matris ab originali debito immunitate, Lyon, 1630 ; Ambroise de Penalosa, S. J., Vindiciæ Deipara : Virginis de peccato originali et debito illius contrahendi, Anvers, 1650 ; .’Vdam Burghaber, S. J., Immunitas beatee rirginis Mariæ ab ipso etiam originalis labis contrahenda’debito, Lucernc, 1652 ; Christophe de Vega, S..1., 2°/ieoZoffia Man’ana, Lyon 1653, palppstra V ; Jean Eusèbe Nieremberg, S. J. Opéra parthenica, Lyon, 1659, Opusc. ; Salvator Montalbanus, capucin, Opus theologicum iiibus distinctum tomis, inquibus, efficacissime ostenditur, immaculatam Dei Genitricem, utpotc ex Clirisli meritis pr.’rservaliite redemptam, fuisse prorsus inununem ab omni debito, tumronlrahendi or iginalepeccatum, tum ipsius fomitem incurrendi, Païenne, 1723.

4. Objet de la croyance et du cuUc, d’après les théologiens des ZVI" et xr//e siècles. — Nulle difficulté n’exis

tait relativement à la croyance, pour ceux qui l’admettaient ; ils avaient directement en vue la personne de la bienheureuse Vierge, considérée comme possédant, au premier instant de son existence, une sainteté proprement dite, intérieure et parfaite. Cette sainteté excluait, de l’avis de tous, le foyer de la concupiscence, avec quelque diversité pourtant. Les uns, comme Tolet, -Suarez, Gilles de la Présentation et le grand nombre parlaient du foyer comme éteint au moment où la première sanctification de Marie s’opéra. Les autres rejetaient l’expression comme impropre, parce que, disaient-ils, le foyer n’existait plus alors, ou même n’avait jamais existé : In sacrosancta virgine Maria nunquam fuisse fomitem peccati, ncquc potentialem neqiie actualem neque ligatum neque solulum. Josse Clichtoue, De puritate conceptionis beatæ Mariæ virginis, Paris, 1513, t. II, c. x. De même Nicole Grenier, dans le tome second du Bouclier de la Foij, Paris, 1549, c. XXIX : (1 Que le foment du péché et infirmité de la chair et de concupiscence n’ont esté en la Vierge non plus qu’aux premiers parents, en Testât d’innocence et de justice originelle. »

Ces derniers théologiens avaient coutume de considérer le foyer de la concupiscence comme s’attachant à la chair, mais, pour cela même, ils supposaient de deux choses l’une : ou que dans la conception séminale une grâce de préservation était intervenue, c’était l’hypothèse de Clichtoue, ou que du moins avant l’animation il y avait eu purification ou sanctification relative de la chair ou du corps de la bienheureuse Vierge, suivant cette autre hypothèse, énoncée par Dominique Bollani, Traclatus de immaculata Virginis conceplione, c. xiv : Dicamiis ergo qiiod postquam fuit formatum corpus virgincum plu/sicam in ventre matris gloriosissimæ Virginis, uirtule Spiritus Sancii illud sacral issimum corpus anle infusionem anima ; intclleclii >æ fuit mundatum atque purificatum, ut esset vas aptissimum ad recipicndam animam illam sanctissimam. Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. I, p. 321. Ces théologiens restaient manifestement sous l’inHuence de l’ancienne théorie de la concupiscence, comparée à une empreinte morbide ou à un virus infectieux. Les autres ne se faisaient pas faute de le leur dire : Sed iste modus implicat pcccatum originale esse qualilatem morbidam in sensitivis viribus complanlatam, quod alias improbalum est, répondait déjà, sur la fin du xV siècle, Jean de Meppis, Tractalus de immaculata Virginis conceplione, dans Pierre de Alva, Inc. cit., p. 92.

Ces divergences portaient sur la manière d’expliquer comment la préservation de Marie s’était opérée ; elle n’empêchait pas les tenants du privilège de rapporter leur commune croyance au même objet, comme il a été dit ci-dessus. La détermination de l’objet du culte se présente dans des conditions moins favorables à première vue. Les adversaires de la doctrine catholique ont même essayé de se prévaloir ici d’une réponse donnée par le cardinal Bellarmin, De cullu sanctorum, t. III, c. XVII..yant en vue les attaques des protestants, il pose cette objection tendant à montrer que la fête de la Conception, célébrée dans l’Église romaine, manque de fondement solide : « Il n’est pas certain, même parmi nous, que la bienheureuse Vierge ait été conçue sans le péché originel, car l’Église permet les deux opinions ; il est donc à tout le moins douteux que nous célébrions cette fête à juste titre. » Le grand controversiste répond d’abord que, de l’aveu des adversaires eux-mêmes, tels que Luther ou Érasme, la conception sans tache est pieusement admise dans la majeure partie de l’Église ; puis il ajoute : Le fondement principal, præripuiim, (le cette fête n’est pas la conception immaculée, mais simplement la conception de la future mère de Dieu. Quelle qu’ait été,

en effet, cette conception, par cela seul que ce fut la conception de la mère de Dieu, son souvenir est pour le monde une source de joie singulière ; car c’est alors que nous eûmes, pour la première fois, un gage certain de notre rédemption. Ajoutons cette circonstance, que la bienheureuse Vierge fut conçue miraculeusement d’une mère stérile. Aussi cette fête est célébrée même par des gens qui regardent la Vierge comme conçue dans le péché. On dira peut-être : A ce compte-là on pourrait aussi fêter la conception de saint Jean-Baptiste. A quoi je réponds : On le pourrait, assurément, comme les grecs le font. »

Dans la Rcalencijklopûdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3<= édit., t. xii, p. 327, cette réponse est interprétée en cette manière : « Bellarmin donna simplement pour l’objet de la fête, la conception, et non pas la conception immaculée. » C’est attribuer à l’affirmation du cardinal un sens exclusif qu’elle n’a pas ; et cela parce que, illégitimement, on ne tient pas compte de l’épithète præcipuum, qui détermine sous quel rapport l’auteur considère l’objet du culte, entendu juridiquement et officiellement. D’après les termes de l’objection, il devait montrer que la fête de la (Conception avait un objet certain, indépendant par conséquent de la controverse existant encore sur la nature du privilège mariai, et, dans ce sens, principal. Le fondement qu’il assigne, chose digne de remarque, est celui-là même que les premiers apôtres de la fête de la Conception en Occident proposaient, quand ils se trouvaient en face d’adversaires qui n’admettaient pas le glorieux privilège. Voir col. 1016. Mais de ce que la conception immaculée n’était pas, dans ce sens, l’objet principal du culte, s’en suit-il qu’au jugement du cardinal, elle en était purement et simplement exclue ? Il serait d’autant plus arbitraire et illogique de s’arrêter à cette supposition, qu’en soi, l’idée d’objet principal n’écarte pas, mais appelle plutôt celle d’objet secondaire. Aussi, quand plus tard il traitera directement du privilège. De amissione graliæ et statu peccati, t. IV, c. xv, Bellarmin dira : Adde ullimo, quod lotus fere orbis christianus célébrât festum diem conceptionis virginis Mariæ, enmque concep’tionem immacvlatam vocal.

Si les défenseurs du privilège faisaient rentrer l’immaculée conception dans l’objet du culte, ce n’était pas toujours de la même façon. La plupart des théologiens entendaient la conception qui, seule, dit sainteté parfaite, c’est-à-dire la conception consommée, fêtée le huit décembre, par anticipation : Festum quod liodie (acimus de conceplione bealæ Virginis, non est référendum ad diem pnvsentem dclerminate, cum ejusmodi embrio rcs esset inanimata, disait Guillaume Pépin, scd référendum est… secundum inlentioncm Ecclesiæ ad illiim diem in quo primo caro Virginis suscepit animam ralionalem. Pierre de Alva, Monumenta dnminicana, ]). 5.’5(). Ceux qui admettaient une sanctification préalable de la chair tendaient, au contraire, à rapporter le culte d’une façon dcter^uinée au huit décembre, époque de cette première sanctification. Le scotiste Jean Major (1540) exprimait nettement cette idée quand il écrivait, In IV.Sent., t. III, dist. III, q. VII : Ratione SANCTIFICATI COKPORIS diem conceptionis per mullos annos celebramus. Il était rare cependant, que l’affirmation fflt exclusive ; on admettait plutôt que le culte jiortaif sur les deux conceptions. Après avoir donné « comme préférable l’opinion que la fesle de la Conception s’entend de la conception séminale, » Pierre Lefèvre donne cet avertissement à son interlocuteur : ".le t’ay dit que toutes deux se festent ensemble… Et telle conception est le commencement (le la parfaicte infusion de l’âme au corps. Et ainsi cette conception séminale est festéc en ayant regard à la parfaicte conception et sancii llcal ion.

Le Dejensoirc de la Conception, lue. cit., p. 215-217. De même Nicole Grenier, au tome second du Bouclier de la Foij, c. xliii et xuv, loc. cit., p. 210 sq., 22C sq : » par quoy non seulement l’animation de la Vierge, mais aussi la formation de la substance corporelle doibt justement être vénérée de tous. »

Ces divergences supposaient la théorie physiologicophilosopliiquc d’après laquelle la conception séminale avait pour terme immédiat une matière informe qui devait passer par des évolutions multiples jusqu’à ce que, le corps étant suffisamment organisé, l’âme pût s’unir à lui, l’animer et constituer avec lui une personne humaine. De là venait l’écart, sous le rapport du temps où elles s’accomplissaient, entre les deux conceptions, charnelle ou séminale, consommée ou proprement humaine. Cette théorie présentait des inconvénients quand il s’agissait de Notre-Seigneur ; aussi avait-on établi en sa faveur un régime d’exception, en supposant qu’en vertu d’une action spéciale du Saint Esprit, la matière aurait été immédiatement organisée et unie à l’âme. S. Thomas, Sum. theol., m*, q. xxxiii. Or il arriva que des théologiens commencèrent à dire la même chose de la bienlieureuse Vierge. Quelques-uns réduisirent d’abord à une semaine la durée de son évolution embryonnaire, d’après une « révélation I » faite à la vénérable Marie d’Agréda, Mystica Ciudad de Dios, part. I, t. I, c. xv, n. 218 sq. D’autres allèrent plus loin et réduisirent l’intervalle de temps, maintenu entre les deux conceptions, à un nombre d’heures plus ou moins considérable, mais en sorte que tout fût accompli en une journée : Ipsa die in qua receplum est dictun^ semen in utero Annæ, fuit miraculose corpusculum dispositum et animatum, dit, entre autres Christophe de Vega, op. cit., palsestra VI, certamen ii, n. 632.

En ramenant à un seul et même jour les deux conceptions, ces théologiens avaient atteint leur but : placer au 8 décembre le fondement du cuite de l’immaculée conception, et non pas seulement de la conception. Mais de quelle autorité pouvaient jouir des assertions pleinement arbitraires et qui, sous la forme où elles étaient présentées, supposaient une dérogation manifeste et d’ailleurs avouée aux conditions normales du développement embryonnaire ? C’est alors que fut énoncée, non par des théologiens, mais par des médecins, une doctrine qui allait changer du tout au tout l’état de la question. En 1620, Thomas Fyens (Fienus), fit paraître à Anvers un opuscule où il soutenait que l’âme raisonnable animait le fœtus trois jours après la première conception : De vi formatrice fœtus liber, in quo ostenditur animam rationalem infundi terlia die. Une trentaine d’années plus tard Paul Zacchias ( t 1659), médecin principal d’Innocent VIII, battit encore plus complètement en brèche l’ancienne théorie dans le neuvième livre de ses Quæstiones medico-legales : il y prétendait que l’âme raisonnable était unie par Dieu à la matière séminale dès le début de la conception et qu’elle-même présidait à la formation et à l’organisation du corps humain, n. 129 : Concludendum igitur est quod, cum corpus ab anima formetur, et in nullo animali, et in homine quoque non possit dari alia anima quam una, et hœc in homine sit rationalis, non possit corpus humanum ab alia anima formari et organiiari quam a rationali. Zacchias tirait de là une conséquence intéressante pour le culte de l’immaculée conception, n. 135. « Comme l’Église catholique, qui ne peut errer, solennise la fête de la Conception, on ne pourrait, semble-t-il, supposer sans grossière inconvenance qu’elle célèbre la fcte d’un embryon qui ne serait pas doué d’une âme raisonnable ni même d’une âme sensitive, et qui n’aurait rien d’un homme, mais qui, privé de toute attache à l’humanité, serait semblable à l’animal le plus ab ject, corruptible même et mortel, comme une brute. Ces inconvénients, nous les éviterons en disant que la Vierge très sainte et très pure a reçu, dès le premier instant de sa conception, une âme raisonnable. » L’auteur prétendait même tirer de cette considération un argument en faveur de sa théorie, d’après ce principe que la conception de Marie fut naturelle, quant à la façon dont elle eut lieu, puisque, suivant l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol, IIP, q. xxvii, a.2, adlum.elle se fit suivant la loi commune de toute génération sexuelle. Si donc il y eut, pour Marie, animation au premier instant de la conception séminale, il doit en être de même pour les autres.

L’argumentation de Zacchias relativement à l’objet du culte, dans la fête de la Conception, n’était pas d’une valeur incontestable ; mais la théorie elle-même était indépendante de cette application, elle devait faire son chemin et permettre aux théologiens modernes d’expliquer l’objet du culte et la célébration de la fête au 8 décembre d’une manière beaucoup plus sin^ple que n’avaient pu le faire leurs devanciers.

Chrysost. Trombelli, Mariæ sanctissimæ nila ac gesta. culliisqite illi adhibitiis, Bologne, 1761, t. i, dissert. ii, q. tv ; J. Mir, op. cit., c. xxi, n. 2-5, p. 378 sq. ; Paul Zacchias, Qaæ.ftionum medico-legalium, t. IX, tit. i, q. v, Lyon, 1726, t. IT, p. 699 sq. ; A. Eschbach, Di.ipiUaiiones physiologicothenlogicie de humansr generationis œconomia, Paris, 1884, disp. ii, part. I ; Jos. Antonelli, Mcdicinn pasloratis, 4’édit., P.ome, 1920, 1. 1, c. xix. — Sur le passade discuté de Bellarmin : Nieremberg, Opéra partlienica, opusc. 1, c. xxxi ; Jlgr. Malou, op. cit., t. i, p. 202 sq.

4° Actes du magistère ecclésiastique, d’Innocent V 111 à Alexandre Vil (1484-1667). — A part ceux qui régnèrent très peu de temps, les vingt-cinq papes qui gouvernèrent l’Eglise pendant cette période d’environ deux siècles, ont presque tous manifesté leur dévotion envers la Vierge immaculée par des actes en sa faveur ; actes très nombreux, dont on trouve l’énumération détaillée dans une bulle, Mulierem pulchram, que Benoît XIV avait fait préparer, mais qui ne fut pas publiée. La plupart de ces actes sont d’ordre pratique. Les uns concernent directement le culte ; ainsi, Léon X, Clément VII, Paul III, Sixte-Quint, Clément VIII, Paul V, Urbain VIII et Alexandre VII, favorisent l’extension de la fête ou en augmentent la solennité ; ils approuvent des offices où le privilège est formellement honoré. Les mêmes papes et d’autres, comme Innocent VIII, Jules II, Adrien VI, saint Pie V, Grégoire XIII et Grégoire XV, autorisent soit l’érection d’autels et de chapelles, soit la fondation d’ordres religieux, de confréries et d’institutions pieuses en l’honneur ou sous le vocable de l’immaculée conception. Enfin, ce sont des indulgences accordées aux dévots de la Vierge sans tache, et parfois des faveurs extraordinaires, comme la faculté accordée par Léon X aux bénéficiers de l’Église de Molina, en Espagne, de célébrer une messe de minuit le 8 décembre, ou le privilège, concédé par Jules II au monastère des religieuses de l’immaculée conception de Tolède, et par Léon X à toutes les éghses d’Espagne, de pouvoir, en cas d’interdit général, célébrer la messe en la fête de la Conception et pendant l’octave. Mais ces actes pontificaux d’ordre pratique sont d’un intérêt secondaire, comparés à d’autres qui se rapportent directement à la croyance et qui, pour cette raison, méritent d’être considérés de plus près.

1. Léon X (1513-1521) : projet de définition. — Les discussions qui se produisirent après la mort de Sixte IV, sous ses deux successeurs immédiats. Innocent VIII et Alexandre VI, voir col. 1125, déterminèrent ce dernier pontife à confirmer la constitution Grave nimis par la bulle Illius qui, 22 février 1502. Dix ans plus tard, après la réunion du XVIII^ concile œcu J

inénique, V"’de Latran (1512-1517), Léon X eut l’idée d’y faire discuter le problème de la Conception de

Iarie. Il chargea le cardinal Cajctan de lui exposer son

avis sur le sujet ; telle fut l’occasion du Tractalus de Conceplionc bealæ Mariæ l’irginis ad Leonem X, P. M. in quinqiie capita divisiis, Rome, 1515. L’illustre dominicain explique c. i, comment on peut discerner ce qui est conforme ou non conforme à la foi. Il montre, c. ii, que la doctrine de la conception ne rentre pas dans les objets qu’il faut croire de nécessité. Puis il distingue, c. iii, deux manières de soutenir la préservation de la bienheureuse Vierge : en la faisant porter sur le seul péché originel, ou en l’étendant au delà, notamment à la dclte du péché ; il reconnaît qu’on peut admettre la première sans encourir le reproche d’hérésie, mais déclare la seconde contraire à la foi. Il s’efforce ensuite d’établir, c. iv, combien grande est l’autorité dont jouit la doctrine suivant laquelle la "Vierge a été conçue dans le péché, (jiiam probabilis existai, appuyée qu’elle est, dans le passé, par des autorités si graves et si nombreuses. Renvoyant pour plus ample information aux travaux de ses confrères, Jean de Torquémada et Vincent Handelli, Cajétan se borne au témoignage de « quinze saints, » depuis saint Ambroise jusqu’à saint Vincent Ferrier. Enfin il apprécie, c. v, les arguments allégués par les champions du privilège ; qu’ils aient pour eux le nombre, c’est un fait, s’il s’agit des docteurs récents : Dodores ienenles bealum Virgincm esse pnescrvalam sunt numéro infmili, si ad mudernos speclemus ; mais, en face des témoignages opposés des anciens et des saints docteurs, la probabilité qui sort de là est très faible, valde exigua est. Conclusion : au pape de choisir entre ces deux ternies : « d’une part, quinze saints et les anciens docteurs en nombre incalculable ; de l’autre, les modernes et la masse populaire qui les appuie de ses clameurs. »

Malgré la modération relative de l’affirmation doctrinale, ce mémoire n’était guère propre à encourager Léon X dans son projet : il n’y donna pas suite. Mais l’écrit de Cajétan ne passa pas inaperçu. Un dominicain de marque, 711aître du Sacré-Palais de 1512 à 1546, Barthélémy Spina (Quétif et Echard, Scriplnres ordinis jinvdicalorum, t. ii, p. 126 s(|.) publia, en 1526, un traité De universali corruptionc generis humani seminaliter propugali : iilrum sit tenendum secimdum fidem, omnes homines ab Adam seminaliter desrendentes esse ronceplos in oiiginali pec.cato ? Argiimentum iinicum ]>ro negativa parte, multiplex autem con/irmatio pro aflirmativa. Toute la thèse de Spina était dans ce sous-titre, où les mots secundum fidem sont à noter. Sauf à protester qu’il ne prétendait pas lancer contre les adversaires l’accusation d’hérésie formelle, l’auteur reprenait purement et simplement, en se servant des mêmes preuves, les positions de Vincent Bandelli ; il concluait ainsi la P’partie du traité : Ex his omnibus ruique palere potest, quod priedictis conrlusionibus in sacris litleris aperte rontentis, et a sanetis dnrtoribus pra’dicutis, nullus potest contraria sentire vel dogmalizare, AliSQŒ PR/EJUDICIO VERITATIS CâTUO-LiC. E PlPlil, ut palet. Or, l’adversaire dircclement visé, ce n’était pas un défenseur du privilège, c’était (Cajétan, entrepris pour cette concession faite dans le Tractalus de Conceplione et dans son commentaire sur la Somme de saint Thomas, I » II^p, q. i.xxxi, a. 1 : « On peut, sans préjudice pour la foi, tenir rjuc tous les hommes descendant d’.dani par voie de propagation séminale ne contractent pas de fait le péché originel, mais qu’ils y sont seulement soumis de droit, sed solum quod sunt ohnoxii, c’est-à-dire qu’ils ont la dette et l’obligation de le contracter, étant donnée la façon dont ils sont engendrés. » En outre, la cinquième partie du traité renfermait une attaque directe et

violente contre le pape Sixte IV, accusé, entre autres choses, d’avoir commis un abus de pouvoir en interdisant aux adversaires de l’immaculée conception d’attaquer cette opinion connue hérétique. Voir quelques propositions significatives dans Roskovâny, op. cit., t. I, p. 424, et un résumé développé de l’ouvrage dans Pierre de Alva, Radii solis, col. 1954 sq.

Ce ne fut pas tout. Huit ans plus tard, ayant eu connaissance de l’opuscule composé par Cajétan à la demande deLéonX, Spina publia un nouvel écrit : Tractalus contra opusculum Ca jetant de conceplione Virginis, Venise, 1533. Il y réfute, d’après les mêmes jirincipes et par les mêmes arguments, la position moyenne prise par le cardinal et les points qui s’y rattachent : Opportunum jutlicai’i pro verilatis et fidei zelo, per singuln, prout fulsitatem continent, cidem me, licet (oh brevilatem lemporis) obiter et substantialia tantum percurrcntem, opponere. Enfin, un frère mineur espagnol, Louis de Carvajal, ayant fait imprimer à Sévillc, en 1533, un mémoire en faveur du)riicge, Declamatio expostulatoria pro immuculala conceplionc (lenitricis Dei Mariiv, Spina lança contre cet écrit, en 1541, quinze objections à titre de réfutation : Quindecim objcctioncs contra « Ludovici Carvajalii, Ord. Min.cleclamedionemexpostulaloriam proimmaculala conceplionc. » Le franciscain riposta en insérant un appendice dans xiiie nouvelle édition de son livre faite à Paris en la même année : Dilulio quindecim argumenlorum, qu ; r adversus prasentem Declamedionem quidam cidem Luduvico Parisiis objccil. On y lit cette phrase à l’adresse du fougueux adversaire : .Von multum hic dejaligor Spinæ scdisfacere ; ejus lamen supercilium in præcipitandis sententiis non j>ossum salis mirari, pnesertim in libeUis illis, quos contra purilalem Virginis edidil. Pierre de.lva, Monumenta anliqua scraphicu, p. 486.

La position intermédiaire que Spina reprochait à Cajétan d’avoir prisc relativement à la conception de Marie, un autre dominicain la lui reprocha également, mais dans un sens opposé. Dans ses annotations sur les commentaires du cardinal, Ambroise Catharin l’attaqua, non pour avoir concédé qu’on pouvait sans danger pour la foi soutenir la pieuse croyance, mais pour avoir critiqué et rejeté cette croyance. Il soumit en particulier, les témoignages des « quinze saints » à une critique serrée, qui devait être reprise ensuite par d’autres théologiens, par exemple le cardinal Hellarmin dans son Volum du.31 août 1617, et Hippolyle -Maracci, dans des écrits spéciaux. Catharin ne se cx)ntenta pas des susdites annotations ; il publia en 1542, une seconde dissertation sur l’immaculée conception, Disputatio altéra, qu’on peut considérer comme une réplique aux attaques de Barthélémy Spina.

Cajétan Opuscula omnia, Venise, 1594, t. ii, tractatùs prinius ; Catharin, Annolatin cloctis.tima dans Pierre de Alva, Monumenta doininicaim, p. 317 ; Td., /)i.spii<a(io nllcra pro immaculala Dri (ictiilrlcts conreptionc, ibid., p. 387 ; Ilippol. Maracci, l’idvs Cnictana in controversia Conrcptionis tfealic virginis Maria : ad libram vrritatls appensa, et nidin innenta, Lyon, 1059 ; Id., 'indicati<>.S. Cnlhnriixie Seuensis a rommentitia revelatione eidem S. Callwrincc Senensi adscripta contra immciciilulani conceplinnrm bealissimæ virginis.A/ario’, l’ouzzoles, 1003.

2. I.a question de V immaculée conception <ni concile de Trente (1546). — Quand les Pères abordèrent la doctrine du péché originel, le cardinal espagnol Pierre l’achcco, évêque de.laën, profita de l’occasion pour demander, dans la séance du 28 mai 1546, qu’ « on songeât à ce (lu’il faudrait faire relativement à la conception de la bienheureuse Vierge ; queslion qui s’impose maintenant que le saint Concile s’()ccupe du ]>éché originel, et qui doit dire tranchée. » Arloriim pars altéra p. 166. Quelques Pères souscrivirent à cette motion, mais la plupart jugèrent ou que la c|uestion devait être

renvoyée à un autre moment, ou mOme qu’elle ne devait être traitée en aucune façon. Les évoques dominicains, en particulier, se déclarèrent pour la négative ; Pierre Bertano. évéque de Fano, insista en disant que la question était difficile et qu’elle entraînerait une longue discussion, puisque de part et d’autre on produisait des raisons et des autorités nombreuses. Diuriorum pars prima, p. ()5.

Quand le décret sur le péché originel fut soumis, le H juin, à l’examen des membres du concile, le cardinal Paclieco releva, dans le texte primitif du second canon, ces paroles relatives à l’universelle transmission de la faute originelle : in omne gemis humanum secundum communem leyem. Il désapprouvait ces paroles, par crainte qu’on ne semblât inclure dans le décret la bienheureuse Vierge, ne includatur beata Virgo. Aussi demandait-il qu’on ajoutât ce correctif : nisi alicui Deus ex privilégia aliud dederit prout in bcatu Virgine, ou, suivant la formule proposée par l’archevêque de Torrés (Sassari) : « qiui lege pie creditur bealam Virginem exemptum. > Si l’on ne veut pas définir maintenant la doctrine de l’immaculée conception, qu’à tout le moins on ne la désapprouve pas, ad minus non improbetur. » Plus des deux tiers des membres de l’assemblée, y compris le premier président, cardinal del Monte, furent d’avis qu’il ne fallait pas comprendre la bienheureuse Vierge dans le décret, non includendam qiiidem in hoc décréta beatam Virginem, mais que, sur le point de sa conception, il fallait observer et renouveler la constitution de Sixte IV. Acta, p. 199, 203, 208.

Conformément à ce vote, une explication fut ajoutée à la suite des canons, pour déclarer qu’il n’entrait pas dans l’intention du concile de comprendre dans le décret la bienheureuse et immaculée vierge Marie, au sujet de laquelle on ne veut alTirmer, pour le moment, rien autre chose que ce qui a été décrété par Sixte IV d’heureuse mémoire. Diarium, p. 75, 76. Le nouveau texte fut lu et discuté le 14 juin. Le cardinal Pacheco réclama et insista pour qu’on insérât dans le canon 2 les paroles : nisi alicui…, ou : de qua pie creditur…, alléguant que plus des deux tiers des Pères s’étaient prononcés dans ce sens. Une nouvelle discussion suivit, où vingt-quatre seulement soutinrent cette motion ; les autres préférèrent s’en tenir, pour le fond, au texte de la déclaration, « bien que, suivant la remarque du secrétaire Severolus, la croyance du plus grand nombre fût en faveur du privilège, quamvis PLVRES essent qui crederent beatam Mariam conceplam fuisse sine peccalo originali. » Diarium, p. 76. Le texte, légèrement modifié, fut ratifié le 16 juin et promulgué solennellement le jour suivant, dans la Session V^.Ac^a, p. 233, 235, 238, 240.

Déclarât tamen h.ier ipsa

sancta synodus, non esse sua ?

intentionis, comprehendere

in hoc décrète, ubi de pec cato originali agitur, beatam

et immaculatam virginem

Mariam Del genitriccm, sed

observandas esse constitu tiones felicis recordationis

Sixti papa ? IV sub pienis in

eis constitutionibus conten us, quas innovât.

Cependant ce saint concile

déclare qu’il n’entre point

dans son intention de com prendre dans ce décrel, rela tif au péché originel, la bien heureuse et innnaculée vier ge ^larie, mère de Dieu, mais

qu’il faut observer les cons titiilions du pape Sixte IV,

d’heureuse mémoire, et cela

sous les peines édictées dans

ces constitutions que le con cile renouvelle.

Les constitutions renouvelées furent lues ensuite, et, par le fait même, elles sont nettement spécifiées : Deinde leguntur extravagantes Sixti IV circa ipsam conceptionem : prima quæ incipit, CUM pr^eexcelsa ; secunda, quæ incipit, grave ni mis, Acta, p. 223.

C’est d’après ces documents authentiques qu’il faut déterminer la réelle portée de la déclaration émise en faveur de la Vierge au concile de Trente. Qu’on ne

puisse pas y voir une définition, même implicite, du glorieux privilège, la chose est évidente, puisque les Pères ont nettement et délibérément voulu le contraire : juridiquement jjarlant, ils ont laissé la question dans l’état où elle était auparavant. Mais si l’on tient compte, non pas seulement du texte officiellement approuvé, mais de la pensée des membres du concile, telle qu’elle se dégage de l’ensemble des débats, on ne peut pas douter que, pour la grande majorité, l’intention de ne pas comprendre la mère de Dieu dans le décret relatif au péché originel venait de la persuasion où ils étaient que, de fait, elle n’avait pas encouru ce péché. Par là s’explique l’interprétation donnée dans la bulle Inefjabilis Deus : « Par cette déclaration les Pères du concile de Trente ont insinué suffisamment, eu égard aux circonstances des temps et des lieux, que la très sainte Vierge est exempte de la tache originelle, et ils ont ainsi fait comprendre qu’on ne saurait légitimement rien tirer, soit de fÉcriture sainte, soit de la Tradition ou de l’autorité des saints Pères, qui s’oppose, en quelque façon que ce soit, à cette cminente prérogative de la Vierge. »

Les membres du concile servirent encore la cause de l’immaculée conception d’une autre manière, indirecte, il est vrai, mais réelle ; ce fut en fixant la doctrine catholique sur plusieurs points dont l’exacte intelligence était de nature à faire disparaître divers obstacles. Ils déclarèrent quels étaient les effets propres du péché originel : perte pour Adam et pour ses descendants de la justice et de la sainteté qu’il avait reçues comme bien de famille, inimitié divine, mort corporelle et spirituelle, asservissement au démon, état de déchéance dans tout l’être. Ils déclarèrent que, si la concupiscence est parfois appelée par saint Paul péché, « ce n’est pas qu’elle soit vraiment et proprement péché dans ceux qui ont été régénérés, mais c’est parce qu’elle vient du péché et incline au péché. Sess. V, can. 1, 2, 5. Denzinger-Bannwart, Ench., n.l88, 789, 792. Ils déclarèrent que la justification comprend, dans l’ordre actuel, une sanctification et un renouvellement de l’homme intérieur ; sanctification et renouvellement dont la grâce sanctifiante est félément essentiel. Sess. A’, c. vii, ibid., n. 799. Prises dans leur ensemble, ces déclarations n’ont pas seulement porté le coup de grâce à de vieilles théories qui obstruaient le chemin ; elles ont, en outre, permis aux théologiens modernes d’expliquer le glorieux privilège d’une façon très simple, par la présence dans fâme de Marie, dès son premier instant, de la grâce sanctifiante, directement opposée au péché originel en tant qu’il dit inimitié divine, mort ou souillure de l’âme, état d’injustice et d’iniquité spirituelle.

Quelques publications se rattachent, par leur origine, aux actes ou à la doctrine du concile. Quand Paul III institua une congrégation romaine pour s’occuper des travaux des Pères réunis à Trente, Barthélémy Spina en fut nommé membre ; prévoyant que le problème de l’immaculée conception serait soulevé, il résolut de publier le traité, jusqu’alors manuscrit, de Jean de Torquémada. La mort ne lui permit pas de mener l’œuvre à bonne fin ; son disciple, Jean Duimius de Catharo, le remplaça, mais le livre ne parut qu’en 1547. En réponse à cette publication, Catharin composa enl551, pourdéfendre lapieuse croyance et la fête de la Conception, une troisième dissertation dont il fit hommage aux membres du concile. Un écrit du P. Nieremberg, Exceptiones concilii Tridentini pro omnimoda puritate Deiparæ Virginis expensæ, Anvers, 1655, se relie au j>rivilège, revendiqué pour la bienheureuse Vierge, sess. VI, can. 23, d’avoir pu éviter pendant sa vie entière tout péché, même véniel : nij>i ex speciali Dci privilégia, quemadmodum de beata Virgine ienet Ecclesia. Denzinger, n. 833. Le théologien espa

gnol s’efforce de montrer que l’argument de tradition sur lequel repose la déclaration conciliaire n’a pas moins de valeur pour l’exemption du péché originel que pour l’exemption du péché véniel ; ce qu’indiquent ces derniers mots du titre de l’ouvrage : qiiibus non solum ejus actualis siinrlilas, veriim et justilia originalis confirmatur.

Cnnciliiim Tridentiniim, édit. S. MerUIe, Fribourg-en-Urisgau, lîtOl, 1911 : t. i, Diarioriiin pars prima ; t. v. Artorum pars altéra ; A. Theiner, Acla genuinass. œcumenici Cnnciiii Tridenlini, Agram, 1.S74, t. i, p. 112 Sf|., 130 sq., i :  ; 6 sq., 142, 114 sq. ; A. Krôss, S. J. Die Lehre von der linbeileclcten Empfàngnifs auf dem Konzil von’iricnl, dans Zeitschrift /Ur Kntltolische Théologie, Inspruck, 1901, p. 758 ; Msjr. Malou, t. i, p. 67 sq. ; Ambroiso Catharin, Dispiitatio pro veritale immnciilcilic conceptionis beatissiniiv virginis tarife et ejus celebranda a cimctis ftdelibus festivitate, ad sanctam ignodum trideniinam, Rome, 15.51, dans Pierre (le Alva, Moniimenla dominicana, p. 1.

3. Saint Pie V ( 1566-1572). — Trois actesdece pontife ont un rapport spécial avec la doctrine ou le culte de l’immaculée conception.

a) Condamnation de la 73’proposition de Baius. — Cette proposition proscrite avec beaucoup d’autres dans la bulle Ex omnibus alJlictionibus, l » octobre 1.567, nous est déjà connue ; mais il faut la reprendre sous la forme où elle se présente dans le texte courant. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1073.

Nemo, præter Christum,

est absque peccato originali :

hinc beata Virgo mortua est

propter peccatum ex Adam

contractum, omnesque eius

atnictiones in hac vita.sicut

et aliorum iustorum, fuerimt

ultlones pecrati actualis vel

originalis.

Personne, en dehors du

Christ, n’est exempt du pé ché originel ; la bienheureuse

Vierge est donc morte i cau se du péché qu’elle avait con tracté d’Adam, et toutes les

allUctions quelle a éprou vées ici-bas, ont étépourelle,

comme pourlesautresjustes,

des châtiments du péché ac tuel ou originel.

Le jugement de Rome fut loin d’être aussi tranchant que l’avait été celui des théologiens de la Sorbonne jléclarant cette proposition hérétique dans toutes ses parties. Voir col. 1128. Les censures émises contre les assertions de Baius ne viennent qu’à la fin du document et sont énoncées en bloc, sans application particulière à chacune des assertions, dont on peut dire seulement qu’elle tombe sous quelqu’une ou quelques-unes des notes énumérées. La constitution Super speculam Domini, dans laquelle saint Pie V proclame, comme on le verra ci-dessous, la liberté des deux opinions relatives à la conception, nous interdit absolument de songer à la note d’hérésie ou même d’erreur théologique, en ce qui concerne la négation de la pieuse croyance, négation implicitement contenue dans la 73<= proposition. Bien plus, on peut soutenir, et de fait on a soutenu que cette proposition fut simplement condamnée pour cette affirniation : Toutes les afflictions des justes sont des clu’tlimenls de leurs pécfiés, énoncée d’une façon générale dans la 72" proposition et appliquée à la bienheureuse Vierge dans la 73’^. Voir la discussion de ce point dans l’art. Baius, t. ii, col. 108 sq. Contentons-nous d’utiliser ici la conclusion émise en cet endroit : Il est au moins probable que la 73"^ proposition n’a pas été proscrite uniquement pour la raison générale indiquée, mais qu’elle l’a été aussi pour la façon absolue et irrévérencieuse dont la bienheureuse Vierge était enveloppée dans la déchéance commune. Sous ce rapport, cette proposition devenait téméraire, scandaleuse et oficnsante pour les oreilles pieuses. Aussi, parmi les actes de ses prédécesseurs relatifs à la pieuse croyance qui sont énumérés dans la bulle inédite Muliercm pulrliram, Benoît XIV a-t-il compris la condamnation par saint l’ie’de la 73" pro position. Mais cette condamnation ne modifia en aucune façon, dans l’ordre doctrinal, le degré de certitude dont jouissait cette croyance, juridiquement parlant. De même, la confirmation de l’acte de saint Pie V, d’abord par Grégoire XIII, bulle Provisionis nos-Inc, 24 janvier 1.579, puis par Urbain VIII, bulle In eminenti, 13 mars 1641, n’ajouta rien à la portée dogmatique du premier document.

bj Réforme du bréviaire romain. — Par la constitution Quod a nobis postulat. 9 juillet 1568, saint Pie V promulgua un nouveau bréviaire, avec suppression de tous les autres, à moins qu’on ne pût invoquer en leur faveur un usage remontant à plus de deux cents ans ou une approbation pontificale expresse. Dans ce nouveau bréviaire la fête de la Conception figurait au calendrier et au propre des saints, sans octave et avec l’office de la Nativité, adapté comme jadis à la Conception par substitution d’un mot à l’autre. Les offices propres de Léonard de Nogarole, de Bernardin de Busti et autres, étaient par le fait supprimés ; de même l’ofRce contenu dans le bréviaire composé par le cardinal Quignonez sur la demande de Clément XII et publié à Rome, en 1535, avec l’approbation de Paul III. L’acte de saint Pie V doit être interprété d’après le but général que ce pape avait en vue, ce que Benoît XIV indique dans le document cité plus haut :

« faire disparaître dans l’Église la diversité des divins

offices et ramener à une seule et même formule l’expression des prières et des louanges adressées au Dieu qui est un, et diversitatem divinornm in Ecclesia officiorum tollcret, et communionem illam uni Deo una et cadem formula preccs et laudes adhibendi revocaret. » La su|)pression des olTiccs propres de la Conception ne fut qu’undétaildans une œuvre d’ensemble, le rétablissement de l’ancien office étant conforme aux règles générales dont les rédacteurs du nouveau bréviaire devaient s’inspirer. Rien n’indique que saint Pie V ait voulu rejeter ou désapprouver la croyance exprimée dans les offices supprimés ; le contraire résulte même de ce fait, que les franciscains continuèrent, en vertu d’une concession spéciale, à se servir de l’office de Léonard de Nogarole et de la messe correspondante, Ef/redimini. Accordé par saint Pie V vivæ vocis oraculo, ce privilège fut confirmé et renouvelépar plusieurs de ses successeurs : Grégoire XIII, 9 juin 1583, Sixte-Quint, 3 mai 1588 ; Paul V, 21 juin 1609.

Pris dans son contenu, le nouvel office ne contenait rien qui exclût l’immaculée conception comme objet du culte ; il l’incluait, au contraire. Les deux fêtes de la Vierge, Nativité et Conception, se trouvaient assimilées, puisque tout était commun ; de là résultaient d’importantes conséquences. Si, dans l’antienne de Magnificat et au 8° répons des Matines, la naissance de Marie était proposée au culte des fidèles comme vénérable et comme sainte, il en était de même de la conception :

Gloriosw virginii Mariic (îlorio.sa : virginis Mariæ

NATIVITATEM niGMSSIMAM rONCFPTlONEM DIONISSIMAM

recnlamus. recolantiis.

Sentiant omnes luttm /iiScntiant onines tuum juvamen qiiiciintqve célébrant viimen qiiiciimque célébrant

<((Om SANCTAM NATIVITATKM. Illam SANXTAM CONr.KI’TIO-NF. M.

A l’époque de saint Pie V, qu’avait-on en vue en attribuant à la bienheureuse Vierge une naissance sainte ? Incontestablement, une naissance supposant la sainteté proprement dite dans la Vierge naissant. L’identité du terme n’enlraînait-elle pas le même sens quand il s’agissait de la conceiilion ?

Certaines expressions ne pouvaient s’entendre que de la naissance proprement dite, par opposition à la naissance métaphorique ; celle-ci par exemple : Hodienalæsl bcuta viryo Maria El PROOKSIE DAVID (1"

répons), ou celle autn.’;.XAriVlTAf ! t/loriusæ vinjinis

Mariæ EX SEMIUE ABRAII^E, UHT^E DE ThlBV JUDA.

Dites de la conception, ces expressions gardaient évidemment le même sens ; elles s’appliquaient à la conception proprement dite, comme objet du culte. De là, une difficulté insurmontable pourceux qui, jusqu’alors, avaient substitué au vocable de Conception celui de Sanclification ; il fallut abandonner ce terme, comme l’observe le dominicain Thomas Campanella : Nunc temporis non soliim aliqiiæ Ecclesiæ, sed etiam Romanu célébrai feslun^ CONCEPTIONIS SANCT^ sicut Nativitalis ; et eadem encomiu et laudes et prærogatiuas dut Conceptioni, quas Nutivitali, ex prsecepto PU V et Gregorii XV. Quo præcepto etiam dominicani obligantur, et mulaveriint nomen SANCTIFICATIONIS in CONCEPTIONIS, et canuntofficiumdeConceptione utde Natiuitate. Tractatus de immaculatu beatæ virginis conceptione, cii( : j>a.Tl{oskovâny, op. cit., t. iii, p. 357. Le dernier mot n’était pas encore dit, il est vrai ; car l’acte de saint Pie V n’était directement que d’ordre disciplinaire et l’on pouvait, en outre, épiloguer sur l’interprétation de l’épithète ; sainte, appliquée à la conception ; mais tout cela ne menait qu’à une position de plus en plus difficile et précaire.

c) La bulle super speculam domini. — Dans les débats soulevés au concile de Trente par l’afïaire de la Conception, des évêques avaient signalé les inconvénients qui s’attachaient aux discussions publiques sur le sujet et demandé qu’ont les fit cesser, fallût-il imposer le silence aux uns et aux autres. Saint Pie V se préoccupa de remédier au mal. Dans une première bulle, publiée le 7 août 1570, il rappela les constitutions sixtines, interdit de les attaquer ou critiquer et enjoignit la fidélité aux prescriptions qu’elles contenaient. Sur les points controversés, il fallait de deux choses l’une : ou se taire, parti le plus sûr, ou se contenter d’exposer avec la modestie voulue ce qu’on estimait plus probable, sans réprouver l’opinion contraire. Trois mois plus tard, le 30 novembre, parut une autre constitution, Super speculam Domini. Le pontife y confirmait d’abord la liberté laissée à chacun de suivre au sujet de la conception de la bienheureuse Vierge l’opinion qu’il jugerait plus pieuse ou plus probable ; de nouveau il sanctionnait les prescriptions édictées par Sixte IV et renouvelées au concile de Trente. Pour en assurer d’une façon plus efficace l’exacte observation, il ajoutait de nouvelles mesures, avec des peines graves en cas d’infraction. Désormais, « dans les sermons faits au peuple et dans toute réunion mêlée, où les deux sexes ont coutume de venir, personne ne devrait engager des discussions sur l’une ou l’autre des deux opinions, soit en établissant la sienne propre par des raisons ou par l’autorité des docteurs, soit en réfutant ou en attaquant l’opinion contraire. » Pareillement, « personne, sous un prétexte quelconque de piété ou de nécessité, ne devrait écrire ni dicter quoi que ce soit en langue vulgaire sur le même sujet. » Une réserve était faite en faveur des doctes : tant que le siège apostolique n’aurait pas défini l’une des deux opinions et condamné l’autre, il leur serait permis, liceat viris doctis, dans les discussions publiques propres aux académies et aux chapitres généraux ou provinciaux, ou encore dans des réunions composées de personnes capables de comprendre les choses, tout danger de scandale cessant, de discuter sur la matière controversée et d’afïïrmer ou d’attaquer par des arguments l’une ou l’autre opinion, à la condition de n’en traiter aucune d’erronée et d’observer tout ce qui avait été prescrit par le pape Sixte IV. En somme saint Pie V ne faisait que maintenir et confirmer les ordonnances sixtines, renouvelées au concile de Trente. Les mesures d’ordre pratique qu’il ajoutait tendaient à prévenir les scan dales et à promouvoir la paix ; elles valaient dans les circonstances, mais n’avaient évidemment, étant donnée leur nature, aucun caractère d’immutabilité.

Passaglia, De immaculato Deinaræ semper virginis conceptu, t. iii, n. 1623, 1691 sq. ; Plazza, of<. cit., .ct. III, n. 213 sq. ; Art. V, n. 93 sq. ;.1. Mir, op. cit., c. ix et xi ; Mgr Malou, op. cit., t. i, p. 70 sq., 14] ; Pierre de Alva, Nodus indissolubilis, Bruxelles, 1661, p. 643 sq.

4. Paul V et Grégoire XV : décrets de 1617 et 1622. — L’extraordinaire mouvement de dévotion qui se manifesta en Espagne au début du xviie siècle, provoqua une vive réaction de la part des adversaires. D’anciennes attaques furent rééditées, et d’autres ajoutées. Des informations envoyées à Rome nous apprennent que des propos de ce genre avaient cours : « Si le pape définissait cette opinion, elle n’en serait pas moins fausse et mensongère. Enseigner qu’il faut croire à la conception sans tache, c’est enseigner la manière de devenir hérétique. Affirmer que la bienheureuse Vierge a été conçue sans péché est une hérésie. Pour nous, nous voulons faire notre salut dans la foi de l’ancienne Église. » On disait encore que les papes avaient mal agi en permettant de célébrer la fête de la Conception et en l’enrichissant d’indulgences, car c’était porter les fidèles à l’idolâtrie.

Préoccupé par les scandales et les troubles que de tels propos excitaient, Philippe III résolut de recourir au souverain pontife et de lui demander de couper le mal par la racine en tranchant définitivement la question. Il envoya donc auprès de Paul V, en 1617, le R. P. Placide de Tosantés, jadis supérieur général des bénédictins espagnols. C’est à cette occasion qu’eut lieu au Quirinal, le 31 août de la même année, la congrégation solennelle du Saint-Office où le cardinal Bellarmin prononça le Votum, dont il a été déjà parlé. Il résuma son avis dans cette proposition : < On peut définir pour tous les fidèles l’obligation de tenir pour pieuse et sainte la croyance en la conception sans tache de Marie, en sorte que désormais, il ne soit plus permis à personne d’admettre ou de dire le contraire sans témérité, scandale ou soupçon d’hérésie. » Le cardinal jugeait opportun, et même nécessaire d’en venir là : Dico e.vpedire definire, imo necessarium id nunc fieri. A supposer qu’on ne voulût pas maintenant de définition formelle, il faudrait au moins prescrire à tous les ecclésiastiques, séculiers et réguliers, de réciter l’office de la Conception comme l’Église le récite ; de la sorte, en effet, on arriverait au but sans définition, sic enim sine definitione haberetur intentum.

Paul V ne crut pas devoir aller aussi loin. Dans la constitution Sanctissimus, publiée le 12 septembre, il se contenta de prescrire à tous « de ne plus se permettre à l’avenir, dans les prédications, les leçons, les conclusions et autres actes de toute nature, d’affirmer publiquement, jusqu’à définition ou dérogation de la part de Sa Sainteté ou du siège apostolique, que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel. « Par contre, on pouvait affirmer la pieuse croyance, mais à la condition de ne pas attaquer l’opinion adverse ni même d’en traiter. Le pape ajoutait que, par ces dispositions, il n’entendait pas réprouver l’opinion opposée au privilège ni lui causer préjudice ; elle restait, spéculativement et doctrinalenient, dans le même état qu’auparavant. L’acte de Paul V était donc d’ordre disciplinaire et avait uniquement pour but la paix et la concorde.

Le roi d’Espagne remercia le souverain pontife et les cardinaux du Saint-Office, tout en insinuant un mot de regret sur le caractère de demi-mesure que présentait le décret. L’événement justifia ses craintes et la remarque faite par le cardinal Bellarmin que sans une définition formelle ou équivalente, toute mesure

serait inefïîcace. Les disputes continuèrent et Philipi )e III envoya, en septembre 1618, une nouvelle ambassade, plus solennelle que la première. L’orateur choisi fut un ancien ministre, général des franciscains, Antoine de Tréjo, évêque de Carthagène. Parvenu à Rome sur la fin de décembre, il plaida pendant deux années, dans une suite de discours soignés et solides, la cause dont il était chargé. Paul V étant mort le 28 janvier 1621 et Philippe III le 31 mars suivant, le nouveau roi d’Espagne, Philippe IV, renouvela les instances auprès du nouveau pape. Le résultat ne fut pas encore la définition souhaitée, mais Grégoire XV ajouta quelque chose aux mesures édictées par son prédécesseur. A la suite d’une congrégation générale du Saint-OfTice, il publia, le 4 juin 1622, la constitution Sanctissimus. La défense d’affirmer que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, était étendue aux sermons et aux écrits prives ; à moins de permission spéciale obtenue du Saint-Siège, on ne devrait plus du tout traiter de cette opinion. En outre, suivant le conseil donné par Bellarmin en 1617, ordre était donné à tous les ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, de fêter la conception de Marie comme l’Église romaine, c’est-à-dire « de ne pas employer d’autre terme que celui de Conceplion à la messe et dans l’office divin, public ou privé. » C’était, pour les adversaires du privilège, la mise au silence. Grégoire XV lit cependant une exception en faveur des dominicains ; il leur permit, le 28 juillet, de traiter de la conception de la bienheureuse vierge Marie et de discuter sur ce sujet dans des conférences ou entretiens privés, mais seulement entre eux, et non pas en présence ou avec d’autres, inler se duntaxat, et non inter alios mil cum aliis.

Luc Wadding, ll^iToiia. xive J.egatio Philippi III et I V, c’itlmlicorum regnm IJixfjaniarum.ad SS. DD. NN. Paulum PP. V et Gregorinm XV, de definienda conlionersia immaculativ conee/itionis bentiv virginis Maria", » er lit. et Reii. Dotn. D. Fr. Antnniiim a Trrjo, episc. Cartltag., ex nrdine Minoriim. Louvain, 1624 ; Roskovnny, op.eit., t.n, p. 17-347 (actes de la inême ambassade) ; L. Prias, Espafia l>or la definiciôn dogmatica, dans Ba : ôn i/ /c, Madrid, 1904, nuin. exfraor.I., p. 06 ; kl., Felipe III y la inmaciilada concepciôn. Inatanciax n la sar.la Sede par la definiciôn del miate.rii), Ibid., sept. 1904 i sept. 1905 ; Devociôn de los Reijes de Fspafia a la inmaculada concepciôn, Ibid., sept. 1918, janv. 1919 ;. !. Mir, op. cit., c. xxii, p. 410sq. ; IL Maracci, Polyan’.hea Mariana, sort. V, c. i, S S, dans Hou rassé, Summa aitrea, t. i, col. 959 sq. ; l’iazza, op. cit., Act. V, n.l24 sq. ; X.AL I o Harhelet, Vcn.serri Dei lioherti cardinalis Bellarmini de immaculata beatæ Mariic » irgini.s conceptione Votiim, Paris, 1005 ; cf. Études, Paris, 1904, t. <.i, p. 6.56 : le « Volum liellnrniini » sur i Immaculée conception.

.5. Alexandre VII : bulle SOLLICITUDO OMXlUil ECCIRSIARVU (1661). —.Malgré les résultats obtenus, le roi d’Espagne et son peuple n’étaient pas satisfaits. Après l’avènement d’Urbain VIII (1623), Philippe IV revint à la charge, et d’autres princes joignirent leurs instances aux siennes : Sigismond, roi de Pologne ; Ernest de Bavière, archevêque de Cologne ; Wolfgang Gaillaunic, comte palatin du Rhin ; Maximilien, duc de Bavière ; Léopold, archiduc d’Autriche ; l’empereur lui-même, Ferdinand II, en 1624. Roskovàny, op. cit., t. H, p. xvii, 3.")9. Dans sa réponse au roi de Pologne, le pape ne se montra pas disposé à marcher de l’avant : « Les causes qui ont empêché jusqu’ici de trancher la controverse nous engagent également h ne pas accéder, pour le moment, à vos demandes ; elle ne brille pas encore dans notre esprit, la lumière du Saint-Esprit, qui seule peut dévoiler aux hommes ce mystère céleste. Ni>ndum enim Spirilus sanrii lux pontificiæ menti af/ulget, cœlesle hoc arcnnum hominibus delegens. Ibid., p. 361..Appelés à se prononcer sur le mémorial envoyé par Philippe IV, les cardinaux du Saint-OfTicc

jugèrent, le 28 janvier 1627, que les prédécesseurs d’Urbain VIII s’étaient avancés à un tel point qu’on se trouvait en face de cette alternative : vel quæslionem definire, vel œquipollentia dejinilioni statuere, définir la question, ou faire quelque chose d’équivalent, Ibid., p. 362. Urbain VIII en resta là.

L’n document qui a donné lieu à de vives discussions se rapporte à la dernière année du même pontife. C’est un décret du Saint-Ofïîce qui aurait été porté le 20 janvier 1644, mais ne serait devenu public que trois ans plus tard : Decreverunt quod, quando agitur de .tribuendolitulolMMACVLATÀ CONCEPTIONI bealæ Virginis, nullo modo permiltatur, sed solum dicatur conceptio IMMACULATA VIRGINIS. « On ne doit pas permettre d’attribuer le titre à’immaculée à la conception de la bienheureuse Vierge ; il faut dire seulement : Conception de la bienheureuse Vierge immaculée. »

L’authenticité de ce décret a été contestée, mais d’une manière assez arbitraire, par beaucoup de défenseurs du privilège, son autorité l’a été davantage encore, et non sans quelque fondement, car on reconnaît communément qu’il n’a été ni approuvé ni confirmé par l’autorité pontificale, et les circonstances dans lesquelles il fut porté restent obscures. Roskovâny, t. II, p. XXI, xxv. Comme jusqu’alors la fête était officiellement désignée sous le titre de Conception, les membres du Saint-OfTice, se plaçant sur le terrain strictement juridique, ont pu être d’avis de maintenir ce titre, mais, dans les conjonctures, le décret pouvait devenir, et il devint réellement, une arme entre les mains des adversaires ; sous le pontificat d’Innocent X (1644-1655), les agents du roi d’Espagne paraissent s’être heurtés contre cet obstacle. L. P’rias, Espafia por la definiciôn dogmâlica, dans Razôn ij fe, 1904, num. extraord., p. 108. Là est aussi la raison d’être des écrits composés alors pour défendre le titre d’immaculée conception, en particulier ceux d’Antoine Calderon, chanoine de Tolède, et du jésuite français Théophile Raynaud, cités dans la bibliographie.

A l’avènement d’.lcxandre VII, en 1655, la situation se modifia. Dès la première année de son règne ce pape avertit le Maître du sacré palais de ne pas inquiéter les auteurs qui se serviraient dans leurs écrits des termes d’immaculée conception ; il autorisa, entre autres, l’impression d’un ouvrage composé par un professeur du Collège romain, le P. Martin de Esparza Artieda, et intitulé : Immaculata Conceptio beatæ Mariiv virginis deducta ex origine peccali originalis, Rome, 1655. Encourage par ces débuts, le roi d’Espagne fit partir l)our la cour pontificale, en 1659, un nouvel envoyé, Louis Crespi de Borgia, évêque de Plasencia, avec mission de solliciter, non plus une définition formelle du privilège, mais une déclaration qui fixât d’une façon nette et authentique l’objet du culte, comme se rapportant à la conception même de Marie, en tant qu’exempte de toute tache du péché originel au premier instant de son existence. Cette fois, les clïovs furent couronnés d’un plein succès ; ils aboutirent à la célèbre constitution SoUicitudo omnium ecclesiarum, 8 décembre 1661.

Alexandre VII commence par rappeler " le sentiment de dévotion ancien déjà, sane velus est, dont les fidèles font preuve envers la bienheureuse vierge Marie en croyant que son ; une, dès le premier instant de sa création et de son infusion dans le corps, a été, par une grâce et un privilège spécial de Dieu, en vertu des mérites de Jésus-Christ son fils, rédempteur du genre humain, pleinement préservée de la tache du péché originel, et en célébrant dans ce sens, avec beaucoup de solennité, la fête de sa conception, n II parle ensuite des progrès que ce culte n’a cessé <le faire depuis les constitutions émises par Sixte IV et confirmées par le concile de Trente ; puis, des diverses mesures prises

par les papes pour maintenir la paix dans l’Église et protéger cette dévotion contre les attaques dont elle avait été l’objet, t Voulant donc, à l’exemple des pontifes romains nos prédécesseurs, favoriser ce sentiment de piété et cette dévotion louable des fidèles, non moins que la fcte et le culte qui s’y rattachent et qui ont été invariablement en usage dans l’Église romaine depuis l’époque où ils furent institués ; voulant aussi promouvoir ce sentiment de piété et cette dévotion qui consistent à vénérer et à fêter la bienheureuse "Vierge préservée du péché originel par une grâce prévenante du Saint-Esprit ; désirant conserver dans le troupeau de Jésus-Christ l’unité de l’esprit dans le lien de la paix et, à cet effet, calmer les dissensions et les querelles et écarter les scandales…, nous renouvelons les constitutions et les décrets publiés par nos prédécesseurs, notamment par Paul V et Grégoire XV, en faveur de la croyance tenant que l’âme de la bienheureuse vierge Marie, au moment de sa création et de son infusion dans le corps, a été ornée de la grâce du Saint-Esprit et préservée du péché originel, et en faveur du culte et de la fête qui sont célébrés, conformément à cette pieuse croyance, en l’honneur de la Conception de la même Vierge, mère de Dieu. »

Viennent ensuite les peines édictées contre ceux qui enfreindraient ces prescriptions, avec mise à l’index des livres « dans lesquels soit la pieuse croyance, soit la fête ou le culte susdit seraient révoqués en doute, ou dans lesquels on trouverait des écrits, des assertions, des sermons, des traités, des disputes qui seraient contraires d’une façon quelconque à cette croyance, cette fête et ce culte, soit que ces livres aient été publiés depuis le décret déjà cité de Paul V, soit qu’on les publie dans la suite. » En même temps, Alexandre VII maintenait la défense, portée par Sixte IV, d’affirmer que les partisans de l’opinion contraire tombent dans l’hérésie ou dans un péché grave, l’Église romaine et le siège apostolique n’ayant pas encore décidé la question, pas plus que lui-même n’entend et ne veut la décider.

Telle est, dans ses grande lignes, la bulle Solliciludo, acte parfaitement authentique et qui ne laissait nullement la question dans le même état qu’auparavant, comme le montre fort bien le P. JeanEverard Nidhard, plus tard cardinal, dans son Examen theologicum. Acte d’une grande portée, moins par les dispositions d’ordre disciplinaire que par la détermination précise de l’objet de la croyance et du culte, tel qu’il était compris par la masse des fidèles et par l’Eglise romaine. Sous ce rapport, la bulle Solliciludo marque la seconde grande étape dans l’attitude du magistère ecclésiastique à l’égard de l’immaculée conception de Marie. Vincent Passari, théologien jésuite de Palerme, écrivant quelques années plus tard, posait cette question dans un appendice portant directement sur la constitution d’Alexandre VII : Peut-on, désormais, considérer la^doctrine de l’immaculée conception de la mère de Dieu comme vérité de foi définie ? et il répondait, à bon droit, dans un sens négatif, q. iii, n. 6. Ensuite, pour déterminer quel degré de certitude lui convenait, il prenait comme terme de comparaison ou plutôt d’assimilation, deux autres prérogatives de la bienheureuse Vierge : son assomption et la sainteté de son âme au jour de la Nativité, q. ix, dico 2 » et 3°. C’était aller trop loin et trop vite. Alexandre VII avait fixé, il est vrai, l’objet du culte de la Conception, mais cette fête n’était pas encore d’obligation pour l’Église universelle, comme celles de l’Assomption et de la Nativité. Du jour où un autre pape prendrait cette mesure, l’assimilation vaudrait pleinement, et la certitude de la conception sans tache serait pratiquement acquise : troisième étape, qui devrait être bientôt franchie.

Renoit XIV, Iji’.lle inédite MuUerem piikhrnm, publiée (l’abord par Ant. Rallerinl, SiilUx/c monumenlortim ad mysteriiim cofircplioriis imniaculatir Virr/inis Dciparailliistran(Inni, Rome, 1850, part. ii, p. 835, puis par Hoskovâny, 0/). cit., t. ii, p. 461, et par.lt ; r Sardi, I.a soUnne definizione del doyma deW imniocolato mncepimento, Rome, 1905, t. II, p. 0 ; Plazza, op. cit., Act.V, n.4.’} sq., 170 sq. ; Passaglia, op. cit., t. iii, n. 1605 sq., 1721 ; Mgr. Malou, op. cit., t. I, p. 20 sq. ; t. il, p..313 sci. ;, 1. Mir, op. cit., c. xxii et XXVI ; Ant. CaWcron, Pro titiilo Immaculdtæ dmccptionis bcatæ Maria : l’irijini.t adrcrsii.s duos anonymi libclloft, Madrid, 1650 ; Théophile Haynaud, (sous le pseudonyme d’Amédée Saly), nii.ser/a/io de retinendo titiilo Immaculata : Conceptionis Deiparic Virjini.s, Colosne, 1651, dans les Oppra omnin, Lyon, 1665, t. vii, p. 309 ; Jean Éverard Nidhard, Examen theologicum quatuor propositionunt quorumdam nuthorum anonymorum, quitus aspergunt warulam culiui, feslo, objecta et sententiæ piæ de immaculata sanctissimie Dei matris’irginis conceptione, nec non Constitutioni ."i. D. N. Alejcandri V I I, octavn Decemh. onni 1061 in ejusdem faiiorem expeditw, IMadriil, 1665 ; Vinrent Fossari, Inimaculalata Deipariv conceptio theologicee contmissa trutinic, ad dignosccndiim et firmandum certitudinem ejus… Præmissa est Trulina brevis, et subjuncta Appendix de bulla novissinip Alexandri VU Pontificis Maximi, Lyon, 1666.

/ ; I. D’ALEXANDRE VII A PIE VI (1667-1799).

    1. TRIOMPHE DÉFiyiTlF DU cvLTh##


TRIOMPHE DÉFiyiTlF DU cvLTh. — Cette période u’est en somme, qu’une continuation de la précédente : le même mouvement de dévotion se manifeste par des témoignages semblables à ceux que nous avons déjà rencontrés ; les mêmes problèmes occupent les théologiens ; les mêmes instances sont faites par les rois d’Espagne auprès du saint-siège pour obtenir une définition. Les particularités qui méritent d’être signalées se rapportent à des attaques spéciales contre la croyance ou à certains actes du magistère, dont le principal est la consécration définitive de la fête de la Conception.

1° Attaque.’; nouvelles. — La pieuse croyance avait eu jusqu’ici deux sortes d’aeK’ersaires : ceux du dehors comme les protestants, et ceux du dedans, c’est-à-dire la minorité qui, dans l’Église catholique, n’admettait pas le glorieux privilège. Les jansénistes renforceront désormais les rangs de l’opposition. En outre, au xvin’e siècle, Muratori suscitera une controverse spéciale par ses attaques violentes et obstinées contre ce qu’il appellera « le vœu sanguinaire. »

1. L’opposition janséniste.

Il n’y a pas lieu de s’étonner si les disciples de Jansénius († 1638) ont été des adversaires francs ou sournois, de l’immaculée conception ; dans son Augustinus, De statu naturæ lapsæ, t. I, c. IX sq., Rouen, 1643, t. ii, p. 89, le maître avait exposé, sur la transmission du péché originel par la concupiscence inhérente à toute génération naturelle, des vues qui ne lui permettaient pas d’admettre la pieusecroyance. Voir. Iansénisme. Aussi, parlant, t. IV, c. xxvi, p. 273, de la 73’proposition de Baius, condamnée par saint Pie V, il a soin d’insinuer que l’affirmation de la conception maculée n’a pas été condamnée comme fausse, mais comme offensante ; ce qui, du reste, est nettement formulé dans l’Index rerum, au mot Conceptio : Doctrina de conceptinne mnculata Maria ; perturbavit H ispaniam, ideoque pro.tcripta est, non ut faisa, sed ut ojjensiva.

L’opposition janséniste se manifesta particulièrement en France pendant les trente dernières années du xvii » siècle. A l’instigation de Jean de Launoy, son ami et conseiller, un docteur Marais, chargé de faire le discours d’usage au collège d’Harcourt, le 8 décembre 1672, profita de la circonstance pour battre en brèche le privilège. Il y eut scandale, et, sur l’injonction de l’Ordinaire, l’orateur dut se rétracter et faire amende honorable à l’archevêché le jour de saint Etienne, en présence des délégués de la faculté, de la nation de Normandie et du chapitre de Notre-Dame.

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IMMACULEE CONCEPTION

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Baudrand, La conception deNotre-Dame, ms. de la bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice, cité par Mgr Péclienard, U immaculée conception et l’ancienne université’de Paris, dans la Revue du clergé français, Paris, 1905, t. xi, i, p. 401.

Bientôt ce fut une attaque moins directe, mais plus dangereuse. Sur la fin de 1673 parut à Gand un petit livre : Monita salutaria beatse virginis Mariée ad cultores suos indiscretos, ou, suivant le titre de la traduction française, faite par dom Gerberon et publiée à Lille l’année suivante : Avertissements salutaires de la bienheureuse vierge Marie à ses dévots indiscrets. L’auteur des Monita était un jurisconsulte de Cologne, Adam Widenfelt, qui avait eu des rapports avec les jansénistes des Pays-Bas. Voir Alexandre VIII (Propositions condamnées par lui), 1. 1, col. 760. Or, dans le Monitum xviii, la bienheureuse Vierge était censée dire : « Non est pulchra dilectio quæ est contentiosa, un amour contentieux n’est pas un bon amour. Abstenez-vous de disputer et de vous mordre les uns les autres au sujet de mes perfections et prérogatives, car il n’en résulte que ruine spirituelle pour les auditeurs. Et pourquoi prétendre décider ce qui n’a été ni révélé par Dieu ni défini par l’Église. Dispensez avec droiture la parole de la vérité, mais fuyez les discours profanes et vains. » L’immaculée conception n’était pas exprimée, mais personne ne se méprit sur la réelle portée de ces paroles, comme on le voit par les nombreuses réfutations du libelle, par exemple, celle du théologien François Louis Bona, Dejensio beatæ virginis Marise et piorum cultorum illius, c. xviii.

Il y eut une autre réponse, courte, mais particulièrement intéressante. Bourdaloue prêcha le 15 août 1674 son second sermon pour la fête de r.ssoniption, « sur la dévotion à la Vierge ; » il y inséra ce passage significatif : » On a traité de zèle indiscret, celui que fait paraître le peuple chrétien à défendre certains privilèges de Marie. Privilèges de grâce dans son immaculée conception, privilèges de gloire dans sa triomphante assomption ; bien d’autres dont je n’entreprends point de faire ici le dénombrement, et qu’on s’est aussi contenté de nous marquer sous des termes généraux, en les rejetant. Mais moi, voici encore, et sur le môme principe, comment je raisonne : car, puisque nous reconnaissons Marie pour mère de Dieu, de tous les privilèges propres à rehausser l’éclat de cette maternité divine, y en a-t-il un seul que nous ne devions être disposés à lui accorder, ou, pour mieux dire, y en a-t-il un seul que Dieu lui-même ne lui ait pas accordé ? Si Dieu ne nous les a pas tous également révélés ; si nous n’avons pas sur tous la même certitude, et si tous ne sont pas dans le christianisme des points de foi, n’est-ce pas assez pour les attribuer à cette’ierge que, sans préjudicier aux droits do Dieu, ce soient des privilèges convenables à la dignité de mère de Dieu ? n’est-ce pas assez que ce soient des privilèges reconnus par les plus savants hommes de l’Église, autorisés par la créance connnune des fidèles, appuyés, sinon sur des preuves évidentes et des démonstrations, au moins sur les plus fortes conjectures et les témoignages les plus solides et les plus irréprochables ? » Œuorcs complètes, Lyon, 1864, t. iv, ]). 514.

Kn 1676, Jean de Launoy entra personnellement en scène par la publication d’un livre intitulé : Prwscriptiones de conceptu beutx Marin : virginis, en latin et en français, reproduit d’après la seconde édition, aucta et emendala, Paris, 1677, dans les Opéra omnia, Cologne, 1731, t. I, p. 9-13. L’épigraphe, emprunté à la lettre de saint Bernard aux chanoines de Lyon : Virgn regia falso non eget honore, indicpiait dans quel esprit l’ouvrage avait été cornijosé. l’n avis au lecteur n’était pas moins expressif : « Pour entendre la matière de la conception de Xolrc-Damepar rapport à la

définition qu’on en pourrait faire dans l’Église, il faut peser et se mettre devant les yeux certaines prescriptions, pour parler aux termes de Tertullien, qui a donné ce nom à quelqu’un de ses livres. » La différence était que Tertullien prescrivait en faveur du christianisme, tandis que Jean de Launoy prétendait prescrire contre l’immaculée conception d’après la sainte Écriture, la tradition des treize premiers siècles et celle de l’Église romaine, le sentiment des théologiens et l’objet propre de la fête de la Conception. L’argument général revenait à ceci : L’Église catholique a cru pendant treize siècles que Marie a contracté le péché originel au moment de sa conception ; c’est dans ce sens qu’elle se serait prononcée, si elle avait alors défini la question ; il est donc impossible que, maintenant, elle donne une autre définition. Mais le fondement de cette argumentation était ruineux : L’ancienne Église, prise dans son ensemble, n’a pas réellement cru que Marie ait contracté le péché originel. Les textes invoqués ne prouvent pas la thèse, même ceux qui sont authentiques et rapportés fidèlement, ce qui n’est pas le cas pour tous, comme l’ont montré de nos jours Perrone, De immaculato B. V. Marise conceptu, Rome, 1847, part. I, Conchisio, et, du temps même de Launoy, l’abbé Trevet dans une réfutation louée parBenoît XIV, De festis, t. II, c. xv, n. 12. Ce dernier auteur signale le sans-gêne avec lequel le théologien janséniste traitait les documents qui l’embarrassaient ; sous prétexte que la partie du décret du concile de Trente sur le péché originel, où Marie est déclarée hors de cause, ne se trouve pas dans quelques éditions du concile de Trente, il n’a pas craint d’y voir un texte apocryphe, ajouté après coup.

Une nouvelle levée de boucliers eut lieu sur la fin du siècle. Bourdaloue ayant repris, le 8 décembre 1692, son ancien sermon sur la dévotion à la Vierge, .Adrien Baillet répliqua, l’année suivante, en publiant à Paris sous ce titre : De la dévotion à la sainte Vierge et du culte qui lui est dû, un écrit qui confirmait, en l’aggravant encore, la doctrine des Monita salutaria. Des mémoires furent adressés à la Sorbonne ; le livre fut censuré. A Rome, il fut mis à l’Index, le 17 septembre 1695. De son côté, Bourdaloue eut une fois encore l’occasion d’affirmer la pieuse croyance, dans son sermon sur la conception de la Vierge, prêché devant le roi et la cour le 9 décembre 1697. Avant de passer aux instructions morales qu’il voulait tirer du mystère, il rappela le fondement dernier du privilège, la maternité divine : de qua natus est Jésus ; l’exception à la loi du péché posée, à ce titre, en faveur de Marie par saint Augustin : Excepta virgine Maria ; la déclaration du concile de Trente ; puis il ajouta : "Or, le saint concile n’ayant pas voulu la coTifondre avec le reste des hommes dans la loi générale du péché, qui serait assez téméraire pour l’y envelopper ? Tel est aussi le motif pourquoi l’Église, conduite par l’Esprit de Dieu, a institué cette fête particulière sous le titre de la Conception de Marie. Elle prétend honorer la grâce privilégiée et miraculeuse qui sanctifia la mère de Dieu dès le moment qu’elle fut conçue. » Giuvres complètes, Lyon, 1864, t. iv, p. 371.

Les jansénistes n’eurent pas seulement pour adversaires des théologiens et des orateurs ; renseignement officiel leur était contraire. La pieuse croyance avait sa place dans les catéchismes, comme on l’a déjà vu ; elle la garda, notamment à Paris, où l’attaque se faisait plus vivement sentir. Le catéchisme ou abrégé de la foi, quc l-’rançois de Ilarlay avait fait drcsscreu 1685, fut approuvé en 1742 par Christophe de Heaumont.réédité en 1772 et conservé jusqu’en 1792. Il contenait, au supplément, un chapitre pour la conception ; le privilège y était affirmé et fondé principalement sur ces deux raisons : « qu’il était peu convenable que la

mère de Dieu ail été un seul moment esclave du démon, » et « que nous avons bien des raisons pour croire que Dieu a fait plus de grâces à la sainte Vierge qu’à saint Jean-Baptiste, qui fut sanctifié dans le sein de sa mère. » La même doctrine se retrouve dans d’autres livres du même genre, spécialement dans le Rituel publié en ITSC), par Mgr de.Juigné ; l’immaculée conception y est présentée comme une croyance ayant la faveur de l’Église. Cette affirniation et celle de l’Assomption corporelle de la sainte Vierge déplurent aux jansénistes ; ils reprochèrent au prélat " de donner comme une espèce de dogine de foi ces deux opinions laissées arbitraires dans l’ancien Rituel, conformément aux décisions de plusieurs papes et du concile de Trente. » Suite des Mémoires de Bæhaumont, an. 1787. Comme si, depuis lors, il n’y avait pas eu d’autres papes et d’autres décisions I

Un seul fait pourrait étonner, si on l’appréciait en dehors des circonstances du temps et du lieu. Par deux fois, les rois d’Espagne, Charles II en 1099 et Philippe V en 1732, sollicitèrent vainement Louis XIV et Louis XV de seconder leurs démarches en cour de Rome pour obtenir la définition du glorieux privilège. Mais il suffît de lire la réponse des rois de France pour comprendre que leur réserve ne vint pas d’un manque de sympathie ou de zèle à l’égard de la cause de Notre-Dame. « Non seulement, écrivait Louis XIV, le 5 novembre 1699, nous recoimaissons toutes les plus hautes prérogatives dans la mère de Dieu, nous souhaitons encore que ces pieux sentiments fussent communs à tous les chrétiens. Notre royaume est sous sa protection. L’Université de Paris, a, de tout temps, signalé son zèle pour la gloire de la sainte Vierge. C’est cette même Université qui soutint ardemment le mystère de l’immaculée conception lorsqu’il fut le sujet des plus grandes disputes des siècles passés. Ainsi notre dévotion particulière, l’opinion constante des plus sages et des plus éclairés théologiens de notre royaume, nous obligent à croire le saint mystère et nous feraient voir aussi avec plaisir qu’il fût un point de foi pour toute l’Église. Mais c’est à elle seule de décider sur de semblables matières. Les papes et les conciles ont été également retenus sur l’article de la conception immaculée. Il faut croire que Dieu veut que ce mystère demeure encore caché, et peut-être que le même zèle que l’on apporterait à presser une décision ne servirait qu’à faire renaître les anciennes disputes, heureusement détruites, et produire de nouveaux troubles dans l’Église. » La réponse de Louis XV en 1732 fut équivalente pour le fond.

L’affirmation que « c’est à elle seule (l’Église) de décider sur de semblables matières, » peut très bien se rattacher aux doctrines propres de l’Église gallicane. En tout cas, les principes émis par les évêques dans les quatre articles de l’assemblée de 1()82, ne les disposaient pas à recourir, pour la solution du problème, à l’intervention personnelle du pontife romain. En ce sens, il est vrai de dire avec M. I.esêtre, op. cit., p. 151 sq. : « C’étaientdoncdesconsidèrationsétrangères à la question même de l’immaculée conception qui empêchèrent les rois de France d’intervenir pour en obtenir la définition dogmatique. »

H. Lesêtre, L’Immaculée Conception et l’Église de Paris, c. iii, p. 136 sq. ; Mgr Malou, op. cit., t. ii, p. 487 sq. ; M. Lauras, S. J., Bourdaloiie, sa vie et son œuvre, Paris, 1881, t. ii, p. 477-500 ; François Louis Bona, Defensio hcaliv virginis Mariæ et cullorum illius contra libellum intitulatum : Monita salutaria, a S. Sede et S. Tribunali Hispaniarum proliibita, et contra Epistolam apologeticam pio iisdem…, Maycnce, 1674 ; [abhé Trevet], Refutatio libii editi a. lOTG subnomine : Prœscriptiones de conceptu Deipariv, 1700 ; en français. Réfutation d’un Libelle imprimé l’an MDCLXXVI, qui a pour titre : Prescriptions touchant la conception de Notre-Dame, Rouen, 1709 ; Aug. de Roskov6ny, op. cit., t. iii,

p. 427 sq., 666 sq. (bibliographie relative aux Monita salutaria).

2. La controi’erse du > vœu sanr/uinaire. » — En 171’!, parut à Paris, sous le pseudonyme de Lamindus Pril (mius, un livre ayant pour titre ; De ingeniorum ponderalione in religionis negolio. L’ouvrage avait été composé deux ans plus tôt à Modène, et l’auteur réel était le célèbre Louis Antoine.Muratori (1672-I7r.0). Parlant, t. II, c. vi, de superstitions qui commençaient à s’introduire sous le voile de la piété, il attaquait vivementccux qui ne se contentaient pas de défendre parla plume et par le raisonnement l’immaculée conception de la mère de Dieu, chose qu’il déclarait louable, mais qui s’engageaient encore par serment et par vœu à donner pour la même cause leur sang et leur vie : Novitium cerle marlyrum genus, quod nusquam maiores noslri somniarunt, nunquam posleri nostri, si quidpiam sapiunl, probent. Nous ne devons pas répandre notre sang pour nos opinions, mais pour des vérités divinement révélées etpourdes lois très saintes ; or, quelle que soit la persuasion qu’on ait de la conception sans tache de la mère de Dieu, ce n’est là qu’une opinion humaine et sujette à l’erreur, tant que le Saint-Siège et l’Église n’auront pas déclaré que cette doctrine est suffisamment fondée sur l’ancienne tradition et la révélation divine.

Il y eut des réfutations ; en réponse, Muratori publia en 1740, sous le nom d’Antonius Lampridius, un ouvrage portant directement sur le point controverse : De superstitione vilanda. sive censura volt sanguinarii in honorem immaculatæ conceplionis Deiparæ emissi. C’était le développement de la thèse précédemment soutenue. Le vœu de défendre l’immaculée conception de Marie jusqu’à l’effusion de sang est inspiré par une piété mal éclairée ; il est imprudent, téméraire, gravement coupable. On ne peut faire un tel vœu que pour la défense de vérités absolument certaines ; le faire pour la défense de l’immaculée conception, c’est assimiler une opinion humaine à des vérités qui sont objet de foi divine, hominum opiniones œquat verilatibus dii’ina fide creditis, c. xv. Vainement leurre-t-on de l’espoir du martyre ceux qui émettent ce vœu : marlijrii spes voli sanguinarii amatoribus perperam facta, c. XVI. Vainement aussi prétend-on soustraire la bienheureuse Vierge à la dette réelle ou prochaine du péché originel, c. xxiv-xxv.

Au cours de la controverse qui suivit, Muratori écrivit sur le même sujet dix-sept lettres qui furent réunies et publiées en 1743 sous un nouveau pseudonyme : Ferdinandi Vatdesii epistolse. Il y attaquait avec tant d’ardeur l’opinion « scotiste », qu’il en arrivait à compromettre le privilège, malgré ses protestations de respect ; il proposait en effet, Episl. x, p. 121, comme n’ayant rien d’inconvenant cette hypothèse : la bienheureuse Merge contractant le péché originel dans le premier instant de sa conception et sanctifiée dans le même instant. Non incongruum fore, cogitare beatam virginem in eodem primo instanti suæ conceplionis coniraxisse tabem et sanctiftcalam fuisse. « Ainsi Suarcz reconnaît-il qu’au premier instant la bienheureuse Vierge fut soumise au péché en sa propre personne, in propria persona fuisse peccalo obnoxiam, et que, néanmoins, elle a pu être exempte du péché et prévenue par la grâce de Dieu au même instant. » Paroles qui sont réellement de Suarez, // ! /// » ’" part. Summx. disp. III, sect. IV, n. 7, mais dites de la dcllc, et non pas de l’acte du péché. Enfin, dans un quatrième ouvrage, publié en 1747 sous son premier pseudonyme de Lamindus Prilanius, et intitulé : Délia regolata divozione de’cristiani, au dernier chapitre, Muratori décocha encore une flèche contre ses adversaires en donnant comme prohibé par Innocent XI YOfJice de l’immaculée conception. Assertion fallacieuse, qui con à

1181

IMMACULEE CONCEPTION

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lirnie cette remarque de Mgr Malou, op. cit., t.ii, p. 49 : " Tout en ayant l’air de n’attaquer que l’opinion scotiste, Ja négation de la dette du péché originel en Marie et le vœu sanguinaire dont nous venons de parler, il accumule avec ardeur toutes les difficultés possibles contre la pieuse croyance elle-même, il les exagère, il les grandit, et il dissimule constamment tout ce qu’on peut apporter de preuves en sa faveur. »

Les attaques de ; Muratori suscitèrent un grand nombre d’apologistes. Il y en eut de divers côtes : en Portugal, comme Bernard de JMoraës, en Autriche, comme les jésuites Etienne Vargyas et Joseph Petzler à Tyrnau ; en Allemagne, comme Georges Lienhart, abbé prémontré de Roggenburg, etc. Il y en eut surtout en Italie, et, d’une façon plus notable à Palerme, où trois théologiens jésuites se distinguèrent dans la lutte : les Pères François Burgio, sous le pseudonyme de Candidus Parlhenufinnis, François Antoine Zaccaria et Joseph Antoine Milanesc. Tous s’efforcent d’abord (l’établir que, contrairement à l’affirmation fondamenrale de l’adversaire, la pieuse croyance ne peut plus être considérée maintenant comme une simple opinion. Ils se servent naturellement des principaux arguments, scripturaires, patristiqucs ou de raison théologique, dont s’étaient servis leurs devanciers, mais en insistant particulièrement sur la preuve tirée du consentement commun. Ils insistent plus particulièrement encore sur celle que pouvait fournir la fête de l’immaculée conception ; ce qui s’explique par le genre de l’attaque et par cette circonstance qu’ils écrivaient après les constitutions d’Alexandre VII et de Clément XI. Muratori avait opposé au culte légitime la piété individuelle et mal réglée, principe du « vœu sanguinaire ; » le P. Burgio répond à bon droit que le vœu de défendre le glorieux privilège, même au prix de la vie, n’est l)as un acte quelconque de piété, mais un acte rentrant dans l’objet total d’un culte non seulement approuvé par l’Église, mais prescrit universellement et ayant par là même une garantie de vérité, dira dubikilionem. vero. Le P. Milanese s’appuie également sur Ja fête, telle qu’elle existe à présent, pour affirmer la certitude morale du privilège car le siège apostolique n’impose pas une fête à l’Église universelle sans en tenir l’objet pour certain, au moins moralement, c. vu. Le P. Zaccaria, prenant la distinction classique des trois certitudes, métaphysique, physique et morale, déclare ne pas prétendre soutenir les deux premières, mais il reste que la fête de la conception a réellement pour objet le privilège dont la ^’ierge a joui d’être préservée de tout péché et que l’extension de la fête à l’Église universelle équivaut à une canonisation, rano/uzalio per ictiuipolknx, qui requiert pour l’objet du culte une certitude morale.

. Palerme encore, le P. Benoît Plazza publia, en 1717, son grand ouvrage, souvent cité. Causa immaculatæ (omeptionis. Chemin faisant, il y discute la valeur probante, parfois même rauthenticité ou l’intégrité des témoignages allégués par.Muratori ; en particulier, .-ct. III, a. 1, n. 27 sq., pour les textes patristiqucs, et Ad., a. 2, n. 171, pour la bulle d’Alexandre VIF, Solliciludo, traitée de subrcpiicc. par Muratori et autres adversaires. Mais la meilleure réfutation se trouve dans l’ensemble même de l’ouvrage, dans les multiples arguments apportés pour prouver que la pieuse croyance jouit, dans l’ordre théologique, d’un degré de certitude suffisant pour que l’Église puisse la définir. Conclusio causir, Cologne, ~^), p. 357 sq. La légitimité du vœu incriminé était un simple corollaire : cuni c.T lis quir de piir sententiie rcrdludine adversus I.ampridium concludemus, affirmantem islius quwstionis parirm /ocile possil quisqiic coUigere atque de/endere. Act. VM, a..3, n..312.

Naples, comme Palerme, fournit des apologistes

marquants dans la controverse muratorienne. Voir pour les frères mineurs, t. vi, col. 855. Saint Alphonse de Liguori cite avec éloge un livre composé récemment par « un pieux auteur : » Deipara eiusque cultores vindicati, etc. Le livre avait paru à Naples en 1753, et le « pieux auteur, » était un jésuite espagnol, François Joseph Antoine de Vera. Mais beaucoup plus important pour la cause de la Vierge fut le patronage du docteur que nous venons de rencontrer, saint Alphonse de Liguori (1696-1787). Il a traité du glorieux privilège dans ses écrits dogmatiques, ascétiques et même poétiques ; mais trois pièces se recommandent particuhèrement à notre attention : une « courte dissertation sur les censures relatives à l’immaculée conception » (1748), Theologia moralis, 1. Vil, n. 244, édit.^ Gaudé, Rome, 1912, t. iv, p. 398 ; Œuvres dogmatiques, trad. Dujardin et Jacques, Tournai, 1866 sq., t. vii, p. 385 ; une autre dissertation sur l’immaculée conception, dans la Défense des dogmes catholiqucs définis par le concile de Trente, (1769), c. ii, § 7, ibid., t. vi, p. 91 ; un discours dogmatique sur le même sujet, dans les Gloires de Marie, 11^ part., sect. ii.

Dans ce sermon le saint docteur expose surtout les convenances du privilège ; il développe les raisons qui ont dû porter les trois personnes de la très sainte Trinité à vouloir préserver Marie du péché originel. Les preuves d’autorité sont présentées dans les dissertations ; preuves multiples, empruntées à l’Écriture, aux bulles pontificales, aux conciles, aux saints Pères, au consentement universel des fidèles et à la célébration de la fête dans l’Église entière. Les deux dernières preuves, indiquées aussi brièvement à la lin du discours sur l’immaculée conception, sont pour saint Alphonse les plus efficaces : « Il y a deux motifs qui nous garantissent spécialement la vérité de cette pieuse croyance. Le premier est le consentement universel des fidèles sur ce point… Le second motif qui établit plus solidement encore que Marie a été exemple de la tache originelle, c’est la célébration de la fête de l’inuTiaculée conception, ordonnée par l’Église universelle conformément à l’esprit de lapieusecroyance, c’est-à-dire celle qui admet en faveur de Marie la préservation de toute tache dès le premier instant de sa conception, comme l’a déclaré Alexandre VIL » Seconde dissertation, t. vi, p. 104.

D’où ce corollaire, énoncé dans l’autre dissertation, t. vii, p. 419 : « Il faut regarder comme n’étant ni probable ni suffisamment pieuse cette opinion d’un auteur moderne (Muratori) : // peut se faire que l’Église définisse un jour que la conception de la Vierge n’a pas été immaculée. En effet, comme le remarque très bien Vasquez, on ne peut nullement admettre que l’Église définisse jamais comme dogme de foi que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, puisqu’elle a prescrit elle-même, en vertu de son autorité, de célébrer la fête de la (Conception dans toute la chrétienté. » D’après ces principes, le saint docteur concluait dans l’une et l’autre dissertation, t. vi, p. 111 et t. VII, p. 423, cpi’il est permis de faire le vœu de donner sa vie pour la défense du glorieux privilège : car défendre l’immaculée conception, c’est défendre, non pas une opinion purement humaine, mais une croyance certaine et cpii est en rapport étroit avec le culte public de l’Église entière.

.Muratori avait mêlé à la controverse principale, sur la légitimité du « vœu sanguinaire, » <lcux autres points relatifs l’un au martyre de celui qui mourrait pour rester fidèle à son vœu, l’autre à la nature de la dette du péché originel en Marie. Soucieux avant tout de dégager le principal de l’accessoire, le P. Plazza s’était tu complètement sur le point du martyre, et n’avait pas cru. malgré une certaine sympathie qu’il cjirouvait pour elle, devoir soutenir la théorie de la dette

conditionnelle, comme étant moins certaine que le privilège lui-même et moins avantageuse pour expliquer comment la bienheureuse ^’ierge avait été rachetée par son Fils. Appuralus, a. 2., n. 157. D’autres auteurs qui se proposaient expressément de réfuter Muratori, n’eurent pas le même scrupule ; ainsi le P. Milanese défendit-il cette théorie, c. xii, De Mariie immunitate a debiio proximo originalis culpæ contrahendsc. Dans sa seconde dissertation, saint Alphonse de Liguori cite avec complaisance divers théologiens favorables à cette opinion et ajoute : « La raison qu’ils font valoir et qui paraît probable, est que Dieu ayant éminemment distingué cette noble créature du commun des hommes en la favorisant de dons particuliers de la grâce, on peut croire pieusement qu’il n’a pas renfermé la volonté de Marie dans celle d’Adam, et qu’ainsi elle a été exempte de contracter même la dette du péché. » Œuvres dogmatiques, t. vi, p. 99. Le saint docteur va plus loin dans son discours sur l’immaculée conception, il ne se contente pas de déclarer l’opinion probable, il la fait sienne : « J’y adhère, comme plus glorieuse pour ma maîtresse bien-aimée. »

La question de savoir si celui qui verserait réellement son sang pour rester fidèle à son vœu, mériterait le nom de martyre, était discutable et discutée, comme on le voit par l’exposé de la controverse fait par Benoît XIV, De servonim Dei bcatificatione, t. III, c. XIX, n. 12 sq., Opéra omnia, Prato, 1840, t. iii, p. 192. Des faits d’ordre positif pouvaient être invoqués pour la négative. En 1619, l’Inquisition portugaise avait, avec l’approbation de Paul V, censuré une proposition où l’on proclamait vrai martyr celui qui mourrait pour la défense du privilège. Le P. Théophile Raynaud ayant avancé une assertion semblable dans l’un de ses écrits. De martyrio per peslem, Lj’on, 1646, la C. de l’Index l’avait fait supprimer. Opéra omnia, Lyon, 1665, t. xx, p. 256. A vrai dire, ces actes ne tranchaient pas la question. Dans le premier cas, l’auteur de la proposition censurée avait commencé par affirmer que, si l’institution de la fête de la conception ne pouvait pas être considérée comme une définition, elle n’en avait pas moins placé la pieuse croyance au rang des vérités appartenant à la foi, inlcr verilales iamen ad fidem pertinentes collocavit. Il semblait donc assimiler la pieuse croyance à une vérité de foi, en conséquence de l’institution de la fête, et fonder là-dessus l’assertion qui suivait : quare venim subiret martyrium, qui pro defensione eius moreretur. Dans l’autre cas, il s’agissait d’une mesure purement disciplinaire, qui semble avoir été provoquée par ce qu’il y avait eu de tranchant ou d’absolu dans l’affn-mation du P. Raynaud, à en juger parce qu’il insinue dans Y Admonilio ad lectorem de l’édition corrigée. Opéra, t. xviii, p. 362.

En fait, la controverse avait survécu. En 1653, Christophe de Vega pouvait imprimer impunément cette assertion : Tanquam verns martyr compulandus foret, qui morti se ubjiceret ut propugnaret veritatem speculativam immunitatis. Theologia mariana, palœstra III, certamen xix, n. 433. Saint Alphonse de Liguori est du même sentiment dans sa première dissertation : « Comme il est hors de doute que c’est un acte de religion que de rendre un culte à la sainte Vierge, en célébrant dans le sens de la pieuse opinion la fête de sa conception immaculée dès le premier instant, comme l’exige la sainte Église, il est certain aussi, d’après la doctrine du docteur angélique, que ce culte peut être à bon droit une cause du martyre. Donc, s’il est licite et méritoire de donner sa vie pour ne pas renoncer à rendre ce culte à Marie, à plus forte raison serait-il licite et méritoire de subir la mort pour défendre l’objet de ce culte, c’est-à-dire la préservation de la tache originelle en Marie, à qui le culte même se rapporte. » Œuvres digmatiques, t. vii, p. 425.

En somme, la controverse soulevée par Muratori eut pour résultat, en Italie, de faire affirmer plus fortement la certitude du glorieux privilège, ce qui était le point capital, et examiner de plus prés les l)oints secondaires et rentrant dans le champ de la libre discussion. La lutte eut un autre caractèreen Aulriciie. où les étudiants venus d’universités italiennes firent connaître les ouvrages et soutinrent les idées du critique modénois. L’ne première controverse eut lieu à Salzbourg dans les années 1740 et suivantes. Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 709 sq. Elle porta principalement sur les prétendus excès de la dévotion envers la sainte Vierge, mais parfois aussi sur la pieuse croyance, comme on le voit par ces lignes d’une Epistola responsoria ad Ludouicum Antonium Muratorium, par un religieux bénédictin, Grégoire Horner : Maie quidem istc libellus apud nos uudiit et adhuc audit, sed inler alia potissimum ex eo capite, quod de immaculalæ Dei genitricis conceptione tam viliter sentiat, ut eam inter levés causas abiiciat. Id quod adeo lanta divina maiestate et sanctitate indignum nabis videtur, ut saltem inler propositiones maie sonantes et piarum aurium offensivas similià esse recensenda iudicemus. Et l’auteur rappelait le vœu que l’université de Salzbourg avait fait, en 1697, de tenir et de défendre la pieuse croyance. Malheureusement, l’empereur Joseph II (1765-1790) s’engagea dans d’autres voies ; il abolit le serment de l’immaculée conception. A cette occasion éclata dans l’université d’Inspruck, en 1781, une controverse qui dura plusieurs années, avec publication d’écrits en sens contraire. Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 615 sq.

L’Espagne resta fidèle à ses traditions. Philippe V fonda une université à Cerbère en Catalogne ; les statuts, confirmés par Clément XII le 4 décembre 1730, contenaient cette clause : Jurabunt, se immaculatani bealæ Virginis, hujus Academise Patronæ, conceptionem strenue propugnaturos. En 1779, Charles III étendit le serment à toutes les universités du royaume. Avec l’approbation de Clément XIII, il avait, en 1760, la seconde année de son règne, déclaré Marie immaculée patronne de l’Espagne et de toutes ses possessions. A ces hommages il joignit encore l’institution, sub protcctione immaculatae conceptionis beatse Virginis, d’un ordre équestre qui fut approuvé par Clément XIV en 1771, puis confirmé avec extension de privilèges par Pie VI en 1783. En même temps, les théologiens s’efforçaient, comme leurs devanciers, de mettre en relief la certitude de la pieuse croyance pour appuyer les instances faites à Rome en vue d’une définition ; tels, entre autres, ThjTse Gonzalez de Santalla, plus tard général de la Compagnie de Jésus, le franciscain Dominique Lossada et, en 1778, les théologiens de ^Madrid dans un mémoire rédigé pour le roi Charles III.

Ouvrages de Muratori relatifs au « vœu sanguinaire » ; Lamindus Pritanius, De ingenioruni moderatione in rcliqionis negolio : iibi, quæ iurii, quæ frœna futiira sintliomini christiann in inquirenda et trad.nda veritale, ostenditiir. Paris, 1714 ; Antonius L-ampridias, De superstitione uilanda, sioe censura voli sanguinarii in tionorcm imniaculatx conceptionis Deiparæ eniissi, a Lamindo Pritanio antea oppugnati atqae a Candide Parthenotimo Iheologo sicnlo incassum vindicati. Milan (Venise), 1740 ; Ferdinandus Valdesius, Epistolæ, sive Appendix ad libnim Antonii Lampridii de siiperstitionc uilanda, nbi votum sanguinarinmrecteoppiignaluni, maie propugnalum, ostenditiir. Milan (Venise), 1743 ; Lamindus Pritanius, Délia regolata divozione de’cristiani, Venise, 1747.

Rétutations : Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 699-724, pour la bibliographie du sujet ; Candidus Parthenotimus sicutus (François Burgio, S. J.). ^^otu^l pro tuenda immactilaia Deiparæ conceptionis ab inipngnalionibus rccentioris Lamindi Pritanii vindicalum. Disserlatio theologica, Palerme, 1729 ; Id., De pielale in Deiparani ampli ficanda dissertatio duplex, in qaa duplex exponitiir et vindicaiiir votum pro tuenda eiusdem Deiparx immaculaia conceptione susceptum,

Palerme, 1741 ; François Antoine Zaccaria, S. J., Lettere al Signor Antonio Lampridio intorno al sua libro nuovamente publicato : n De superstilione vitanda’, Palerme, 1741 ; Josepli Ignace Milanese, S. J., Lampridiiis ad trutinam revocaUis : dissertatio theologira de immaculalæ Maria ; conceplionis certitudine, eiusdemque immunitate a debito proximo originalis culpæ contrahenda’, Palerme, 1742 ; Jean de Luca, O. M., De immaculata bealsn. Virginis conceptione dissertatio, 3e édit., Naples, 1742 ; Etienne Vargyas, S. J., Votum fundendi sanguinis pio asserendo Deiparæ illibato conceptu ab injusta siiperstilionis macula vindicolum, Tymau, 1746 : Denys Bernard de Maraës, Animadveisiones criticee dogmaticse pro sustinendo voto tuendi usque ad sanguinem Immaculatam beatæ virginis Mariæ conceptionem rentra Antoninm Lampridium » in libro de superstitione vitanda et de voto sangainario, Lisbonne, 1750, François Jos. Antoine de Vera, Deipara eiusqtte cultores vindicati a querelis Lamindi Pritanîi, Anlonii Lampridii, Fcrdinandi Valdesii, qui de prærogatiuis beatæ virginis Mariæ, præcipue vero de præserualione illius ab originali macula, et de cathoîi’cij etiam proprio sanguine fnso eam tæri paratis, libellis suis parum circumspecte loquuntur, Naples, 1753 ; Georges Llenhart, abbé prémontré de Roggenbourg, Bealse virginis Mariæ originaria immunilas a sequioribus Lamindi Prilanii censuris vindicala, Augsbourg et Linz, 1756 ; Jos. Pectzier, S. J., Votum fundendi sanguinis pro tuendo intemerato Dei genitricii conceptu, Tyrnau, 1764 ; card. G. M. van Rossum, rédemptor., S. Alphonsus Maria de Ligorin et immaculata conceptio beatæ Mariæ virginis, Rome, 19(14 ; F. Meffert, Dcr/iei/ige Alphons von Liguori, der Kirchenlelirer und Apolnget des XVIU. Jahrhundertes, Mayence, 1901, p. 217 sq., dans Forschungen zur christlichen Literatur-und DoQTnengeschichte, t. ii, 3’tasc.

Thyrse Gonzalez de Santalla, S. J., Trai talus theologicus de certiludinis gradu, quam infra fidem. nunc habet sententia pla de immaculata beatæ Virginis conceptione, Madrid, 1688 ; Dominique Lossada, O. M., Discussio Iheoloqica super definibilitate proxima mysterii immaculalæ conceptionis Dei genilricis, Madrid, 1733 ; Theologorum Matritensium memoriale ad Carolum III, Hispaniæ regem, pro immaculata conceptione beatæ Mariæ virginis, 1778, dans Roskovâny, op. cit., t. ii, p. 5P5-559 ; E. Portillo. S. J., El Patronato de lainmaculata concepciôn en EspaiXay sus Indias, Dominins y Sefiorios (1760), dans la revue Razôn y fe, Madrid, 1904, mai-août.

2° Actes du magistère ecclésiastique, de Clément IX à Pie VI. — Les treize papes qui gouvernèrent l’Église de 1667 à 1799, marchèrent sur les traces de leurs prédécesseurs ; ils favorisèrent le culte de la conception et l’amenèrent pour ainsi dire à son terme en étendant la fête à toute l’Église ; mais, en dépit d’instances plusieurs fois renouvelées, ils ne consentirent pas à trancher d’une façon formelle et absolue la controverse doctrinale.

I. Triomphe définitif du culte et de la fête.

Dans l’ensemble, les actes pontificaux de cette époque ressemblent à ceux que nous avons déjà rencontrés : confirmation de congrégations, confréries ou institutions pieuses sous le vocable de l’immaculée conception ; octroi d’indulgences pour des pratiques de dévotion envers la Vierge sans tache, comme de porter le scapulaire bleu, dit scapulaire de l’immaculée conception (Clément XI, en 1710), ou de réciter cette invocation : Benedicta sit purissima et immaculata conceptio beatæ Mariæ virginis (Benoit XIII, 1729) ; concession de privilèges se rapportant directement au culte, comme de célébrer la fête avec octave, de faire usage d’une messe propre ou de réciter tous les samedis l’ofllce de l’immaculée conception, etc.

Clément XI fit un acte beaucoup plus important par la publication de la bulle Commissi nobis, 6 décembre 1708, car cet acte complétait dans l’ordre pratitiue l’œuvre de Sixte IV et d’Alexandre VII : t Par l’autorité apostolique et la teneur des présentes, nous décrétons, ordonnons et mandons que la fôte de la conception de la bienheureuse vierge Marie immaculée soit désormais observée et célébrée en tous lieux, comme les autres fêtes de précepte, par tous les fidèles de

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

l’un et de l’autre sexe, et qu’elle soit insérée au nombre des fêtes qu’on est tenu d’observer. » Le souverain pontife étendait donc, d’une façon impérative, la fête de la Conception à toute l’Église. De là venait l’importance de son acte ; car, d’après les principes communément reçus, l’extension d’une fête à toute l’Église ou sa canonisation, comme on disait parfois, entraînait la certitude de son objet, non pas une certitude de foi divine, mais une certitude d’ordre moral, mnralem sanctilalis certitudinem. Benoît XIV, De servorum Dei bealificatione, t. I, c. xlii, n. 15. Opéra omnia, t. i, p. 309. Qu’importe que l’épithète d’immaculée soit accolée ici, non pas à la conception, mais à la Vierge elle-même, et que ce détail ait été pleinement intentionnel de la part du pontife, comme le prouve Benoît XIV, De festis, part. II, c. ccviii. L’argument, en tant que décisif, ne vient pas de là ; il vient de cette circonstance, que la fête, ayant pour objet la conception même de JSIarie, comme Alexandre VII l’avait déclaré, était imposée d’office à toute l’Église. Les Bernard et les Thomas d’.quin avaient jadis, sous forme d’objection, posé cet argument : On ne doit fêter que ce qui est saint ; du fait que l’Église universelle se trouvait tenue, sur l’ordre de son chef, de fêter la conception de la Vierge, l’argument se retournait contre les adversaires.

2. Benoit XIV : projet de bulle affirmant la certitude du privilège. — Les apôtres les plus ardents de la conception sans tache ne perdaient pas l’espoir de faille trancher la question. Princes et évêques renouvelèrent leurs instances sous les pontificats de Clément XI et de Clément XII : Charles II d’Espagne en 1700, Charles VI d’Autriche en 1706 et 1709, l’épiscopat espagnol en 1714, Philippe V en 1732. Cette dernière tentative fut vivement secondée en Italie par un grand serviteur de Dieu, de l’ordre des frères mineurs récollets, saint Léonard de Port-iMaurice († 1751). Missionnaire puissant en parole et en œuvres, il prêchait de toutes ses forces la pieuse croyance. Voici en quels termes il célèbre la beauté de Marie dans le douzième de ses Entretiens sur la dévotion envers la très sainte Vierge : < L’adorable Trinité tout entière s’est employée à la former : le Père y a mis toute sa puissance, le Fils toute sa sagesse, le Saint-Esprit tout son amour, et ce n’est pas sans raison, puisque le Père éternel formait en elle sa fille, le fils ornait sa mère et l’Esprit Saint enrichissait son épouse. Jugez quelle dut être la beauté de Marie. » Œuvres complètes, trad. Labis, Tournai, 1858 sq., t. viii, p. 97 ; voir aussi, t. ii, p. 254, l’exorde de la trentième des Méditations pour les principales fêles de l’année, relative à l’immaculée conception, et t. IV, p. 338, le sermon sur la bonté de Marie, où le saint expose avec une grande richesse de doctrine la thèse franciscaine de la croyance à l’immaculée conception, et dans lequel il proteste qu’il est prêt, pour soutenir cette vérité, « à sacrifier son sang, son honneur et sa vie. »

La correspondance du saint le montre préoccupé d’obtenir du Saint-Siège une définition explicite. Dans une lettre écrite à son ami, Mgr Crescenzo, alors nonce à Paris, et qui se place dans l’interrègne de 1740, entre Clément XII et Benoit XIV, il s’efforce de faire agir le nonce auprès de la reine de France, Marie Leczinska, et du cardinal Fleury Que tous deux travaillent à obtenir du Saint-Siège cette définition, la chose la plus importante qui soit au monde. El là-dessus le saint développe l’idée de ce qu’il appelle « un concile œcuménique sans frais ni déplacement, » c’est-à-dire d’une consultation générale de tout l’épiscopat, laquelle ne saurait être que favorable à la définition du privilège de Marie, Lettre xxxi, Œuvres complètes, t. v, p. 474.

Une lettre postérieure, adressée au même corres VII. — 38

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IMMACULEE CONCEPTION

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pondant en décembre 1746, expose plus complètement encore le plan de cette consultation générale. Après avoir rappelé comment, sous le pontificat de Clément XII, il a pu, avec la permission du pape, sonder les sentiments des cardinaux sur le point en question, sentiments qui furent favorables, sauf de la part de l’un d’eux, il rapporte le conseil le plus sage, que lui donna le cardinal Imperiali : « Il y en a qui pensent que le pape ne peut pas définir ce mystère sans le concours d’un concile général. Eh bien ! sans vouloir contredire cette opinion, je vais vous suggérer le moyen d’assembler un concile sans frais. Vous tous, observantins, récollets, conventuels et capucins, qui êtes répandus dans le monde entier, obtenez de vos généraux qu’ils écrivent à tous les provinciaux, pour leur dire d’engager les évoques à adresser tous ensemble, en même temps, des instances au Saint-Père, afin qu’il définisse ce grand mystère. Soyez assuré qu’à très peu d’exceptions près, vous les trouverez tous bien disposés : et voilà îe concile réuni. Allez voir les ambassadeurs des couronnes et tâchez d’obtenir qu’ils écrivent à leurs souverains, afin que ceux-ci fassent la même démarche. » Lettre lxxii. Œuvres complètes, t. i, p. 584.

Le saint ajoute qu’il alla voir les ambassadeurs et que tous applaudirent à son projet. On aura donc toutes les têtes couronnées. On auia toutes les universités et tous les chefs d’ordres religieux, à l’exception d’un seul, tous les États catholiques et tous les prélats de tous les pays.

Auprès du nouveau pape Benoît XIV, le serviteur de Dieu reprit sa campagne en faveur de la définition : « Un jour je lui en parlai, et je lui fis observer qu’il s’immortaliserait sur la terre, et qu’il acquerrait une brillante couronne de gloire dans le ciel ; mais il est nécessaire qu’un rayon de lumière descende d’en haut ; si cela ne vient pas, c’est signe que le moment marqué par la Providence n’est pas encore arrivé. » Lettre liXvi, p. 582. De fait, le pape n’alla pas de l’avant. Il fit cependant quelque chose ; « faute de mieux » saint Léonard de Port-Maurice obtint le 26 novembre 1742, un décret suivant lequel, le 8 décembre, il y aurait désormais, chaque année, chapelle pontificale à Sainte-Marie-Majeure, pour la fête de l’Immaculée Conception. En outre, le pape accueilfit gracieusement un projet de bulle qui lui fut suggéré et soumis par le jésuite André Budrioli. Roskovâny, op. cit., t. ii, p. 444 sq. Dans cette pièce, commençant par les mots : Mulierem pulchram, tout ce que les pontifes précédents avaient fait en faveur de la pieuse croyance était longuement rapporté, puis venait sous forme de corollaire cette déclaration : « Désormais il n’est pas plus permis de douter que la reine des anges ( d’autant plus grande que les anges, qu’elle porte un nom supérieur au leur) ait été sainte en sa conception au premier instant où sa bienheureuse âme fut créée et infuse dans son corps, comme les fidèles l’ont cru et le croient encore pieusement, qu’il n’est permis de douter qu’elle ait été sainte en sa naissance. Car dans l’un et dans l’autre cas la sainteté est également certaine, et certaine en droit, puisque la conception et la nativité se célèbrent comme fête de précepte par l’autorité du Siège apostolique qui les a instituées. » Mais le pontife ajoutait que, si cet argument rendait certaine la sainteté de la conception, comme celle de la naissance, il ne s’en suivait pas que ce fût une vérité de foi divine : tameisi neutrius adhuc sanctilas deftnitivo eiusdem oraculo ianquam cerlitudine fidei cerla deque fide credenda proponatur. Des paroles d’excuses suivaient à l’adresse de ceux qui, dans le passé, avant que la vérité n’eût été déclarée, avaient pensé autrement en s’appuyant sur des auteurs qu’ils jugeaient bons, « mais qui. on a le droit de le croire, parleraient et agiraient autrement qu’ils n’ont fait, s’ils vivaient maintenant et voyaient

et entendaient ce que l’Église fait et dit sur ce point.

Ainsi la bulle Mulierem pulchram, en la supposant publiée, n’aurait été qu’une décision du chef de l’Église affirmant authentiquement le caractère de certitude qui convenait au glorieux privilège après la constitution Commissi nobis, de Clément XI. Il aurait encore fallu faire ce qu’il a fallu faire effectivement : parcourir une dernière étape pour que la doctrine de l’immaculée conception passât officiellement de la simple certitude théologique à la certitude de foi divine.

3. y a-t-il incohérence dans les actes pontificaux ? — Une attaque récente donne lieu à cette question : « Quand on parcourt la série des actes pontificaux relatifs à la conception de la Vierge, la première impression qu’on éprouve, c’est celle de la stupéfaction. Ce qu’un pape fait, l’autre le défait ; le travail de la veille est détruit le lendemain : on se trouve en présence de la toile de Pénélope. » G. Herzog, La sainte Vierge dans l’histoire, -Vil.L’immaculée conception, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1904, t. xii, p. 59.9. Deux faits sont allégués à titre d’exemples : la suppression par saint Pie V de l’office Sicut lilium, approuvé auparavant par Sixte IV ; les diverses attitudes d’Alexandre VII et de Clément XI par rapport au décret émis par le Saint-Office en 1644 et prohibant d’attribuer à la conception même le titre d’immaculée.

On ne peut soutenir ce reproche d’incohérence qu’à la condition de méconnaître la nature des actes dont il s’agit, ou de mêler au texte des interprétations subjectives et gratuites. Les actes qui, depuis Sixte FV, émanèrent de Rome, ne furent pas tous de même nature et, par suite, n’avaient pas tous la même portée. La plupart furent d’ordre discipUnaire ; dépendants des circonstances, ils pouvaient changer avec elles. Sixte IV approuve l’office de Léonard de Nogarole et saint Pie V le supprime : c’est en soi, une affaire d’ordre pratique, n’entraînant aucune incohérence réelle tant qu’il n’est pas prouvé que le second pape ait supprimé l’office dans son bréviaire parce qu’il désapprouvait l’objet du culte tel qu’il était exprimé. En 1644, le Saint-Office n’accepte pas ce vocable : Immaculée Conception de Marie ; mais ce ne fut là, comme on en peut juger par ce qui a été dit ci-dessus, col. 1174, ni un acte proprement pontifical, ni une décision doctrinale. Le vocable, d’abord non autorisé, pouvait, les circonstances changeant, l’être ensuite soit par la même autorité soit, à plus forte raison, par une autorité supérieure. Clément XI revint si peu au décret de 1644, entendu dans le sens absolu qu’on prétend lui attribuer, que sous son pontificat, en 1712, le tribunal du Saint-Office qui avait jadis porté le décret fit répondre à l’inquisiteur de Bologne, un dominicain, de ne pas faire opposition au titre d’immaculée conception : Rescribendum P. Inquisitori Bononise, quod non impediat imprimi conciones aliaque ihemata, in quibus conceptioni beatse Mariæ Virginis titulus « immaculatx » tribuitur. Le titre fut, dès lors, couramment employé dans les décrets de la congrégation des Rites relatifs àla matière. Roskovâny, op. cit., t. II, p. 410, 437 sq.

Encore moins sérieux serait-il d’objecter, à la suite de Muratori, tel acte qui n’aurait rien de pontifical, par exemple la prohibition, faite en 1678, du Petit office de l’immaculée conception. L’acte, mal connu dans ses circonstances, causa effectivement un grand émoi en beaucoup d’endroits ; mais Innocent XI daigna, le 18 décembre de la même année, renseigner l’empereur Léopold I" sur ce qui s’était passé : il s’agissait simplement d’une prohibition faite par le maître du sacré palais, d’un petit office spécial qu’on donnait faussement comme approuvé par Paul V et qui contenîUt une indulgence apocryphe, mais non pas de celui qu’on

récitait depuis très longtemps avec l’agrément du Saint-Siège : Subea autem prohibilione non comprehenditur illud ofjlcium, quod ab anliquissimo tempore hujus sandæ sedis permissu in Ecclesia recitatur. Roskovâny, op. cit., t. II, p. 396.

Que, pendant la période de controverse, des luttes et des conflits d’influence aient pu exister à la cour pontificale, rien de plus naturel ; il n’en est pas moins incontestable qu’à partir de Sixte IV, les papes ont favorisé d’une façon constante la pieuse croj’ance. Benoît XIV constate le fait en parlant des constitutions du même pontife et de celles de saint Pie V, de Paul V, de Grégoire XV, d’Alexandre VII et de Clément XI : ex quibus ulique clare desumitur unanimis eorum propensio erga senientiam quæ beatam virginem Mariam a peccato originali servalam adslruil aique confirmai. De servorum Dei beatificatione, t. I, c. xlii, n. 14. Opéra omnia, 1. 1, p. 308. A l’occasion, ces papes défendirent la pieuse croyance contre les attaques dont elle était l’objet ; mais ils ne permirent pas aux champions du privilège d’empiéter sur le jugement définitif du magistère suprême en taxant les autres d’hérésie ou de faute grave, tant que la question n’aurait pas été tranchée. Conduite nécessaire au bien de la paix et sage, absolument parlant : Rome s’éclaira, elle entendit le pour et le contre, elle prit largement le temps de la réflexion, elle avança lentement, sachant résister aux vœux impatients de ses fils les plus dévoués et les plus méritants. L’heure venue, elle saurait bien parler.

Roskovâny, op. cit., t. ii, p. sgi-.Sli ; Benott XIV, bulle inédite Mulierem piilchram, voir col. 1187 ; Plazza, op. ci<., Acl. V, a. 2, n. 213-250 ; Léopold de Chérancé, Saint Léonard de Porl-Mauricc dans Nouvelle bibliothèque franciscaine, in-16, 1° série, t. xiii, Paris, s. d. (1903), p. 196, 218-223 ; Paul Debiichy, Recherches sur le Petit Office de l’Immaculée Conception, § 3, p. 31 sq., extrait des Précis historiques, Bruxelles, 1886.

Sur l’histoire du culte, outre l’ouvrage cité de Plazza : Th. Strozzi, S. J., Controversia délia Concezione délia beatissima virgine Maria, Palerme, 1700, 1703 ; M. A. Gravois, O. M., De ortu et progressu cullus et festi imniaculati conceptus beatK Dei geniiricis virginis Mariie, Lucques, 1762, 1764, réimpr. dans Bourassé, Summa aurea, t. viii, p. 289.