Dictionnaire de théologie catholique/ESPRIT-SAINT. I. SA DIVINITÉ I. D'après l'Ecriture
surnaturelle, elle mérite la dénomination de Saint-Esprit. Ibid., col. 784. Mais, d’après la juste remarque de Suicer, Thésaurus, t. ii, col. 761, cette étymologie exprime plutôt une allusion, une adaptation au Saint-Esprit, que la racine d’où dérive le mot pneuma. Celui-ci est un dérivé du verbe pneo : il s’ensuit donc que sa signification vulgaire et primitive, soit chez les auteurs classiques, soit chez les auteurs inspirés, est souffle, vent. P. de Régnon, t. iii, p. 226 ; Lechler, t. i, p. 91 ; Nôsgen, t. I, p. 17.
Cette signification de vent est attribuée au mot πνεῦμα dans plusieurs textes de l’Écriture sainte ; selon Théodoret, Quæst. in Gen., q. viii, P. G., t. lxxx, col. 89, il a ce sens même dans le fameux texte de la Genèse, i, 2 ; cf. pseudo-Athanase, Quæst. xi.viii in V. T., P. G., t. xxviii, col. 729, et d’après saint Jean Chrysostome, il en est de même dans le texte de saint Jean, iii, 8. In Joa., homil. xxvi, P. G., t. lix.col. 152 ; In Epist. I ad Cor., c. xxix, P. G., t. lxi, col. 246. Voir aussi Job, i, 19 ; Is., xxvii, 8. Dieu est appelé par Amos κτιζῶν πνεῦμα, créateur des vents, iv, 13. Le mot πνεῦμα désigne aussi le souffle de la personne vivante, en particulier le souffle de la bouche de Dieu, Ps. xxxiii, 6 ; Dieu extermine l’impie par le souffle de sa bouche. II Thess., ii, 8.
De ce sens primitif, le mot πνεῦμα a passé à la désignation des forces spirituelles et des substances immatérielles. Nous le trouvons tout d’abord employé dans le sens de principe de la vie commune à tous les êtres animés, principe général, distinct du principe de la vie spécifique de l’homme, l’âme, ψυχή. Le déluge détruit toute chair ayant le souffle de la vie. Gen., VI, 17 ; vii, 15. Il exprime tout ce qui est opposé à la matière : celle-ci est inerte, tandis que l’esprit est la source de la vie. Gen., vi, 3 ; Trochon, Introduction générale à l’Écriture sainte, Paris, 1894, t. ii, p. 678.
Il désigne l’âme humaine, qui vivifie le corps, Gen., VI, 3 ; Hummelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 215 ; ou l’âme séparée du corps, Heb., XII, 23 ; la partie rationnelle de la nature humaine, la pensée qui s’élève à la connaissance des choses divines et éternelles, Heb., iv, 12 ; les tendances, les inclinations, les passions, les affections de notre nature, nos sentiments. C’est ainsi que les hommes ont l’esprit de colère. Job, iv, 9 ; l’esprit de sagesse, Exod., xxviii, 3 ; l’esprit d’intelligence et de savoir, Exod., xxxi, 3 ; l’esprit de jalousie. Num., v, 14 ; Eccle., vii, 9
Le sens de πνεῦμα ne reste pas enfermé dans les limites de l’ordre naturel. Il désigne le monde angélique, le règne des esprits créés par Dieu pour remplir ses volontés. Dieu est appelé le Dieu des esprits, Num., XVI, 22 ; de Hummelauer, Commentarius in Numeros, Paris, 1899, j). 13.5-136 ; il fit les anges « des esprits » , en leur donnant la nature immatérielle. Ps. ciii, 1. Le mot « esprits » désigne les anges bons et les anges mauvais, Jud., ix, 23 ; de Hummelauer, Commentarius in libros Judiciim, Paris, 1888, p. 190 ; un fantôme, un revenant. Luc, xxiv, 37.
Appliqué à Dieu, il désigne l’être de Dieu, l’acte très pur de son existence, et il établit une antithèse entre l’être divin et la matière. Dieu est esprit, Is., iv, 24 ; les attributs divins, la toute-puissance, Luc, i, ' 35 ; sa sagesse et sa beauté. Job, xxvi, 13 ; de Hummelauer Commentarius in libros Judicum, p. 78 ; l’action de Dieu sur l’homme, action qui est la source de l’esprit prophétique, Ezech., xxx vi, 26 ; l’inspiration divine. Ezcch., XIII, 12 1 1.
En résumé, le mot esprit a :
1o un sens phvsique qui
exprime des phénomènes naturels ;
2o un sens physiologique, qui désigne la vie et ses manifestations ;
3o un
sens psychologique, qui exprime l’âme humaine, ses
puissances, ses affections, sa vie ;
4o un sens préternaturel pour désigner le monde visible et les êtres qui
en font partie ;
5o un sens surnaturel pour énoncer
l’être de Dieu, sa vie, ses attributs, son action sur
l’âme humaine. Cette variété de significations, observe
le P. de Régnon, devait nécessairement causer bien
des embarras aux docteurs de l’Église dans leurs
discussions avec les hérétiques. Car, d’un côté, ils
devaient légitimer l’emploi qu’ils faisaient de certains
textes scripturaires pour montrer la divinité du Saint-Esprit, et, d’un autre côté, ils avaient à écarter les
textes qui avaient rapport à quelque créature, t. iii,
p. 288.
Toutefois le mot esprit, dans la sainte Écriture, a une autre signification, à laquelle, remarque Didyme d’Alexandrie, on n’arrive pas au moyen de la philosophie. Liber de Spiritu Sancto, n. 2, P. G., t. xxxix, col. 1033-1034. On y trouve mentionné souvent l’esprit de Dieu : רוּחַ אֱלֹהים ; l’esprit du Seigneur : רוּחַ יְהֹוָה ; l’esprit saint : רוּחַ קֹדֶשׁ. Faut-il entendre ces expressions dans un sens absolument allégorique, dans le sens de manifestations de la grâce et puissance de Dieu, ce qui, parfois, n’est pas contraire à la vérité ? Berti, De theologicis disciplinis, t. vii, c. xiv, Bassano, 1792, t. ii, p. 50. Ou même faut-il y voir la dénomination d’une personne réelle, qui participe à l’être et à la vie de Dieu ? Didyme, op. cit., n. 4, col. 1035. La tradition des Pères et la théologie chrétienne sont unanimes à reconnaître que l’Ancien et le Nouveau Testament, le premier par des allusions voilées, le second par des assertions explicites, affirment l’existence d’une personne distincte, de la très sainte Trinité, et que cette personne est désignée le plus souvent par la dénomination de Saint-Esprit.
Suicer, Thesaurus ecclesiasticus, t. ii, col. 763-780 ; Schenkel, Bibel-Lexikon, Leipzig, 1800, p. 367-369 ; Grimm. Lexicon græco-latinum in libros Novi Testamenti, Leipzig, 1879, p. 361 ; Cremer, Biblisch-theologisches Wörterbuch der neutestamentlichen Gräcilät, Gotha, 1895, p. 829-847 ; P. de Régnon, Etudes de théologie positive sur la sainte Trinité, Paris, t. iii, p. 287-302 ; Lechler, Die biblische Lehre von heiligen Geiste, Gutersloh, 1899, t. i ; Nôsgcii, Der heilige Geist, sein Wesen, und die Art seines Wirkens, Berlin, 1905, t. i ; Brown, A hebrew and english lexicon of the Old Testament, Oxford, 1906, p. 224-226 ; Hagen, Lexicon biblicum, Paris, 1911, t. iii, p. 1056-1060.
2o Le Saint-Esprit dans l’Ancien Testament. —
1.Remarques préliminaires. —
Avant d’aborder la doctrine de l’Ancien Testament sur la réalité, la divinité et la personnalité du Saint-Esprit, il est utile de remarquer :
a) que le Vieux Testament est une préparation à la révélation pleine et entière du Nouveau. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que renonciation des mystères touchant la vie intime de Dieu n’y soit pas précise et n’y soit pas clairement développée. Aux justes et aux prophètes de l’ancienne loi. Dieu parle par figures et en énigmes. Par leur entremise il donne au peuple juif la préface du livre de la révélation chrétienne. La plénitude des temps n’était pas arrivée pour que fût donnée une connaissance plus approfondie des mystères de Dieu, Gal., iv, 3, et en particulier, au sujet du Saint-Esprit, l’Ancien Testament est réellement un livre couvert d’un voile. II Cor., III, 14. Voir Scheeben, La dogmatique, trad. franc., Paris, 1880, t. ii, p. 532 ; Franzelin, Tractatus de Deo trino, Rome, 1895, p. 97-98.
b) Il est avéré aussi que l’Ancien Testament est bien plus clair et explicite à l’égard du Fils qu’à l’égard du Saint-Esprit. C’est pour cela que les théologiens qui traitent du Saint-Esprit, ou bien passent sous silence, comme dépourvus d’autorité, les témoignages de l’Ancien Testament, ou bien ne leur donnent qu’une importance secondaire. « La raison, dit Scheeben, pour laquelle la personne du Fils ressort aussi 679 ESPRIT-SAINT 680
distinctement, c’est que l’Ancien Testament tout entier n’était qu’une préparation, une annonce de la mission et de la manifestation du Fils dans l’incarnation ; la personne du Saint-Esprit, au contraire, se montre moins visiblement, parce que sa mission et sa manifestation supposent celle du Fils, et que leur annonce devait naturellement être proclamée par le Fils de Dieu incarné. » Op. cit., t. ii, p. 533.
c) Il y a des exégètes protestants, et même catholiques, qui déclarent que l’Ancien Testament ne fournit pas de preuves directes, d’indications précises et détaillées sur le Saint-Esprit ; voire même qu’on n’y découvre pas la moindre trace de sa personnalité, que tout ce qui y est dit de l’esprit de Dieu, doit s’entendre de Dieu lui-même ; que l’esprit de Dieu n’est pas une personne distincte, subsistant dans l’essence divine, mais l’être immatériel et invisible de Dieu, son énergie vitale, son action sur les hommes pris individuellement ou socialement. Schenkel, Bibel-Lexicon, t. ii, p. 218 ; Hastings, A dictionary of the Bible, Edimbourg, 1899, t. ii, p. 403 ; Driver, The book of Genesis, Londres, 1904, p. 4 ; Dictionnaire de la Bible, Paris, 1899, t. ii, col. 1967. Mais il y a aussi d’autres exégètes, qui croient découvrir dans l’Ancien Testament de nombreux témoignages explicites et de nombreuses preuves directes de la personnalité et de la divinité du Saint-Esprit. Mac Ilhany arrive jusqu’à soutenir que 81 textes de l’Ancien Testament, où il est question de l’Esprit de Dieu, se rapportent directement au Saint-Esprit : tous les autres indirectement : la révélation de l’Ancien Testament au sujet du Saint-Esprit ne serait donc pas moins affirmative que celle du Nouveau. Revue biblique, t. xi (1902), p. 301. On peut tenir un juste milieu entre ces deux opinions divergentes. Il est hors de doute que les textes de l’Ancien Testament, même ceux que les théologiens citent de préférence, peuvent s’entendre d’une vertu, d’une force divine, ne déterminent pas d’une manière absolue la subsistance du Saint-Esprit. Bien plus, du temps de saint Grégoire de Nazianze, les ennemis du Saint-Esprit déclaraient qu’on ne parlait pas de lui dans la révélation. Or., xxxi, P. G., t. xxxvi, col. 133. Il ne faut pas oublier, toutefois, que les textes de l’Ancien Testament peuvent être interprétés à la lumière du Nouveau et de la doctrine de l’Église, et ils l’ont été ainsi par les Pères ; leur obscurité n’oblige donc pas à souscrire aux conclusions des exégètes rationalistes, qui écartent le Saint-Esprit du contenu de l’ancienne révélation.
Ces trois remarques posées, nous disons que l’Ancien
Testament renferme des linéaments des trois
affirmations de la foi catholique au sujet du Saint-Esprit :
a) il y a en Dieu une troisième personne ;
b) cette personne a la nature divine ;
c) elle est distincte du Père et du Fils.
2. Il y a en Dieu une troisième personne. —
On parle souvent dans l’Ancien Testament de l’Esprit de Dieu, de l' Esprit du Seigneur, de l'Esprit-Saint. Cet esprit est parfois mentionné avec Dieu. « Le Seigneur Jéhovah m’envoie avec son esprit. » Is., xlviii, 16. Dans ces paroles qui, au sens mystique, d’après les Pères, sont prononcées par le Messie, l’Esprit de Dieu indique une personne ayant la nature divine, et ne pouvant pas, cependant, se confondre avec le Seigneur Jéhovah. Heinrich, Dogmalische Théologie, Mayence, 1885, t. iv, p. 122-124. Mais le texte hébreu s’entend seulement de l’esprit prophétique communiqué par Dieu. J. Knabenbauer, Commentarius in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. ii, p. 223-225. A. Condamin, Le livre d’Isaïe, Paris, 1905, p. 293-294, l’entend même de Cyrus, envoyé par Dieu avec son ardeur guerrière.
Les Pères donnent une règle pour discerner dans l’Ancien Testament quand le mot « esprit » désigne le Saint-Esprit, ou quand il se rapporte à des créatures ou à des forces naturelles et surnaturelles. Lorsqu’il est précédé de l’article, ou encore lorsqu’il est déterminé (esprit de Dieu, du Père, du Christ, esprit saint), il convient au Saint-Esprit. “Ὅλως ἄνευ τοῦ ἄρθρου, ἡ τῆς προειρημένης προσθήκης, οὐχ ἄν εἴη σημαινόμενον τῷ πνεῦμα τὸ ἅγιον. Cf. S. Athanase, Epist., i, ad Serapionem, n. 4, P. G., t. xxvi, col. 537 ; Didyme d’Alexandrie, De Spiritu Sancto, n. 3, P. G., t. xxxix, col. 1035.
3. La personne du Saint-Esprit dans l’Ancien Testament peut être considérée comme une personne divine. —
La divinité du Saint-Esprit, dit saint Athanase, nous est prouvée par le témoignage des deux Testaments. Epist., 1, ad Scrapionem, n. 7, P. G., t. xxvi, col. 548. Les Pères de l’Église, soucieux de montrer la continuité de la révélation chrétienne, de surprendre, dans l’Ancien Testament, l’affirmation timide des vérités déclarées et énoncées clairement dans le Nouveau, ont, de bonne heure, recueilli les textes qui, dans l’ancienne loi, semblent se rapporter au Saint-Esprit. Un recueil de ces textes a été inséré par saint Athanase dans la première Épître à Sérapion, n. 5, P. G., t. XXVI, col. 537-541. D’après la théologie chrétienne, l’Ancien Testament professe la foi en la divinité du Saint-Esprit pour les raisons suivantes :
a) parce qu’il échange le nom de Jéhovah avec celui du Saint-Esprit ; dans les mêmes circonstances, il attribue au second la même action qu’il avait attribuée auparavant au premier. « L’esprit de Jéhovah a parlé par moi, et sa parole est sur mes lèvres : le Dieu d’Israël a parlé. » II Sam., xxiii, 2, 3. Quelquefois c’est Jéhovah qui parle par la bouche des prophètes, Num., xii, 6 ; Ps. Lxxxv, 9 ; Is., i, 2, 10 ; c’est encore l’esprit de Jéhovah qui est sur les prophètes, Is., lxi, 1, qui est l’auteur de leurs visions, Ezech., xi, 24, et la source de leur science surnaturelle. Dan., iv, 6. C’est Jéhovah qui conduit Israël à travers le désert, Deut., xxxii, 12, qui le guide dans le pays aride et crevassé, dans le pays desséché, où règne l’ombre de la mort, où nul homme ne passe et personne n’habite, Jer., ii, 6 ; mais c’est aussi l’Esprit-Saint qui a fendu les eaux de la mer Rouge, qui a fait marcher le peuple d’Israël à travers les abîmes et l’a conduit au repos. Is., Lxiii, 10-14. Les Israélites tentèrent Dieu dans le désert, en demandant de la nourriture suivant leur convoitise, et parlèrent contre Dieu, Ps. lxxviii, 17-18 ; mais leur révolte attrista aussi l’Esprit-Saint. Is., Lxiii, 10. L’Esprit de Jéhovah, au même titre que Jéhovah, est l’inspirateur de la conduite des juges d’Israël. Jud., iii, 10 ; xi, 29 ; xni, 24, 25. Puisque donc Dieu le Seigneur et l’Esprit du Seigneur accomplissent les mêmes actions d’ordre surnaturel, la nature divine de Jéhovah appartient aussi à l’Esprit de Jéhovah. Klee, Katholische Dogmatik, Mayence, 1844, t. i, p. 171-172.
b) L’acte de la création n’est que la manifestation d’une puissance divine. Or, l’acte de la création est attribué au Saint-Esprit aussi bien qu’au Père. Donc, le Saint-Esprit révèle dans le monde sa puissance divine, c’est-à-dire sa nature divine. Pour prouver l’action créatrice du Saint-Esprit, on a invoqué tout d’abord le texte de la Genèse : L’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux, i, 2, qui, d’après saint Augustin, désigne la puissance créatrice de Dieu. Cf. Ps. XXXII, 6 ; Witasse, Tractatus de sancta Trinitate, dans Theologiæ cursus complelus de Migne, t. VIII, col. 500-504. C’est l’Esprit de Dieu qui crée les hommes et leur donne la vie. Job, xxxiii, 4 ; Heinrich, t. IV, p. 119. Et non seulement il a créé les cieux et les astres, Ps. xxxiii, 6, mais il est la source de la vie. Sans lui, toute chair expirerait à l’instant, et l’homme retournerait en poussière. Job, xxxiv, 14, 15.
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Ces textes, qu’on pourrait multiplier, montrent donc que, d’après l’Ancien Testament, dans l’ordre naturel, le Saint-Esprit est créateur au même titre que le Père et le Fils, c’est-à-dire qu’il participe à l’être divin. Cependant, les textes cites ne conviennent pas explicitement à une personne distincte de Dieu ; ils ne se rapportent qu’à l’esprit de Dieu lui-même. C’est seulement à la lumière du Nouveau Testament que les Pères et les théologiens leur ont donné une signification qu’ils n’ont pas par eux-mêmes.
c) L’Esprit-Saint est divin ; il appartient à Dieu et il peut être dit Dieu si l’Ancien Testament lui applique les attributs de Dieu. Or, tous les attributs de Dieu lui sont appliqués. Donc l’Esprit-Saint est de Dieu, sinon Dieu même. Il est éternel. Si les premiers versets de la Genèse l’associent à Dieu dans l’œuvre de la création du monde, il a précédé le temps et il est éternel. Il est immense, parce qu’il remplit tout, contient tout, Sap., I, 7, atteint tout d’une extrémité du monde à l’autre, vni, 1 ; il est dans tous les êtres, xii, 1. (^f. Ps. cxxxix, 7-10. Il est omniscient, parce qu’il est le véritable scrutateur des cœurs, et il entend tout ce qui est dit. Sap., i, 6, 7.
d) Le Saint-Esprit n’est pas seulement puissant, d’une puissance divine dans l’ordre naturel. Il est aussi le principe, l’auteur, la source de la vie surnaturelle. Il fortifie les hommes, il les remplit de force pour qu’ils accomplissent le bien ; il leur donne l’intelligence. Job, XXXII, 8. C’est un esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, Is., xi, 2, un esprit qui repose sur le Messie pour porter la bonne nouvelle aux malheureux, panse ceux qui ont le cœur brisé, annonce aux captifs la liberté, aux prisonniers le retour à la lumière, et console tous les affligés. Is., lxi, 1, 2. Les justes de l’ancienne loi l’invoquent. Ils demandent à Dieu qu’il ne leur retire pas cet Esprit-Saint, Esprit de bonne volonté, Ps. li, 13-14, esprit qui les conduit dans la voie droite. Ps. ci.i, 10. Cet esprit exerce tout particulièrement son influence sur le peuple élu. Num., xi, 17. Il répand les bénédictions de Dieu sur la postérité de Jacob. Is., xLiv, 3. Il remplit de sagesse, d’intelligence et de savoir Béseléel, fils d’Uri, Exod., xxxv, 30, les prophètes, les héros d’Israël, tels que Josué, Num., xxvii, 18 ; Dcut., xxxiv, 9 ; Othoniel, Jud., iii, 10 ; Jephté, XI, 29 ; Samson, xiii, 25 ; xlv, C, 19 ; xv, 14 ; David. II Sam., xxiii, 2. Beaucoup de ces textes, nous le répétons, signifient la force de Dieu. Spirittis Domini, dit le P. Knabenbauer, ipsum dicit Deum quatenus vi ac virtute sua et luce hominis mentem animumque pervadit et penetrat, hominis sibi reddit subservientes et hominem ipsum ad majora et actiones intelligenda et penetranda evehit. Commentarius in Isaiam prophetam, Paris. 1887, t. i, p. 270. Mais l’exégèse des Pères les entend du Saint-Esprit. Les Pères en appellent au témoignage du Nouveau Testament.
« Ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par
l’Esprit-Saint que les saints hommes de Dieu ont parlé. » II Pet., i, 21. L’Esprit donc, qui inspire les prophètes, qui donne sa lumière aux chefs du peuple élu, qui répand ses grâces et ses dons, n’est pas une personnification symbolique de la force de Dieu, mais une personne réellement subsistante qui participe à la nature divine. Schell, Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890. t. ii, p. 40 : Heinrich, l. iv p. 122.
e) L’Esprit du Seigneur, dans les prophéties messianiques, repose avant tout sur celui en qui Dieu se complait et qui répandra la justice parmi les nations. Ps. xi.ii, 1 ; i.ix, 21. La rédemption est l’effusion de la grâce de l’esprit de Dieu dans les âmes ; effusion qui engendre un esprit nouveau. Ezech., xi, 19 ; xxxvi. 23. L’Esprit de Dieu, se répandant sur toute chair, produit une floraison admirable de charismes surnaturels, Joël, H, 28-29 ; il tourne les cœurs des habitants de Jérusalem vers celui qu’ils auront transpercé. Zach., xii, 9, 10. Le Saint-Esprit est donc associé à l’œuvre de la rédemption. Les écrivains inspirés de l’Ancien Testament ne se bornent pas à prédire les épisodes sanglants de la vie du Christ : ils prédisent aussi l’épanouissement de la vie surnaturelle dans les âmes, et attribuent à l’Esprit de Dieu cette œuvre de sanctification et d’élévation. Même les auteurs inspirés du Nouveau Testament en ont appelé à l’Ancien, à propos du Saint-Esprit, par exemple, à la prophétie de Joël, II, 28, 29, pour affirmer l’action du Saint-Esprit sur l’Église primitive. Ces auteurs reconnaissent donc implicitement que l’Ancien Testament, qui rend témoignage au Fils, rend aussi témoignage à l’Esprit-Saint.
f) D’après la théologie chrétienne, les textes les plus clairs de l’Ancien Testament sur le Saint-Esprit se trouvent dans le livre de la Sagesse. L’Esprit-Saint y est représenté comme l’éducateur des hommes, fuyant l’astuce, s’éloignant des pensées dépourvues d’intelligence, se retirant de l’âme à l’approche de l’iniquité, aimant les hommes et ne laissant pas impuni le blasphémateur pour ses discours impies. Sap., i, 5, 6. Le c. vii énumère les perfections de l’Esprit de Dieu, intelligent, saint, unique, multiple, immatériel, actif, pénétrant, sans souillure, infaillible, impassible, aimant le bien, sagace, ne connaissant pas d’obstacles, bienfaisant, bon pour les hommes, immuable, assuré, tout-puissant, surveillant tout, pénétrant tous les esprits, les intelligents, les purs et les plus subtils. Sap., vii,22, 23. D’après quelques exégètes, ces textes de la Sagesse contiennent l’expression aussi formelle que possible de la divinité du Saint-Esprit. Lesêtre, Le livre de la Sagesse, Paris, 1896, p. 67. L’esprit de sagesse n’est pas dans ce livre une abstraction, une personnification oratoire. Il a les attributs de la divinité. On énumère ses perfections avec une clarté et une ampleur inaccoutumées. Ibid., p. 20 ; R. Cornely, Commentarius in librum Sapientiœ, Paris, 1910, p. 280-288. D’autres cependant considèrent cette sagesse connue un attribut de Dieu commun aux trois personnes divines. Corneille de la Pierre, Commentarius in Sapientiam, Venise, 1761, p. 650. Quoi qu’il en soit, il est certain que les Pères de l’Église, en particulier saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxxi, n. 29, P. G., t. xxxvi, col. 167, et saint Augustin, Epist., clxix, ad Evodium, c. ii, n. 7, P. /, ., t. xxxiii, col. 744, attribuaient ces textes au Saint-Esprit. Saint Ambroise y voit une preuve de la divinité du Saint-Esprit : Sicut Pater et Filius ita et Spiritus immaculatus est et omnipotens, quia græce ira πα τοδύνχηον, παντεπίσλοπον Salomon dixit, eo quod omnipotens et speculator sit omnium, sicut lectum esse in libro Sapientiæ supra est demonstratum. De Spiritu Sancto , I. III, c. xxiii, n. 169, P.L., t. xvi, col. 815816. Cf. c. xviii, n. 135, col. 808. Remarquons que quelques-unes des épithètes, énumérées par le livre de la Sagesse, peuvent aussi s’entendre de la sagesse créée, qui est objectivement et subjectivement une image de la Sagesse incréée. Heinrich, t. iv, p. 124125 ; Schell, t. ii,p. 46-47.
4. Le Saint-Esprit apparaît parfois dans l’Ancien Testament comme une personne distincte du Père et du Fils. —
Le livre de la Sagesse affirme que dans la Sagesse habile, demeure l’Esprit-Saint. Or, cette Sagesse incréée, d’après la doctrine commune des Pères et des théologiens, est plus ou moins nettement une hypostase divine, le Verbe de Dieu. Heinrich, t. IV, p. 25-114. Il doit donc y avoir une relation intime entre la Sagesse divine et l’Esprit qui vit en 683 ESPRIT-SAINT 684
elle. Celle relation ne peut être que l’identité de nature. Schell remarque que l’Esprit, qui vit dans la Sagesse et qui établit sa communion avec les âmes, ne peut jaillir que de la Sagesse elle-même, parce que la Sagesse divine ne peut rien avoir en elle qui ne lui appartienne. La Sagesse ne pourrait pas prendre possession des âmes et être acceptée par celles-ci, si l’Esprit qui est en elle n’avait pas jailli d’elle-même, n’était pas une émanation de son être, t. ii, p. 47. La Sagesse donc et l’Esprit de la Sagesse représentent, dans ce livre de l’Ancien Testament, deux personnes distinctes, où l’identité de la nature divine n’absorbe pas la personnalité distincte dans l’une et dans l’autre. Et si le Saint-Esprit est distinct de la Sagesse incréée, il est aussi distinct de Dieu le Père, qui l’envoie, qui l’associe à son Verbe dans l’œuvre de la création. Par la parole de Jéhovah, les cieux ont été faits, et toute leur armée par le souflle de sa bouche. Ps. XXXIII, 6. Ce texte, pris au sens littéral, signifie que Dieu crée par la toute-puissance et la sagesse infinie de sa volonté ; mais les Pères et les théologiens y voient une allusion au mystère de la sainte Trinité, à la distinction des trois personnes en Dieu : quamvis autem per verbum Domini et spiritum oris ejus, dit Bellarmin, possit imperium Domini simpliciter accipi, tamen sine dubio Spiritus Sanctus insinuare voluit per hœc verba mysterium sanctissimæ Trinitatis, quod tempore Novi Testamenti revelandum erat. In Psalmos, Ps. xxxii, 6 ; Heinrich, t. iv, p. 115.
Nous croyons inutile de citer ici les autres textes, où la théologie chrétienne découvre des allusions au Saint-Esprit. Ceux que nous avons rapportés suffisent à montrer que la subsistance de la troisième personne en Dieu n’était pas du tout inconnue aux Juifs, au moins de quelques-uns, aux approches de la révélation chrétienne. Cette connaissance a été sans doute tardive, restreinte et progressive. D’abord, obscure et ambiguë, elle s’est éclaircie graduellement ; elle est devenue plus commune, et les Juifs étaient ainsi préparés à la révélation complète du Nouveau Testament ; ils ne pouvaient pas considérer comme une nouveauté doctrinale l’enseignement plus clair et plus parfait du Christ sur l’Esprit de Dieu et sur ses œuvres.
H. Wendt, Die Begriffe Fleisch und Geist im biblischen Sprachgebrauch, Gotha, 1878 ; H. Gunkel, Die Wirkimgen des hl. Geisles nach der populären Anschauung der apostolischen Zeit und der Lehre des Aposlels Paulus, Goettingue, 1809 ; J. F. Wood, The Spirit of God in biblical literature, Londres, 1904 ; Le Saint-Esprit dans l’Ancien Testament, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1901, p. 163-167 ; L. Hackspill, Étude sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau Testament, &4, Le Saint-Esprit, dans la Revue biblique, 1902, t. xi, p. 66-71 ; M. Hetzenauer, Theologia biblica, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. i, p. 481-482 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 100-110. — Sur la doctrine du Saint-Esprit dans la littérature juive extracanonique, qui sert d’intermédiaire entre les linéaments de l’Ancien Testament et la révélation du Nouveau, voir E. Tisserant, Ascension d’Isaie, Paris, 1909, p. 13-15 ; J. Lebreton, op. cit., p. 137-143. Cf. F. Weber, Judische Théologie auf Grund des Talmud und verwandter Schriften, 2e édit., Leipzig, 1897, p. 190-194.
3o La divinité et la personnalité du Saint-Esprit d’après le Nouveau Testament. —
Saint Cyrille de Jérusalem remarque que, lorsqu’il est question du Saint-Esprit, il ne faut pas séparer l’Ancien Testament du Nouveau, il ne faut pas croire que la doctrine contenue dans les deux Testaments ne soit pas la même. Cat., xvi, P. G., t. xxxiii, col. 920-921. L’un et l’autre, déclare saint Athanase, nous attestent avec une merveilleuse concordance que le Saint-Esprit n’est pas une créature, mais une hypostase qui participe à la divinité du Père et du Verbe de Dieu. Epist., I, ad Serapionem, n. 33, P. G., t. xxvi, col. C07. Mais le Nouveau Testament contient, sur la divinité et la personnalité du Saint-Esprit, des témoignages beaucoup plus explicites que ceux du Vieux Testament. Ces témoignages n’ont pas sans doute la valeur d’une révélation de tout point nouvelle, n’introduisent pas dans l’histoire de la vraie religion un élément essentiellement nouveau. À plusieurs reprises, en effet, l’autorité de l’Ancien Testament est invoquée pour rendre témoignage à la personne divine du Saint-Esprit ; mais, dans le Nouveau Testament, nous sommes bien loin des ombres, des incertitudes, des termes ambigus de l’Ancien. L’Esprit-Saint y rayonne, pour ainsi dire, dans la pleine lumière de la divinité.
Dans le Nouveau Testament, nous trouvons à plusieurs reprises les expressions de Paraclet, Esprit de Dieu, Esprit du Père, Esprit du Seigneur, Esprit de Dieu et du Christ, Esprit du Fils de Dieu, Esprit-Saint, Esprit de vérité, etc. Cet Esprit nous est révélé comme agissant dans l’ordre surnaturel et dans l’ordre naturel. Les textes qui se rapportent à sa vie et à son action mettent en évidence qu’il n’est pas uniquement l’être divin dans son ineffable unité et identité de nature, ni l’action de Dieu, l’influence divine sur le monde des êtres créés, ni la grâce dans l’ordre surnaturel, ni la ressemblance morale de la créature avec Dieu. Heinrich, t. iv, p. 235. Dans le Nouveau Testament, l’Esprit-Saint se révèle au cœur et à la pensée chrétienne comme une troisième personne divine, consubstantielle au Père et au Fils ; subsistant avec le Père et le Fils dans la même unité de l’être divin, dans la participation pleine, entière, absolue des mêmes attributs divins ; en d’autres termes, la théologie du Nouveau Testament nous affirme de la manière la plus explicite et la plus absolue la divinité et la personnalité du Saint-Esprit.
1. Divinité du Saint-Esprit. —
Les textes du Nouveau
Testament, qui prouvent la divinité du Saint-Esprit
peuvent se ramener à quatre classes :
a) ceux
qui montrent le Saint-Esprit agissant comme Dieu
dans la vie de Jésus et des apôtres ;
b) ceux qui
montrent le Saint-Esprit agissant comme Dieu
dans l’Église primitive et dans la propagation de
l’Évangile ;
c) ceux qui montrent le Saint-Esprit
agissant comme Dieu dans l’ordre surnaturel par
l’élévation des âmes à l’état de grâce et la distribution
de ses charismes ;
d) ceux qui appliquent au Saint-Esprit
les attributs de Dieu.
a) Textes qui montrent le Saint-Esprit agissant comme Dieu dans la vie de Jésus et des apôtres. — Dans une phrase d’une concision admirable, saint Grégoire de Nazianze décrit l’action constante et variée du Saint-Esprit dans la vie de Jésus. Le Sauveur naît, il annonce sa naissance ; le Sauveur est baptisé, il lui rend témoignage ; le Sauveur est tenté, il l’arrache à la tentation ; le Sauveur opère des miracles, il le pousse à agir ; le Sauveur monte au ciel, il lui succède. Il accomplit toutes ces merveilles parce qu’il est Dieu. Orat., xxxi, n. 29, P. G., t. xxxvi, col. 159. Les Synoptiques et l’Évangile de saint Jean attestent bien des fois l’intervention surnaturelle du Saint-Esprit dans la vie de Jésus. Les auteurs inspirés lui attribuent des œuvres qui supposent en lui la pleine participation de l’être divin. Ils rappellent qu’il a été l’inspirateur des prophéties messianiques, qu’il a poussé les hommes de Dieu à parler du Christ, II Pet., i, 21 ; à raconter au préalable les épisodes de sa passion et de sa vie, Act., i, 16 ; le soulèvement des rois de la terre contre sa céleste royauté. Act., i, 26, 27. L’Esprit donc, écrit Didyme l’Aveugle, qui a parlé par la bouche de saint Paul, qui a engagé l’apôtre à écrire, ne diffère point de celui qui, par la bouche des 685 ESPRIT-SAINT 686
prophètes, a annonce l’avènement du Christ. Liber de Spiritu Sancto, n. 3, P. G., t. xxxix, col. 1035. C’est l’Esprit-Saint qui prépare tout pour la venue du Verbe fait chair. S. Basile, Liber de Spiritu Sancto, n.39, P. G., t. XXXII, col. 140. Il remplit Jean, dès le sein de sa mère, Luc, i, 16 ; Élisabeth, i, 41, et Zacharie, 1.67, sont remplis du même Esprit et cette action du Saint-Esprit produit les mêmes merveilles que l’on admire dans les hommes de Dieu de l’ancienne loi. Zacharie parle sous l’influence du Saint-Esprit le même langage que les prophètes d’Israël tenaient à l’égard du Christ. C’est aussi l’Esprit-Saint qui descend sur Siméon, repose en lui, le pousse à se rendre au temple pour y contempler, avant sa mort prochaine, celui qu’il appelle le salut, la lumière des nations, un signe en butte à la contradiction, une pierre d’achoppement pour bien des Juifs obstinés à ne pas le reconnaître comme Dieu. Luc, ii, 25-35. L’expression rempli du Saint-Esprit, qu’on trouve plusieurs fois sous la plume de saint Luc, rappelle les expressions semblables de l’Ancien Testament. Exod., xxviii, 3 ; xxxv, 31. Swete, p. 13. Didyme y voit une preuve de la divinité du Saint-Esprit. Celui-ci remplit toutes les créatures, répand, dans le fond le plus intime de leur être, la sagesse, la science, la foi, les autres vertus. Il s’ensuit donc que sa nature n’est pas identique à la nature des êtres crées, autrement il ne pourrait pas les remplir. P. G., t. XXXIX, col. 1040. Le Christ a besoin d’un précurseur. L’Esprit-Saint le choisit dans la personne de Jean ; il lui donne la force et la sagesse pour qu’il prépare la voie de Dieu, Matth., xi, 10 ; Marc, i, 2 ; pour qu’il l’annonce comme un message céleste. Swete, p. 21.
L’Esprit-Saint se révèle dans la conception, la naissance, les premières années de la vie de Jésus, et il déploie, dans cette intervention surnaturelle, la toute-puissance de la nature divine. Il descend sur Marie, Luc, i, 35, et Marie conçoit Jésus ἐκ Πυεύματος ἁγίου. Matth., i, 18. C’est la vertu créatrice du Saint-Esprit, écrit Didyme, qui a formé le corps de Jésus dans le sein de Marie. P. G., t. xxxix, col. 1060. Ce qui est formé en Marie, dit l’ange du Seigneur à Joseph, est l’ouvrage du Saint-Esprit. Matth., i, 20. Dans l’Ancien Testament, Sara, qui n’était plus en âge de concevoir, en reçut la vertu par sa foi. Heb., XI, 11. Dans le Nouveau Testament, Marie, l’humble servante du Seigneur, conçoit aussi l’être saint en vertu de la puissance surnaturelle de l’Esprit de Dieu. Luc, I, 35 ; Marc, i, 24 ; Joa., vi, 60. Swete, p. 28.
Jésus commence sa vie publique, et le Saint-Esprit le suit pas à pas dans sa carrière mortelle. Il est baptisé par saint Jean et le Saint-Esprit lui donne un témoignage éclatant de sa divinité. Les cieux s’ouvrent et il descend sous une forme corporelle, sous la forme d’une colombe, et repose sur le Fils bien-aimé du Père. Matth., iii, 16 ; Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22 ; Joa., 1, 32. Et le précurseur, qui a été témoin de ces merveilles, déclare qu’il baptise dans l’eau, tandis que le Christ, le Fils de Dieu, baptisera dans le Saint-Esprit..Joa., i, 33. Le Saint-Esprit descend sur le Christ pour manifester au monde que le Christ possède la plénitude des grâces, Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum Johannem, Paris, 1898, p. 101 ; qu’il apporte la paix au monde, id., Commentarius in Evangelium secundum Matthæum, Paris, 1802, t. I, p. 140-141 ; qu’il commence à remplir ses fonctions de pontife suprême. Et de même que la conception du Christ a été le commencement de sa carrière mortelle, aussi par le baptême qui ouvre les cieux et fait reposer sur le Christ le Saint-Esprit, nous avons, pour ainsi dire, l’inauguration officielle de l’œuvre messianique par le Saint-Esprit. Le Christ est appelé à exercer sa mission sublime de prophète, de prêtre, de roi d’Israël. Swete, p. 46. Il se prépare à racheter le genre humain, et le Saint-Esprit est encore en lui et avec lui dans cette courte période de préparation. C’est l’Esprit qui le conduit dans le désert, pour qu’il y soit tenté par le diable. Matth., vi, 1 ; Marc, I, 12 ; Luc, IV, 1. Sous l’action puissante du Saint-Esprit, après avoir confondu le tentateur, il retourne dans la Galilée, et commence à répandre la parole de Dieu, Luc, iv, 14-15, et à annoncer la justice aux nations. Matth., xii, 18. Le Saint-Esprit a été donné à Jésus sans mesure, .Joa., iii, 34 ; et le Christ est l’oint du Saint-Esprit. Act., x, 38. Il chasse les démons par l’Esprit de Dieu, Matth., xii,28 ; ou par le doigt de Dieu. Luc, xi, 20. Dans cette expression, « le doigt de Dieu » , Didyme voit une preuve de la divinité du Saint-Esprit : Digitus Dei est Spiritiis Sanctas. Si ergo conjunctus est digitus manui, et manus ei cujus manus est, et digitus sine dubio ad ejus substantiam refertur, cujus digitus est. P. G., t. xxxix, col. 1051.
C’est par le Saint-Esprit qu’en tressaillant de joie, et en bénissant le Père, Luc, x, 21, Jésus se prépare à s’offrir lui-même à Dieu comme victime sans tache, Heb., IX, 14, qu’il s’immole pour le salut du genre humain. Les textes que nous avons cités jusqu’ici nous révèlent que, dans la vie de Jésus, le Saint-Esprit intervient comme personne distincte du Père et du Fils, comme principe actif, doué d’une puissance surnaturelle et divine.
Mais l’œuvre de Jésus ne s’arrête pas à sa mort. Il laisse des continuateurs de sa mission, et cette mission est si difficile, qu’ils ne pourraient pas l’aborder et la conduire à bonne fin sans l’aide, l’assistance et la force de Dieu. Le rôle de continuer sur la terre l’œuvre de Jésus-Christ est attribué à l’assistance du Saint-Esprit qui est l’esprit du Christ, parce que, dit saint Basile, il a, avec le Christ, identité de nature. Liber de Spiritu Sancto, n. 46, P. G., t. xxxii, col. 152. Jésus promet à ses apôtres de leur envoyer son esprit ; il prie pour que cet Esprit de vérité demeure toujours avec eux. Joa., xiv. 16. Il leur déclare qu’il est bon qu’il s’en aille, parce que, s’il ne s’en va pas, le consolateur ne viendra pas en eux ; s’il s’en va, il l’enverra., Joa., xvi, 7 ; xxiv, 49. Il leur recommande de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre l’Esprit que le Père leur a promis. Act., i, 4. Il souffle sur eux et les apôtres reçoivent le Saint-Esprit, Joa., XX, 22, qui est l’organe de la révélation divine, parce que c’est par lui que Dieu a révélé ses vérités. I Cor., II, 10.
Dans l’œuvre de la rédemption, le Saint-Esprit est chargé d’ouvrir aux hommes les trésors de la grâce divine, d’aguerrir la milice du Christ, pour qu’elle établisse le royaume de Dieu sur la terre. L’Esprit-Saint est appelé à guider les apôtres dans toute la vérité. Il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu et annoncera les choses à venir. Joa. xvi, 13. Il leur enseignera toutes choses et leur rappellera tous les enseignements de Jésus. Joa., XIV, 20. Il glorifiera le Fils de Dieu, parce qu’il recevra de ce qui est à lui, et il l’annoncera. Joa., XVI, 7, 8. Il annoncera la vérité de Dieu, et en même temps, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement. Et les apôtres, sous l’influence de cet esprit de Dieu, n’auront plus rien à craindre de la part des hommes. Ils rendront témoignage à Jésus, même devant les gentils. Si on les livre, ce n’est pas eux mêmes qui parleront, mais l’Esprit du Père qui parlera par leur bouche. Matth., X, 19-20 ; Marc, xiii. 1 1. Si donc l’Esprit du Père parle par les apôtres et enseigne la sagesse, c’est-à-dire le Verbe de Dieu, l’Esprit-Saint possède la même nature que le Père et le Fils : Si ergo Spiritus Patris loquitur G87
ESPRIT-SAINT
088
in apostolis, doccns cos f/uas debcanl rcspondcrc, et quse doccnlur’a Spirila sapicnlid est, qiiam non possiinuisjdinni prœtcr Filiiim intclligcre, liquido appurcl ejusdem naturn’Spiriliim esse cum Filio, et eum Paire citjus Spiiiliis"est.P. G., t. xxxix, col. 1051. Ils seront traîiK’S di’vant les juges, mais l’Esprit leur enseignera ce qu’il faudra dire. Luc, xii, 12. L’EspritSaint est donc le maître surnaturel des apôtres. Ni l’astuce, ni la violence des hommes ne pourront résister aux paroles qu’il mettra sur leurs lèvres. L’éloquence du Saint-Esprit sera donc une éloquence divine, qui révélera l’origine divine de celui qui en est la source.
b) Texles^cjiii montrent que le Saint-Esprit se révêle Dieu par son action dans l’histoire de V Église primitive.
— Cette histoire n’est autre que l’éclosion, l’épanouissement des dons, des grâces, de la puissance surnaturelle de l’Esprit du Seigneur. Le Saint-Esprit y intervient à chaque instant pour affermir le corps mystique du Christ, pour répandre les vérités que le Fils a révélées, pour transformer les apôtres en hérauts de la bonne nouvelle. Le Saint-Esprit, dit saint Basile, influe d’une manière évidente et indéniable sur l’organisation et l’administration de l’ÉgUse. Liber de Spiritu Sancto, n. 39, P. G., t. xxxii, col. 141. Pierre est rempli de l’Esprit de Dieu, Act., iv, S, ainsi que saint Etienne, v, 5. C’est l’Esprit de Dieu qui remplit les apôtres et les pousse à annoncer la parole de Dieu avec assurance. Act., iv, 31. Et cet Esprit qui se répand dans les âmes, qui s’y établit, y habite, les remplit de Dieu, produit en elles un merveilleux épanouissement de vie surnaturelle. Il les enrichit de ses dons variés et multiples. Il se manifeste à chacune d’elles pour l’utilité commune. Il se donne aux uns par une parole de sagesse, aux autres par une parole de connaissance. C’est lui qui accorde les dons de la foi, des guérisons, des miracles, des prophéties, du discernement des esprits, de la diversité des langues, de leur interprétation. Il est pleinement libre dans la distribution de ces dons. I Cor., xii, 711. Grâce à son influence et à sa lumière surnaturelle, l’esprit de iMophétie se manifeste dans l’Église primitive. Poussés par le Saint-Esprit, Agabus annonce qu’il y aura une grande famine sur toute la terre, Act., XI, 28 ; les disciples de Paul disent à l’apôtre, qui séjournait à Tyr, de ne point monter à Jérusalem. Act., XXI, 4. Le Saint-Esprit révèle à saint Paul qu’il aura à subir les chaînes et les persécutions. Act., xx, 22, 23. C’est le Saint-Esprit qui sépare Paul et Barnabe de l’Église d’Antioche et les envoie à Séleucie, xiii, 2-4. C’est le Saint-Esprit qui descend sur les disciples de saint Paul à Éphèse et leur donne le pouvoir de prophétiser et de parler les langues. Act., xix, G.
Le Saint-Esprit enseigne aux apôtres et aux premiers chrétiens les profondeurs des mystères divins. « Personne ne connaît ce qui est en Dieu si ce n’est l’Esprit de Dieu. » Donc, explique saint Ambroise, le Saint-Esprit a la même science, c’est-à-dire la même nature que le Père et le Fils. De Sancto Spiritu, 1. II, c. XI, n. 125, P. L., t. XVI, col. 769. C’est grâce à cet Esprit que les apôtres et leurs disciples connaissent les choses de Dieu, I Cor., ii, 10-12 ; que saint Paul approfondit les mystères du Christ, Eph., iii, 3-5 ; qu’Etienne parle et personne ne peut répondre aux arguments victorieux de sa sagesse. Act., vi, 10. C’est l’Esprit-Saint qui révèle à Pierre ce qu’il faut dire et entreprendre pour recevoir les gentils dans le sein de l’Église. Act., x, 12, 20. C’est l’Esprit qui descend sur les premiers gentils convertis, et leur communique le pouvoir de parler les langues, x, 44-47 ; XV, 8. C’est l’Esprit qui veille à la propagation de l’Évangile et couronne de succès leurs labeurs apostoliques. Il enlève Philippe, après que celui-ci a bap tisé rcunutjue de Candace, viii, 39. Il envoie Paul, rempli de sa grâce, prêcher le Christ, et soulïrir pour lui. Act., IX, 17 ; xiii, 2. Il trace même l’itinéraire des apôtres. C’est lui qui empêche Paul et Timothée d’annoncer la parole de Dieu dans l’Asie, et de pénétrer en Bithynie. Act., xvi, 6, 7. Les apôtres se dispersent dans l’univers entier, grâce aux indicationsdu Saint-Esprit. I Pet., i, 11. C’est par l’assistance du Saint-Esprit que l’Église voit s’élargir ses frontières. Act., ix, 31. Elle se développe. L’Esprit-Saint est là pour conseiller les apôtres, pour leur dicter ses décisions. Act., xv, 28. Elle a bescin d’une autorité, d’une hiérarchie. Le Saint-Esprit y établit les évêques pour paître le troupeau des fidèles. Act., xx, 28. Sous la conduite de leurs évêques, les fidèles progressent dans les voies de Dieu, forment une demeure où Dieu habite. Eph., ii, 22. Dieu donne le Saint-Esprit à ceux qui lui sont dociles. Act., v, 32. Ets’ily a des hommes, qui n’ont pas le bonheur d’être les temples vivants de Dieu, c’est qu’ils ont résisté au Saint-Esprit. Act., vii, 51. En reniant le Saint-Esprit, remarque justement saint Athanase, ils ont renié le Fils, et ceux qui renient le Fils n’ont point de Père, c’est-à-dire renient la très sainte Trinité. Epist., i, ad Serapionem, n. 11, P. G., t. XXVI, col. 533.
Toutes ces merveilles que le Saint-Esprit accomplit dans l’Église primitive, tous ces dons et ces grâces surnaturelles qu’il répand dans les âmes des premiers chrétiens, des premiers apôtres et disciples du Christ, ne peuvent dériver que d’une source divine. Et si le Saint-Esprit est cette source, nous sommes en droit de conclure qu’il participe à la nature divine.
c) Textes qui révèlent le Saint-Esprit comme l’auteur de l’œuvre de la sanctification, le distributeur de la grâce habituelle et des grâces actuelles. — Heinrich, t. IV, p. 234. C’est surtout dans l’Évangile de saint Jean que le Saint-Esprit apparaît comme le principe de la régénération spirituelle de l’homme. Swete, p. 130131. Il sanctifie les âmes : il est, dit saint Basile, un principe actif de sainteté, et c’est pour cela qu’il n’a pas la même nature que les créatures qui sont sanctifiées, mais ne sanctifient pas. Liber de Spiritu Sancto^ n. 48, P. G., t. XXXII, col. 156. Il vivifie les âmes, ce qui est l’œuvre de la majesté divine, déclare saint Ambroise : Vîy//(ffl/e quis abnuat esse majestatis seternee.De Scmcto Spiritu, 1. II, c. iv, n. 29, P. L., t. xvi, col. 749. Il est l’auteur de cette naissance spirituelle, qui est donnée par le baptême, d’après la doctrine évangélique : Sancti Spiritus opus, dit saint Ambroise, est regeneratio ista præstantior : et novi hujus hominis, qui creatur ad imaginem Dei, auclor est Spiritus. Ibid., 1. II, c. VII, n. 66, col. 757. Voir t. iii, col. 975-1015. Nous sommes faibles dans l’œuvre de notre salut ;, mais l’Esprit-Saint prie pour nous par des gémissements ineffables. Il est le principe de notre force dans l’ordre surnaturel. Il vient en aide à notre faiblesse, parce que nous ignorons ce que nous devons, selon nos besoins, demander à Dieu dans nos prières. Rom., VIII, 26. Il est le principe en nous de l’amour de Dieu. Cet amour est répandu dans nos cœurs par l’Esprit de Dieu qui nous a été donné. Rom., v, 5. Par le Saint-Esprit nous sommes délivrés de l’esclavage : nous devenons libres en Dieu. « Là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté. » II Cor., iii, 17.
L’Esprit-Saint nous élève à la gloire des enfants de Dieu. Tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu sont fils de Dieu. « Vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte. Mais vous avez reçu un esprit d’adoption en qui nous crions : Abba Pater. Cet esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom., VIII, 14-16. Cette paternité adoptive de Dieu fait de nous les temples de la divinité. L’Esprit-Sain L G89
ESPRIT-SAINT
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habite en nous. I Cor., iii, 16. Notre corps est le temple du Saint-Esprit, que nous avons reçu de Dieu.
I Cor., VI, 19. Nous sommes les temples du Dieu vivant,
II Cor., vi, 16, ce qui prouve, écrit Didyme, que le Saint-Esprit n’est pas une créature : Cum ergo Spiritiis Sanclus simililer ut Pater et Filins rncntem et interiorem hominem inhabitare doceatur, non dicam ineptuniySed impium cum dicerecrcaturam. Op. cit., n. 25, col. 1055.
Le Saint-Esprit nous unit au Christ. Celui qui n’a pas l’esprit du Christ ne lui appartient pas. Rom., VIII, 9-11. Cet esprit, qui est pour nous les arrhes de l’héritage céleste, nous a marqués de son sceau, Eph., I, 13, 14, pour le jour de la rédemption, iv, 30, c’est-à-dire, explique Didyme, que cette communication du Saint-Esprit nous rend des hommes spirituels et saints. Op. cit., n. 5, col. 1057. Son habitation dans notre âme est féconde suivant l’ordre surnaturel. Nous recevons ses fruits, la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance. Gal., vi, 22, 23. Il sera un jour l’auteur de notre résurrection. Si l’es|irit de celui qui a ressuscité. lésus d’entre les morts habite en nous, celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à nos corps mortels, à cause de son esprit qui habite en nous. Rom., viii, 11. Et de même qu’il sera l’auteur de notre résurrection, de même sera-t-il l’auteur de notre salut. Il faut renaître de l’eau et de l’esprit pour entrer dans le royaume des cieux. » Joa., iii, 5 ; Matth., iii, 11. Dieu nous a sauvés par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit qu’il a répandu sur nous largement. Tit., iii, 5. Nous avons été lavés, sanctifiés, justifiés, au nom du Seigneur.Jésus-Christ et par l’esprit de notre Dieu. I Cor., vi. 11.
De ces textes nous pouvons conclure avec saint Aliianase, que de même que la grâce provient du Père par le l-’ils, de même la communication de la g race à nos âmes se fait dans le Saint-Esprit. Episl., i, nd Serapioncm, n. 31, col. 600. Par cette communication de la grâce, par cette charité dont le Saint-Esprit est la source, notre âme entre en possession de tous les principes de la vie surnaturelle et divine. Et si le .Saint-Esprit nous est révélé dans le Nouveau Testament comme l’auteur de cette vie, nous pouvons afllrmcr que le Nouveau Testament atteste sa divinité. Gaume, Traité du Saint-I-^spril, t. ii, p. 252.
d) Textes qui appliquent au Saint-Esprit des (dtributs divins. — La divinité du Saint-Esprit est attestée par ces textes du Nouveau Testament, où il apparaît comme Dieu par son intelligence et sa volonté. Tout d’abord, le Nouveau Testament attribue au Saint-Esprit la dignité divine, identifie le Saint-Esprit avec la nature divine. Tout blasphème et tout péché sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne leur sera pas remis. Matth.. xii, 31. Il y a dans le monde des personnes qui mentent au Saint-Esprit, Act., v, 3 ; qui le tentent, v, 9. C^e nu-nsonge au Saint-Esprit est une offense immédiate à la divinité, parce que ceux qui mentent au Saint Ivsprit ne mentent pas aux hommes, mais à Dieu..ct., v, 3, 4. Les Pères sont unanimes à voir dans ce texte une preuve de la divinité du Saint-Esprit : Si enini qui Domino menlitur, menlitur Spirilui Sancto, et qui Spiritui Sancto mentitur, infr.titur l)-o ; nuni li.tbium est tonsoninrn Spirilus Sanrti cssc cum Dro. Didyme, op. cit., n. 18, col. 1050. Si les péchés contre le Saint-Esprit, déclare saint Basile, ont la même gravité que les péchés contre Dieu, le Saint-ICsprit participe aussi à la nature divine. I.ibrrdr Spiritu Sancto, n. 12, /’. G., t. xxxii, col. 117. Et saint Ambroise : Sicul una diqnitas, sic una injuria. I)r.Spiritu.Sancto, 1. I, c. iii, /’. /, ., t. xvi, col. 717. r^ctau, De Trinitate, I. II, c. xiii, t. ii, p. 483.
Le Saint-Esprit possède la science de Dieu. C’est un Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît pas. Joa., xiv, 17. Personne ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. I Cor., ii, 11. Il est donc, comme le Fils, dans le sein du Père. Joa., i, 18. Saint Ambroise, De Spiritu Sancto, 1. I, col. 711 ; Didyme, n. 31, col. 1061 ; Suarez, De Trinitate, 1. II, c. v, n. 4-6, Opéra, Paris, 1856, t. i, p. 585-586. La science qu’il y puise est la science du Fils, et avec le Fils, il communique aux honmies cette science divine. « Le Nouveau Testament, dit Scheeben, attribue au Saint-Esprit la connaissance originaire et la communication de tous les mystères contenus en Dieu, et surtout de toute vérité divine. Or, connue les apôtres lui imputent cette connaissance parce qu’il habite dans le sein de Dieu, il s’ensuit que la connaissance des mystères fournit un double argument en faveur de la divinité du Saint-Esprit ; elle prouve qu’il est dans la créature comme Dieu seul peut y être, et qu’il est en Dieu d’une manière qui n’appartient qu’à Dieu même. » La dogmatique, t. ii, n. 778, p. 522.
Le Saint-Esprit se révèle aussi, dans ses œuvres, comme investi de la toute-puissance divine. Cette toute-puissance éclate dans les épisodes nombreux de son intervention pour préparer, parfaire et continuer l’œuvre rédemptrice du Christ sur la terre. Il inspire les prophètes, il distribue les grâces de Dieu, il habite dans les âmes, il gouverne l’Église, il sanctifie, il justifie, il juge, il ouvre aux élus le royaume des cieux. Et dans l’ordre surnaturel, nous ne voyons pas de bornes à sa puissance ; sa volonté, qui est la volonté divine, est pleinement libre. Il distribue les dons comme il lui plaît, I Cor., xii, 11, c’est-à-dire il possède essentiellement la sainteté et la gloire divine qu’il communique à la créature, il possède cette simplicité et cette immensité par laquelle Dieu seul a le privilège d’une habilalion active au sein de la créaturc. Scheeben, t. ii, p. 519-520. Il est donc réellement de Dieu, I Cor., ii, 12, et s’il est de Dieu, s’il jaillit de la nature divine, si son être est l’être de Dieu, il ne peut pas, dit saint Atbanase, être rangé au nombre des créatures. Epist., i, ad Serapionem, n. 22, col. 581.
2. Personnalité du Saint-Esprit.
La plupart des textes que nous avons cités pour prouver la divinité du Saint-I-lsprit, prouvent aussi sa personnalité. En elTet, le Saint-t-^sprit, de même que le Père et le Fils, y est représenté comme le principe d’une série d’actes, qui supposent en lui la nature divine. Il est donc distinct du Père et du Fils, en tant qu’il est un support personnel de la vie divine, et identique avec le Père et le Fils, en tant qu’il est l’être divin par sa nature, en tant qu’il est un seul Dieu avec le Père et le F’ils.
Les textes les plus explicites en faveur de la personnalité du Saint l’esprit sont ceux qui fournissent à la théologie catholique la preuve la plus convaincante de la procession du Saint Esprit du Père et du F’ils. l--n effet, si le Saint l%spril procède du Père et du l’"ils, sa personnalité n’est pas la personnalité du Père et du l-’ils, parce qu’il y a opposition entre le principe actif et le terme d’une procession. (^omme ces textes seront l’objet d’un commentaire plus étendu, lorsque nous réfuterons les théories photienncs, nous nous bornons à donner ici une partie seulement des iircuves en faveur de la pcrsoiindité divine du Sauit L, , , ul.
a) Los textes du Nouveau Testament certifient d’abord que le Saint-Ivsprit est expressément désigné comme formant une autre personne en face dos deux autres. La personnalité du Saint-I^sprit résulte donc (les nombreux textes qui énoncent clairement la trinilé des personnes en Dieu, l’n des plus explicites est la formule du baptême : ".MIez donc, enseigne/, toutes les nations, les baptisant au nom du Père et 691 ESPRIT-SAINT 692
du Fils, et du Saint-Esprit. » Malth., xxviii, 19. C’est donc au nom des trois personnes que le baptême est conféré et que ses effets surnaturels se réalisent. Ces trois personnes sont par conséquent divines, distinctes, égales en puissance et en dignité. Elles ne forment qu’une seule nature divine indivisible, et l’unité de cette nature est clairement exprimée par le singulier in nomine. Schccben, t. ii, n. 721, p. 488. Très personas qiiidem significavil, écrit saint Ambroise, sed iinum Tiinilaiis nomen asseniil. Uniis UaqiieDeus, iiniim nomen, una majestas. De inslitulione virginis, c. X, n. 67, G8, P. L., t. xvi, col. 322.
b) La personnalité divine du Saint-Esprit résulte aussi des textes qui décrivent le Saint-Esprit connne ayant avec les autres personnes divines, des rapports qu’une personne peut seule avoir avec d’autres, comme recevoir, donner, être envoyé. Scheeben, . t. ii, n. 706, p. 516. De même que le Fils envoyé du Père est à l’égard du Père une autre personne envoyée ; de même le Saint-Esprit, à l’égard du Père et du Fils, est une autre personne donnée, envoyée. Il est le consolateur que le Fils enverra auprès du Père, l’esprit de vérité qui procède du Père, Joa., xv, 26 ; esprit consolateur qui vient seulement si le Fils l’envoie. Joa., xvi, 7. Jésus prie le Père, et il donne aux apôtres un cadre consolateur pour qu’il demeure toujours avec eux. Joa., XIV, 16. Un autre Paraclet, écrit Didyme, pour exprimer non pas la différence de nature, mais la diversité des opérations, n. 27, col. 1058. Un autre Paraclet, explique saint Ambroise, pour indiquer que le Fils est distinct du Saint-Esprit, pour éviter la confusion sabellienne des personnes divines : Bene dixit cdUun, ne ipsuni Filium, ipsum Spiriliun intelligeres : imitas enini nominis es(, nonFiliiSpirilnsquesabel[iana confasio. Op. cit., 1. I, c. xiii, n. 136, col. 736.
c) Enfin Jésus-Christ alTu-me que le Saint-Esprit recevra de ce qui est à lui. Joa., xvi, 15. Le Saint-Esprit se trouve donc à l’égard du Fils, dans le même rapport que le Fils à l’égard du Père. Or, le Fils, un j avec le Père pour ce qui concerne l’être divin, est i distinct de lui pour ce qui concerne sa personnalité j de Fils. Donc, le Saint-Esprit, un avec le Père et le i Fils pour ce qui concerne la nature divine, se dis- : tingue du Père et du Fils pour ce qui concerne sa j personnalité. Le Père est le Seigneur des Seigneurs, j qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir. I Tim., vi, 16. Le Fils est celui qui a habité parmi nous, Joa., i, 14, pour glorifier le Père. Le Saint-Esprit est celui qui rendra témoignage au Christ, Joa., XV, 6, et qui le glorifiera. Joa., xvi, 13. S..lhanase, Epislolse ad Serapionem, i-iv, P. G., t. xxvi, col. 525-676 ; S. Basile, Conlra Eimomiiim, 1. V, P. G., t. XXIX, col. 709-774 ; Liber de Spirilu Sanclo, P. G., t. xxxii, col. 67-218 ; s. Grégoire de Nazianze, Oral., xxxi (théologien v), P. G., t. xxxvi, col. 133-172 ; S. Cyrille de Jérusalem, Caî., XVI et xvii, P. G., t. xxxiii, col. 917-1012 ; Didyme d’Alexandrie, De Spiritii Sanclo, P. G., t. xxxix, col. 1033-1086 ; S. Ambroise, De Spiritu Sancto libri ires, P. L, , t. XVI, col. 703-816 ; Opiisciilum presbyleri Simonis Dalmatæ e.r civitate Pliarensi, in qiia traclaliir de baplismate Spiritus Sancti et virtute ejus, super Evangelio Jolianni 5, Venise, 1477 ; Draconites, Von dem heiligen Geist Jesii Christi, Lubeck, 1548 ; Owen, UiiJii.a.zolr, -, ; r/, ^ or a diseoiirse concerning the liolij Spiril, wlierein an account is given o/ his name, Londres, 1674 ; Hautecour et Vitringa, Dissertatio iheologica de usa nolionis Spiritus Sancti quibusdam in locis sacræ Scripturæ, Franeker, 1713 ; Frise, De co quod stylo Scripturæ dicendum est de internis bonis molibiis a Spiritu Sanclo e.rcilatis, specialim iis qui priecedunl fidem, Altdorꝟ. 1723 ; Alberti, l.ocorum, quæ characterem Spiritus Sancti hijpostaticuni vindicanl medilalio. Halle, 1727 ; Werner, Falsa Judieorum opinio de Spiritu Sancto, Stargardia’, 1730 ; Ansaldi, De bnptiamale in Spirilu Sanclo tl igni commentarius. 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II. D’après les Pères de l’Église. —
1o Pères apostoliques. —
Les Pères apostoliques ne sont pas des théologiens dans le sens strict du mot. Ils sont de simples témoins de la foi chrétienne en Dieu. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1905, t. i, p. 115-116. Le but qu’ils se proposent, lorsqu’ils traitent des vérités chrétiennes, est avant tout moral. Sans doute, ils exposent fidèlement la doctrine prêchée au monde par Jésus-Christ et ses apôtres ; mais, spécialement lorsqu’il est question du dogme de la sainte Trinité, ils n’ont pas la précision des termes scolastiques, ils n’expriment pas le dogme avec la même clarté et la même exactitude que ceux qui les ont suivis. Scheeben, La dogmatique, t. ii, n. 832, p. 561-562.
Tout en ayant des affirmations nettes et décisives sur la divinité et la personnalité du Saint-Esprit, les Pères apostoliques emploient des expressions obscures, des termes ambigus qui laissent planer le doute sur le véritable sens de leur enseignement. En général, avant le concile de Nicée, les Pères et les écriG93
ESPRIT-SAINT
694
, ains ecclésiastiques ne donnent pas au Saint-Esprit le nom de Dieu ; mais ils professent sa divinité d’une manière claire et évidente, puisqu’ils lui attribuent i inspiration prophétique, la sanctification des âmes, Ja création ; puisqu’ils l’adorent et le glorifient comme Dieu au même titre que le Père et le Fils. Cf. Heurîier. Le dogme de In Trinité dans l’Épitre de saint Clément de Rome et le Pasteur d’Hermas, Lyon, 1900, p. 64. Il n’est donc pas étonnant que, pour ce qui concerne la divinité du Saint-Esprit, les Pères du ive siècle, par exemple, saint Basile, en appellent à la tradition de l’ancienne Église. Liber de Spiritu Sancto, c. x, n. 24 ; c. xxix, n. 72-73, P. G., t. xxxit, col. 111, 201. On ne saurait, en effet, concevoir qu’un dogme, qui est le fondement de toute la théologie du christianisme, n’ait pas été connu par les témoins les plus anciens de la tradition chrétienne, ou même qu’il ait été connu d’une manière imparfaite. Llcinrich. Théologie, t. ii, p. 266-268. La formule du baptême est une preuve évidente que, dans l’ancienne Église, les docteurs aussi bien que les fidèles croyaient explicitement au Saint-Esprit, comme personne divine. Harnack, Dogmengeschichte, t. ii, p. 273. Les termes ambigus qu’on rencontre donc chez les Pères i » postoliques dans l’exposé de la doctrine du Saint-Esprit, ne sont pas un signe qu’ils ignoraient une vérité essentielle de la révélation chrétienne, mais c’est la suite de l’absence d’une terminologie précise et de l’imperfection des formules exprimant un des <logmes les plus élevés du christianisme.
Notre but n’est donc pas d’analyser et de commenter les textes des Pères apostoliques, qui se rap--portent à la personnalité et à la divinité du Saint-Esprit. Il nous suffira de montrer que, même dans la littérature chrétienne primitive, malgré l’imperlection des formules et des termes théologiques, le Saint-Esprit est exalté comme Dieu, et proposé à l’adoration des fidèles comme personne distincte du Père et du Fils.
Dans la première Épitre de saint Clément de Rome, « lont l’authenticité ne soulève aucun doute, on trouve « xprimée clairement la doctrine du Saint-Esprit, telle qu’elle est consignée dans les Évangiles. Le Saint-Esprit est, d’après saint Clément, la source de l’inspiration prophétique ; le véritable auteur des Écritures saintes : ’Ev/.exvçïte eî ; -x ; Uç/a ; Ppayà ; … xà ; 51à ToJ IIvcvu.ïTo ; Tcio àyi’j-j. / » Cor., xlv, 2, Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. i, p. 156. Grâce à l’inspiration du Saint-Esprit, les prophètes ont pu annoncer d’avance les épisodes les plus saillants de la vie du Christ : il est donc l’auteur des prophéties messianiques. Jbid., xvi, 2, p. 118. C’est lui qui parle dans les saintes Écritures : ’/i- ; ii vip to llv£0 ; /.a -h "Xy.o-i, XIII, 1, p. 116 ; c’est par lui que les prophètes sont inspirés, lorstju’ils prêchent la pénitence. Ibid., VIII, 1, p. 108.
Mais son rôle ne se borne pas aux justes de l’ancienne loi. Il répand aussi la plénitude de sa grâce sur les disciples du Christ : 7 : >r, pr, llveJu.oitoç x-{io-j i/.yy} : ; Èît’i ràvta ; iyht-’i. Jbid., il, 2, p. 100. Il a donné aux apôtres l’énergie et la confiance pour prêcher la bonne nouvelle dans le monde entier. Ibid., XLii, 3, p. 152. C’est par lui que Jésus-Christ nous appelle à jouir des fruits de la rédemption : îijt toC IIveOij-ito ; ’Ayii-j -prjT/.-x’it’.-a. : r, tj : â ;. Ibid., xxil, 1, p. 130. C’est à lui <|uc revient la mission de sanctifier lésâmes. Ibid., xiii, 3v p. 116. Saint Clément met Je Saint-Esprit sur le même rang que le Père et le Fils ; c’est dire « piil professe ouvertement sa divinité. Pourquoi donc, écrit il, y a-t-il entre vous discordes, colères, divisions, schismes et guerres ?… N’avons nous pas un seul Dieu, et un seul Christ, et un seul Eipril de grâce, répandu sur nous, et une
seule vocation dans le Christ ? » 76/d., xLVi, 5, 6, p. 158. Et plus loin : « J’en prends à témoin le Dieu qui vit, le Seigneur Jésus, et l’Esprit-Saint, qui vivent eux aussi, tous trois foi et espérance des élus. » Ibid., Lviii, 2, p. 174. Rien de plus explicite que ces deux derniers textes pour montrer que saint Clément affirme la divinité du Saint-Esprit. Celui-ci y est représenté comme l’auteur et le distributeur de la grâce. Saint Clément déclare que les trois personnes divines sont des réalités vivantes et distinctes ; qu’elles sont le fondement de la foi et de l’espérance des élus ; que le Fils et le Saint-Esprit partagent avec le Père la gloire d’être l’objet et le principe de notre foi. Heurtier, op. cit., p. 26-27.
Les lettres de saint Ignace ne passent pas sous silence la personne du Saint-Esprit, bien que le saint évêque vise surtout à défendre et ù exposer la doctrine catholique du Verbe contre les aberrations gnostiques. Heinrich, op. cit., t. ii, p. 257-258. Le Saint-Esprit est présenté par lui comme Dieu. Il participe à l’omniscience divine. Une se trompe pas parce qu’il est de Dieu ; il sait d’où il vient et où il va, et il connaît les choses cachées. Ad Phil., 1, Funk, op. cit., t. I, p. 270. Cf. Joa., III, 8 ; I Cor., ii, 10. D’autres textes distinguent le Saint-Esprit du Père et du Fils, tout en affirmant qu’il est égal au Père et au Fils par la participation de la même nature divine, et qu’il est associé à l’un et à l’autre dans les opérations divines. Ad Magn., xiii, 1, Funk, t. i, p. 240. Un texte qui ne laisse aucun doute sur la personnalité divine du Saint-Esprit est contenu dans la lettre aux Éphésiens, IX, 1 : ’lI-oi[j.a.T(ji.évot eîç oiy.o5c/tJ.r|V ©eo"^ Ilarpô :, iva2ôp’Ju.svoi s ! ; Ta uçy) oià t ?|Ç [j.ri/avT, ; ’Ir, r>oO XpCCTToO, S ; â(7T ; v Tiavipô ;, (T/otvûo /çûtj.fio Tfîj nvEU(j.aTi To)’A-|- : <, ). Funk, t. I, p. 220. Les chrétiens y sont considérés comme les pierres du temple du Père, des pierres préparées pour élever l’édifice de Dieu le Père, soulevées en haut par la croix, qui est l’outil de Jésusi^ Christ, au moyen d’une corde, qui est le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est ici sans conteste l’auteur de la grâce et de la régénération. Il vient du ciel avec les liens de l’amour de Dieu et de la grâce, et relie les âmes à Dieu, tandis qu’il est lié au Christ. Sans cette corde, qui est le Saint-Esprit, personne n’est à même de sortir de l’abîme du péché et de renaître à une vie nouvelle. Nirschl, Die Théologie des ht. Ignatius, des Apo.sielschiilers, .Mayence, 1880, p. 12. Les fidèles, selon saint Ignace, doivent être soumis aux inspirations du Père, du F"ils et du Saint-Esprit. Ad Magn., XIII, 2, Funk, t. I, p. 240. Ils doivent adhérer à la hiérarchie, évêques, prêtres et diacres, que le Saint Esprit confirme dans la stabilité. Ad Philad., til., Funk, t. I, p. 264. Le Saint-Esprit est donc le principe de la vie surnaturelle que le Verbe de Dieu ré pand dans l’Église et la source de la sanctification. Il s’ensuit qu’il a la nature divine, et que sa divinité ressort clairement des lettres de saint Ignace. Dreher, .Sancti Ignatii cpiscopi Antiochensis de Cliristo Dca doclrina, Sigmaringen, 1877, p. 16.
La lettre de saint Polycarpe aux Philipiiiens ne contient aucune allusion au Saint-Esprit. Mais dans sa confession de foi, qui nous a été conservée dans les -Xctes de son martyre, le saint exalte le Saint-Esprit à l’égal du Père et du Fils : « Je vous glorifie, ô Seigneur Dieu tout-puissant, par Jésus-Christ, votre I’"ils bien-aimé, pontife éternel et céleste, par lequel avec lui et avec le Saint-Esprit nous chantons la gloire. Marti/rium S. Polycarpi, xiv, 3 ; xxii, 1, Funk, t. I, p. 332, 340.
La doctrine d’Mermas sur le Saint-I^sprit est fort obscure, et les érudits, qui ont essayé de l’éclaircir, ont abouti à des conclusions absolument divergentes. Ilerinas semble affirmer que le I-ils est le Saint-Esprit : 09’ESPRIT-SAINT
696’O 6ê uib ; To TIv=’j|j.a TÔ (xYiôv âariv, Sim., V, v, 2, Funk, t. I, p. 538. Quel est le sens qu’il faut attribuer à ce passage ? Sclilieiuann, Dorner, liellweg, Hageiiiann, Zahn tiennent que, d’après Hermas, le Fils de Dieu, paru dans le Christ, est distinct du Saint-Esprit. Par contre, Baur, Schwegler, Kayser, Lipsius, Nitzsch, Harnack, etc., sont d’avis qu’Hermas ne connaît pas un Fils de Dieu distinct du Saint-Esprit. Le Fils de Dieu s’identifie avec le Saint-Esprit, et le Christ est tout simplement un homme inspiré par Dieu. Link, Christi Person und Yerk im Ilirlen des Hermas untersuchl, Warbourg, 1886, p. 1-3. Malgré les interprétations contradictoires de sa doctrine, on ne saurait révoquer en doute qu’Hermas approprie au Saint-Esprit les attributs divins, c’est-à-dire qu’il professe sa divinité. Le Saint-Esprit est, pour lui, le sanctificateur des âmes. <i Dans les âmes douces et pénitentes, il exulte comme s’il habitait une maison spacieuse et il se réjouit avec celui qui lui sert de temple. » Mand., V, 1 ; X, 2, 4, Funk, t. I, p. 482, 500. Il est l’auteur des prophéties. Doux et tranquille est celui que le Saint-Esprit inspire : il ne parle pas à tout venant, mais seulement quand Dieu veut. Mand., XI, 8, Funk, t. i, p. 506. Il est éternel, parce qu’il existe avant le temps : Tb IlvcOixa TÔ âyiov t’o Ttpoov. Sim., V, vi, 5, Funk, t. i, p. 540. Il est créateur : Tb xTidav Tiâ(rav tT|V xtÎctcv. Le Saint-Espi-it participe donc à la nature divine.
Hermas le reconnaît aussi comme personne distincte du Père. En effet, le Père a fait habiter l’Esprit dans une chair, choisie par lui-même. Sim., V, vi, 5, Funk, t. I, p. 540. Et cette chair, dans laquelle habitait le Saint-Esprit, a bien servi l’Esprit en toute pureté et sainteté, sans le souiller à jamais. Si le Saint-Esprit habite dans le Christ, il s’ensuit, évidemment, qu’il est aussi distinct du Christ. Link, op. cit., p. 12. Il n’est pas une force impersonnelle, parce qu’il est le principe d’actions qui supposent nécessairement une personnalité. Avant l’incarnation du Fils, il a été la source de toute sainteté et l’inspirateur des prophètes. Lorsque le Fils s’est fait chair, il a habité en lui, il a communiqué une vie nouvelle à ceux qui reconnaissent en lui le Fils de Dieu. Heurtier, op. cit., p. 46-61. Hermas déclare à plusieurs reprises que c’est le Père qui a établi le Saint-Esprit dans la sainte humanité de Jésus : Tb IlvsOjj.a, ô ; ô Oîb ; /.aT(o/.’.17£v év t/j aap/.’i Ta’Jt"^, Mand., III, 1, Funk, 1. 1, p. 473 ; zo IlvejiJia toû OsoO tô So6kv s’iç tt, -/ ai.y/-x taÛT/iv. Mand., X, 2, 6, Funk, p. 502. D’ailleurs, Hermas lui-même mentionne clairement l’Esprit de Dieu, comme distinct du Fils de Dieu. Sim., IX, XXIV, 4, Funk t. i, p. 620.
Les passages cités jusqu’ici n’aplanissent pas les difficultés que soulèvent d’autres textes, où Hermas semble identifier le Saint-Esprit avec le Fils et l’archange Michel. Mais il nous suffît d’avoir montré qu’il ne manque pas, dans le Pasteur d’Hermas, de témoignages explicites sur la divinité et la personnalité du Saint-Esprit.
L’Épitre de Barnabe, i, 3, Funk, t. i, p. 38, et la Doctrine des douze apôtres, Wohlemberg, Die Lchre dcr zw’àlf Apostel in ihrem Verlialtniss zum neulestamentlichen Schrifttum, Erlangen, 1888, p. 8-10, mentionnent aussi le Saint-Esprit comme source de la grâce et de l’inspiration prophétique. ]Iais cette simple mention n’a pas assez de valeur doctrinale pour occuper l’attention des théologiens.
En résumé, la divinité et la personnalité du Saint-Esprit sont attestées parles monuments primitifs de la littérature chrétienne. Le Saint-Esprit s’y révèle avec les attributs de Dieu, c’est-à-dire comme Dieu : on lui approprie des actes divins et on établit une distinction réelle entre lui et les autres personnes de la
très sainte Trinité ; il est l’égal du Père et du Fils, et il participe à la même gloire que le Père et le Fils. Les Pères apostoliques professent donc les points les plus essentiels de la doctrine catholique touchant le Saint-Esprit.
2° Les Pères apologistes et controversisles du ii" et du m" siécte. — 1. Remarques préliminaires. — Aux prises avec le polythéisme païen ou les hérésies antitrinitaires, les Pères et les écrivains ecclésiastiques du n* et du iiie siècle s’efforçaient d’écarter de leur enseignement les conceptions extrêmes du dogme de la très sainte Trinité, d’éviter le double écueil du monarchianisme et du trithéisme ou dithéisme. Contre le premier, qui insistait sur l’unité de Dieu, jusqu’à sacrifier la personnalité distincte du Fils et du Saint-Esprit, la théologie anténicéenne affirmait la distinction réelle des trois personnes divines ; contre les théories trithéistes ou dithéistes, elle revendiquait l’unité de l’essence divine, indivisible en elle-même, bien que possédée en commun par les trois hypostases divines. Mais la tâche de ces Pères et de ces écrivains n’était pas facile, parce que, au point de vue théologique, ils n’étaient pas assez outillés pour repousser les attaques des adversaires de la vérité chrétienne. Leur foi était, sans doute, comme nous l’avons déjà remarqué pour les Pères apostoliques, l’écho fidèle de la tradition, une foi à l’abri du moindre soupçon et exempte de la plus petite tache. Mais les expressions et les images qu’ils employaient pour élucider le mystère de la très sainte Trinité n’exprimaient pas, d’une façon absolument claire, un dogme connu et professé de la manière la plus explicite par les fidèles, et plus encore par les docteurs de l’Église. Nous ne devons donc pas nous attendre à trouver, dans les monuments littéraires de la théologie anténicéenne, un traité en bonne et due forme sur la personne du Saint-Esprit et son action dans l’ordre surnaturel. Bien plus, il n’y aurait pas d’exagération de notre part à affirmer que, dans les ouvrages antérieurs au concile de Nicée, le savant catholique, tout en y puisant la véritable doctrine de l’Église sur le Saint-Esprit, rencontre des passages où la divinité et la personnahté distincte de la troisième personne ne sont pas énoncées avec la sûreté et la plénitude qu’il eût fallu. Il n’est donc pas étonnant qu’une critique mal avisée ou audacieuse et l’exégèse rationaliste du protestantisme se soient parfois évertuées à ranger les Pères du ii « et du IIIe siècle au nombre des pneumatomaques et à tirer de leurs écrits la preuve de la négation du Saint-Esprit dans l’Église primitive.
Le P. Petau ne se faisait pas scrupule de reprocher à ces Pères l’usage de termes dangereux, qui révéleraient chez eux, surtout à l’égard du Saint-Esprit, une certaine ignorance du mystère de la sainte Trinité : Ut erant tempora, nondum myslerio illo salisliquida cogniio, nonnutla periculose dicta jecerunt. De Trinitate, 1. L c. iii, n. 1, t. ii, p. 291-292. Ces attaques contre l’orthodoxie des Pères anténicéens ont été repoussées par le théologien anglican, Georges Bull, dans son ouvrage : Defensio fidei Nicenæ, Oxford, 1685. Dans sa préface aux livres De Trinitate, le P. Petau lui-même s’est vu obligé de mitiger la rigueur excessive de ses jugements et de rétracter en partie ses critiques injustes sur la doctrine trinitaire de la théologie anténicéenne. Præfalio, c. iii, t. : i, p. 260-271.
La critique rationaliste, au contraire, n’a point cessé d’attaquer la continuité de la tradition des^ Pères touchant le Saint-Esprit. D’après Harnack, lesapologistes chrétiens du ii’e siècle et les Pères du iiie siècle ignorent la personne du Saint-Esprit, ne font aucune distinction entre le Verbe et le Saint-Esprit, ne reconnaissent en Dieu que deux hjpostases. Lehrbuch dtr Dogmengeschichte, 3e édit., t. ï„
p. 449. Avec une grande érudition patristique, NôS^en s’est essayé à démontrer que la thèse de Harnaclv est bien fondée ; que des textes nombreux, puisés dans les écrits de saint Justin, d’Athénagore, de Théophile d’Antioche, de Clément d’Alexandrie, d’Irénée, ne laissent pas le moindre doute sur l’identification du Verbe avec le Saint-Esprit par la théologie anténicéenne. Geschichie der Lehre vom heiligen Geisle, Gutersloh. 1899, p. 8-26. Les théologiens du modernisme reprochent aux Pères anténicéens des tendances prononcées vers le sabellianisme ou le dithéisme ; eurs écrits identifient le Saint-Esprit avec le Fils, ou le représentent comme un attribut divin, une force impersonnelle de la divinité. Dupin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. xi (1906), p..355. La théologie anténicécnne, déclare cet écrivain, ne connaît que le Verbe, fils de Dieu en réduction. Elle aurait donc dû renoncer à la formule trinitaire et à la personne du Saint-Esprit, mais parce que la liturgie^ le symbole, la foi du peuple témoignaient contre les conclusions lo^nques de leur spéculation doctrinale, les théologiens de l’époque laissèrent subsister l’appellation de Saint-Espri*. Ibid., p..356. La personne du Saint I "iiirit, dans la lliéologie chrc !.( nne, est le produit logique des infiltrations platoniciennes et philonienncs dans la doctrine des Pères anténicéens concernant le mystère de la sainte Trinité. Morin, Vérités d’hier, Paris, 1906, p. 221.
A ces attaques contre la continuité de la tradition patrislique touchant la divinité et la personnalité distincte du Saint-Esprit, nous répondons en affirmant que, malgré ses lacunes, ses obscurités, l’imprécision de ses termes et de ses formules, la théologie anténicécnne, par la bouche des apologistes chrétiens du iie siècle et des Pères et écrivains du tiie siècle, reconnaît le Saint-Esprit comme une personne divine, égale en dignité au Père et au Fils, mais réellement distincte du Père et du Fils par l’hypostase. Toutefois, avant d’aborder la démonstration directe de cette thèse, il est utile de faire les remarques suivantes :
n) Il faut distinguer avec soin ce qui fait le fond, la substance du dogme, des images, des expressions sous lesquelles ce dogme est énoncé ou expliqué. La théologie anténicécnne, dans ses représentants les plus illustres, ne s’est point trompée au sujet de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit, mais manquant d’expressions précises et de formules rigoureuses, dans l’exposé de la doctrine trinitaire. elle s’est servie de ternies équivoques, que les hérétiques ont exploités pour la dilTusion de leurs erreurs.
&) La doctrine commune des théologiens catholiques est que les Pères et écrivains du ii’^ et du iii<e siècle, aissi bien qvic les Pères et écrivains des siècles postérieurs, ont eu la conviction nette et arrêtée de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. On nesaurait, en effet, admettre que ces Pères, dans leur ensemble, aient eu une idée vague et confuse de la troisième personne divine, et par suite une idée vague et confuse (le la sainte Trinité, d’un dogme fondamental de la foi chrétienne. Une telle supposition, remarque Scheeben. t. II, n. 8.32. p. 561, est inacceptable a priori, puisque la personne du Saint-Esprit est exprcssément mentionnée dans ri’^criture, dans la formule du baptême, dans les symboles de foi, dans les doxologies de l’I^glise, dans les prières et les confessions des martyrs. Il s’ensuit donc que les passages et termes obscurs des Pères anténicéens touchant le Saint-t-2sprit ont besoin d’être compris et interprétés dans le sens que leur attachent les Pères qui, au concile de Nicéc ou après ce concile, en ont a|)pelé à leur témoignage pour combattre les pneumatomaques. l-’ran/.elin, op. cit., p. 1 16-147.
r) Il y a lieu d’admettre r|ue dans les monuments de la théologie anténiccennc on rencontre çà et là des
inexactitudes dogmatiques touchant le Saint-Esprit. Dans ce cas, les affirmations erronées d’un Père, considéré comme docteur particulier, n’infirment pas la tradition commune des autres Pères. Mais il faut, remarque Franzelin, que ces afiirmations erronées soient clairement énoncées, de telle sorte que le doute sur leur authenticité ou leur véritable portée ne soit pas admissible. Op. cit., p. 148-149.
d) Il ne faut pas oublier que, pour ce qui concerne le Saint-Esprit, à côté de termes vagues et obscurs, et d’expressions inexactes, la théologie anténicéenne contient des affirmations nettes et précises de la vraie doctrine catholique. Les données des Pères, puisées dans la tradition, sont justes et exactes ; les théories et les raisonnements qu’ils bâtissent sur la philosophie platonicienne et philoniennc ne sont pas toujours heureuses. Tixeront, La théologie anténicéenne, Paris, 1905, p. 233. En pareil cas, les passages obscurs d’un Père touchant le Saint-Esprit doivent être expliqués à la lumière des passages clairs et explicites du même Père. Ce que prescrit une saine critique, dit Mgr Freppel, c’est de constater le fond de la croyance des passages d’une clarté irrécusable, puis d’expliquer par eux ce qui est moins formel ou plus enveloppé. Saint Justin, Paris, 1869, p. 366.
e) Les ombres qui enveloppent la personne du Saint-Esprit dans la théologie anténicéenne se dissipent aisément, si l’on étudie soigneusement la terminologie trinitaire des trois premiers siècles, si l’on fixe surtout les divers sens du mot esprit chez le même Père, qui le prend tantôt pour désigner l’essence divine, tantôt une hypostase divine. Voir Franzelin, p. 151-186 ; Schell, t. ii, p. 298-300.
/) Enfin, il est utile de rappeler que quelques écrits des Pères ont subi les interpolations des hérétiques et les altérations involontaires de copistes ignorants. C’est aux hérétiques et aux copistes, ou même ; la simplicité de leurs auteurs que saint.Jérôme attribue les expressions dangereuses qu’on rencontre çù et là dans les écrits des Pères anténicéens et qui ont servi de prélude on de jirétexte à l’arianisine : Fieri poiest, li.’simpliciler erraverint, vel a librariis imperitis corum paulalim scripta cnrrupta sinl ; vel ccrte anlequam in Alexandria quasi dœmnnium meridianum Arius nasccretur, innocenter quædam et minus caute loculi sunt, et quæ non possunt perversorum hominuni calumnias declinare. Apol. adversus libros Ruflni, 1. II, c. xvii, P. L., t. xxiii. col. 440.
2. Les apologistes grecs du iie siècle. — a) La théologie du Saint-b-sjjrit est à peine ébauchée dans les œuvres du plus célèbre des apologistes grecs du ne siècle, saint.lustin martyr. Cependant, on y rencontre à plusjnurs reprises des textes qui affirment expressément li (llinité et la personnalité du.Saintl’s |>i-il. On formulait contre les chrétiens le reproche d’alliéisme. Saint.Justin rciioussc cette calomnie. <i Nous ne sommes pas des athées, dcclare-t-il. nous qui reconnaissons eu, Jésus-( ; hrist le Fils de Dieu et l’honorons en seconde ligne, et honorons aussi en troisième ligne l’esprit prophétique, Jl/£j[j.dt xs 71po ?T, Tixôv èv rpiTïi Tïhi…’iiJMijti. » Apol., I, 13, P. G., t. VI, col. 318. Ce passage est d’une clarté frappante en ce qui concerne la divinité et la personnalité du Saint1 -esprit, adoré comme troisième personne div.ne à l’égal du Père et du I-’ils. Ceiiendanl, la critique ration.iliste y a vu une jirofession explicite de subordinatianisme entre les trois prr ?onnes divines et a reproché à saint .Justin de considérer le Saint-F’sprit comme inférieur un Père et au Fils. Le reproche est injuste. La pensée do saint.lustin est très claire, et ses expressions ne sont pas inexactes. Le Saint-Iîsprit est le troisième dans l’ordre d’origine. dans l’ordre des relations divines, mais le rang qu’il occupe n’emporte pas une infériorité do C99
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nature. Saint Justin reconnaît formellement la communauté d’essence entre les trois personnes divines, a Comme le Fils est engendré par le Père, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, il est toutnaliTcl de nommer les trois personnes dans l’ordre indi(jiié par saint Justin. Préférerait-on que l’apologiste efit placé le Fils ou Je Saint-Esprit en premier lieu, cl le Père en dernier ? Une pareille terminologie renverserait le langage reçu, et blesserait même le dogme. Les deux processions divines exigent nécessairement qu’on fasse précéder la personne qui procède de celle dont elle procède. » Freppel, Saint Justin, p. 36, ’S. Cf. Kuhn, Kalholische Dogmalik, Tub’mgie, 1857, t. ii, p. 123.
Dans un autre passage, saint Justin revient sur le culte d’adoration et de vénération que ^es chrétiens rendent au Saint-Esprit à l’égal du Père et du Fils : llvî’jiJ.à TS t"o TrpoçviTiy.ôv iT£So|j.îOa zat iTpoiTzuvoO ; j.ev. Apui., I, 6, col. 336, 337. Il rappelle les bienfaits du Saint-Esprit. L’âme est régénérée par les eaux du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Apol., I, 61, col. 420. Dans la cène eucharistique, on rend gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., 67, col. 422. Il serait donc absurde de soupçonner saint Justin d’attaches au dithéisme.
Cependant, nous le reconnaissons, pour ce qui concerne le Saint-Esprit, quelques textes de saint Justin n’ont pas toute la netteté désirable. Saint Justin admet que Dieu, par son esprit prophétique, a révélé les choses futures, la conception virginale du Christ : oià ToO upoç/|Tixov llv£J[j.aToç. Ibid., 33, col. 381. Mais il afiirme aussi que cet esprit qui a parlé par la bouche des prophètes est le Verbe de Dieu : 6 Àôyo ; Si* Twv TtpoçïlTtôv TzpoziTxùi-i zoL |ji).), ûvra. ibid., 10, col. 461 ; et ce qui est plus fort encore que l’esprit, la force qui émane de Dieu n’est autre que le Verbe de Dieu : Tô TtvEÛjxa oOv xai tT|V &jva[j.r/ To’j ôso’j o-J5èv a), AO vor, (Tai 6é[xti ;, r] tôv Xoyov. Ibid., 33, col. 381. 11 semblerait donc, d’après ces textes, que le Fils et le Saint-Esprit ne seraient en réalité qu’une seule et même personne divine et que, partant, les théories trinitaires de saint Justin ne pourraient échapper au reproche de dithéisme. Schmidt, De quxsiionc nuni antiquissimi scriptores inler iryj xa’i 7rveû|j.a ay.ov aliqiiid fecerunt discriminis, Strasbourg, 1836, p. 10 ; Georgii, Untersuclmng iiber die Lehre von heiligen Geisl bci Jusiin dem Marlyrer, Wurtemberg, 1838 ; Dupin, loc. cit., p. 354-355. Mais nous ne devons pas oublier les textes explicites, où Justin établit formellement la personnalité distincte du Saint-Esprit. Il s’ensuit donc que le passage où il paraît contredire sa profession ouverte de la personnalité du Saint-Esprit est susceptible d’une interprétation catholique. Justin attribue l’inspiration prophétique tantôt au Père, tantôt au Fils et au Saint-Esprit, parce que cette inspiration n’est pas une action hypostatique du Saint-Esprit (les théologiens enseignent qu’elle lui est simplement appropriée), mais une action commune aux trois personnes divines. Kuhn, op. cit., p. 295 ; Otto, De Justini marlyris scriptis et doclrina, léna, 1841, p. 137, 138 ; Feder, Justins des Màrlyrers Lelire von Jésus Christus, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 121. Saint Justin déclare aussi que l’esprit de Dieu est le Verbe. L’expression n’est pas nouvelle. Saint Paul a dit que l’Esprit est le Seigneur. II Cor., iii, 17. Voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 490-494. Saint Ignace d’Antioche, saint Clément de Rome, Tertullien emploient la même expression. Feder, p. 120. Le sens du mot esprit, nous l’avons remai-qué, est vague, flottant. Il désigne souTent, dans l’ancienne littérature chrétienne, la nature divine, les dons de Dieu, le Christ en tant que personne divine. Otto, p. 137. On
ne saurait donc, pour un manque de précision dai.s les termes, mettre Justin au nombre des pneumatomaques.
Il est bien vrai que les écrits de saint Justin ne nous fournissent pas assez de détails sur la nature et l’œuvre du Saint-Esprit. Mais il était loin de la pensée du saint d’éclaircir la doctrine trinitaire. Son but était avant tout pratique. Il voulait seulement résoudre les objections des pa’i’ens contre le christianisme et amener ses adversaires à une connaissance plus exacte de la doctrine du Christ. C’est ce qui le fait insister de préférence sur les vérités de la religion naturelle, tandis qu’à l’égard des vérités de la religion chrétienne, il s’en tient à la tradition de l’Église et mentionne, sans les approfondir, les mystères chrétiens. Sa méthode a été généralement suivie par les autres apologistes. Feder, j). 123 : Heinrich, t. IV, p. 268-272 ; Thomassin, De S. Trinitate, c. XLit, Dogmata theologica, Paris, 1868, t. v, p. 581-585 ; Bardenhewer, Geschichle der allkircldiclien Lilteraïur, t. I, p. 235.
b) La Legatio pro christianis d’Athénagorc renferme aussi les alTirmations les plus explicites de la foi de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. De même que saint Justin, Athénagore repousse l’accusation d’athéisme portée contre les chrétiens par lespaïens et s’écrie : ’. Qui ne sera pas étonné qu’on nous fasse passer pour athées, nous qui reconnaissons Dieu le Père, Dieu le Fils et le Saint-Esprit, nous qui voj’ons leur puissance dans l’union, et leur distinction dans l’ordre. >. 10, P. G., t. vi, col. 909. « On ne saurait rien désirer de plus explicite, remarcjue Mgr Freppel, que cette profession de foi, dont il serait difhcile de dépasser la rigueur. > Les apologistes chrétiens au ir siècle, Paris, 1870, p. 153..thénagore y enseigne expressément la communauté de l’être divin entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit et la distinction réelle de celui-ci des deux autres personnesdivines. Dans un autre passage, non moins explicite, il affirme que la vie future consiste à connaître Dieu et son Verbe, à savoir ce que c’est que l’Esprit, et quelle est la nature de l’union du Saint-Esprit avec le Père et le Fils, et en quoi difïèrent les trois personnes divines. 12, col. 913. Athénagore admet donc que le Saint-Esprit est uni au Père et avi Fils, ce qui ne peut s’entendre que de la participation à l’unique et indivisible être divin ; il admet aussi qu’il est distinct du Père et du Fils, ce qui ne peut se rapporter qu’à la distinction hypostatique.
La clarté de ces aflirmations dissipe les doutes que pourraient çoulever quelques passages du même apologiste, où il déclare que le Saint-Esprit, qui agit dans les hommes inspirés, est une émanation de Dieu, , qu’il découle de lui et retourne à lui par réflexion, comme le rayon du soleil, 10, col. 909 ; que le Fils est dans le Père, et le Père dans le Fils, par l’unité et la vertu de l’esprit. Ibid. Les difiicultes qu’on pourrait tirer de ces textes ne sauraient prévaloir contre les autres textes formels, où, à côté du Père et du Fils, Athénagore nomme le Saint-Esprit comme troisième personne divine. Tixeront, op. cit., p. 239. Dans la théologie d’Athénagorc, le Saint-Esprit n’est pas présenté comme une force qui émane de Dieu et retourne à Dieu. Athénagore dit expressément que le christianisme croit en Dieu le Père, dans le Fils de Dieu, le Verbe divin, et dans le Saint-Esprit, et que ces trois personnes divines sont unies selon la puissance, c’est-à-dire selon l’être divin auquel on attribue aussi l’épithète d’esprit. 10, col. 909. La pensée, verbe ou sagesse, dérive du Père, aussi bien que le Saint-Esprit, qui procède du Père connue la lumière jaillit de la flamme. 24, col. 915. On pourrait, à la rigueur, ergoter sur les expressions et les images dont
Athénagore se sert pour élucider les rapports du Père et du Saint-Esprit ; mais il est bien difiicile de nier qu’il ait reconnu le Saint-Esprit comme personne divine réellement distincte du Père et du Fils. Hcinricli, t. IV, p. 272-271 ; Thomassin, t. v, p. 585-586 ; Franzelin, p*. 137-138.
c) Saint Théophile, évêque d’Antiochc, voit dans les trois premiers jours de la création le symbole, l’image des trois personnes divines, TJTtoi doi-/ z% ; Tpii-So ; TOO 0£ov, y.a’. ToO.Voyo-J aOroO, y.at Tr, ç (joçi’a ; aCiTOÛ. Advulolijcum, 1. II, 15, P. G., t. vi, col. 1077. Dans la Trinité (Théophile a été le premier à employer le terme de Tpcir), Dieu a été le créateur de l’univers par son verbe et sa sagesse. L. 1, 7, col. 1036. C’est à son verbe et à sa sagesse qu’il a adressé les paroles : Créons l’homme. L. II, 18, col. 1081. Lors de la création du monde, il n’y avait en Dieu que sa sagesse et son saint Verbe, qui a toujours été avec lui, L. II, 10, col. 1065. Avec sa sagesse Dieu a engendré le Verbe caché en lui, 1. II, 10, col. 1064, en le produisant hors de son sein avant la création de l’univers.
Théophile affirme donc avec assurance la divinité du Saint-Esprit, créateur avec le Père et le Fils, et en même temps sa personnalité distincte du Père et du Fils. Il faut avouer, cependant, que sa terminologie n’est pas précise. Il affirme que le Verbe, étant l’Esprit de Dieu, et principe et sagesse, descendit sur les prophètes. L. II, 10, col. 1064. Il semblerait donc confondre le Verbe avec le Saint-Esprit. Mais les passages que nous avons cités plus haut nous autorisent, contre les assertions de Dupin, lac. cil., p. 357, à donner h ses expressions inexactes un sens catholique. L’évêque d’Antioche envisage la sagesse comme un attribut essentiel de la divinité ; en ce sens, le Verbe de Dieu aussi bien que l’Esprit-Saint, est la sagesse divine. Freppel, Les apologistes cliréliens, p. 289-290 ; Heinrich, p. 276. Même le P. Petau penclie à croire que le saint évêque confond le Saint-Espr t avec le Verbe. L. I c. iii, n. 6, p. 299. Mais puisque Théophile mentionne les trois termes 0e6 ;, )ô-(-o ;, Tosia, 1. I, 7 ; I. II, 18, col. 1030, 1081. comme constituant une Irinité ; 1. II, 15, col. 1077, la supposition du docte théologien n’est pas fondée.
d) Les théories trinitaires de Tatien sont très embrouillées et confuses, ce qui leur a valu les critiques les plus sévères du P. Petau. Cependant, dans son Oratio advcrsus grsecos, il parle plusieurs fois de la personne du Saint-Esprit, comme auteur de la sanctification des âmes. Il affirme que le Verbe envoie le .Saint-Esprit habiter dans les âmes des justes. C’est l’Esprit-Saint qui soulève ces âmes vers Dieu, xiii, P. G., t. VI, col. 833, qui remplit de sa grâce les hommes fidèles à l’accomplissement de leurs devoirs refigicux. Il ne repose pas dans toutes les âmes, mais uniquement dans celles qui ont été jugées dignes de ses charismes. L’homme est un temple et Dieu y haliite par le moyen du Saint-Esjjrit. xvi. col. 841-842. Toutes les âmes doivent s’efforcer de s’unir au Saint-Esprit, et celles qui le méprisent se rangent panni les ennemis de Dieu, xv, col. 840. Steuer, Die Colles und Logos Jehredes Tatian, Lei|)zig, 1893, p. 67, 68. Chez Tatien, nous avons donc l’affirmation de la divinité du Saint-Esprit, considéré comme auteur de la grâce, et, en même temps, l’affirmation de sa personnalité, puisqu’il est envoyé par le N’erbc, et c’est par lui que le Père habite dans les âmes.
En résumé, bien que dans leurs polémiques avec les païens les apologistes chrétiens du iie siècle n’aient pas donné un exposé complet de la doctrine trinitaire, ils ont affirmé, néanmoins, à iihisicurs re|irises, et avec une grande clarté, la divinité et la personnalité du Saint-I-sprit, et ils ont continué, sur ce point la tradition de l’âge apostolique.
3. Les Pères el écrivains ecclésiasliques du ii^ el du iiie siècle. — « L’enseignement d’Irénée sur le Saint-Esprit, dit Beuzart, est indécis et flottant, comparé à la doctrine des âges suivants. » Essai sur la Ihéologic d’Irénée, Paris, 1908, p. 54. Cependant, saint Basile range Irénée parmi les témoins autorisés de la tradition catholique, touchant le Saint-Esprit, Liber de Spiritu Sanclo, xxix, 82, P. G., t. xxxii, col. 201, et Théodoret aussi invoque son autorité. Dialogus, i, P. G., t. lxxxiii, col. 84, 85. Nôsgen lui-même est forcé d’admettre que le grand évêque de Lyon a marqué avec une suffisante clarté la consubstantialité divine du Saint-Esprit avec le Père et le Fils. Op. cit., p. 16. Saint Irénée pose en principe que l’Église, gardienne infaillible de la révélation chrétienne, a reçu des apôtres et de leurs disciples une foi intègre. En vertu de cette foi, elle croit « au Saint-Esprit, lequel a prédit par lei prophètes l’économie divine et l’avènement de Jésus-Christ notre Seigneur. » Conl. hær., I, x, 1, P. G., t. vii, col. 549. Le Saint-Esprit est la sagesse de Dieu, la figuralio Patris (d’après dom Massuet, le terme figuralio se rapporte au Fils). Les chœurs angéliques lui sont soumis. Ibid.. IV, vii, 4, col. 993. Il est à côté du Père et du Fils dans l’œuvre de la création : Spiritu nulricnle et augente. Ibid., V, xxxviii, 3, col. 1108. Il est auprès du Père avant tout être créé, avant que l’univers fût tiré du néant, anle omnem conslilulionem. Ibid., IV, xx, 3. col. 1033. C’est lui qui fait connaître les décisions du Père et du Fils et qui ouvre les inteHigences à la lumière de la vérité. Ibid., IV, xxxiii, 7. col. 1077. L’ordre et l’harmonie qui régnent dans l’univers sont l’œuvre de Dieu, qui est uni avec son Verbe et sa Sagesse : unus Deus qui Verbo et Sapienlia fecil et aptavil omnia. Ibid., IV, xx, 4, col. 1034. Cependant, soit le Verbe, soit la Sagesse, ne sont pas distincts du Père quant à la nature divine. Dieu, en effet, a créé le ciel et la terre par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et sa Sagesse. Ibid., II, xxx, 9, col. 822. Il n’y a donc qu’un seul Dieu, qu’un seul Fils, qu’un seul Esprit, qu’un seul salut ])Our ceux qui croient en lui. Ibid., IV, vi, 6, col. 990. Le Verbe et la Sagesse, le Fils et l’Esprit sont toujours avec Dieu ; c’est par eux et en eux qu’il a créé toutes choses en pleine liberté. Ibid., IV, xx, 1, col. 1032. Le Fils et le Saint-Esprit sont appelés les mains par lesquelles Dieu a créé et formé l’homme : per mamis enim Patris, id est, per Filium et Spirilum Sanclum, . fil homo. Ibid., IV.prœf., 4, col. 975 : IV, xx, 1 ; V, vi, 1, col. 1032, 1137.
De ces textes il ressort clairement qu’Irénée marque avec la plus grande netteté la consubstantialité divine du Saint-Esprit. Il est vrai, comme l’a remarqué dom Massuet, que le saint évêque ne donne pas au Saint-Esprit le nom de Dieu, el en parle rarement, Diss., III, de Ircnxi doctrina, P. G., t. vii, col. 312 : dans ses controverses avec les sectes gnostiques, saint Irénée porte de préférence son attention sur le Verbe divin. Voir Tixeront, op. cit., p. 254. Toutefois, il reconnaît d’une manière formelle que le Saint-Esprit possède entièrement la nature divine. En elTct, il le met sur le même rang que le Père et le Fils ; il déclare qu’il est dans le Père anle omnem conslilulionem ; qu’il est éternel, ivpix’i’i, â la différencc du souffle de la vie qui, dans l’homme, est temporaire, Ttvbr. ïoir, : np.’Jrrxiipoç, V, xiT, 2, col. 1152 ; il le représente comme créateur, comme source de la vie divine pour ceux qui le reçoivent, <> XaSonEvo ; tô s")07totoCv Tivi-j|j.a, eOpiÎTEi TT|V îo)/, ’I. Ibid., col. 1153. Il proclame donc, d’une manière très expressive, que le Saint-ICsiirit possède, en commun avec le Père et le Fils, l’unique essence divine et qu’il la possède comme hypostase distincte du Père et du Fils, parce qu’il est
un des trois termes de la Trinité. Ibid., I, x, 1 ;
IV, VII, 4 ; XX, 1, col..550, 993, 1032, 1033.
Mais saint Ironcc n’csl p : fs senlement un témoin de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. Il s’attache à faire ressortir plus soigneusement que ses devanciers le rôle surnaturel du Saint-Esprit dans l’Église, à décrire son influence, son action sur les âmes dans l’œuvre de la rédemption, et, de la sorte, il met en un relief plus accentué sa divinité. Il est donc bien juste de considérer le saint évêque de Lyon comme le précurseur de ces théologiens, qui ont eu à oœur d’enrichir, par la spéculation personnelle, la théologie du Saint-Esprit, d’y apporter de nouvelles données par l’étude plus approfondie des textes scripturaires. Le Saint-Esprit, dit Irénée, a été le héraut de Dieu dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Les prophètes d’Israël ont annoncé ce que le Saint-Esprit leur suggérait, IV, xx, 8, col. 1038, puisqu’il est la source de toute inspiration prophétique. Ibid., 3, col. 1034. Ce même Esprit qui, par la bouche des anciens prophètes, a annoncé l’avènement du Christ, a révélé aussi aux apôtres que la plénitude des temps était arrivée, que le règne de Dieu était proche. III, xxi, 4, col. 950. Il a répandu sur les premiers disciples du Christ ces charismes surnaturels, dont il est la source. III, xvix, 1, col. 929.
Le Saint-Esprit n’est pas seulement, avec le Verbe, l’auteur des saintes Écritures. II, xxviii, 2, col. 805. Par rapport à l’Église il est un gage d’incorruptibilité, un maître infaillible. Grâce à son assistance, l’Église est à l’abri de l’erreur. III, xxiv, 1, col. 266 ;
V, XX, 1, col. 1177. Le Saint-Esprit est là où se trouve l’Église, et l’Église et toutes les grâces d’en-haut sont là où se trouve le Saint-Esprit… qui est la vérité. III, XXIV, 1 ; V, XX, 1, col. 966, 1177.
Dans l’œuvre de notre salut éternel, le Saint-Esprit est la scala ascensionis ad Deum. III, xxiv, 1, col. 966. Irénée pose comme principe que nous ne sommes pas à même de nous sauver sans l’aide du Saint-Esprit : à’vsu llveûixaro ; 0eoj « rwOrivai o’J 8uvâ5j.e6 « . V, IX, 3, col. 1145. C’est l’Esprit qui nous conduit vers le Fils, qui prépare l’homme à aller au Fils, de même que c’est le Fils qui nous conduit au Père, qui nous élève vers le Père. IV, xx, 5 ; V, xxxvi, 2, col. 1035, 1223. L’Esprit-Saint est le paraclet, qui nous unit à Dieu. L’eau vive, que Notre-Seigneur donna à la Samaritaine, et qu’il reçut du Père, a été donnée à tous ceux qui participent du Christ, lorsqu’il a envoyé le Saint-Esprit par toute la terre. III, xvii, 2, col. 929, 930. Le Saint-Esprit est donc le principe, la source de la vie surnaturelle, et l’œuvre rédemptrice du Christ tend précisément à donner aux âmes la possession de cet esprit divin qui est le partis immortalitalis. IV, xxxviii, 1, col. 1106.
L’Esprit-Saint est un esprit vivifiant, un esprit qui conduit les âmes à la connaissance de la vérité divine. IV, xxxiii, 7, col. 1077. Les âmes qui se laissent dominer par cet Esprit sont appelées à la vie de la résurrection, III, xvii, 2, col. 930, et rendent gloire au Père. IV, XX, 3, col. 1034.
Les nombreux textes que nous avons puisés dans le Contra hsereses mettent en évidence que saint Irénée attribue au Saint-Esprit une personnalité distincte de celle du Père et du Fils. Voir Beuzart, p. 5153. C’est donc à tort qu’on a voulu découvrir des traces de subordinatianisme dans les rares passages, où le saint évêque déclare que le Verbe et le Saint-Esprit servent le Père ; que le Saint-Esprit conduit les âmes au Fils et le Fils au Père. Pour saint Irénée, la nature du Saint-Esprit ne diffère point de celle du Père^ et les anges qui servent le Père servent aussi le Saint-Esprit. Dom Massuet, Diss., III, col. 308. De même saint Irénée reste dans l’orbite de la plus pure ortho doxie, lorsqu’il affirme que le Saint-Esprit conduit les âmes au Fils. N’est-ce pas, en eflet, par la grâce du Saint-Esprit que les âmes se tournent, s’orientent vers le Fils pour y recueillir les fruits de la rédemption ? Et n’est-ce pas aussi par les mérites du Christ, que les âmes remplies du Saint-Esprit se reposent dans le sein du Père ? Voir Maran, Divinitas Domini noslri Jesu Christi manifesta in Scripturis et Iraditione, Paris, 1746, iv, 9, 5, p. 420-422 ; Franzelin, op. cit., p. 136, 137. Malgré donc quelques tenues incorrects, saint Irénée déclare de la manière la plus expressive qu’il y a identité de nature et égalité de gloire et d’honneur entre le Saint-Esprit et la première et la seconde personne de la Trinité, et que la personnalité du Saint-Esprit est distincte de celle du Père et du Fils.
La doctrine de Clément d’Alexandrie sur le Saint-Esprit n’a ]ias été développée avec ampleur ; elle nous offre des textes peu nombreux et peu expressifs. Clément professe ouvertement la trinité des personnes divines dans l’unité d’essence : il la nomme expressément TV kyîa-/ Tfiiâîa. Strom., V, 14, P. G., t. ix, col. 156. Le Saint-Esprit est le troisième terme de cette Trinité. Il n’y a qu’un seul Dieu de l’univers, et un seul Verbe, et un seul Esprit, qui est partout : TO Ttve-j[ia TO âyiov â’v -xot’. -h a’jtb Tiavra/o-j. Pœd., I, P. G., t. viii, col. 300. Il affirme donc l’ubiquité du Saint-Esprit. Il rend aussi au Saint-Esprit la même gloire, le même honneur qui est dû au Père et au Fils. Ibid., I, 6 ; III, 12, col. 300, 680, 681. Le véritable gnostique, le sage par excellence, est le disciple du Saint-Esprit. Strom., V, 4, P. G., t. ix, col. 44. Le Saint-Esprit joue un rôle important dans l’œuvre de la sanctification des âmes : il établit sa demeure dans les justes qui ont la vertu de la foi : t ô zItutts-j/oti 7 : pO(TS7rc7tve ; <j6ai tô âyiov IlvsOfj.a tpa[j.£v. Strom., V, 13, t. IX, col. 129. Il s’y établit par la foi : zh âyiov ITve-j(Aa TaÛTY) (la foi) ttû ; jj.îia^’jTcûsTai, VI, 15, col. 344 ; il les sanctifie par sa présence en leur donnant son onction. Ibid., viii, 11, col. 489 ; Pœd., II, 8, t. VIII, col. 472. Voir Cléiient d’Alexandrie, t. iii, col. 159, 160. Clément d’Alexandrie témoigne donc de sa croyance en la divinité du Saint-Esprit. Voir Maran, op. cit., IV, 10, 5, p. 428.
La doctrine d’Origène sur le Saint-Esprit, et en général sur la Trinité, a été, de son vivant même, l’objet de longues controverses. Elle a eu ses adversaires irréconciliables et ses défenseurs passionnés. Saint Épiphane lui est décidément hostile. Il appelle Origène le père d’Arius, Epist. ad Joannem Hieros., P. G., t. XLiii, col. 383, et lui reproche d’avoir placé le Saint-Esprit dans un rang inférieur à celui du Fils, d’avoir enseigné que le Saint-Esprit ne voit pas le Fils, de même que le Fils ne voit pas le Père, oj’ts t’o Ilv£Û(j : a Tciv uibv Sûvaxat ôîâaaiôat. Ibid., iv, col. 384 ; Hær., lxiv, 4, P. G., t. xli, col. 1 76. Les origénistes, au dire de saint Épiphane, tirèrent les dernières conséquence ^ du principe erroné de leur maitre et rabaissèrent le Saint-Esprit au niveau des créatures : xr17(j.a -/.ai xb "Aytov IIveO|j.a e’.ir/iyo’jjj.Evoi. Anacephalseosis, P. G., t. xlii, col. 868. Saint Jérôme renchérit sur ces accusations. A l’en croire, Origène aurait enseigné formellement que le Saint-Esprit est inférieur au Fils et que sa sphère d’activité est plus restreinte que celle du Père et du Fils, jiarce qu’elle se borne seulement aux âmes justes. La puissance du Père serait plus grande et plus étendue que celle du Fils, et la puissance du Fils, à son tour, serait plus grande et plus étendue que celle du Saint-Esprit. Epist., cxxiv, ad Avitum, 2, P. L., t. xxii, col. 1061. Nous ne saurions soupçonner saint Jérôme, qu’on a justement appelé un ardent chercheur d’hérésies, d’avoir à bon escient falsifié et corrompu le texte d’Origène pour avoir gain ce cause dans ses violentes querelles avec Rufin. D’ailleurs, le texte auquel il fait allusion nous a été conservé dans l’original grec par Justinien, qui, lui aussi, attribue à Origène les mêmes erreurs. Liber adversus Origenem, P. G., t. lxxxvi, col. 981.
Quelle est la valeur de ces accusations si graves et devons-nous y prêter foi ? La réponse n’est pas aisée, puisque le dernier mot sur l’orthodoxie d’Origène n’a pas encore été dit. Il faut noter cependant que des Pères, dont la doctrine trinitaire est au-dessus de tout soupçon, jugent avec une grande bienveillance le prétendu précurseur d’Arius. Saint Athanase s’appuie sur l’autorité d’Origène pour combattre les ariens, De decretis Nicænæ synodi, xxvi, P. G., t. xxv, col. 465, et le P. Petau, malgré ses antipathies pour Origène, est forcé d’avouer que l’autorité du saint docteur est ici d’un grand poids, I. I, c. iv, 6, p. 304. Saint Basile cite Origène parmi les théologiens qui, bien qu’ils n’exposent pas toujours la saine doctrine, toutefois, suivant les données de la tradition, ont pieusement disserté du Saint-Esprit, τὰς εὐσεθεῖς φωνάς ἀφῆκε περὶ τοῦ Πνεύματος. Liber de Spiritu Sancto, c. xxix, 73, P. G., t. xxxii, col. 264. Le témoignage de Photius, dont on est unanime à reconnaître la prodigieuse érudition, est encore plus décisif : « Origène n’a point erré sur la sainte Trinité ; mais en voulant combattre l’hérésie de Sabellius, qui alors faisait beaucoup de mal, et défendre la trinité des personnes, leur distinction manifeste et multiple, il a dépassé la juste mesure. » Bibtiotheca, cod. 117, P. G., t. ciii, col. 395.
Quoi qu’il en soit de ces avis contradictoires, pour ce qui concerne la doctrine du Saint-Esprit, nous croyons qu’Origène l’a exposée avec beaucoup de clarté, et qu’en l’exposant, il a été fidèle à la vraie tradition de l’Église, qui affirme la consubstantialité divine et la personnalité distincte du Saint-Esprit. Mais pour bien saisir sa véritable pensée, pour montrer que, même dans ses expressions les plus audacieuses et les plus dures, il n’a pas d’attaches aux hérésies antitrinitaires et qu’il a sauvegardé la nature divine du Saint-Esprit, il faut interpréter sa doctrine à la lumière des principes qu’il s’est posé à lui-même dans ses recherches théologiques.
Origène soutient la nécessité de s’en tenir à la prédication ecclésiastique, servetur ecclesiastica prædicatio, transmise par les apôtres suivant l’ordre de succession, et telle qu’elle est demeurée jusqu’à nos jours dans les Églises. Il ne faut admettre comme vrai que ce qui ne s’éloigne en rien de la tradition écclésiastique ou apostolique. De principiis, præf., 2, P. G ;., t.xi, col. 116. Il y a donc des points immuables, intangibles dans la doctrine du christianisme, des vérités que les apôtres ont énoncées clairement, parce qu’ils les ont jugées nécessaires pour tous, même pour les pigriores erga inquisitionem divinæ scientiæ. Ibid., 3, col. 116. Cependant, sur d’autres points, ils ont bien dit ce qui est, mais en passant sous silence le comment et le pourquoi, sans doute afin de fournir à ceux qui viendraient après eux l’occasion d’exercer leur esprit. Ibid., 3, col. 116, 117. Origène établit donc une distinction bien marquée entre l’objet nécessaire de la croyance, l’élément révélé et traditionnel de la foi, et les questions secondaires, l’élément spéculatif et individuel abandonné au libre travail de la pensée humaine. Cette distinction, il nous en avertit, il l’applique à la théologie du Saint-Esprit.
La prédication apostolique enseigne que le Saint-Esprit est associé au Père et au Fils dans l’égalité de nature et dans le droit à la même adoration : honore ac dignitate Patri ac Filio sociatum tradiderunt. Ibid., 4, col. 117. Nous avons ici la profession explicite de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit, et cette profession est, comme Origène la qualifie, l'élément et la base de la théologie trinitaire. La prédication apostolique affirme aussi que le Saint-Esprit est un ; qu’il se révèle, sans se dédoubler, dans l’Ancien et le Nouveau Testament ; qu’il a été la source de l’inspiration prophétique pour tous les justes, pour les prophètes de la loi mosa’ique, aussi bien que pour les apôtres. Ibid., col. 118.
Mais à côté de cet élément traditionnel, il y a, toujours d’après Origène, un ensemble de doctrines qu’on peut tirer des vérités de la prédication apostolique par voie de conséquence. Les apôtres, en effet, n’ont pas déclaré si le Saint-Esprit est engendré ou non (factus an infectus, d’après saint Jérôme), c’est-à-dire s’il procède du Père par voie de génération, comme le Verbe. En ce qui concerne ces questions, il faut approfondir par une recherche savante et perspicace les textes de l’Écriture sainte, et demander à la raison éclairée par la foi la solution des difficultés qu’elles soulèvent.
D’un côté donc, Origène, en traitant du Saint-Esprit, exprime la foi de l’Église reçue par le moyen de la tradition ; de l’autre, il fait part à ses lecteurs des fruits de ses méditations philosophiques sur le mystère de la Trinité, des théories, où l’on ne saurait voir l’enseignement officiel de l’Église, mais ses conclusions personnelles. Dans le premier cas, il est réellement un témoin de la tradition : sa doctrine est irréprochable ; ses idées, formulées avec précision, échappent aux traits de la critique. Dans le second cas, il est un docteur particulier, qui parfois se laisse aller à la dérive dans son exégèse allégorique, ou dans son dilettantisme philosophique, et, par inadvertance ou par l’emploi d’expressions obscures et dangereuses, donne prise aux accusations de ses adversaires.
Saint Athanase et saint Basile mettent en évidence ce double rôle d’Origène dans sa carrière littéraire. Le premier en appelle à son témoignage, seulement lorsqu’il affirme et définit avec confiance, c’est-à-dire lorsqu’il propose la doctrine contenue dans la prédication de l’Église. Le second déclare qu’Origène professe la saine doctrine de l’Église sur le Saint-Esprit, toutes les fois qu’il s’en tient avec respect et fidélité à la tradition : reveritus consuetidinis robur.
Ces remarques posées, il est utile tout d’abord d’analyser les textes où Origène parle suivant les données de la tradition. Il pense que la subsistance du Saint-Esprit en Dieu est une vérité que nous aurions toujours ignorée, si la révélation d’en-haut ne nous l’avait enseignée. Les philosophes, les savants n’ont pas soupçonné, dans l’être divin, un troisième terme, le Saint-Esprit, distinct du Père et du Logos. La connaissance du Saint-Esprit, soutient Origène, nous est venue par la loi, les prophètes et la révélation chrétienne. De principiis, I, iii, 1, col. 147. Origène n’ignorait pas sans doute que la philosophie grecque avait eu l’intuition lointaine de la Trinité, et, partant, de l’Esprit de Dieu. Mais cette vague connaissance n’était pas, à son avis, le produit du travail spéculatif de la pensée humaine. La théorie du logos chez Platon et ses disciples était plus un larcin qu’un emprunt fait à la révélation mosaïque, où l’école platonicienne avait puisé sa connaissance rudimentaire de la Trinité. L’école platonicienne comptait dans ses rangs les fures Hebrærorum (l’épithète est de Clément d’Alexandrie) qui, dans les Livres saints, ravissaient les données les plus élevées de leur théodicée et de leur éthique.
Le témoignage de l’Écriture sainte sur le Saint-Esprit est multiple et varié. De principiis, I, iii, 2, col. 147. L’Ancien Testament ne le passe pas sous silence ; dans le Nouveau, il est souvent question de lui, et puisque le Saint-Esprit est l’auteur des livres inspirés, ibid., præf., 8 ; I, iii, 1, col. 119, 120, 146, il y a lieu de dire qu’il révèle lui-même au monde sa 707
ESPRIT-SAINT
ro8
divine personnalité. La révélation nous apprend ((u’il n’y a qu’un seul Esprit-Saint : Duos Spirilus Sanclos rumquam coç/novimus ab aliqiio pncdicari. Ibid., II, VII, 1, eoi. 210. C’est eet Esprit qui a ouvert l’intellienee des aneiens prophètes h la vision de l’avenir et a révélé les desseins de Dieu aux prophètes de la loi de grâce. Ibid. Toutes les fois que l’Écriture sainte mentionne l’Esprit sine adjedione, on peut être assuré qu’il y a là une allusion à l’Esprit de Dieu. Ibid., I, 3, 4, col. 148, 140. Cet Esprit de Dieu, qui est identique à l’Espiit du Christ, se nomme le Saint-Esprit ou Vesprit princip(d, parce qu’il tient le sceptre, lu suprématie dans la hiérarchie des esprits. In Epist. ad Rom., xii, 1, P. G., t. xiv, col. 1103. Mais il n’est pas une créature ; il n"est pas l’œuvre de la puissance créatrice eu Père. Le doute n’est guère possible sur ce point. Les Livres saints ne contiennent la moindre allusion à la nature créée du Saint-Esprit. De principiis, L iii, 3, P. G., t. xi, col. 148. On ne saurait dire qu’il est un corps, qui se partage en fragments pour se distribuer aux âmes justes. L’Esprit-Saint est une force sanctifiante, ibid., I, i, 3, col. 122, une Subsistance spirituelle, intellecluelie : subsislenlia est intelleelualis et proprie subsistil et exslal. Ibid., col. 123. Mais cette subsistance spirituelle possède en commun avec le Père et le Fils les attributs divins. A l’égal du Fils, il a la science de Dieu le Père, il pénètre les abîmes de la sagesse de Dieu : Spiritiis Sanctus, qui solus scrutatur etiam alla Dci, révélai Deum cui imll. Ibid., 3, 4, col. 148, 149. On ne peut pas supposer, déclare Origène, qu’il y ait eu un instant où le Saint-Esprit n’ait pas eu la science de Dieu, où la révélation du Fils lui ait donné cette science. Il s’ensuivrait, en effet, que le Saint-Esprit aurait passé de l’état d’ignorance à l’état de science, et une pareille asserlion serait impie et absurde. Ibid., 3, 4, col. 149. On ne saurait dire non plus qu’il est devenu Esprit-Saint après avoir eu la science de Dieu, autrement, il n’aurait pas toujours été le troisième terme consubstantiel de la Trinité. Ibid.
he Saint-Esprit est donc consubstantiel au Père et au Fils. Il embrasse dans toute sa plénitude la science de Dieu, et, par conséquent, il embrasse aussi toute la plénitude de l’être divin. Origène insiste plusieurs fois sur ce fait que le Fils et le Saint-Esprit seuls ont la scierce de Dieu, In Joa., tom. ii, 23, P. G., t. xiv, col. 162 ; que cette science est identique dans le Fils et dans le Saint-Esprit, In Epist. ad Rom., ix, 13, col. 2201, 2202 ; que l’un et l’autre embrassent toute la volonté eu Père. In Joa., tom. xiii, 36, col. 462. Cette compréhension parfaite de la divinité, cette possession absolue de la science et de la volonté de Dieu de la part du Saint-Esprit, ne serait nullement possible, si le Saint-Esprit lui-même n’était pas Dieu. Le raisonnement tlicologique d’Origène conclut donc à la coiisubstanlialité divine du Saint-Esprit.
Le Saint-Esprit participe aussi aux autres attributs divins. Il y a, dit Origène, une bonté essentielle dont la sidnte "l’rinité est la source unique. De principiis, I, VI, 2, col. 166. Or, cettï unique bonté substantielle est inhérente au Saint-E prit aussi bien qu’au Père et au Fils. De même, il y a une sainteté substantielle, essentielle, qui est propre à Dieu. Cette sainteté sans tache, nous la trouvons aussi dans le Saint-Esprit : Natura Spirilus Sancli quse sancta est non recipil polliilionem : naturaliler enim, vel substanlialiler sancta est. Ibid., I, viii, 3, col. 178. Le Saint-Esprit n’est pas un être sanctifié. Sa sainteté n’a pas une origine temporaire ou extrinsèque. C’est une sainteté ad inlra, une sainteté éternelle, sans coniinencement, tandis que la sainteté des créatures est une sainteté qui découle du Saint-Esprit, comme de sa source. In Num., homil. XI, 8, P. G., t. xii, col. 053. La simple pré sence du Saint-Esprit suffit pour effacer toute impureté spirituelle, pour remettre les péchés. In Lev., homil. II, 2, col. 414.
Le Saint-Esprit est donc la source de la sanctification. In Epist. ad Rom., x, 11, t. xiv, col. 1208. Il est l’auteur de la grâce, de cette grâce qui communique aux âmes la sainteté de Dieu. De princ., I, iii, 8, t. XI, col. 154. Par la participation du Saint-Esprit, dans lequel omnis est natura donorum, ibid., II, vii, 3, col. 217, l’âme devient sainte et spirituelle. Celte parliciiKdion du Saint-Esprit n’est autre que la participation simultanée du Père et du Fils, c’est-à-dire que l’œuvre de la sanctification, appropriée au Saint-Esprit, appartient à la Trinité. Ibid., IV, 32, col. 406. Le Saint-Esprit répand dans les âmes la suraliondance de la charité, par laquelle on s’élève en quelque sorte à la participation de la nature divine. In Epist. ad Rom., iv, 9, t. xiv, col. 997. Grâce au Saint-Esprit, l’âme chrétienne, éclairée de la lumière d’en-haut, éblouie par la connaissance des mystères ineffables de la foi, tressaille d’une joie toute surnaturelle et céleste. De prine., II, vii, 4, l. xi, col. 218. C’est par le Saint-Esprit, uni au Père et au Fils, que l’homme régénéré est mis au nombre des élus. Le salut est une œuvre divine, une œuvre qui appartient à la sainte Trinité prise dans son intégrité, parce qu’on ne saurait posséder le Père et le Fils sans le Saint-Esprit. De princ., I, iii, 5, 8, t. xi, col. 150, 157.
Origène reconnaît formellement l’éternité du Saint-Esjjiit. Le Saint-Esprit renouvelle les âmes, mais lui-même n’est pas en Dieu un être nouveau, un être créé dans le temps : ipse enim Spirilus est in lege, ipse in Evangelio, ipse semper cum Paire et Filio est, et semper est, et eral, et erit, sicut Pater et Filius. Non ergo ipse novus est, sed credenles innovai. In Epist. ad Rom., vi, 7 ; vii, 13, t. xiv, col. 1076, 1141. Mais, bien qu’éternel, il se révèle par degrés aux hommes : prœcipuus Spirilus Sancli advenlus ad liomincs post cscensionem Ctiristi in eselos magis quam anle adventum ejus declaratur. De princ, II, vii, 2, t. xi, col. 216. Il s’est révélé par ses œuvres, par l’effusion de ses charismes, qui, très abondante durant la prédication du Christ, s’est augmentée après l’ascension et s’évanouit presque à l’âge d’Origène. Contra Celsum, 1, 46 ; VII, 8, P. G., t. XI, col. 745, 1432. Mais cette intermittence de son action dans le monde n’enlève rien à la splendeur et à la gloire de sa divinité. Il n’y a qu’un seul Dieu qui mérite toute adoration, et ce Dieu est en trois personnes divines. Père, Fils et Saint-Esprit. In Epist. ad Rom., i, 16, t. xiv, col. 864.
Ces textes nombreux sont le plus éloquent plaidoyer en faveur de l’orthodoxie de la doctrine d’Origène sur la divinité du Saint-Esprit. On pourrait objecter qu’ils ont été tirés en grande partie du De principiis, dont nous n’avons plus, malheureusement, le texte original grec ni la version latine littérale de saint Jérôme. La version de Rufln, que nous possédons encore, fait naître à bon droit le soupçon d’infidélité. Dans la préface de cette version, Rufin déclare franchement avoir omis les passages contraires aux idées exprimées par Origène en d’autres endroits ; d’avoir, en un mot, remanié le texte pour le rendre plus conforme à la saine doctrine de l’Église. P. G., t. XI, col. 112, 113. Mais il n’a pas faussé toute la pensée d’Origène dans les deux chapitres du De principiis, l, 3 ; II, 7, t. XI, col. 145-157, 215-218, où il a traité e.v professa de la personne du Saint-Esprit. Il ne l’a pas faussée non plus dans l ?s autres écrits d’Origène, qui nous ont fourni de nombreux passages, d’où il résulte que le célèbre Alexandrin a toujours allirmè avec la plus grande énergie et netteté la consubstanlialité divine du Saint-Esprit. Et en présence de ces textes qui témoignent si ouvertement en faveur de ! 0
l’orthofloxie d’Origèiie, il serait injuste de prendre prétexte de quekiues expressions dures et incorrectes pour lui ini]niter la négation de la divinité du Saint-Esprit.’( Sans doute, remarque avec raison Mur Preppel, il est facile de bâtir tout un système d’accusations sur rcmploi plus ou moins discret d’un terme, dont la signification n’était pas bien arrêtée ; mais l’équité demande que l’on rechcrclie avant tout l’idée exprimée parle mot. > Orifiène, Paris. 1875, t. i, p. 261.
La théologie trinitaire d’(Jrigène reconnaît formellement la consubstantialité divine du Saint-Esprit, comme nous l’avons vii, et en même temps aflirme d’une manière si explicite sa personnalité distincte, qu’il est impossible de biaiser à ce sujet. Duchesne, Histoire ancienne de t’Érjlise, Paris, 1908, t. i, p. 351. Le célèbre écrivain revient maintes fois sur le Saint-Esprit comme troisième terme de la Trinité, comme hj-postase divine distincte des liypostases du Père et du Fils. Il associe son nom à celui du Père et du Fils. De princ., , iii, 2, P. G., t. xi, col. 147. Il marque bien la distinction réelle entre les hypostases, tout en faisant ressortir vivement leur divine consubstantialité. In Gen., ir, 5, P. G., t. xii, col. 171 ; In Lev., v, 2, col. 450 ; In Exod., v, 3, t. xiii, col. 328 ; In Mailh., XII, 42, col. lOSl. Tpia K-Jaio ; > Osô ; r, xCù-i ïcxi-r o {ctçi Tps ; ; -0 é’v iln : -I. ( Le Seigneur notre Dieu est trois personnes : les trois personnes sont un seul Dieu. » Selecla in Ps., ps. cxxii, 2, P. G., t. xii, col. 1633. Origéne se plaît à multiplier ses actes d’adhésion à cette formule. « Je crois, dit-il, au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et cette foi est commune à tous les membres de l’Église de Dieu. » In Lcu., v, 3, P. G., t. XII, col. 452 ; In Num., i, 3 ; XII, 1, col. 389, 659. On ne saurait avoir la connaissance de la sainte Trinité, si l’on n’y voyait le Saint-Esprit. II()mil., i-, in ps. xxxvi, ibid., col. 1350. Les Juifs assoilTcs allaient s’abreuver h l’unique source de Dieu ; mais parce qu’ils n’avaient point soif du Christ et du Saint-Esprit, leur soif du Père ne put être étanchcc. In Jcr., homil. xviii, /’. G., t. xiii, col. 481. La clarté de ces passages nous dispense de tout commentaire. En ce qui concerne le dogme de la consubstantialité divine et de la personnalité distincte du Saint-Esprit, Origéne mérite l’éloge que lui décerne dom Maran : Ad dogmata quod atlinel, a jidei régula in Ecclesia fixa et slabilita, vel latiim ungiicm recedere ipsi relifiio fuit. Op. rit., p. 129.
Mais si la doctrine d’Origène sur le Saint-Esprit est irréprochable, que deviennent les accusations d’hérésie portées contre lui par saint Épiphane et saint Jérôme’.’(^s deux docteurs auraient-ils sciemment calomnié le granil exégèle d’.Mcxandrie et noirci sa mémoire’? Il faut écarter de pareils soupçons. Il y a, Iiersonne ne le conteste, dans les écrits d’Origène des hardiesses de pensées et des incorrections de langage, « (ui semblent, de prime abord, justifier la réprobation de docteurs à I humeur âpre et agressive, tels qu’Épiphane et Jérôme. Origéne cherchait à se frayer des voies nouvelles dans le champ de la spéculalion théologique, à donner une nouvelle ampleur à la théologie trinitaire, et quelque grande que fut la rccti-Uule de ses intentions, il n’élait pas à même de combler toutes les lacunes d’une Icnninologie imprécise et flottante, ou de fixer la doctrine du Saint-Esprit avec la rigueur des formules sanctionnées dans les conciles des âges suivants..Mais ces hardiesses de pensée et de langage, surtout si on ne les détache pas du contexte, loin de porter atteinte à l’enseignement traditionnel de rÉglisc, révèlent chez leur auteur un esprit vaste, qui ne recule pas devant les problèmes les plus ardus de la spéculation théologique.
On reproche à Origéne d’avoir subordonné le Saint-Esprit au Père et au Fils. - Le Père, dil-il, contenant
tout, embrasse tous les’êlres, en tirant de lui-même l’être qu’il communique à cliacun. Inférieur au Père, le Fils étend son action seulement aux substances rationnelles, car il est le second après le Père. Moindre encore, le Saint-Esprit n’étend son action que sur les saints. Ainsi la puissance du Père est plus grande que celle du Fils et du Saint-Esprit : celle du Fils est supérieure à celle du Saint-Esprit, et celle du Saint-Esprit, supérieure à celle des autres saints. » De princ., I, iii, 5, P. G., t. xii, col. 151. Le texte grec de ce passage dangereux nous a été conservé par.Justinien. Saint Jérôme l’exploite pour attaquer violemment Origéne, en l’accusant d’avoir supposé en Dieu trois puissances inégales et élevé le Fils en dignité au-dessus du Saint-Esprit. La meilleure réponse à cette accusation nous a été donnée par Origéne lui-même ; il s’explique clairement sur le sens qu’il convient de donner à ce passage ; il semble avoir prévu les objections de ses adversaires et il les a résolues d’avance. Voici avec quelle abondance il développe et éclaircit sa pensée : De ce que nous avons dit que le Saint-Esprit est accordé seulement aux justes, et que les bienfaits et les opérations du Père et du Fils atteignent les bons et les méchants, les justes et les injustes, qu’on ne pense point que par Ift nous mettions le Saint-Esprit au-dessus du Père et du Fils, ou que nous lui assignions une plus grande dignitc.’JJ.cite conséquence est absurde : car nous n’avons voulu parler que du caractère propre de la grâce et de l’opération du Saint-Esprit. Dans la Trinité, rien n’est plus ou moins grand, puisque la source de la divinité tient toutes choses dans son verbe et sa raison, st qu’il sanctifie par le souffle de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification. Ibid., I, iii, 7, col. 153. Et peu après, Orjgène revient sur celle explication si précise et déclare expressément qu’il n’y a pas de division dans la Trinité, que ce qui est appelé le don de l’Esprit est manifesté par le Fils et opéré par Dieu le Père. Ibid., 7, col. 154. Origéne marque donc bien la signification des termes qu’il emploie et en fixe avec une grande clarté le sens et la portée théologique. L’action appropriéc au Saint-Esprit est moins étendue que les actions a])propriées au Père et au Fils, mais cette appropriation n’implique pas une diversité de nature entre les trois hypostases divines, parce que dans la Trinité rien n’est plus ou moins grand. Origéne, du reste, parle le vrai langage de la théologie chrétienne, lorstiu’il indique des sphères d’activité plus ou moins restreintes ù ces acUona. ai)proprifCS. n lùivisagé comme le princiiic de la justification ou comme la vertu sanctifiante, le Saint-Esprit n’habite certainement que dans les âmes des justes. De même, les créatures raisonnables sont les seules qui participent au I-’ils en tant que Verbe ou raison éternelle..u contraire, le Père, en vertu de celle fonction particulière de créateur ou de principe universel des choses, étend son action à tous les êtres tant irraisonnables que doués de raison. » FrepiJcl, Or/ (/c/ie, t. i, p. 286, 287. Nous pouvons donc conclure, avec le P. de Régnon, que ce magiiifique passage proteste contre les fausses inleriirétalions de la doctrine d’Origène. Op. cit., t. iii, p. 379-381.
Un texte plus difficile à interpréter dans le sens catholique est contenu dans le Commentaire de l’Évangile de saint Jean, xiii, P. G., t. xiv, col. 411. Origène semble y admettre que le Père est de beaucoup supérieur en dignité et en excellence au Saint-Esprit : J-spsT/oij.Évou -’lUf’j-’i-j f, x » ’i -iiiÀrt-t aTtb TO’J llaipôç, ôiîn) Ù7 ; îp5/_tt aJtô ; v.aX to âyiov IIv£-jna -urt’/.oi-tiy/, ov T’ov Tj/ovTf.iv. Pour bien entendre ce passage, il faut avoir présent à l’esprit qu’Origène considère toujours le Père comme la source de la divinité, comme la racine d’où germent le Fils et le Saint-Esprit. Eu égard à cette relation divine de la paternité, qui suppose,
cliins le Père, une priorité d’origine, Origène conclut que le Fils et le Saint-Esprit demeurent subordonnés au Père quant à l’origine, que le Père est plus grand que le Fils et le Saint-Esprit, parce qu’il leur communique l’être divin. Freppel, op. cz7., t. i, p. 273. Est-ce que cette conclusion s’écarte de l’enseignement traditionnel de l’Église ? Non, assurément. Même après le concile de Nicée, les Pères qui ont traité du Saint-Esprit d’une manière irréprochable au point de vue de l’orthodoxie de la doctrine (il suffit de citer saint Basile et saint Grégoire de Nysse), enseignent que le Père est plus grand que le Fils et le Saint-Esprit, en ce qu’il en est l’àp/r, , l’aÎTÎa. Bardj% Didijme l’Aveugle, Paris, 1910, p. 104. Origène se commente lui-même dans cet autre passage : « Il convient de placer la bonté principielle (àp/_r/.r, ) en Dieu le Père, de qui le Fils est né et de qui l’Esprit-Saint procède. Sans nul doute, l’un et l’autre reproduisent en eux la substance de la bonté contenue dans la source, d’où est né le Fils et d’oii dérive le Saint-Esprit. « De princ, I, il, 13, P. G., t. XI, col. 144.
Rien donc n’est plus loin de la pensée d’Origène qu’une subordination essentielle du Saint-Esprit au Père et au Fils. Pour écarter celle-ci, il multiplie à dessein ses affirmations explicites de la consubstantialité divine des trois hypostases en Dieu. Il serait puéril aussi de voir du subordinatianisme dans l’appellation de vicaire de Jcsus-ChrisI, qu’Origène donne au Saint-Esprit. In Luc, homil. xxii, P. G., t. xiii, col. 1857. Origène n’a pas été le seul à l’employer. Nous la trouvons aussi chez Tertullien. De præscr., xxviii, P. L., t. ii, col. 40. Prise dans son véritable sens, elle n’a rien de contraire à la foi catholique. Après la mort de Jésus, le Saint-Esprit continue son œuvre auprès des apôtres. L’appellation de vicarius Clùisti, appliquée au Saint-Esprit, trouve ainsi sa justification dans les textes nombreux du Nouveau Testament, où il est dit que le Saint-Esprit parlera aux apôtres, les guidera dans toute la vérité, leur rappellera les enseignements de Jésus. Joa., xiv, 16, 26 ; XVI, 13. Voir Elconsky, La doctrine d’Origène sur la divinité du Fils de Dieu et du Saint-Esprit et sur leurs relations avec le Père (en russe), Saint-Pétersbourg, 1879, p. 153-158 ; Laforge, Origène : controverses auxquelles sa llicologie a donné lieu, Sens, 1905, p. 80-83.
La conclusion qu’on peut tirer de l’examen de la théologie trinitaire d’Origène est qu’il faut considérer celui-ci comme un témoin remarquable de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit, bien avant que les conciles œcuméniques eussent formulé avec précision l’enseignement traditionnel de l’Église sur la sainte Trinité.
Saint Hippolyte est rangé par Harnack au nombre des anciens Pères qui n’ont pas reconnu la personnalité divine du Saint-Espril. Dogmengeschichte, t. i, p. 537. Cette accusation nous semble injuste. Bien que la personne du Saint-Esprit reste très effacée dans l’œuvre d’HippoU-te, nous y trouvons cependant les éléments nécessaires pour en déduire qu’il croit au Saint-Esprit et qu’il l’associe au Père et au Logos. Voir Dupin, loc. cit., p. 359. « Nous croyons au Père, dit-il dans son traité contre Noët ; nous glorifions le Fils ; nous recevons en nous le Saint-Esprit. » Contra hæresim Noeti, ix, P. G., t. x, col. 317. Le Saint-Esprit, aussi bien que le Verbe, participe à cette puissance (être divin) qui est tout entière dans le Père : âùvafj. tç i-àp (j.ta T) Èy. To-j Tiav-rô ; ’io os Ttâv IlaT/^p, ii o-j S’jvaiJ.iç XÔTo ;. Ibid., xi, col. 817. Nous sommes obligés de croire en Dieu, le Père tout-puissant, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu… et au Saint-Esprit, c’est-à-dire aux trois termes de la sainte Trinité : xa’i tojtojç Eivat o’jTtoç Tp-a. Ibid., viii, col. 815. Ils sont trois termes, mais si on considère leur puissance (être di vin), ils constituent un seul Dieu : xat ôtov jj.kv v.axoc ôjva| ;. ! v, £’; ètti Qe’jç. Quant à leur économie (ce mot, qu’on pourrait traduire avec Tertullien par numerus et dispositio Trinitatis, Adversus Praxeam, iii, P. L., t. ii, col. 180, n’a pas ici le sens d’incarnation, que lui donne Dupin), ce Dieu unique se révèle comme trois : xaià TV’or/.ovo|xJav, Tpi/r, ; v) ntiZzil’. :. Ibid., V’ill, col. 815. Le concours hannonieux de l’économie {œconomia consensionis) consiste en ceci, qu’il y a un seul Dieu, une seule nature divine ; et que, dans cette unique nature divine, le Père commande, le Fils accomplit les ordres du Père, le Saint-Esprit illumine, instruit les fidèles. Ibid., xiv, col. 821. Nous ne pouvons pas concevoir Dieu sans croire en même temps au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., xiv, col. 821. Le Père est super omnia, le Fils per omnia, le Saint-Esprit in omnibus. Ibid., xix, col. 821 ; Ad Eph., iv, 6. Le Père est l’expression de la volonté divine, le Fils de la puissance créatrice, le Saint-Esprit de la manifestation de Dieu dans le monde. Ibid. L’Église du Christ, qui reconnaît donc trois personnes en Dieu, rend gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., xviii, col. 829.
Il n’est point besoin d’insister sur la valeur démonstrative de ces textes. Chez Hippolyte, le parallélisme des trois personnes divines revient plusieurs fois et avec la plus grande netteté. Les textes qui précèdent mettent en évidence qu’il affirme la consubstantialité du Saint-Esprit, participant à l’être et aux attributs divins. Le Saint-Esprit est aussi l’auteur de la régénération surnaturelle des âmes : r^ii.t’.q i^jy/j-im rr, -/ ôià TOJ àyc’oj ll-ivj>.y.-’j : àvjtrévvricr’.v. De Clvisto et Antichristo, III, P. G., t. i, col. 732. Il est la source de l’inspiration prophétique. Il a été donné à l’Église et, par les apôtres, ù ceux qui professent la véritable foi. Philosophoumena, 1, P. G., t. xvi, col. 3020. Il est associé au Christ dont il est la force. De Christo et Antichristo, iv, P. G., t. x, col. 732 ; Lumper, De vita et scriplis S. Hippolijti, P. G., t. x, col. 362. 363.
Un sermon sur l’Epiphanie, àoyo ; sî ; xà ôcyia 6co ?âv£ia, inséré sous le nom d’Hippolyte dans la P. G., renferme un magnifique passage où, à l’aide des textes de l’Écriture sainte, on décrit le rôle et l’action du Saint-Esprit dans l’œuvre de la création et de la rédemption. Comme on a de bonnes raisons pour contester l’authenticité de cette pièce, nous nous abstenons d’en tirer parti, d’autant plus que l’orthodoxie de la doctrine d’Hippolyte sur le Saint-Esprit ressort clairement des textes cités plus haut. Voir d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 30, 31.
Il y a cependant un passage qui, par l’ctrangeté de ses expressions, est de nature à éveiller des soupçons sur la croyance de saint Hippolyte à la personnalité du Saint-Esprit. Voici, en effet, ce que nous lisons dans son traité contre Noët : « Je ne dis pas qu’il y a deux dieux, mais un seul, et deux personnes, et une seule économie, la grâce du Saint-Esprit. Un seul Père, deux personnes, puisqu’il y a le Fils et une troisième chose, le Saint-Esprit, » xiv, P. G., t. x, col. 821. La manière dont Hippolyte s’exprime dut choquer même ses contemporains, car il nous raconte que le pape Callixte (217-222) l’accusait de dithtisme. Philosophoumena, IX, P. G., t. XVI, col. 3383. Le P. de Régnon a essayé de donner à ce texte compromettant une interprétation conforme à la doctrine catholique. Du temps de saint Hippolyte, le mot T.poawr.o^/ signifiait un personnage de théâtre, ou une personne humaine, tandis que le mot TivsCîxa indiquait une chose plutôt qu’un individu humain. Le passage en question doit donc s’entendre comme s’il avait dit dans notre langage actuel : « Des trois personnes divines, deux nous sont représentées par la révélation comme des personnes