Dictionnaire de théologie catholique/ESPÉRANCE V. L'espérance comme acte affectif, analyse plus approfondie

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 5.1 : ENCHANTEMENT - EUCHARISTIEp. 322-327).

son intérêt personnel. Le langage usuel attache cette idée au mot « espérance » et, c’est ainsi qu’« espérer » est pris dans ce texte où Jésus prêche le désintéressement : « Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. » Luc, vi, 35. Saint Augustin, dans le passage de son Enchiridion que nous avons cité, est formel : « L’espérance ne porte que sur un bien, et sur un bien futur et sur le bien personnel de celui qui espère. » Voir col. 606. Saint Thomas l’affirme clairement, nous le verrons bientôt. Saint François de Sales dit de l’espérance théologale : « L’amour que nous pratiquons en l’espérance, Théotime, va certes à Dieu, mais il retourne à nous ; il a son regard en la divine lîonté.mais il a de l’égard à notre utilité… Et partant, cet amour est vraiment amour, mais amour de connoilise et intéressé. » Traité de l’amour deDieu, 1. II, c. y.u, Œuvres, Annecy, 1891 » t. IV, p. 1-13. C’est bien ainsi, d’ailleurs, que les fidèles pratiquent l’espérance chrétienne. Enfin, la condamnation des propositions de Fénelon ajoute à tout cet ensemble de preuves le suffrage de l’Église. Voir plus loin, col. 662.

Pour se rendre bien compte de cet amour intéresse il faut remonter à la théorie générale de l’amour, telle que l’établit saint Thomas ; nous résumons ici cette théorie, qui n’est pas donnée ailleurs dans ce dictionnaire.

Avant tout le saint docteur remarque en nous, comme en tout être, des inclinations naturelles et nécessaires vers certaines fins proportionnées à notre nature : atteindre ces fins, c’est notre bien. « Le bien de chacun, c’est ce qui répond à sa nature et lui est proportionné. » Sum. Iheol., I » II^’, q. xxvii, a. 1. Écoutons un de ses commentateurs : « D’où vient que tous les êtres ont des inclinations particulières et diflérentes, sinon parce qu’ils ont des fins particulières auxquelles ces inclinations, qui sont comme leur poids et leur amour, les déterminent infailliblement ? Sans cette détermination, ce rapport et cette convenance, tous les êtres demeureraient comme en suspens, et ils ne pourraient se tourner d’un côté plutôt que de l’autre. » Massoulié, O. P., Traité de l’amour de Dieu, part. I, c. iii, Bruxelles, 1806, p. 36. Ces inclinations permanentes, racines de l’amour, notre conscience ne les atteint qu’indirectement par leurs effets, leurs actes ; nous sommes obligés de nous les figurer à l’image de ces actes, mieux connus de nous ; aussi les appelons-nous des appétits, des amours. « La correspondance naturelle (conniduralitas ) qu’il y a entre le sujet et le terme de sa tendance peut être appelée un amour naturel. » Sum. theoL, I’II » , q. XXVI, a. 1. « Naturel y évoque ici l’idée d’innéité et de nécessité. — Os inclinations naturelles, bien que perfectionnant le sujet, vont à divers objets. Elles ne peuvent se résumer toutes dans l’amour de soi ; mais, à côté de l’amour de soi, il y a l’amour naturel de l’ordre et de la justice, l’amour naturel de Dieu, etc. Voir.Xitktit, t. i, col. 1692, 1603, 1606.

Quant à l’amour proprement dit, qui est un acte véritable dont nous avons conscience, il ne commencera qu’A la rencontre fl’nn sujet capable de connaître et d’aimer, avec un objet bon, c’est-à-dire répondant à ((uelqu’une de ses inclinations innées. Le bien, en eflet, ne dépend lias simplement d’un caprice actuel qui jugerait bon n’importe quoi. Le bien, c’est ce qui correspond aux tendances mesurées à la nature de l’être par la sagesse « lu créateur ; et si, comme il arrive dans l’homme, ces inclinations multiples peuvent se trouver en conflit les unes avec les autres, le bien réel et moral sera dans leur subordination, clans le sacrifice de l’une à l’autre, accompli par la liberté humaine, d’après l’ordre objectif manifesté à la raison. C’est en ce sens qu’il faut entendre ces paroles de saint Thomas : « L’essence du bien consiste en ce qu’un objet réponde à l’appétit, sil appetibile.’Sum. IheoL, I » , q. v, a. 1. < L’objet qui meut la volonté, c’est le bien convenable conmi. -. De iiicdo, q. VI, a. 1. Voir Bien. t. ii, col. 836.

Le sujet rencontrant ainsi le bien par la connaissance, s’y complaira. « L’amour n’est que la complaisance dans un bien… L’amour implique une complaisance de celui qui aime en ce qu’il aime. » Siun. theol., I^ II » , q. XXV, a. 2 ; q. xxvii, a. 1. Cette cr.mplaisance est un acte si simple qu’on ne peut le résoudre en éléments, l’analyser, quoique l’expérience nous en donne une idée claire. Saint Thomas cherche à la décrire par « une sorte d’adaptation » vitale, « une sorte de consonance » , le sujet se sentant comme à l’unisson de l’objet. Sum. theol., I" II-’-, q. xxvi, a. 2 ; q. xxix, a. 1. L’amour peut s’arrêtera cet acte incomplet ; mais il peut aussi aller plus loin, comme nous allons voir.

Jusqu’ici, l’amour ne supposait que deux termes : le sujet qui aime, le bien où il se conjplaît. Dans son plein développement, il en aura trois, suivant cette autre définition de raint Thomas eiuDruntée à Aristote : Amare nihil aliud est quam velle bonum alicui. Sum. theol., I » , q. xx, a. 2. Voilà les trois termes : une volonté qui aime, et deux objets diversement atteints par son acte unique, à savoir, un bien qui est directement voulu (finis qui), et tine personne à l’avantage de laquelle ce bien est voulu (finis cui, ou subiectnm cui). J’entends voulu d’une manière réfiéchie et libre, car c’est l’arte libre qui nous intéresse au point de vue moral qui nous occupe. C’est ce dernier terme qui manquait ; la simple complaisance : grâce à une abstraction facile, on se passionnait pour un bien (le savant pour la science) sans le rapporter à l’intérêt de personne. Ce bien, maintenant, on le dirige vers l’intérêt de quelqu’un. C’est à une personne qu’aboutit ainsi l’amour dans son plein dévelo|)pement.

Quelle sera cette personne ? La nôtre, ou celle d’autrui : et de là deux espèees d’amour. Supposons, par exemple, que nous aj’ons remarqué en quelqu’un une grande générosité de cœur. La simple complaisance que nous avons prise d’abord dans cette aimable qualité, peut aboutir ensuite à l’un ou à l’autre de ces deux actes.

1. Amour intéressé.

Voyant que nous pouvons profiter de cette générosité d’autrui, nous la tournons à notre profit, nous la voulons pour nous-mêmes. Alors c’est la même personne (eqo) qui est le sujet voulant et le sujet à qui le bien est voulu. Quant à celui dont nous aimons la générosité, il est aimé, sans doute, à cause de l’intinie union entre lui et sa qualité qu’on aime, mais aimé d’un amour de convoitise, antorc coicupisccntin’. « Amour intéressé ", pouvons-nous (lire en français, pour être compris de tout le monde. Évitons seulement d’attacher à ce mot quelque chose d’essentielh’ment odieux ; ce serait préjuger la question. Ce sens péjoratif ne se rencontre pas toujours en notre langue : par exemple, quand nous disons à quelqu’un que nous lui faisons une visite intéressée, et nous avons entendu saint François de Sales appeler l’amour surnaturel d’espérance’amour de convoitise et intéressé >

2. Amour désintéressé. —

Si cette qualité d’un autre, cette générosité, par exemple, nous pénètre jusqu’à nous enthousiasmer pour lui, jusqu’à concevoir pour lui ce mystérieux élément de l’amour qui échnppe à l’analyse, et que saint Tlionuis aiipelle unio (iffertus, Sum. theol., I » H*’, q. xxvit. a. 2, nous en viendrons à c(nisidérer sa générosité non pas comme utile à nous-mêmes, mais comme bonne et glorieuse à celui qui en est ennobli et embelli. Alors, nous la voudrons pour lui, nous souhaiterons qu’il la garde toujours, nous désirerons d’autres biens encore à la personne aimée, bonilas c/iis (url vent, vcl (rslimata) provocal nmorcm, quo ci l’olunnis et bomim conscriwri quod habcl, et midi qiiod non habcl, et ad hoc opcromur. Surn. lltcol., I » , q. xx, a. 2. C’est l’amour désintéressé, où la personne à qui on veut le bien est différente tle la personne qui aime. Les scolastiques le nomment « amour de bienveillance » , ou plutôt « amour d’amitié » . Cette dernière appellation part de ce principe, que toute amitié digne de ce nom postule le désintéressement au moins dans une certaine mesure, comme le dit le bon sens, et saint Thomas avec lui : « Mcme dans l’amitié humaine, le véritable ami cherche plus le bien de son ami que le plaisir de sa présence. » In IV Sent., I. III, dist. XXXV, q. i, a. 4, sol. 2-’. « L’amitié ne ramène pas à soi le bien qu’elle désire à autrui ; car nous aimons nos amis, quand même nous ne devrions rien en retirer. » /6îV/., dist. XXIX, q. I, a. 3, ad 2°’". « L’amitié dite d’intérêt et celle dite de plaisir, par le seul fait que, tout en voulant du bien à l’ami, elles rapportent ultérieurement ce bien au plaisirou au profit de celui qui aime, tournent à l’amour de convoitise, et pourautant s’écartent de la véritable amitié. » Snm. tlwol., I" II*, q. xxvi, a. 4, ad 3°"". Ces textes condamnent d’avance la triste théorie de La Rochefoucauld : n Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts et qu’un échange de bons officcs ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » A/ax/mes, LXXX II I.

L’espérance et charité ; leur différence. —

C’est en comparant l’espérance avec les deux autres vertus théologales, que l’on arrive surtout à en préciser la notion. En la comparant avec la foi, nous avons constaté que l’espérance est un acte affectif et volontaire, et qu’elle présuppose un acte intellectuel de foi, ce qui explique pourquoi l’Écriture la nomme après la foi, et la fonde sur la foi. Voir plus haut, col. 615. Mais si l’espérance est un acte affectif et volontaire, si elle implique un amour de Dieu, ne risque-t-elle pas de se confondre avec la charité ? Et cependant, elles doivent rester réellement distinctes, d’après les documents positifs. Voir plus haut, col. 608. Établir rationnellement leur distinction, voilà le problème qui s’impose au théologien.

Saint Thomas l’a résolu par la distinction célèbre de l’amour intéressé et de l’amour désintéressé, ou, en termes scolastiques, de l’amour de concupiscence et de l’amour d’amitié, telle que nous venons de l’expliquer avec lui. A l’un appartient l’espérance, à l’autre la charité. « Il y a, dit-il, un amour parfait et un amour imparfait. Le parfait consiste à aimer quelqu’un pour lui-même, c’est-à-dire à vouloir du bien à quelqu’un pour lui-même, comme un ami aime son ami. L’imparfait consiste à aimer un objet, non pour lui, mais pour que ce bien nous revienne à nous-mêmes, comme on aime une chose que l’on convoite (concupiscit). Or, le premier amour appartient à la charité, qui s’attache à Dieu pour lui-même ; mais l’espérance appartient au second amour : car quiconque espère, a l’intention d’obtenir quelque chose pour soi. » Sum.. Iheol., Il » II"^, q. xvii, a. 8.

Cette différence rationnelle ainsi posée entre les deux vertus rend compte de toutes les données de la révélation, c’est-à-dire de la supériorité de la charité sur l’espérance, major autem horum est caritas, de leur distinction réelle, tria hœc, de l’ordre dans lequel -elles sont énumérées, spes, carilas. I Cor., xiii, 13.

1. La supériorité de la charité sur l’espérance trouve son explication facile dans la supériorité de l’amour désintéressé sur l’amour intéressé, reconnue de tout le monde, et dont saint Thomas donne cette raison profonde. Il est de la nature de l’amour en général, dit-il, de nous faire sortir de nous-mêmes, soit par la pensée, car « l’amour nous fait songer à l’objet aimé, avec une intensité qui nous détourne d’autres pensées, » soit par l’affection et la volonté, car la volonté fait en quelque manière sortir de soi pour aller chercher au dehors, et se porter vers un autre. » Or, c’est dans le seul amour désintéressé que s’accomplit franchement et pleinement cette « sortie de soi » , au jugement du saint docteur : « Dans l’amour de convoitise, celui qui aime est d’une certaine façon transporté hors de soi, en ce sens que, non content de jouir du bien qu’il a en lui, il cherche au dehors. Mais, comme c’est pour lui-même qu’il cherche ce bien extérieur à lui, il ne sort pas franchement de lui-même : une telle affection, en définitive, se replie sur lui, et s’y renferme. Au contraire, dans l’amour d’amitié, on sort vraiment de soi par l’affection ; car c’est à l’ami qu’on veut du bien, c’est à lui qu’on s’efforce de procurer ce bien, c’est pour lui qu’on en a soin et souci. » Sum.. iheol., la Ilæ, q. XX VIII, a. 3.

Objection. — Cette « sortie de soi » ne donnerait de la valeur à l’acte qu’autant que le moi serait essentiellement mauvais : ce qui n’est pas. —
Réponse. — Le moi n’est pas essentiellement mauvais, mais il est encombrant. L’amour de soi, dans l’homme, dégénère trop facilement en égoïsme destructif de tout autre amour. Contre ce danger il fallait le spécial entraînement du cœur qu’est l’amour désintéressé ; il fallait, sinon la haine de soi, du moins l’oubli momentané. On ne sort donc de soi-même que pour mieux s’unir avec d’autres, avec Dieu. Aussi, saint Thomas joint-il ces deux qualités de l’amour : il est « extatique » , c’est-à-dire qu’il fait sortir de soi, et il est « unitif » ; extatique pour être unitif, pour faire mieux « adhérer » . Ibid., a. 1-3. La valeur morale de l’amour désintéressé ne vient donc pas simplement de l’oubli de soi, qui n’est qu’un moyen de plus grande union avec une autre personne, mais aussi et surtout de la valeur morale de cette union, qui vaut ce que vaut la personne à qui l’on s’unit. Subordonner toute sa vie à qui ne justifierait pas un pareil amour, et cela au prix de tous les sacrifices, serait une fausse chevalerie. Mais quand il s’agit de s’oublier et de se sacrifier pour mieux s’unir à Dieu, comme dans la charité théologale, alors l’amour désintéressé apparaît dans toute son excellence. — Il n’y a donc aucune connexion nécessaire entre la doctrine du désintéressement et une fausse théorie sur la dégradation de la nature humaine. Cf. É/ddes du 20 avril 1911, p. 193 sq. Voir Charité, t. iii, col. 2227.

2. La distinction réelle de la charité et de l’espérance trouve en même temps son explication facile dans ces deux espèces d’amour de Dieu, qui par leur profonde différence justifient l’infusion de deux vertus surnaturelles, distinctes et inégales comme ces deux amours. L’une aime Dieu en tant que bon et profitable pour nous (bonté relative) ; l’autre aime Dieu en tant que bon en lui-même et à lui-même (bonté que, par opposition à l’autre, on est convenu d’appeler absolue). Et qu’on n’objecte pas que, tout en Dieu étant infiniment parfait, ces deux bontés sont également parfaites, et par suite, les actes qu’elles spécifient, également parfaits. C’est vrai que l’objet divin est toujours aussi parfait ; mais, en morale, la spécification ne vient pas seulement de l’objet ; elle peut venir aussi de certaines circonstances : telle, dans l’amour, cette circonstance qu’on veut le bien à un autre, ou à soi-même (ce que l’on peut aussi considérer comme une sorte de fin, finis cui). Cette circonstance, comme nous l’avons expliqué, introduit une différence notable dans l’union du cœur avec Dieu, et sur cette différence est basée la diversité spécifique de l’amour désintéressé de charité et de l’amour intéressé d’espérance. Qu’au point de vue purement p/iysiçîip, on réduise ces deux amours A un seul, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Qu’on affirme que saint Thomas a ramené cette dualité à l’unité physique, et qu’on s’efforce de le prouver par de hautes considérations, en partant d’une interprétation de sa métaphysique, comme l’a fait avec érudition M. Pierre Rousselot, nous l’admettons volontiers. Pour l’histoire du prohlcinc de l’amour au moyen âge. Munster, 1908, dans les Deilrdqe zur Gcschichle der Philosophie des Mittelaltcrs, t. vi. Toujours nous restcrat-il ce que saint Thomas appelle deux espèces morales, irréductibles l’une à l’autre dans l’ordre moral, sceunduni speeiem mnris, sccundum condiliones morales. Sum. theol., 1= II, q. i, a. 3, ad 3’"" ; q, xviii. a. 7, ad l""". Et cela nous suffit dans la question toute morale de la valeur des diverses formes de l’amour.

3. L’ordre dans lequel sont énumérécs les deux vertus dans la révélation, spes, caritas, ne va évidemment pas du plus parfait au moins parfait, puisque la charité est donnée comme la plus parfaite des vertus, mais au contraire du moins parfait au plus parfait ; c’est l’ordre de genèse et de dévelopement, ordo secundum viam generationis, dans lequel l’imparfait précède le parfait. Sum. UvoL, II> II’, <[. xvii, a. 8. L’espérance qui vient d’abord, est nécessaire au développement de la charité ; et saint Thomas en trouve l’explication dans ce fait, que le motif intéressé est le premier qui agisse sur nous, et que le motif désintéressé a moins de prise, et a besoin d’être introduit peu à peu. Le motif intéresse sert d’abord à nous purifier du péché et à préparer les voies : « Connne on est introduit à l’amour de Dieu par le seul fait qu’on cesse de l’oflenscr, grâce à la crainte des peines…, ainsi l’espérance sert d’introduction à la charité, en ce sens que celui qui espère la récompense que Dieu lui donnera est poussé à l’aimer et à garder ses commandements. » Ihid. La base de cette théorie est un fait psychologique indéniable, que les positivistes de nos jours ont exprimé par « le passage de l’égoïsme à l’altruisme. » Saint Thomas* l’a emprunté soit à la doctrine de saint Bernard sur les quatre degrés ou les quatre étapes de l’amour de Dieu, Liber de diligendo Dec, c. viu-x, J L., t. clxxxii, col. 987 sq., soit à celle parole d’Aristote : « Les sentiments d’aflection qu’on a pour ses amis, et qui constituent les vraies amitiés, semblent tirer leur origine de ceux qu’on a pour soi-même. » Morale à Xicomaque, 1. IX, c. iv, Irad. Barthélémy.Saint Hilaire, ISfiG, t. ii, p. 3>^2. Mais le saint docteur ne veut pas <|u’on entende cela comme si l’égoïsme était, non seulement le point de départ, mais aussi le jioint d’arrivée et hi (in suprême de toutes nos affections : " L’affection que l’on a pour « n autre, dil-il, est venue de l’amour de soi, non pas comme d’une cause finale, mais comme d’une chose qui précède dans la genèse de cette alTection, in via generationis. De même que chacun se connaît avant de connaître les autres et de connaître Dieu, de même l’amour que chacun a pour soi, précède l’amour quil a pour un autre, dans l’ordre péiiélîque. » In IV Sent.. J. III, dist. XXIX, q. i, a. 3. ad 3°™. Vient un moment oi’l « ce n’est ]<lus à cause de ses bienfaits que nous aimons l’ami, mais h cause de sa vertu. » Su.n. theol., II" II, q. XXVII, a. 3. S’attacher à lui pour qu’il nous fil du bien, c’était le motif intéressé ; mais s’attacher à lui parce qu’il nous a fait du bien et nous a ainsi montré sa vertu, c’est le motif désintéressé de la reconnaissance, bien voisine du plus noble amour. La générosité appelle la générosité ; les bienfaits reçus nous révèlent la bonté de son cœur, avec celle vivacité spéciale de l’expérience personnelle : comment ne pas nous enthousiasmer des lielles qualités de ce cœur, indépendamment de notre profil.’i nous ? Ainsi, Ja recherche intéressée des hienfails n’est qu’une préparation à l’amour d’amitié, et saint Thomas conclut : Spes et timor ducunt ad caritateni pcr modum dispositionis cujusdam. Ibid., ad 3° "’.

On voit dans quel sens saint Thomas prend ces formules, dont a parfois abusé contre l’amour désintéressé : « Si, par impossible. Dieu n’était pas le bien de l’homme, l’homme n’aurait pas de raison de l’aimer. » II" II’*, q. XXVI, a. 13, ad 3’"". « Personne n’irait à lui, s’il n’espérait de lui quelque rémunération. » Comment, in Heb., xi, 6. Voir Charité, col. 2220, 2223.

Théories fausses on incomplètes sur la différence de l’espérance et de la charité.

Ainsi, la différence fondamentale assignée par saint Thomas, que l’espérance appartient à l’amour intéressé, la charité à l’amour désintéressé, rend compte (comme il l’a montre lui-même) de toutes les données de la révélation sur les rapports de ces deux vertus. Il n’en est pas de même des autres différences, Sque certains théologiens ont voulu substituer à celle-là.

Quelques-uns, s’emparant d’un mot de saint Thomas dans son commentaire sur les Sentences, I. III, dist. XXVI, q. ii, a. 3, sol. 1% ad 4’"", disent : la charité a i)cur objet un bien considéré simplement comme bien, bouuni simpliciter ; l’espérance a pour objet le même bien considéré comme difficile, ut est ardnum et difficile. Saint Thomas n’entend pas donner ici la différence unique ou principale entre les deux vertus, ou du moins il a ensuite corrigé sa manière de voir, dans les endroits de la Somme que nous avons cités. « De plus, si l’espérance se distinguait ainsi de la charité, il faudrait que la chari’é précédât l’espérance, car on commence par aimer un bien simplement en lui-même avant de l’aimer (ou de le chercher), comme diflicile (ou malgré la dilTicultè). » Aversa, général des clercs réguliers mineurs, /)(.’fide, spe et caritate, Venise, 1660, p. 318.

D’autres ont représenté la charité comme plus simple, elle aime ; l’espérance comme plus complexe, elle ajoute à cet amour le désir, le courageux mépris des dillicultés et la confiance. Mais alors l’espérance aurait tout ce qu’a la charité, et quelque chose de plus : comment s’accorderait-(ui avec cette donnée delarcvity lation, que « la charité est plus grande » ?

D’autres s’appuient sur ces paroles de saint Thomas : Idem bonum est ohfcctum caritatis et spei : scd caritas importai unioncm ad illud bonum, spes autem distanticun giuundam ab eo. Et inde est quod caritas non respicii illud bonum ut arduum, sicut spes : quod enint fam unitum est, non habet ndionem ardui. Et ex hoc apparet quod carilas est perfectior sp.Suin. theol., II" II’, q..XXIII, a. C), ad 3°’". Cette différence, assignée ici par le saint docteur, montre pourcjuoi la vertu infuse d’espérance ne pourra subsister au ciel : parce « [u’clle tend essentiellement à un objet « distant, Dieu n’étant présent à nos facultés que par la vision intuitive. Hom., viii, 21 ; II Cor., v, (i, 7, 8 ; cf. I Cor., XIII, 8, 10, 12, 13. Au ciel cette « distance » finira. La charité, elle, subsistera avec la vision intuitive de Dieu, n’étant pas liée à la « dislance » de son objet. Et cette différence sullit au but que se propose ici saint Thomas, de montrer « pie la charité est plus parfaite. Mais si nous regardons l’espérance et la charité seulement en cette i’(e(et nous avons le droit de le faire. l)uisquc c’est ici seulement qu’elles existent toutes les deux), cette différence n’est pas la principale entre les deux vertus infuses. Car la charité n’y a pas davantage que l’espérance, cette union (uninnem od illud boiuim…, quod fam unitum est…), cette présence de son objet, qui ne peut être que par la vision intuitive. On dira ((uc la charité aime ce divin objet en faisant abstraction de son absence. Mais on ne xoit pas bien ce qu’une simple abstraction peut lui conférer de supériorité réelle. De plus, cette abstraction n’existe pas dans tous les actes de la charité. Elle peut très bien i désirer Dieu (ce qui sujjpose l’idée de l’absence), désirer sa gloire, etc. Car, d’après les principes de saint Thomas, et de tous les scolastiques, habilus virliilis idem est, qui inclinai ad diligendum, et desidcrandum bonum dileclum, et gandendum de eo. Siim. theol., IIa-IIæ, q. XXVIII, a. 4 ; cf. q. xxix, a. 4. Et en vertu des mêmes principes, ; la vertu d’espérance appartiendra non seulement le désir de Dieu absent, mais aussi l’amour qui fait abstraction de cette absence, ainsi que nous l’expliquerons plus loin. Voir col. 632.

Il faut donc toujours en revenir à la différence fondamentale assignée par saint Thomas, Sum. IheoL, IIa-IIæ ", q. XVII, a. 8. Seule elle résout toutes les difficultés. De nos jours, Schiffini a eu tort de l’abandonner. De virtiitibiis infiisis, Fribourg-en-Brisgau, 1004, p. 383.

Espérance et joie.

L’espérance suppose tout d’abord un amour, dont nous venons d’examiner la nature ; et cet amour, portant sur un objet absent, prend la forme d’un désir. Mais, du moment qu’on désire un objet, la question se pose : « Puis-je l’obtenir ? » Si la réponse est affirmative, c’est ce que nous avons nommé le « jugement de possibilité » . Voir plus haut, col. 613. Ce jugement, surtout quand il est bien fondé — comme dans l’espérance chrétienne où il est fondé sur une foi très certaine — demeurera-t-il sans aucun contre-coup affectif, sans aucune répercussion émotionnelle ? Non. Quand on désire vivement, et qu’au lieu de l’impossibilité qui semblait d’abord s’imposer, on voit apparaître la possibilité sérieuse et pratique, la probabilité d’atteindre l’objet tant désiré, comment ne pas s’en réjouir ? Le désir, qui suppose l’absence, résulte de l’objet aimé, non encore possédé : la joie, qui suppose la présence, résulte de la possibilité d’atteindre cet objet, du secours que déjà nous possédons pour cela. Lancés par le désir vers une fin aimée, nous nous réjouissons d’avoir en mains les moyens de l’obtenir. Cette joie, d’abord spontanée, peut, à la réflexion, être librement acceptée, librement entretenue, en maintenant l’attention sur les promesses et les secours qui la font naître ; tandis que nous pourrions, si nous voulons, la remplacer par la tristesse qu’éveillerait un regard trop fixé sur les difficultés, les obstacles et l’incertitude de l’heureux événement.

Saint Thomas a bien montré que cette joie ou « délectation » propre à l’espérance vient du jugement de possibilité. Ce n’est pas seulement le plaisir de saisir par la pensée et l’affection un objet lointain qu’on’aime : c’est surtout le plaisir de constater qu’on peut l’obtenir. Delectatio spci, in qua non solum est delectabilis conjunctio secundum apprehensioncm, sed etianr secundum facullatem vel possibilitatem adipiscendi [ bonum quod deleclat. Sum. theol., I^ll", q. xxxii, a. 3. C’est ce qui rend l’espérance essentiellement joyeuse, plus douce que le simple désir et que le souvenir du bonheur passé, où l’on trouve le premier plaisir, mais non pas le second qui est le principal. Ibid.

Déjà Philon, le juif d’Alexandrie, avait poétiquement décrit cette joie de l’espérance, avant-goût de la joie que donne la possession de l’objet : « Ne vois-tu pas le jeune oiseau, avant sa conquête de l’air, aimer à battre de l’aile et à sautiller gaîment, comme pour annoncer l’espérance de prendre son vol ?… Ainsi, notre âme, dans l’espoir d’un bien, se réjouit d’avance ; c’est, pour ainsi dire, l’allégresse avant l’allégresse… Regarde la vigne, comme elle est gracieusement parée de jeunes pousses, de rameaux et de pampres verts ; ils disent assez, dans leur muet langage, la joie qui précède l’arrivée du fruit. Avant le lever du soleil, voici le sourire de l’aurore ; la clarté prédit la clarté, la lumière plus obscure présage la lumière plus vive… La crainte n’est pas autre chose qu’une tristesse avant la tristesse, comme l’espérance une joie avant la joie : car ce que la crainte est à la douleur, l’espérance l’est à la joie. » De nominum mulatione, Londres, 1742, t. i, p. G02. Presque au même temps où Philon parlait ainsi, saint Paul signalait aussi la joie de l’espérance, TV-, ilTtlôi /apcivT£ :, spe gaudentes. Rom., xii, 12.

On pourrait dire de cette joie de l’espérance chrétienne, si recommandée par l’apôtre, qu’elle est le principal Ijonheur de cette vie ; et voici la preuve qu’en donne le cardinal Pnllavicini, S. J. Le présent n’est qu’un instant, qui, nous échappant aussitôt, n’a pas grande valeur pour nous si nous ne le regardons dens ses rapports avec l’avenir. Ainsi, quand nous cherchons à nous délivrer du tourment de la douleur, ce n’est pas pour le présent, car, an moment présent, il nous est impossible de ne pas la sentir : mais c’est ()our l’averiir. Il en est de même des plaisirs ; c’est vers l’avenir que l’âme humaine s’élance constammoit, en quête de bonheur. Sa principale joie ici-bas naîtra donc de la prévision d’un long avenir de bonheur, et encore plus, d’un éternel avenir de bonheur. Cette prévision, sans doute, appartient f.n présent, ainsi que la joie qu’elle excite ; mais elle n’a de valeur que par sa connexion avec un bien futur, comme un moyen n’a de valeur que par sa connexion avec la fin. Disputationes in / » ’" // « , Lyon, 1653, t. i, p. 53.

Nature de la confiance.

La confiance est souvent confondue, par un abus de langage, avec le préambule intellectuel qu’elle suppose, avec la prévision de l’heureux événement. Mais nous savons déjà que l’espérance est dans la partie affective ; donc, la confiance aussi, puisqu’elle est partiellement identifiée avec l’espérance, cet acte si complexe. Voir plus haut, col. 609. Que peut bien être la confiance comme acte affectif ? Essayons cette difficile analyse. Un acte affectif, s’il se rapporte au bien et non pas au mal, s’il est un amour et non pas une haine, devra rentrer dansune de ces trois catégories : simple amour, désir, joie : on ne peut concevoir autre chose. Dans laquelle rentrera la confiance ? Ce ne peut êlre dans le désir : l’idée de confiance n’est certainement pas celle d’un désir ; d’ailleurs, la confiance suppose l’espérance déjà commencée par un désir ; pourquoi viendrait-elle ajouter un désir nouveau ? Reste donc qu’elle soit une joie, ou un amour, ou peut-être les deux à la fois.

Pallavicini, que nous citions tout à l’heure, a proposé d’identifier la confiance avec cette joie de l’espérance que tout le monde admet, et dont parle saint Paul. Leur origine n’est-elle pas la même d’après les analyses de saint Thomas, c’est-à-dire ce » jugement de possibilité » , source de confiance et de joie ? Pourcfuoi la joie de l’espérance — ce qui shnplifierait les choses — ne serait-elle pas précisément cette confiance sereine, qui chasse la tristesse du découragement et les anxiétés de la crainte ? Et pourquoi la confiance — ce qui en donnerait enfin une explication claire — ne serait-elle pas précisément cette joie d’avoir les moyens d’acquérir l’objet désiré ? L’espérance est -donc, d’après Pallavicini, une alfection mixte, ajoutant au désir d’un objet la joie qui naît de la possibilité de l’acquérir ; et cette explication plaît pf, r sa simplicité même. Asscrtiones tlwologiea’, Rome, 1649, 1. II [, De fide, spe et carilate. Viva, S. J, reproduit la même théorie. Cursus theol., part. IV, p. 121.

Cette théorie, cependant, ne résout pas complètement le problème. Elle pourrait suffire, dans tous les cas où la^possibilité d’acquérir l’objet désiré dérive soit d’une chance probable (par exemple, gagner à la loterie), soit de nos propres forces, non sans quelque mélange de hasard (par exemple, gagner à un jeu d’adresse). Mais de ce groupe de faits, il y a lieu de distin.a ; ucr un autre groupe, où l’analyse de la connance, he peut pas être absolument identique. C"est lorsque la possibilité d’aequérir l’objet désiré dépend nécessairement du secours d’un autre ; l’espérance chrétienne rentre précisément dans ce cas. Arriaga, S.J., a eu le mérite de signaler cette vérité, qu’une ani-lysc plus approfondie de l’espérance et de la confiance ne peut pas être la même dans ces deux groupes différents de fairs. Cursus tlieol., Anvers, 1641. t. iir, p. 339.

Quand la possibilité d’acquérir l’objet dépend du secours d’un nuire, de sa puissance et de sa bonté, la confiance devient unacteaffectif bien plus compliqué, parce qu’une autre personne entre ici en jeu, c’est-à-dire un bienfaiteur. La cou tiance alors, outre la /oi’e dont parlait Pallavicini, renferme un commencement d’amour pour la personne de ce bienfaiteur secourable, comme l’a si bien observé saint Thomas : « L’espérance peut regarder deux choses. Elle regarde comme son objet le bien qu’elle espère. Mais comme ce bien est diflicilc et possible, et comme dans certains cas il nous devient possible non par nous-mêmes, mais par le secours d’autrui, l’espérance regarde aussi ce secours qui nous le rend possible. — En tant qu’elle regarde l’objet espéré, l’espérance dérpe de l’amour (d’un premier amour qui est à sa base) : on n’espère qu’un bien désiré et aimé. Mais, en tant qu’elle regarde la personne. grâce à laquelle l’acquisition d’un bien nous devient possible, l’amour (un second amour) dérive de l’espérance. Car, dès que nous espérons acquérir des biens par quelqu’un, nous allons à lui comme à notre bien, et ainsi nous commençons à l’aimer. » Suni. llieol., I" II » , q. XL, a. 7..mour intéressé d’abord, et rentrant par 1 ; dans l’espérance : puis vient peu à peu l’amour désintéressé, voir plus haut, col. 622 sq. De i)Ius, si le secours que nous attendons d’un autre est si important, si au-dessus de nos forces, qu’il éclipse ou semble presque éclipser notre part d’action (et tel est le cas du secours divin dans l’espérance chrétienne, oii il s’agit d’obtenir un bien surnaturel), alors la joie d’un tel secours, Vamonr d’un tel bienfaiteur, s’accompagne d’un humble sentiment de nous-mêmes, d’une défiance de nos propres forces qui est une sorte d’abandon. Le malade, convaincu de son impuissance, s’abandonne à la main puissante et bonne qui vient le guérir. Cette défiance de nous-mêmes est bien c(uekiue chose de négatif, mais c’est l’ombre qui fait valoir la lumière, c’est la suppression d’un grand obstacle au côté positif de la confiance. " Quand je suis faible, dit l’apôtre, c’est alors qv.e je suis fort. » II Cor., XII, 10. Le manque de moyens humains invite l’âme à se tourner vers Dieu avec confiance, et A obtenir par cette confiance la force divine. Avec cette force, tous les grands ohjets poursuivis par l’apôtre deviennent possibles, et par conséquent objets d’csjjérnnce : « .le puis tout en celui qui me fortifie. Phil., IV, 13. l.h encore, la liberté humaine doit coopérer à la grâce : il faut choisir entre cette humble défiance de soi, et une ortîueillcusc présomption qui aisément ninis empêcherait de demr.nder du secours, de tendre la main. Par là, l’espérance chrétienne, avec la prière qu’elle inspirera, est foncièrement aniipélagienne, et reconnaît pratiquement la nécessité de la grâce.

Voilà, dans son plein (lévcloi)pement, la notion de la confiance. Que les derniers éléments que nous venons d’énumérer soient réellement compris dans l’espérance théoloyale, nous pouvons le déduire de l’enseignement commun drs théologiens et des catéchismes, qui, lorsqu’ils assignent les ices directement opposés à la vertu (l’espérance, à côté du désespoir mettent toujours la présomption ; et l’une des formes de la présomption, la pire peut-être, est d’attendre de ses propres forces ce qu’on ne devrait attendre que de Dieu. L’Écriture elle-même nous montre tous ces di vers éléments de la confiance en Dieu. — Fille réprouve la présomption ou confiance exclusive dans lesforces humaines, comme opposée à l’espérance religieuse : « Ceux-ci mettent leur confiance dans leurs chars, ceux-là dans leurs chevaux ; nous, nous invoquons le nom de notre Dieu. » Ps. xx (xix), S. « Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme… Béni soit l’homme qui se confie en Jéhovah.’» Jer.. xvi, 5, 7. Elle montre l’âme s’abandonnant à Dieu, se reposant sur lui ; abandon de l’enfant entre les mains de son père, abandon fait d’humilité et d’amour. « Beposetoi sur Jéhovah, et il te soutiendra. » Ps. i.v (i.iv). 23.’I Déchargez-vous sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous. « I Pet., v, 7. Elle rattache explicitement cet abandon à « l’espérance, à la « confiance » . « Oui, ô mon âme, à Dieu abandoni.etoi en paix, car de lui vient mon espérance… En tout temps, ô peuple, confie-loi en lui. " Ps. lxii (lxi), 0, Elle indique l’amour du bienfaiteur secourable, impliqué dans cette confiance. « Je Vaime, Jéhovah, ma force : Jéhovah, mon rocher, ma forteresse, mon libérateur. » Ps. X viii ( xvii), 2, 3. Elle signale la joie, caractère général de la confiance : « .Mors se réjouiront tous ceux qui se confient en toi ; ils seront dans une perpétuelle nllcr/resse, et tu les protégeras. « Ps. v, 12.

On voit combien le concept de confiance, quand il s’agit de l’espérance religieuse, est complexe, important et riche. Ce n’était pas toutefois une raison pour Luthcrderéduireàce concept toute la vie spirituellcet tout l’essentiel de la religion.


VI. Matière de l’espérance chrétienne

Son objet matériel en général.

Comme nous l’avons vu, l’acte d’espérance théologale reproduit les éléments qui entrent dans la composition de tout autre espoir. La différence essentielle est ici du côté de {’objet, qui est Dieu lui-même : d’un si sublime objet doit forcément rejaillir sur tous les éléments de l’acte une excellence plus haute : le désir, par exeiuple, devra se proportionner à nu objet placé infiniment au-dessus de tous les autres ; mais, enfin, ces éléments seront toujours de l’amour intéressé, du désir, du courage et de la confiance, et par là il y aura ressemblance avec tout autre espoir. Voir phis haut, col. 608. 622 sq. C’est donc’objeU donnera à l’acte religieux son caractère spécial, et qui distinguera de toute autre espérance celle que le théologien doit étudier, lixiiminons d’abord l’objet matériel, plus facile à déterminer, et sur lequel les théologiens sont d’accord.

L’objet matériel, ou matière de l’espérance, ce sont les choses espérées. A première vue, leur champ est immense. Voyez, dans l’Ancien’restamenl, combien de prospérités tenqiorelles espérait l’âme religieuse, pour elle même, pour sa famille, pour sa patrie, sur la foi des promesses divines ; ajoutez l’espérance de dons spirituels et moraux, l’espérance de la venue du Messie, et de son royaime plus ou moins v : guenicnt conçu. l’t l’espérance ne s’arrête pas à la limite de cette vie. « Sur la tombe, dit Schiller, l’espér.iuce croît encore. » Et c’est seulement sur la porte de l’enfer que Dante a pu lire : < Vous qui entrez, laissez toute espérance.

La matière de lespérancc chrétienne est aussi étendue que celle de la prière, suivant la remarque de .saint Augustin. Os deux actes religieux se correspondent : l’un produit l’aulre. l’espérance fait prier. Dr la prière, d’après les données de la révélation, que demande-t-elle à Dieu ? Des biens éternels, des biens spirituels en cette vie, et même des biens temporels. Voyez, par exemple, les diverses demandes de l’oraison dominicale. S. Augustin, IJnchiridion, c. r.xiv. cxv, P. I., t. XL, col. 28, 5.

Son objet matériel principal, on « d’attribution ".