Dictionnaire de théologie catholique/DIOSCORE, patriarche d'Alexandrie

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 51-54).
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DIOSCORE, patriarche d’Alexandrie. — Sa conduite vis-à-vis :
I. Des amis et des parents de saint Cyrille.
II. De Théodoret de Cyr.
III. De Flavien de Constantinople.
IV. D’Eutychès.
V. Sa condamnation.

I. Sa conduite vis-a-vis des amis et des parents de saint Cyrille. —

Dioscore, archidiacre de saint Cyrille, avait accompagné le grand évêque au concile d’Éphèse et lui succéda sur le siège patriarcal, en 444. Selon l’usage, il fit part de son élévation aux membres de l’épiscopat, notamment à l’évêque de Cyr et au pontife de Rome. Dans sa réponse, Théodoret, Epist., LX, P. G., t. lxxxiii, col. 1232, témoigne que la renommée des vertus de Dioscore s’était répandue au loin, aux débuts de son épiscopat. Léon le Grand profita de l’occasion pour lui rappeler que l’Eglise d’Alexandrie doit être d’accord avec celle de Rome, tout comme le disciple Marc, qui l’avait fondée, le fut avec son maître saint Pierre. Il lui recommande spécialement l’uniformité de la discipline touchant les ordinations à faire le dimanche et la réitération du sacrifice de la messe, au jour des grandes solennités, pour permettre à tous les fidèles d’y assister. Epist., ix, 1’. L., t. liv, col. 624 sq. Loin de continuer les bons exemples de son prédécesseur immédiat, Dioscore rappelle plutôt le triste souvenir de Théophile. Sa vie privée comme sa vie publique sont loin d’être à l’abri de tout reproche. Même en faisant la part de l’exagération dans les accusations formulées contre lui, il n’en reste pas moins assuré qu’il maltraita indignement les parents et les amis de saint Cyrille et se rendit coupable de plusieurs méfaits dans son diocèse et en Egypte.

A en croire Liberatus, Breviarium, x, P. L., t.i.xvin, col. 992, il commença par extorquer aux héritiers de saint Cyrille d’importantes sommes d’argent pour les prêter sans intérêt aux boulangers et aux cabaretiers d’Alexandrie, dans le but, prétendait-il, défaire distribuer au peuple un meilleur pain et un meilleur vin. Dans sa requête, adressée au concile de Chalcédoine, Mansi, t. vi, col. 1008 ; Hardouin, t. ii, col. 322-323, le diacre Théodose l’accusa de mauvais traitements et d’expulsions à l’égard des amis de son prédécesseur, de meurtres, d’incendies, d’exactions et d’inconduite. Le diacre Ischyrion, Mansi, t. VI, col. 1012 ; Hardouin. t. ii, col. 326-327, soutint qu’il avait intercepté le blé envoyé par les empereurs aux évêques df la Lybie. l’accaparant pour le revendre plus cher en temps de disette et empêchant ainsi, dans cette région, la célébration du sacrifice et le soulagement des pauvres et des étrangers. D’après le même Ischyrion, il avait distribué à des danseuses l’or qu’une pieuse chrétienne avait donné pour de bonnes œuvres. Lui-même avait été réduit par Dioscore à la mendicité ; Dioscore ne s’était pas contenté de saccager son héritage et de faire brûler sa demeure, il avait essayé d’attenter à sa vie dans l’hôpital où il l’avait fait enfermer. In neveu de saint Cyrille, le prêtre Alhanase disait dans sa requête, Mansi, t. VI, col.1028 ; Hardouin, t. ii, col. 332-333 : « Dioscore nous a menacés de mort, mon frère et moi, dès le commencement de son épiscopat, et nous lit quitter Alexandrie pour aller à Constantinople, où nous espérions trouver quelque protection ; mais il écrivit à Chrysaphius et à Nomus, qui gouvernaient alors toutes les affaires de l’empire. On nous mit en prison et on nous maltraita jusqu’à ce que nous eussions donné tous nos meubles. Il nous fallut même emprunter de grosses sommes à usure. Mon frère est mort de ces mauvais traitements, laissant une femme et des enfants chargés de dettes. Quant à moi, il m’a déposé de la prêtrise sans aucun motif. » A cette triple requête, le laïque Sophronius en joignit une quatrième, Mansi, t. VI, col. 1029 ; Hardouin, t. il, col. 336-337, qui n’est pas moins accablante pour la mémoire de Dioscore.

II. Sa conduite vis-a-vis de Théodoret, évêque de Cyr.

A l’extérieur, Dioscore se donna pour l’héritier et le gardien jaloux de l’enseignement antinestorien de saint Cyrille et le défenseur de l’orthodoxie. On 372

verra plus loin comment il entendit et joua son rôle. Ayant ouï dire que, dans tin discours à Antioche, l'évêque de Cyr avait tenu quelques propos qui sentaient le nestorianisme, il le dénonça à son supérieur hiérarchique, Domnus, patriarche d’Antioche. L’accusation était calomnieuse ; et Théodoret protesta en rappelant que jamais évêque n’avait rien trouvé à reprendre dans ses discours, qu’il avait été en relations épistolaires forl amicales avec saint Cyrille et avait anathématisé quiconque déniait à Marie le titre de mère de Dieu, ou prétendait que Noire-Seigneur Jésus-Christ est un pur homme, ou divisait en deux le Fils unique et le premier-né de toute créature. £pisL, lxxxiii, P. G., t. i. xxxiii, col. 1260. « J’ai enseigné, disait-il, six ans sous Théodote, d’heureuse et sainte mémoire, treize ans sous le bienheureux Jean, qui prenait tant de plaisir à m’entendre que souvent il se levait et battait des mains… C’est la septième année de l'évêque Domnus, et jusqu’ici aucun évêque, aucun clerc n’a rien trouvé à reprendre dans mes discours. » lbid., col. 1268. « Quand il (Cyrille) envoya à Antioche ses livres Contre Julien et le traité du Houe émissaire, il pria le bienheureux Jean d’Antioche de les montrer aux docteurs les plus célèbres de l’Orient. Jean me les envoya ; je les lus avec admiration ; j’en écrivis à Cyrille, qui me répondit en rendant témoignage à mon exactitude doctrinale. » lbid., col. 1273. Cette lettre ne satisfit pas le chatouilleux Dioscore, car il persista à tenir pour vraie l’accusation d’hétérodoxie portée par la rumeur publique contre Théodoret ; il alla même jusqu'à louer ceux qui anathémalisaient l'évêque de Cyret lui reprocha lui-même d’avoir accepté une lettre synodique de Proclus, le prédécesseur de Flavien sur le siège de Constantinople, ce qui était méconnaître les droits des sièges d’Antioche et d’Alexandrie. Pour faire valoir tous ces griefs contre Théodoret, il envoya quelques évéques à Constantinople. Epis t., i.xxxvi, P. G., t. lxxxiii, col. 1280.

Sur ces entrefaites éclata l’affaire d’Eutychès. Dioscore profita habilement de la circonstance pour satisfaire ses rancunes, tout en ayant l’air de poursuivre, au nom de l’orthodoxie, les prétendus amis de Nestorius. Maître absolu au concile d’Fphèse, dont l’empereur Théodose II lui avait donné la présidence, et dont une lettre impériale avait soigneusement exclu Théodoret, Dioscore n’hésita pas, au mépris de toutes les lois canoniques, à déposer l'évêque de Cyr, sans l’avoir ni cité, ni entendu. La mesure était par trop criante. Théodoret s’en plaignit à bon droit au pape. Epist., CXIII, P. G., t. lxxxiii, col. 1316 sq. ; P. L., t. LIV, col. 848 sq. Mais il ne put obtenir gain de cause que deux ans après, au concile de Chalcédoine.

III. Sa conduite vis-a-vis de Flavien, patriarche de Constantinople. — En novembre 448, Eutychès, archimandrite d’un couvent de Constantinople, était cite devant un synode présidé par le patriarche Flavien, pour répondre à une accusation d’erreur contre la foi. Adversaire acharné du nestorianisme, il avait fait part à Léon le Grand de son ardeur à combattre Nestorius et son hérésie ; le pape ne put que l’en féliciter. Epist., xx, xxi. /'. L., t. ltv, col. 713-714. Mais son zèle trop peu éclairé l’avait conduit lui-même à professer une erreur opposée. Il s’en tenait strictement à l’expression, dont saint Cyrille avait usé, sur l’autorité de saint Athanase :  ; j.(a <pv<n ; toû Wô'jO Aôyoj nnap/i.vjivi, , une nature incarnée de Dieu le Verbe, et il négligeait les explications correctes qu’en avait données l'évêque d’Alexandrie et qui montraient clairement qu’il avait pris le mot iJ.y. çutcç au sens concret, c’està-dire pour désigner une seule individualité. Intendant, au contraire, cette expression au sens abstrait, Eutychès enseignait un seul Christ de deux natures, â/ 6wo çiiæwv, et non en deux natures, év Sûo cpûseo-r/,

l’humanité ayant été absorbée dans la divinité, les deux éléments concrets, la nature divine et la nature humaine, s'étant fondus en une seule nature mixte. 'O(j.o).ci', '('o ex Biîo çvktcCov Ye Y sv ^ ^ 3ct T0V Kiipiov T)[idiv -00 rîj{ iv(i)T£toç, (j.eta oï ty)v svuxtiv [xt’av çuffiv oij.o>, oytô. Mansi, t. vi, col. 473. Cela sentait l’apollinarisme e( détruisait la notion de l’incarnation. Flavien dut condamner Eutychès et en avertit le pape. Epist., xxii. P. L., t. liv, col. 721. Eutychès, de son côté, se plaignit à saint Léon d’avoir été injustement condamné. Sur la demande du pape d’avoir des renseignements circonstanciés, Flavien écrivit : « Eutychès, voulant renouveler les hérésies d’Apollinaire et de Valentin… a soutenu qu’avant l’incarnation il y avait deux natures en Jésus-Christ, la nature divine et la nature humaine, mais que, après l’union, il n’y a plus qu’une seule nature…, que son corps, pris de Marie, n’est pas de notre substance ; il l’appelle bien humain, mais il nie qu’il soit consubstantiel à sa mère et à nous. » Epist., xxvi, ibid., col. 746.

Mais Eutychès s'était adressé en même temps a Dioscore, Liberatus, Breviarium, XII, P. L., t. i.xviii, col. lOOi ; et celui-ci vit là une excellente occasion de s’immiscer dans les affaires religieuses de Constantinople ; il prit donc fait et cause en faveur de l’hérétique. D’accord avec le chambellan Chrysaphius, protecteur d’Eutychès et ennemi de Flavien, il obtint de Théodose II la convocation d’un concile pour reviser la sentence de l'évêque de Constantinople. L’empereur convoqua ce concile à Fphèse pour le 1 er août 449, en exclut nommément Théodoret de Cyr, y appela Barsumas, un ami d’Eutychès, pour y représenter tous les archimandrites d’Orient, et en confia la présidence à Dioscore. Mansi, t. VI, col. 587-600. Celui-ci, entre autres documents, y fit lire ce qui avait été décidé au concile œcuménique d'Éphèse, notamment un décret qui interdisait, sous peine de déposition et d’anathème, soit de composer, soit d’employer une formule de foi autre que celle de Nicée, et il donna à entendre que le sens d’un tel décret était qu’on ne devait rien dire, ni discuter que dans les termes mêmes du symbole de Nicée. Flavien, y ayant contrevenu dans la condamnationd’Eutychès, devenait passibledes peines indiquées ; en conséquence il devait être privé de toute dignité sacerdotale et épiscopale : ce fut la conclusion de Dioscore. Mais quelques évéques trouvèrent que c'était aller trop loin ; les envoyés du pape protestèrent énergiquement ; Flavien récusa la sentence dont on le menaçait et le juge qui la portait. Dioscore, recourant alors aux menaces et aux violences, fit signer de force tous les évéques sur papier blanc, brutalisa ou laissa brutaliser Flavien et le fit exiler. Quelques jours après, sur le chemin de l’exil, à llypepe, en Lydie, l'évêque de Constantinople mourait des suites des coups qu’il avait reçus au concile ; dolore plagarum, dit Liberatus, Breviarium, xix. Dioscore s'était conduit en « brigand ; » plus tard, à Chalcédoine, on lui reprocha avec raison la mort de Flavien. En attendant, le pape Léon I er, instruit par son légat, le diacre Hilaire, des iniquités et des ignominies qui s'étaient commises à ce concile d’Ephèse, qualifia ce concile de « brigandage ; » et c’est ce qualificatif de flétrissure qui lui est reste dans l’histoire.

IV. Sa conduite a l'égard d-'Eutychès. — Dioscore, dans ce trop célèbre concile, ne se contenta pas seulement de condamner injustement Flavien, de reviser la sentence et de casser le jugement porté contre Fufychès. de réintégrer l’archimandrite et ses moines, il pactisa de plus formellement avec le nouvel hérétique, ratifia sa doctrine et la lit adopter par les évéques asservis. Il fit lire, en effet, les actes du synode de Constantinople, qui comprenaient, entre autres, deux lettres de saint Cyrille, où la distinction des deux natures dans le Verbe

incarné était nettement affirmée, ce qui suffisait à justifier pleinement la condamnation d’Eutychès par Flavien ; mais Eustathe de Iïéryte fit observer que, dans d’autres lettres, le même Cyrille n’avait parlé que d’une seule nature du Verbe incarné. Et quand on arriva au passage des autres où Eusébe de Dorylée, le dénonciateur d’Eutychès, avait mis l’archimandrite en demeure de confesser deux natures en Jésus-Clirist et de reconnaître que Jésus-Christ nous est consubstantiel selon la chair, le concile, répondant aux crux intimes de son président, s'écria : « Qu’on enlève Eusébe ! qu’on le brûle ! qu’il soit mis en deux ! comme il a divisé, qu’on le divise ! » Et Dioscore alors de proposer l’anathème contre quiconque soutiendrait qu’il y a deux natures en Jésus-Christ après l’incarnation. Ainsi fut fait. Dans la profession de foi qu’il avait faite devant Flavien, Eutychès avait prolesté s’en tenir strictement au symbole de Nicée, sans y rien ajouter, sans en rien retrancher, comme l’avait prescrit le concile œcuménique d'Éphèse, en 421 ; il avait anathématisé Manès, Valentin, Apollinaire, Nestorius. Mais, sur ses lèvres, une telle profession de foi restait équivoque et ne répondait nullement à la question de savoir s’il était indemne de l’hérésie qu’on lui reprochait. Dioscore pouvait l’accepter et la prendre à son compte ; il fit du niuins cesser l'équivoque en ajoutant que, lui aussi, tout comme Eutychès, n’admettait qu’une seule nature dans le Verbe incarné. Il embrassa donc sans réserve l’eutychianisme ou monophysisme.

V. Sa CONDAMNATION AU CONCILE DE CHALCÉDOINE. —

Après l’abus de son pouvoir discrétionnaire au concile d'Éphèse, ratifié par le pouvoir impérial, le triomphe de Dioscore semblait assuré. Il se hâta de faire nommer « t de consacrer Anatolius à la place de Flavien ; il n’hésita même pas à excommunier le pape. Mansi, t. vi, col. 1009, 1 148 ; t. vii, col. lOi. Mais la mort de Théodose et l’avènement de Marcien changèrent la face des choses. Le pape saint Léon n’avait pas tardé- à rendre justice à Flavien, Epist., XLIII-XLIV, V. L., t. i.iv, col. 821-832 ; à plusieurs reprises, il avait vainement réclamé de la part de Théodose la convocation d’un concile en Italie pour réparer les iniquités commises à Éphèse, lorsque le nouvel empereur lui annonça la réunion d’un concile en Orient et l’invita à aller le tenir. EpisL, lxxvi, /'. L., t. i.iv, col. 904. A ce moment-là, le pape aurait préféré différer quelque temps cette réunion, Epist., i.xxxiii, ibid., col. 919920 ; mais, apprenant que l’ordre de convocation avait été lancé, il s’empressa de désigner et d’envoyer ses légats, Epist., LXx’iu, ibid., col. 927-930, avec mission de rétablir la paix en Orient, d’apaiser toutes les discussions dogmatiques, de condamner les erreurs de Nestorius et d’Eutychès, de rétablir sur leurs sièges les évêques injustement déposés, de frapper ceux qui s’obstineraient dans l’hérésie, et de ne pas tolérer que Dioscore parût au concile comme juge, mais seulement comme accusé. Le concile, d’abord fixé à Nicée, se réunit à Chalcédoine, le 8 octobre 451. C’est à la l, e session qu’on fit lire les actes du « brigandage » d'Éphèse ainsi que ceux du synode de Conslantinople. Les commissaires impériaux, représentant Marcien, n’eurent pas de peine à constater par la lecture qu’ils firent faire de ces actes ainsi que par l’aveu de quelques-uns des chefs du concile d'Éphèse que Flavien, « de sainte mémoire, » et Eusébe de Dorylée n’avaient pas erré en matière de foi et qu’ils avaient été injustement condamnés. En conséquence, dirent-ils, il est juste que, selon le bon plaisir de Dieu et de l’empereur, l'évoque d’Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Thalassius de Césarée, Eusébe d’Ancyre, Eustathe de Béryte et Basile de Séleucie, qui eurent les premiers rôles au concile, subissent la même peine et soient privés de la dignité épiscopale, selon les canons. Les

évêques d’Orient s'écrièrent : Ce jugement est juste ; Jésus-Christ a déposé Dioscore, il a déposé l’homicide. Ilardouin, t. il, col. 272.

A la iiie session, le 13 octobre, en l’absence des commissaires impériaux, on jugea l’affaire de Dioscore. Eusébe de Dorylée avait présenté, en effet, une requête contre l'évêque d’Alexandrie, dans le but de faire casser tout ce qu’il avait fait contre lui et Flavien à Éphèse, de faire confirmer la vraie doctrine par la condamnation de l’hérésie d’Eutychès et de faire subir <à Dioscore le juste châtiment des crimes dont il avait été convaincu par la lecture des actes. Dioscore, exclu depuis la première session, fut cité par deux fois à comparaître. Il s’y refusa, en alléguant divers motifs, entre autres l’absence des représentants de l’empereur. Entre temps on lut d’autres requêtes contre le même Dioscore, celles des diacres Théodore et Ischvrion, du prêtre Athanase et du laïque Sophronius, tous d’Alexandrie. Nous avons signalé les accusations graves qu’elles renfermaient. Les Pères n’hésitèrent pas à faire citer une troisième et dernière fois le patriarche. Sur son refus persistant de comparaître, les trois légats du pape prononcèrent cette sentence : « Les excès commis contre les saints canons et la discipline ecclésiastique par Dioscore, ci-devant évéque d’Alexandrie, sont manifestes par tout ce qui a été dit, tant dans la séance précédente que dans celle-ci. lia reçu irrégulièrement à sa communion Eutychès, régulièrement condamné par son évâque. Il persiste à soutenir encore ce qu’il a fait à Éphèse et s’en glorifie au lieu d’en gémir et de s’en humilier. Il n’a pas permis de lire la lettre de l'évêque Léon à Flavien. Il a même excommunié le pape… On a présenté contre lui plusieurs plaintes au concile ; il a été cité jusqu'à trois fois et il n’a pas voulu obéir. C’est pourquoi le saint archevêque de Rome, Léon, par nous et par le présent concile… l’a dépouillé de la dignité épiscopale et de tout ministère sacerdotal. »

Le 17 octobre suivant, à la quatrième session, Juvénal, Thalassius, Eusébe, Eustathe et Basile, exclus depuis la première session pour la part qu’ils avaient prise au brigandage d'Éphèse, furent admis et réintégrés, parce qu’ils avaient reconnu leurs torts et accepté la lettre du pape Léon. Dioscore seul resta définitivement condamné. Ilardouin, t. ii, col. 413. Il fut relégué à Gangres, en Paplilagonie, où il mourut en 454. M-insi, t. vii, col. 17.

Dioscore n’a pas laissé- d'écrits. Les prétendus Récits tic Dioscore, exilé d Hongres, sur le concile (le Chalcédoine, en copte, traduits en partie parRévillout dans la Revue égyptologique, Paris, 1880, t. i, p. 187-189 ; 1882, t. ii, p. 21-25 ; 18, x : {, t. iii, p. 17-24, et intégralement par Amélineau, Monuments pour servir o l’histoire de l’Egypte chrétienne aux iv et V siècles, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française ou Cotre, Paris, 1888, t. iv, p. 165-195, sont l'œuvre de quelque moine monophysite : impossible de croire à leur authenticité, moins encore à leur véracité. En revanche, Dioscore a facilité l’implantation du monophysisme en Egypte et a laissé un disciple digne de lui, Timothée Aelure, qui se fit sacrer évéque d’Alexandrie par le parti monophysite, en 457, composa un pamphlet contre le pape saint Léon et le concile de Chalcédoine, inscrivit le nom de Dioscore dans les diptyques et eut pour successeur Pierre Monge. Désormais, grâce à Dioscore, le grand siège d’Alexandrie a perdu de son éclat et de sa gloire ; l’Egypte est devenue pour longtemps l’un des principaux foyers du monophysisme et le théâtre d’incessantes querelles théologiques, d’ardentes compétitions religieuses ; l'œuvre des Denys, des Athanase et des Cyrille a été compromise par leur indigne successeur, qui se perdit par les excès de son ambition et de

ses violences non moins que par ses compromissions avec l’hérésie eutychienne.

Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, l’aris, 1700-1710, t. xv, passim ; Ceillier, Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastupies, Paris, 1831, t. x, p. 669-690 ; Hefele, Conciliengeschichte, Fribourg-cn-Brisgau, 1856, t. H, p. 392-545 ; trad. Leclercq, t. ii, p. 669 sq. ; Largent, Études d’histoire ecclésiastique, Paris, 4892, p. 141217 ; Dictionary of Christian biography, de Smitli et Wacc, Lundres, 1877, art. Dioscorus ; Kirchenlexikon, 2- édit., Fribourg-en-Brisgau ; Realencijklopàdie fur protest. Théologie und Kirche, 3’édit., Leipzig, 1896 ; F. Nau, Histoire de Dioscore et de son disciple Théophiste dans le Journal asiatique, 1903.

G. BAREILLE.