Dictionnaire de théologie catholique/FOI XII. Controverse théologique sur l'analyse de la foi
fundamenla demonstret, sess. iii, c. iv, Denzinger, n. 1799 ; l’apologétique a toujours été regardée comme hase du dogme. L’édifice peut-il être plus solide que ses fondations ? C’est sous cette forme que la difficulté s’est présentée d’abord à Suarez, qui le premier s’est attaché à l’approfondir et à la résoudre : « Il est impossible, dit-il, qu’un assentiment d’ordre plus élevé soit fondé régulièrement, per se, sur un assentiment d’ordre inférieur, ou qu’une certitude plus mande soit fondée régulièrement sur une certitude moindre. Or l’assentiment de foi est de l’ordre le plus élevé, il est plus certain que l’assentiment naturel et évident : il ne peut donc y élre fondé, du côté de. son objet formel… Toute la perfection de l’effet vient de sa cause, toute la fermeté de l’édifice vient de son fondement ; une connaissance fondée sur une autre ne peut donc être plus certaine que celle qui la fonde… La certitude de la foi est tout entière appuyée sur son objet formel, et par conséquent, sur la connaissance de cet objet formel, car ce motif ne meut à croire qu’autant qu’il est connu. » De flde, disp. III, sect. vi, n. 6, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 64. Ainsi, d’après Suarez, la certitude’de l’acte de foi dépend tout entière de la certitude de cette connaissance de l’objet formel, objectum formate quo, motif spécifique de la foi ; c’est à déterminer le genre et le degré de cette connaissance dans l’acte même de foi, qu’il ramène toute la question.
La difficulté peut prendre cette autre forme. Si l’on fait remonter l’analyse de la foi jusqu’aux motifs de crédibilité, c’est là qu’il faudra chercher le dernier motif, la dernière raison de la foi. Mais il semble que le dernier motif auquel on remonte, étant le point solide auquel toute la chaîne du raisonnement est suspendue, est par là même le motif prineipal et spécifique, et du coup nous tombons dans de terribles conséquences : 1. La foi perd son unité spécifique, car les motifs de crédibilité varient d’un fidèle à l’autre ; il y aura autant d’espèces de foi que de différents motifs de crédibilité. — 2. L’« autorité de Dieu qui révèle » ne sera plus le motif dernier, sur lequel tout repose : ce qui est contre le sentiment commun des théologiens, et contre le concile du Vatican, qui n’assigne à la loi que ce motif. Voir col. 115 sq. — 3. Par suite, la foi n’aura plus pour motif spécifique un attribut divin : elle ne sera donc plus théologale. Voir col. 370, 377. La crainte de ces conséquences, que tous les catholiques savent être fausses, et qu’il faut éviter à tout prix, explique pourquoi les théologiens en général, dans les différents systèmes qu’ils ont imaginés pour résoudre cette difficulté, tout en admettant la nécessité des motifs de crédibilité avant la foi, ont constamment cherché à diminuer leur rôle dans l’acte de foi lui-même, et à rendre l’assentiment de foi indépendant de ces motifs, soit en mettant une discontinuité, un fossé entre eux et lui, soit au moins en s’arrangeant d’une manière ou d’une autre pour arrêter l’analyse à Yauctorilas Dei revclanlis comme à son dernier terme, au delà duquel il n’y a plus rien. On peut donc dire que le grand problème de l’analyse de la foi porte sur la détermination de son motif spécifique ou objet formel, ou plutôt sur la justification logique et rationnelle de la thèse positive et traditionnelle qui fait consister ce motif dans Vaucloritas Dei revelantis. Nous allons exposer les divers systèmes en suivant, autant que possible, le développement chronologique de la controverse.
2° Solutions diverses.
1er système : Suarez. — Nous venons de voir comment il a saisi la difficulté. D’après lui, la certitude suprême de la foi dérive logiquement de son objet formel, la divine autorité et la divine révélation, ou plutôt de la connaissance que nous avons de ce double motif, le motif n’agissant qu’autant qu’il est connu. Or, on peut avoir cette connaissance de deux manières : par la raison ou par la foi. La première est la connaissance purement philosophique ou historique, obtenue par les motifs de crédibilité, celle que l’on utilise en apologétique : niais elle ne suffit, pas à fonder la certitude suprême de la foi. et elle mènerait aux fâcheuses conséquences signalées toutà l’heure. Reste donc la seconde manière, qui atteint par ta foi le motif même de la foi, qui le croit dans toute la force du terme : « Je crois la trinité, parce que Dieu, avec une souveraine véracité, l’a révélée ; je crois cette véracité divine elle-même, paire que Dieu l’a révélée, et pareillement la révélation de la trinité, parce que Dieu a révélé qu’il la révélait. » Ainsi : a) la foi à la trinité s’appuie sur la foi à la véracité divine et à la révélation de la trinité : la foi est fondée sur la foi, et trouve enfin là une base aussi ferme qu’elle-même ; b) d’ailleurs, il est possible, dans tout acte de foi, de « croire » la véracité divine et le fait de la révélation au sens propre et religieux du mot « croire » , c’est-à-dire propler auclorilalem Dei revelantis. Pour pouvoir ainsi croire une chose, il suffit qu’elle ait été révélée. Or, Dieu n’a-t-il pas révélé sa véracité ? Par exemple : Est autem Deus verax. Rom., nr, 4. N’a-t-il pas révélé qu’il révélait, qu’il parlait ? Par exemple, quand les prophètes disaient en son nom : Usée dicit Dominas. Ne peut-on pas. du reste, soutenir que tout être capable de parole ou de témoignage, quand il atteste explicitement quelque chose pour être cru, par le fait même dit implicitement deux autres choses, à savoir qu’il est véridique et qu’il parle, c’est-à-dire qu’il a l’intention de faire connaître sa pensée ? Ainsi la condition d’« être révélé » ne saurait manquer à l’objet formel, pour permettre de le croire propler auclorilalem Dei revelantis. Il est vrai que l’école thomiste demande encore une autre condition pour pouvoir « croire » une chose au sens propre : c’est qu’elle ne soit pas éclairée par une science simultanée. Voir col. 454. Cette condition manquera souvent, quand la véracité divine sera connue par une démonstration philosophique, présente à l’esprit au moment même où il va croire. Mais Suarez rejette cette exigence de l’école thomiste. Loc. cit., disp. III, sect. vi, n. 9, p. 66. En conséquence, d’après lui, ces deux vérités qui composent l’objet formel sont atteintes successivement de deux manières : avant l’acte de foi, à la lumière de la raison : dans l’acte de foi, à la lumière même de la foi ; en sorte que la foi de ces deux vérités précède et engendre la foi de tout autre dogme. Voir Suarez, loc. cil., n. 5-9, p. 64-66, et sect. xii. n. 1, 4, 7-10, 12, p. 101-100. L’assentiment de foi affirme en même temps l’objet formel et l’objet matériel, celui-ci à cause de celui-là. « Bien que l’acte paraisse simple, il renferme un discursus virtuel. » Loc. cit., n. 10, p. 10 1.
Cette solution a été suivie par beaucoup de théologiens, grâce à l’autorité du grand nom de Suarez. Elle n’a pourtant jamais été « commune » , quoi qu’en dise un de ses défenseurs contemporains, Tepe. Inslitutiones Iheologicæ, Paris, 1890, t. iii, n. 677, p. 375. L’école thomiste, à elle seule déjà, suffirait à empêcher cette prétendue unanimité. D’une part, en effet, comme l’a remarqué Kleutgen, beaucoup de thomistes, tout en utilisant parfois certaines parties du système de Suarez pour répondre à des objections, ne l’ont pourtant ni exposé ni défendu ; plusieurs même ont à peine parlé de l’analyse de la foi, parce qu’ils ne l’ont pas trouvée chez saint Thomas, qui ne peut guère fournir à cette question que quelques principes généraux pour la diriger. Voir YVilmcrs, De. fide divina, Ratisbonne, 1902, p. 362. D’autre part, cette théorie des thomistes, qu’une même vérité ne peut simultanément être objet de science et de foi, devait logiquement les empêcher d’admettre le système de Suarez. Que plusieurs d’entre eux aient admis pour le fait de la révélation qu’il doit, comme objet formel, être cru de foi divine, rien d’étonnant : le fait de la révélation, se prouvant par des témoignages, n’est pas pour eux objet de science, mais de foi humaine ou divine, ou les deux ensemble. Mais quant à l’autre élément de l’objet formel, l’autorité de Dieu, c’est-à-dire sa science et sa véracité, c’est pour eux comme pour tous les théologiens un objet de science, et ils ne peuvent admettre, sans abandonner leurs propres principes, que le philosophe chrétien, dans tout acte de foi, puisse les croire. Voir l’esch. Prseleciiones, 3e édit., t. vin. n. 345, |). 157 en note. Parmi les thomistes, les Salmanticenses attaquent explicitement le système de Suarez. Cursus théologiens, De fuie, disp. I, n. 1<S1. Paris. 1879, t. xi. ]). 83. Seot, que le 1’. Tepe cite en compagnie de saint Thomas comme précurseur de Suarez avec son école, a bien aperçu la difficulté principale de cette solution que Suarez devait un jour développer, c’est-à-dire le processusin in/iiulum. et n’a rien conclu, au témoignage d’un de ses plus célèbres disciples, le cardinal Brancatus de Laurea : Scolus in III Sent., disl. XXIII, agnoscii maximum liane difjficultalem, omnemque movet lapident ut <tl> eu se exlricet. Comment, in III"™ Sent. Scoti, Rome, 1673, t. m. part. I, disp. NUI. a. <>. n. 156, p. Il I. lluc argumentum. .. Scolum ipsum lorsit ; et ideo insolutum reliquit. Luc cit.. n. 189, p. 121. Cf. a. in. n. ; îlit. p. I 19. Mnstrius finit par se rattacher à la doctrine opposée de Lugo, i/iue doctrina, dit-il. salis consonat Scoto. Dispul. theologicse in ///<"" Sent., De fuie, disp. VI, n. 39-41, Venise, 1675, p. iiHi. Il est donc inexact d’enrégimenter l’école scotiste sous le drapeau de Suarez. Quant aux théologiens de la Compagnie de Jésus, , peu après Suarez. nous voyons le cardinal de l-ugo réclamer êhergiquement centre lui et inaugurer un autre système, pour lequel il a trouvé des partisans : sans parler d’autres systèmes « pie nous verrons défendus par d’autres auteurs, comme Thyrse Gonzalez. Tepe. à la suite de Viva, inveque Arriaga comme ayant qualifié le s sterne de Suarez d’opinion commune » . Citation peu exacte : ce qu’Arriaga présente comme » L’opinion commune n’est nullement le système particulier de Suarez, mais une doctrine beaucoup plus générale et que nous avons donnée plus haut, voir col. 1(>(>. à savoir que seule l’autorité de Dieu, qui a autrefois révélé, constitue le motif ou objet formel de notre loi, a l’exclusion de la proposition faile par le curé, ou même par toute rivalise, proposition qui n’est (prune condition manifestant d’une certaine manière cette révélation. Dispul. theologicse, lie fuie. disp. III. n. 17, Anvers, 1649, t. v, p. âl. Du reste, Arriaga lui-même, comme nous le verrons, ne suit pas le système de Suarez. De nos jours, presque tous les théologiens jésuites ont rejeté la solution de Suarez. et plusieurs d’entre eux l’ont attaquée d’une manière fort détaillée. T< La sont Franzelin, De tradilione et Scriplura, ii. Rome, ix~."). Append., c. iv, n. 2. p. 640 sq. ; MaZZClla, qui a partir de sa.’! ' édition, attaque Suarez qu’il avail suivi jusque-là, Naples, >’édit.. 1909, piop. 31e, p. 101 sq. ; Mendivc, malgré l’attachement spécial (les jésuites espagnols poill Suarez. Ilislituliones theoloyiie…, Valladolid, 1895, t. iv, p. 134 sq. ; Ii ! Hurter, Theol. generalis, 9’édit., (. i. n. 162, p. 176 ; Stentrup, />< fuie. Inspruck, 1898, tins, xxv, p. 193 sq. ; I. abolisse, i tr virtutibus theologicit, Bruges, 1900, tins. xxi. p. 198-206 ; le cardinal Billot, De virtutibus infusis, 2’édit., Rome, 1905, Lhes. xvi, p. 28911. Prœlectiones dogmaticm, ’'<" édit., Fri bourg, 1910, t. vin. pi op. l’i. p. 151-157. Le s si < ime d) Suarez, sans modifications, ne semble avoir élé défendu de nos jours que par Tepe, l<><. < il., et Wllmers, loc. cit., p. 351-362.
Critique du système. —
a) Suarez a eu le mérite de
faire la première enquête approfondie sur cette question
ardue ; l’insuccès d’une première tentative n’est
pas étonnant. Il y a d’ailleurs une part de vérité dans
son système ; il a mis en lumière que l’existence de
Dieu, sa science et sa véracité sont des vérités révélées,
qui peuvent être objet de foi ; et de même, le fait
de la révélation, par exemple, que tel homme ait été
envoyé de Dieu pour parler en son nom, que tel livre
ait Dieu pour auteur, que le donné révélé soit contenu
dans l’Écriture et la tradition. Ce qui est objet formel
de la foi peut donc être cru à son tour, être pris parfois
comme objet matériel ; et nous ne devons pas être
moins attachés a ces dogmes qu’aux autres. Ce qui est
excessif, c’est d’exiger qu’on croie de foi divine ces
vérités dans toul acte de foi, et antérieurement à
toute autre chose ; qu’elles soient ainsi toujours objet
matériel en quelque sorte, quod creditur, en même
temps qu’objet formel, quo creditur. Même en concédant
a Suarez que Dieu dans toute révélation révèle
implicitement qu’il révèle et qu’il est véridique (point
qui demeure plus discutable et plus discuté), il ne s’ensuit
pas que Dieu nous oblige à croire dans tout acte
de foi ces vérités comme révélées : il suflit de les connaître
quand nous croyons autre chose, et de les croire
quelquefois de foi divine, comme les autres vérités
révélées. Il ne s’ensuit pas non plus que nous nous sentions
poussés à les croire de foi divine dans tout acte
de foi, ce qui est contre l’expérience. Il en est ici
comme de la foi humaine : Suarez prétend que, toutes
les fois qu’un homme parle et rend témoignage, il
atteste en même temps son existence et son témoignage
et sa véracité, soit ; mais quand nous entendons
parler quelqu’un et quand nous le croyons sur parole,
nous ne pensons pas toujours qu’il nous atteste son
existence, son témoignage et sa véracité, et par conséquent
nous ne sommes pas poussés à croire ces choseslà
sur sa parole ; au moins souvent, sinon toujours,
c’est uniquement par ailleurs que nous les connaissons
et que nous les affirmons. —
b) Suarez se sépare
nettement des ûdéistes, avec lesquels on a eu tort
parfois de le confondre. Il est. vrai que les lidéistes,
eux aussi, fondent la foi sur la foi. mais dans un sens
exclusif de toute préparation rationnelle et de tous
motif s de crédibilité. Voir col. 17(1. 177. Suarez n’a pas
ce sens exclusif. Voir col. 17.S. Avant l’acle de foi, il
veut que nous affirmions l’autorité (le Dieu et le fait
de la révélation en vertu de motifs autres que le motif
spécifique de la fei divine : démonstration philosophique,
témoignages historiques, autorités humaines.
C’est seulement dans l’acte de foi lui même, au moment
où l’auctoritas lui revelantis va remplir sa fonction
d’objet formel de la foi, que Suarez fail abstraction
de ces nulles mol ifs et de ces l’on naissances préalables,
el par un cllnrl île volonté n’admet plus l’aulorilé
divine et le fait de la révélai ion que sur la parole de
Dieu, c’est-à-dire par le motif de la foi divine, par une
lumière objective différente de (elle qui a Immédiatement
précédé.
c) Mais précisément ce changement
de lumière pour les inéines vérités, accompli sous
l’influence de la volonté libre, est une complication à
laquelle les fidèles ne songent pas et qu’ils auraienl
bien de la peine a exécuter, el que l’Église devrait
absolument leui enseigner s’il était vrai que ce fûl la,
comme Suarez le suppose, une condition essentielle de
l’acte de foi. <)r l’Église ne la leur enseigne pas. elle
n’esi donc pas essentielle. Celle preuxe décisive contre
le s si en le a déjà.te de loppéc a propos de l ; i liberté
de la loi. question connexe. Voir col. 127, 128. il) On
s’accorde : i icpim loi, , ee système un Vice de I’gique,
qu’il n’est p.is facile d’expliquer bien clairement.
Nous l’indiqueront a notre manière, en renvoyant, du
aux auteun cltél qui l’ont expose chacun a la sienne. i T ous croyons un dogme quelconque (objet
matériel) en yertu <ie la connaissance que nous avons
de Vauctoritas Dei revelantis, connaissance qui, d’après Suarez, doit, comme élément de l’objet formel, fonder la foi au dogme, et doit être, elle aussi, une connaissance de foi, pour que le fondement soit aussi solide tque l’édifice. L’autorité de Dieu et le fait de la révélation devront donc, à leur tour, devenir en quelque sorte objet matériel de la foi, ijuod creditw, et nous devrons les admettre à cause de l’objet formel qui spécifie la foi : en d’autres termes, ces deux vérités, prises comme objet matériel, devront s’appuyer sur elles-mêmes, prises comme objet formel. Or, il y a là un cercle vicieux : ou si l’on pense éviter ce cercle en dédoublant ces vérités suivant qu’elles sont considérées tour à tour, sous deux rapports différents, comme objet matériel et comme objet formel, comme chose révélée et comme chose qui révèle, et en multipliant les révélations qui se réfléchissent les unes sur les autres, alors ont ombe fatalement dans un autre procédé également vicieux en logique, le processus in infinitum. Je crois tel dogme, parce que Dieu l’a révélé ; et je crois qu’il l’a révélé, parce qu’il a révélé qu’il le révélait. La révélation, prise comme objet matériel M, s’appuiera sur la révélation prise comme objet formel F ; celle-ci, pour être un solide fondement selon les exigences du système, devra devenir à son tour, objet matériel M’et s’appuyer sur la révélation figurant de nouveau comme objet formel F’, laquelle aura les mêmes raisons de devenir à son tour objet matériel M" et de s’appuyer sur F"…, et ainsi à l’infini, sans pouvoir jamais rencontrer la base définitive que l’on cherche, c’est-à-dire une connaissance qui, d’une part, soit vraiment » foi divine » et, de l’autre, se suffise à elle-mêiue, en sorte qu’on puisse s’arrêter à la foi, et qu’où n’ait pas besoin d’aller chercher plus loin. Impossible, en elïet, de réunir ces deux conditions : par l’essence même des choses, la connaissance de foi, où Suarez cherche ce solide fondement, n’est pas une connaissance immédiate, une intuition qui se suffise à elle-même. Voir col. 98 sq.
2° système, modification du premier : Arriaga, Mazzella, etc. — La modification principale que l’on a fait subir au système de Suarez a consisté dans une interprétation très large de sa formule credere veracilalem Dei et faclnm revelationis. On a entendu par là un assentiment surnaturel donné immédiatement à ces deux vérités dans leur fonction d’objet formel, mais un assentiment qui ne soit pas appuyé sur le motif spécifique de la foi. On a eu l’avantage d’éviter ainsi ces procédés de cercle vicieux ou de processus in infinitum, si souvent reprochés à Suarez. Mais on s’est écarté de sa pensée fondamentale, de baser la foi sur la foi, comme ayant seule la certitude suprême. Lui, il prend toujours le mot « croire » et le mot « foi » au sens propre, et dans l’exposé même de son système, il attaque ceux qui les prennent autrement. De fide, disp. III, sect. vi, n. 3, p. 63 ; n. 8 et 9, p. 65, 66. En l’ait de « lumière surnaturelle » , il n’en veut pas d’autre ici que celle de la foi, qui atteindra ces vérités comme les autres objets de foi. Disp. II, sect. iv, n. 7, p. 24. Et il ne se donnerait pas tant de peine pour prouver que Dieu, toutes les fois qu’il révèle, révèle sa véracité et révèle sa révélation, s’il ne voulait pas les faire tenir par le motif spécifique de la foi proprement dite.
. Concluons que le 2e système, tout en empruntant à Suarez quelque élément, est foncièrement différent du sien, comme le reconnaissent la plupart de ses partisans, qui ne font pas profession d’interpréter le maître, mais de l’attaquer. Il ne suffit donc pas, comme on l’a cru longtemps, de rejeter le système de Lugo, pour avoir un système suarézien quant au fond. Quoi qu’en dise M. Bainvel, il y a plus de » deux théories théologiques de la foi catholique. » Et il y a bien de l’arbitraire dans ces cadres simplifiés où l’on veut enfermer toutes les théories : foi de simple autorité, se rattachant à Suarez ; foi scientifique, se rattachant à Lugo. Du reste, M. Bainvel, dans sa nouvelle édition, explique davantage ce qu’il blâme dans Suarez. La foi et l’acte de foi. 1908, p. 53, 54, en note. Tâchons de reconstituer la généalogie de ce 2e système.
Arriaga, parce qu’il réfute Lugo, en partie, a été cité, nous l’avons vii, comme partisan de Suarez. Il emprunte Lien à celui-ci les mots credere veracilalem Dei. mais il les entend au sens large et impropre. « La foi, dit-il, ne croit pas premièrement que Dieu est véridique parce qu’il le dit (motif spécifique de la foi). Autrement, il y aurait cercle vicieux : elle croirait sa véracité parce qu’il l’atteste, et elle croirait son attestation parce qu’elle le juge véridique. Elle croit donc cette véracité en comparant les termes « Dieu » et « véridique » , ex apprehensione lerminorum (sens très impropre du mot croire). Aussi, plusieurs disent que, de ce côté-là, l’assentiment de foi est évident. » Dispul. theologicie, De fide, disp. XIV, n. 5, Anvers, 1649, t. v, p. 198. Cette manière d’admettre, dans l’acte même de foi, la véracité de Dieu ex apprehensione lerminorum, est, en réalité, empruntée à Lugo, comme nous le verrons. Un autre emprunt fait à Lugo est de supposer que Vhabitus fidei n’est pas tellement lié au motif qui le spécifie, qu’il ne puisse atteindre la véracité divine immédiatement et sans passer par ce motif. « La vertu de foi, dit Arriaga, quand il s’agit de croire la véracité de Dieu, n’est pas actionnée (non movelur) par l’influence de la révélation, mais par sa nature intrinsèque, ou peut-être par l’évidence des termes. En elïet, puisque cette véracité est l’objet formel de la foi elle-même, il doit y avoir dans la foi une puissance d’atteindre immédiatement cet objet pour lui-même. » Op. cit., disp. XI, n. 21, p. 173. Comment Arriaga peut-il faire atteindre la véracité divine, vérité accessible à la raison naturelle, et prise par lui en dehors de la révélation, par un acte surnaturel de la vertu infuse ? C’est qu’il admet et prouve très au long qu’un acte surnaturel peut atteindre le même objet, même formel, qu’un acte naturel. Loc. cit., disp. XIV, p. 197 sq. En quoi il s’écarte encore de Suarez pour se rapprocher de Lugo. Il réfute encore Suarez. Op. cit., disp. I, n. 55 sq., p. 16 sq. Mais comment résoudra-t-il la grande difficulté de l’analyse de la foi ? Comment évitera-t-il de prendre pour dernière raison et motif suprême de la foi les preuves philosophiques et l’évidence intrinsèque de la véracité divine, et les motifs de crédibilité qui prouvent le fait de la révélation’? Il pense, avec Hurtado, pouvoir retenir ces deux vérités tout en faisant cesser l’influence causale de leurs preuves, et pouvoir leur donner ainsi, au moment de l’acte de foi, un assentiment immédiat, grâce à la volonté : ce qui est le point fondamental du 2e système. Pour le prouver, il fait appel à l’expérience : « Bien que nous ne puissions pour la première fois donner notre assentiment à un objet inconnu, si nous n’y sommes conduits par des prémisses, par un raisonnement, nous pouvons toutefois ensuite penser à cet objet, bien que nous ayons oublié les prémisses elles-mêmes. » Par exemple, nous retenons souvent une vérité revue par ouï-dire, sans nous rappeler les témoins qui l’ont attestée : « Je pense que Rome existe, et je ne sais plus qui me l’a dit, » etc. Op. cit., disp. III, n. 58, p. 54. Que penser de cette théorie ? Lugo, discutant contre Hurtado, a rejeté ces prétendues expériences, en notant qu’il nous reste dans ces cas-là un vague souvenir, qui sert d’intermédiaire et de preuve, en sorte que la connaissance ne devient pas immédiate ; il répugne d’ailleurs à la nature de l’esprit humain d’admettre immédiatement une proposition essentiellement médiate, d’admettre sans preuves une proposition neutre par rapport à nous. Dispulationes, De fuie, disp. I, n. 86-98, Paris, 1891, t. i, p. 54 sq. Nous avons nousmême parlé de ce souvenir confus des preuves, qui peut suffire à faire raisonnablement admettre un énoncé. Voir col. 178, 316, 317. Nous avons cité la théorie de Newman sur cette accumulation spontanée de petits faits maintenant oubliés, cpii ont laissé dans l’esprit certaines conclusions. Voir col. 319, 320. William G. Ward, tout en admirant l’observation psychologique de Newman, a bien fait remarquer (comme Lugo) que ces conclusions laissées dans l’esprit dépendent toujours des prémisses anciennes qui les ont données, et dont on garde le souvenir confus, qu’elles en tirent tout ce qu’elles ont de force et de certitude, Dublin revit iv. octobre 1869, p. 427 sq. Quoi qu’il en soit, nous saisissons dans Arriaga le passage du 1er système au 2e, grâce à une interprétation trop large du credere de Suarez, et à d’autres modifications ; et nous voyons le principe fondamental du 2o système déjà nettement posé.
Viva en cherchant à rester suarézien, a adopté plusieurs points de la théorie d’Arriaga, qu’il cite plusieurs lois et croit un disciple de Suarez. « Les motifs de crédibilité et l’autorité de l’Église, dit-il, nous amènent à une connaissance moralement certaine de l’i xistence de la révélation. Ensuite, oubliant ces motifs, ou les rejetant, nous pouvons affirmer immédiatement l’existence de la révélation à cause de sa vérité intrinsèque. » Cursus llwologicus, 7o édit., Padoue, 1755, part. IV. disp. I, q. iv, n. 8, p. 42. 11 dépend de la volonté libre, d’après lui, de nous faire adhère) à l’existence de la révélation de l’une ou l’autre manière : soit à cause de ses motiis, soit sans ses motifs (pourvu qu’ils aient précédé comme condition). cit., n. 9, 11. p. 43, 44. On trouvera des citations plus abondantes de Viva, avec leur réfutation, dans Pesch, Prælectiones.3’édit., t. viii, n. 347, p. 157, 158.
Au i siècle, quand on reprit les éludes’.colasI tiques, on commença par ne connaître sur l’analyse de | l.i foi que les deux systèmes de Suarez et de Lugo ; plu- > se croyaient obligés de choisir OU l’un ou l’autre, ’et pensaient prouver l’un simplement en réfutant l’autre (pal exemple. Eranzelhi. lue. cit., p. 649)., Kleutgen, après avoir défenou celui de Lugo dans la première édition de sa Théologie der Vorzeit, s’aperçut, aux critiques de Schazler et de Scheeben, que sterne n’était pas pleinement satisfaisant ; il l’avoue dans son volume complémentaire. Ileilui/rn. etc., bue. 3e, Munster, 1875, part. 11.’/.mLehre vom Glauben, p. 49. Mais il ne proposa point un troisième me différent de ceux de Suarez et de Lugo. M..// ! li.i eui alors le mérite d’essayer un tertium quid. Revenu du système de Suarez, qu’il avait auparavant suii sans enthousiasme, nous dit-il des sa.’! ’édition, il parcourt à peu près le même chemin qu’Arriaga.’' lui, il part de la formule suarézienne credere
cilalem Dei, en changeant le sens du mot credere. Comme lui, il note qu’on pourrait garder cette formule en ce sens, que la foi, c’esl à dire la vertu Infuse de foi, atteint l’objet foi mei en même temps que l’objet matériel, celui-ci médiatement et par le motif spécifique de l.i f (, i. ce qui est proprement croire. celui-là immédiatement et non polnl par le uiotil ae la loi, qui jetterai ! inévitablement dan le cercle vicieux, ou us m infinitum. t>r oirlulibuu infusis, Ut., Naples, 1909, prop. 31e, n. 816, 817, p. 417, i théorii d’Arria lui an Ivenl. du i cite. Ibtd., n. « i". 409.
Comme eux, il cherche à oublier les motifs de crédlbl llté, d’n fait abstraction » et, après avoir ainsi ouille en quelque sorte l’objet formel di preuves nécessaires, il recourt à un coup d’état de la volonté libre pour faire admettre immédiatement et sans preuves un objet formel qui est loin d’être immédiatement évident. Loc. cit., n. 819, p. 419 sq. Le motif spécifique de la foi, au moment même où il fonctionne, il l’appelle non visum, non apparens, croyant suivre en cela saint Thomas, qui n’avait pourtant donné ces qualifications qu’à l’oLjet d’attribution, aux mystères. Voir ce que nous avons dit du système de Mazzella sur la liberté de la foi, très lie à la question présente, col. 422, 423. Cette obscurité qu’il veut mettre élans l’objet formel quo, dans le motif spécifique de la foi, est d’autant plus étrange que ce motif est destiné à éclairer du dehors le mystère qu’il fait admettre, et à faire passer l’esprit du connu à l’inconnu. Mais Viva. qui suivait Mazzella, avait cru répondre à cette difficulté en disant : « En quel sens le motif doit-il être plus connu que l’objet matériel ? En ce sens qu’il doit être connu en premier lieu, et plus immédiatement ; mais non pas en ce sens qu’il doit être plus clair, plus évident. Il est vrai, dans les connaissances naturelles, l’intelligence, pour éviter le danger de se tromper, va du plus connu au moins connu ; mais cela n’a pas lieu dans les connaissances surnaturelles, où il n’y a aucun danger d’erreur (comme si l’homme avait conscience de la surnaturalité de son acte pour se préserver du danger d’erreur, et comme si le surnaturel changeait les lois essentielles de l’esprit humain !) » Loc. cit., q. iii, a. 2, n. 12, p. 36. Ainsi, sous l’influence directe ge Viva, se forma le système. Présenté sous le patronage de saint Thomas, il lui bien accueilli par ceux que frappait l’insuffisance des systèmes de Suarez et de Lugo, dont Mazzella. d’ailleurs, donnait une bonne réfutation. Mais plusieurs finirent par abandonner le sien à son tour quand ils en eurent constaté les défauts, quand ils comprirent qu’en dehors de ces trois systèmes en pouvait encore trouver autre chose.
M. Bainvel en a fait brièvement la critique. « Le motif intrinsèque de la foi n’est donc (pour Mazzella) ni l’autorité en tant que vue, ni l’autorité en tant que crue. Qu’esl-ce alors ? » Lu foi et l’acte de foi, 2o édit., 1908, ]). 54. Et plus loin il note que cette idée de chercher l’obscurité de la foi du côté du motif, de l’objet formel, n’est pas acceptable. Op. cit., part. I, c. vi, p. 95. Voir ce que nous avons dit. col. 139. « C’est la volonté, dit encore M. Bainvel, qui fait passer l’esprit de la science à la foi. L’esprit perd-il pied dans ce passage, fait-il vraiment le saut dans la nuit ?… L’acte de foi ne saurait se faire ainsi, étant un acte intellectuel, un acte de connaissance. La vérité ne cesse pas d’être présente a l’esprit, et présente dans une lumière d’évidence. Ce n’est pas l’évidence du vrai, mais c’est l’évidence de crédibilité, i Part. II, c. x. p. 181. 185. « il ne faut donc pas regarder l’acte de foi comme un acte aveugle autant vaudrait dire qu’on peut voir en fermant, les y eux la lumière ne manque pas un instant… Elle ne cesse de me montrer que j’ai raison d’affirmer. f.or. cit., p. 186, 187. Mais a côté de ces passades de M. Uaiuvcl. nous en lisons d’autres du même auteur qui rendent un son différent et se rapprochent beaucoup de Mazzella : Mon seul motif est l’autorité de celui qui parle : je m’y arrête s.ms songer plus loin, je fais abstraction de mon évidence préalable. > Op. cii., part. I, c. iii, p. 37. si je lai. abstraction de l’évidence de crédibilité, comment reste-t-elle présente a l’esprit » ? Et plus loin : i Les uns (LugO, et en général les partisans de la foi scientifique) font entier dans Parle de loi la vue, au moins Indirecte, de la vérité ; les ai (Su. ne/, ci en général la foi d’autorité que soutient M. Bainvel), tout en supposant cette vue comme condition préalable, rn /ont abstraction dans l’acte même. » hoc. cit., c. iv, p. 53. Entre ces deux séries de textes, la pensée de M. Bainvel semble rester un peu flottante. Serait-ce parce qu’il a d’abord trop dépendu de Suarez et de Mazzclla, dont il prétend encore garder « l’idée fondamentale, » part. I, c. iv, p. 55, en note, et qu’ensuite il y a joint le système du cardinal Billot dent nous parlerons tout à l’heure, sans assez remarquer combien ce dernier système s’éloignait de Suarez et de Mazzella ? Quoi qu’il en soit, on désirerait plus de précision.
Nous en dirons autant de Lahousse, qui, après avoir réfuté successivement les systèmes de Suarez, de Lugo et de Mazzella, adhère enfin à une théorie qu’il décrit ainsi : « Après que Y aucloritas Dci revelantis a été présentée à l’esprit et prouvée par les motifs de crédibilité, l’intellect peut, sous l’empire de la volonté, se tourner maintenant vers la seule considération de la divine autorité et de l’objet matériel à croire, et affirmer la convenance de l’attribut et du sujet dans la proposition révélée, ayant pour motif unique la divinité de l’autorité de Dieu qui révèle. » De virtutibus theologicis, 1900, p. 182. Cette opinion, pour laquelle Lahousse allègue Kleutgen, Wieser, Denzinger, Smits, Frins, ne revient-elle pas en définitive à celle de Mazzella ? En tout cas, on ne voit pas assez clairement le contraire. Mendive, lui, déclare suivre le système de Mazzella. Loc. cit., n. 192, p. 432.
Critique du 2e système. —
a) Il a le mérite d’éviter le vice de logique reproché à l’analyse de Suarez. —
b) Mais il n’évite pas l’autre inconvénient du 1er système, d’exiger comme élément essentiel une certaine manière de connaître Yauciorilas Dei revelantis, qui ne se présente pas naturellement et nécessairement aux fidèles, et que l’Église devrait donc leur enseigner, ce qu’elle ne fait pas. — c) Bien que les partisans de ce système échappent au fidéisme, ainsi que Suarez, en exigeant des preuves avant la foi, cependant Yabslraclion qu’ils font de ces preuves dans l’acte même fait trop ressembler l’acte de foi, ainsi isolé de sa préparation rationnelle, à un motus animi cœcus dont ne veut pas le concile du Vatican. Sess. ni, c. ni, Denzinger, n. 1791. Il ne suffit pas, en effet, que les jugements de crédibilité aient été des actes raisonnables, grâce aux preuves auxquelles ils s’appuyaient : il faut que l’assentiment de foi, qui leur succède, soit raisonnable aussi ; et il ne peut l’être que par sa liaison avec ces preuves. Si dans votre esprit vous coupez la liaison, si vous « faites abstraction » des preuves, elles sont alors pour votre acte de foi comme si elles n’avaient jamais existé ; n’ayant aucune influence sur lui, elles ne peuvent le rendre raisonnable. — d) Le coup de volonté que, dans l’absence de cette lumière, on invoque comme un deus ex machina pour amener le dénouement, se ressent trop du faux système du despotisme de la volonté. Voir ce que nous en avons dit à propos de la liberté de la foi, col. -106 sq. — e) Enfin les comparaisons, par lesquelles on cherche à justifier le système, ne sont pas des raisons, comme déjà Franzelin, à propos d’une comparaison souvent reproduite du cardinal Gotli, le faisait remarquer dans son traité De. iradilionc, 1875, p. 63(3, en note. « Ces jugements sur la véracité divine et sur le fait de la révélation, dit M. Bainvel, me conduisent à la porte du sanctuaire, ils me mettent sur le seuil, mais ils ne font rien pour m’y faire entrer, ils n’ont aucune influence logique sur l’acte de foi lui-même. » Op. cit., part. I, c. iv, p. 52. Cf. c. v, p. 63. La comparaison même ne pourrait-elle pas se retourner contre le système ? Quelqu’un vient la nuit à un sanctuaire, sa lanterne à la main : elle le conduit jusqu’au seuil, et il pourra, en effet, la laisser au dehors ou l’éteindre, si l’église est d’ailleurs éclairée. Mais s’il trouve l’édifice sans lumière, il fera bien de garder la sienne, et de s’en servir au sanctuaire même. Or les mystères de la foi n’ont rien en eux qui motive l’affirmation plutôt que la négation, et l’autorité de Dieu ainsi que le fait de la révélation, intermédiaires destinés à nous faire affirmer les mystères, ne sont pas des vérités évidentes de soi, et qui se passent de preuves. C’est donc le cas de ne pas éteindre la lumière de ces preuves, si petite soit-elle, et de pénétrer avec elle jusque dans le sanctuaire ténébreux. Ht nous ne voyons pas bien comment s’applique ici la comparaison du P. de Mandato, disciple de Mazzella, nous objectant « qu’il serait ridicule, quand une salle est éclairée par un flambeau, de chercher un autre flambeau pour voir le premier, puisqu’on aurait autant de raison d’en demander un troisième pour voir le second, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. » De uclu fidei, synopsis, Prato, 1895, p. 24. L’autorité de Dieu et le fait, de la révélation, n’étant pas pour nous des vérités qui brillent de leur lumière propre, ne peuvent être comparées à un flambeau, à une source de lumière. Si l’on écarte, au moment de la foi, la lumière que leurs preuves réfléchissent sur elles, elles seront alors aans les ténèbres. Si l’on continue, au contraire, de projeter sur elles la lumière de leurs preuves, présentes au moins confusément à l’esprit, il n’y a pas ae danger d’aller « à l’infini » , parce que ces preuves rationnelles, ces motifs de crédibilité sont fondés sur des premiers principes et des faits immédiatement évidents, où l’esprit humain peut et doit s’arrêter d’après sa loi. M. Bainvel lui-même n’a pu s’empêcher de dire ailleurs : « L’acte de foi n’est pas une vision de la vérité ; mais il se fait dans la lumière, et le flambeau de la raison ne vient pas s’éteindre dans le sanctuaire de la foi. » Op. cit., part. II, c. x, p. 189. On trouvera une réfutation de Mazzella, assez développée sur certains points, dans Stentrup, De fide, Inspruck, 1898, thés, xxiv, p. 174 sq.
3e système, modification du second : Rassler, Ulloa, etc. —
Pour mieux expliquer comment on peut, dans l’acte de foi, affirmer immédiatement, et en faisant abstraction de leurs preuves, ces deux propositions : « Dieu est véridique, il a été révélé tel dogme, » plusieurs théologiens, au lieu de recourir à un coup de volonté dans la nuit, ont préféré recourir à une grâce illuminatrice qui fasse joindre immédiatement le sujet et l’attribut de chacune de ces propositions, sans passer par aucun intermédiaire logique. C’est la grâce qu’ils appellent illuslratio suasiva, du côté de Dieu qui illumine, ou apprehensio suasiva, du côté de l’homme qui saisit. Nous l’avons décrite, d’après eux, sous le nom de « suggestion divine » . Voir col. 254, 255. Christophe Rassler, célèbre controversiste, donne un développement très abondant à cette théorie. Controversia theologica de ullima resolulione fidei divinx, Dillingen, 1696. Il se réclame entre autres de Barthélémy Careyno, son maître, et d’un autre célèbre professeur au collège romain, Nicolas Martinez. Il réfute le système de Suarez, p. 107 sq., approuve la formule du 2e système, que l’on peut connaître et affirmer la révélation immédiatement, sans un motif qui en soit distinct, p. 234 sq. Mais à cette objection que le 2e système avait peine à résoudre : < Une vérité cachée, comme l’existence de la révélation ancienne de tel mystère, ne peut, sans un motif distinct d’elle-même qui l’éclairé pour nous, mouvtir notre intelligence et l’engager à lui donner son assentiment. » il répond qu’en effet cette vérité est cachée si on la prend en dehors de Y illuslratio suasiva, mais non pas si on la prend sous cette lumière surnaturelle, p. 247 sq. A cause de cette illumination dont son motif propre est éclairé, l’acte de foi pourra être actionné par ce motif, et raisonnablement s’arrêter a lui en dernière analyse sans être forcé d’aller chercher plus loin un nouveau motif, une base objective ultérieure, p. 269, 299. Ainsi sera résolue la fameuse difliculte de L’analyse de la foi. De plus, quoiqu’il puisse y avoir des cas exceptionnels où le fidèle réfléchira sur cette illumination soudaine prenant la place des motifs de crédibilité, où il en reconnaîtra avec certitude le caractère miraculeux, d’ordinaire il n’en sera pas ainsi, p. 300 sq. Dans les cas exceptionnels où elle sera sûrement reconnue comme surnaturelle, Yillustratio suasiva jouerait le rôle d’une nouvelle révélation, agirait à la façon d’un objet ut quod, et ferait partie de l’objet formel de la foi, p. 280 sq. Mais en général elle agira seulement ut quo, d’une manière latente et du côté du sujet ; non pas comme un objet ou un motif, niais comme une simple application de l’objet formel ou motif spécifique de la foi ; et le sujet qui en sera aidé n’en discernera pas le caractère, p. 305. Voir ce que nous avons dit, ccl. 2.38. 129. Ce n’est donc pas retomber dans la théo-ie du discerniculum expérimentale. Voir col. 216 sq. Enfin, dit Rassler, si on veut laisser plus de jeu à la volonté libre, on doit supposer que cette illuslratio suasiva ne force pas la conviction, (ce qui est assez indiqué par le mot suasiva), en d’autres termes, qu’elle ne produit pas, ordinairement du moins l’cvidenlia ailes tanlis. Voir col. 399 sq. D’ailleurs, cette grâce, si elle fait joindre immédiatement les termes de l’énoncé, n’en montre pas la connexion comme le fait l’évidence parfaite, ce qui suffirait déjà pour qu’on ne puisse dire qu’elle donne » l’intuition » , p. 256 sq. Ulloa reprend ce système : « Quand nous sommes dociles, attentifs et déjà préparés par les motifs de crédibilité, dit-il entre autres chescs, Dieu met en nous cette faible lumière, ce crépuscule céleste (l’apprehensio suasiva)- qui est comme sa voix et son enseignement. Cette appréhension nous découvre l’existence et le sens de cette révélation faite autrefois, sans s’appuyer sur les arguments de crédibilité comme motifs, mais en supposant leur connaissance préalable. Car de même que Dieu, dans sa providence ordinaire, ne fait croître les récoltes que si la culture du champ a précédé, ainsi dans sa providence ordinaire il ne donne cette sainte lumière qu’après la culture de l’intelligence par ces arguments. Grâce a cette appréhension Ive, la révélation, son existence, son sens, nous apparaissent donc immédiatement dans une demiuité, dans une demi-clarté, assez enfin pour que nous puissions donner notre assentiment à cette révélation pour elle-même. > Theologia scholastica, Augsbourg. 1710. I. m. disp. III, C. X, il. 157, p. 143. Celle explication rend plus acceptable la formule donnée par Kilber (suarézien). L’analyse de la foi s’arrête motifs de crédibilité comme à une disposition, ou dans la ligne des dispositions, tandis qu’elle n.i i’aucloritns Dei revelanlis dans la ligne propre de la foi. dans la ligne du motif spécifique, De fuie, . dans Mignc, Theologiæ cursus, t. vj, col. 538 ; formule reproduite par Mazzella, loc. cit.. disp. III, a. il, Naples, 1909, p. 433, et par d’autres. Au xvin i. nous voyons le.’! système suivi par plusieurs théolo rame Antoine Erber, Theologia speculativa, Vienne, 17 is, t. iv, n. 439 sq., p. 428 sq. ; Nicolas Schmitth, Tractatus de ftde, spe ri caritale, u, I 759, n. 15 I sq., p. 170 sq.
Critique du système.
a) Il perfectionne le précédent en ceci :
après avoir laissé les motifs de crédibilité
à la porte du sanctuaire de la foi, il prend soin de
l'éclairer surnaturellement et de faire entrevoir l’autorité divine
et le témoignage divin par une nouvelle
lumière.
b) Nous avons déjà admis la possibilité de
l’illustratio suasiva. Voir col. 255. Mais nous n’avons
pu accorder qu’on généralise son existence. Voir col. 256
Or ce système la généralise chez tous les fidèles puisqu’il en fait un postulat nécessaire de la genèse et
de l’analyse de la foi.
c) En cas d’insuffisance des
motifs de crédibilité, on comprend que Dieu recoure
à ce genre de suppléance surnaturelle pour venir en
aide à une âme bien disposée qui ne voit pas ou qui
ne voit plus ce qu’il lui faut pour croire. Voir col. 300,
316 sq. Mais dans le cas contraire, quand les motifs de
crédibilité donnent la certitude morale suffisante, on
ne conçoit pas pourquoi Dieu, après s’être servi de ces
motifs, de ces causes secondes, leur substituerait soudain,
au moment de l’acte de foi, son action immédiate
et en quelque sorte miraculeuse, pour ne pas donner
plus de lumière en fin de compte ; car cette intervention
divine, d’après ses défenseurs, laisse l’objet formel,
qu’elle devait éclairer, dans la demi-obscurité d’un
crépuscule ; et c’est une bien singulière manière de
connaître, où l’on affirme sans voir la connexion des
termes. —
d) S’il n’y avait pas d’autre élément surnaturel
dans la foi, ce serait une raison d’admettre
cette grâce dans tous les fidèles. Mais il y a déjà une
grâce actuelle prévenante, distincte de cette suggestion
divine. Voir col. 256, 365. Il y a la vertu infuse de foi,
qui produit l’acte même, et influe peut-être déjà auparavant
sur la perception de la crédibilité. Voir col.
240 sq., 366 sq. —
e) Si c’était la solution unique et
nécessaire du problème de l’analyse, ce serait une raisou
d’admettre cette hypothèse. Mais si d’autres solutions
ont une égale probabilité avec moins de complication,
et sans multiplier autant le surnaturel et le
quasi-miraculeux, c’est une raison de les préférer.
4e système : Lugo. —
Comme les systèmes précédents, celui-ci tient pour objet formel de la foi ces deux propositions ou prémisses : « Ce que Dieu révèle est vrai. Il a révélé, par exemple, l’incarnation. » Lugo, Disputation.es scholaslicse, De flde, disp. I, n. 77, Paris, 1891, t. i, p. 50. Cf. n. 114, p. 67. Comme les précédents, Lugo veut que l’assentiment surnaturel de foi, produit par la vertu infuse, affirme cet objet formel lui-même, et non pas seulement l’objet matériel et direct : « L’incarnation est vraie. » Il reconnaît s’accorder avec Suarez en ce point. Op. cit., disp. I, n. 82, p. 52 ; cf. n. 116, p. 67. En conséquence, comme Suarez, il admet un discursus virtuel dans l’acte même de foi. Il considère même comme possible un discursus formel, où la foi surnaturelle affirmerait par des actes successifs les deux prémisses et la conclusion. Disp. VII, sect. i, p. 359 sq. ; disp. I, n. 74, p. 49. Enfin, comme les précédents, il part de ce principe que, le fondement devant clic aussi solide que l’édilice, ces deux prémisses, qui composent l’objet formel, doivent avoir une certitude au moins égale à celle de leur conclusion, qui est l’objet matériel. Voila pourquoi, comme les précédents, il veut que ces prémisses soient affirmées par la faculté élevée, par Vhabilus fidci qui leur donnera une certitude supérieure. Disp. I. n. 82, p. 52 ; n. l n i. i u ;, . p. 62, o.’!. Elles demandent donc pour être perçues au moment de l’acte, la lumière subjective de la vertu infuse, qui se tient du côté du sujet et agit ut quo. Voir col. 238, 240.
Où il se sépare des précédents, c’est sur la lumière objective qui doit montrer ces prémisses à l’assentiment de foi, et conséquemment sur le genre de connaissance auquel elles appartiennent du côté de leur motif. Le premier système disait : « Dans l’acte mime de lui. elles ne sent plus admisea cause de leurs preuves. elles sont crues sur la parole de Dieu, c’est une connaissance de foi au sens propre du mot. Le second et le troisième disaient : « Elles ne sont pas admises a cause de leurs preuves, ni non plus sur la parole de Dieu, mais immédiatement en elles mêmes, sous l’empire de la volonté et de la grâce » , Lugo dira, en se rapprochant de dite dernière formule, mais en l’interprétant différemment : « Elle sont admises immédiatement en elle mêmes, non pas en ce sens qu’on les prenne séparément de leurs preuves, mais en ce sens qu’on prend, au contraire, chacune de ces prémisses avec ses preuves vi. n. tellement renfermées en elle, tellement fusionnées avec elle, qu’il n’en résulte plus qu’une seule proposition immédiatement connue, d’une connaissance qui tient de la vision. » Nous ferons mieux comprendre ce point fondamental de son système en exposant tout de suite les articles de dialectique auxquels il a recours afin de transformer ces deux prémisses, majeure et mineure, en deux propositions immédiatement connues par elles-mêmes, et en quelque sorte vues.
a) La majeure : Ce que Dieu révèle est vrai. —
On
peut, d’après Lugo, donner à cette proposition une
forme conditionnelle. « Car la vérité du mystère, dit-il,
peut sortir de ces deux prémisses : Si Dieu révèle, il
dit vrai : or il a révélé l’incarnation. Impossible que
ces deux propositions soient vraies, sans que l’incarnation
le soit aussi. Nous pouvons donc partir d’une
proposition conditionnelle : Si Dieu parle, il dit vrai ;
ou bien : Si Dieu existe, il est souverainement véridique.
Cette proposition conditionnelle ne semble
avoir besoin d’aucun moyen terme, d’aucune preuve,
elle se vérifie immédiatement ex apprehensione terminorum.
Si l’on pénètre ces deux termes : Dieu, c’est-à-dire
l’être premier et souverainement parfait, comble
de toutes les perfections ; la véracité souveraine, grande
perfection de la nature intellectuelle, aussitôt et en
vertu des termes, on voit que, si Dieu existe, il doit
être souverainement véridique. Pour affirmer cela,
nous n’avons besoin d’aucun autre motif ou moyen
de preuve. » hoc. cit., disp. I, n. 100. Le but que Lugo
poursuit, on le devine aisément, c’est de pouvoir
arrêter l’analyse à la véracité divine, sans être obligé
d’en sortir pour aller chercher un motif ultérieur.
b) La mineure : Dieu a révélé l’incarnation. —
Pour
montrer que cette proposition est immédiatement
connue (véritable paradoxe), Lugo rappelle que l’Écriture
et les Pères assimilent la foi divine à la foi humaine,
et il examine l’acte par lequel, avant de croire
à la parole humaine, nous identifions et reconnaissons
un témoin, ou nous authentiquons un témoignage. « On ne peut nier que ce ne soit le plus souvent
un assentiment immédiat. » Loc. cit., n. 117, 118, p. 68. « Quand j’entends Pierre, je ne raisonne pas…, mais
je compare immédiatement la voix que j’entends avec
mon idée de la voix de Pierre, et je dis : Celle-ci est la
voix de Pierre comme celle-là. De même dans la question
présente. » Loc. cit., n. 123, p. 71. Il s’agit d’arriver
à cet énonce : L’incarnation, qui est proposée par
l’Église à ma foi, est vraiment révélée, vraiment parole
de Dieu. « Entre cette proposition de l’Église, dit-il,
confirmée par tant de miracles, attestée par les martyrs,
acceptée par les hommes savants et vertueux, etc.,
et la part le de Dieu, c’est-à-dire entre les deux termes
de l’énoncé, il apparaît… une telle connexion que
l’intelligence peut donner immédiatement un assentiment,
et peut même, avec le secours de la volonté,
dire sans aucune crainte : Ceci est la parole de Dieu,
ou : Ceci est proposé de la part de Dieu. Ainsi l’intelligence
ne raisonne pas ; elle n’a pas cet acte discursif :
Ceci est la révélation de Dieu, parce que l’Église avec
sa grande autorité humaine le propose, parce que les
miracles le confirment, etc. Mais elle considère d’une
part toute cette proposition de l’Église, le témoignage
des martyrs, les miracles, etc., comme l’un des termes,
d’autre part, la parole de Dieu, et elle compare entre
eux, sans aucun discursus, ces deux termes, entre
lesquels elle trouve une telle connexion que, par leur
seule appréhension et comparaison sans aucun raisonnement,
elle peut produire un assentiment immédiat…
Vous me direz : Quoique Dieu me parle d’une certaine
façon par la bouche de l’Église, par les miracles, etc.,
moi cependant n’entends pas immédiatement l’Église
(son magistère suprême), je ne vois pas les miracles,
les martyrs, etc. ; mais j’apprends tout cela de mes
parents, ou je le lis dans les livres… Je ne peux donc
pas juger immédiatement que Dieu me parle par une
révélation médiate, mais tout au plus je le croirai (de
foi humaine) parce que je l’apprends de mes parents,
ou que je le trouve dans les livres, etc. — Je réponds :
De même que les miracles, les martyrs, etc., ont été en
quelque manière la voix de Dieu…, de même les
parents, les maîtres, les livres, qui m’atteignent immédiatement,
sont en quelque sorte l’organe de Dieu, par
lequel il a daigné me parler en quelque façon et
médiatement. Quand donc la doctrine de la foi m’est
suffisamment proposée par les livres, les prédicateurs,
etc., c’est comme si Dieu traitait avec moi et
me parlait. » Loc. cit., n. 124, 125, p. 71, 72. Ainsi tout
se réduit à ce jugement très simple : La voix que j’entends,
me proposant l’incarnation comme révélée, est
la voix de Dieu.
Reste un point du système, relativement secondaire pour ce qui est de l’analyse de la foi. Lugo, voulant sauver la liberté de la foi d’après sa manière ne la concevoir, voir col. 412, suppose que la mineure, bien que connue immédiatement, ne l’est pas évidemment. Ces deux qualités de la connaissance sont séparables. Ainsi « quand j’entends, dit-il, la voix de Pierre dans le lointain, ou que je vois seulement son écriture, il peut arriver que je doute si c’est bien sa voix ou son écriture ; je vois cependant alors une telle ressemblance avec la voix ou l’écriture de Pierre que, bien que n’ayant pas la clarté et l’évidence, je puis juger très probablement (ou avec une certitude morale) que c’est sa voix ou son écriture. De même pour Dieu… D’ordinaire, il n’est pas entendu distinctement, mais confusément, surtout quand il parle par des envoyés ou des ministres : et pourtant, bien qu’obscurément et sans évidence, nous pouvons croire immédiatement que c’est sa voix, ou son envoyé, ou son écriture. » Loc. cit., n. 118, p. 68, 69. L’assentiment immédiat, aide par la volonté, peut alors être certain, bien qu’il ne soit pas évident, n. 121, p. 69, 70. A cause de cette influence de la volonté, on peut l’appeler credere, dans un sens large, n. 129, p. 73.
Le système dans son ensemble a été suivi par quelques théologiens, comme le jésuite Haunold : Cardinalis de Lugo, in explicanda resolulione fidei, supra cseteros eminu.it, Theologia speculativa, 1. II, 73e fide, c. i, contr. V, n. 112, Ingolstadt, 1670, p. 339, et de nos jours le cardinal Franzelin : Mihi doclrina card. de Lugo omnino vera videtur. Loc. cit., p. 649. Kleutgen l’a aussi très bien expose. Le scotiste Mastrius l’admet. Voir col. 473. Plusieurs théologiens anciens de la Compagnie de Jésus s’y rattachent en partie, avec un mélange d’autres éléments. Nous l’avons vu pour Arriaga, col. 476. Du système de Lugo, Pérez, Pallavicini, Esparza ont pris le « point principal » , d’après Haunold qui les connaît bien. Loc. cit. Franzelin a raison de citer encore Hurtado, et même Ripalda qui, tout en attaquant Lugo sur certains points, le loue d’avoir éclairé cette question très obscure, De ente supernaturali, etc., Paris, 1873, t. vii, De fide, disp. III, n. 45, p. 56, et soutient lui-même cette opinion toute semblable : « La révélation meut immédiatement à l’assentiment de foi, si on la prend non pas seulement, par abstraction, dans ses éléments intrinsèques, mais encore (d’une manière concrète) dans ses éléments extrinsèques qui nous sont connus, c’est-à-dire en tant que confirmée par les miracles, l’autorité de l’Église et les autres notes qui la rendent croyable. » Loc. cit., n. 54, p. 59.
Critique du système. —
a) Ne séparant pas de leurs preuves, au moment de l’acte de foi, les deux jugements sur l’autorité divine et le fait de la révélation, Lugo les fait produire d’une manière raisonnable, sans recourir à aucun tour de force de la volonté ou de la grâce, en quoi il l’emporte sur les systèmes précédents. D’autre part, il sauvegarde le surnaturel, en les faisant produire par la vertu infuse. Mais, dira-t-on, la vertu infuse peut-elle s’exercer sur un objet purement éclairé par la lumière naturelle de la raison ? On ne voit pas d’impossibilité à ce que l’habitus fidei, ordonné qu’il est à son motif spécifique, atteigne non seulement les propositions éclairées par ce motif et garanties par lui, mais encore ce motif même, bien qu’éclairé et garanti d’une manière différente. On ne voit pas non plus d’impossibilité à ce qu’un acte qui est surnaturel du côté de sa cause efficiente (la vertu infuse) atteigne un objet éclairé par la raison naturelle, tel que la divine autorité ; même en dehors de Lugo et de ceux qui dépendent de lui, beaucoup de théologiens l’admettent, et tout récemment le cardinal Billot ; l’école scotiste l’admet ; une partie de l’école thomiste elle-même ne fait-elle pas produire ainsi par lhabiliis fidei, avant l’acte de foi, un jugement dont l’objet est accessible à la raison et présenté alors par la raison, le jugement de crédibilité pratique : « Je puis, je dois croire sur la parole de Dieu ? » Voir col. 241, 268-270.
b) Mais ce qui a été critiqué le plus généralement, c’est, tout en voulant faire connaître l’objet formel à la lumière objective de la raison, de prétendre que la connaissance en est immédiate, ex apprehensione terminorum. Quant à la véracité divine, un des éléments de cet objet formel, notons d’abord avec Wilmers qu’il ne suffit pas de la connaître conditionnellement, parce que nous ne pourrions alors en tirer une affirmation absolue du mystère : « Notre assentiment au mystère, par exemple à l’incarnation, est absolu et non conditionnel ; nous ne disons pas : Je croirais l’incarnation, si Dieu est véridique, mais : Je crois l’incarnation, parce que Dieu est véridique et qu’il l’a révélée. Il s’ensuit que notre affirmation du motif ou objet formel, elle aussi, doit être absolue selon tous ses éléments. » De fide divina, prop. 77. p. 373. Il s’ensuit pareillement que, pour avoir la foi, il faut connaître l’existence de Dieu d’une manière absolue. C’est la cité réelle d’un Dieu réel qui influe sur nous, ce n’est pas la véracité possible d’un Dieu hypothétique. Dans tout témoignage donnant la certitude, il faut au témoin non pas une véracité possible, mais une véracité réelle et connue comme telle. La véracité qu’il faut ici contient donc implicitement l’existence réelle de Dieu. « On nous dit : Si Dieu existe, il a une souveraine véracité. Mais l’existence d’un Dieu véridique. si elle est seulement affirmée sous condition, ne peut mouvoir à un assentiment absolu et réel, tant qu’on ne sait pas que la condition est remplie et vérifiée, c’est-à-dire tant qu’on ne sait pas que Dieu, souverainement véridique, existe. » Wilmers, loc. cit. Sans doute, un peut tourner les deux prémisses de diverses manières : on pourra poser la majeure sous forme conditionnelle, comme le veut Lugo ; mais on n’y gagnera rien, car tout ce qui restera en suspens dans la majeure devra du moins être fixé et connu sous forme absolue dans la mineure, puisque, d’une manière ou d’une autre, l’existence et la véracité de Dieu doivent être connues et affirmées inconditionnellement avant la conclusion. Or, l’existence de Dieu ne peut être connue que médiatement. Voir Ontologisme. Qu’il mette l’existence absolue de Dieu dans la majeure ou dans la mineure, qu’il l’affirme explicitement ou implicitement, Lugo ne peut en faire une connaissance immédiate sans tomber dans il faut un autre raisonnement pour arriver à sa véracité absolue et souveraine. Lugo lui même l’indique un des passages cités : Dieu, l’être premier, a toutes les perfections (c’est la thèse de l’infinie perfection de Dieu, qui demande déjà, elle aussi, une preuve). Or la véracité est une perfection ; il doit donc l’avoir. Il faut prouver encore que Dieu dit toujours vrai, sans aucune exception ; car si, pour des fins supérieures, il pouvait parfois déroger à sa loi de véracité, nous pourrions toujours, dans chaque cas particulier, en face de son affirmation, craindre une exception à sa véracité et c’en serait fait de la fermeté de la foi. Il faut donc prouver que la véracité dans tous les cas, et sans aucune exception, est une perfection pure, qui doit être en Dieu. Cette question dépend de celle du mensonge, qui est le contraire de la véracité. Or, est-il immédiatement évident, sans aucun raisonnement, et pour tout homme, que le mensonge ne soit jamais permis, qu’il n’y ait pas des exceptions à la véracité en général, et à celle de Dieu en particulier ?
Passons au fait de la révélation, l’autre élément de l’objet formel. Lugo veut englober dans la révélation les motifs de crédibilité eux-mêmes. Ils jouent un double rôle d’après lui : d’abord, ils sont une condition avant la foi, puisque leur connaissance produit le jugement de crédibilité qui incline la volonté à commander l’assentiment de foi ; ensuite, ils font partie intégrante de la révélation, qui elle-même fait partie de l’objet formel. Disp. I. n. 130, p. 74. Même en accordant à Lugo que le miracle, pris dans le cadre de circonstances où il se rattache à une révélation pour la confirmer, soit une sorte de témoignage de Dieu (ce que plusieurs ne veulent pas lui concéder, peut-être à tort), il est intolérable qu’on fasse entrer dans le témoignage de Dieu, dans la parole de Dieu, non seulement les miracles, mais encore les intermédiaires qui nous les font connaître, par exemple, les livres non inspirés qui nous les racontent, les raisonnements qui établissent l’authenticité ou l’historicité de ces livres, etc. Même en lui accordant que la voix de l’Église infaillible fasse partie de la révélation divine, de la parole de Dieu (ce que la grande majorité des théologiens nie avec raison, car l’infaillibilité n’est pas l’inspiration, les documents des conciles ne sont pas au même rang que la sainte Écriture, l’Église ne prophétise pas, et son autorité doctrinale n’entre pas dans le motif spécifique de la foi, voir col. 166), il est intolérable que l’on fasse entrer dans la révélation divine non seulement la parole de l’Église infaillible, mais celle du curé, ou des parents et des maîtres, qui n’a aucune infaillibilité. Comme dit Arriaga, ce n’est ni l’ancienne révélation, car une instruction du curé sur l’Apocalypse n’est pas l’ancienne révélation faite à saint Jean, ni une nouvelle révélation fondant la foi chrétienne, car on ne doit pas en admettre. Voir col. 146. Enfin, on n’a pas tout prouvé quand on a dit que les miracles font objectivement partie de la révélation. Pour que le miracle fasse fonction de motif de crédibilité, il faut encore que subjectivement nous le connaissions comme miracle, et fait dans le but de confirmer la révélation et son contenu particulier. Tout cela demande de nombreux raisonnements soit pour établir le fait matériel, soif pour lui assigner sa véritable cause par l’élimination des causes secondes, d’où l’on conclut à l’intervention extraordinaire de la cause première, soit pour prouver la connexion entre le miracle et la confirmation de la religion révélée. Plus complexe encore devient le raisonnement, quand il ne s’agit pas seulement de cette religion en général, mais de tel dogme, l’incarnation par exemple, comme faisant partie de son contenu. Quel rapport ce vaste ensemble de raisonnements, nécessaire pour éclairer la révélation d’une lumière objective suffisante, peut-il avoir avec le terme de comparaison que choisit Lugo avec la voix de Pierre immédiatement reconnue ? Le son de la voix de Pierre n’est pas seulement un élément de la parole de Pierre, il a, en outre l’avantage d’atteindre directement mon oreille, et de me certifier que c’est bien Pierre qui parle. Les miracles physiques ou moraux, ou les définitions de l’Église, sont peut-Être un élément constitutif de la parole de Dieu, soit : en tout cas, ces choses surnaturelles sont beaucoup plus complexes et plus difficiles à connaître qu’une simple voix qui résonne à mon oreille ; elles ne m’atteignent qu’à travers des intermédiaires qu’il faut vérifier par des raisonnements, si je veux avoir une vraie certitude. La faillite de cette comparaison, qui joue un grand rôle chez Lugo, est trop évidente pour qu’il soit nécessaire d’insister.
Trois moyens d’échapper à ces critiques ont été employés par Lugo ou ses disciples. —
1er moyen. —
Il consiste à mettre en avant la foi des simples, dans
laquelle il semble que la connaissance de la véracité
divine et du fait de la révélation, étant fort simplifiée,
pourrait être regardée comme immédiate. —
Réponse.
— La théorie générale de l’analyse de la foi doit pouvoir
expliquer non seulement la foi des simples, mais
encore celle des savants. Et surtout celle des savants :
car les actes plus confus et plus rudimentaires risquent
d’égarer l’analyse, et doivent s’expliquer par les actes
plus distincts et plus précis. Les simples et les enfants
eux-mêmes, d’ailleurs, ne sont pas sans faire un certain
raisonnement sur la valeur de l’autorité humaine
qui leur transmet le fait de la révélation. Voir col. 177,
178 ; et ce qu’en dit Lugo lui-même, col. 222, 223.
Enfin, on ne peut leur prêter une connaissance vraiment
immédiate de la révélation divine, qu’en supposant
avec Lugo que la parole de leur curé ou de leurs
parents en fait partie intégrante, hypothèse inadmissible,
comme nous l’avons vu. —
2e moyen. —
On s’arrange
pour ramener à une proposition unique et immédiatement
connue tous les raisonnements que l’on a
faits auparavant pour vérifier le fait de la révélation,
comme dans le spécimen donné par Lugo : « Telle
vérité proposée par l’Église, confirmée par tant de
miracles, attestée par les martyrs, etc., est la parole
de Dieu. » —
Réponse. — Cette proposition unique et
immédiate est un trompe-l’œil. Oui, selon la forme
grammaticale, ces participes accolés au sujet semblent
être des adjectifs qui le déterminent et en font partie,
ils font croire à première vue que le procédé logique
se réduit à une simple comparaison de deux termes,
sujet et attribut, à une simple analyse de deux idées
qui les fait affirmer comme identiques, par une connaissance
immédiate. Mais selon la réalité des faits psychologiques,
chacune de ces épithètes signifie un raisonnement,
ou amas de raisonnements, encore présent
à l’esprit et servant de moyen terme pour faire admettre
l’identité du sujet et de l’attribut : la connaissance
de cette identité est donc médiate. Il n’est d’ailleurs
au monde connaissance médiate que l’on ne puisse
transformer en immédiate par un semblable artifice
de construction grammaticale ; et pourtant la distinction
de la connaissance immédiate et de la connaissance
médiate n’est pas purement une question de
mots, un jeu aussi innocent que facile de formes grammaticales
qui s’interchangent à volonté. C’est une
question de choses, et parfois assez grave en théologie,
comme lorsqu’on discute si Dieu peut en cette vie
être connu immédiatement. « Aussi l’opinion du cardinal
de Lugo, dit Stentrup, ne peut être approuvée
de ceux qui veulent rester fidèles à la doctrine commune
des théologiens sur la connaissance de Dieu et
des choses divines. » De fide, Inspruck, 1898, thés,
xxvii, p. 217. Cf. Pesch, Prœtccliones. 3e édit., t. iivi
n. 353, p. 161, 162. —
3 e moyen. —
« Tous ces raisonnements
ont certainement dû se faire avant l’acte de
foi, mais dans l’acte même on n’en retient plus que
la conclusion, le fait de la révélation. On l’affirme en
lui-même ; on oublie le raisonnement qui l’a fait conclure,
ou l’on en fait abstraction. » Lugo ne recourt
pas à cette hypothèse, au contraire, il la réfute. Voir
col. 182. Mais quelques-uns de ses disciples y ont eu
recours, comme Pierre Hurtado, cité par Franzelin,
toc : cil., p. 653, et réfuté par Stentrup, toc. cit., thés,
xxviii. —
Réponse. — Si l’on admet cet oubli ou cette
« abstraction » des motifs de crédibilité, on s’écarte du
point fondamental du système de Lugo, qui, dans l’acte même de foi, les fusionne avec l’objet formel qu’ils éclairent d’une lumière rationnelle ; on perd h bénéfice de ce système en ce qu’il donne de raisonnai le à l’acte de foi ; et mieux vaudrait alors passer franchement au 2 e système. Concluons que les critiques faites à celui de Lugo, malgré ces répliques, semblent subsister dans toute leur force.
5e système, modification du précédent : Egger, Stentrup, Ilurter. —
Quelques théologiens contemporains, sous l’influence de Franzelin et de Kleutgen, se rattachent à Lugo ; ils abandonnent toutefois la partie la plus généralement attaquée de son système. Le D r Egger, après avoir cit : Sententia Lugonis omnino præferenda videlur, garde un silence absolu sur cette partie importante du système, le caractère immédiat des deux prémisses dans l’acte même de foi. Ce qu’il expose et ce qu’il adopte de la théorie de Lugo, c’est que « le témoignage divin en dernière analyse n’est pas cru à cause d’un autre témoignage divin (Suarez), mais intrinsèquement connu, ex inirinsecis ralionibus tenetur, de telle sorte pourtant que cet assentiment, à cause du secours de la grâce…, devienne) surnaturel et souverainement ferme. » Enchiridion theologiæ dogmalicee generalis, 4e édit., Brixen, 1904, n. 452, p. 629.
« Intrinsèquement connu » n’est pas la même chose
que « immédiatement connu » . C’est un terme plus général, qui peut se vérifier dans une connaissance médiate aussi bien que dans une connaissance immédiate, clans la science aussi bien que dans l’intuition. Voir Franzelin, De tradiiione, 1875, p. 580. « L’opinion de Lugo, ajoute le D r Egger, est claire, parce que l’autorité divine et le fait de la révélation y sont connus à la lumière de la raison (du côté de l’objet)… Elle est sûre, parce que la grâce divine… fait que l’assentiment donné sous cette lumière de la raison à l’objet formel de la foi devient (dans l’acte même) surnaturel. .. et ferme super omnia. Bien que les motifs de crédibilité ne dépassent pas une certitude morale, la certitude (de cet assentiment à l’objet formel) grandit et monte au suprême degré par l’influence de la lumière de foi, qui élève et fortifie la volonté et l’intelligence (du côté du sujet)… Pas de cercle vicieux…, parce que l’autorité divine en dernière analyse se présente à nous au moyen des motifs de crédibilité, perçus par la lumière (subjective) de la raison surnaturellement fortifiée. » Loc. cit., n. 453, 454. « Encore que l’acte de foi ne soit pas une pure conclusion logique, cependant il contient virtuellement une conclusion de ce genre. Je crois le mystère à cause de l’autorité de Dieu qui l’a révélé… Voilà bien trois jugements au fond, dont deux servent de moyen pour connaître le troisième. L’acte de foi contient donc un discursus non pas formel, parce que ces jugements ne se font pas distinctement, mais virtuel, parce qu’en réalité ils y sont implicitement contenus. » Loc. cil., n. 455, p. 632. Le D r Egger cite pour sa thèse les Pères Stentrup et Hurler, professeurs à l’université d’Inspruck.
Stentrup traite la question avec plus d’ampleur. 11 attaque, lui, non seulement le système de Suarez et très au long celui de Mazzella, mais encore celui de Lugo sur le point fondamental critiqué tout à l’heure. De fide, Synopsis præleclionum…, Inspruck, 1898, thés, xxvii,p. 208 sq. Il retient cependant de Lugo tout un fond de doctrine qu’il exprime ainsi : La connaissance de l'auclorilas Dei revelantis doit être surnaturelle (du côté de son principe efficient)…, parce qu’elle appartient intrinsèquement à l’acte de foi et qu’elle est son élément principal. Mais elle a un mode accommodé à notre nature, nobis connaturalem, parce que dans cette vie mortelle toutes nos opérations surnaturelles ont le même mode objectif que nos opérationsnaturelles. » Op. cit., thés, xxvi, p. 206. Et plus loin : « Cette connaissance est contenue dans l’acte de foi comme son fondement et son principe, elle est donc nécessairement surnaturelle. Elle n’a donc pas pour origine (du côté du sujet) la lumière naturelle de la raison (la faculté non élevée), mais la lumière surnaturelle de la foi (l’habitus fidei). Or une connaissance qui i pour origine la lumière surnaturelle diffère ontologiquement et par son entité même d’une connaissance produite par la seule nature. » Op. cit., thés, xxix. p. 22 !. Il en conclut que, si l’on compare la connaissance de l’auctoritas Dei revelantis telle qu’elle dans les préliminaires de la foi et telle qu’elle est maintenant dans l’assentiment même de foi, il y a eu formation dans l’entité de la connaissance, secundum suum esse, et qu’on est en droit de l’appeler « une connaissance nouvelle » due à la lumière de foi. Loc. cit. Franzelin avait déjà fait la même remarque. Loc. cit., p. 654. « Mais cette connaissance surnaturelle, ajoute Stentrup, ne diffère pas de la naturelle selon le mode objectif de connaître. » quoi qu’en disent plusieurs théologiens, qui veulent la rendre entièrement nouvelle, aussi bien du côté du mode d’atteindre l’objet que du côté du principe agissant dans le sujet.
« Ces théologiens, dit-il, avouent comme les autres,
qu’avant la foi il faut une connaissance rationnelle et certaines des motifs (de crédibilité)… Mais ils enseignent que dans l’acte même de foi une nouvelle connaissance du témoignage divin est donnée, indépendante et distincte de la précédente, ayant un autre mode de connaître que celui de la raison naturelle (même du côté de l’objet). Quelle raison ont-ils de faire cette hypothèse ? Aucune, si ce n’est qu’ils ne peuvent trouver d’autre expédient pour arrêter l’analyse à l'auctoritas Dei revelantis… C’est aussi la seule cause qui a amené Lugo à inventer sa connaissance immédiate de celle autorité. » Loc. cit., p. 222. A quoi reviendra ce mode nouveau d’atteindre l’objet qu’ils exigent ? Ou auctoritas Dei revelantis sera crue sur la parole de Dieu (Suarez), ou elle sera vue, c’est-à-dire immédiatement connue (Lugo). Nous avons réfuté l’un et l’autre. » Loc. cit. ; cf. p. 231. Il ne reste donc plus qu’une porte ouverte devant nous, c’est de laisser continuer la première connaissance, rationnelle et
« médiate » (tout en la rendant ontologiquement surnaturelle).
Loc. cit., p. 222. Cela ne nuira ni à la liberté, ni a la surnaturalité de la foi. « Le commandement de la volonté peut atteindre aussi bien un assentiment médiat, qu’un assentiment immédiat… Une connaissance médiate peut aussi bien être surnaturelle qu’une autre. » Thés, xxx, p. 223. Cet assentiment surnaturel, puisqu’il est médiat, porte non seulement sur lauctoritas Dei revelantis, mais encore sur le medium qui éclaire celle-ci (les motifs de crédibilité), p. 225. Naturellement Stentrup regarde l’acte de foi comme discursif ; et même avec Lugo il admet la possibilité d’un discursus formel. Thes, v. p. 25. « L’acte de foi n’est pas seulement l’assentiment à la conclusion (le mystère) mais il renferme tout le discursus, formel ou virtuel. » Loc. cit., p. 26. Il porte même sur la légitimité du raisonnement, bonitas illationis, p. 28. Quant au P. Hurter, il ne fait guère que reproduire des passages de Stentrup dans sa Theologia generalis, 9° édit., 1890, Inspruck, n 488 p. 498.
Critique du système..
a) Il est supérieur au précédent
dont il rejette un point très caractéristique mais
généralement regardé comme insoutenable.
b) Il distingue encore plus nettement ce terme équivoque
« la lumière de la raison » , qui peut signifier, ou bien
le « mode objectif » , le procédé logique, la manière dont la raison atteint l’objet formel, ou bien la faculté de la raison non élevée : il fait atteindre l’objet formel par la lumière de la raison dans le premier sens, et non dans le second. Il distingue pareillement le mot équivoque
« la lumière de la foi » . qui peut signifier, ou
bien du côté de l’objet le procédé logique de la foi, le
motif d’autorité et de révélation, ou bien du côté du
sujet le principe surnaturel qui élève la faculté, c’est le
sens auquel saint Thomas entend le mot lumen fidei.
Voir col. 240. Le système fait atteindre l’objet formel
par la « lumière de la foi » dans le second sens, non dans
le premier. Du reste, dans cet appel au lumen fidei.
qui fait au surnaturel sa part légitime, Stentrup et
Egger ne diffèrent aucunement de Lugo, bien que
M. Bainvel semble indiquer le contraire. La foi….
2e édit., p. 52. en note. —
c) Mais en disant que, dans
l’assentiment de foi lui-même, la connaissance de
l’objet formel est non seulement rationnelle mais
encore médiate, ils donnent toute son acuité à la difficulté
classique de l’analyse de la foi. Voir col. 489. —
Pourquoi, leur dira-t-on, l’analyse devra-t-elle s’arrêter
à l’auctoritas Dei revelantis. médiatement connue,
comme au seul motif spécifique de la foi ? Pourquoi,
dans votre système, n’est-on pas obligé de remonter
en dernière analyse jusqu’à ces motifs de crédibilité,
fondements de cette connaissance médiate que vous
admettez, et qui, d’après vous, sont affirmés surnaturellement
par l’assentiment même de foi, tout aussi
bien que cette autorité et cette révélation qu’ils prouvent
(Stentrup, thés, xxx, p. 225) ? — A cette question
délicate, ils répondent que les motifs de crédibilité
n’entrent pas dans le motif spécifique de la foi, parce
qu’ils sont une simple application de ce motif, qui sert
à les faire connaître. « Le motif de l’assentiment de foi
considéré dans son exercice, in actu secundo, dit Stentrup.
ce n’est sans doute pas le témoignage infaillible
de Dieu considéré absolument en lui-même, mais c’est
ce même témoignage considéré relativement à l’esprit
qu’il doit mouvoir, et par suite, revêtu de tout ce qui
le rend connaissable à notre esprit. Mais ce qui le
revêt ainsi (les motifs de crédibilité), ce qui le rend
ainsi connaissable, appartient au motif de la foi non
pas comme quelque chose qui le constitue, mais
comme quelque chose qui le manifeste. En conséquence,
(les motifs de crédibilité)… n’ont pas en propre
de force motrice, vim movendi, à l’égard de l’assentiment
de foi, mais toute leur efficacité aboutit à la
connaissance du témoignage infaillible de Dieu (connaissance
qui n’est, elle-même, qu’une application) ;
ils ne peuvent donc empêcher l’assentiment de foi de
s’appuyer sur ce seul témoignage. » Op. cit., thés. xxxi.
p. 230. « Toute la force motrice, dit Egger, est dans
l’autorité divine. Si un général d’armée, recevant par
un messager une lettre munie du sceau royal, constate
ainsi la volonté du roi et s’y soumet, il ne le fait pas à
cause du messager et de la lettre, mais uniquement à
cause du respect qu’il a pour le prince. dont la volonté
est manifestée par le porteur de la lettre. De même
dans notre cas. » Loc. cit., n. 153, p. C30.
Nous ne disons pas que celle réponse soit mauvaise, mais elle demanderait à être plus approfondie et plus solidement justifiée. Ce sera l’œuvre du dernier système qu’il nous reste à exposer. Il aura d’ailleurs le même avantage que celui ci, de rendre l’acte de fol raisonnable, d’éviter tout vice de logique. Même il laissera, comme celui, l’objet formel apparaître pendant l’acte même de foi avec ses preuves rationnelles plus ou moins confusément perçues, et par une connaissance médiate. Mais d’autre part, il l’emportera par sa simplicité. Car, quel que soit le mérite de cette adaptation du système de Lugo, que nous venons de voir, il faut avouer qu’elle oiïre bien des complications : soit dans ce changement de. lumière subjective, dans ce seul et même objet formel, vu d’abord par la faculté seule, puis par la faculté avec Vhabilus fidei ; soit dans ce long discursus non seulement préparatoire à la foi, mais répété surnaturellement et concentré au cœur même de l’assentiment de foi ; soit dans cet assentiment surnaturel atteignant par lui-même tout un enchaînement d’énoncés, non seulement l’objet matériel avec l’objet formel, et avec la bonitas illalionis, mais encore les preuves multiples qui appliquent l’objet formel. Voyons donc le dernier système, les critiques qu’on lui a faites, et les titres qu’il semble avoir à être préféré à tous les autres.
6o et dernier système : Salmanticenses, Thyrse Gonzalez, Billot, Schifflni, etc. — Nous traiterons ce système plus au long, soit parce qu’on en trouverait difficilement un exposé complet, avec les critiques, les difficultés et leur solution, soit parce qu’il est adopté aujourd’hui par un bon nombre ; « il semble même que cette opinion tende à se faire peu à peu accepter partout, » dit le P. Pesch, Prælectiones, 3e édit., 1910, t. viii, n. 332, p. 151.
Tous les systèmes précédents s’accordaient à faire connaître par l’assentiment surnaturel de foi un double objet, l’un invariable et formel, auctoritas Dei revelanlis, l’autre variable et matériel, l’incarnation, ou la trinité, etc. Sans doute ils n’entendaient pas les mettre sur la même ligne : la connaissance de foi d’après eux ne fait que passer par le premier objet, comme par son moyen logique, pour se reposer dans le second comme dans son terme et son objet proprement matériel. Mais enfin la plupart des théologiens admettent que l’assentiment de foi lui-même connaît et affirme les deux objets. Le système que nous allons exposer diffère profondément de tous les autres en ce qu’il ne lui fait connaître que l’objet matériel. Puisque l’objet, ou motif formel a été déjà, de l’aveu de tous, connu par manière de préambule, ne peut-il pas suffire de cette connaissance préalable pour rendre ce motif présent à l’esprit ? Ainsi, l’assentiment de foi divine, surnaturel et souverainement certain, n’aura pas à revenir lui-même sur son objet formel par la connaissance ou l’affirmation.
De là résultera une autre différence. La plupart des théologiens, faisant porter cet assentiment de foi sur deux objets logiquement liés entre eux, le formel et le matériel, avec passage de l’un à l’autre, y mettaient forcément une espèce de discursus ou de raisonnement, au moins virtuel. Au contraire, ce nouveau système, ne faisant connaître par la foi que son objet maté] ici, y supprime très efficacement tout « discours » et proclame avec le cardinal Billot que l’assentiment de foi, considéré dans son essence, est absolument simple, aclus simplex alque omnino incomplexus. De virtutibus infusis, 1905, thés, xvi, p. 287. En dehors de ce système, les théologiens qui disent que la foi n’est pas discursive n’évitent guère un discursus virtuel, s’ils sont conséquents avec eux-mêmes. Voir Wilmers, op. cit., p. 340. Et Sylvester Maurus a pu dire : « Tout le monde suppose cjue l’assentiment de foi renferme un discursus formel ou virtuel. » Opus theologicum, Rome, 1687, t. ii, q. cxxi, n. 5, p. 381.
De là encore une différence à noter. Introduisant dans l’assentiment même de foi un discursus virtuel, les systèmes précédents faisaient entrer dans le sanctuaire non seulement le mystère que l’on croit, l’incarnation par exemple, mais encore, à titre d’objet formel à connaître, ce que l’on appelait les deux « prémisses » : Ce que Dieu révèle est vrai, or il a révélé l’incarnation. Suarez et ceux qui l’ont modifié ne laissaient à la porte du sanctuaire que les preuves de ces prémisses, ce qu’on appelle les motifs de crédibilité ; ceux-ci. on les oubliait, on en « faisait abstraction » , car dans l’analyse de la foi, ils sont fort gênants. Le nouveau système n’a pas besoin de recourir à ces séparations violentes, à ces abstractions arbitraires. Plus radical, il laisse à la porte ces prémisses elles-mêmes, aussi bien que leurs preuves, dont on ne les sépare plus. Lesprécédentsregardaientgénéralement ces prémisses, ces énoncés, comme l’objet formel de la foi. Le système actuel ne regarde comme « objet formel » que la divine autorité et la divine révélation considérées en elles-mêmes, a parle rei : les choses, et non pas les énoncés qui les signifient. Cette manière d’entendre l’objet formel résout facilement la grande difficulté de l’analyse de la foi. S’il consistait dans des énoncés, dans ces deux prémisses, l’analyse de la foi ne pourrait s’y arrêter puisque ces énoncés manquent d’évidence immédiats : elle irait jusqu’à leurs preuves, qui deviendraient le dernier fondement de tout l’édifice et pourquoi pas l’objet formel ? Mais du moment que l’objet formel ne consiste pas en des énoncés sur Dieu, mais en Dieu lui-même, véridique et révélateur, on n’a plus à redouter de si fâcheuses conséquences : car au delà de Dieu même, il n’y a rien. C’est en lui que la fei trouve le dernier et solide fondement qu’il lui faut, et qui la rend vertu théologale ; quoi qu’il en soit du genre de connaissance qui aura présenté cet objet formel, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle, connaissance de science ou connaissance de foi. Cette « nnaissance, étant une simple condition de l’objet formel, peut même varier de nature dans les différents cas, et elle est plus ordinairement naturelle, disent les Salmanticenses, qui donnent cette opinion comme très répandue parmi les thomistes. Cursus theologieus, t. xi, De fide, disp. I, n. 180, p. 83. Voir ce que nous avons dit des jugements spéculatifs de crédibilité, col. 365, 366. Les Salmanticenses ajoutent avec raison qu’une simple condition préalable n’a pas besoin d’être aussi parfaite que l’acte qui suivra : ainsi un acte des sens peut servir de condition préalable à un acte d’intelligence, un acte naturel à un acte surnaturel. Par tout cela ils réfutent le principe « de Suarez, de Lugo et des autres, » à savoir que ces énoncés doivent être aussi certains, et d’un ordre aussi relevé que l’assentiment de foi lui-même ; ce qui serait vrai si ces énoncés avaient la causalité d’objet formel que leur prêtent Suarez et Lugo : car une telle cause doit avoir au moins la perfection de son effet ; mais il n’en est pas ainsi d’une simple condition. Loc. cit., n. 181. Les Salmanticenses achèvent d’esquisser le système en disant que l’assentiment de foi ne dépend pas de cette connaissance préalable comme une simple conclusion dépend de ses prémisses, n. 182, p. 84 ; que « la surnaturalité et la fermeté de l’acte de foi ne doivent pas être réglées par les lois du syllogisme, d’après lesquelles la conclusion suit toujours la prémisse la plus faible. » Car cette fermeté d’adhésion qui caractérise la foi « ne provient pas immédiatement d’un acte de l’intelligence, mais de la volonté, » n. 183. Nous citerons encore un peu au long d’autres théologiens, soit pour montrer qu’il n’y a pas d’erreur quand nous les donnons comme défenseurs du système, soit parce qu’ils ajoutent des réflexions utiles qui peuvent servir de complément d’explication, dans une question d’ailleurs très ardue.
Élizalde signale ainsi « l’occasion principale des obscurités et des erreurs '> dans la question présente : « Il arrive que beaucoup de gens, habitués qu’ils sont aux règles de la dialectrique et de la science, inconsidérément les transportent partout. La science (déductive ) a pour loi inviolable de partir d’énoncés immédiatement évidents, de principes ; puis, par déduction, l’on s’avance en s’appuyant toujours sur ce qui pré cède… Le milieu ne peut avoir de solidité qui n’ait été dans le principe, et qui n’en dérive… Si quelque chose cloche en cours de route, la fin doit clocher aussi, et la conclusion mesure sa certitude à celle de la prémisse la plus faible. » William James dirait : Une chaîne ne peut pas être plus forte que son plus faible anneau. A cette marche de la sàence on a voulu mal à propos assimiler celle de la foi. « La foi, continue Élizalde, au jugement des sages, a des préambules, et non des prémisses, à proprement parler. Ce n’est pas à elle à prouver ces préambules, elle ne s’en mêle pas ; mais quand ils sont établis, c’est alors que son acte commence, non par une déduction, mais en les présupposant. Or, il arrive que par ces préambules apparaît à l’intelligence une autorité qui mérite plus de foi que les préambules eux-mêmes n’ont mérité d’assentiment. .. Le témoignage de Dieu mérite plus d’adhésion que n’en mériterait une preuve d’évidence morale… Dans le processus qui commence par les préambules et qui finit par la loi, il y a plus de vertu motrice, et conséquemment plus de certitude, à la fin qu’au commencement… Aussi croyons-nous d’une foi le, soit que le fait de la révélation nous ait été preuve par un seul miracle ou par cent, eu par l’autorité de l’Église, ou par la perpétuité de la foi et les vertus des saints, ou enfin par un moyen quelconque. Parce que tout cela n’est qu’application et préambule, la foi est toujours une, égale, semblable à elle-même. » Formd verte religionis qiuvrctuhv et inveniendse, Naples, 1662, n. 848-850, p. 560-5f>2. Ce que nous croyons. dit-il après avoir réfuté Suarez et Lugo, ce n’est pas le fait que Dieu a parlé, ce sont les saints mystères de la foi. rendus croyables par ce fait. Ainsi répondent les enfants, les bonnes femmes, tous les fidèles enfin, si ( ; ii leur demandent. Une croyez-vous ? N’être explication est donc naturelle, tandis que ces systèmes contraires ont été violemment improvisés pour résister à des difficultés pressantes auxquelles ils ne résistent pas. > Op. cit.. n. 862, p. 570.
I n disciple d’Élizalde, Thyrse Gonzalez, général des jésuites, ajoute dis précisions remarquables. Dans un ouvrage destiné à réfuter la Déclaration du clergé de France en 1682, et devenu extrêmement rare parce qu’à Rome on en supprima les exemplaires pour ne pas créer de difficultés avec Louis XIV, il résume brièvement son système : Après que les fidèles, au ii de témoignages humains, se sont fermement pi rsuadésdu fait de la révélation divine, ils s’élèvent de là : i un assentiment d’ordre supérieur sur les mystères, à cause cli i témoignage de Dieu. Cet assentiment ; bien qu’il regarde l’autoriti et la révélation nivines comme motif intrinsèque de croire, et objection formate quo, ni les regarde pourtant pas comme objection quod, comme matière qu’il croie et qu’il affirme… Il suffit <(iie la véracité divine soit supposée connue et affirmée pai li lumière naturelle, et qu’ainsi connue elle suit motif intrinsèque de croire le mystère. Que cela e, on le voil clairement quand il s’auil de croire idté divine elle-même comme révélée : nous la ris alors parce que Dieu l’a révélée avec une véradté que nous connaissons par ailleurs. Ce n’es ! pas en tant ((lie crue, c’est en tant que cennuc par la raison naturelle, que la véracité divine peut alors jouer li u motif (comme il suif di la réfutation du sys-’iii’’i' Su — i l><- infallibilitale romani ponlifleis… foniro récentes lui jus infallibilitalis impugnatores Irafheoloqicus, Home. 1689, disp. XIX, sect. [V, Dans un autre ouvrage qui renferme toute une apologétique, il développe davantage sa pensée. En fait d’ol jel formel, dit-il contre Suarez, ce qui fonde la foi au m stère avec sa certitude propre, ce n’est, pas rtltude de l’assentiment préalable a la véracité cité divine pi ise en die même ; la ne qui la propose n’esl qu’une condition quoi suffit une ci niiaissaiice d’ordre inférieur. » Mamiductio ad conversionem mahumetanorum, Dillingen, 1689, part. I, 1. II, n. 100, p. f.G. Par là se résout la fameuse difficulté, non potest esse firmius œdificium quant jundamentum. « La certitude de foi, répond-il, n’est pas fondée sur la certitude de la connaissance scientifique préalable de la véracité de Dieu, mais sur cette véracité elle-même qui est signifiée par une telle connaissance : à cause de cette véracité, l’intelligence élevée par la vertu infuse, et aussi sous l’influence de la velouté, croit avec une certitude suprême les mystères révélés. » Loc. cit., n. 108, p. 100. « La certitude de l’acte de foi est mesurée à l’habitus fidei, à la pieuse disposition habituelle, à l’autorité de Dieu qui révèle, et non pas aux raisons naturelles qui nous ont fait juger que Dieu est véridique et qu’il a révélé ce mystère. Au contraire, la certitude d’une conclusion scientifique doit se mesurer aux motifs (ou preuves) qui ont amené l’intelligence à adhérer aux prémisses, parce que la science procède par déduction, » n. 111, p. 102. « La foi du mystère n’est pas fondée sur la science ou sur la foi (humaine) qui nous persuade que Dieu souverainement véridique a révélé ce mystère, et elle n’est pas mesurée (à cette science ou foi humaine), mais elle est fondée in ipsa veracitate et revelatione divine, » n. 159, p. 121. Voilà bien la distinction entre la chose et l’énoncé qui l’applique : la chose invariable, l’énoncé prouvé de diverses manières, science, foi humaine, et ayant (d’après la nature de ses (neuves) tantôt une certitude absolue, tantôt une certitude seulement relative. « Le cardinal de Lugo, dit-il encore, semble partir d’un faux supposé, c’est que l’assentiment de foi, qui affirme le mystère à cause de la véracité de Dieu, affirme par là même l’existence de cette véracité. Il n’est pas nécessaire que le motif intrinsèque d’un acte d’affirmation soit affirmé par cet acte lui-même, si on le suppose préalablement affirmé. Et l’acte de foi n’est pas tenud’atteindre directement la véracité, comme un objet qu’il connaît, objectum quod, mais il lui suffit de l’atteindre indirectement, comme un objel par lequel il connaît, objectum quo. » Loc, cil., n. 103, p. 98. « De ce que l’acte de foi se rapporte intrinsèquement à la véracité divine comme à son objet formel (en ce sens seulement on peut dire qu’il l’atteint), Lugo (disp. I, n. loti et Ripalda tâchent vainement de conclure qu’il l’affirme ; la seule conclusion qu’on puisse légitimement tirer est disjonctive : tu bien l’acte de foi affirme la véracité divine, ou bien, parce qu’il doit affirmer des mystères cachés par eux-mêmes, et impuissants à exercer la fonction de motif, l’acte de foi suppose essentiellement un autre acte, qui lui propose la véracité et la révélation comme motif, n. 106, p. 99. L’acte de foi n’affirmant pas son objet formel, mais seulement son Objel matériel, ne peut renfermer un discursus en lui-même, et pour ainsi dire à l’intérieur : mais ne peut-il en former un avec l’extérieur, avec ces énoncés préalables qu’il suppose ? Gonzalez ne le pense pas : « Cet autre assentiment présupposé à l’acte de foi ne forme pas avec lui un discursus, parce qu’il n’est pas présupposé comme une prémisse l’est à sa conclusion, mais comme une application du motif (de l’objet formel), en vue duquel nous donnons au mystère l’assentiment de foi. plus certain que ! < précédent a cause de l’influence de la volonté, n. 118, p. 104. Il observe ensuite que bien des théologiens regardent l’acte de foi comme ne formanl pas avec ses préambules un véritable discours. Il dit avec Coninck : Pour qu’il ail discursus, il ne suffii pas d’affirmer une proposition a cause d’une autre clu.se. connue par un acte distinct : mais il faut affirmer cette proposition à cause de la connaissance de celle autre chose… (n. ceci n’a pas lieu dans la foi : cal je ne croil pas la trinlté purée que ir croit que Dieu l’a révélée, mais simplement ! parce qu’il l’a révélée, » n. 119, p. 105. Toujours la distinction fondamentale du système entre l’énoncé et la chose ; le raisonnement, le discursus, ne se fait qu’entre énoncés, entre connaissances qui se succèdent. Voir la définition de saint Thomas que nous avons citée, col. 98.
Ainsi, chez les Salmanticenses et surtout chez Thyrsc Gonzalez, nous Irouvons nettement indiqués les traits principaux du système, qui paraît d’ailleurs remonter plus haut, puisque Suarez l’attaque en des auteurs qu’il ne nomme pas, De fuie, disp. III, sect. xii, n. 5, 6, Paris, 1858, t. xii, p. 102 ; en quoi il est approuvé par Lugo, disp. I, n. 35, Paris, 1891, t. i. p. 32, 33. Disons en passant, que Suarez lui-même a, dans son traite de l’incarnation, disp. LIV, sect. v — non pas dans les deux premières éditions, mais dans celle de Lycn, 1614 — un passage sur les ohjets formels qui paraît favorable à ce système, et dont profitait déjà Gonzalez. Lor. cil., n. 105, p. 98. Plusieurs modernes l’ont reproduit : Mazzella, loc. cil., p. 418, en note ; Schiffini, De virt. infusis, thés, ii, p. 14, 15 (avec commentaires) ; Billot, loc. cit., p. 29 r, en note ; Pesch, loc. cil., n. 346, en note, etc. Quelques-uns ont cru que par là Suarez avait rétracté ce qu’il dit dans son traité de la foi : In omni assensu fulei injuste, quo credimus mysterium aliquod in parliculari…, intrinsece el quasi per se primo credimus eadem fuie Deum révélasse laie mysterium. Disp. III, sect. xii, n. 9. Mais Gormaz, très versé dans la doctrine et les ouvrages du maître, attaque longuement cette prétendue rétractation. D’abord et surtout, par la raison bien simple que le traité de la foi publié en 1621 après la mort de Suarez représente sa dernière pensée, puisqu’il reproduit le cours dicté à Coïmbre en 1615 (par conséquent après l’édition que l’on objecte du traité de l’incarnation en 1614), où il a augmenté et perfectionné le traité de la foi que longtemps auparavant il avait enseigné à Rome. Ensuite, Gormaz montre que les deux passages de Suarez peuvent se concilier, ne traitant pas du même sujet. Cursus theologieus, Augsbourg, 1707, t. i, De fide, disp. III, p. 661-669. Cf. Wilmers, loc. cit., n. 325, p. 334.
Ripalda, cité par Schiffini comme principal défenseur du dernier système, fait, en effet, de bonnes remarques et fournit des moyens de preuve. De fide, disp. II, sect. v-vn, à la suite du De ente supernaturali, Paris, 1873, t. vii, p. 14-23. Mais il y mêle tant d’éléments étrangers, il donne tellement carrière à son habituelle subtilité que sa pensée reste plus obscure que celle des théologiens cités plus haut.
Parmi les contemporains qui ont repris ce système, Schiffini cite Mazzella. A partir de sa 3e édition, prop. 31, le cardinal Mazzella peut avoir quelques expressions qui semblent s’en rapprocher. Maisen réalité il défend le 2e système exposé plus haut, qu’il importe de ne pas confondre avec celui-ci, comme plusieurs l’ont fait de nos jours. Mazzella fait affirmer par l’acte surnaturel de la vertu infuse non pas seulement l’objet matériel, mais encore l’objet formel : A b habita fidei procedil assensus in aucloritatem Dei revelantis codem actu quo credo, exempli qralia, incarnalionem. De virtutibus infusis, 6° édit., Naples, 1909, prop. 32, n. 831, p. 428. De plus, il s’attache beaucoup à montrer, en se réclamant même de Luge, que l’cbjct formel {quo) doit être obscur, non visum. Loc. cit., n. 802, 805. Cette obscurité de l’objet formel n’a rien à faire avec le dernier système que nous exposons, elle est rejetée par ses défenseurs. Enfin, il s’efforce de « faire abstraction » des motifs ne crédibilité, il s’appuie sur Viva qui veut qu’on les oublie. Loc. cit., n. 806, p. 408. Le dernier système au contraire, au moment où l’assentiment surnaturel de foi va. d’après lui, atteindre seulement l’objet matériel, ne fait aucun effort contre la connaissance naturelle qui rend présent a l’esprit l’objet formel, ni contre les metifs de crédibilité qui donnent à cette connaissance sa certitude, et dont il ne la sépare pas ; loin de la. car il faut bien que l’objet formel soit présent à l’esprit, pour pouvoir affirmer l’objet matériel à cause de lui. Ajoutons que Mendive, tout en suivant Mazzella dont il se réclame, attaque expressément le dernier système par cette thèse : In ai lu ftdei de myslerio revelalo, non simpliciler præsupponitur exislenlia auclorilalis et revelationis dioiiue luminc sive naturali sive supernaturali cognita, .serf vere ac proprie affirmatur. Institutiones theol.. Yalladolid, 1895, t. iv, p. 432 ; cf. p. 469. Le système de Mazzella et celui dont nous parlons restent donc profondément différents, et les confondre serait embrouiller toute la question.
Schiffini, lui, est véritablement partisan du dernier svstème. S’il a l’air d’accorder que l’acte ne foi affirme son objet formel, il ne parle que d’une affirmation interprétative et non pas réelle : l’acte de foi, ayant un rapport essentiel à cet cbjet, est censé l’affirmer, mais il ne l’affirme pas. De virtutibus infusis, 1904, thés, ii, p. 14. Sa pensée apparaît clairement dans cette difficulté qu’il se pose : Il est impossible que nous soyons persuadés de la vérité d’un mystère à cause de l’autorité de Dieu qui révèle, sans être persuadés de cette autorité elle-même : donc, en affirmant la vérité du mystère pour ce motif, nous affirme ns aussi ce motif. Il répond qu’évidemment l’on ne peut affirmer le mystère à cause de cette auterité, si un jugement sur cette autorité n’a précédé : mais qu’il n’est pas nécessaire que cette autorité soit affirmée par l’acte de foi au mystère, à moins qu’on n’entende une affirmation actu exereilo. Celle-ci, qui n’est pas une affirmation proprement dite, « est contenue dans la certitude même par laquelle nous croyons le mystère avec Y intention (acte de volonté et non d’affirmation intellectuelle) de rendre hommage à la Première Vérité qui parle, » et l’acte de foi de sa nature tend à l’honorer. Loc. cit., n. 123. p. 204. Il dit ensuite que l’acte de foi est un jugement simple, et non pas composé ; qu’on peut, à la rigueur, l’exprimer par ce jugement composé et causal : « Ce mystère est vrai, parce que Dieu le dit, » mais qu’alors « cette formule n’exprime pas seulement l’acte de croire, qui n’affirme que le mystère révélé, mais elle englobe en outre le jugement préalable sur l’existence et l’infaillibilité de la révélation. » Loc. cit. Ainsi, quand Schiffini concède que l’acte de foi affirme exercile son objet formel, il n’entend pas ce mot scolastique au même sens que Mendive, qui en fait une véritable affirmation, indirecte, modo quodam obscuro et confuso, implicite. Loc. cit. Et Schiffini prend soin d’avertir que pour lui exercile n’est pas la même chose que implicite.
Le cardinal Billet est encore plus net. Comme Thyrse Gonzalez cité plus haut, il distingue deux manières de s’appuyer, pour croire un mystère, sur la révélation divine : Credo trinilalem, quia tenco Deum eam révélasse, et : Credo trinitatem… quia revelavit. « Dans la première manière, dit-il, l’acte subjectif, par lequel j’affirme l’autorité et la’révélaticn divines, est pour moi la raison de mon assentiment aux choses révélées. Dans la seconde, la raison de mon assentiment n’est autre que l’autorité objective, qui apparaît dans une connaissance préalable. » De virtutibus infusis, 2e édit., Rome. 1905, thés, xvi, p. 287. Dans la première manière, commune à Suarez et à Lugo, l’assentiment de foi est composé et discursif ; dans la seconde, il est simple. Loc. cit., p. 288, 289. Le cardinal montre les avantages du système, a) Il est conforme à l’expérience de ce qui se passe dans l’acte de foi : « après avoir rappelé à notre esprit le fait que Dieu a révélé les vérités de notre religion, ncus leur donnons un simple assentiment, rendu par ce seul mot : credo. » Loc. cit., p. 205. b) C’est le seul moyen de résoudre le problème de l’analyse, et de remonter, comme objet formel, in ipsam solam increatam Dei auclorilatem ; par là aussi on montre bien comment la foi est une vertu théologale. Loc. cit. c) « C’est le seul moyen de sauvegarder ce que tous veulent et doivent sauvegarder, c’est-à-dire que l’assentiment aux choses révélées soit appretiatioe super omnia firmus… En effet, ce qui est digne de fonder une adhésion super omnia, c’est seulement la divine autorité en elle-même, ce n’est pas votre connaissance, l’évidence crue vous avez peut-être de la véracité du témoignage. » Loc. cit., p. 298. Or, l’objet formel est précisément ce qui est digne de fonder l’adhésion telle qu’elle est ; l’objet formel est donc la divine autorité prise en elle-même, et non pas la connaissance que nous en avons ; la chose, et non pas les énoncés, les « prémisses » . Si avec Suarez et Lugo vous regardez comme objet formel ces prémisses qui n’ont pas la certitude souveraine de la foi divine et ne peuvent la fonder, vous ne pourrez obtenir une suprême certitude dans l’assentiment île foi que par ée coup déraisonnable de volonté, auquel Mazzella a recours, n. 819, p. 420. Le cardinal Billot, sans nommer.Mazzella. rejette cet imperium voluntaiis ainsi compris : « Un commandement de la volonté, dit-il, qui fait adhérer l’intelligence au delà de ce que mérite la raison objective (l’cbjet formel) dans laquelle se résout l’adhésion, est un commandement déraisonnable et aveugle, qu’il faut donc rejeter de la foi théologale. Loc. cit.. p. 208 ; cf. p. 293. Tolo cœlo aberrant quicumque concipiunt actum fldei quasi in co, partialiter sallem, esset pro ratione. voluntas. Loc. cit.. p. 200. I. dernier système, au contraire, en mettant l’objet formel non pas dans une connaissance indigne et incapable de fonder une adhésion souveraine, mais dans la divine autorité elle-même, parfaitement digne de la fonder, ne demande pas à la volonté, pour obtenir cette adhésion souveraine au mystère révélé, de forcer l’intelligence à dépasser le mérite de l’objet formel. irgument fourni par le cardinal paraît excellent. Le P. Pesch enseigne ce même système, quand il dit que « la volonté commande à l’intelligence d’adhérer aux choses révélées aussi fermement que le mérite l’autorité divine prise en elle-même, ipsa aucloritas divina in se, » Prselectiones, 1010. t. viii, n. 323, p. 146 ; quand il dit avec. Schiffini que l’objet formel n’est affirmé dans l’acte de foi qu’acfu cxercilo ; avec le cardinal lîillnt. que si la foi est un assentiment très ferme, ce n’est pas à cause de notre connaissance subjective et de notre affirmation de l’objet formel, meun de nos actes ne peut être la raison suffisante d’un assentiment super omnia ; > avec les Satinant i, que notre connaissance du motif formel n’est pour l’assentiment spécifique de foi qu’une application et uni condition préalable. Loc cit., n. 329, ! ’I 18, l 19. il se sépare encore plus spécialement de Mazzella et du 2- système, quand il ne veut pas que foi " l’autorité de Dieu et le fait de la révélation apparaissent à l’espril immédiatement, per a, n. 332. p. 150 ; qu’il n’a jamais entendu qu’on doive faire abstraction des molifs de crédibilité. Loc. cit.. en note.
Mgr Van Noort adopte le même système, qu’il
résume en quatre points avec sa précision habituelle : « 1. L’autorité de Dieu qui révèle, en tant qu’objet
formel de la foi. ne nous est connue que par les motifs
édibilité, et non par un autre mode.
2. L’acte
rie f"i ni I pas un assentiment vil luellemenl
double, affirmant d’abord l’objet formel, ensuite
Pobjel matériel, Il n’y a donc plus lien de poser cette
question (avec Suarez et tant u’autres) : Comment
l’autorité de Dieu est elle c.iniiur ci affirmée dans
l’acte même de foi’? (puisqu’elle ne l’est pas).
3 (et
principalement). Le motif de la foi est l’autorité de
Dieu (connue de nous avant la foi), et non pas notre
connaissance de cette autoritc. Or l’autorité de Dieu,
de quelque manière qu’elle nous soit connue, mérite
un assentiment super omnia.
4. Donc cette question :
Par quel moyen avez-vous connu l’autorité de Dieu
qui révèle ? — ne porte plus sur le motif propre de la
foi elle-même, mais sur une pure condition préalable,
sur la cause applicatrice du motif : donc elle sort de
la question de l’analyse, qui ne porte que sur l’acte
même de foi (et son objet formel). » Tractatus de fontibus
revelationis neenon de flde divina, Amsterdam,
1011, n. 207, p. 211. Arrêtons là notre revue des théologiens
contemporains qui suivent cette opinion, pour
ne pas trop allonger cet article.
Critique du Systeme. —
a) Il se recommande par sa simplicité, par sa conformité avec l’expérience de ce qui se passe chez les fidèles, par le caractère raisonnable qu’il donne à l’acte de foi, tout en maintenant le caractère surnaturel, enfin par la solution satisfaisante qu’il donne au problème de l’analyse de la foi, et à la question du super omnia. Nous avons vu ces divers avantages dévclo-ipés par les auteurs cités.
b) On a beaucoup critiqué ce point caractéristique du système, que la f( i n’affirme pas son objet formel, mais seulement U’présuppose connu. Antoine Pérez objectait déjà l’analogie des autres vertus théologales : « De même que Dieu est l’objet premier et souverainement aimé par la charité, l’objet premier et souverainement espéré par l’espérance, ainsi il doit être l’objet premier et souverainement cru par la foi théologale, en sorte que tous les autres objets dépendent de Dieu en tant que cru. en tant qu’objet de foi… De plus, si la première chose que l’on croit dans l’arte de foi est tantôt ceci, tantôt cela (à cause de la variété de l’objet matériel), il n’y a plus de raison pour que la vertu de foi soit une. » In II » ™ et III’"' I). Thonvr tracta/us sex, Lyon, lf160, De virtutibus theol.. <lisp. IL c. i. n. 1. 5, p. 107. Mais ces raisons ne prouvent pas ce que voudrait Pérez, que tout acte de foi devrait croire, et croire en premier lieu, l’cbjet formel quo, Vauclorilas Dei révélant is. Pour que « Dieu soit l’objet premier que l’on croie, pour que tous les autres objets dépendent de lui en tant que cru, » il suffit que Dieu soit l’objet matériel principal de la vertu de foi. l’objet d’attribution, objectum formate quod : et il l’est. Voir col. 377370. Or l’objet d’attribution, dans une science, est connu sans doute par beaucoup d’actes de cette science, mais il n’a pas besoin n’être connu et rappelé dans tous ; celui qui étudie les branches secondaires de la médecine, la physique médicale, la chimie médicale, la bactériologie médicale.’etc. n’a pas besoin de penser à chaque instant à l’objet d’attribution, qui est la guérison des maladies, "ni de l’affirmer en premier lien dans chacune de ses affirmations ; ce n’est pas ainsi que l’objet d’attribution montre sa primauté, et qu’il donne l’unité a toute la science. Sa primauté consiste eu ce que rien n’a été introduit dans le domaine de celle science que par rapport à lui : de là aussi l’unitc de l’ensemble. Il en est de même du vaste ensemble de la révélation, telle que Dieu l’a donnée : Dieu a VOUlu se révéler d’abord, comme objet principal, et n’a révélé d’autres objets que par rapport à lui-même et pour se faire mieux connaître. Voir col. 378. 370. C’est a une révélation ainsi hiérarchisée que Dieu a dirigé et ordonin la vertu de foi infuse, c’est île la qu’elle lire son unité, et non pas de ce que, dans chacun de ses actes, elle all’u nierait avant tmit autre objet son objet formel, qu<> ou quod. Nous concédons pourtant qu’elle tire aussi son unité de ce qu’elle a un I lll cl même motif spécifique dans tous ses actes. Nous concédons qu’une vertu théologale ne peut se ps dans aucun de ses actes de la connaissance de son motif ; mais cela ne veut pas dire qu’elle l’affirme elle-même. Nous concédons que l’acte d’une vertu théologale doit avoir une liaison intrinsèque avec son motif spécifique ; mais pour cela il suffit qu’elle le suppose préalablement connu, et cela comme une condition nécessaire de son action : par là, ainsi que le remarque Thyrse Gonzalez, le motif intrinsèque et spécifique se distingue suffisamment d’un mol il bextrinsèque, qui peut être surajouté avec avantage, mais qui n’est pas nécessairement requis pour l’existence de l’acte ; tel le motif de la charité peut s’ajouter au motif spécifique d’une vertu morale, mais reste extrinsèque à cette vertu. A cette assertion : L’acte de foi doit atteindre intrinsèquement le mctif qui le spécifie, l’autorité divine, Schiflini a donc raison de répondre : Oui, si par ces mots « atteindre intrinsèquement » vous entendez que l’acte de foi a une révélation de dépendance nécessaire à l’égard de cette autorité divine qui est son motif et sa cause. Non, si vous entendez qu’il doit essentiellement l’affirmer lui-même. Op. cit., p. 205. Cf. Pesch, toc. cit., n. 342-341, p. 156. — Mais, dira quelqu’un, n’y a-t-il pas un milieu entre affirmer une chose, et avoir avec elle une simple relation de dépendance qui la présuppose ? L’assentiment de foi, sans affirmer son objet formel comme vrai, ne peut-il pas y adhérer ? — Nous répondons que, lorsqu’il s’agit d’un jugement, d’un acte d’intelligence, « adhérer » ne peut avoir d’autre sens qu’« affirmer comme vrai » . La volonté, elle, a des « adhésions » qui ne sont pas des affirmations : mais ici nous parlons d’un assentiment intellectuel, et non d’un acte de volonté. Enfin YYilmers, qui attaque longuement (prop. 69, 70, 72, 73, 76), non sans redites, le système que nous venons d’exposer, invoque le mot propter dans la définition de la foi au concile du Vatican, pour prouver que « l’assentiment donné à l’autorité divine est vraiment cause (ou objet formel) de l’assentiment donné à l’objet matériel, et non pas simple condition préalable. » Loc. cit., n. 337, p. 345. Mais le concile ne dit pas que nous devons croire propter assensum dalum auclorilali Dei revelantis, il dit : propter auctorilalem ipsius Dei revelantis. Voir col. 115. Ce n’est pas notre assentiment subjectif, c’est l’autorité divine prise objectivement en elle-même qui est objet formel de l’assentiment à l’objet matériel : tout au moins le mot du concile est susceptible des deux sens. Même remarque pour les textes de saint Thomas qu’allègue Wilmers. D’ailleurs, ce théologien, parce qu’il confond mal à propos en une seule opinion (confusion assez fréquente aujourd’hui) ce que dit Mazzella et ce que disent les Salmanticenses et autres partisans du dernier système (loc. cit., p. 385), leur prête ce que dit peut-être Mazzella, mais ce qu’ils ne disent point, par exemple : Inlclleclus non movetur ab objecto jormali, sed movetur et determinatur a sola voluntate. Loc. cit., p. 345 ; cf. p. 384-386.
c) On a critiqué aussi la discontinuité que ce système mettrait dans une série d’actes qui doit être continue, et dont il briserait la chaîne. C’est la raison naturelle qui affirme l’objet formel ; c’est ensuite la vertu infuse qui, sans connaître l’objet formel, vient affirmer l’objet matériel, en quoi consiste l’acte de foi. La foi est donc impressionnée par un motif qu’elle ignore. La foi croit un mystère parce que Dieu l’a révélé, sans savoir s’il l’a révélé ; savoir cela, c’est l’affaire de la connaissance préalable, appartenant à la science apologétique, dont la foi ne se mêle pas ; cette science préalable est pour la foi comme si elle n’était pas, et la laisse donc dans l’obscurité. « Qu’ils objectent ainsi, répond Élizalde, ceux qui prennent les actes et les accidents pour des substances 1 Nous aussi, nous disons comme tout le monde que la foi croit, donne son assentiment, etc., nous personnifions semblablement la science : mais sans prendre au sérieux ces manières de parler. En réalité, ce n’est pas la foi qui croit, c’est l’homme ; ce n’est pas la foi qui est sollicitée par un motif et qui donne son assentiment, c’est l’homme. Or l’homme qui va croire est le même qui vient de voir que Dieu a révélé, il ne l’ignore pas, il en est conscient et certain. » Op. cit., n. 852, p. 563. On pourrait, ajoute-t-il, faire le même sophisme
- propos des rapports de 1 intelligence et de la volonté
la volonté ne se mêle pas de connaître, elle est aveugle ; la connaissance de l’intelligence, par laquelle on prétend lui montrer son but, est donc pour elle comme si elle n’était pas, etc. « Que répondra le bon sens ? Que ce n’est pas la volonté qui aime, mais l’homme, lequel a d’abord connu l’objet. C’est donc bien le même sujet qui connaît et qui veut. » Loc. cil. M. Bainvel fait une remarque semblable : « Il ne faut pas regarder les facultés de l’homme comme isolées et agissant chacune à part. Saint Thomas répète sans cesse que ce n’est pas l’esprit qui voit, mais l’homme par l’esprit ; ni la volonté qui veut, mais l’homme par la volonté. Ainsi dans la foi : c’est l’homme qui voit les motifs de crédibilité, l’homme qui veut croire, l’homme qui croit. L’unité du sujet met partout l’unité, partout la continuité. .. C’est le même esprit qui a constaté que telle vérité obscure pour lui est garantie par l’autorité divine, et qui croit sur cette autorité. » La foi…, 2e utit., p. 190.
d) On critique enfin et surtout ce point fondamental du système, que l’objet formel de la foi consiste dans la divine autorité et la divine révélation prises objectivement en elles-mêmes, et non pas dans la connaissance subjective de ces choses, laquelle est une simple condition de l’objet formel. Une chose, dit-on, n’est motif qu’en tant qu’elle est connue. Thyrse Gonzalez répond avec raison que le mot en tant que est équivoque en lui-même : il peut viser l’essence même du motif formel, et c’est ainsi que l’entendent les adversaires : il peut viser une simple condition, et c’est ainsi qu’il faut l’entendre dans le cas présent. Manuduclio, etc., n. 124, p. 107. Reste pourtant que ce point fondamental d’un système très simple par ailleurs est difficile à bien saisir et à bien justifier, et qu’il présente quelque chose d’insolite, qui n’a pas lieu dans l’analyse de la science humaine ; d’où vient sans doute que Suarez, Lugo et tant d’autres ont plutôt supposé, comme allant de soi, que le motif ou objet formel de la foi devait consister dans l’autorité divine prise en bloc avec la connaissance que l’on en a, et que plusieurs ont en face de notre système l’impression d’un expédient plus subtil que solide. Pour dissiper cette fâcheuse impression, quelques défenseurs du système ont voulu le rattacher à une manière naturelle de croire à la parole d’autrui ; ils ont distingué, même dans la croyance au témoignage humain, la foi-science et la foi d’autorité, la première appuyée sur Ces connaissances subjectives comme motif, la seconde qui atteindrait l’autorité du témoin directement en elle-même, et qui proportionnerait la certitude de l’assentiment que nous donnons au témoin, non pas à notre connaissance préalable de cette autorité, mais à cette autorité prise en soi. Mais nous avons déjà indiqué les raisons pour lesquelles cette théorie générale de la foi, humaine ou divine, nous paraît moins probable. Voir, dans la question de la liberté de la foi, col. 425 sq., et, dans la question de l’obscurité, col. 445, 446 sq. Il nous semble que le dernier système sur l’analyse de la foi dans sa manière de concevoir objectivement et en soi YaucloriUi* Dei revelantis, répond suffisamment à toutes les critiques, non pas en recourant à une théorie générale de la croyance à la parole d’autrui. mais plutôt et avant tout en considérant la foi divine et les éléments qui lui appartiennent en propre, de la manière que nous allons tenter d’expliquer.
Comment l’autorité et la révélation de Dieu prises objectivement et en soi, à l’exclusion de la connaissance subjective que nous en avons, sont l’objet formel (quo). —
L’objet formel, de l’aveu de tout le monde, est l’objet qui spécifie ; spécifier un acte, c’est lui donner les traits distinctifs qui en font une espèce à part. Les traits distinctifs de l’assentiment de foi divine, qui ne se trouvent ni dans la science, ni dans la foi humaine, c’est la valeur suprême de son motif, c’est sa surnaturalité, c’est sa fermeté super omnia. De là aussi une certitude propre et spécifique de la foi divine : toute vraie certitude étant composée de deux éléments, fermeté et infaillibilité, voir col. 200, 207, la certitude de foi divine a une fermeté souveraine ; elle a aussi une infaillibilité spéciale qui lui vient soit de la valeur suprême de son motif, soit surtout de la surnaturalité de l’assentiment. Voir col. 369, 371, 375, 387 sq. Ceci supposé, il faut montrer que l’objet spécificateur, qui donne à l’assentiment ae foi tous ses traits distinctifs, qui exige et mesure sa certitude propre — c’est le témoignage infaillible de Dieu pris objectivement en soi, à l’exclusion de la connaissance subjective que nous en avons. Parcourons ces traits distinctifs de l’assentiment de foi.
— a) Valeur suprême du motif. —
C’est en elle-même et objectivement que l’autorité de
Dieu, c’est-à-dire sa science infaillible et sa véracité qui
ne peut nous tromper, est infiniment liée au vrai.
Infiniment ennemie du mensonge et de l’erreur, ce qui
lui donne une valeur suprême comme motif intellectuel.
Voir col. 331, 332. Au contraire, notre connaissance
subjective de cette autorité divine, nos raisonnements
pour la prouver et l’appliquer à une matière
déterminée, même quand ils font œuvre utile, ne peuvent
que diminuer, dans le résultat final, l’effet de
cette valeur infinie. Voir col. 334. C’est donc l’autorité
divine en elle-même, et non pas la connaissance que
nous en avons qui caractérise notre assentiment de foi
divine, en lui donnant une suprême valeur.
— b) Surnaturalilé de l’assentiment, qui le rend infaillible.- —
I.’au
torité et la révélath n divines prises en elles-mêmes
sont la raison de cette surnaturalité. L’autorité : car
si Dieu a voulu mettre en nous une vertu infuse (fui
donne à l’acte sa surnaturalité, c’est en partie pour
honorer son autorité de témoin, prise en elle-même,
pour qu’un témoignage si excellent fût dignement
reçu par notre foi surnaturelle ; je dis seulement :
en partie, car il y a une autre raison, tirée des mystères
en tint qu’ils sont objet d’attribution, et dent le cônes !
nécessaire. Voir col. 381. La révélation : nous
devons ici nous rappeler certains faits signalés plus
haut. Si la révélation d’un énoncé, d’une proposition,
n’a pas eu lieu objectivement et en réalite, le fidèle
qui s’elî( rce de croire une telle proposition a cause de
l’autorité divine, parce que dans son ignorance il la
conçoit comme révélée, ne peut produire qu’un acte
naturel d’assentiment, auquel la vertu infuse ne peut
concourir. Noir col. 369, 370. Au contraire, si la révé-Ution
a eu lieu objectivement et’/ parte rei, elle est
pour sa part la raison d’elle d’un assentiment surnature,
de foi. On le voit, cette influence 1res particulière
de l.i révélation, en tant que vraie objectivement, sur
la qualité de l’acte de ce fidèle ne dépend nullement de
ce qu’il conçoit subjectivement, et n’atteint pasl’acti
li moyen des raisonnements qu’il [ait. Avei
mêmes raisonnements et sous les mêmes motifs (relu
Ufs) Me crédibilité, un ndéle pourra donner d’une part
un assentiment surnaturel à uni’proposition, d’autre
p. ut un assentiment purement naturel à telle autre
pu position que le même catéchiste lui a m ait par ci uni
comme n ion qu’objectivement la
révélation est réelle ou ne l’est pas. Voir col. 233, 234.
Ainsi, dit Oviédo, le terme où s’arrête l’analyse de la
foi du fidèle est « la révélation existante, en tant
qu’existant objectivement, in re, car notre foi ne peut
se terminer à une révélation qui n’existe pas. » Tractatus
theologici… de fidc.spe et caritale, Lyon, 1651, De
fide, contr. V, n. 73, p. 86. L’acte de foi surnaturel, dit-il
ailleurs, « est ainsi essentiellement lié par lui-même
avec l’existence de la révélation, qui est son objet formel,
et fort de cette liaison, il n’a pas besoin d’aller
mendier sa certitude spéciale en recourant à des prémisses
qui ne pourraient pas la lui donner ; il la tient
intrinsèquement de son objet formel. » Loc. cit.. contr.
II, n. 104, p. 29. En effet, l’infaillibilité spéciale qui
caractérise la certitude de foi divine résulte directement
de sa surnaturalité, sans l’entremise d’aucun raisonnement,
puisqu’elle ne tombe pas même sous notre
connaissance certaine, et que nous n’avons pas à nous
préoccuper de la mettre dans notre acte, voir col. 371374 ; et la surnaturalité elle-même résulte directement
de l’existence objective de la révélation, sans recourir
non plus à l’intermédiaire de notre connaissance subjective.
— c) Fermeté souveraine de la foi. —
Il est bien
clair qu’elle n’arrivera jamais à notre assentiment par
nos connaissances préalables et par voie syllogistique.
Vous aurez beau partir de ce « jugement d’excellence »
ou de préférence : L’autorité de Dieu comme témoin
est plus infailliblement liée au vrai que tout autre
moyen de connaître, voir col. 383 ; ou encore : Ce que
Dieu révèle est souverainement vrai, et ajouter cette
autre prémisse : Il a révélé la trinité. La première, la
majeure, parle bien d’une souveraine autorité, mais
elle-même n’est pas affirmée avec une souveraine
adhésion, avec plus d’adhésion qu’une proposition
philosophique ordinaire : car elle-même n’a pas pour
motif Vauctoritas Dei revelantis, qui est le suprême
moyen de connaître : voir réfutation du système de
Suarez. Il en sera de même de la mineure : plusieurs
même lui donneront une certitude inférieure à celle
de la majeure, parce qu’elle roule sur une simple question
de fail contingent, et pour nous se base en définitive
sur des témoignages humains. Ajoutons que les
deux prémisses peuvent n’être affirmées qu’avec une
certitude relative, ou du meins l’une d’entre elles. Voir
col. 219 sq. Quelle sera la force de la conclusion : Donc
la trinité est souverainement vraie ? Ne nous laissons
pas tromper par ce mot a souverainement » qui n’est
qu’un élément de l’attribut. La question est de savoir
avec quelle force d’adhésion sera prononcé ce mot
est » qui seul exprime l’assentiment, l’adhésion de
l’intelligence. Cette force doit se mesurer a celle de la
prémisse la moins certaine, au plus faible anneau de
la chaîne, d’après les lois mêmes du syllogisme : elle
ne saurait donc être prononcée ici avec une souveraine
fermeté d’adhésion. Recourrez-vous a un coup de
volonté pour obtenir que cette conclusion passe d’un
degré ordinaire d’adhésion à un degré souverain’.' Mais
la volonté, comme le disait le cardinal liillot. voir
col. 197. n’a pas le droit de pousser l’adhésion au-dessus
de ce que demande l’objet formel de la foi : or. pour
vous, l’objet formel de la foi. ce sonl ces prémisses :
VOUS ne pouvez donc les dépasser. Pour nous, au contraire,
l’objet formel de la foi. ce n’est pas un agencement
de prémisses, c’est l’autorité de Dieu et sa parole,
prises objectivement en (Mes mêmes, et seules
dignes d’une adhésion suprême, l’ne fois que cet objet
m’es ! proposé par l’i jugement d’excellence. ma
volonté peut et doit prendre directement une résolution
générale di i i Ité div Ine et la n
liii.in. tout ce qui lis contredirait, voir col..’! '." » sq. ;
lien on renouvelée actuellement dans l’acte de
[ci, ou du moins persévérant v h tuellement dans ci
peel pi’a le fidèle poill failli i ité el la pai nie divines. dans ce soin qu’il a de garder sa foi, voir col. 386, 387 ;
résolution qui, par un contre-coup direcl sur l’assentiment
intellectuel de foi, lui communique le degré souverain
d’adésion, caractéristique de la foi divine.
Voir col. 380, 490. Ainsi la volonté, comme puissance
purement exécutrice, aide l’intelligence à atteindre la
suprême adhésion que méritent, qu’exigent, que mesurent
l’autcrité et la parole de Dieu comme objet formel.
( >n voit que les traits distinctifs <ie l’assentiment de foi
dérivent non pas de notre connaissance subjective et
des prémisses que nous pouvons aligner, mais directement
de Vaucloritas Dei revelantis prise objectivementetensoi ;
celle-ci reste donc l’objet formel, auquel
doit s’arrêter l’analyse quand elle est à la recherche
de cet objet.
C’est trop élargir le concept d’« objet formel » , objectera-t-on peut-être, que de étonner ce nom à des attributs divins en tant qu’ils produisent ou exigent en nous un effet que nous ne voyons pas, une infaillibilité dans notre acte, laquelle ne tombe pas sous la conscience. Le motif d’un acte ne doit-il pas être connu et son influence et son effet ne peuvent-ils être connus au moins par réflexion ? Précisons le vrai concept d’« objet formel » . Grégoire de Valence, après avoir distingué Vobjectum formate quod et Vobjectum formate quo, comme nous l’avons fait, col. 377, parle ainsi du second qui nous occupe en ce moment : « Pour qu’une chose soit objet formel de la foi. ce n’est pas assez que la foi en dépende d’une manière quelconque : il faut qu’elle en dépende comme de sa forme (extrinsèque) c’est-à-dire de son exemplaire (archétype). » Il explique ainsi cette dépendance : Non seulement « la toi, par sa nature, ne peut adhérer à aucune proposition sans que la divine révélation la lui ait montrée, » mais encore « la foi, dans son infaillibilité et sa certitude, imite la divine révélation comme son exemplaire et son modèle. » Car « de même que la révélation est infaillible en ce qu’elle dit, de même il faut que la foi soit toujours infaillible dans son assentiment. » Commentarii theologici. Lyon, 1603, t. iii, disp. I, q. i, p. i, § 5, p. 26. C’est donc à la « cause exemplaire » que ce grand théologien, invoquant le sentiment commun des docteurs, ramène la causalité propre de l’objet formel. Un spécimen classique de la cause exemplaire, c’est le plan tracé par l’architecte. Ce plan reste extérieur à l’édifice, mais l’édifice se construira d’après lui, y trouvera sa forme, ses proportions et ses mesures ; toute la construction est réglée d’avance par le plan, lui donnera son caractère, sa physionomie, son espèce. De même un acte reçoit de son objet formel ses traits distinctifs, est mesuré, réglé, « spécifié » par lui. Aussi saint Thomas représente-t-il les vertus théologales comme « mesurées et réglées » par leurs objets formels : Mensura et régule virtutis theologicse est ipse Deus : fuies enim noslra regulatur secundum verilatem divinam, caritas autem secundum bonitatem ejus, spes autem secundum magniludidem omnipotentiæ et pielalis ejus, Sum. tkeol., Ia-IIæ , q. lxiv, a. 4 ; on voit ici l’énumération sommaire des divers attributs divins fini sont regardés comme les « objets formels » des diverses vertus théologales. Notons que la cause exemplaire n’exécute pas elle-même ce qu’elle règle, ce qu’elle mesure, ce qu’elle détermine : l’exécution revient à une ou plusieurs causes efficientes. Le plan de l’architecte ne construit pas la maison : il demande un entrepreneur, des tailleurs de pierre, des maçons, des charpentiers, etc. Quand donc nous disons que l’autorité et la révélation de Dieu, prises en elles-mêmes, donnent à l’assentiment de foi ses traits distinctifs, nous entendons qu’elles les donnent comme peut les donner une cause exemplaire. Ce qu’a réglé, mesuré, déterminé cet objet formel et spécificateur, diverses causes efficientes devront le réaliser. Ainsi la toute-puissance divine, intervenant immédiatement, élèvera notre intelligence pour produire l’assentiment, soit en mettant en elle l’habilus fidei, soit en excitant par sa grâce act m Ile cel habitus à agir, de manière à rendre l’assentiment intrinsèquement surnaturel, selon que l’exige la révélation objectivement vraie. La volonté humaine (leva, elle aussi, intervenir sous l’influence de la grâce, pour réaliser cette adhésion.super omnia et cette fermeté souveraine, qui est à la mesure de l’autorité ou infaillibilité divine considérée en elle-même. Ce que détermine cette révélation infaillible comme modèle, des intermédiaires qui n’agissent point par voie syllogistique, la grâce et la volonté, sont chargés de l’exécuter : l’assentiment, recevant par elles son infaillibilité et sa fermeté spéciales, n’est donc pas discursif, au moins dans ce qu’il a de spécifique, et ce ne sont pas des « prémisses » qui peuvent revendiquer la fonction d’être son objet formel et spécificateur. D’ailleurs, nous ne nions pas que la chaîne du raisonnement préalable ne figure, elle aussi, parmi les intermédiaires qui transmettent quelque chose à l’assentiment de foi. ainsi que nous l’expliquerons plus bas : mais cette chaîne syllogistique n’est qu’un intermédiaire d’exécution, elle ne transmet, du reste, rien de distinctif ni de spécifique, elle n’a donc aucun titre à faire partie de 1’« objet formel » , quand bien même on voudrait la faire entrer partiellement dans le concept plus vague et plus général de < motif » . Ces deux concepts ne se confondent pas absolument. Le motif n’agit que par l’intermédiaire de la connaissance : l’objet formel peut se servir, comme nous l’avons vii, d’autres intermédiaires que celui de la connaissance. Le motif, c’est en général ce qui, étant connu, meut la faculté à produire son acte, mais ce n’est pas toujours la cause exemplaire et spécificatrice de cet acte : l’objet formel est cette cause.
Corollaires et conclusions. Le rôle complet des motifs de crédibilité et du raisonnement dans la foi. L’analyse apologétique. —
Ce que nous avons dit pour exclure de la dignité d’objet formel les « prémisses » , ou jugements spéculatifs de crédibilité : Dieu est souverainement véridique, il a fait telle révélation, on doit le dire à plus forte raison des « motifs de crédibilité » . Car les jugements spéculatifs de crédibilité, présupposés par l’assentiment de foi au dogme révélé, sont liés de plus près à cet assentiment : les motifs de crédibilité, présupposés par ces jugements cemme leurs preuves, lui sont rattachés de plus loin. Les deux jugements spéculatifs de crédibilité sont exigés invariablement chez tous les fidèles : les motifs de crédibilité ne sont pas exigés de la même manière, ils peuvent varier étonnamment d’un fidèle à l’autre : chez beaucoup d’entre eux, ce sera simplement l’autorité du curé, du catéchiste, ou du moins l’autorité de l’Église comme grande société humaine. Voir col. 150, 221 sq., 231 sq. Comment une autorité humaine pourrait-elle spécifier l’assentiment de foi divine ? Les motifs de crédibilité ne peuvent donc constituer même partiellement l’objet formel de la foi ; ils ne sont par rapport à cet objet qu’une condition applicatrice. Voir ce que nous avons dit contre le système de Lugo, col. 486.
Cela n’empêche pas que d’un autre point de vue on puisse leur reconnaître une certaine causalité à l’égard de l’assentiment de foi. On peut appeler « cause » ce qui donne à l’effet au moins une de ses propriétés essentielles : la simple « condition » ne donne par elle-même rien de semblable, elle est seulement requise pour que la cause donne l’être ou quelque propriété de l’être. Une des propriétés essentielles de l’assentiment de foi, c’est d’être raisonnable. Or, ce sont précisément les motifs de crédibilité qui lui donnent cela, d’après le concile du Vatican : « Pour que l’hommage de notre foi fût raisonnable, rationi consentaneum, Dieu a voulu… des arguments extérieurs de la révélation, c’est-à-dire des faits divins, et surtout les miracles et les prophéties… signes très certains de la révélation divine. » Sess. iii, c. ni, Denzinger. n. 1790. D’autre part, en dehors des motifs de crédibilité, on ne voit pas ce qui pourrait donner à l’assentiment de foi d’être raisonnable. Ce n’est pas l’objet matériel, puisque le mystère que l’on croit dépasse la raison. Ce n’est pas l’objet formel, l’aucloritas Dei revelanlis, de quelque façon qu’on la prenne. Car si on la prend en elle-même comme nous l’avons fait, elle peut Lien être la première mesure et la cause exemplaire de l’acte de foi et, à ce titre, son objet formel : mais tant qu’elle n’est pas appliquée par une connaissance raisonnée à l’objet matériel, l’assentiment que l’on donnerait à celui-ci ne serait pas raisonnable ; de même que le plan dressé par l’architecte est bien en lui-même la cause exemplaire et la première mesure du futur édifice, mais les entrepreneurs ou les maçons ne construiraient pas raisonnablement, s’ils se mettaient à bâtir sans avoir connaissance du plan, ou sans se rendre compte au moins sommairement que ce qu’on leur présente là est bien le plan de l’architecte. Que si l’on prend la divine autorité et la divine révélation dans les énoncés qui les affirment, ces énoncés, n’étant pas de leur nature immédiatement évidents, ne peuvent être raisonnablement acceptés par l’intelligence qu’à cause de leurs preuves, qui sont les motifs de crédibilité. Pour rendre l’assentiment de foi raisonnable ou le justifier apologétiquement, encore moins pourrait-on recourir à la volonté, principe aveugle, ou à la grâce, qui agit d’une manière trop cachée pour qu’on puisse baser là-dessus une justification de l’assentiment auquel elle coopère en secret ; si dans un cas plus rare elle fait reconnaître son action, alors elle se transforme elle-même en nouveau motif de crédibilité. C’est donc toujours aux motifs de crédibilité qu’il faut en revenir, pour s’expliquer à soi-même ou expliquer aux autres que tel assentiment, fondé sur Vauctoritas Dei revelanlis, y est raisonnablement fondé. Et voilà qui confirme ce que nous avons dit plus liant contre ceux des pr< lestants qui négligent de parti pris les preuves et motifs de crédibilité, et contre les lidéisles. Voir col. 1 17, 170, 179.
Mais, dira-t-on peut-être, n’y a-t-il pas contradiction dans tout ceci’. 1 D’après vous, les motifs de crédibilité (comme le disent généralement les théologiens) sont une simple condition, et en même temps ils sont une cause I La réponse nous est fournie par Esparza : île i. dit-il (un acte, par exemple), peut avoir en lui plusieurs propriétés, formalilales, qui soient séparables de leur nature, el qui puissent ailleurs exister séparément. » Ainsi l’assentiment de fi est raisonnable, et surnaturel ; et ces propriétés sont séparées ailleurs, puisqu’il y a des ai tes raisonnables qui ne tonl pas surnaturels. Alors, dit-il, il peut se faire que ce diverses propriétés dérivent de diverses causes, et « pie la caUSl de l’une ne soit, pas cause de l’autre. » Ainsi les motifs de crédibilité sont cause de l’acte de foi en tant que raisonnable, mais ils ne sent pas cause du même acte en tant que surnaturel, ni en tanl que souverainement ferme : l’objet formel est cause de propriétés, Mais, continue l’.spary.a. ce qui attse par rapport a une propriété peut en même temps i ii’condition pai rapport a uni autre. » Ainsi les motifs île crédibilité, tout, en étant cause de l’acte de foi en tant que raisonnable, sont une conoitioii pour rpie l’objet formel, par l’intermédiaire’le la volonti I de la vert u infuse ou de la grâce, ai i ive à réaliser dans ntiment Mi f « i i.i ouverainc fermeté el l’infaillibilité surnaturelle dont il est. la mesure et la r< Cai i’imi ements de crédibilité (Us tirent leur nom de là) sont une condition nécessaire à la volonté pour intervenir prudemment, et à la vertu infuse de foi pour entrer en exercice. Esparza a donc le droit de dire : « Ce qui est cause d’un effet selon une de ses propriétés peut en même temps être une pure condition par rapport à une autre propriété du même effet. » Cursus théologiens, Lvon, 1685, t. i, 1. VI, q. xiv, a. 7, p. 599.
.Mais, poursuivra-t-on, ne reste-t-il pas encore une contradiction ? D’après vous, les motifs de crédibilité ne font point partie de l’objet formel et spécificateur, et cependant ils donnent seuls à l’acte de foi une de ses propriétés essentielles. Comment concilier ces deux assertions ? — En distinguant, parmi les propriétés essentielles de l’assentiment de foi, celles qui sont génériques, et celles qui sont spécifiques. Qu’un acte d’intelligence soit raisonnable, c’est là une propriété générique qui convient à toute espèce d’acte intellectuel. En donnant seulement cette propriété à l’acte de foi, les motifs de crédibilité ne lui donnent rien de distinctif, ils ne le spécifient pas, ils n’ont donc aucun droit à faire partie de l’objet formel, qui spécifie. Par rapport au fonctionnement de l’objet formel, ils restent une simple condition. Le P. Pesch a bien développé cette solution. Pnrleeliones…, .’1e édit., 1910, t. viii, prop. 17, surtout n. 310, 311, 315, p. 140, 142.
Ceci nous permet de distinguer une double analyse de la foi. Il y a l’analyse théologique, remontant de l’objet matériel à l’objet formel et de la foi au principe qui la spécifie. Le grand problème est d’expliquer pourquoi et comment c’est à l’aucloritas Dei revelanlis que cette analyse doit s’arrêter, bien que des motifs de crédibilité antérieurs soient nécessaires pour mettre l’esprit en contact avec cette autorité et cette révélation. C’est le problème que nous venons de traiter. Sa solution se résume à dire que l’aucloritas Dei revelanlis, prise en elle-même et à l’exclusion de la ci nnaissance que nous en avons et des motifs de crédibilité qui fendent cette connaissance, détermine seule les caractères spécifiques de la foi. est le seul principe spécificateur et par conséquent le seul objet formel : il n’j a donc pas lieu d’aller chercher plus loin dans cet ordre d’idées, ni de faire remonter plus haut l’analyse dans cette ligne de l’objet formel, la seule qui préoccupe l’analyse théologique. Mais il a aussi l’analyse apologétique : celle qui, ayant à justifier devant notre propre raison et celle d’autrui l’assentiment à nos degmes, et à le montrer raisonnable, remonte des m slères de la foi au témoignage divin qui par son autorité les garantit, puis de ce divin témoignage à ses preuves, aux motifs de crédibilité. Ici. nous sommes dans une ligne toute différente : il n’y a plus a songer au problème théologique de la spécification et de l’objet formel, mais seulement à montrer que la foi aux dogmes est raisonnable : et puisqu’elle ne l’est que par les motifs ou arguments de crédibilité) c’est jusqu’à eux qu’il faut remonter sans crainte, ou plutôt jusqu’aux premiers laits et aux premiers principes qui leur servent de point de départ, et d’où l’esprit est descendu, par une chaîne Ininterrompue, jusqu’à l’assentiment de foi. Celui ci. malgré sa surnaturalité et ses autres traits distinctifs, rentre ainsi dans la loi générale de la pensée humaine, qui est de ne rien admettre sans preuve s’il n’a pas évidence immédiate, el de remonter de preuve en preuve jusqu’à des faits ou des principes premiers qui se justifient par leui propre évidence. Les Salmanticenses, tout partisans qu’ils sont du dernier système, distinguent sembla blement deux analyses île la foi. sous les noms d’objective et de subjective. La première considère l’acte de loi du cote de son objet formel, la seconde la considère ilu côté du Sujet, on des actes préalables qui sont dans i i Cursus theologlcu » , De jute, dlsp. l. n. 172, Paris, 1879, t. Xl, p. 79. Ht ils veulent que les motifs de crédibilité, avec l’évidence de crédibilité qu’ils donnent, soient le dernier terme où s’arrête l’analyse subjective. Loc. cil., et n. 174, 177. Les lois de l’esprit humain l’exigent : « Tout assentiment obscur, s’il est ferme et prudent, doit se ramener du côté du sujet à un assentiment évident ; et nous voyons la même chose dans la foi humaine. » Loc. cit., n. 175, p. 81.
Établir une pareille chaîne de raisonnement jusqu’à l’assentiment de foi, nous dira-t-on sans doute, c’est exclure la volonté et la grâce, c’est remplacer leur concours par une évidence nécessitante et par une logique toute naturelle. — La volonté’? Elle n’est nullement exclue. D’abord elle aura normalement à intervenir au moins dans l’un des anneaux de la chaîne, peut-être même en plusieurs, à cause des doutes imprudents qui peuvent surgir et de l’évidence seulement morale qu’auront dans cette chaîne un ou même plusieurs énoncés, suivant les circonstances subjectives. Voir col. 209-211. Cette intervention de la volonté ici ou là ne rompra point la continuité du raisonnement apologétique : dans combien de nos raisonnements, même scientifiques et philosophiques, n’arrive-t-il pas qu’une des propositions de la série n’ait qu’une certitude morale, dépendante des dispositions morales et de la volonté ? Pourvu que l’intervention de la volonté ait été légitimée par le verdict du bon sens et le jugement de crédibilité convenable, une telle proposition a une vraie valeur de certitude et peut sans inconvénient tenir sa place dans la série logique, laquelle amènera à une conclusion ferme, quoique non pas souverainement ferme. Cette intervention de la volonté peut déjà servir partiellement à expliquer la liberté de la foi. Voir col. 412, 413. De plus, la volonté doit être animée d’une résolution générale de préférer les vérités révélées à tout ce qui peut les contredire. Voir col. 329 sq. Et du fait de cette disposition entretenue par le sujet, l’assentiment de foi reçoit, par contre-coup direct, une fermeté spéciale. Voir col. 389, 390. Voilà encore une influence de la volonté, sans’qu’il soit nécessaire pour cela de recourir à un oubli des motifs de crédibilité, à un effort contre eux, qui romprait la continuité de la chaîne logique. Ainsi la volonté libre n’est nullement exclue. Et la grâce ? Elle ne l’est pas davantage. D’abord, elle travaille déjà dans les préliminaires de la foi, plus ou moins suivant les circonstances. Voir col. 237 sq. Ensuite, quand vient l’acte de foi proprement dit, c’est-à-dire l’assentiment à l’objet matériel, cet assentiment, du point de vue surnaturel, diffère profondément des jugements spéculatifs précédents, en ce que ceux-ci n’exigeaient pas d’être intrinsèquement surnaturels, d’être produits par la faculté élevée, et, selon la meilleure opinion, ne l’étaient pas, voir col. 365, 366 ; tandis que l’assentiment de foi demande une surnaturalité intrinsèque, œuvre de la grâce, comme l’une de ses propriétés les plus nécessaires. Voir col. 362-364. La grâce développe donc pleinement son influence dans ce dernier assentiment ; mais son intervention, étant invisible, voir col. 371 sq., ne laisse pas de trace dans la connaissance et ne rompt pas la continuité de la chaîne logique ; et l’apologétique, comme telle, peut en faire abstraction. Ces remarques sont importantes pour laisser à l’apologétique, qui ne se confond pas avec la théologie dogmatique, sa juste liberté et sa propre méthode ; pour ne pas l’encombrer de questions théologiques dont elle doit faire abstraction, et qui ne pourraient qu’entraver sa marche.
Nous ne saurions donc approuver, en tant qu’exclusive, la conception que se font beaucoup de théologiens des jugements et des motifs de crédibilité. « Ils servent, disent-ils, à la volonté seulement, pour la rendre prudente dans son intervention. » Lugo a déjà réfuté cette conception, disp. I, n. 32, p. 30, 31. Sans doute, ils servent à la volonté : pourquoi et comment, voir col. 172, 173. On peut même dire que le jugement pratique de crédibilité sert seulement à la volonté, pour diriger prudemment son acte..Mais quant aux jugements spéculatifs et aux motifs de crédibilité qui les prouvent, si d’une part, en préparant le jugement pratique, ils servent à la volonté, de l’autre ils peuvent et doivent servir à l’acte intellectuel de foi, en tant que raisonnable, en formant avec lui cette chaîne continue de raisonnement sans laquelle il n’y aurait ni démenstration ni analyse apologétique de la foi. Laissons donc sans crainte la lumière des premiers principes et des motifs de crédibilité se projeter jusque sur l’acte même de foi pour le rendre raisonnable. Sous ce rapport, il apparaîtra comme la conclusion d’une série d’énoncés ; et l’apologiste, par abstraction, ne verra guère de lui que ce côté générique..Mais une étude plus adéquate de l’acte de foi montrera au théologien que cet acte n’est pas une simple conclusion ; que ses propriétés vraiment spécifiques lui arrivent d’ailleurs que de la voie syllogistique, comme nous l’avons montré plus haut. Appelez-le « conclusion si vous voulez : mais c’est une conclusion d’une nature extraordinaire, une conclusion plus certaine que ses prémisses, comme le remarquait déjà un célèbre théologien du concile de Trente, Véga : Non est inconveniens, conclusionem esse… certiorem quam sinl principia ex quitus infertur, si ab extrinseco et aliunde quam ex præmissis habeal aliquos gradus certitudinis per quos… vincat certitudinem eorum : sicut contingel in proposilo (dans notre cas) propter concursum fldei infusas et pias affeclionis ad assensum conclusions. Tridentini decreli de juslificatione exposilio et defensio, Venise, 1548, 1. IX, c. xxxix, fol. 200, D.
Mais, dira-t-on encore, nous voilà retombés dans l’acte de foi discursif ! — Réponse. — Le mot « discursif » a un double sens. On bien il veut dire que l’assentiment de foi, en lui-même, renferme un raisonnement : et nous avons éliminé radicalement ce sens-là, en disant que la foi n’affirme que son objet matériel. Ou bien il signifie que l’assentiment de foi, simple en lui-même, forme avec les jugements préliminaires un « discours » , une chaîne de raisonnement : et nous éliminons encore ce sens, si l’on entend que l’acte de foi est une pure conclusion, et qu’il tire d’un tel raisonnement toute sa certitude. Considéré spécifiquement, comme on doit le considérer quand on le définit et qu’on étudie sa nature, il ne doit même rien à ce raisonnement, aucun de ses traits distinctifs, ainsi que nous l’avons montré ; ce n’est donc pas là être « discursif » au sens propre du mot. Du reste, pas d’inconvénient à ce qu’il soit discursif dans un sens plus large, sous un rapport secondaire et purement générique, en tant qu’il se rattache à des prémisses qui le rendent raisonnable sans toutefois le spécifier, sans déterminer en rien sa certitude propre et caractéristique. C’est en ce sens que nous avons pu donner l’assentiment de foi comme une connaissance médiate. Voir col. 98, 99. Et il le faut, bien, si l’on veut opposer nettement la doctrine catholique aux théories hérétiques qui font de la foi une connaissance immédiate. Voir col. 101, 106. A cela revient ce qu’il y a de juste dans les remarques de ceux qui suivent avec modifications le système de Lugo, comme le P. Stentrup et le D r Egger. Voir 5e système, col. 488.
Mais, diront les défenseurs d’autres systèmes, si l’on admet cette chaîne de raisonnement, même d’une manière secondaire et qui ne touche pas à la spécification de l’acte, n’est-il pas à craindre que l’autorité et la révélation divines, qui y figurent sous des propositions distinctes, n’en sortent amoindries, et qu’une trop grande importance ne soit donnée aux principes et aux faits qui sont la première base de ce raisonnement apologétique tout entier ? — Cette crainte, outre qu’elle porte ici sur un point seulement secondaire, n’est pas fondée. Elle part de la fausse imagination que ces principes et ces faits, parce qu’ils ont servi de point de départ et ont été posés les premiers dans l’ordre chronologique, sont en vertu de cette position même le fondement propre et principal de la conclusion finale. Il en serait ainsi, si l’on ne tenait compte que de la forme dialectique, qui règle l’ordre des propositions d’un raisonnement..Mais pour bien juger certains processus logiques, il faut tenir compte et de la forme du raisonnement, et aussi de sa matière. Par exemple, un syllogisme où les deux prémisses sont analytiques et a priori, et un autre où l’une d’elles est empirique, peuvent avoir la même forme : ils n’ont pas la même matière, et cela suffit à leur donner une physionomie différente. Qu’un argument démontre Une chose par ses causes ou ses effets propres, cela n’affecte en rien la forme dialectique, c’est pure question de matière : et pourtant cela donne à l’argument le caractère essentiel de science, et en quelque sorte de vision, qui le différencie essentiellement de l’argument d’autorité, comme nous l’avons montré à propos de l’obscurité de la foi. Voir col. 439-446. Dans le processus historique, la première chose, chronologiquement la première, que l’on rencontre, c’est un document, Insuffisant par lui-même, si d’autres manuscrits ou d’autres témoignages ne sont collationnés avec le premier. Ainsi, dans la chaîne apologétique dont nous parlons, on commence souvent par un document d’origine humaine, pour arriver à connaître un motif de crédibilité, qui apparaît lui-même avant la révélation divine, et y conduit ; le document n’est qu’un signe de ce motif de crédibilité, qui lui-même, n’est qu’un signe de la révélation. S’il est de la nature des signes de passer les premiers, de précède ! ’logiquement la chose qu’ils signifient et de conduire à elle, il n’en est pas moins vrai quedesa nature le signeest inférieur et subordonné à la chose signifiée, la révélation, qui à son tour conduira finalement à l’assentiment de foi. Parce que les signes ont ouvert la voie, ce n’est donc pas une raison de dire qu’ils sont la base principale de
inclusion finale ; il faut dire plutôt qu’ils appliquent quelque chose de plus grand qu’eux, la révélalion divine avec son autorité infaillible, avec la précision de son contenu : voilà le centre du processus tout entier, et ce qui lui donne sa physionomie particulii re. Ici vient un exemple allégué déjà par Élizalde : « Pour qlie je sois poussé par l’autorité de saint Augustin à donner mon assentiment a telle théorie, il faut d’abord que je sache que cet ouvrage, où je trouve soutenue la dite théorie, est bien de saint Augustin : connaissance qui m’est souvent donnée par le titre « lu livre, ou par le témoignage d’un homme probe et
ivc. Alors, sans être influencé par le témoignage
homme, mais seulement par la grande autorité
de jaint Augustin, je donne volontiers mon adhésion
d’ailleurs difficile. Ainsi, ma croyance
mie sur le seul témoignage de ce grand docteur, 1 [eant l’autre témoin, souvent très incompétent en matière de doctrines, qui m’applique son témoignage. Op. cit., ii. 846, p. 558. Cet exemple, qui reproduit par plusieurs théologiens, et récemment par h I’Pi cii, loi. cit., n. 331, ne prouve pas ton ! rr qu’on a voulu en tirer : qu’il n’y a pas dans ce cas une chaîne de raisonnement, c’est faux et contre l’expé ; que le témoignage de l’intermédiaire, attestant l’attribution légitime du livre à saint Augustin, doil
ublié, négligé entii quand on se rend a
rand docteur, ce n’est ni nécessaire ni
raisonnable ; que le degré de certitude finale don — la théorie ne se ressent aucunement du plus ou
moins d’autorité reconnue à l’intermédiaire, on peut trouver cela dans les cas de certitude purement relative, chez bien des gens trop facilement satisfaits sur les questions d’authenticité, jusqu’à se contenter du nom qu’ils lisent au dos d’un volume ; mais on ne peut en faire une règle à suivre pour tous les esprits, même les plus avertis. Ce qu’il faut retenir de cet exemple, c’est que l’autorité théologique de saint Augustin, à cause de laquelle j’adhère à la conclusion finale, est vraiment ici le centre de tout le processus, le motif principal que le reste ne fait qu’appliquer ; quand bien même elle ne vient pas la première dans l’ordre chronologique du développement de la pensée, ou dans l’ordre que la forme dialectique pourrait imposer, lit pareillement l’autorité divine est le centre de tout le processus de la foi. Il faut donc rejeter cette conception trop répandue, que tout raisonnement est une chaîne uniforme dont tous les anneaux, s’ils sont certains, seraient d’égale importance, excepté le premier, auquel tout est suspendu. Le point de départ des operations, ou la première majeure de l’enchaînement syllogistique, serait toujours le fondement propre et principal de la conclusion finale. Cette conception n’a pas peu contribué à rendre aiguë la difficulté de l’analyse théologique de la foi. Elle a aussi empêché plusieurs théologiens de voir la profonde différence qu’il y a entre l’argument d’autorité et l’argument scientifique par les causes et les effets, sous prétexte que, dans les deux arguments mis en forme, la première majeure peut être un principe philosophique du même genre, et que ce principe étant la base principale donnera également aux deux arguments le caractère de science et en quelque sorte de vision. C’est là un abus de la dialectique, habituée à ne considérer que la forme des raisonnements. Au contraire, si, comme on le doit, on tient compte aussi de la matière, on distinguera divers procédés logiques d’espèce différente, qui ont leur centre ou motif principal placé non pas toujours au commencement, mais à tel ou tel endroit de la chaîne.
Ce que nous venons de dire de l’autorité d’un témoignage décisif, appliquée à l’esprit par des signes ou des témoignages secondaires, et demeurant le centre d’un procédé logique spécial, convient également au témoignage divin et au témoignage humain. Nous voyons donc pourquoi les Pères, expliquant la foi divine aux fidèles, l’ont si souvent assimilée à cette foi humaine que nous donnons à un témoin qui la mérite. Voir col. 110, 111. Ce que nous avons dit plus haut de la chaîne de raisonnement qui se trouve même dans la foi, considérée du point de vue générique d’acte raisonnable, fait mieux comprendre pourquoi le concile du Vatican dit de la foi : A (Deo) reoelata wra esse credimus. non propier inirinsecam rerum veritalem naturali rationis lumine perspectam, sed »roptcr auctoritatem, etc., voir col. lia ; paroles qui, par le rapprochement des deux motifs de la science et de la foi sous la même particule propier, peuvent facilement donner l’idée d’une marche discursive de put et d’autre ; pourquoi pareillement
les catéchismes donnent aux fidèles des formules facilement interprétées par eux au sens discursif :
i Mon Dieu, je crois fermement tout ce que croit votre Église, parce que nous l’avez, révélé, et que vous ne pouvez ni vous tromper, ni nous tromper. » liicn des fidèles entendent ce mot parer que comme ils l’entendent d’un raisonnement quelconque, et l’Église ne les avertit pas de l’entendre aut renient. El à vrai dire, il n’y a pas d’inconvénient s’ils le font, pourvu que d’ailleurs leur volonté, animée d’une disposition générale
de persévérer dans la foi, fasse son devoir quand
l’occasion s’en présente ; pourvu aussi que la grâce de
i ii vertu infuse rendent surnaturel l’acte qu’ils
font, ce dont ils n’ont pas 6 se préoccuper : ainsi leur assentiment de foi recevra de son objet formel, moyennant la volonté et la grâce, ses caractères spécifiques, sans qu’eux-mêmes aient besoin de connaître ce fonctionnement si complexe. On voit comment notre théorie, tout en répondant par sa complexité à toutes les exigences légitimes, à tous les éléments qui doivent constituer l’acte de foi divine, se simplilie pourtant quand elle arrive à la pratique, et va rejoindre, soit les procédés bien connus de l’esprit humain, soit l’expérience de ce qui se passe chez les fidèles quand ils l’ont l’acte de foi : ce qui est une bonne note pour la théorie. Suarez, lui, avoue que le procédé logique qu’il donne à la foi divine n’a pas d’analogue dans la foi humaine et dans toutes nos connaissances naturelles, étant dû à la seule excellence infinie de la divine autorité : Perlinel… ad infinitam cxccllenliam divinæ verilatis, et ideo non est hœc cognitio cum aliis comparanda. Loc. cit., disp. III, sect. vi, n. 8, p. 66. Là-dessus Lugo observe avec raison que l’Écriture et les Pères ont assimilé le procédé de la foi divine à celui de la foi au témoignage humain : « L’Écriture ne demande pas de notre côté autre chose, si ce n’est que nous croyions à cause du témoignage de Dieu comme nous avons coutume de croire à cause du témoignage d’un homme, en ajoutant seulement une plus grande fermeté d’assentiment, comme l’exige la plus grande autorité de celui qui parle (I Joa., v, 9). » De flde, disp. I, n. 117, Paris, 1891, t. i, p. 68. On trouvera le reste du passage cité par le cardinal Billot, De virtutibus infusis, 1905, Proleg., c. iii, § 1, p. 75. Voir également ce que Lugo dit des saints Pères. Loc. cit., n. 147, p. 81. Sans doute, l’acte de foi a une propriété, la surnaturalité, qui n’a pas d’analogue dans la foi humaine ; mais le fidèle n’a pas à s’en inquiéter, Dieu s’en charge. Ce que le fidèle doit fournir de son côté, ce qui tombe sous sa conscience, répond à ce qui se fait dans la foi humaine, sauf toujours la fermeté souveraine due à l’excellence du témoin divin, et que l’Église enseigne aux fidèles. Par là l’enseignement pratique de la foi divine aux multitudes se trouve singulièrement simplifié ; et, tel qu’il se passe dans l’Église, infaillible gardienne de la foi, il dément les théories qui ne peuvent s’accorder avec lui. On ne peut donc s’écarter de lui sous prétexte que le procédé logique que l’on propose est « un grand mystère de la foi, » comme le dit Suarez, loc. cil. Et Lugo n’a pas tort de répondre : « J’ai en horreur cette méthode de philosophie ou de théologie par où l’on esquive une difficulté scolastique en recourant à des mystères, qui rendent les choses de notre foi difficiles, incroyables, inintelligibles à tous… Tous les fidèles éprouvent… qu’ils agissent sur les objets de foi comme sur les autres objets, que leur intelligence n’est pas transportée à un autre mode d’agir… La fonction d’un théologien n’est donc pas d’imaginer la nature des choses à sa guise, et dans le but de répondre aux objections qu’on lui fait, ni de se persuader que les choses se passent contre l’expérience générale ; mais plutôt de consulter l’expérience même des fidèles. » Loc. cit., n. 38, p. 34 ; le passage complet est cité par le cardinal Billot, loc. cil., p. 74.
Cet élément générique de la foi divine, qui la rattache aux procédés logiques ordinaires, explique aussi pourquoi saint Thomas n’a pas craint de lui donner une allure discursive dans quelques passages, utilisés contre le dernier système par Wilmers. Loc. cit., p. 328, 343. Ainsi, le saint docteur donne cette explication du texte qui appelle la foi argumentum, Ileb., xi, 1 : « La raison (dans l’acte de foi) donne son assentiment à quelque chose parce que Dieu l’a dit, l’assentiment provient donc de l’autorité de celui qui parle. Or. parmi les arguments de la dialectique, il y en a aussi un qui est tiré de l’autorité. » Quæst. disp.. De vcrilale, q. xiv, a. 2, ad 9um. Ailleurs, il maintient que la foi est un « argument » malgré cette objection : L’argument donne l’évidence, ce qui semble contraire à l’obscurité de la foi (non apparenlium). Sa réponse consiste a distinguer divers arguments, du eôlé de la matière : celui qui est tiré des causes propres (ou des effets) de la chose, et l’argument extrinsèque d’autorité. Voir col. 439 sq. « L’argument tiré des propres principes de la chose, dit-il, la fait apparaître : mais l’argument tiré de l’autorité divine ne fait pas apparaître la chose en elle-même ; et c’est celui qui est mis dans la définition de lafoi. « Sum.llieol., II » II 33, q. iv, a. 1, ad 5 U ". On peut citer aussi q. i, a. 1, voir col. 99.
Concluons de tout ce qui précède, que l’acte de foi n’est pas discursif à proprement parler, et crue cependant il l’est sous un certain rapport. Il ne l’est pas en lui-même ; il ne l’est pas non plus par rapport aux jugements qui le précèdent, si l’on considère sa certitude propre et sa valeur spécifique ; car elle ne lui vient pas par voie syllogistique, mais par le double apport de la volonté et de la vertu infuse ; en quoi il diffère absolument de l’assentiment parfait de science. Il est toutefois discursif par rapport aux jugements qui le précèdent, si l’on considère uniquement sa propriété générique d’assentiment raisonnable ; elle lui vient, par voie syllogistique, de ces jugements et de leurs preuves, qui sont ainsi, comme jugements, un fondement pour l’acte de foi, mais fondement partiel et secondaire, bien qu’important en apologétique. L’axiome d’où est parti Suarez, et après lui Lugo et tant d’autres : « le fondement doit être aussi solide que l’édifice, la cause doit contenir la perfection de l’effet » — est vrai quand il s’agit de la cause adéquate, du fondement total, ou au moins principal ; il est faux quand il s’agit d’un fondement partiel et d’une cause secondaire.
XIII. NÉCESSITÉ DE LA FOI POUR LE SALUT.
1° Nécessité de précepte.
Que la foi soit nécessaire au salut, au moins de nécessité de précepte, comme un grave devoir que Dieu même impose, et dont l’omission volontaire menace le salut éternel, c’est ce qui résulte d’une foule de textes scripturaires où le refus de la foi entraîne la condamnation au jugement de Dieu, où la foi apparaît comme une condition nécessaire soit pour le salut éternel, soit pour la justification qui seule nous met sur la voie du salut, soit pour le baptême où s’opère la justification. Voir col. 58, 60, 63, 72, 108, 109, 279, 329, 330, 393. Bon nombre de textes de Pères, que nous avons eu occasion de citer, affirment aussi la nécessité et l’obligation de la foi. Voir col. 79-81, 114, 115, 186, 188, 280. 330, 331. Il en est de même pour les documents de l’Église. Voir col. 115, 189, 190, 280, 289, 290.
L’obligation de la foi suppose que nous sommes physiquement libres de croire ou de ne pas croire, du moins avec la crédibilité suffisante et la grâce de Dieu. Voir col. 393. Des protestants et des rationalistes ont attaqué cette obligation, précisément parce qu’ils ne comprenaient pas la liberté de la foi divine, ou même celle de beaucoup de « croyances » . Voir col. 399. L’ignorance invincible excuse du précepte de la foi comme de tous les autres ; l’Église a condamné cette 68e proposition de Baius : In/idelitas pure negatioa in his, quibus Christus non est prædicatus, peccatum est. Denzinger, n. 1068. Le précepte de la foi oblige-t-il un infidèle qui n’a qu’une crédibilité incomplète ? Voir col. 198, 200 sq.
La grâce inspire, aide et surnaturalise la volonté de croire. Voir col. 359-361, 395. Elle rend l’accomplissement de précepte possible en aidant à avoir la crédibilité suffisante. Voir col. 237 sq. Une providence spéciale veille à ce que le fidèle qui fait son devoir en matière de foi ait toujours les motifs de crédibilité qui lui sont nécessaires pour accomplir le précepte