Dictionnaire de théologie catholique/DISPARITÉ DE CULTE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 74-78).
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DISPARITÉ DE CULTE. —
I. Définition et distinction.
II. Motifs qui ont déterminé l’Eglise à établir cet empêchement de mariage.
III. Historique.
IV. Nature et étendue de l’empêchement.
V. Cas divers dans lesquels il existe. VI. Difficultés pratiques.
VII. Cessation de l’empêchement.
VIII. Dispense.
IX. Difficultés provenant des législations modernes.

I. Définition et distinction. — On entend par disparité de culte la différence de religion. Cette différence peut être absolue ou partielle.

Au sens propre et strict, la disparité de culte est la différence de religion existant entre deux personnes, dont l’une est baptisée, et l’autre ne l’est pas. Dans un sens plus large, c’est la différence de religion existant entre deux personnes baptisées, dont l’une appartient à l’Église catholique, et l’autre à une des sectes dissidentes, hérétiques ou schismatiques.

La première de ces disparités de culte, comme étant plus absolue, constitue un empêchement dirimant de mariage ; la seconde, connue étant moins profonde, et

pour ce motif, appelée « religion mixte », ne constitue qu’un empêchement prohibant.

L’une et l’autre de ces disparités de culte peuvent être antérieures au mariage, ou ne se produire qu’après sa célébration. Cf. Bellarmin, De sacramento matrimonii, . I, c. xxiii, Decultus disparitate, Opéra omnia, 8 in-4°, Naples, 1872, t. iii, p. 834 ; De Angelis, Prselecliones juris canonici ad metltodum Decretalium, 1. IV, tit. i, De sponsalibus et matrimonio, n. 21, 4 in-S", Rome, 1887-1891, t. iii, p. 65 sq. ; D’Annibale, Summula theologise moralis, part. III, 1. III, tr. VI, De matrimonio, c. ii, a. 1, n. 437, 3 in-8°, Rome, 1889-1892, t. iii, p. 344.

II. MOTIFS QUI ONT DÉTERMINÉ L’ÉGLISE À ÉTABLIR CET

empêchement de mariage. — 1° L’Église qui a institué plusieurs empêchements de mariage à cause des liens étroits existant entre les personnes unies par la parenté ou l’affinité, en a institué également à cause des différences, ou dissemblances, existant entre certaines personnes, quand ces différences, ou dissemblances, sont telles, qu’elles peuvent devenir un péril pour ces personnes ; soit en ce monde, en compromettant gravement la paix du foyer domestique ; soit en l’autre, en compromettant leur salut éternel. Or, de toutes les différences susceptibles d’intervenir entre créatures humaines, aucune, comme le montrent manifestement la raison et l’expérience quotidienne, ne crée des dissentiments aussi profonds et aussi irréductibles, ni de danger de perversion aussi grand que la différence de religion. On conçoit donc aisément que l’Église, pour écarter de ses enfants un si pressant danger, ait institué un empêchement spécial de mariage.

2° Il faut remarquer, en outre, que le baptême étant la condition sine qua non pour la réception des sacrements, et, selon l’expression, étant janua sacramentorxiii, un infidèle est radicalement incapable de recevoir le sacrement du mariage. De plus, le fidèle qui contracte mariage avec une personne non baptisée, ne reçoit pas lui-même le sacrement, du moins, d’après l’opinion la plus probable. Cf. Sanchez, Disputationes de sancto matrimonii sacramento, I. II, disp. VIII, n. 2, 3 in-fol., Lyon, 1037, t. i, p. 122 ; Pirhing, Jus canonicum in quinque libr. Decretalium dislributum, 1. IV, tit. i, n. 71, 5 in-fol., Dillingen, 1674-1677, t. iv, p. 30 ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. IV, tit. i, De sponsalibus et matrimonio, ^ 2, n. 306-309, 6 in-4 «, Rome, 1843-1845, t. iv, p. 139 sq. ; Hurter, Compendium theologiæ dogmaticæ, tr. IX, De sacramentis, sect. viii, thés, cci.xii, n. 598, 3 in-8°, Inspruck, 1893, t. iii, p. 526 ; "Wernz, Jus Decretalium, 1. IV, tit. i, n. 44 sq., 5 in-4°, Rome, 1898-1907, t. iv, p. 63 sq. ; Billot, De Ecclesise sacramentis. De matrimonio, thés, xxxvni, S 3. 2 in-8°, Rome, 1908, t. ii, p. 378-380. Voir Mariage. C’est un motif de plus qui a porté l’Église à établir l’empêchement dirimant de disparité de culte, afin que la partie baptisée, contractant mariage, ne soit pas privée du bienfait et des grâces du sacrement.

III. Historique.

1° Loi mosaïque. —Il était sévèrement défendu aux Israélites de contracter mariage avec des personnes ne professant pas leur religion, et spécialement avec celles qui appartenaient aux sept nations fixées dans la terre de Chanaan. Exod., xxxiv, 16 ; Deut., iiv 1 ; III Reg., xi, 1 sq. ; I Esd., x, 3 ; II Esd., ix, 2 ; x, 30.

Ces mariages cependant n’étaient pas invalides. Cf. S. Augustin, De adulterinis conjugiis, 1. I, c.xvni, P. L., t. xl, col. 462 ; S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, d ist. XXXIX, q.i, a. 1 ; Benoit XIV, const. Si ngulari nobis, du 9 février 1749, § 3-6 ; Opéra omnia, 18 in-4°, Prato, 1839-1847, t. xvii, p. 10 sq. ; Santi, Prælectiones juris canonici juxta ordinem Decretalium Gregorii IX, . IV, tit. i, De sponsalibus et matrimonio, S 4, n. 171 sq.,

5 in-8°, Ratisbonne et New-Vork, 1886, t. IV, p. 51 sq. ; Palmieri, Opus t/ieologicum morale in Busenbaum medullam, tr. X, sect. viii, De matrimonio, c. iii, dub. ii n. 1069, 7 in-8°, Prato, 1889-1893, t. vi, p. 529 sq. ; Wernz, Jus Decretalium, 1. IV, tit. XXII, n. 504, t. iv, p. 759.

Loi romaine.

En 339, l’empereur Constantin défendit, sous peine de mort, le mariage entre chrétiens et juifs. Leg. 6, code théod., De Judœis, XVI, viii. Un demi-siècle plus tard, en 388, l’empereur Valentinien réitéra cette défense et la munit de nouvelles sanctions, en assimilant ces mariages à de véritables adultères, et décrétant contre eux les mêmes peines. Ne quis christianam mulierem in malrimonium Judseus accipiat : neque Judsese c/iristianus conjugium sortiatur. Si quis aliquid hujusmodi admiserit, adullerii vice commissi hujusmodi crimen obtinebit, libertate in accusandum publicis quoque vocïbus relaxata. Leg. 1, De Judœis, VI, vin. Cf. Décret de Gratien, part. II, caus. XXVIII, q. i, c. 15.

Loi ecclésiastique.

1. Saint Paul avait recommandé en termes formels et même sévères aux premiers chrétiens d’éviter les mariages avec les infidèles. I Cor., iiv 39 ; II Cor., vi, 14. Les expressions dont il s’était servi ne pouvaient s’entendre de simples conseils, mais renfermaient évidemment une véritable défense. Cf. Bellarmin, De sacramento matrimonii, 1. 1, c. xxiii, De cultus disparitate, t. iii, p. 835.

2. S’appuyant sur ces paroles de saint Paul, les Pères de l’Église s’efforcèrent, autant qu’il était en eux, de détourner les fidèles de contracter mariage avec les païens. Cf. Tertullien, Ad uxorem, 1. II, c. I sq., P. L., t. i, col. 1287 sq. ; S. Cyprien, Ad Quirinum, 1. II, c. lxii, P. L., t. iv, col. 767 sq. ; S. Ambroise, De Abraham, 1. I, c. îx, P. L., [. xiv, col. 451 ; Raban Maur, Pœnitentiale, c. xvii, xxvii, P. L., t. ex, col. 490.

Dans les premiers siècles cependant, vu la multitude d’inlidèles au milieu desquels les chrétiens vivaient, il ne fut pas toujours possible d’observer rigoureusement cette défense. En pratique, de nombreuses exceptions durent être tolérées. Nous ne citerons ici que l’exemple si connu de la mère de saint Augustin, sainte Monique, mariée à un païen. Cf. S. Cyprien, De lapsis, c. vi, P. L., t. iv, col. 483 ; S. Augustin, De fideet operibus. c. xix, P. L.. t. xl, col. 221 ; Bellarmin, loc. cit., t. iii, p. 834, 836.

A cette époque reculée de l’antiquité chrétienne, et succédant immédiatement aux temps apostoliques, on ne trouve aucun vestige d’une loi ecclésiastique déclarant nuls les mariages de cette sorte. Cf. Sanchez, Disputationes de sancto matrimonii sacramento. 1. VII, disp. LXXI, n. 6-10, t. ii, p. 236 sq.

3. Les conciles provinciaux s’occupèrent de bonne heure de cette grave question. Ils y revinrent bien des fois, toujours pour renouveler la défense de saint Paul et des Pères de l’Église, au sujet des mariages entre chrétiens et infidèles. Cf. concile d’Elne (306), can. 1517 ; concile d’Arles (314), can. 11 ; d’Hippone (393), can. 12 ; IP d’Orléans (533), can. 19 ; P’d’Aquitaine (535), can. 6 ; IIP d’Orléans (538), can. 13 ; IV « d’Orléans (541), can. 31 ; IIP de Tolède (589), can. 14 ; IV" de Tolède (633), can. 63 ; de Rome (743), cm. 10, etc., Mansi, Concil., t. ii col. 8sq., 472 ; t. iii, col. 850 ; t. viii, col. 838, 861 ; t. ix, col. 15, 118 ; t. x, col. 634.

De ces antiques prohibitions formulées si souvent en Gaule, en Espagne, en Italie, en Afrique, il ne conste pas, quelque nombreuses qu’elles soient, que les mariages entre chrétiens et infidèles fussent alors considérés comme invalides. En supposant même qu’ils le fussent en Gaule, en Espagne, en Italie, etc., où étaient promulguées ces défenses, on ne saurait en conclure qu’ils le fussent ailleurs, car ces lois, émanées de conciles provinciaux, n’avaient évidemment aucune autorité 1419

DISPARITE DE CULTE

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pour lier l’Église universelle. Cf. Bellarmin, De sacramento matrimonii, 1. I, c. xxm, Opéra omnia, t. m, p. 836 : Benoit XIV, const. Singulari nobis du 9 février 1749, ^ 9, Opéra omnia, t. xvn, p. 12, 990. L’introduction de quelques-unes de ces prescriptions conciliaires dans le décret de Gratien, part. II, caus. XXVIII, q. I, c. 10, 14. l.">, 10, ne suffit pas à les transformer en loi générale obligeant tous les chrétiens. Cf. Benoit XIV, loc. cit., t. xvn, p. 12.

Mais les prescriptions conciliaires de ce genre continuant à se multiplier dans tous les pays, la coutume devint générale dans l’Eglise entière, vers le xn e siècle. Un avait alors tellement horreur de ces mariages contractés avec les juifs, les mahométans et les autres païens, que la voix puhlique, pour ainsi dire, en demandait l’annulation. Cf. De Angelis, Prœlectiones juris canonici ad methodum Decretalium, 1. IV, tit. i, n. 21, t. ni, p. 66 sq. ; Santi, Prœlectiones juris canonici juxta ordinem Decretalium Gregorii IX, 1. IV, tit. i. De sponsalibus et matrimonio, § 4, n. 175, t. iv, p. 52.

4. Ce ne fut donc pas en vertu d’une loi régulièrement insérée dans le Corpus juris canonici, mais en vertu de la coutume universelle ayant, à ce titre, force de loi, que la disparité de culte devint dans l’Église un empêchement dirimant de mariage. Cf. Benoit XIV, const. Singulari nobis, § 10, Opéra omnia, t. xvn, p. 12 ; Schmalzgrueber, 7ms ecclesiasticum universum, 1. IV, tit. vi, S 4> n. 128, t. iv, p. 500 sq. ; Ferraris, Prompla bibliolheca canonica, v° Malrimonium, a. 5, n. 91, 10 in-4 », Rome, 1785, t. v, p. 198 ; Ballerini, Compendium llteologise moralis, tr. De matrimonio, c. vi, a. 2, sect. tu, n. 825, t. n, p. 802 ; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect. vin, c. ni, dub. n, n. 1070-1073. t. vi, p. 530-532 ; Gasparri, Traclatus canonicus de matrimonio, c. îv, sect. Il, a. 2, £ 6, De impedimento disparitatis cullus, n. 607, 2 in-8°, Paris, 1891, t. i, p. 419.

5. Pour l’existence de l’empêchement, il fallait la disparité de culte in sensu stricto, ou absolue, c’est-àdire celle qui se trouve entre chrétiens et infidèles. Cf. Salmanticenses, Cursus Ihcologise moraliser. X, De sacramento matrimonii, c. xn, p. vi, n.73, t. il, p. 148. La disparité partielle existant entre chrétiens et hérétiques ou schismaliques, ne fut jamais considérée, dans l’Église universelle, comme constituant un empêchement dirimant de mariage, quoique plusieurs conciles provinciaux, en Orient surtout, aient étendu l’empêchement dirimant jusqu’aux simples mariages mixtes. Cf. concile in Trullv (692), can. 72, Mansi, Concil., t. xn, col. 51 ; Reilfenstuel, Jus canonicum universum, 1. IV, tit. I, De sponsalibus et matrimonio, g 10, n. 358, t. iv, p. 49 ; Zhishman, Das Eherecht der orient. Kirche, p. 509, 518.

6. Dès lors, cette loi issue d’une coutume générale, obligeant dans l’Église entière, atteignit par le fait même tous les pays lointains successivement convertis à la vraie foi. A ce sujet, une controverse très vive s’éleva, au xvi e siècle. On prétendit que dans les missions de la Chine et du Japon, par exemple, l’empêchement de disparité de culte n’existait pas, vu que les coutumes locales y paraissaient plutôt contraires. Le saint-siège consulté se déclara cependant pour l’affirmative ; mais, en même temps, il donna aux missionnaires de très amples facultés pour dispenser de cet empêchement. Cf. Consliluliones aposlolicœ ad missiones Sinarum et Tunkini spectanles, in-fol., Paris, 1676, p. IS8 ; Benoit XIV, const. Singulari nabis, du 9 février 1747, g 19, Opéra onmia, t. xvn, p. I4 ; |Santi, Prseleciumes juris canonici,. IV, tit. I, g i, n. 176-179, t. VI, p. 52 sq. ; Gasparri, Traclatus canonicus de matrimonio, c. iv, sect. n, a. 2, §6, n. 608, t. i, p. 420 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. II, 1. 1, tr. VIII, De matrimonio, sect. m, c. n, §8, n. 751, 2 in-8°, Fribourg-en Brisgau, 1902, t. n, p. 35 ; Colleclanea S. C. de Propaganda fide, in-4 », Borne, 1893, p. 421, 426, 427.

L’existence de cet empêchement dirimant dans le monde entier, ne saurait donc plus désormais être mise en doute, et, quoique le nombre des non-baptisés croisse, même en Europe, cet empêchement est toujours en vigueur. Cf. Gasparri, Traclatus canonicus de matrimonio, c. IV, sect. il, a. 2, § 6, n. 598 sq., 1. 1, p. 418 ; Wernz, Jus Decretalium, 1. IV, tit. xxn, n.504, t. iv, p. 762.

IV. Nature et étendue de cet empêchement. — 1° De droit naturel et divin, la disparité de culte est un empêchement prohibant, à moins qu’une cause grave excuse, et que l’on prenne des précautions nécessaires pour éviter les périls nombreux que les mariages entre fidèles et infidèles font courir aux âmes, soit des contractants, soit des enfants à naître. Le droit divin, comme le droit naturel, en effet, défendent de s’exposer au péril prochain de perdre la foi, ou d’exposer les enfants à en être privés. Cf. III Beg., xi, 1 sq. ; Bellarmin, De sacramento matrimonii, 1. I, c. xxm, t. m, p. 834 ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. IV, tit. Vi, §4, n. 124 sq., t. iv, p. 498sq. ; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect. vin, c. m, n. 1067 sq., t. vi, p. 528-529.

Quoique ce péril prochain n’existe pas toujours dans chaque mariage entre chrétien et infidèle, il se présente néanmoins très souvent. Si donc le danger de prochain ne devient pas éloigné, la prohibition de la loi naturelle persévère, et le mariage est gravement illicite. Cf. Salmanticenses, Cursus theologiœ moralis, tr. IX, De sacramento matrimonii, c. xn, p. vi, n.6570, t. n, p. 147 sq. "Bien plus, même si dans un cas particulier ce danger avait disparu ou était devenu seulement péril éloigné, la défense de la loi naturelle à ce sujet n’en serait pas enlevée pour ce seul motif ; mais il faut, en pratique, pour contracter licitement un tel mariage une raison grave, car, outre le danger qu’elles présentent, ces unions renferment toujours en elles-mêmes quelque chose de répréhensible:semper in se continent magnam quamdam deformitatem et une sorte d’injure ou de manque de respect pour le créateur, et contumeliam creatoris. S. C. de l’Inquisition, l « aoùt 1759; 30 août 1865.

On ne pourrait pas cependant, par aucun argument péremptoire, démontrer que l’empêchement de droit naturel est dirimant, et que ces mariages sont radicalement nuls. S’il en était ainsi, l’Église n’aurait pas le pouvoir d’en dispenser:ce qui est manifestement faux, comme il conste de la pratique perpétuelle de l’Église à ce sujet. Cf. Bellarmin, De sacramento matrimonii, 1. I, c. xxm, t. m, p. 835; Salmanticenses, Cursus theologia:moralis, tr. IX, De sacramento matrimonii, c. xn, p. vi, n. 70-73, t. n, p. 148 ; Sanche/, Disputaliones de sancto matrimonii sacramento, 1. VII, disp. LXXI, n. 6 sq., t. n, p. 236 sq. ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. IV, tit. VI, S 2, n.l26, t. iv, p. Ï99j Palmieri, Opus theologicum morale, tr.X, sect. vin, De matrimonio, c. m, dub. n, n. 1067, t. vi, p. 528; Gasparri, Traclatus canonicus de matrimonio, c. iv, sect. H, a. 2, § 6, n. 605, t. i, p. 418.

2° De droit ecclésiastique, la défense à tout chrétien de contracter mariage avec une personne infidèle est tellement absolue, quoiqu’elle provienne, non d’une loi écrite et insérée dans le Corpus juris canonici, mais d’une coutume universelle de l’Église, en Orient comme en Occident, que, même dans les cas particuliers où cesseraient pour les individus les prohibitions du droit naturel et du droit divin, il leur faudrait une dispense du pape, ou de l’un de ses délégués, pour contracter un mariage de ce genre, non seulement licitement, mais même validement. L’Eglise catholique, en effet, en vertu de sa puissance de juridiction sur toute

personne baptisée, que celle-ci soit catholique ou hérétique et schismatique, afin d’assurer davantage l’application du droit divin et d’obvier à tout danger qui est supposé toujours exister en semblables circonstances, étend sa défense à tous les cas, et annule de son autorité souveraine tous les mariages contractés avec cet empêchement.

Cette loi ecclésiastique atteint directement la partie fidèle, et la rend inhabile à contracter validement mariage avec la partie infidèle ; mais la loi atteint indirectement aussi la partie infidèle, et la rend incapable de contracter validement avec une personne baptisée. Ainsi, non seulement la partie infidèle ne communique pas à la partie fidèle son exemption de la loi ecclésiastique ; mais elle reçoit de la partie fidèle communication de sa sujétion à cette loi. Cf. Bellarmin, Desacramento matrimonii, 1. I, c. xxiii, t. iii, p. 836 ; Sanchez, Disputaliones de sancto matrimonii sacramento, 1. VII, disp. LXXI, n. 1-5, 8-9, t. il, p. 235-237.

V. Cas divers dans lesquels existe l’empêchement.

— 1° L’empêchement existe toutes les fois qu’il conste que l’un des deux futurs époux est validement baptisé, et que l’autre ne l’est pas, ou, du moins, ne l’a pas été validement. Cet empêchement ne lierait donc pas deux fiancés qui, quoique appartenant à une secte chrétienne, hérétique ou schismatique, n’auraient cependant reçu, ni l’un ni l’autre, validement le baptême. Cf. Benoit XIV, const. Singulari nobis, § 11, Opéra omnia, t. xvii,p. 12 ; S. C. de l’Inquisition, 3 avril 1878 ; 4 février 1891, A rchiv fïir kalholisches Kirchenrecht, t. xli, p. 182 sq. ; Acta sanctse sedis, t. xxvi, p. 63.

2° Si l’un des deux futurs époux est validement baptisé, qu’il soit catholique ou non, et si l’autre est infidèle ou catéchumène, m ; iis non encore validement baptisé, quoiqu’il suppose l’avoir été, ou que l’on croie communément qu’il l’a été, l’empêchement dirimant de disparité de culte n’en existe pas moins, car cet empêchement provient du fait de la non-réception du baptême appelé aussi sacrement de la foi, et non de la profession de la foi elle-même. Cf. S.Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXXIX, q. i, a. 1, ad5""> ; Benoît XIV, const. Singulari nobis, § 16, 17, 18, Opéra omnia, t. iixv p. 13 sq. ; S. C. de l’Inquisition, 16 septembre 1824 ; 20 juillet 1840 ; 18 septembre 1890 ; 4 février 1841, Archiv fur katholisches Kirchenrecht, t. xi, p. 351 ; Palmieri, Opus tlieologicum morale, tr. X, sect. iivi dub. ii, n. 1074 sq., t. VI, p. 532 sq.

3° Mais cet empêchement ne lierait pas deux personnes validement baptisées, quoique l’une d’elles fût tombée dans l’hérésie, le schisme ou l’incrédulité, et ignorerait même qu’elle eût été baptisée, comme cela peut arriver dans les pays infidèles, où un enfant validement baptisé dans son jeune Age et élevé ensuite parmi les païens, apostasierait, et perdrait même jusqu’au souvenir de son baptême. Cf. concile de Trente, sess. XXIV, De malrimonio, c. vi ; S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. X.XXIX, a. 1 ; S. Antonin, Summa tlieologica, part. III, tit. I, c. VI ; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. IX, De sacramento matrimonii, c. xii,p. vi, n. 750, t. ii,p. 148 sq. ; Schmalzgrueber, Jvs ecclesiasticum univcrsum, 1. IV, tit. vi, § 4, n. 132-136, t. iv, p. 502 sq. ; Benoit XIV, const. Singulari nobis, § 13, Opéra omnia, t. xvii,p. 13 ; S. C. du Concile, 23 septembre 1679 ; Ferraris, Prompta bibliolhcca, v » Malrimonium, a. 5, n. 95, t. v, p. 199 ; Palmieri, Opus tlieologicum morale, tr. X, sect. iivi c. il, dub. iii, n. 1084-1095, t. vi, p. 539-547.

VI. Difficultés pratiques.

L’empêchement de disparité de culte crée une difficulté spéciale, quand il survient un doute au sujet du baptême reçu validement ou non, par l’un des deux futurs époux, soit que ce doute précède le mariage, soit qu’il arrive ensuite.

Cette difficulté a ceci de particulier que la solution semble, dans ce cas, dépendre non de règles objectives et fixes, mais de convictions subjectives, parfois même de simples présomptions plus ou moins fondées.

Principes généraux.

Très souvent consultées

sur ces matières complexes, les Congrégations romaines ont donné un grand nombre de réponses qui peuvent se résumer dans les trois règles suivantes, qu’il est bon d’avoir sous les yeux, pour la solution des cas particuliers.

1. On doit considérer comme valide le mariage contracté par un catholique, ou un non-catholique certainement baptisé, avec un non-catholique dont le baptême est douteux. Dans le doute, en elfet, on doit regarder le baptême comme valide, tant qu’il ne conste pas de son invalidité : in dubio enim standum est pro valore aclus, donec præsumptio debeat cedere veritati. S. C. de l’Inquisition, 17 novembre 1830 ; 20 décembre 1837 ; 20 juillet 18’tO ; 5 février 1851 ; 3 avril 1878 ; 18 septembre 1890 ; 3 avril 1893. Cf. Il » concile plénier de Baltimore (1866), Appendice ; Gaspard, Tractatus canonicus de matrimonio, c. iv, sect. ii,a. 2, § 6, n. 601, 1. 1, p. 413 ; Archiv fur katholisches Kirchenrecht, t. XLI, p. 180 sq.

2. On doit également regarder comme valide le mariage de deux non-catholiques, si un doute prudent subsiste au sujet du baptême de l’un et de l’autre. S. C. de l’Inquisition, 17 novembre 1830 ; 20 juillet 1840 ; 5 février 1851 ; Gasparri, Tractalus canonicus de matrimonio, loc. cit., n. 602, t. i, p. 414.

3. Pour la même raison que in dubio standum est pro valore baptismi in online ad malrimonium, on doit considérer comme invalide le mariage contracté par une personne dont le baptême est douteux, avec un infidèle certainement non-baplisé. S. C de l’Inquisition, 20 juillet 1810 ; 7 juillet 1880 ; 18 avril 1890 ; 4 février 1891. Cf. De Angelis, Prælectiones juris canonici, 1. IV, tit. I, n. 23 ; tit. xix, n. 11, t. iii, p. 72-76, 333 sq. ; Gasparri, Tractalus canonicus de matrimonio, loc. cit., n 603-605, t. i, p. 415-418 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. II, 1. I, tr. VIII, De matrimonio, sect. iii, c. ii, S 8, n. 752 sq., t. H, p. 535 sq. ; Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris pontificii alphabetico ordine digesla, v° Quitus disparilas, 2 in-4°, Prato, 1905, t. i, p. 504 sq. ; Bucceroni, lnstitutiones theologiæ moralis, tr. De matrimonio, c. III, n. 1016, 2 in-8°, Borne, 1908, t. ii,p. 412 sq.

Solution.

A la lumière de ces principes généraux,

il est plus facile de résoudre les difficultés qui se rencontrent assez souvent en pratique, même à notre époque. Elles sont si nombreuses les sectes dissidentes chez lesquelles, de nos jours, le baptême n’est conféré que d’une façon douteuse ! Ces difficultés ne précèdent pas seulement la célébration du mariage. Assez souvent aussi, elles se présentent ensuite, quand, par exemple, des personnes appartenant l’une et l’autre à quelqu’une de ces sectes dissidentes, se convertissent à la foi catholique après leur mariage. Il y a lieu, alors, de se demander si ce mariage précédent est valide ou non ; et si, par suite, en vue de sa validité, il convient de demander aux époux de renouveler leur consentement.

1. Deux catholiques ont, de bonne foi, contracté mariage entre eux ; mais, plus tard, le baptême a dû être réitéré à l’un des époux, sous condition et secrètement, à cause d’un doute prudent survenu au sujet de la validité de son baptême, doute qu’un sérieux examen n’a pu chasser. Cette réitération du baptême se fera, dans ce cas, sans préjudice de la validité du mariage précédemment contracté. En effet, dans le doute de la validité du baptême, la présomption est pour la liberté contre l’empêchement, slante dubio de baptismo, possidet libertas ab impedimento disparilalis cullus, Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.

et cotte présomption ne doit céder qu’à la certitude du fait contraire dûment établi. S. C. de l’Inquisition, 17 novembre 1830. Cf. De Angelis, Prselecliones juris canonici, l. III, lit. xi.n. De baptismo et cjus ef]eclibus, n. 4, t. ii, p. 324.

La solution est identique, soit que le doute au sujet du baptême porte sur la validité, dubium juris ; soit qu’elle porte sur le fait même de la collation du sacrement, dubium facti. Dans l’un et l’autre cas, le baptême, en pratique, doit être considéré comme valide par rapport à la validité du mariage futur, ou déjà contracte, si ce doute subsiste, après un sérieux examen, c’est-à-dire si une enquête sérieuse ne démontre pas la non-validité du baptême. Il en serait également ainsi, même en l’absence d’enquête sérieuse, quand il n’a point paru opportun de la faire ; par exemple, s’il s’agit d’un concubinaire en péril de mort ; ou si la malice de l’une des deux parties fait craindre de nombreux inconvénients. S. C. de l’Inquisition, 29 septembre 1 73 i ; 17 novembre 1830 ; 5 février 1851 ; 9 septembre 1868 ; 3 avril 1878 ; 7 juillet 1880 : 18 septembre 1890 ; 4 février 1891 ; S. C. du Concile, 12 décembre 1733 ; 4 mai 1737 ; 27 août 1796 ; CoUeclanea S. C. de Propaganda fi.de, n. 1274, in-4°, Rome, 1890, p. 428. Cf. Ballerini, Compendium theologise moralis, tr. De matrimonio, c. vi, a. 2, sect. iii, n. 831, t. ii, p.SOÔsq. ; Feije, De impedimentis et dispensalionibus matrimonii, n. 461, in-8°, Louvain, 1867, 1884 ; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X.sect. ni.c. iii, dub.n, n. 1075, t. VI, p. 535 ; Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. vi, sect. ii, a. 2, § 6, n. 597, t. i, p. 411 ; Leitner, Lehrbuch des kalh. Eherec/tls, p. 2<S8sq. ; fierardi, Theologia moralis tfieorico-praclica, tr. IV, De matrimonio, sect. ii, a. 5, t. v, p. 505.

Ainsi quand il s’agit de deux catlioliques déjà mariés, il faut absolument, au for extérieur, se prononcer pour la validité du mariage précédent, quoique le doute, survenu au sujet du baptême, n’ait pu être enlevé. Pour déclarer la nullité de ce mariage, il faudrait, en effet, une preuve certaine ; et, dans le cas envisagé, elle n’existe pas, puisque le doute au sujet du baptême persévère. Pour tous les cas de ce genre, les Congrégations romaines consultées répondent invariablement : Non constare de mdlilate matrimoniî.

Ce n’est pas à dire qu’il conste davantage de la validité du mariage, ab inilio. Dans ces conditions, peut-on dire que ce mariage a été, au commencement, valide in foro interno, si, plus tard, on acquiert la preuve certaine que l’un des deux conjoints n’avait réellement pas reçu le baptême, ou l’avait reçu invalidement ? Quelques auteurs n’ont pas craint de l’aflirmer par la raison que ce cas spécial n’est pas considéré par la loi déterminée par la coutume qui annule le mariage pr opter disparilatem cultus. Cf. Gasparri, Tractatuscanonicus de matrimonio, c. iv, sect. ii, a. 2, S 6, n. 598, t. i, p. 411 ; Leitner, Lehrbuch des kath. Eherechts, p. 291. Mais d’autres auteurs l’ont énergiquement nié, et ont combattu comme évidemment fausse l’opinion contraire. Selon eux, après le baptême de l’un des deux époux, ce mariage devrait être revalidé par la rénovation du consentement réciproque faite selon les règles du droit. Cf. Scherer, Handbuch des Kirchenrechls, p. 374 ; Lebmkubl, Theologia moralis, part. ii, l. I, tr. VIII, De matrimonio, sect. iii, c. ii, S8, ri. 752, t. ii, p. 536 ; Wernz, Jus Decretalium, t. IV, p. 743 sq. ; Acla sanctiv. sedis, t. xviii, p. 160 ; I. xxiv, p. 574.

2. Si c’est avant le mariage de deux catlioliques que survient un doute prudent sur la validité du baptême de l’un d’eux, le remède est facile. Celui dont le baptême est douteux peut et doit se faire rebaptiser sous condition, afin de se procurer le bienfait du baptême, nécessaire de nécessité de mojen pour le salut éternel, et afin de se rendre, en outre, capable

de recevoir les autres sacrements, en particulier celui du mariage dont il s’agit dans le cas proposé. Mais si le mariage est cependant célébré, sans que cette condition ait été remplie, il ne doit pas moins être considéré comme valide, in foro exlerno, du moins par rapport à l’empêcliement de disparité de culte, abstraction faite des autres empêcbements qui pourraient exister, car même ceux qui sont douteusement baptisés sont soumis aux empêchements dirimants établis par les lois ecclésiastiques. S. C. de l’Inquisition, 9 septembre 1868 ; 7 juillet 1880 ; 4 février 1891. Cf. Acla sanctse sedis, t. xxvi, p. 63.

3. Si celui des futurs conjoints dont le baptême est douteux, appartient à une secte dissidente, et refuse de se convertir à la foi catholique, on ne doit pas lui réitérer le baptême, mèmeui ordine ad matrimonium. S. C. de l’Inquisition, 3 et 13 avril 1878. Cf. Archiv fiir katholisches Kirchenrecht, t. xii, p. 180-183.

VII. Cessation de l’empêchement. — 1° En tant qu’il est empêchement dirimant de droit ecclésiastique, l’empêchement de disparité de culte cesse, ij so jure, dès que la partie infidèle se convertit à la foi catholique et reçoit validement le baptême ; ou bien le reçoit validement et sûrement dans une secte chrétienne dissidente.

2° En tant qu’il est empêchement prohibant de droit naturel et divin, l’empêchement de disparité de culte cesse par la disparition du péril prochain de perversion à laquelle la partie fidèle et les enfants à naitre étaient exposés. Pour contracter licitement ce mariage, il faut en même temps aussi une cause grave. C’est à l’autorité ecclésiastique compétente, et non aux intéressés eux-mêmes, qu’il appartient de porter un jugement au sujet de l’absence de danger et de la gravité de la cause qui rend ce mariage licite. Cf. Van de Burgt, Tractatus de matrimonio, in-8°, Utrechl, 1871, p. 130.

VIII. Dispense de l’empêchement. — Même lorsque, dans un cas particulier, l’empêchement prohibant de droit naturel et divin a certainement cessé, l’empêchement dirimant de droit ecclésiastique ne cesse point pour cela ; mais il faut une dispense formelle du souverain pontife, ou d’un prélat ecclésiastique : évoque, vicaire des missions, etc., muni par induit apostolique des facultés nécessaires, soit pour un laps de temps déterminé, soit pour un certain nombre de cas fixé par l’induit lui-même. S. C. de l’Inquisition, 1 er août 1759 ; 11 juillet 1866 ; 18 décembre 1872 ; 12 juin 1882 ; 4 mars 1887 ; 20 février 1888 ; 18 mars 1891 ; 6 juillet 1898 ; S. C. de la Propagande, 28 juillet 1760 ; 30 août 1865. Cf. De Angelis, Prælectioncs juris canonici, l. IV, tit. i, n. 22. t. iii, p. 68 sq. ; Acla theol. Œnip., t. xv, p. 390.

1. L’usage de la dispense n’est licite que dans le cas où sont réalisées les conditions nécessaires indiquées plus haut, et dont mention doit être faite dans la supplique pour l’obtention de la dispense, par quelques-unes des formules suivantes reçues en style de curie : ut cohalitatio non ad ducat contumeliam creatoris ; v. g., sine pobjgamia simultanea ex parte inftdeli ; … nec sit pro parte fideli proximum periculum j erversionis ; … sit obligalio universam prolem in vera religione educandi, neenon curandi conjugis in/idelis conversionem. S. C. de la Propagande, 13 septembre 1760 ; S. C. de l’Inquisition, 15 février 1880. Cf. Ballerini, Compendium theologise moralis, tr. De matrimonio, c. t, a. 2, sect. iii, n. 827 sq., t. il, p. 803 sq. ; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect. VIII, c. iii, dub. ii, n. 1078, t. vi, p. 535 ; Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. iv, sect. ii, a. 2, S 6, n. 612-618, t. i, p. 422, 426 ; De Angelis, PrælecHones juris canonici, I. IV. lit. i, n. 21, t. iii, p. 67 ; H’Annibale, Summula theologise moralis, part. III, 1. III.Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.