Dictionnaire de théologie catholique/DOGME VII. Conclusions relatives à l'histoire des dogmes

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 190-191).
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VII. Conclusions relatives a l’histoire des dogmes.

i" conclusion. —

Du principe général précédemment établi sur la subordination nécessaire de toutes les sciences humaines à l’autorité de la révélation et aux définitions du magistère ecclésiastique, nous devons conclure que la science de l’histoire des dogmes, nécessairement connexe à la dogmatique bien qu’elle soit en elle-même une simple division de l’histoire ecclésiastique, est également tenue d’observer cette mâme subordination. ICI le doit donc ne jamais contredire, par aucune de ses assertions, opinions ou hypothèses critiques, un enseignement certainement révélé ou une conclusion certainement enseignée par l'Église comme intimement liée à cet enseignement révélé. Mais il reste toujours vrai que la science de l’histoire des dogmes, comme toute science humaine, selon les documents précités, notamment le concile du Vatican : Necsaneipsa velat Ecclesia ne hujusmodi disciplina in suo quæque ambilu propriis utantur principiis et propria melhodo, sess. III, c. iv, garde toujours son autonomie en tout ce qui n’a point de connexion nécessaire avec le dogme, particulièrement en ce qui concerne sa méthode propre et son genre particulier de preuve.

2e conclusion. — La nécessaire subordination à l’enseignement révélé exige particulièrement que l’histoire scientifique des dogmes ne soutienne aucune assertion, opinion ou hypothèse supposant une évolution substantielle des dogmes, de quelque manière que celle-ci soit défendue. Car c’est un dogme de foi catholique, selon les documents précités, qu’une telle évolution n’a jamais existé et ne pourra jamais exister, et qu’aucune hypothèse historique contredisant un dogme ne peut être vraie. Ainsi doivent être écartées comme radicalement fausses toutes les opinions ou hypothèses attribuant une origine purement humaine à la doctrine du Logos divin ou à la constitution de l'Église, à l’institution des sacrements ou à quelque autre dogme. L’erreur opposée est particulièrement réprouvée par Pie X dans l’encyclique Pascendi au paragraphe concernant le moderniste historien, et dans le décret Lamentabili aux propositions 23, 24, 29, 32.

3e conclusion. — Puisque, en dehors de cette nécessaire subordination, l’histoire scientifique des dogmes reste autonome en ce qui concerne sa méthode particulière, on ne peut exiger qu’elle fournisse des preuves historiques en faveur de l’enseignement révélé, quand des preuves critiques solides font défaut. Tout ce que l’on est en droit de demander, c’est que la science historique ne soutienne rien de contraire au dogme. Ainsi, dans les cas précités, on ne peut exiger que l’histoire des dogmes fournisse des preuves décisives et historiquement indiscutables en faveur de la pratique de plusieurs sacrements dans les deux premiers siècles, bien que le fait de leur institution divine et celui de leur usage pendant cette période soient dogmatiquement ou théologiquement certains.

4e conclusion. — On ne peut exiger que l’historien des dogmes poursuive toujours dans ses investigations un but apologétique ou dogmatique, mais on ne peut non plus le lui inlerdire au nom de la science. — 1. Le seul devoir imposé à l’historien des dogmes est de ne point contredire la vérité révélée ou l’enseignement proposé par l'Église comme certainement connexe à cette vérité. Travailler positivement à la défense de l’enseignement catholique n’est en soi l’objet d’aucun précepte, c’est tout au plus un conseil de perfection dont l’omission ne constitue de soi aucune faute, surtout s’il était à craindre que, dans des circonstances très particulières et à cause de préjugés difficiles à combattre, l’on ne puisse montrer des préoccupations évidemment apologétiques ou théologiques, sans s’exposer à perdre, au point de vue scientifique, toute considération ; hypothèse qui, dans certains milieux, peut n'être pas irréalisable.

2. Mais toute préoccupation apologétique ne peut être interdite au nom de la science. Tout ce que l’on a le droit d’exiger au point de vue scientifique, c’est que la méthode propre à la science historique soit rigoureusement observée. D’ailleurs, si la prétention contraire était vraie, il en résulterait nécessairement que l’on ne pourrait convenablement cultiver une science quelconque sans être un sceptique parfait, puisqu’une conviction quelconque pourrait fausser les recherches ou déductions scientifiques.

3. En l’ait, surtout dans les circonstances actuelles où la foi catholique est constamment attaquée sur ce terrain de l’histoire des dogmes par une science hostile ou incroyante, il ne nous paraît guère possible qu’un catholique, attaché à sa foi et soucieux de la défendre dans la mesure de ses forces, s’abstienne, dans ses travaux habituels sur l’histoire des dogmes, de toute

préoccupation apologétique ou dogmatique. Une telle abstention, dans des circonstances aussi critiques, serait le plus souvent une omission injustifiée d’un grave devoir de charité.

5e conclusion. — Avec quelque intention qu’elle soit poursuivie, l’histoire scientifique des dogmes fournit toujours à la science théologique un appoint très considérable, dès lors qu’elle garde, vis-à-vis de l’enseignement révélé et du magistère de l'Église, la subordination nécessaire. — 1. L’histoire des dogmes aide à mieux comprendre les définitions de l'Église, en les replaçant dans leur milieu, en faisant mieux connaître les erreurs contre lesquelles ces définitions furent dirigées et en aidant à une complète intelligence de la terminologie ecclésiastique. On le comprendra facilement par les nombreux exemples que nous avons cités au cours de cet article, sans que nous ayons besoin de les répéter ici. — 2. L’histoire des dogmes aide encore à mieux établir la preuve théologique de la tradition, par les témoignages qu’elle nous fait connaitre et dont elle nous donne l’exacte interprétation. Rappelons simplement l’exemple précédemment indiqué du caractère sacramentel. L’histoire des dogmes nous montre son solide fondement théologique dans la tradition, surtout depuis la controverse avec les donatistes ; ce qui écarte définitivement la supposition émise par quelques anciens théologiens et approuvée par Cajetan lui-même, que la doctrine du caractère sacramentel qui n’est point dans l’Ecriture, est enseignée uniquement par l’autorité de l'Église et seulement depuis une époque assez récente. P, Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 222.

3. L’histoire des dogmes sert aussi à mieux différencier la doctrine catholique strictement obligatoire, des opinions théologiques librement controversées. L’accord constant des Pères et des théologiens sur les matières de foi, comparé avec la diversité de leurs opinions en matières considérées comme libres, fait nettement ressortir l'élément accessoire ou humain dans leurs expositions dogmatiques, en même temps que la substance du dogme toujours identique malgré quelques changements accidentels. C’est ainsi, par exemple, que le dogme de l’efficacité des sacrements de la nouvelle loi, tel qu’il a été défini par le concile de Trente, apparaît d’une manière beaucoup plus manifeste quand on l'étudié conjointement avec les multiples opinions théologiques antérieures ou postérieures au concile de Trente.

4. L’histoire des dogmes fournit encore l’insigne avantage de mettre dans une très vive lumière la souveraine autorité du magistère ecclésiastique, règle suprême du travail théologique individuel ou collectif, sanctionnant ou encourageant ce qui est digne d’approbation et désapprouvant ou réprouvant tout ce qui contreditou meten péril l’enseignement révélé, comme nous l’avons montré précédemment.

Ces conclusions générales sur l’histoire des dogmes font assez comprendre quelle direction l’on doit donner à cette étude particulièrement importante à l’heure actuelle, en face de toutes les attaques d’une critique hostile ou indillérente. Les détails de l’histoire de chacun des dogmes particuliers seront étudiés aux articles spéciaux.

En terminant cette étude d’ensemble sur les dogmes chrétiens, qu’il nous soit permis de faire observer que nous avons du, pour plus de clarté dans notre exposé, indiquer, sur chacun des points particuliers, la doctrine de l'Écriture et celle de la tradition ainsi que les définitions de l'Église. Le lecteur désireux d'établir la synthèse de l’enseignement scripluraire, de l’enseignement patristique ou théologique et de l’enseignement ecclésiastique sur l’ensemble des points particuliers étudiés au cours de cet article, pourra facilement grouper lui-même, sous ces litres généraux, ce que notre étude

analytique devait nécessairement fraclionner, sous peine de manquer de clarté et de précision.

On peut consulter les ouvrages indiqués au cours de cet article, et ceux qui ont été signalés dans l’article précédent, ainsi que les très nombreux articles publiés depuis quelques années dans les diverses revues, notamment sur le développement des dogmes, et Gardeil, Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910 ; A. Lépicier, De stabilitateet progressu dogmatis, 1e édit., Rome, 1910 ; A. Palmieri, Il progresso dommatico nel concetto cattolico, Florence, 1910 ; Pinard, art. Do ; / » ?(?, daris le Dictionnaire apologétique de d’Alès, t. l, col. 1121-1184.

E. DUBLANCHY.