Dictionnaire de théologie catholique/HUS Jean

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 174-180).

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HUS (suivant la graphie slave aujourd’hui naturalisée ) Jean. —
I. Jeunesse et études.
II. Milieu théologique, ecclésiastique, national bohémien en 1400.
III. Hus en face de l’Église romaine et de la papauté.
IV. Erreurs de Hus d’après ses livres.
V. Le concile de Constance et la mort de Hus.
VI. Conclusion.

I. Jeunesse et études.

Né à Hussinetz(Hussinec), petite bourgade située prè.s de Prachatilz, dans la Bohf’me du sud-oncsf, non loin des frontières de la

Bavière. Jean devait joindre à son prénom le nom de sa ville natale. Il s’appela dès les débuts et signa Johannes de Hussynecz, en abrégé Johannes Husz, comme il l’écrivit lui-même, dès qu’il fut devenu magister.

Le jour et l’année de sa naissance n’ont rien de certain. La date de 1369 est gratuite. Il faudrait plutôt la reculer de quelques années. Quant au 6 juillet, les hussites le célèbrent comme une fête, mais c’est la date de sa mort. Tchèque de pure race, Jean Hus appartenait à une famille peu aisée, et qui resta pauvre. Dans les dernières années de sa vie, il désirait pour les fils de ses frères qu’ils apprissent un métier. Lui-même mena toute sa vie une existence besogneuse. Et pourtant, d’après ses aveux, c’était sur des espoirs de vie commode et non par vocation intérieure qu’il s’était senti attiré vers le clergé.

Jean Hus fit ses études supérieures à Prague, dont l’université venait d’être fondée par Charles IV de Luxembourg en 1348. Elles ne marquèrent pas ; il fut un étudiant ordinaire. Les citations savantes dont il fait parade dans ses écrits sont, presque sans exception, un pur plagiat des écrits de Wiclif. Au dire de Stanislas de Znaim, qui fut longtemps le chaud ami de Hus, avant de devenir son adversaire déclaré, le maî.re Albert Ranconis aurait eu alors sur son élève la plus large influence. D’ailleurs, des patriotes comme Andréas von Brod, Stephan von Palecz, que Hus fréquentait à l’université, l’exaltaient encore dans son amour du peuple tchèque. Mais déjà l’emportement et la prétention téméraire formaient le fond de son être. Chicaneur et finassier pendant ses années d’études, quelque temps avant sa mort, il blâmait encore son esprit de vanité.

Bachelier es arts libéraux en 1393, il était, en 1394, bachelier en théologie, pour devenir, en 1390, maître es arts libéraux. Il n’atteignit jamais la dignité de docteur. Mais son autorité dans l’université ne devait pas s’en ressentir. Ordonné prêtre en 1400, il était doyen de la faculté de philosophie en 1401 ; l’année suivante, les fonctions de recteur lui étaient confiées. Il les exerça du mois d’octobre 1402 au mois d’avril 1403. Il obtenait en même temps la chaire de prédicateur dans la grande église de Bethléem, fondée en 1391 pour la prédication en langue slave dans le vieux Prague. De cette sorte d’ « université populaire », par ses discours en langue’tchèque, enflammant une foule immense, il devenait l’apôtre des revendications bohémieimes.

II. Milieu théologique, ecclésiastique, national bohémien en 1400.

Au confluent de doctrines d’ordre général et d’ordre régional s’était produit sur les rives de la Moldau au début du xve siècle. Elles avaient leurs causes particulières, et toutes réagissaient les unes sur les autres. Portées à leur paroxysme par des tempéraments slaves, elles ne rencontrèrent ni le calme du milieu, ni la sérénité des âmes, ni la distinction des esprits qu’aurait exigés leur examen pacifique. Les erreurs théologiques du XIII » siècle avaient laissé leurs traces en Bohême. Le volcan caché dont le mouvement vaudois avait été la première manifestation, et que le fanatisme des spirituels et des joachimites avait longtemps alimenté au sein de l’Église, avait fait inuption en Angleterre, quand Jean Wiclif, avec une violence jusque-là inouïe, avait attaqué la papauté, comme étant l’antichristianisme même, et rejeté ouvertement toute une série de dogmes, dérivant toute vérité de là seule Écriture, et tout salut de la prédestination absolue. Mais c’était en Bohême que le père des vaudois. Pierre Valdo, avait trouvé un refuge pour y mourir. Répa ; ulus, pour 1250, sur les confins de l’Autriche, ses disciiiles montrèrent sur

le sol lie Holième les parlicularilés qui les avaient lait appeler catliares : mépris des sacrements, haine du pape, sauvagerie grossière. Ils se nommèrent moins vaudois que « frères et sœurs de la pauvreté volontaire » et 1 du libre esprit ». Au temps de l’empereur Louis de Bavière (1314-1347), apostoliques et dulciniens venaient à eux. Voir t. i, col. 1632-1634 ; t. IV, col. 1859-1861. Leur expansion resta surtout limitée au sud-ouest du pays. C’était la région où vingt ans plus tard devait naître Jean Hus.

D’ailleurs, l’autorité ecclésiastique s’était déjà émue de ces reprises hérétiques, sur lesquelles les conciles œcuméniques, à différentes époques, avaient eu plus ou moins à intervenir depuis les origines ajjostoliques.

Le concile de Vienne de 1311-1312, auquel assislait Jean, évêque de Prague, avait décidé l’érection d’un tribunal d’Inquisition dans tous les centres importants. A Prague, il avait été établi au couvent des dominicains. En 1318, quatorze vaudois y étaient condamnés au feu. L’évêque lui-même avait dû répondre à Avignon de ses protestations contre cette exécution. Et, malgré tout, l’hérésie avait gardé tous ses droits. En 1340, Ulrick de Neuhans, se rendant compte de la malice de l’erreur dans le royaume, obtenait du pape une indulgence pour la combattre. En 1342, l’Inquisition fonctionnait à nouveau dans la ville de Prague. Elle ne su])prima pas les doctrines vaudoises ; au temps de Hus, soixante ans plus tard, elles avaient encore leurs adeptes. Ils devaient être les premiers à saluer les discours du prédicateur de Bethléem.

Ils étaient alors renforcés par l’élément wiclifiste bohémien. Depuis 1382, en effet, le mariage de la sœur de l’empereur Wenceslas VI avec le roi d’Angleterre Richard II avait créé un courant de relations entre les bords de la Moldau et ceux de la Tamise. Les écrits de Wiclif furent connus à Prague de cette manière. L’étudiant Jean Hus déjà en 1398 était familiarisé avec eux. Il transcrivait alors de sa propre main le traité De veris universalibus. Il est certain que c’est sur la question des universaux qu’il entra en contact avec le maître d’Oxford. Longtemps avant ses pensées de réforme, il s’était approprié son réalisme philosophique. En 1393, Hus pensait si peu à attaquer l’Église romaine, qu’il était au contraire rempli du plus profond dévouement pour ses trésors de grâce. Il dira plus tard que, « trompé, d’une manière frivole, par la prédication des indulgences, il offrait alors ses quatre derniers grosch pour participer à l’indulgence persiflée par le maître Rohle ».

« Oh I s’écrie-t-il à ce moment, ils se trompent, ceux

qui, prosternés devant le pape et tout ce qu’il fait, le tiennent pour bon comme moi-même je le fis, avant que j’apprisse à connaître la sainte Écriture et la vie du Sauveur. » Les sources contemporaines et ultérieures sont unanimes à reconnaître que ce sont les livres de Wiclif qui l’orientèrent. L’université de Prague n’était pas restée étrangère à la question du nominalisme et du réalisme. Tout au contraire, elle en était ardemment divisée ; à Prague comme à Paris, les Allemands étaient restés nominalistes invétérés. Les Tchèques étaient réalistes. L’âme slave avait gardé toute sa foi à la réalité des catégories. Combative, rêveuse, elle ne croyait pouvoir agir qu’en s’appuj’ant sur la nécessité des notions générales. Wiclif, réaliste presque jusqu’au panthéisme, fut étudié par goût, par un sens de parenté d’âme, dans la capitale bohémienne. Ses théories sur la prédestination éternelle et néces51tante, ses vues sur l’Église spirituelle et idéologique étaient trop en fonction de son réalisme outré pour que les partisans de ce dernier n’adoptassent pas bien vite les premières.

Dès 1400, de nombreuses et lourdes erreurs avaient déjà fait leur chemin. Mais la situation était devenue insupportable, depuis qu’en 1401, Jérôme de Prague avait ramené d’Oxford à Prague le fameux Triuloi/ii !, de Wiclif, dans lequet trois personnages, la Vérité, le Mensonge et la Prudence, dissertent ensemble sur les questions religieuses et professent les erreurs énoncées par le maître à Oxford. Voir Wiclif. En substance, ces erreurs ruinent toute liberté humaine, toute hiérarchie sociale, tout droit de propriété, et aboutissent au désordre et à la licence. Hus en fut très impressionné. Il affirma dans un discours académique qu’il reconnaissait avoir lu et étudié les livres de Wiclif, qu’il avait pris chez eux beaucoup de bon. Il se leurrait luilUiine, en proclamant par ailleurs que c’était à la seule Écriture qu’il voulait garder son obéissance révéïencieuse. Déjà, tout entier, il était subjugué par Wiclif.

Le milieu ecclésiastique bohémien, loin de lui faire barrière, fournissait alors toutes les armes à l’agitation. Les xi"-’et xiii'e siècles avaient marqué a a plus haut point les dangers du laïcisme dans l’Église. Au fond, malgré les grandes luttes des Grégoire VII, des Innocent III, des Alexandre IV, rien n’était corrigé dans le Saint-Empire romain germanique. Depuis le grand interrègne (12.’J4-1273), l’emjiereur deait plus que jamais se faire accepter, et se faire pardonner son titre, en prébendant l’opposition dans ses États particuliers. Au xive siècle, la maison de Luxembourg-Bohème avait été investie de la couronne impériale. Ce fut en Bohème que les abus dans la nomination aux bénéfices ecclésiastiques furent le plus sensibles. Sans doute les désordres n’y atteignaient pas le degré de dissolution qui avait provoqué le Goniorrhiaims d’un Pierre Damien en 1049..Sans doute encore, le clergé bohémien se glorifiait alors du chanoine Jean Népomucène qui, en 1383, donnait sa vie pour garder le secret professionnel et confessionnel. Mais, dans tout le pays, les protestations s’élevaient drues contre les collations indûment pratiquées des charges et revenus des évéchés et paroisses ; comme toujours, pour corriger l’abus, on allait trop loin ; on s’attaquait souvent à la légitimité même du droit de propriété pour l’Église. Et les plaintes étaient formulées par une petite noblesse besogneuse, par un innombrable petit clergé, qui regrettaient que très peu de bénéfices et très peu de places fussent réservés « au peuple croyant ». En somme, c’était l’opinion entière, c’était le pays qui était mécontent. La prédication était négligée, et quand de temps à autre un prédicateur, animé du salut des âmes, se présentait en chaire, il. trouvait toujours un énorme auditoire. Entre 1360 et 1369, Konrad de Waldhausen fut puissant à Prague. En tançant d’une façon vigoureuse les moines franciscains dans leurs désirs de richesses, il s’était conquis des fidèles. De 1363 à 1374, Militsch von Kremsier avait amené une partie du peuple de Prague à une vie plus pieuse, en préparant les âmes à une réception plus fréquente des sacrements. Ces gens-là, d’ailleurs, d’une sincérité hors de doute, n’avaient jamais voulu briser l’unité. C’est à tort qu’on les nomme les précurseurs du mouvement hussite. Jean Hus n’a rien à voir avec eux. Universitaire, doctrinaire, il a soutenu une doctrine d’école, qu’il a construite d’après Wiclif, et qu’il aurait soutenue indépendamment de tout milieu propice ou non. Les faits qu’on vient de rappeler montrent surtout comment le prédicateur de Bethléem va être suivi ; il n’y a pas cherché la raison profonde de ses thèses. Elles tombaient pourtant dans le cadre le mieux préparé, et par le fait du lanienlablo schisme qui divisait la papauté 33 >

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depuis l’iitain VI (1378), elles ne devaient pas rencontrcx' iininédiate : iie : it l’aivlidote énergique contre leur propagalion.

C’eit bien, en etl’eU une crise d’autorité de. plus graves que traverse l'Église en 1400. Et si, en Bohême, elle se fait sentir davantage, c’est qu’une question de nationalités vient se greffer sur elle. L’université de Prague était divisée comme celle de Paris entre quatre nations : Bohême, Bavière, Saxe, Pologne ; les Tclièques voyaient dans la supériorité numérique de'. Allemands, auxquels se joignaient souvent les Polonais, une atteinte à leurs droits. La jouissance des fondations amenait de violentes disputes, et les discussions sur des questions de technique, comme celle du nominalisme et du réalisme, qui auraient dû rester dans la sérénité de l'école, faisaient trop voir des Allemands nominalistes, mais des Allemands d’abord, nominalistes ensuite, luttant avec àpreté contre des Tchèques, réalistes sans doute, mais des Tchèques tout d’abord. Dans l’exercice des fonctions religieuses, la réserve faite par l’opinion sur l’incapacité morale et doctrinale des créatures impériales, se doublait d’un grief plus grave encore, que l’on faisait à l’intrus allemand. Comme les prébendes bohémiennes, l’administration bohémienne était livrée aux Allemands comme hypothèque légale du vote de l’Yancfort-sur-le-Mein, ville où on élisait les empereurs. Et, contre cette situation, le peuple tchèque n’avait pas de recours. Vence.-.las, roi de Bohême et empereur du Saint-Empire romain germanique, après des débuts de sagesse, s'était bientôt montré avare, débauché, cruel. Entièrement adonné à une vie honteuse, il n’avait plus pris aucun souci des aiïaires publiques, et, après avoir mérité le double surnom d’Ivrogne et de Fainéant, il aboutissait en 1400 à une obscure déposition, qu’il n’acceptait d’ailleurs pas. Conservant son titre de roi de Bohême, jusqu'à sa mort il devait rester sans prestige, sans autorité, sans valeur en face de Robert de Bavière (1400-1410), son successeur légal à la tète de l’empire, jusqu’au moment où il abditjuait délinitivement son titre impérial entre les mains de son frère Sigismond (1410). Proie de la haute noblesse et du haut clergé allemands, le peuple de Bohême et celui de Prague, en particulier, pouvaient s’exaspérer. Le Slave est prompt à la rêverie ; o|)primé, il a toujours cru au libérateur, avec une facilité qui n’avait d'égale d’ailleurs que son manque de discernement. En 1402,.Jean Hus lui apparaissait comme son homme, son défenseur, son théologien, son prêtre, son héros national..Jean Hus voyait en lui son disciple, son fidèle, son frère opprimé, (-'est à ce triple litre qu’il va commencer son apostolat,

III. Hus EN FACE DE l'ÉglISE HOMAINE ET DE

i, PAPAUTÉ. — Il a été dit que le hussitisme, dans ies dix premières années du xve siècle, n'était rien autre que le wiclifisme, transplanté sur le sol de Bohême, et c’est bien sur la question wicliriste que les premiers coincements se produisirent entre Hus et l’autorité ecclésiasticpie.

Le 2.S mai 1403, devant les projiorlions [irises par les erreurs de Wiclif, l’université de Prague, pendant la vacance du siège archiépiscopal, avait fait extraire des œuvres du maître d’Oxford 4.5 propositions, dont 21 déjà censurées par le concile de Londres de 1382, dit du c Tremblement de terre », et les 21 autres rassemblées par le maître Hiibner..Jean Hus protesta. Pour lui, les 21 propositions, libellées dans un résumé qui défigurait la doctrine de Wiclif, étaient présentées d’une façon mensongère. Les plus anciens wicii listes, disait-il, s’offraient même à démontrer qu’aucune des 4.5 propositions n'était erronée. La grande majorité de l’université passa outre : elle

décida, que, sous peine de parjure, personne ne pouvait soutenir ces articles, publiquement ou en privé, les enseigner où les prêcher. Hus n’en traduisit pas moins le Trialogas en langue tchèque. C'était l'œuvre maîtresse de Wiclif mise à la portée des la’iques de Prague.

Il est très intéressant de remarquer que le nouvel archevêque Sbinko von Hasenbourg inaugura ses fonctions en 1403, avec un tact tout particulier visà-vis de Hus. 'Voulant atténuer la crise et calmer les esprits, il crut nécessaire de faire quelques avances à l’ancien recteur, pour bien lui montrer qu’il n'était l)as question de personnes. De 1405 à 1407, Jean Hus, jouissant de la plus haute considération, fut appelé, comme prédicateur synodal, à tenir au clergé de Prague l’exhortation habituelle, et quand il étendit son blâme aux évêques, aux cardinaux, au pape, sans excepter personne, l’approbation épiscopale ne lui manqua même pas. L’affaire de Wilsnack montra la bonne entente de Hus et de l’archevêque. Rendu attentif, par son prédicateur synodal, aux abus qu’on faisait de la relique du précieux Sang conservé dans cette localité, Sbinko von Hasenbourg y défendit les pèlerinages. Pour justifier lu mesure, Hus, sur le désir de l’archevêque, écrivit son mémoire De omni sanguine Clirisli gloriftcalo. Il demande au chrétien (le ne pas chercher signes et miracles et de s’en tenir à la sainte Écriture.

Pourtant ses sermons sur l’avidité et la vie désordonnée du clergé avaient excité du scandale. Il fut dénoncé à Rome, en même temps qu’on rendait compte à la curie des progrès de l’hérésie wiclifiste en Bohême. Innocent 'Il ordonna à l’archevêque d’agir. Sbinko von Hasenbourg, après avoir entendu quelques wiclifistes, qui usèrent d’ailleurs de subterfuges, se contenta de décider que personne ne devait plus tenir du haut de la chaire des discours déclamatoires pour susciter des esclandres parmi le peuple. En même temps, il cassait Hus de ses lonctions de prédicateur synodal (1107). Il est vraisemblable que c’est à ce moment que Hus composa son traité De « riliiendo dero pro concionc jiour justifier sa conduite. Il entrait alors dans le plein de ses doctrines. La question de la neutralité soulevée par le concile de Pise (1409), celle des indulgences posée en 1412 à propos de la croisade prêchée par.Jean XXIII, contre I-adislas de Naples, devaient faire de Hus un hérétique formel, en l’engageant à iond dans la crise wicliliste. La première allait le séparer définitivement de l’autorité épiscopale et pontificale ; la seconde devait lui susciter les haines les plus âpres de l’université, où ses amis les plus fervents allaient ilevenir ses ennemis déclarés.

l » Jm question de la neutralité el la (/iiestion wicli liste. — L’empereur Wenceslas ne s'était point fait à la déposition qui lui avait été imiiosée par ses pairs en 1 100. Par tous les moyens, il espérait bien arriver à reprendre rang sur son rival et remplavant, Robert lie Bavière. Il compta d’abord sur le pape de Rome, Grégoire XII, qui avait gardé l’obédience allemande, pour réaliser ses projets. V.n 1308, Grégoire XII reprochait à l’archevêcpie Sbinko que l’erreur de Wiclif sur l’eucharistie se répandit dans la Bohêinc, el que le roi iirotégeàl ceux <]ui la répandaient. Wenceslas ordonna la saisie de tous les écrits wiclifistes et leur remise immédiate à la curie archiépiscopale. Mais, en 1409, le concile de Pise, pensant faire cesser le schisme ponlilical par la démission des deux titulaires, élisait pape l’archevêque de Milan, sous le nom d'.Mexandre '. Grégoire Xll. fort de ses amitiés allemandes, refusa d’abdicpicr. Le roi de Bohême, qui n’avait pas obtenu de lui ce qu’il désirait, ordonna à ses prélais la neutralité la jibis complète à son

égard. I/arcliev<}quc Sbiiiko refusa de se séparer de Grégoire XJI. A l’uiiiversilé. seule la nation bohème se prononça pour la neutralité. Son ctief était Jean Hus. Sur les sollicitai ions de ce dernier et des autres maîtres tclièqucs, Venceslas irrité fil paraître le décret du 19 janvier 1409. Dans toutes les alïaires de l’université, la nation bohème devait désormais avoir trois voix, tandis que les trois nations étrangères se voyaient réduites à une voix. C'était un renversement d’influence. Le sang parla chez Hus ; du haut de la chaire, il célébra l’amour du roi pour son peuple. Les Allemands répliquèrent. Ils ne parvinrent pas à faire rétracter le décret. Ce fut, dans le cours de l'été, l’exode en masse de milliers de docteurs et d'étudiants, qui s’en allèrent fonder l’université de Leipzig. Celle de Prague n'était plus par le fait qu’une école supérieure nationale tchèque, pour le moment la citadelle du wiclifisme. L’archevêque Sbinko restait isolé ; Hus, au comble de l’influence, devenait le premier recleur de l’université nouvelle (octobre 1409). Les faveurs de la cour, celles de la reine Sophie, qui avait pour lui une profonde inclination, lui étaient acquises. Mais, dès septembre 1409, l’esprit avisé de Sbinko von Hasenbourg aj’ant très bien vu qu’une situation portée au paroxysme ne iirofitait qu’aux wiclifistes, qui s’en faisaient gorge chaude, il se décidait, pour le bien de la paix, à se rallier à l'élu de Pise, au pape -Mexandre V. Les théories wiclifistes submergeaient ville et campagne. L’archevêque gagna l’oreille de la curie, en affirmant que tout le chancre était là. Le clergé était devenu ingouvernable ; les censures de l'Église élaient méprisées. Et c'étaient bien, disaitil. les wiclifistes qui avalent convaincu les barons qu’il appartenait aux laïques de diriger le clergé, et que le roi avait la puissance de mettre la main sur les biens de l'Église. Sur ces représentations, le 20 décembre 1409, Alexandre V lança sa bulle contre les wicHfistes. Elle fut publiée le 9 mars 1410. Elle ordonnait la livraison de tous les écrits wiclifistes, la rétractation de toutes les doctrines qu’ils contenaient, et interdisait toute prédication hors des églises cathédrales, collégiales, paroissiales ou claustrales. Le synode de Prague quin 1410) prit les dispositions pour exécution conforme. Hus, atteint comme prédicateur d’une chapelle privée par la défense de prêcher, déclara que la défense contrevenait aux ordres du Christ ; il adressa au nouveau pape Jean XXIII, au nom de l’université, de la noblesse et du peuple, un appel contre l’interdiction de prêcher et contre l’incendie des écrits de Wiclif. Sbinko passa outre. Le 16 juillet, sur le Hradschin, en pré.sence du chapitre et de nombreux prêtres, il faisait brûler les livres livrés, parmi eux 200 manuscrits, dont quelques-uns précieusement reliés. Sans dou’e une faible partie, seulement, des livres répandus dans Prague avait été liTée. Et pourtant la mesure excita dans la ville un soulèvement indescriptible, d’autant plus, que deux jours plus tard, l’archevêque prononçait l’excommunication contre Hus et ses partisans. Les scènes tumultueuses se renouvelèrent dans les faubourgs. Sbinko fut conspué dans des chansons, et le service divin interrompu. Le gouvernement lui-même condamna l’archevêque à indemniser les propriétaires des manuscrits brûlés, tout en faisant taire pourtant les moqueries contre lui. L’orgueil de Hus n’avait pas cédé. Il n’avait plus seulement la Bohême, mais toute r. gleterre des lollards derrière lui. Il continuait à défendre les ouvrages de Wiclif dans des discussions publiques :

« Le peuple de Bohème, tout entier, écrit-il alors,

est altéré de vérité, il ne veut rien connaître que l'Évangile et les Épîtres, et partout où quelque part dans une ville, dans un village, dans un château.

un prédicateur de la sainte vérité apparaît, c’est un neuve de i euple qui y accourt en tas. Notre roi, loutt' sa cour, les barons et le peuple ordinaire sont pour la parole du Christ. » Il maintint ses prédications à la chapelle de Bethléem ; son ton devint de plus en plus audacieux. Dans un discours public, il se tournait de la chaire vers ses auditeurs : « Voulezvous m’appartenir 7° et le peuple répondait : « Oui. nous voulons t’appartenir. »

A la suite de son appel, Hus avait d’ailleurs été assigné devant la curie romaine. Sur de faux-fuyants, il n’avait pas paru. Au mois de février 1411, il était frappé d’excommunication par le pa))e. Le 15 mars suivant, Sbinko le fit annoncer dans la plupart des églises de Prague. C'était pom' l’archevêque, de la part du roi Wenceslas, l’explosion d’une colère qu’il ne devait plus apaiser. La mort privait bientôt l'Éghse de Prague de son chef (28 septembre 1411) au moment où celui-ci essayait encore les dernières tentatives de conciliation.

Hus, séparé de Rome par ses entêtements wiclifistes. allait maintenant se séjjarer de son université, en combattant âprement la doctrine cathoUque des indulgences.

Hus et les indulgences.

La querelle coimnença

dès 1412. L’excommunication n’avait produit dans Jean Hus aucun changement de points de vue ; à beaucoup d’autres, elle avait ouvert les yeux. Tant qu’il s'était agi, du moins apparemment, d’une dispute d’opinion, les plus anciens wiclifistes n’avaient fait qu’un avec les plus jeunes. La rupture avec l'Église devenue ouverte, beaucoup balancèrent. En automne de 1411, Jean XXIII ordonnait une croisade publique contre Ladislas de Naples, protecteur de Grégoire XII. son rival entêté, d’ailleurs déposé à Pise (1409). A Prague, elle fut prèchée en mai 1412. Le peuple fut conduit dans les églises au son du tambour ; l’indulgence était négociée par entremetteur pour les cures et les diaconés. S’il est une mesure dans les choses, la méthode, sans aucun doute, avait évidemment manqué. Les esprits prévenus jiouvaient se servir de : cette maladresse pour crier à la simonie. Jean Hus. rééditant Wiclif et sa fameuse protestation contre les indulgences de la croisade des Flandres, 1383, essaya d’entraîner l’université dans une attaque.à fond. La faculté de théologie, Etienne de Palecz à sa tête, se refusant à le suivre, se prononça franchement pour le pape. Le 7 juin 1412, une discussion eut lieu dans la grande salle du Carolinuni. L’exposition de Hus est intitulée : Qua’slio magistri Johannis Hus.. de indulgenHis.La question qu’il posait était ainsi conçue : « Est-il permis, d’après la Bible, pour le bien du peuple, pour l’honneur de Dieu, pour l’utilité des royaumes et des croyants, d’appuyer les bulles de la croisade"? » La série de ses objections était prise mot à mot du dernier chapitre du livre de Wiclif Sur l'Église et de son traité De absolulione a pana et culpa. « Aucun pape, aucun évêque, disait Hus, n’est autorisé, au nom de l'Église, à saisir l'épée ; il doit prier pour ses ennemis, et bénir ceux qui le maudissent. L’homme doit obtenir le pardon de ses péchés par un repentir et une pénitence sincères, et non pas pour de l’argent. Si quelqu’un n’est pas prédestiné, l’indulgence ne peut l’aider, et si quelqu’un est prédestiné, le pape ne peut pas le savoir. On doit résister aux bulles du pape, si elles sont contraires à la sainte Ecriture. « 

De l’université, l’agitation passa dans la rue. Jérôme de Prague avait gi’oupé les partisans de Hus.. Quelques jours après la présentation du mémoire du chef, Wok von 'aldstein, connu aussi dans les milieux wiclifistes anglais, formait un rassemblement populaire, et l’on brûlait les bulles papales relatives

aux indulgences. C'était une reprise des pratiques wiclifistes. Opus cvanrj., t. II, c. xxxvii. « On doit, criait le peuple, plutôt obéir au maître sincère Hus, qu'à la bande d’imposteurs, d’adultères et de simoniaques. » Le roi Wenceslas dut sévir. Accusé par le parti adverse de condescendance trop grande vis-àvis de ce mouvement, il fit punir par les magistrats toute injure publique au pape, et toute résistance contre ses bulles. Trois jeunes gens qui, pendant le sermon, avaient contredit l’ecclésiastique et appelé l’indulgence une imposture, furent décapités, malgré la demande en grâce de Hus. Ce turent les premiers martyrs de l'Église hussite. Beilrâge fur huss. Bewegurtg, t., p. 354-358. Les adversaires nommèrent la chapelle de Bethléem « l'église aux trois saints ».

Toutes les tactiques furent alors essayées. La faculté de théologie commença tl’abord par exiger que Hus présentât ses discours et ses enseignements au doyen pour leur examen. La mesure n’aboutit finalement qu'à la justification par Hus des article. 13, 16, 18 dans les 45 propositions reprochées à Wiclil par l’université dès 1403. Dejensio quonimdain arliculorum Joannis Wiclif. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 581-G25. Les théologiens répondirent : Probaiio et fundalio dodoruin probans indulgenlias papales. L’archevêque Albik, successeur de Sbinko von Hasenbourg, les légats pontificaux clierchèrent ensuite à amener Hu'. à l’acceptation des bulles papales, pendant ciue le roi Wenceslas lui-même tentait de rapprocher les uns des autres les fidèles des deux camps et que Palecz composait contre son adversaire son Trartalns qloriosus, dans l’espèce une amplification de la Probaiio et jandalio.

Rien n’aboutissait. Le clergé paroissial de Prague, entraîné par Michel de Causis, se tournait sur ces entrefaites vers le pape. Jean XXIII chargea le cardinal de Saint-Ange d’agir. Il fulmina la grande excommunication contre Hus, qui devait être saisi et livré à l’archevêque de Prague, ou à l'évêque de Leitomischl : la chapelle de Bethléem devait être complètement rasée.

Contre ces nouvelles mesures, Hus se contenta d'élever un appel au Christ lui-même ; malgré l’assaul donné à sa chapelle de Bethléem, le 2 octobre 1412, il continua ses prédications. De nombreux personnages de la cour, la reine Sophie à leur tête, y prirent part. La seule chance qui restait désormais de rétablir la paix était d'éloigner Hus. Le roi lui-même l’engagea à partir.

Le lutteur séjourna la plupart du temps dans le sud du pays, dans les châteaux des seigneurs, ses protecteurs, et particulièrement à Kozi-hradek. Il y écrivit, il y polémiqua, il y composa des ouvrages. Dans ses lettres, il exhortait ses partisans, plus agités que jamais, à écouter avec application le verbe de Dieu, à s’en tenir à la vérité connue, à ne pas permettre la destruction de sa chapelle, et à ne pas craindre les provocations de leurs ennemis. Il consolait ses amis de son excommunication ; il discutait avec un vocabulaire wicli liste les raisons de son exil de Prague.

11 polémiquait. Dans les deux conférences de Prague (Noël M12-février 1413), provoquées par Wenceslas, à qui SCS tribulations polit iques avaient montré la nécessité de valoriser, quel qu’il fût, l'élément tchèque, Hus montra, dans la première, la situation besogneuse du pays et le remède qu’elle exigeait ; il affirma sa bonne volonté d.se justifier, mais aussi l’impossibilité où il était de quitter son prône et de vivre à Prague. Dans la seconde, convoquée pour le 2 février à Bôhmlsh Brod, et tenue au palais archiépiscopal de la capitale bohémienne, le fi.seulement. Hus écrit : « La Bohême, sous le rapport ecclésiastique, doit avoir les

mêmes libertés que les autres pays ; les condamuations ne doivent y être pubUées qu’avec la permission du pouvoir de l'État. » C'était du Wiclif tout court. Sermoncs, t. ii, p. 519. « Et quand je me tiendrais devant le bûcher qui m’est préparé, écrit Hus, en ces jours, je ne reconnaîtrais jamais l’assemblée de la faculté de théologie. » Et pourtant le roi ne perdait pas tout espoir. Une commission permanente, dite Commission d’union, fut instituée pour travailler à une composition. Le nœud de la discussion était^tout entier dans la discussion de l’essence même de l’Eglise catholique. Les docteurs exigeaient de Hus et de ses partisans la reconnaissance de leur sommaire : Le pape et les cardinaux sont, le premier, la tête, les seconds, le corps de l'Église. On doit obéir à tous ses ordres. Hus continuait à s'élever vivement contre ces points de vue.

Toute la polémique donna lieu à une série d'écrits. Les deux partis cherchaient à étayer explicitement leurs propositions ; leurs joutes ont trouvé un écho dans les mémoires d’André de Brod, de Stanislas de Znaïm. et d’Etienne de Palecz. Cf. Beilriiqe jur huss. jBeu’ef/un^.t. iv, p.315 sq. Jean Hus y avait répondu par son ouvrage capital : De Ecdesia, dont les dix premiers chapitres ne sont qu’un plagiat de l'œuvre de même nom de Wichf ; son livre non encore imprinnVon der Gewalt des Papsles n’eut pas plus de personnalité. Wichf avait soutenu contre l’opinion de son temps que l'Église n’est point seulement composée du pape, des évêques et des prêtres. Pour Jean Hus. il n'était pas d’autre conclusion.

Il avait écrit son De Errlesia à Kozi-hradek, où plus tard, en souvenir de son activité pastorale pour les siens, devait s'élever la ville de Tabor, la capitale de ses disciples. Il envoya son ouvrage à Prague, oii il fut lu publiquement le 8 juillet 1413, dans la chapelle de Bethléem. Ce fut alors une wiclifolâtrie. Les ouvrages anglais du maître d’Oxford furent lus dans le temple et, sur ses murs, on inscrivit les principales propositions de Hus. En ville et à la campagne, tout lui cédait désormais. Hus disait la vérité au concile de Con.stance, quand il lui lançait cette apostrophe : a Je.suis venu ici libre : ne l’aurais-je pas voulu, le roi (Sigismond) pas plus que (Wenceslas) n’auraient pu m’empêcher, car les seigneurs de Bohême qui m’aiment sont nombreux et puissants. J’aurais pu me protéger dans leurs châteaux. » Hus était devenu le chef de la Bohême, et Wenceslas portait encore un dernier coup à ses adversaires, en enlevant aux Allemands dans le conseil de la cité la direction unique des affaires et en plaçant, à côté d’eux, une délégation égale de Tchèques. D’ailleurs, le wiclilisme bohémien pénétrait déjà en Pologne, en Hongrie, en Croatie, en.Xutrichc. Pour Hus, le concile général de Rome (janvier 1413) n’avait rien signifié. Hus n’y avait vu qu’une « assemblée de contrebande », fréquentée par « des moines et des simoniaques ».

Il fallait donc sévir dans une grande assemblée catholique, pour extirper l’héré-sie. En mai 1414, le chancelier de l’université de Paris. Cerson, écrivait à l’archevêque de Prague et lui représentait la néccssitédecombattrelesenseignemenlsdangeriux de Wiclif à l’aide du bras séculier. Un concile général venait d'être convoqué à Constance pour le 1° novembre. .Sigismond, frère de Wenceslas. futur héritier du roi de Bohême, Wenceslas, et déjà empereur du SaintEmpirc romain germanique depuis 1410, prit la chose en main. Sans grandes diiricullés, il persuada à Hus de se rendre au concile pour se justifier. Le maître, ses discours iirononcés à Constance le prouvent, espérait bien jouer à l’cITet et convertir les Pères au wicUnsnip. L’cmpcTPur Sigismond lui promit un saufconduit. Daté (le Spire (18 octobre 1414). il était rédigé en ces termes : « Sigismond, par la grâce de Dieu, roi des Romains…, à tous princes ecclésiastiques et séculiers, et à tous nos autres sujets, salut. Nous vous recommandons d’une pleine affection, à tous en général, et à chacun en particulier, l’honorable maître Jean Hus, bachelier en théologie, et maître es arts, porteur des présentes, allant de Bohême au concile de Constance, lequel nous avons pris sous notre protection et sauvegarde, et sous celle de l’empire, désirant que vous le receviez bien, et le traitiez favorablement, lui fournissant tout ce qui lui sera nécessaire pour hâter et assurer son voyage, par eau et par terre, sans rien prendre ni de lui, ni des siens, aux entrées et aux sorties, pour quelque cause que ce soit, et vous invitant à le laisser librement et sûrement passer, demeurer, s’arrêter, retourner, en le pourvoyant même, s’il en est besoin, de bons passeports, pour l’honneur et le respect de sa majesté impériale. »

Trois seigneurs de la noblesse bohémienne avaient commission pour veiller à la sûreté de Hus, pendant le voyage et le concile.

S'étant muni à Prague de tous les témoignages qui pouvaient prouver son orthodoxie, après avoir, comme dans la pensée d’une mort prochaine, mis ordre à ses affaires, Hus se mit en route. « C'était, écrivait-il à Sigismond, pour reconnaître le Christ publiquement, ou, si c'était nécessaire, y souffrir la mort pour sa loi. » Le 3 novembre, il était à Constance. Il allait y être examiné sur ses erreurs.

IV. Erreurs de Hus d’après ses livres.

C’est du wiclifisme. Voir Wiclif. Cf. Constance (Concile de), t. iii, col. 1214 sq. ; Denzinger-Bannwart, Encheridion, n. 627-656.

V. Le concile de Constance et la mort de Hus.

Condamné au concile de Constance pour ses erreurs théologiques, Jean Hus périt sur le bûcher, le 6 juillet 1415. Voir Constance (Concile de), t. iii, col. 1214-1217.

VI. Conclusion.

Les erreurs de Hus sont fondamentales. Élève de Wiclif, avant d'être fidèle de l'Écriture, il ne possède pas intégralement cette dernière. Doctrinaire, il s’est heurté violemment au mystère : la question de la liberté humaine et de la prescience divine, la question de la transsubstantiation n’ont pas trouvé grâce chez lui ; parce qu’esprit logicien uniquement, il n’a pas respecté les textes scripturaires, ni connu la tradition. Il a décrété, a priori, sur ces sujets, des impossibilités. L’apologétique catholique voit en lui un négateur de l'Église. Esprit indiscipliné, sans mesure, il n’a pas compris que les abus dans une institution sont des contingences inévitables qui ne diminuent en rien sa valeur intrinsèque par ailleurs doctrinalement et expérimentalement démontrée. Il a confondu réforme avec suppression. La société civile lui reproche aussi à bon droit d’avoir secoué ses bases. Le pouvoir dépend d’un contrat collectif. Ses droits ne sont pas diminués par des déchéances individuelles qui n’atteignent pas les obligations synallagmatiques. Anarchiste, idéologue, Hus est slave et par conséquent algomane. La sensibilité est chez lui maladive. Quelque généreuse qu’elle ait été, elle ne saurait faire illusion sur son esprit faux. Théâtral ténor, il n’a jamais oublié que toute une nation regardait vers lui avec une ardeur passionnée. Et c’est à ce point de vue qu’il est bon d’atténuer les louanges adressées par ses partisans à son héroïsme. L’entêtement, dans tous les domaines, n’a jamais ému qu’une pseudo-pitié. L'Église fit tout, d’ailleurs, jusqu’au concile de Constance, pour ne pas en venir à l’irréparable.

Il faut toutefois hautement regretter le malaise religieux causé par les désordres ecclésiastiques et le lamentable schisme pontifical de l’époque. L’erreur, quelle qu’elle soit, est toujours l’erreur. Mais, près des foules simplistes, elle est moins spécieuse, quand elle est sans apparence de justification. Hus reste l’apôtre de la conscience nationale du peuple tchèque. Si l'Église du temps avait été assez affranchie d’un laïcisme germanique menaçant pour les libertés bohémiennes, si elle avait été munie de son autorité pontificale unique incontestée, elle eût été plus forte pour montrer à Hus et à ses adeptes qu’elle n’avait rien à voir avec leur nationalisme. En dehors et au-dessus des partis, elle serait apparue, avec sa doctrine, uniquement religieuse. Les deux questions seraient restées séparées. L’histoire de l'Église démontre que les franchises d’un peuple n’ont jamais eu à souffrir de son loyalisme devant la doctrine romaine intégrale.

Il manque une édition critique des œuvres de Hus. Oh lui a attribué de nombreuses œuvres qui en réalité appartiennent à Wiclif ou à ses élèves.

Des remarques préalables sont aussi à faire. Les Tchèques ont eu comme adversaires des écrivains habiles dans l’art de bien dire. On ne saurait les consulter sans circonspection. Tels sont : Æneas Sylvius, Cochläus, Hajek.

Le hussitisme a été écrasé au début de la guerre de Trente ans. Le gouvernement autrichien n’omit rien pour détruire le souvenir d’une époque de révolte : les archives disparaîtront par le fait des jésuites ou des fonctionnaires autrichiens, de l’ignorance ou de l’incurie. A la fin du xviiie siècle, la création d’une chaire publique de tchèque à Prague marque le commencement d’une renaissance politique et littéraire en Bohême. Les premiers travaux se consacrent au hussitisme. M. Palacky, nommé historiographe par les États, réunit une phalange d'écrivains à partir de 1829. C’est de ce moment que date la documentation la plus contrôlée sur Hus et le hussitisme.En cours

I. Sources.

La vieille édition des œuvres de Hus : Johannis Hus et Hieronymi Pragensis /lisloria et monumenta, 2 vol., Nuremberg, 1558, et 1 vol., Francfort, 1715, est aujourd’hui tout à fait insuffisante.

De même les œuvres de Jean Hus, en langue tchèque, éditées par C. J. Erben, Prague, 1685-1686. Les œuvres originellement propres à Hus n’y sont pas démarquées.

Les œuvres de Wiclif que Hus a transcrites presque mot à mot. De Ecclesia, Sermones, De potestate papce.

D. S. Schalî, A translation o/ John Huss. The Church, with notes and introduction, in-S", New York, 1915.

Palacky, Documenta mag. Joliannis Hus vitam, doctrinam, causam, in Consiantiensi concilia actam, et controversias de religione in Bohemia anno {1403-1418) motos illustrantia, in-S », Prague, 1866. Ce recueil contient les lettres, accusation et réponses de Hus, les relations de son compagnon et compatriote Pierre de Mladenowitz et des documents authentiques sur la bataille religieuse en Bohême de 1403 à 1418. Des suppléments plus importants aux lettres de Hus se trouvent dans le mémoire de Nedoma, Boleslavsl<g Kodex Z doby husitske, qui contient 8 lettres de et à Hus. Les sermons de Hus sur les évangiles du dimanche et des fêtes, traduits par Nowotny eu allemand, G()rlitz, 1855, 2 fascicules. — Les lettres de J. Hus, traduites en allemand d’après le texte tchèque original de F. B. Mikowec, Leipzig, 1849. — Maitène et Durand, Veterum scriptoruni et monumentorum historicorum, dogmaticorum, moraliuni ampUssima collectio. — Mansi, Conciliorum nova et ampUssima collectio, Florence, 1757, surtout les t. xxviii-xxxi. — Hermann von der Hardt, Concilii Constantiensis libri IV, Francfort et Leipzig (1695-1699). — Hôfler, Concilia Pragensia (1353-1413), dans Abliandlungen der Kônigl. bôhmischen Gesellscha/l der Wissenseliaften, 5° série, t. xii ; Geschichtschreiber der hussitischen Bcwegung in Bôhmen. 3 in-S", Vienne, 1856-1866 ; dans les Fontes rerum Austriacarum, Vieime, 1856-1866, part. I, t. it, VI, vu. Dans le 1° de ces volumes, on ; trouvera les histoires de Lorenz von Brezova et de Pierre de Mladenowitz, qui s’utiliseront mieux que dans les documents de l'édition Palacky ; dans le 2', la grande clu-onique des taborites de Jean de Lukawetz et Nicolas de Pclilrimow, et dans le 3', la traduction allemande des annales tchèques du temps des hussites éditées dans les Fontes rerum Boliemicarum de Pelzel, Dobrowskx et Palackv ; l’rkunden zur Beleuclitiing der Geschiclite Boltmciis imd des deulschen Reiches iin SV Jahrhunderl, dans Abhandliingen der Kônig. bôliinischen Gesellschaft der Wissensclia/ten, Prague, 1865. — Palacky, Urkundliche Beitrdge zur Geschicble drs Hussitenkrieges von 1419-1430, 2 vol., Prague, 1873 ; ('rkundliche Beitràge zur Geschicble Bôhmens imd seiner Nachbarldnder im Zeitaltcr Georgs von Podiebrad, Vienne, 1860 ; Lillerarische Reise nach Italien, Prague, 1838, contient une courte biographie de Sigismond par ^neas Sylvius et le Traclatus de longœvo schismate. — Loserth a donné une contribution à l'étude du mouvement hussite, dans Archiv fiir ôsl. Geschicble, t. lv-lvh, lx, lxxv, lxxxii : a) Codex epislolaris des Prager Erzbischo/s Johann von Jengenslein ; b) la vie et les écrits du maître Adalbertus Ranconis de Ericinio ; c) l’important traité de Ludolph de Sagan, De longœvo schismate ; d) les écrits de polémique et les pourparlers d’union entre catholiques et hussites, 1412-1413 ; e) les relations contemporaines et les vieux fragments pour l’expansion du wiclifisme en Bohême cl en Moravie, 1410-1419. Parmi les pièces jointes, il faut oter n" 1 : une relation contemporaine de la fin de Hus.. — Le V volume des Fontes rerum Bohemicarum contient une édition correcte des chroniques les plus importantes du temps des hussites, Prague, 1893. On y trouve les chroniques de Laurent de Brezova. le Chronicon univers. Pragensis et la chronique de Bartosselv de Drahonic dans l'édition de laroslaw Goll. — Cochlaus, Historia hussitarum, Mayence, 1549. On doit remarquer que les sympathies catholiques de l’auteur l’ont un peu privé de sérénité, et lui enlèvent par le fait un peu d’objectivité. Cf. Loserth : Le mémoire du chanoine de Breslau Nicolas Jempelfeld de Briegsur l'élection de Georges de Podiebrad. Une contribution à la critique de l’histoire des hussites de Cochlaus, Arc/jiu /iir ôslerr. Geschicble, t. xvi. — Griinhagen, Geschicbtsquellender Hussiten Kriege, Breslau, 1871. Cf. VI » vol. des Scriplores rerum Silesiacarum. — Les histoires du maître Jean Léon, éditées par Schlesinger, Prague, 1877 ; Die àlleste Erzàblung von der siegreichen Verteidigung der Stadt Briix gegen die Hussiten, 1421. — La Société pour l’histoire des Allemands en Bohême a publié des documents isolés et des remarques critiques sur des sources compétentes du moyen âge. — M. J. Sediali a commencé la publication des Traclatus causam Mgri.Johannis Hus m parte catliolicorum illustrantes, fasc. 1, Breslau, 1914. IL Travaux. —. noter que les plus anciens travaux jusqu'à Palacky, même ceux de Hclfcrt, Husz und Hieronymus, Prague, 1853, ont vieilli. — Palacky, Histoire de Bohême, Prague, 1845-1867. La plus grande partie est consacrée au hussitisme, t. iii, 1, 3 ; t. iv, 1 et 2 ; t. v, 1 et 2 : Ueber die Bezicbungen und das Verhàltnis der Waldenser. zu den ehemaligen Seklen in Bôbmen, Prague, 1869 ; Die Vorlaiifer des Hussitentunti in Bobmen, Prague, 1869 : Schlesinger, Geschicble von Bo/irnen, Prague, 1869 ; Hôflcr, Magister Johannes Hus und der Abzug der deulschen Stndenten und Professoren aus Prag, 1864 ; Berger, Johannes Hus und Kônig Sigmund, Augsbourg, 1871 ; O. Lechler. Johannus und Wiclif und dieVorgeschichte der Rc/ormation. Leipzig, 1872 ; le 2' volume traite le hussitisme. Plus critique son Johannes Hus. Ein Lcbensbild aus der Vorgescbichle der Reformation, Halle, 1890, dans Schri/ten der Vereins fiir Reformationsgeschiclite, t. vii, p. 3 ; Emesl Denis, Huss et la guerre des hussites, Paris, 1878 ; c’est une parapliruse des travaux de Palacky sans étude personnelle des sources, apologie passionnée de Jean llus et du hussitisme. — La question du sauf-conduit a été traitée par l’hlmann, Kônig Signuinds Geleil fur Husz. und das Geleit ini.Mitlclalter, Halle, 1894 ; K..Millier, Kônig Sigmunds Geleil fiir Husz, dans FHsl. Vierteljahrschrift, 1898 ; Hcfelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris. 1916, t. VII, p. 110 sq. ; KocMcT, Realismus und.ominalisnuis. Gotha, 18.58 ; Ln-vrc, Der Kanipf zwischen Realism und Nominalism im Miltelaller, Prague, 1876.

Les rapports de Hus et de Wiclif ont été étudiés par Loserth, Hus und Wiclif, Prague, 1884 ; trad. anglaise, Wiclif and Hus, Londres, 1884, par Ivvans. Mémoires : Ueber die Beziehungen zwisrhen Englischen und Bôhmischen Wiclifitrn, dans MiVteillungen des Inslit. fiir osterr. GciChiclilsforschung. t. xii, p. 2.54 ; Der Kircben-und Klostersturm der Hussiten, <lans 'Leii’ichrifl fiir Geschicble und Pnlilik, I. v, p. 259 ; K. L. Poole, On tbe intercoursr bflween English und Bohemian utirliffites in the earlu years o/ the fifleenth century, dans Engl. hist. reoirw, avril 1892. Voir la bibliographie de Wiclif, i l’art. Wiclif.

E. de Bonncchose, Jean Huse le concile de Constance, 2e édit., 2 vol., Paris, 1846. Voir Constance (Concile de), t. iii, col. 1214-1224.

Kirsch et Luksch, Geschiclile der katlwUschen Kirclic, édit. de l'Œsferr. Léo-Gesellschaft, Munich, p. 450-457.

Très peu d’oeuvres des adversaires de Hus sont imprimées. A voir : Pez, Thésaurus anecdotorum, contient les écrits du prieur chartreux Stephan von S. Josaphat (Dolein) bei Olmutz ; Loserth, Die litterarischen Widersacher des Husz im Hlàbren, dans Jahrg. der Zeitscbrifl des Vereins fiir Geschichte Mdhren, und Scblesiens, 4 « lasc.

A citer encore ces ouvrages, parus à l’occasion du cinquième centenaire de la mort de.Jean Hus : D. S. ScIkiIT, John Huss. His life, leaching and dealh, aflcr fwe bundred years, New York, 1915 ; V. N. Schwarze, John Hus, tbe martyr of Bohemia, New York, 1915 ; G. Loesclic, Jan Huss, dans Evang. kirchliche Zeitung Œsterreichc. 1915, p. 169-172, 185-187, 197-199 ; Art. Thiv, Johan Hus und seine Zeit, Graz, 1915 ; A. Hauck, Sludien zu Johann Huss, Leipzig, 1916 ; Pyper, Jo/ionnes Hus, dans Xcrf Archiv K. Geschichte, 1916, t. xiii, p. 1-57.

Pour plus de détails, voir Ul. Chevalier, Répertoire. Bibliographie, 2e édit.. t. I, col. 2228-2232 ; Rcalencycl. fiir protest. Theol., t. vin et xxv, art. Huss.

P. Mon CELLE,